Les humours jaunes
La production romanesque de Joaquín Belda
p. 91-109
Texte intégral
1Pour qui cherche à étudier les relations entre humour et ironie, la production littéraire de Joaquín Belda (Cartagena, 1883 — Madrid, 1935) offre un objet d’étude particulièrement intéressant. « Joaquín Belda es, sin disputa, uno de los escritores más discutidos de España y, sobre todo, uno de los que más éxito han alcanzado en la venta de sus obras y en el núcleo de lectores » : rien mieux que cette présentation liminaire signée par Artemio Precioso, directeur de l’une des principales collections littéraires des années 20 en Espagne, ne saurait résumer l’identité littéraire controversée d’un des auteurs les plus lus de son temps. Et pourtant, au panthéon des écrivains du début du xxe siècle, il n’est pas sûr que Joaquín Belda occupe une place privilégiée, ce qui ne l’étonnerait sans doute guère, lui qui déclarait :
Mi literatura no me entusiasma, aunque comprendo que los hay peores; le estoy muy agradecido porque me ha dado de comer durante muchos años, aunque, desde luego, no me ha dado a ganar todo lo que yo quisiera1.
2Parrainé par un autre grand nom de la littérature humoristique, Juan Pérez Zúñiga2, il fait irruption dans l’arène des lettres avec La suegra de Tarquino, roman qui d’emblée donne le ton d’une production qui s’échelonnera sur une trentaine d’années et qui, outre de nombreux romans, comptera quantité de contes et nouvelles publiées dans les collections littéraires de l’époque.
3Lorsque Joaquín Belda commence à publier dans les collections hebdomadaires et les maisons d’édition espagnoles, le « lecteur ordinaire »3 est abreuvé de ces « naturalismes à base d’alcool iodé »4 que l’écrivain n’aura de cesse de dénoncer. La fin du xixe siècle avait vu le triomphe éditorial d’une littérature qui exploitait le filon littéraire et commercial de la thématique de la femme perdue, déclinée dans tous les registres5. Mais la qualité très inégale de cette abondante production lui a valu de nombreuses critiques, tout particulièrement au début du xxe siècle. Le phénomène peut sans doute s’expliquer comme une réaction à sa présence envahissante dans le monde des lettres et à l’absence de renouvellement qu’il est aisé de constater. De fait, les débuts littéraires de Joaquín Belda s’inscrivent dans le cadre d’un certain essoufflement du roman naturaliste fortement orienté vers des problématiques sexuelles et, de façon plus générale, dans un contexte d’épuisement du roman qui affecte d’ailleurs tout autant la France6 :
La crise du roman remonte au début du siècle, quand la veine créatrice du réalisme et du naturalisme paraît épuisée, et que la critique, nostalgique des grandes œuvres du passé, déplore sans cesse la médiocrité des romans des premières décennies de ce siècle. La prolifération des récits reproduisant les mêmes schémas crée l’impression de la dégradation du genre, de sa prostitution même, car les livres les plus appréciés sont ceux qui rapportent des aventures sentimentales, galantes ou érotiques, même si la moralité, parfois équivoque, finit toujours, au dénouement, par respecter les codes de la morale bourgeoise7.
4Au moment de porter un regard — oblique8 ? — sur le rapport qu’entretiennent humour et ironie dans l’œuvre romanesque de Joaquín Belda, il convient, au préalable, de soumettre les deux notions à quelques réflexions théoriques pour ensuite questionner les intentions de l’auteur. Inévitablement, cette œuvre sera à envisager au sein d’un ensemble qui est celui de la littérature espagnole des trois premières décennies du xxe siècle.
I. — HUMOUR ET IRONIE
Les notions terribles
5Si l’on prend en compte les publications récentes sur l’humour, force est de constater que la liste des ouvrages sur le sujet est longue, comme si le concept résistait aux assauts répétés de tous ceux qui, un jour, ont tenté de le définir9. Dans cette quête, en cherchant à dépasser l’aporie sur laquelle débouchent ces nombreuses tentatives, les auteurs ont souvent eu recours à des notions voisines et, tout particulièrement, celle de l’ironie. Les deux concepts ont manifestement partie liée et, selon Jankélévitch, toute leur différence tiendrait au degré d’acidité susceptible d’être apprécié dans un énoncé :
L’humour […] n’est pas sans la sympathie. C’est vraiment le « sourire de la raison », non le reproche ni le dur sarcasme. Alors que l’ironie misanthrope garde par rapport aux hommes l’attitude polémique, l’humour compatit avec la chose plaisantée ; il est secrètement complice du ridicule, se sent de connivence avec lui.
[…] L’humour, c’est l’ironie ouverte : car si l’ironie close ne désire pas instruire, l’ironie ouverte est finalement principe d’entente et de communauté spirituelle10.
6Déjà, au début du xxe siècle, Luigi Pirandello avait évoqué cette disposition d’esprit qui permet de distinguer l’humour et, en particulier, il attribuait la différence essentielle entre humour et ironie à une « disposition d’âme singulière » chez l’écrivain, même si la conclusion au premier chapitre de son ouvrage met surtout en évidence la relativité des définitions produites11. Parmi les critères discriminants entre humour et ironie, la différence de posture entre humoriste et ironiste reste prééminente : « Au rebours de l’humour, l’ironie qui tient plus de la figure de style que de l’attitude existentielle, n’engage pas la personnalité de celui qui la manie »12. L’enjeu réside manifestement dans l’appréciation de l’implication du locuteur comme le montre également l’analyse que fait Pierre Boudon de ces deux notions :
L’humour, contrairement à l’ironie, n’est pas orienté vers l’interlocuteur mais vers le propos énoncé ; c’est pourquoi il n’est pas agressif mais exprime une distance, une opinion personnelle à laquelle l’allocutaire peut ou non adhérer. […] Où situer alors l’ironie ? Elle est bien sûr proche de l’humour en ce que tous deux usent d’un double sens, du détachement du locuteur vis-à-vis de ce qu’il énonce ; mais elle est aussi du côté de la moquerie en ce qu’elle permet d’être polémique, en ce qu’elle interpelle l’allocutaire (ce que l’humour ne fait pas ; disons plus précisément que l’ironie laisse entendre qu’on interpelle l’allocutaire)13.
7Malgré leur proximité, il reste une différence significative, celle d’un point de vue différent de l’auteur qui détermine deux types de communication, certes proches, mais avec leur spécificité respective :
L’ironiste, afin que son auditeur comprenne qu’il fait de l’ironie, doit opérer à l’intérieur d’une vision du monde et d’une échelle de valeurs communes. L’humoriste, en revanche, ruine nos critères de jugement, parce qu’il nous parle d’un ailleurs non-localisable et dont nous n’avons pas la clef14.
Joaquín Belda : humoriste et / ou ironiste ?
8Joaquín Belda permet également d’observer le fonctionnement des catégories d’écrivains qui fait que l’appartenance à telle ou telle soit exclusive des autres. Ainsi, l’écrivain humoriste semble-t-il définitivement étiqueté, sans espoir de rédemption possible, et l’exemple de J. Belda illustre parfaitement les effets de cette ségrégation littéraire puisque l’ensemble de son œuvre se place sous l’égide d’un humour décapant. En effet, J. Belda est avant tout l’écrivain qui, avec La suegra de Tarquino, a provoqué une véritable émeute à la Bibliothèque Nationale de Madrid prise d’assaut par des hordes de lecteurs impatients ; c’est encore celui qui, avec La Coquito, a surpris son lecteur avec un catalogue des perversions sexuelles susceptible de rivaliser avec celui de Krafft Ebing15, et c’est enfin celui qui, semaine après semaine, séduisait les lecteurs des collections littéraires de son temps avec des nouvelles dont la seule ambition était de leur offrir des lectures divertissantes16.
9Si l’humour s’accommode bien du cadre de la nouvelle ou du conte17, il n’est pas aussi facile à manier au fil des nombreuses pages d’un roman. D’autre part, en matière de lecture, la forte demande émanait des collections qui, chaque semaine, réclamaient une nouvelle inédite pour satisfaire des lecteurs toujours plus nombreux et avides de lectures divertissantes, mais le roman restait, cependant, un calibre de référence pour tout écrivain digne de ce nom. Même si le risque était particulièrement grand de passer de la soixantaine de pages des nouvelles publiées dans les collections aux 250 ou 300 pages, le catalogue des romans de Belda est fourni. Publiés principalement chez Renacimiento et chez Hispania — La suegra de Tarquino voit le jour chez l’éditeur Francisco Beltrán —, ces ouvrages sont de volumes fort divers : de 120 pages pour Memorias de un somier ou 122 pages pour Función de gala à plus de 250 pour El compadrito, La suegra de Tarquino, ¡Saldo de almas !, La revolución del 69… et même 300 pages pour El pícaro oficio. Leur lecture présente aussi un intérêt immédiat très inégal. El faro de Biarritz semble briller surtout par son inconsistance : page après page, le narrateur égrène les aventures amoureuses et les déboires biarrots de son antihéros. Dans Memorias de un somier, il est évident que l’humour naît dès les premières lignes de l’autobiographie d’un meuble qui « vin (o) a la vida en una fábrica de jergones metálicos » et qui, par son statut privilégié, est en mesure de raconter son existence de témoin et voyeur de comportements amoureux au fil de chapitres qui correspondent aux différents propriétaires qu’il a connus.
10L’argument éditorial retenu le plus souvent pour convaincre les lecteurs a été l’humour, censé caractériser les pages de l’écrivain, comme permettent d’en juger ces quelques exemples d’encarts publicitaires parus dans La Novela de Hoy :
Joaquín Belda acaba de publicar su novela más graciosa, picante y atrevida: La cuñada de Tarquino — 6 pesetas — CIAP — Librería Fernando Fe, Puerta del Sol, 15 — Madrid
Me acuesto a las ocho — En lo humorístico, pocas novelas alcanzan el interés, la gracia y la intención picante de este sensacional relato, ya traducido al inglés. — 5 ptas — « Compañía Ibero Americana de Publicaciones », Librería Fernado Fe, Puerta del Sol, 15 - Madrid
11En revanche, l’accueil de la critique a été des plus réservés et surtout des plus tranchés. Si le bref compte rendu publié dans El Cuento Semanal (1910) lors de la parution de ¡Saldo de almas ! et Memorias de un suicida célèbre la légèreté de la prose de Belda, R. M. Tenreiro se montre nettement plus critique dans son appréciation de Memorias de un suicida :
Anúnciasenos este libro como novela cómica. Como a tal la leemos. Gracia en el asunto, no sabemos encontrarla por ninguna parte: allí no hay enredos agudos, chistosos lances, ni cosa parecida. Lo que acontece es insípido e inverosímil. Tipos graciosos no aparecen tampoco; las figuras, sin relieve alguno, no se distinguen entre sí más que en el nombre18.
12Au passage, on note que les critères d’évaluation du roman comique, selon R. M. Tenreiro, ne prennent en compte à aucun moment la posture d’énonciation. Plus tard, Joaquín Belda ne trouvera pas davantage grâce aux yeux d’Eugenio de Nora qui résumera son activité littéraire sans concession aucune :
Belda urde fábulas completamente inverosímiles, cuya única finalidad parece ser el provocar la carcajada grosera, el regüeldo sexual. Apenas pueden recordarse, en el fácil amontonamiento de sus libros (pues fue escritor de cierta fecundidad), algún rasgo aislado de gracia, algún fragmento informado de un sentido aceptable del humor, alguna obra (El pícaro oficio, 1914) cuyo peso específico literario sobrenade en el agua de borrajas de la pornografía mercantil19.
13Seul Rafael Cansinos Assens perçoit dans cette oeuvre une dimension parodique qui la sauve de l’inanité et invite à une autre lecture de ces textes qui défrayèrent la chronique en leur temps : « Joaquín Belda representa el erotismo burlesco […]. Este formidable humorista, ha escrito con La suegra de Tarquino y con La Coquito, el Don Quijote exterminador de esos otros libros de caballería eróticos »20. Joaquín Belda était parfaitement conscient de ces difficultés de réception et les interviews qu’il donnait, en particulier dans La Novela de Hoy, reflètent bien ce sentiment d’incompréhension dont il s’estimait victime : « Al público le estoy cada día más agradecido. A los compañeros, salvo excepciones, les reprocho el que no saben leerme o no se quieren enterar »21. Ces différents commentaires invitent à une réflexion sur cette écriture polémique qui passe par l’analyse de ce que, reprenant les termes de Philippe Hamon, on peut appeler une poétique de l’écriture oblique22 : « Ainsi cette “obliquité” […] pourrait bien être, notamment, l’un des invariants structurels du discours ironique, à la fois signal (pour le complice) et arme biaise (pour attaquer la cible) »23.
II. — POÉTIQUE DE L’ÉCRITURE OBLIQUE
L’étiquetage décalé
14Pour Daniel Sangsue, « Le titre, le sous-titre, les indications de genre, les éventuelles épigraphes ou dédicaces sont intéressants à observer pour déterminer comment le texte parodique affiche ou déguise son jeu, capte l’attention du lecteur, le met sur la piste de ses hypotextes ou au contraire les lui cache, et pour percevoir à quels modèles il adhère »24. C’est bien à partir de ces caractéristiques que J. Belda dynamite le dispositif romanesque susceptible de créer les conditions de l’illusion réaliste. D’emblée, il chahute les catégories en proposant des appellations nouvelles : romans de mauvaises mœurs pour La suegra de Tarquino, roman psychologique pour ¡Saldo de almas !, roman communiste pour La revolución del 69 ; ou bien encore il invente les mémoires d’objets inanimés qui trouvent une âme sous la plume de l’écrivain : Memorias de un somier. Ce « péritexte et ses signaux »25 permettent de déterminer le pacte de lecture et d’orienter la démarche du lecteur en le préservant du contresens. Dans ¡Saldo de almas !, Aperitivo, adresse en guise de prologue, interpelle le lecteur pour lui expliquer les choix de l’auteur en matière de roman. Très clairement, Belda y annonce son intention d’imiter les grands noms du roman psychologique à la mode, mais le ton qu’il adopte ne dissimule rien des intentions iconoclastes qui sont les siennes. Dans ce prologue, il rappelle les circonstances de son passage à l’écriture en les associant à l’évocation de son menu ce jour-là26, et justifie son projet à l’aide de formules qui rabaissent l’acte de création au rang d’activité purement commerciale : « En esta época y en este ambiente, todo escritor que no sea un suicida tiene que ser un analizador de almas ». Cependant, cet « écrivain-psychologue » n’a droit qu’à son mépris, comme le suggère la réflexion d’un personnage de Faro de Biarritz : « Parece usted un novelista de esos llamados psicólogos, que no conciben un diálogo entre hombre y mujer sin la colaboración del bidet… »27.
15Lorsqu’il se lance dans la rédaction de La Coquito, c’est au roman érotique qu’il s’attaque avec, comme référence implicite, l’ouvrage de Krafft Ebing28. Comme le rappelle A. Sánchez Álvarez Insúa : « Las risas producen distanciamiento : erotismo y pornografía hay que redactarlos “en serio” »29. Ce constat sera merveilleusement bien illustré dans le titre d’un roman de Enrique Jardiel Poncela, Amor se escribe sin hache, publié en 1928, où l’on trouve une déclaration bien dans l’esprit des romans de Joaquín Belda : « Las novelas de amor “en serio” sólo pueden combatirse con novelas de amor “en broma” », immédiatement complétée par un projet littéraire en bonne et due forme : « Hay que reírse de las novelas de amor al uso. Riámonos. Lancemos una carcajada de cuatrocientas cuartillas »30. De son côté, Álvaro Retana, autre écrivain à scandale de l’époque, présentait Belda en 1933 en insistant également sur l’incompatibilité entre érotisme et humour :
Joaquín Belda no puede ser considerado como un novelista erótico. Se ha dicho que es escritor « muy verde », y, o yo no entiendo de colores, o yerran quienes de tal le califican en el sentido que se da a esta frase: de « cachonderie » (sic). Empieza Belda por tomar el acto sexual a chacota, y cuando un novelista se expresa humorísticamente sobre el amor físico, lejos de espolear los sentidos del lector, lo que hace es aquietarlos31.
16Il est facile de vérifier l’effet de cette distance instaurée par le langage humoristique en prenant l’exemple d’une scène entre un « tobillero » et sa « tobillera » dans le roman du même nom :
De vez en cuando abrazaba a mano abierta la cabellera de Lolín y se la llevaba a la boca, la besaba, le gustaba como quien saborea un plátano tierno, se cubría con ella la cara y, puesto a modo de corbata, doblaba sobre ella el cuello, sintiendo la caricia de una piel fina en un día de frío32.
17Difficile pour le lecteur d’éprouver un quelconque émoi à la lecture de cette cascade de comparaisons saugrenues !
18En el país del bluff. Veinte días en Nueva York offre un pastiche de roman de voyage aux lecteurs espagnols. Si l’on considère que « le voyage humoristique se définit contre le voyage traditionnel » et qu’il est « inutile d’ajouter que le voyageur humoristique cultive une vision du monde imprégnée d’humour, un ton rieur et volontiers moqueur, et que le voyageur sérieux est pour lui la première source de raillerie »33, on comprend tout le parti qu’il est possible de tirer de ce genre de pastiche. Pour Joaquín Belda — qui, dans ce texte, revendique le statut de narrateur —, c’est l’occasion d’une critique indirecte de la situation espagnole, mais aussi de l’enthousiasme disproportionné de l’Espagne vis-à-vis des États-Unis, pays somme toute peu différent quand on considère l’attitude vis-à-vis du travail : « Y puedes creerme, lector, yo no te engaño ; tampoco en ninguna parte se abusa más del vuelva usted mañana que en ese bendito país de la actividad »34.
« La métaphore de la sole »
Encore une métaphore alimentaire ?
C’est que comparer un personnage à de la bouffe reste le meilleur moyen de le rendre appétissant35.
19La présence de métaphores et de comparaisons inattendues constitue un indice du discours humoristico-ironique : « la métaphore (ou ses variantes plus “expansées”, l’analogie ou la comparaison) est certainement le signal, le lieu, et le véhicule privilégié de l’ironie »36. À ce jeu, Joaquín Belda supplante largement ses contemporains, comme le montre l’étude de M. Martínez Arnaldos sur le recours à la métaphore dans les nouvelles de Joaquín Belda. La métaphore et la comparaison sont les tropes les plus utilisés par l’écrivain qui ainsi fait surgir l’humour dans des rapprochements cocasses, « trouvailles saugrenues qui nous font regarder les êtres autrement »37. Dans les romans, tout comme dans les nouvelles, l’humour est surtout présent dans les comparaisons et métaphores qui émaillent le texte. On ne peut résister à ces rapprochements en apparence incongrus mais, en fait, redoutablement efficaces. Qu’on en juge par cet assortiment pris presque au hasard des pages :
Aquella mujer que había sido en la capital de España el Cristobal Colón de los bidets38.
Me aburro como un percebe de La Coruña39.
Marinette, hasta entonces, había añadido a sus muchos encantos el de ser menos celosa que el colchón de una casa pública40.
En el Moto-Club de la calle de Sevilla reuníase a diario una peña de amigos de la que era alma el chico de Villalón, y a la que asistía, con una asiduidad de fiebre de Malta, el hijo de un alto empleado de la Dirección de Bellas Artes41.
La Providencia —esa Celestina gratuita— intervino en favor de ambos42.
20Bien entendu, métaphores et comparaisons culinaires sont légion :
[Los pechos] temblaban como flanes recién hechos43.
Pepita era más apetitosa que un queso de bola sin empezar44.
Los labios gordetones y rojos como sandías recién caladas45.
Su belleza dulzurona de chantilly46.
La concurrencia era aquel día más espesa que un chocolate a la española47.
21Suivant l’exemple de Joaquín Belda, Enrique Jardiel Poncela, autre écrivain humoriste, dira : « El amor es como la salsa mayonesa : cuando se corta hay que tirarlo y empezar otro nuevo »48, prouvant à son tour la rentabilité de ce filon. Cependant, on ne peut rendre compte de l’humour et de l’ironie d’un texte en dressant simplement un catalogue des métaphores ou autres figures qui sont, toutefois, autant d’indices d’une écriture humoristique, car, bien entendu, « un texte ironique n’est pas une succession de calembours ou de traits d’esprit juxtaposés et isolables, et l’ironie globale dont traitera le littéraire ne saurait être réduite à un échantillonnage de phrases ironiques, à la somme des figures locales de l’ironie »49. De même, le jeu avec l’onomastique ne peut être considéré que comme un indice ponctuel d’humour et d’ironie50. Ceci est d’autant plus vrai, que Joaquín Belda invite son lecteur à considérer son œuvre avec tout le sérieux qu’elle mérite. Il faut voir dans la réflexion que Belda fit à Rafael Cansinos Assens, lors de leur première rencontre, plus qu’une simple anecdote : en lui conseillant la lecture de El pícaro oficio, J. Belda dévoilait sa posture d’écrivain par-delà l’image d’humoriste qu’il pouvait renvoyer51, et ceci mérite approfondissement.
III. — LE LECTEUR
Le lecteur de Belda
22À mi-chemin entre pastiche et parodie, c’est bien à une mise à distance — par le biais de l’humour — de l’écriture romanesque et des principaux types de romans — psychologique, sentimental, d’apprentissage, de mœurs, de voyage, du lupanar… — que Joaquín Belda invite ses lecteurs. Cette proximité entre ironie, pastiche et parodie est d’ailleurs bien suggérée dans ces lignes de Philippe Hamon :
Poussée à l’extrême, on pourrait peut-être aller jusqu’à dire que tout fait d’ironie tend au pastiche ou à la parodie : en effet, le plus efficace procédé pour disqualifier autrui consiste sans doute à le disqualifier dans son rapport au langage et à ses règles, en les dénudant dans leur aspect « mécanique » et répétitif, là où l’autre croyait justement avoir fait acte de style original52.
23Par ailleurs, l’humour, pour exister, suppose un récepteur en parfaite résonance avec l’émetteur. Ainsi donc, très vite se pose la question de la réception de l’œuvre parodiée. Daniel Sangsue rappelle les étapes que Geneviève Idt donne comme nécessaires : « il faut que le lecteur reconnaisse la présence, dans un texte, d’un autre texte ; qu’il identifie cet hypotexte et qu’il mesure l’écart existant entre cet hypotexte et le texte parodique »53. Le danger d’une mauvaise réception est également pointé par R. Pérez à propos de la production romanesque d’Enrique Jardiel Poncela :
El género en el que podía expresar, sin temor al « pateo » envidioso, su íntima actitud frente al mundo y la vida, con la seguridad de que siempre habría entre los lectores almas gemelas que pudieran comprenderle en profundidad. Lectores inteligentes que no se iban a quedar en el cascarón del chiste gracioso, sino que interpretarían lo que en último término expresa la novelística jardielesca: la acre y fragmentada cosmovisión de su autor. La novela de humor se convierte así en código para iniciados54.
24Dans le cas de Joaquín Belda, cette prise de conscience est d’autant plus facile pour le lecteur que le narrateur lui donne les clefs de lecture, comme dans ces lignes qui commentent l’œuvre de don Santiago Chorizo, auteur de 56 romans :
Sólo queremos decir dos palabras acerca de la principal, de la obra cumbre, de la que coronó la fama de nuestro gran novelista, y que la valió ser llamado por un crítico que le debía dinero, el Flaubert español. Me refiero a Espuertas de corazones… Todo el mundo sabe que con esta obra se consagró Chorizo como el primer novelista psicológico de nuestra época. Han pasado pocos años, pero las cosas, gracias a Dios y gracias también a nosotros, han variado mucho; se entendía entonces por psicología, en nuestra literatura, unas divagaciones a base siempre de menta y estupidez en que se nos hablaba del corazón de la mujer como de un terreno de barbecho, en que los novios o los amantes iban sembrando sus concupiscencias; la consecuencia última de toda esta psicología no podía ser más luminosa: la mujer es voluble como una pluma y pérfida como la onda55.
25L’exigence ainsi faite au lecteur de Belda serait la parfaite connaissance des codes narratifs en vigueur et le partage, avec l’auteur, d’un certain patrimoine littéraire. Le lecteur assidu des collections de l’époque a très certainement acquis, de façon plus ou moins intuitive, ces connaissances et peut entrer dans le jeu que lui propose l’écrivain. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre l’incipit de ses romans qui refusent le code réaliste56, ou d’observer le jeu avec les conventions implicites de ce même roman réaliste57, ou bien encore avec un hypotexte célèbre58. Implicitement, l’auteur considère que son lecteur est prêt à se délecter d’un texte qui démonte les rouages de ce même plaisir, voire qui ridiculise ou pointe sa veulerie supposée de lecteur peu préoccupé d’esthétique et de lectures académiques. On retrouve alors la caractéristique signalée par Sperber et Wilson dans leur article à propos de l’ironie :
Toutes les ironies […] peuvent être décrites comme des mentions (généralement implicites) de proposition ; ces mentions sont interprétées comme l’écho d’un énoncé ou d’une pensée dont le locuteur entend souligner le manque de justesse ou de pertinence59.
« Lector in libro »
26En effet, ce qui frappe encore davantage chez Joaquín Belda, c’est combien le narrateur place le lecteur au centre de son dispositif d’énonciation. Ce procédé, Daniel Sangsue l’identifie et le décrit à propos de ce qu’il nomme le « roman excentrique » :
Les caractéristiques issues de la tradition anti-romanesque et exploitées par le récit excentrique : adresse au lecteur par un narrateur qui feint la non connaissance, longue parenthèse digressive pour justifier le nom d’un personnage, interventions et questions prêtées au lecteur, qui peuvent à l’occasion déboucher sur un intéressant dialogue à propos des subterfuges employés par les romanciers pour sauver leur héros, considérations qui engagent sans doute une intuition très pertinente du rapport qui peut exister entre chutes, fin du roman et décadence60.
27La nécessaire connivence entre narrateur et lecteur est ainsi utilisée par l’auteur qui use systématiquement du dialogue entre les deux instances. Dans cette production romanesque, le lecteur est partie prenante et il lui est impossible de lire sans prendre conscience de son activité de lecture. Les interpellations se multiplient au fil des pages et, de façon permanente, le lecteur « se voit exister dans le texte » :
Precisamente en la noche del día en que nos encontramos fue cuando ocurrieron a nuestro héroe las más extrañas aventuras, como verá el curioso lector que quiera seguir siéndolo unas líneas más61.
Lector, mira con nosotros a la tercera platea de la izquierda y tendrás la contestación a tales interrogaciones62.
Sí, lector, no exagero; puedes creerme63.
28Fréquemment, le narrateur se joue des attentes de son lecteur et la prétérition devient le mode d’expression privilégié des discours interdits :
No piense el lector que vamos a contarle con pelos y señales lo que en aquel antepalco pasó en esta noche memorable; el hacerlo atraería sobre nuestra frente el dictado de escritor voluptuoso, y además mancharía estas páginas con detalles lúbricos que tienen nada que hacer en una novela de almas64.
No se nos oculta que al llegar a este punto vendría como de perilla una de esas descripciones inflamadas en que no se sabe qué admirar más, si el desparpajo del que la escribe o la poca vergüenza del que la lee65.
A algunos lectores voluptuosos no les haremos mucha gracia con esta omisión; pero el deber está antes que el gusto del público, y el deber nos manda en este caso no complicar la vida de los que nos lean con un sobreprecio excesivo: ¿es que no hay bastante con las tres pesetas cincuenta céntimos que extraemos de su bolsillo generoso66?
29Cependant, il ne faudrait pas croire que, ce faisant, le lecteur est invité à une lecture savante, tant s’en faut. À vrai dire, ce que lui demande l’impertinent narrateur, c’est de rire de ses lectures et de ses goûts littéraires. Ainsi est-il tantôt pris en flagrant délit de voyeurisme, ou bien encore de recherche de plaisirs morbides. Philippe Hamon attribue un rôle non négligeable à ce procédé de la prétérition qui fonctionne comme signal non équivoque d’ironie :
La négation et la prétérition induisent toujours, dans toute fiction, des effets de brouillage énonciatif valant signal, et souvent signal intertextuel, donc d’une distance d’un texte à un autre texte (plus ou moins in-dicible) : nier qu’on dit un mot (tout en le disant), nier la présence d’une chose (tout en la rendant présente en effectuant sa dénomination), nier qu’on pratique une forme littéraire, notamment une description (tout en enchaînant sur une description), c’est souvent se situer en citant « négativement » ce mot, cette chose ou cette forme littéraire dont on veut se distancer67.
30Jouet du narrateur, le lecteur auquel s’adresse Joaquín Belda n’a cependant pas le statut actif que lui donnera quelques années plus tard Enrique Jardiel Poncela lorsqu’il lui permettra d’intervenir dans le texte :
Un lector — ¿Me va usted a hacer el favor de decirme de una vez lo que hacían Curcio Pavanelli y Musia Spoletto?
El autor — Con mucho gusto, pero habrá que retroceder un poco para tomar carrerrilla. Decía que …68
IV. — RIRA BIEN… QUI RIRA LE DERNIER
La partie immergée
À moi tout seul je fris
Drôle, en ma sauce jaune
De chic et de mépris69.
31Si le lecteur est bien invité à prendre ses distances avec le texte qu’il lit, et si partie de son plaisir tient à sa capacité autoréflexive, il n’en demeure pas moins qu’à l’occasion de ses lectures il ne peut qu’être sensible à la récurrence de certaines thématiques. Quel que soit l’angle d’analyse retenu, on se trouve en présence d’un jeu à la fois avec le roman et avec le thème de l’amour. Dès lors, on peut penser que le pastiche littéraire auquel l’auteur s’adonne à longueur de pages est une réponse à la fois à une impasse créatrice et à une demande éditoriale.
32Impasse créatrice dans ces années où, en matière d’écriture, le choix était relativement simple entre deux écritures : le ressassement des formes existantes ou le recours au pastiche, « imitation en mode ludique »70. Le seul ressassement n’aurait très certainement pas permis à Belda de connaître le succès qui a été le sien auprès de lecteurs tout aussi avisés des codes de lecture mais peu désireux de s’orienter vers des lectures plus savantes. Il choisira donc le recours au pastiche qui lui offrait la possibilité de reprendre sur un mode humoristique une écriture que l’effet de distanciation rendait acceptable tant pour le lecteur avisé qui goûte ces jeux littéraires que pour les « nouveaux lecteurs » amateurs de cette production monothématique mais ô combien divertissante. Ainsi forgé, le nouveau genre « roman humoristique » allait pouvoir nourrir des collections spécifiques qui offraient aux lecteurs un échantillonnage de cette littérature. Tant la nouvelle maison Espasa Calpe, dès sa création en 1919, que Biblioteca Nueva en 1928 réservèrent une collection à ces écritures décalées même si, à en croire les mémoires de José Ruiz-Castillo Basala, fils du fondateur de Biblioteca Nueva, le succès de cette collection fut loin d’être évident : « Esta colección de novelas humorísticas sólo alcanzó una lánguida vida comercial editorial, hasta que a ella se incorporó el buen amigo de Gómez de la Serna, Enrique Jardiel Poncela »71. Même si sa contribution fut modeste, Joaquín Belda y trouva également un espace de publication72.
33De façon plus significative encore, Belda disposait dans ses romans de l’arme suprême de l’ironie qui lui donnait la possibilité de mettre à mal tant les conformismes littéraires que sociaux. Lorsqu’il analyse les œuvres de Ramón Gómez de la Serna, José Carlos Mainer précise le rôle des éditeurs de l’époque dans l’émergence de cette catégorie de l’écrivain humoriste, en soulignant combien cette appellation était réductrice de la portée de leurs écrits :
Por un criterio que fue de editores avispados más que de autores, Ramón y sus continuadores recibieron el epíteto de novelistas de humor. No hubo más humor en ellos que la sorpresa desconyutada de su imaginación metafórica, cierta complacencia en ver el mundo que rodea a los personajes como en permanente trance de catástrofe, alguna paradoja de cierta comicidad y, desde luego, una actitud irónica respecto a su oficio y el género que habían elegido, pero el humor —como forma subsidiaria del vanguardismo— tomó carta de naturaleza en España73.
34Joaquín Belda n’est certes pas l’écrivain qu’a été Ramón Gómez de la Serna, ni même Enrique Jardiel Poncela, mais la lecture à laquelle il invite finalement le lecteur attentif doit prendre en compte sa posture d’écrivain, embusqué derrière une apparence de frivolité, voire de grossièreté, mais qui cherche en fait, par tous les moyens qui sont à la portée de sa plume, à révéler l’envers du décor du théâtre social de son temps :
« Hypocrite », l’ironiste est quelqu’un qui parle de dessous un masque pour dénoncer les hypocrisies de la socialité. La phrase de l’ironiste est un monde renversé en miniature : c’est le sens « du dessous » que l’ironiste y veut promouvoir au détriment du sens « du dessus » qu’il affiche, et le sens « du dessous » est considéré par lui comme meilleur », ou « plus vrai », que celui « du dessus », et l’interprétation de la phrase demande un « renversement » de ces deux niveaux74.
35C’est ainsi que la métaphore de l’iceberg s’impose rapidement à l’esprit pour rendre compte de la production romanesque de J. Belda. Aussi convient-il de le relire en embrassant l’ensemble de sa production pour essayer d’en dégager la cohérence et d’en apprécier toute la richesse.
Le sexe comme partie émergée de l’iceberg
¡Pícaro oficio! Oficio los dos — el de ella y el de él —, de pícaros, entre los cuales andaban siempre mezclados, algunos tontos, pero éstos prosperaban poco75.
36Sans doute les critiques se sont-ils trompés à l’égard de Joaquín Belda et n’ont-ils pas su lire correctement son œuvre lorsqu’ils l’ont réduite à l’anecdote et surtout à la composante sexuelle. Au moment d’analyser la thématique de l’ironie littéraire, Philippe Hamon distingue bien les thèmes figuratifs des autres et montre comment derrière celui du sexe on trouve, en réalité, « la loi, les règles et les systèmes de règle »76. Cette distinction vaut aussi pour les romans de Joaquín Belda chez qui, à mieux y regarder, on découvre un thème récurrent : celui du statut de l’écrivain dans une société en pleine évolution où les valeurs humanistes perdent chaque jour du terrain. Là réside sans doute l’origine du rapprochement entre prostitution et écriture, explicite dans El pícaro oficio et implicite dans plus d’un texte de Belda. La thématique de la prostitution s’avère omniprésente (La Coquito, El compadrito, Las noches del Botánico, Me acuesto a las ocho, La revolución del 69) et non dénuée de rapport avec la situation de l’écrivain (El pícaro oficio, El compadrito). Déjà M. Martínez Arnaldos signalait dans l’inventaire qu’il dresse des nouvelles publiées par Belda, deux textes qu’il classait sous la rubrique « drame et tragédie de la prostitution » : La Traviata en Marsella et Trata de blancas. Dans le même article, il souligne la position de rupture par rapport à l’Académie et à la littérature académique qui est celle de Joaquín Belda. Dans ces nouvelles se trouve en germe la posture définitive adoptée par Belda — une écriture des marges — et le dynamitage des formes canoniques — une écriture ironico-humoristique — tel qu’il va le pratiquer dans sa production romanesque. L’œuvre de Joaquín Belda est donc bien à considérer dans son ensemble : si l’humour s’impose dans les textes courts publiés dans les collections à grand renfort d’illustrations qui en accentuent les effets et si la production romanesque est plus profonde, ces deux types de textes, cependant, expriment la même posture critique de l’auteur.
37L’humour serait alors cette « élégance du désespoir » (Oscar Wilde) d’un écrivain qui trouve difficilement sa place dans un panthéon littéraire en pleine mutation. José Esteban terminait un article consacré à Belda en rappelant que Rafael Cansinos Assens faisait de La Coquito et La suegra de Tarquino « el Don Quijote exterminador de esos libros de caballerías eróticos », soulignant ainsi le rôle qu’a pu tenir l’écrivain à une période où érotisme et sexualité devenaient d’incontournables ingrédients d’une littérature de grande diffusion. Joaquín Belda ne perd d’ailleurs jamais l’occasion de pointes ironiques à ce sujet :
Un día, Remigio llegó a la clínica con un número de un periódico ilustrado, sumamente frívolo y galante; una de esas publicaciones que cualquiera de nuestras mulas críticas y moralistas no vacilaría en calificar de pornográfica77 .
38Dans La pregunta de Pilatos, série de réflexions sur des thèmes variés78, Belda précise sa position d’écrivain :
Yo nunca he escrito en serio nada que sea pornográfico: desde La suegra de Tarquino hasta Las noches del Botánico, he pretendido siempre ridiculizar, tomar el pelo si usted quiere, a los que escriben en serio de estas cosas79.
39Par ailleurs, le rôle de l’imprimé en matière de morale lui semble tout à fait mineur : « No ; no es en los libros donde se aprenden ciertas cosas, que por otra parte, las llevamos muy diluídas en la sangre para que necesiten de la revelación de la letra de imprenta »80.
40Mis en perspective dans l’œuvre de l’écrivain, des textes en apparence inconsistants comme Me acuesto a las ocho, trouvent une nouvelle dimension. Le dénouement tragique de ce roman, traité sur le mode humoristique, rend encore plus perceptible l’injuste fin d’une prostituée rattrapée par son destin :
¡Pobre Me acuesto a las ocho!
Al dar el reloj, en efecto, las ocho de la mañana, la infeliz Anita se acostó.
Pero ahora se acostó para siempre.
Para no levantarse81.
41La dérision atteint aussi le personnage de l’écrivain, par exemple dans El compadrito qui met en scène un écrivain espagnol auteur de Memorias de un edredón — clin d’œil appuyé aux Memorias de un somier de Belda — en voyage à Buenos Aires et découvrant une édition clandestine de son livre82 au détour d’une visite de la capitale argentine qui le conduit à explorer les lieux de la prostitution locale83. Et, de la même façon, dans Veinte días en el país del bluff, de nombreuses pages sont consacrées à la visite des librairies new-yorkaises où Belda lui-même peut s’assurer de la diffusion de ses œuvres de l’autre côté de l’océan84.
42L’humour et l’ironie sont au service d’une dénonciation : celle de l’hypocrisie d’une société régie par des codes sociaux qui ne font qu’encourager ce qu’ils disent dénoncer, ce qui conduit Belda à conclure son roman Tobilleras par un commentaire sans ambiguïtés : « el Código civil, uno de los libros más pornográficos que se conocen »85. Les dernières lignes de son roman El faro de Biarritz — où le lecteur finit par deviner la valeur phallique ( !) dudit édifice — sont également révélatrices de la conception que se fait J. Belda du roman : « Y es que, en todo eso del sadismo y del masoquismo, aparte la estupidez que ha puesto en ello la literatura, hay mucho de tratamiento higiénico »86. Et, dans la bouche de Belda, ce genre de déclaration est à prendre au pied de la lettre, lui qui disait écrire pour « que algunos sujetos y sujetas se laven antes y después de efectuar cierto acto »87.
Todo es ironía. Sea este apotegma siempre como la invocación suprema, antes de pensar en nada, tanto ante la tragedia como ante la comedia de la vida88.
43Il faut donc imaginer le lecteur de Joaquín Belda comme un lecteur polymorphe, aux intérêts divers mais toujours destinataire du même discours de l’auteur : d’une part, la dénonciation de la domination masculine dans la société espagnole de son époque et le statut dévalorisé de la femme89, et, de l’autre, l’expression de l’impasse créatrice. Tout Don Quichotte d’une littérature sentimentale qu’il a été, Joaquín Belda a cependant mal résisté au temps. L’unique traduction ultérieure en français ainsi que les rares rééditions de certaines de ses œuvres90 témoignent plutôt d’un intérêt archéologique pour un auteur réduit aux deux œuvres qui lui valurent un succès de scandale.
44Les relations entre humour et ironie semblent bien être de nature complémentaire : dans la durée, l’humour colore le discours d’ironie tout comme le pastiche bascule vite dans la parodie. Secouer la gangue des récits qui ressassent tout en ébranlant les certitudes et préjugés de ses contemporains : tel semble avoir été le projet d’un écrivain comme Joaquín Belda. Ce constat invite à répondre positivement à la question rhétorique posée par Philippe Hamon à propos des intentions de l’énoncé ironique :
Au-delà d’hypothétiques « thèmes » privilégiés, identifiables de façon « réaliste », le matériau de prédilection de l’énoncé ironique ne serait-il pas constitué plutôt, et généralement et plus « abstraitement », de l’ensemble des systèmes de valeur (normes, hiérarchies, orthodoxies, axiologies) qui régissent une société : systèmes moraux, esthétiques, idéologiques, technologiques, etc ?91
45L’œuvre romanesque de Joaquín Belda pourrait se résumer à la formule : « le roman et l’amour dans tous leurs états et sur le mode humoristique » mais, à partir de ces deux éléments, c’est bien tout un système de pensée et de valeurs qui est mis en question. D’un point de vue littéraire, en dépit de l’immensité du sujet et des ressources offertes par le genre, pour faire œuvre originale il fallait rénover toute une production et Joaquín Belda le fit par le biais de l’humour. Comme le souligne Daniel Sangsue :
À travers les explications de Tynianov et de Chklovski, on comprend mieux comment la parodie permet, en stigmatisant le procédé, de renouveler « l’ancienne forme qui a perdu son caractère esthétique »92.
46Il y a là matière à poursuivre la réflexion, en trouvant sans doute aussi l’explication aux voisinages éditoriaux et aux pratiques génériques des uns et des autres. Ainsi Joaquín Belda fit-il partie du catalogue de Biblioteca Nueva à l’instar de Ramón Gómez de la Serna, qui de la même manière se fit connaître des lecteurs des collections et réveilla un certain plaisir de la lecture avec ses nouvelles93. L’humour serait bien donc cette « forme subsidiaire des avant-gardes » dont parle José-Carlos Mainer, et si Joaquín Belda n’a pas su se hisser au sommet de la création, du moins a-t-il contribué à installer cette « écriture de l’oblique » au sein des lettres espagnoles même si, en maniant cette « communication à hauts risques » dont parle Philippe Hamon, il n’a pas toujours su convaincre et n’est resté pour beaucoup que l’écrivain par qui le scandale arrive. C’est pourquoi il serait dommage de lui refuser la place qui est la sienne en passant totalement sous silence l’apport de sa production romanesque94. Joaquín Belda a été un précurseur de l’essor de la veine humoriste en Espagne à un moment où la forte demande éditoriale en lectures faciles a contribué à brouiller les repères, faisant de l’écrivain humoriste un écrivain de seconde catégorie, tout au plus capable d’amuser des lecteurs supposés peu exigeants. Mais la réalité est autre, et Joaquín Belda reste l’un des premiers écrivains, à l’aube du xxe siècle, à emprunter la voie / voix de l’humour pour participer au processus de rénovation de la création littéraire en Espagne que d’autres — Enrique Jardiel Poncela95, et plus encore, Ramón Gómez de la Serna — sauront mieux faire avancer.
Notes de bas de page
1 J. Belda, « Autointerviú en un auto », La Novela de Hoy nº 413, 1930.
2 Auteur du « Prólogo » de La suegra de Tarquino, 1909.
3 V. Woolf, The Common Reader, 1925 et 1932 (2n série), Londres, The Hogarth Press.
4 J. Belda, « Naturalismos a base de yodoformo », La revolución del 69, pp. 33-34.
5 Dans un essai récent, Mujer pública y vida privada. Del arte eunuco a la novela lupanaria, P. Fernández dresse l’inventaire édifiant de ces lectures qui retinrent l’attention des lecteurs de l’époque.
6 D. Sangsue rappelle : « De tels constats se retrouvent dans le domaine particulier du roman. Inutile d’insister sur le sentiment de l’épuisement du genre qui surgit aux lendemains du naturalisme et sur la crise, bien analysée par Michel Raimond, qui s’ensuit. L’exaspération et le mépris semblent atteindre leur paroxysme autour des années 1890, et le Journal de Jules Renard peut ici à nouveau servir de baromètre : « Je lis roman sur roman, je m’en bourre, je m’en gonfle, j’en ai jusqu’à la gorge, afin de me dégoûter de leurs banalités, de leurs redites, de leur convenu, de leurs procédés systématiques, et de pouvoir faire autre »», La relation parodique, p. 337.
7 B. Magnien, « Crise du roman », dans Temps de crise et « années folles ». Les années 20 en Espagne, p. 194.
8 À partir de l’œuvre de Robert Doisneau, photographe à « l’œil oblique » et de sa photo intitulée « Le regard oblique », P. Hamon propose dans L’ironie littéraire une synthèse des problématiques soulevées par la question de la « communication ironique ».
9 Citons, entre autres, L’humour de L. Pirandello, « L’humour » de S. Freud, L’humour de R. Escarpit, L’humour de F. Evrard ou sa variante, Qu’est-ce-que l’humour ? de J. Pollock.
10 V. Jankélévitch, L’ironie, cité dans P. Oster Dictionnaire de citations françaises, p. 776.
11 « La substitution d’ironisme, ironiste à humour, humoriste ne serait donc pas légitime. De l’ironie, même quand elle est utilisée à des fins bénéfiques, on ne peut dissocier l’idée de quelque chose de persifleur et d’acerbe. Or persifleurs et acerbes, des écrivains indubitablement humoristiques peuvent assurément l’être, mais leur humour ne consiste pas dans cet acerbe persiflage.
Il est cependant vrai qu’on peut d’un commun accord altérer le sens d’un mot. Bon nombre de mots que nous employons aujourd’hui dans un certain sens, en avaient un autre dans le passé. Et si le sens du mot humour s’est déjà, comme nous l’avons vu, véritablement altéré, il n’y aurait au fond rien de mal si — pour déterminer, pour signifier sans équivoque la chose en elle-même — on prenait le parti d’en employer un autre », L. Pirandello, L’humour et autres essais, p. 15.
12 J. B. Piat, La dimension humoristique, p. 10.
13 P. Boudon, Une interface discursive : l’ironie, p. 36.
14 J. Pollock, Qu’est-ce-que l’humour ? p. 84.
15 R. von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis, 1886.
16 J. Belda a ainsi publié dans El Cuento Semanal, El Libro Popular, Los Contemporáneos, La Novela Corta, La Novela Semanal, La Novela de Hoy et La Novela Mundial.
17 Aspect de l’œuvre de Joaquín Belda étudié par M. Martínez Arnaldos : La ironía y la sátira como estructura narrativa : J. Belda. Par ailleurs, dans les collections hebdomadaires l’humour du texte est relayé par une iconographie elle aussi humoristique avec des dessinateurs comme Mihura, K-Hito…
18 J. Belda, La Lectura, nº 113, Mayo 1910, p. 334.
19 E. de Nora, La novela española contemporánea, p. 421.
20 R. Cansinos Assens, Las escuelas literarias, 1916.
21 J. Belda, « Síntesis autobiográfica ».
22 P. Hamon, L’ironie littéraire. Essai sur les formes de l’écriture oblique.
23 Id., L’ironie littéraire, p. 9.
24 D. Sangsue, La relation parodique, p. 136.
25 P. Hamon, L’ironie littéraire, pp. 71-108.
26 « En esa tarde memorable decidí, tras una ración de patatas souflées (sic), hacerme psicólogo durante mes y medio », J. Belda, « Aperitivo », ¡Saldo de almas !, p. 8.
27 J. Belda, El faro de Biarritz, p. 50.
28 « Para explicarse de un modo satisfactorio la contestación a estas preguntas que el lector hallará en líneas posteriores, es preciso conocer aquel capítulo de la Patología sexual que habla del goce por el miedo », J. Belda, La Coquito, p. 273.
29 A. Sánchezálvarezinsúa (éd.), Álvaro Retana y otros. Cuentos eróticos de los locos años veinte, p. 16.
30 E. Jardiel Poncela, Amor se escribe con hache, p. 98.
31 Á. Retana, « Joaquín Belda por Álvaro Retana », pp. 3-4.
32 J. Belda, Tobilleras, p. 88.
33 D. Sangsue, La relation parodique, pp. 270-272.
34 J. Belda, En el país del bluff. Veinte días en Nueva York, p. 185.
35 Titre d’une chronique de F. Beigbeder, Lire, p. 8.
36 P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 105.
37 F. Beigbeder, Lire, p. 8.
38 J. Belda, Memorias de un somier, p. 75.
39 Id., Alcibiades Club, p. 33.
40 Id., El faro de Biarritz, p. 68.
41 Id., Función de gala, p. 33.
42 Id., ¡Saldo de almas !, p. 145.
43 Id., La Coquito, édition de 1978, p. 173.
44 Id., Memorias de un somier, p. 13.
45 Ibid., p. 213.
46 Id., El faro de Biarritz, p. 6.
47 Id., El faro, p. 27.
48 Dans Máximas mínimas, cité par R. PÉrez dans son introduction à ¡Espérame en Siberia, vida mía !, pp. 11-62.
49 P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 5.
50 On trouve ainsi Fon Fon dans El faro de Biarritz, Lelé Lorenza dans La revolución del 69, Santiago Chorizo dans El compadrito et un pseudo Gotha dans Función de gala avec la Condesa de Briqueta, la viuda de Romadiza et la Marquesa de San Juan de Aznalfarache.
51 « Lo que sí quiero que lea, y se la enviaré, es mi novela El pícaro oficio, de un realismo serio y en la que he puesto mi alma de escritor… Cuando usted la lea, tendrá la verdadera idea de mi arte », R. Cansinos Assens, La novela de un literato, 2, pp. 47-48.
52 P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 26.
53 G. Idt, « La parodie : rhétorique ou lecture ? », p. 148.
54 R. PÉrez, Introducción, ¡Espérame en Siberia, vida mía !, pp. 25-26.
55 J. Belda, El compadrito, p. 219.
56 On trouve ainsi en ouverture de romans les phrases suivantes : « La condesa dio un salto en la cama, bostezó tres veces y, abriendo los ojos con cautela, dio un suspiro romántico : había despertado », J. Belda, ¡Saldo de almas !, p. 13 ; ou « Las tres y veintidós minutos sonaban en el reloj de cuco del arco de Trajano, cuando Cayo Flavio desembocó en la Vía Sacra », Id., La suegra de Tarquino, p. 11 ; ou bien encore : « Manolo abrió el balcón, acodóse en su barandal, y dejó vagar la vista por toda la Avenida », Id., El compadrito, p. 5.
57 Par exemple : « Desde el final del capítulo con que acabamos la primera parte, al comienzo de éste, han pasado siete años ; el lector puede que no se haya dado cuenta, y aun es posible que, a pesar de nuestra afirmación, no quiera aceptar la idea de que con el simple doblar de una hoja se ha echado encima siete años de existencia », J. Belda, Alcibiades Club, p. 105.
58 Le plus évident est, sans conteste, le suivant : « en ese lugar de la entrepierna, de cuyo nombre no quiero acordarme, había un mechoncito de guedejas rubias, aunque de un tono más obscuro que el pelo de la cabeza, y rizadas con un sortijeo que hacía recordar los escaparates del Trust joyero », J. Belda, La Coquito, p. 101.
59 Cité par P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 25.
60 D. Sangsue La relation parodique, p. 329.
61 J. Belda, ¡Saldo de almas !, p. 40.
62 Ibid., ¡Saldo de almas !, p. 45.
63 J. Belda, Me acuesto a las ocho, p. 186.
64 Id., ¡Saldo de almas !, p. 57.
65 Ibid., p. 109.
66 Ibid., p. 228.
67 P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 90.
68 J. Belda, ¡Espérame en Siberia, vida mía !, p. 268.
69 T. Corbière, « Bohème de chic », Les amours jaunes, p. 34.
70 G. Genette, Palimpseste, p. 111. Les lignes suivantes complètent cette définition : « l’état idéal [du pastiche] peut être défini comme un état d’imitation perceptible comme telle. La condition essentielle de cette perceptibilité mimétique me semble être ce que la description triviale baptise d’une manière elle-même peut-être excessive, l’exagération ».
71 J. Ruiz-Castillo Basala, El apasionante mundo del libro, p. 275.
72 J. Belda, Se ha partido la cabeza.
73 J. C. Mainer, La edad de plata (1902-1939), p. 238.
74 P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 110.
75 J. Belda, El pícaro oficio, p. 298.
76 « Derrière ces thèmes “figuratifs”, si l’on peut dire, du temps et du sexe, c’est bien un unique thème “abstrait”, non figuratif, la loi, la règle, les systèmes de règles, qui constitue le noyau et l’essence du “réel” à la fois invoqué par le discours sérieux et révoqué par le discours ironique », P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 65.
77 J. Belda, Me acuesto a las ocho, p. 45.
78 L’ouvrage compte 23 chapitres intitulés : Don Juan Tenorio — Hay una continuación — Dios — El matonismo — El sombrero de copa y la levita — El arte medicina — La pornografía — El cine — El amor — El matrimonio — La cortesana — Las alcahuetas — El feminismo — La patrona — Borrachera — La moral — Los toros — El chulo — Bergson — La ley suprema — Cristo — La muerte — La pregunta de Pilatos.
79 J. Belda, La pregunta de Pilatos, p. 66.
80 Ibid., pp. 158-159.
81 Id., Me acuesto a las ocho, p. 223.
82 « Por fuera resultaba exactamente igual a la edición de Madrid ; por dentro el papel era infame, un verdadero papel de envolver, en el que los caracteres, de una impresión detestable, patinaban como si tratasen de ganar un campeonato », J. Belda, El compadrito, p. 121.
83 Id., El compadrito, chap. 3 et 5.
84 « Este señor de la casa Brentano’s, que era la librería donde yo había entrado, y que es la misma que tiene casa en la avenida de la Opera, en París, me enseñó el depósito de libros españoles ; allí vi obras de Felipe Trigo, de Linares Rivas, de Retana, de Pedro Mata, mías, pero, sobre todas, y en mayor número que todas, de Blasco Ibáñez, de Pereda y de Alarcón », J. Belda, En el país del bluff, p. 29.
85 J. Belda, Tobilleras, p. 279.
86 Id., El faro de Biarritz, p. 238.
87 Id., Fígaro, 20 de junio de 1916.
88 R. Gómez de la Serna, Caprichos, p. 9.
89 À ce propos voir notre article « Baño, metro, sexo. Representación humorística de la sociedad en algunas colecciones de principios del siglo xx » dans Humor y sociedad en el mundo hispánico contemporáneo, pp. 9-27.
90 La Coquito et La Suegra de Tarquino réedités par I. Peralta Ediciones dans une collection intitulée Libros retozones et La Coquito publié par Flammarion dans une traduction de G. de Cortanze.
91 P. Hamon, L’ironie littéraire, p. 9.
92 D. Sangsue, p. 57
93 C’est le cas de El chalet de las rosas, La Nardo, La Quinta de Palmyra… nouvelles qui présentent de fortes ressemblances thématiques avec les textes publiés par les collaborateurs assidus des collections.
94 Ce que fait R. Pérez lorsqu’il souligne l’intérêt novateur d’E. Jardiel Poncela : « Jardiel muestra en todo momento un verdadero esfuerzo por salir de los convencionalismos del género, creando un producto atípico para el que llegó también a crear un público adicto. Y en mutua compañía, autor y lector, pueden recorrer temas atípicos (eróticos, irreverentes o de crítica social, dentro de la mayor libertad de expresión, en mutuo arropamiento », Introducción, ¡Espérame en Siberia, vida mía !, pp. 49-50.
95 Ce que R. Pérez fait également remarquer : « Porque el humor, este humor de Jardiel Poncela y de otros miembros de su generación (José Antonio Lara, « Tono », Edgar Neville, José López Rubio, Miguel Mihura), era una de las vías más innovadoras en la renovación de la novela », Introducción, ¡Espérame en Siberia, vida mía !, p. 26.
Auteur
Université Rennes 2 Haute Bretagne — celam / pilar
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