Chapitre xii. Une presse conditionnée par les fonctions qui l’animent
p. 327-348
Texte intégral
1Sans viser l’exhaustivité, les lignes qui suivent tentent de souligner, à travers quelques éléments significatifs, comment le fonctionnement des périodiques ne peut se comprendre qu’à la lumière des finalités définies ci-dessus : information, instruction, éducation, divertissement.
Des journalistes-publicitaires
2Conformément à la fonction informative de la presse culturelle, censée faire connaître au plus grand nombre possible de lecteurs nouveautés et découvertes, la quasi totalité des publications témoigne d’une certaine dimension publicitaire. Véhicule de l’information, la presse prend ainsi sur elle de mettre en relation les annonceurs et le public.
3Ces publicités, ce sont celles que l’on trouve dans les « Noticias particulares » des journaux mi-culturels mi-économiques. Certaines annonces concernent des maîtres de maison en quête de domestiques, d’autres des logements, des meubles, des objets. D’autres, encore, informent de l’ouverture d’un magasin ou de la mise en place de cours en tout genre. Parfois, d’ailleurs, les découvertes scientifiques et techniques, évoquées plus haut, témoignent d’une dimension publicitaire, dans la mesure où les articles indiquent les coordonnées du médecin qui a découvert un nouveau traitement ou du commerçant qui a mis en vente un nouveau produit. Voici, par exemple, le texte inséré dans le Mensagero de Granada, à propos d’un remède contre les punaises :
Chez l’apothicaire de la place S. Gil, on vend un excellent remède pour exterminer les punaises, découvert par un médecin de Grenade, ami du bien public. Ses effets sont garantis et son usage empêchera infailliblement que ne germent à nouveau ces insectes importuns et dégoûtants, au moins pour deux ans de suite. Ce remède a été mis à l’épreuve par de nombreuses expériences, il n’est ni désagréable pour l’odorat ni préjudiciable pour la santé. Pour l’appliquer il suffit d’enduire toutes les jointures des lits et autres endroits où les punaises ont l’habitude de se nicher1.
Épithètes laudatifs pour désigner le produit, dépréciatifs pour désigner la vermine dont on veut se débarrasser, description de l’efficacité du remède et de la simplicité de son application : tout y est. Or, si le périodique, semble-t-il, ne tirait aucun avantage financier de ces publicités, publiées gratuitement2, les journalistes devaient malgré tout y trouver leur intérêt. Nombre de lecteurs, en effet, devaient être demandeurs de toutes les informations pratiques concernant les nouveaux commerces de leur ville. Par conséquent, insérer ce genre d’annonces représentait pour les journalistes la garantie d’un certain succès.
4Mais les publicités effectuées dans le domaine proprement culturel sont également extrêmement nombreuses. Ainsi, journaux spécialisés en critique d’ouvrages et journaux polyvalents accordent une place de choix à l’annonce de la parution d’un nouveau traité d’histoire naturelle, d’une nouvelle pièce de théâtre, d’un nouveau recueil de maximes. Présenter ainsi les nouvelles parutions, c’est bel et bien leur faire de la publicité, surtout lorsque les lecteurs du journal sont informés du lieu où ils peuvent se les procurer. Exceptionnellement, il arrive même que l’annonce prenne véritablement l’aspect visuel d’une publicité, comme c’est le cas au numéro du 25 décembre 1800 du Semanario de Zaragoza, où l’annonce de Carta de un aragonés occupe une page entière du périodique :
5Le fonctionnement publicitaire est le même avec les divertissements qui ont lieu dans la ville. Annonces de représentations théâtrales, de concerts, de corridas, de volatines, de funciones de caballos : les périodiques adoptent le rôle joué par les affiches placardées dans la ville ou par les crieurs de rue et tiennent leurs lecteurs informés de ce qui sera représenté, des comédiens et des picadors qui seront les protagonistes de l’événement. Les Efemérides, notamment, indiquent très fréquemment les moindres détails concernant la saison théâtrale : entractes qui seront effectués, changements d’horaires ou de tarifs, démarches à suivre pour souscrire à un abonnement, indispositions de tel ou tel comédien, etc. Tout comme les annonces de publication, les annonces de représentations sont la plupart du temps purement factuelles : elles se contentent d’indiquer le théâtre où se déroulera la pièce, son titre, le genre auquel elle appartient, le dramaturge qui en est l’auteur ou le traducteur. Ces quelques indications suffisent à informer les spectateurs potentiels. Mais parfois, le factuel laisse place à quelques touches proprement publicitaires. C’est le cas notamment dans le Semanario de Salamanca, dans lequel est annoncée l’exécution de la « magnifique pièce héroïque » La Esclava del Negro Ponto, de « la prodigieuse pièce » El Triunfo de la hermosa Judith, y muerte de Holofernes et d’« une représentation magnifique et exquise, dans laquelle le Picolo-Diablo montrera les tours les plus étonnants qui soient »3.
6Et les annonces des nouvelles parutions et des prochaines représentations théâtrales ne sont pas les seuls moyens de faire la publicité des unes et des autres. Les critiques, à condition de ne pas être dépréciatives, remplissent également ce rôle. C’est une évidence lorsqu’elles sont élogieuses, mais c’est également vrai lorsque l’article critique se contente de proposer un résumé objectif de l’ouvrage, dans la mesure où l’on peut penser que les journalistes ne feraient pas un simple résumé d’un ouvrage qu’ils considèrent inutile, voire nocif . Ce serait donner au lecteur des informations sur un livre nouvellement paru – et donc l’inciter à vouloir se le procurer – en le laissant seul juge de son mérite. Cela est en contradiction, on va le voir, avec le fonctionnement de la presse culturelle. En réalité, le simple fait qu’un périodique fasse le compte rendu d’un ouvrage est, sauf avis contraire, signe d’approbation. Le Diario de los literatos affirme ainsi dès l’introduction de son premier tome : « Nous omettrons d’annoncer les livres qui ne mènent en aucune manière vers le progrès des arts et des sciences et les placeront dans le catalogue des livres qui ne sont pas résumés »4. Selon ce principe – qui n’empêchera pas Salafranca, Puig et de la Huerta d’analyser parfois des ouvrages avec lesquels ils sont en désaccord –, un compte rendu neutre est déjà, en quelque sorte, une preuve d’approbation.
7D’ailleurs, résumés, critiques et annonces des nouvelles parutions correspondaient parfois à des textes rédigés par les auteurs des ouvrages eux-mêmes, que les journalistes se contentaient d’insérer. La ferveur de certains éloges exprimés, tout d’abord, nous incite à le penser. Ainsi, le « Prospecto » du premier tome de l’ouvrage de Juan José Sánchez, Nobleza, privilegios y prerrogativas del oficio público de escribano, inséré dans le Correo de Murcia, dithyrambique, ne peut qu’avoir été rédigé par son auteur, ou du moins par quelqu’un qui trouvait un intérêt à sa publicité. Pourquoi, en effet, quelqu’un qui ne serait pas concerné par la vente de cet ouvrage affirmerait que celui-ci « s’avère nécessaire et indispensable, non seulement aux greffiers, mais aussi aux juges et aux avocats dont il est largement question dans différents traités, et aux autres personnes, aussi bien des états noble, militaire, littéraire et ecclésiastique séculier et régulier que du peuple »5 ? Les commentaires paratextuels, d’autre part, ne font que confirmer nos soupçons. Le Mercurio literario incite ainsi les auteurs « qui voudraient avoir le plaisir de voir, pour leur satisfaction, annoncés [leurs ouvrages] » à leur en envoyer un résumé6. El Corresponsal del Censor prétend avoir freiné le désir exprimé par ses contertulianos d’envoyer aux diaristas l’éloge du périodique, sous prétexte que ces critiques, dont on sait qu’elles sont fréquemment écrites par les auteurs eux-mêmes, sont nécessairement suspectes7. Et la présentation clairement publicitaire que le Correo de Madrid fait d’un livre religieux – doté « d’une force secrète qui remplit l’âme de joie » – est explicitement précédée de la mention : « Nous avons reçu l’annonce suivante, que nous reproduisons mot pour mot »8. Certes, il est difficile de savoir, dans les faits, combien de résumés et de critiques étaient rédigés par les auteurs des ouvrages concernés. Mais on peut en revanche affirmer, sans peur de se tromper, que tous les prospectos publiés dans les périodiques culturels, avertissant les lecteurs de l’ouverture de la souscription pour un ouvrage, sont pour leur part transmis aux publicistes par les auteurs ou les éditeurs des ouvrages en question. Le cas du « Prospecto del Teatro Histórico-Crítico de la Elocuencia Castellana » d’Antonio de Capmany, que l’on trouve en mai 1785 dans le Memorial literario (pp. 13-22) et dont certains passages sont écrits au futur, est à ce titre très parlant. Les éditeurs du Memorial ne seraient pas en mesure de faire part du plan et des conditions de souscription d’un ouvrage qui n’est pas encore publié.
Des journalistes-éditeurs
8Les journalistes en charge des publications culturelles, on l’a vu, ne sont pas les seuls auteurs à s’exprimer au fil des numéros. Au contraire, ils laissent couramment la parole aussi bien à leurs lecteurs, lorsque ceux-ci déposent lettres, articles et poèmes aux bureaux du périodique, qu’à des auteurs dont ils décident d’insérer un traité, une fable, un fragment d’ouvrage. La presse, dans cette perspective, se fait agent de transmission. Le journaliste, lui, se fait donc éditeur. Au nom de quelle fonction se met en place cette pratique ? Ce sont tout à la fois, ici, les fonctions didactique, éducative et récréative qui sont principalement de mise, selon la nature de chaque texte inséré. L’idée est que pour augmenter les connaissances des lecteurs, pour favoriser la qualité morale de leurs idées et de leurs actions, pour les faire lire des productions littéraires anciennes ou récentes – et, aussi, pour prouver aux pays voisins le mérite des auteurs espagnols –, le journaliste est amené à mettre à profit tous les apports extérieurs qu’il juge appropriés. Reste à savoir quelle est la politique éditoriale qui découle de cet ensemble de motivations.
Une alternative éditoriale
9La motivation la plus courante qui pousse les journalistes à publier un texte est celle de le faire connaître, lorsqu’ils jugent qu’au vu de son utilité et de son mérite, il est dommage qu’il ne soit pas à la portée des lecteurs.
10Les textes alors concernés peuvent être totalement inédits – du moins en Espagne. Le Diario de las musas précise ainsi qu’un des objectifs de la publication est de « donner des nouvelles des sujets illustres de la République des lettres, dont les ouvrages n’auraient pas été publiés »9. LAduana crítica se présente pour sa part comme l’unique moyen qu’ont certains auteurs de faire en sorte que leurs productions « ne restent pas enfouies dans les ténèbres »10 et La Espigadera envisage les difficultés de jeunes auteurs talentueux qui « ne se trouvent pas munis d’une fortune suffisante pour imprimer [leurs ouvrages], et n’ont pas pu trouver un mécène qui pourvoirait à leur protection »11. Que les textes soient donc récupérés par les journalistes, à partir de manuscrits restés dans l’oubli, ou qu’ils soient envoyés pour publication par des contributeurs, les journaux décident de les mettre à profit en les portant à la connaissance du public. Notons d’ailleurs que la mention « inédito » a une valeur publicitaire indéniable à laquelle les journalistes ne manquent pas d’avoir recours, notamment lorsqu’il s’agit de pièces littéraires. Ainsi, le Diario de Sevilla précise, dès l’indication du titre, le caractère inédit de différentes fables, en prose ou en vers, insérées en 1792 : Jupiter y la oveja, El perfecto consejero, El ciervo y el toro, Los ciervos12… Dans le Semanario de Cartagena, si le terme « inédit » n’apparaît pas lorsque sont publiées les « Réflexions historico-critiques sur la précieuse relique du bras de l’apôtre saint Jacques le Majeur » de Martín Sarmiento, l’indication « jusqu’à présent non publiées » transmet la même idée13.
11D’autres fois, les textes édités ne correspondent pas à des inédits, mais à des textes peu connus qu’il s’agit de faire sortir de l’oubli. Des textes anciens, dont la publication remonte à trop longtemps pour que le public ait connaissance de l’ouvrage. Des textes édités en si petit nombre que leur diffusion est pour ainsi dire inexistante. Des textes qui circulent en Espagne dans des copies peu fidèles à l’original. Ainsi, le Correo de Madrid publie un romance de Lorenzo de Aldecoa, transmis par un lecteur, du fait que le poème « se trouve diffusé auprès d’un si petit nombre de personnes que le public en est à peine informé »14. De même, le Correo de Murcia accepte de publier A la solemne bendición de las Banderas de estos Batallones de Voluntarios Honrados de la Ciudad de Valencia, de Francisco Bahamonde, sur les conseils d’un ami de l’auteur, en raison du « petit nombre d’exemplaires qui ont été imprimés »15. Et le Semanario de Cartagena, lui, publie la fable intitulée « El Ypurtagui », quoique célèbre, « à cause des défauts dont souffrent les copies de celle-ci qui se sont multipliées »16. Il semblerait aussi que certains journaux choisissent de publier des textes édités dans une autre ville, pour faciliter leur diffusion dans le reste de la péninsule. C’est en tout cas ce que l’on peut supposer lorsque le Memorial literario décide d’insérer un poème d’Álvaro María Guerrero, El llanto de Salamanca, imprimé à Salamanque, ou bien encore des hendécasyllabes du Père Tomás Baguena de San José, publiés à Valence17. Dans ces différents cas, la presse joue ainsi le rôle de l’éditeur que les auteurs n’ont pas ou n’ont plus.
12Reste à s’interroger sur les critères qui poussent les journalistes à éditer un texte plutôt qu’un autre. Il semblerait que, la plupart du temps, la presse culturelle ne fasse pas réellement preuve, à ce niveau, d’originalité. Les textes sont vraisemblablement choisis pour leur valeur didactique et éducative, ou pour leur capacité à égayer la lecture du périodique. À ces critères de sélection s’en ajoute un autre, plus pragmatique : la « valeur marchande » de leur auteur. Insérer un texte inédit ou peu répandu d’un poète de grande renommée, en effet, est susceptible d’augmenter les ventes du journal. C’est là un argument qui ne devait pas être étranger aux préoccupations des publicistes. Plus originale, en revanche, est la manière dont certains périodiques jouent un rôle de tremplin pour des auteurs qui prennent leurs distances avec l’esthétique néoclassique. Le Correo de Madrid, notamment, accorde au sein de ses pages une place de choix à l’un des représentants de l’école de Salamanque : Juan Fernández de Rojas. Le 19 juin 1790, par exemple, est publié un de ses poèmes, a priori inédit : « En la muerte de Pierio ». Exclamations et vocatifs, épithètes et termes hyperboliques sont mis au service de l’écriture du moi, de l’exaltation des sentiments intimes de la voix poétique qui pleure la mort de son père. Liseno, en proie à la mélancolie, se plaît à décrire l’atmosphère nocturne et solitaire dans laquelle il se trouve. Au milieu des « profondes vallées », dans un « bois sombre », le chant triste du « lugubre fleuve brunâtre », des « oiseaux de nuit » et du vent répond à la plainte du poète18. Dans l’exaltation du désespoir, Liseno imagine que le défunt lui parle et lui adresse des reproches, et il va jusqu’à invoquer la mort pour lui reprocher d’avoir pris son père plutôt que lui. Le Correo de Madrid publie également de manière inédite, du 16 décembre 1789 au 5 janvier 1790, les Noches lúgubres de José Cadalso. Il s’agit de trois dialogues dans lesquels le protagoniste, Tediato, apparaît comme un authentique héros romantique en marge d’un monde qu’il ne comprend pas et en proie à la tentation de la mort. Que ces choix éditoriaux soient motivés par la volonté de faire jouer auprès des lecteurs l’attrait de la nouveauté ou qu’ils témoignent d’un véritable goût pour une certaine sensibilité romantique, le Correo de Madrid se montre, dans ce domaine, novateur.
Une impression en double
13La question du bien-fondé de la presse comme moyen d’édition se pose véritablement, en revanche, lorsque les textes concernés bénéficient d’ores et déjà d’une certaine diffusion en Espagne.
14Les journalistes eux-mêmes, d’ailleurs, s’interrogent sur leur fonction dans ces conditions. Certains semblent considérer que si le texte est utile, peu importe qu’il ait déjà été publié et qu’il soit déjà suffisamment connu : toute diffusion supplémentaire ne peut qu’augmenter l’ampleur de sa réception. C’est ainsi que le Correo de Madrid publie un récit introduit par ces mots : « Bien que la démonstration de vertu suivante, qu’on nous a envoyée pour publication, soit assez connue, nous l’insérons car elle est en réalité digne d’être diffusée »19. D’autres, au contraire, refusent systématiquement de rééditer des textes et vont parfois jusqu’à reprocher sévèrement aux lecteurs de leur transmettre des articles et poèmes sans préciser qu’ils ont été préalablement publiés. C’est pour cette raison, par exemple, que les Variedades de ciencias refusent de publier un discours prononcé lors de l’ouverture du tribunal de Séville, dans la mesure où celui-ci « circule depuis cette date, et parce que l’exemplaire que l’on nous a envoyé est même d’une seconde édition »20. Et, dans le numéro du 15 août 1799 du Semanario de Zaragoza, on peut lire une sorte de correctif aux numéros des 1er et 8 août, dans lesquels ont été publiés deux sonnets dont les éditeurs ont par la suite appris qu’ils étaient de Juan Meléndez Valdés et qu’ils avaient été déjà publiés (p. 112). Il semble néanmoins probable que les journalistes culturels du xviiie siècle ne suivaient pas une politique éditoriale très stricte. Si le caractère inédit est un plus, l’important reste de publier des textes de qualité et, d’un point de vue pragmatique, de remplir parfois dans la précipitation les pages du périodique. Voici, en tout cas, la hiérarchisation établie par le Semanario de Salamanca :
Combien de choses sont dignes d’être dites et publiées, qui ne suffisent pas à faire un volume ! Combien sont utiles pour les seules circonstances présentes ! Et combien sont dignes d’être répétées pour que les effets bénéfiques qu’elles peuvent avoir se répètent également, augmentent et se multiplient. Je voudrais nourrir mon journal de toute cette lecture, lorsque je ne l’alimenterai pas de pièces originales, auxquelles j’accorderai toujours ma préférence à condition qu’elles soient dignes du public21.
Aperçu avant impression
15Tour à tour, les journalistes se font donc éditeurs et rééditeurs. Parfois, pourtant, ils peuvent également être pré-éditeurs. Un premier cas de figure, dans cette perspective, se présente lorsqu’une lettre, un article ou un poème publié par un des périodiques culturels reçoit un tel accueil que les journalistes décident d’en faire une édition à part. La situation est probablement rare, mais elle arrive néanmoins. Le 14 décembre 1798, on peut ainsi lire dans le Semanario de Zaragoza :
Le bon accueil qu’a rencontré dans le public la lettre de Narcisa à son amie, publiée aux numéros 81, 82 et 83 de ce journal, nous a conduits à la réimprimer in-octavo. À partir d’aujourd’hui, donc, on la trouvera en vente dans le bureau principal de ce Semanario, rue du Coso num. 67, et dans les librairies de Yagüe, Place de la Justice, et de Ruiz, Place de la Seo, à deux réaux de billon en plein papier22.
16Plus inattendu, il arrive qu’un périodique décide d’anticiper une impression à venir. Cette pré-impression peut être guidée par la volonté de donner immédiatement aux lecteurs le plaisir de lire un nouveau poème, par le désir de leur transmettre dès que possible des leçons qui leur tiennent à cœur. Mais ce n’est là, pourrait-on dire, qu’un avant-goût d’un ouvrage qui verra le jour, dans son intégralité, plus avant. La lettre de J.M. de F. sur l’état actuel du théâtre espagnol, publiée en février 1799 par le Semanario de Zaragoza, correspond ainsi, comme il est indiqué en note, « à un ouvrage considérable, que l’auteur ne croit pas bon de publier pour le moment »23. De même, l’insertion d’une anacreóntica de J.B.A. dans le Memorial literario, est justifiée de la sorte : « C’est la fonction naturelle des journaux d’anticiper la lecture des productions littéraires légères, et notamment des fleurs qui s’échappent des esprits poétiques dans des occasions particulières, pièces dont sans cela peu de personnes parviennent à profiter si ce n’est longtemps après, une fois qu’elles ont été réunies dans de volumineuses collections »24.
17Par ailleurs, la pré-impression peut répondre à un autre objectif, qui concerne cette fois plus spécifiquement l’auteur du texte concerné : se faire une idée préalable de la réception que rencontrera son ouvrage avant de se lancer dans son impression – et avant, donc, d’engager les frais relatifs à celle-ci. Un objectif qu’affirme haut et fort M.P.S.S., lorsqu’il envoie aux Variedades deux idylles de sa composition et explique son désir de « sonder l’opinion du public, et notamment la vôtre, avant de publier quelques poésies à une époque où la critique se confond fréquemment avec la satire »25. Cette pré-impression peut d’ailleurs également permettre à l’auteur d’apporter les éventuelles corrections que lui suggèreraient les lecteurs du périodique dans lequel se trouve inséré le texte. En août 1788, « Joseph Pinilla Vizcayno » expose ce qui le pousse à vouloir faire connaître son traité sur les fièvres par l’intermédiaire du Memorial literario, avant de le publier par lui-même :
[…] je voudrais au préalable explorer l’avis d’autres médecins, en leur donnant l’information et la copie de [mes thèses], et c’est dans ce but que je vous les envoie pour que, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, vous les insériez dans votre journal avec cette lettre. Dans l’idée que je me réjouirai tout particulièrement si des professeurs jugent bon de me communiquer, par l’intermédiaire de ce même journal, leur manière de penser en la matière26.
La presse offre ainsi aux auteurs la possibilité sans précédent de dialoguer avec leurs potentiels lecteurs.
La presse et son public : des journalistes aux lecteurs, des lecteurs aux journalistes
18L’étude de l’énonciation en vigueur dans la presse du xviiie siècle menée plus haut fournit un certain nombre de réponses quant à la relation que les journalistes mettent en place avec leurs lecteurs. Reste néanmoins à déterminer dans quelle mesure, pour remplir les différentes fonctions définies précédemment, les journalistes se présentent comme de simples transmetteurs de savoirs et de savoir-vivre, et dans quelle mesure ils incitent les lecteurs à être eux-mêmes actifs dans l’apprentissage.
Un enseignement contrôlé
19Par certains aspects, les journalistes s’adressent à leurs lecteurs comme à des enfants auxquels il faudrait tout expliquer avec soin, de peur qu’ils ne prêtent pas attention à la leçon ou de peur qu’ils ne la comprennent de travers. Toutes les stratégies visant à rendre les propos plus agréables – brièveté, diversité formelle, recours aux pièces littéraires, présence de traits humoristiques – s’expliquent en partie par la nécessité de faciliter la réception. Tous les moyens détournés utilisés pour instruire et éduquer les lecteurs – dialogues, utopies ou parodies – servent le même objectif, de même que toutes les techniques d’écriture visant à rendre le discours plus percutant : lettres fictives, multiplication des exempla, récits en tout genre… Comme le souligne El Censor, en parlant de la satire, « la démonstration philosophique est peut-être très utile en soi, lorsqu’il s’agit de découvrir la vérité. Mais s’il s’agit de mettre l’homme en mouvement, de l’inciter à pratiquer le bien, de lui faire détester efficacement le vice, il est nécessaire d’implorer le secours de tous les ressorts de l’imagination »27.
20Sur ce point, la manière dont les journaux se font guides de lecture est particulièrement parlante. Les critiques d’ouvrages dont regorgent de nombreux périodiques sont là, en effet, pour servir d’intermédiaire entre une œuvre et les lecteurs. La dimension publicitaire des critiques positives ne doit pas faire oublier que l’analyse d’un livre a comme finalité de redoubler le travail de la censure, d’éviter « la vente de nombreux livres qui épuisent inutilement le temps et l’argent des lecteurs, ou qui sèment dans l’imagination des plus imprudents des graines qui, avec le temps, poussent au détriment de la politique, de la religion et des belles lettres »28. Face à la tromperie fréquente qui consiste à « embellir avec des titres magnifiques des ouvrages humbles, de même que l’on voit, par une extravagance de l’architecture, un édifice modeste muni d’une riche façade »29, face à la multiplication des œuvres au xviiie siècle, propice au « torrent de ce qui est défectueux et misérable »30, le journaliste se transforme en « ami judicieux » qui indique à son lecteur « les livres dont la lecture peut lui être la plus profitable »31. Sa critique sert à « séparer le bon métal de ses scories »32 et à conseiller chacun sur la meilleure manière de « dépenser ses réaux utilement »33. Par ailleurs, faire la critique d’un ouvrage revient également à donner des pistes sur la manière dont celui-ci doit être lu. Le Diario de los literatos aspire ainsi à ce que ses lecteurs reçoivent El Boixiano inexpugnable du docteur Jerónimo Montero de Espinosa, comme une œuvre de « de bon sens et bien exécutée »34. En revanche, toute personne qui se considère comme d’un « goût délicat » se devra, selon les indications de l’Aduana crítica, d’éprouver « de la répugnance à applaudir la méthode » d’El Sabio ignorante du Père José Sanz35.
21Guides des lectures extérieures, les publicistes sont par ailleurs en quelque sorte les guides de leur propre ouvrage. Grâce aux prologues et autres textes programmatiques, ils définissent les objectifs poursuivis et le plan thématique adopté, au sein duquel chaque article prend place. Quant aux notes que l’on trouve dans certains articles et qui renvoient à d’autres numéros du même périodique, elles facilitent les mises en relation significatives. Plus exceptionnellement, il arrive que les publicistes fournissent une aide pour la lecture de textes difficiles. Une des lettres de M. Ennous à M. Seauton, qui développent au sein d’El Censor l’anti-utopie de la Cosmosia, fait ainsi l’objet d’une véritable explication de texte par Cañuelo et Pereira : chaque étape du raisonnement, chaque hypothèse y est explicitée36. Enfin, guider la lecture du journal passe surtout par les nombreux commentaires auxquels donnent lieu un grand nombre d’insertions. Il n’est en effet pas rare que les textes publiés soient accompagnés de quelques lignes qui en orientent la perception. Prenons l’exemple que fournit le Correo de Valencia le 8 juillet 1799, jour du premier fragment d’une « description alphabétique, politico-historico-géographique des principales Cours et Républiques d’Europe » qui occupera, jusqu’en novembre de la même année, une trentaine de numéros. Au cours de la longue introduction qui présente son contenu et sa méthode, c’est un véritable manuel de lecture qui est proposé par le journal, précisant que certains éléments nécessiteront davantage de concentration ainsi qu’un temps de lecture plus long :
Si, dans la vaste description du globe de la terre tout entier, certaines nouvelles nous répugnent en raison de leur étrangeté, nous devons alors suspendre notre jugement et accorder le crédit qu’ils méritent aux géographes, aux voyageurs et aux historiens, en tant qu’hommes de confiance ; car une fois que nous avons lu attentivement ces nouvelles, nous ne trouvons pas d’inconvénient à les répandre, à leur donner cet assentiment que leur nature exige, dans la mesure où chaque jour nous assistons à d’admirables prodiges naturels et artificiels qui semblent incroyables37.
22Ce genre de commentaires critiques, visant à guider les lecteurs dans leur rapport au texte qu’ils s’apprêtent à découvrir, est particulièrement fréquent dans le cadre de l’insertion de textes littéraires. Dans le Semanario de Salamanca, ce sont ainsi les mots de l’auteur d’une élégie qui sont repris par les journalistes pour faciliter la compréhension du poème : « on n’y déplore pas le commerce littéraire des nations éclairées entre elles, mais la trop grande adhésion à la nouveauté et aux opinions étrangères qui, même lorsqu’elles sont moins fondées, sont souvent davantage suivies en raison de leur provenance »38. La plupart du temps, pourtant, ce ne sont pas tant des indications de sens qui sont proposées aux lecteurs que des commentaires élogieux, susceptibles de mettre les lecteurs dans de bonnes dispositions face au poème avant même d’en avoir lu le premier vers. La fable d’Apollon et Daphné, publiée dans le Caxón de sastre, est précédée de quelques lignes qui font douter de l’objectivité de leur auteur : « que le prodigieux esprit de Salvador Jacinto Polo de Medina, originaire de Murcie, nous serve, plus que de distraction, de source d’admiration. Parmi toutes les fables qui existent, tant dans notre langue que dans les langues étrangères, il n’y en a aucune comme la suivante, d’Apollon et Daphné. L’esprit y brille, l’élégance et la facétie y déploient tous leurs charmes »39. Si Julián de Velasco, au moment d’insérer une lettre sur le caractère des jésuites dans ses Discursos literarios, políticos y morales, prétend ne pas vouloir « anticiper le verdict du public, qui est le seul à avoir le droit de juger sur ce point »40, il semble au contraire que ce type d’introductions est là pour orienter la lecture, pour s’assurer que le public soit le plus réceptif possible aux leçons transmises ou à la beauté des vers.
23La presse culturelle guide ainsi le lecteur dans son appréhension des textes. Or, dans la continuité de cette démarche et conformément au désir éclairé de faire du théâtre une école de vertu, elle guide également le lecteur dans sa découverte des pièces. Tout d’abord à travers les critiques dramatiques qui, de manière générale, jouent le même rôle que les critiques d’ouvrages. Mais également par l’intermédiaire d’articles qui prennent soin de présenter la trame des pièces à l’affiche, d’expliciter les relations entre les protagonistes et d’anticiper les principaux revirements. Des articles, en somme, qui fournissent aux lecteurs des périodiques une aide pour mieux comprendre la comédie, la tragédie ou l’opéra qu’il est bon de connaître et qu’ils s’apprêtent, peut-être, à aller voir dans des conditions de représentation qui sont, on l’a vu, loin d’être optimales. Le 7 janvier 1793, le Diario de Madrid propose ainsi à ses lecteurs de prendre connaissance de l’intrigue des deux pièces représentées le soir même dans les deux théâtres de la Cour. Le 14 décembre 1807, c’est en prévision de la représentation du « baile trágico, titulado : Hipólita, Reina de las Amazonas » que le Diario de Barcelona éclaire ses lecteurs sur la trame de l’histoire à laquelle ils s’apprêtent à assister. De même, dans le Correo de Madrid, c’est à propos des opéras italiens que les publicistes se proposent d’offrir cette aide aux futurs spectateurs41, selon une argumentation qui met bien en valeur le rôle de guide joué ainsi par la presse :
Ayant observé que de nombreuses personnes parmi celles qui ont assisté à l’opéra de Médon, représenté pour la première fois au théâtre des Caños del Peral, en ont à peine compris l’histoire du fait qu’ils ne parlent pas italien, et que l’œuvre imprimée n’était pas disponible dans cette langue ni en espagnol ; et considérant qu’il est très probable qu’il arrive la même chose, à ces mêmes personnes comme à d’autres, pour les autres pièces qui seront représentées par la suite, il nous a semblé opportun de publier dans notre journal, avec l’accord des intéressés, l’argument de ces opéras et des intermèdes qui les accompagnent, afin de faciliter cette compréhension [… ]42.
Occasionnellement, cette aide aux spectateurs peut prendre d’autres formes. Face aux erreurs historiques commises dans certaines pièces, en effet, le Correo de Madrid et Minerva tentent tous deux de rétablir la vérité historique : sur Charles XII, sur Néron et Mithridate ou sur Coriolan43.
24Littéraire ou dramatique, la critique à laquelle procèdent nombre de périodiques culturels illustre bien le rôle de tuteurs que les journalistes jouent vis-à-vis de leurs lecteurs. Cependant, il serait faux de dire que cet exercice maintient ces derniers dans une complète passivité. Si les publicistes orientent leur réception des ouvrages et des spectacles, ils tentent aussi de former leur esprit critique en leur transmettant différents critères d’évaluation, une certaine exigence esthétique et morale. « Fixer le goût »44 pour que les lecteurs soient ensuite eux-mêmes capables de juger du mérite des œuvres, pour que les bons auteurs continuent leur travail et que les moins bons s’améliorent est ainsi une des finalités de la critique. Une finalité que C.A.C., dans une lettre qu’il envoie au Correo de Madrid, résume bien : « L’essence même d’un journal doit être la critique, car comme ils passent entre les mains de beaucoup de monde, grâce à eux le bon goût se répand et des gens apprennent à ne pas prendre des vessies pour des lanternes »45. La tâche des journalistes, dans ces conditions, n’est pas uniquement de transmettre des informations ou d’inculquer des valeurs. En mai 1785, le Memorial literario se contente d’écrire, à propos de la pièce de Pedro Francisco de Lanini y Sagredo La batalla de las Navas y el Rey D. Alfonso el Bueno : « Cette pièce commence par la perte d’Alarcos par le roi D. Al[f]onso el Bueno et s’achève par la victoire de Las Navas. Dans cet intervalle sont insérés différents événements ou épisodes, dont la plupart se situent hors de l’action : il n’y a pas de maintien de temps ni de lieu, selon la proportion et la durée des péripéties »46. C’est là une analyse pour le moins rapide, mais qui prend tout son sens à la lumière des critères que le Memorial ne cesse d’évoquer depuis plus d’un an. Familiarisés avec les notions d’unités de temps, de lieu et d’action, habitués à juger une pièce en fonction de son degré de vraisemblance, les lecteurs doivent être en mesure d’appliquer par eux-mêmes la grille d’analyse que leur a transmise le périodique.
Un désir d’éveil
25L’appel à l’éveil est ainsi le propre d’une presse culturelle qui vise à stimuler l’intelligence, le raisonnement et la créativité de ses lecteurs.
26Les journalistes souhaitent, d’abord, encourager « un désir général d’aspirer à des connaissances plus profondes et plus solides »47, susciter « le goût de la lecture »48. Toutes les informations données sur les dernières découvertes et les dernières inventions, tous les articles didactiques publiés par les périodiques ont donc pour but, en plus de leur fonction initiale, de faire en sorte que les lecteurs soient par la suite disposés à être instruits avec plus de facilité, qu’ils cherchent à apprendre par eux-mêmes. Le Semanario de Salamanca espère ainsi qu’en exposant les progrès effectués par les pays voisins en physique, en astronomie, en chimie, en médecine ou en histoire naturelle, les Espagnols développeront à leur tour l’étude de toutes ces sciences49. Les Variedades de ciencias voient leurs articles, condensés, comme un simple point de départ fourni aux lecteurs, comme le montre le fait qu’ils envisagent, dans le « Prospecto », de « citer les sources auxquelles doit avoir recours celui qui voudrait s’instruire plus à fond »50 et qu’effectivement, dans la pratique, ils identifient fréquemment la source dont sont tirés leurs propos. Ce serait d’ailleurs cette volonté d’éveiller la curiosité des lecteurs qui expliquerait la présence, dans de nombreux périodiques, d’énigmes, de logogriphes et de questions en tout genre, casse-têtes utilisés « pour que les plus studieux aient de quoi s’exercer, et pour que l’émulation et la concurrence entraînent doucement les moins appliqués vers un exercice fructueux et digne d’éloges »51.
27Les journalistes souhaitent également susciter auprès de leurs lecteurs le désir de contribuer à leur tour aux progrès de la nation. Cela passe par la volonté de les inciter à devenir auteurs. Le Correo de Madrid affirme ainsi espérer « inciter à écrire les [personnes] qui en ont le goût et la capacité »52. Les Variedades estiment que les journaux se doivent de « payer aux bons auteurs le tribut d’éloges qu’on leur doit, et éveiller chez la jeunesse studieuse le désir de les mériter un jour »53. Quant au Diario pinciano, son espoir est plus ciblé puisque ce qu’il envisage, c’est que l’exemple de son propre périodique incite un autre habitant de Valladolid à devenir à son tour publiciste : « le jour où, grâce au Diario, sera publié dans cette ville un autre papier utile, beau et digne de l’attention du public, ce jour sera l’un des plus beaux de [la] vie [du diarista] ; car il aura alors accompli un autre des objectifs qui l’ont poussé à prendre la plume »54. Le travail d’édition et de critique, de définition des règles esthétiques et éthiques en vigueur dans les ouvrages jugés de qualité auquel se livre la presse culturelle prend d’ailleurs tout son sens si on l’envisage également sous cet angle. La presse souhaite en outre susciter une certaine émulation dans le domaine scientifique et technique. Annoncer l’ouverture d’une nouvelle fabrique de tapis dans la région de Cuenca devrait, selon un contributeur des Efemérides cette fois, « éveiller la noble émulation et porter au plus haut degré de perfection les fabriques et les machines, et pousser à leur installation dans le Royaume »55. Faire connaître les nouvelles découvertes et les nouvelles inventions ne serait ainsi pas seulement, selon les journalistes, un encouragement à faire des études mais aussi « une puissante incitation au travail, à la pratique et aux progrès des sciences et des arts »56.
28La presse vise par ailleurs une certaine émulation morale. Inculquer des valeurs, en effet, c’est déjà viser leur application : à ce titre, l’ensemble des articles de réflexion sociale, religieuse ou juridique sont à prendre en compte. D’autre part, les nombreux modèles et anti-modèles que la presse culturelle propose à ses lecteurs servent également à éveiller chez les lecteurs le désir de bien agir. Et le contenu informatif de la presse culturelle, là encore, joue un rôle certain, lorsque les actualités communiquées par les périodiques portent sur des actes de charité. Le Diario de Barcelona décrit ainsi minutieusement, en janvier 1804, le fonctionnement d’établissements bavarois visant à secourir les indigents et les enfants abandonnés. Le Correo de Sevilla, en 1805, fait part des actions menées par la « Junta parroquial de caridad de Santa Cruz », en se fondant sur le compte rendu qu’en fait la « Junta » elle-même, « pour que cela serve d’incitation à ceux qui, dans des circonstances similaires, pourraient faire de même »57.
Une presse participative
29Et pour mieux inciter à l’étude et à l’action patriotique, la réactivité des lecteurs est constamment sollicitée au sein même des périodiques.
30On l’a vu, les journaux culturels fonctionnent comme un forum de discussion, comme une tribune offerte aux lecteurs pour s’exprimer, réfléchir, répondre aux journalistes et répondre aux autres contributeurs, ou bien encore pour publier des textes de leur cru qu’ils n’auraient pas la possibilité d’imprimer autrement : autant de façons, pour eux, de faire entendre leur voix. Mais les lecteurs sont également sollicités dans la constitution du sens même du périodique qu’ils sont en train de consulter. Étant amenés à imposer un ordre au-delà des différentes unités dont sont composés les numéros, à reconstituer la suite d’articles divisés en plusieurs fragments, à sélectionner les éléments de leur intérêt, ils se font co-producteurs de sens. Peut-être même que certains d’entre eux allaient jusqu’à relier les différents numéros selon l’ordre de leur choix. C’est en tout cas une pratique à laquelle fait allusion The Spectator lorsqu’il met le point final à une série de discours centrés sur le monde de la campagne : « j’ai ouï dire que plusieurs personnes en ont fait un recueil à part, aussi bien que de mes discours sur l’esprit, les opéras, les points de morale et les sujets qui dépendent de l’imagination ou de la fantaisie »58. Sous une forme ou une autre, l’appropriation du discours par les lecteurs se révèle en tout cas nécessaire face à l’omniprésence, dans l’écriture pratiquée par la presse culturelle des Lumières, de formes ironiques et parodiques. Stratégie de contournement face à la censure, l’ironie est en même temps une manière, pour les journalistes, de rendre les leçons de morale et les jugements critiques plus convaincants. À la condition, cependant, que le lecteur soit à même de décoder les marques d’ironie dont est émaillé le texte, et de reconstruire le véritable sens du discours. Ainsi, selon Philippe Hamon, « l’ironie construit […] un lecteur particulièrement actif, qu’elle transforme en co-producteur de l’œuvre, en restaurateur d’implicite, de non-dit, d’allusion, d’ellipse, et qu’elle sollicite dans l’intégralité de ses capacités herméneutiques d’interprétation, ou culturelles de reconnaissance de référents »59. De même, toute parodie exige de son lecteur qu’il reconnaisse le texte-source utilisé. Les journalistes montrent d’ailleurs avoir conscience des difficultés qu’engendre cette écriture oblique, particulièrement efficace lorsqu’elle est décodée, inutile – voire périlleuse – lorsqu’elle ne l’est pas. El Censor demande ainsi à ses lecteurs, au cours de son vingt-septième discours, de lire celui-ci « avec un peu d’attention ou, du moins, s’ils ne daignent pas le faire, de s’abstenir de juger de ce que j’ai voulu ou n’ai pas voulu dire »60.
31Il semblerait même que le lecteur assume une part de responsabilité dans le contenu du journal dans la mesure où, l’étude économique des entreprises de presse l’a montré, il est en quelque sorte mécène de celui-ci. Certes, la plupart des publicistes ne vivent pas, au xviiie siècle, des recettes que peuvent leur rapporter leurs publications périodiques. Néanmoins, ils sont en quelque sorte prisonniers des lecteurs, comme le souligne Paul-Jacques Guinard61 :
[…] s’ils veulent que leur ouvrage vive, numéro après numéro, ils doivent tenir sans cesse compte des idées, des préoccupations – conscientes ou non –, des goûts de ceux à qui ils s’adressent. Contrairement à l’auteur d’un livre, qui offre le fruit de son labeur d’un seul coup, et peut, si bon lui semble, scandaliser le public, ou planer au-dessus de lui, le publiciste ne peut se permettre d’être génial mais solitaire. Il est comme un maître dont les élèves auraient toute latitude de quitter l’école – et donc de la faire disparaître – s’il les ennuie ou les contrarie.
Il existe donc une certaine réciprocité entre les uns et les autres : « La presse […] contribue certes à modeler l’opinion publique mais l’influence, voire la pression, qu’exercent sur elle les lecteurs n’est pas moindre »62. Cette dictature du public est d’ailleurs revendiquée – ou prétendûment revendiquée – par Don Wolfango Rodulfo Ascanio de Mazarambroz, dans un courrier publié par Minerva : « Je veux, et ce n’est que justice, que pour mes huit réaux, puisque je suis souscripteur mensuel, vous mettiez à ma disposition non seulement tout votre talent mais aussi celui des hommes les plus savants, passés, présents et futurs »63.
32Évaluer la force de pression dont disposaient les lecteurs n’est pas, il est vrai, tâche aisée. Mais si l’on en croit certaines déclarations parues dans les périodiques, le contenu des journaux culturels fluctue en fonction d’eux. En effet, en plus des lettres dont ils se font le relais, il semblerait que les publicistes recevaient des lettres qu’ils ne destinaient pas à la publication mais dont ils tenaient compte. Il est vrai que parfois, on est en droit de penser que l’évocation de ces soi-disant courriers n’est qu’une façon de mettre en valeur l’article proposé. Ainsi, lorsque les éditeurs du Correo de Murcia insèrent une lettre « étrangère » en affirmant qu’ils le font « suite aux demandes répétées de différentes personnes »64, la dimension publicitaire de cette évocation est indéniable et sa véracité peut donc être mise en doute. D’autres fois, néanmoins, la justification semble authentique. Le Semanario de Salamanca indique ainsi, au numéro du 17 septembre 1795 : « Dans le numéro précédent nous nous sommes vus obligés de publier trois romances sur les Guerres civiles de Grenade car nous nous sommes vus assaillis par une multitude de lettres nous demandant de poursuivre leur publication, depuis que nous avons donné les trois premiers dans le num. 229 »65. De même, le Memorial literario introduit un article médical ainsi :
Dans la mesure où de nombreuses personnes amies de l’humanité ont manifesté leur désir que nous parlions dans notre journal de vaccine, ou variole des vaches, découverte importante et qui occupe tant aujourd’hui les personnes savantes et intelligentes de toute l’Europe, il nous a semblé que nous pouvions satisfaire leur désir en donnant ici la traduction d’un article sur ce sujet qui se trouve dans le Mercure de France, 16 pluviôse an 9 (5 février 1801)66.
Certaines demandes, ainsi, étaient semble-t-il bel et bien réelles. Leur impact, en revanche, était variable. Si dans le Correo de Murcia, le poème de M.Y., dans lequel ce dernier se plaint de ce que l’histoire de la ville de Murcie est « plus indigeste / que des œufs durs, que du riz au fromage », est suivi de l’immédiate interruption de cette rubrique67, d’autres requêtes ne sont pas suivies d’effet. Dans les Efemérides, par exemple, le souhait exprimé par Z. de voir un scientifique proposer, au sein du périodique, une méthode pour « extraire le sérum du lait des chèvres et des brebis pur, sain et sans aucun mauvais goût » reste en suspens68. Toujours est-il que lorsque les demandes sont bel et bien respectées, le lecteur devient alors en quelque sorte co-éditeur du périodique.
Lecteurs passifs, lecteurs actifs
33Un maître administrant une leçon à ses élèves de manière autoritaire, un tuteur tâchant d’apprendre l’autonomie à ceux qu’il guide, un auteur contraint dans ses faits et gestes par les exigences de son mécène : quelle logique se cache derrière ces tendances ? Avant toute chose, il convient de souligner que ces différents types de relations entre publicistes et lecteurs ne sont pas nécessairement contradictoires. Rien n’empêche un même journal de tenter tour à tour d’inculquer certaines valeurs à ses lecteurs, d’éveiller leur sens critique ou de répondre à leurs exigences. Néanmoins, la capacité de réaction et de participation des lecteurs de la presse ne sera pas la même dans les années 1730 et dans les années 1800 : au fur et à mesure que le siècle avance, au gré du renforcement du réformisme des Lumières, l’opinion publique se forge et les lecteurs s’habituent à être sollicités. Par ailleurs, le lectorat des périodiques n’est pas un et unique et, par conséquent, la disparité des franges de la population qui le composent peut aussi expliquer la disparité des liens que les journalistes tissent avec leurs lecteurs.
34Certains journaux s’adressent, il est vrai, à un secteur restreint de la population. Le titre du Diario de los literatos de España est en lui-même révélateur et les sous-titres d’autres périodiques le sont également : le Mercurio literario vise « l’utilité et la distraction des personnes studieuses »69, l’Aduana crítica se définit comme étant l’« Hebdomadaire des savants d’Espagne »70. Le Diario pinciano s’adresse au « noble public de Valladolid », aux « plus éminents et respectables Magistrats de cette Ville, aux Ministres éclairés des Tribunaux, aux plus sages et sensés Ecclésiastiques, aux plus honnêtes Gentilshommes »71. De même, le Memorial literario fait le point sur son lectorat, au moment de l’introduction du dix-neuvième tome, et conclut : « Il est largement démontré, depuis six ans que nous avons commencé notre ouvrage, que celui-ci n’est pas de la catégorie de ces journaux qui passent entre les mains de tous sans distinction. Les listes de souscripteurs que nous avons publiées montrent très clairement que ceux-ci sont les personnes de notre Espagne qui ont le plus de culture et le plus de goût »72. Cependant, la grande majorité des périodiques culturels du xviiie siècle désire au contraire s’adresser au plus grand nombre de gens possible. Progressivement, l’idée de Feijoo selon laquelle « la valeur des opinions doit être calculée par leur poids, et non par le nombre des âmes qui y adhèrent »73 recule au profit de celle exposée dans le « Prospecto » du Correo de Valencia : « Puisque les journaux sont un aliment et un commerce commun au peuple tout entier, le bon ou mauvais accueil que celui-ci leur réserve doit constituer leur valeur intrinsèque, sans que les savants ne prétendent au privilège exclusif de donner leur avis »74.
35Dans la pratique, on l’a vu, les limites à la diffusion de l’écrit sont nombreuses : faible niveau d’alphabétisation de la population, capacité d’achat restreinte pour une grande majorité d’Espagnols, précarité des réseaux de diffusion… Néanmoins le prix plus modéré de chaque numéro par rapport à d’autres types d’écrits, l’accessibilité due au petit nombre de pages de la plupart des périodiques et à la variété de leur contenu, l’attrait que constitue la formule périodique font de la presse un genre relativement populaire, par rapport à la quasi-totalité des ouvrages de l’époque. Conformément au parti-pris des éditeurs des Variedades, qui estiment que les ouvrages qui ont comme objectif l’instruction publique doivent aspirer « à faire que les lumières gagnent en élévation et en profondeur, tout comme en extension »75, nombre de journaux englobent ainsi dans le public qu’ils visent « le bas peuple, les vendeurs d’eau, les jeunes porteurs dans les tavernes et dans leurs taudis »76, les « gens simples » et « les grands »77, « les puissants, les riches, les éleveurs, les cultivateurs et les autres classes de la société les moins influentes »78. C’est d’ailleurs l’ambition d’atteindre des personnes de niveaux d’instruction différents qui détermine en grande partie les choix thématiques et formels de la presse culturelle précédemment exposés.
36De telles déclarations ont bien évidemment une valeur publicitaire, puisqu’à travers ces énumérations les périodiques tentent d’attirer la bienveillance du plus grand nombre de lecteurs possible. Mais si les désirs des journalistes ne correspondent peut-être pas pleinement à la réalité, ils bénéficient dans tous les cas d’un vaste lectorat. En effet, aux abonnés et aux personnes qui achètent le journal au numéro s’ajoutent toutes les personnes qui bénéficient des lectures publiques de celui-ci dans les lieux de sociabilité propres au siècle des Lumières : salons, tertulias, Academias ou cafés. Ceux qui, selon l’expression utilisée par El Argonauta español, prennent connaissance du journal « à l’œil »79. Certes, ce type de lecture concerne avant tout une certaine élite. Ce n’est ainsi pas un hasard si María Josefa Alonso Pimentel de la Soledad, Condesa-Duquesa de Benavente, qui reçoit chez elle quelques-unes des personnalités littéraires de l’époque – Ramón de la Cruz, Jovellanos, Leandro Fernández de Moratín ou Tomás de Iriarte – a contracté quinze souscriptions80. Néanmoins, on peut penser que ce phénomène d’exemplaires « qui passent de main en main »81 permet à la presse d’atteindre des groupes de la population plus réticents à la lecture. Dans le Correo de Madrid, par exemple, « El Militar ingenuo » dit avoir l’habitude de « chercher les occasions de voir quelques jeunes gens réunis […] pour leur lire [le] contenu [de votre journal] »82, puis précise que l’audience dont il bénéficie est souvent celle de jeunes soldats. Bien plus, Simplicio Llan, auteur d’une lettre incluse dans El Censor, se présente en ces termes : « je suis un homme qui n’a étudié qu’un peu de grammaire ; mais, malgré tout, les papiers que vous imprimez me plaisent beaucoup et, lorsque le courrier arrive, je suis la plupart du temps déjà en train de l’attendre depuis plus d’une heure chez le curé pour l’écouter les lire »83. Si l’on peut douter de l’authenticité de cette dernière lettre, la mention qu’elle fait d’une pratique de la lecture orale des journaux culturels n’est pas anodine. Par ailleurs, l’influence indirecte qu’ont les périodiques sur la société, à travers le bouche à oreille et les débats en tout genre, rajoute encore au nombre de lecteurs et d’auditeurs. Le Diario pinciano rapporte ainsi un incident lié à son discours contre les villancicos publié un mois avant. Des musiciens se sont ainsi permis, durant la messe, de chanter la copla suivante : « Le nouveau journaliste / est un beau parleur, / il critique tout / pour gagner de l’archán [sic] »84. Lecteurs de périodiques et non lecteurs, toutes les personnes ayant assisté à cette messe ont donc eu vent des débats que le Diario pinciano suscite.
37Ainsi, les relations qui s’établissent entre les journalistes et leurs lecteurs sont aussi diverses que les objectifs poursuivis par la presse et que les secteurs de la population intéressés par son contenu. La variété thématique et formelle qui caractérise l’écriture de la presse culturelle est donc également à considérer comme une conséquence de la nécessité de répondre aux attentes, aux goûts et aux capacités disparates de l’ensemble du lectorat. Le journaliste devient Protée85 pour s’adapter à cette diversité en proposant à ses lecteurs des « genres aussi variés que les goûts »86.
Notes de bas de page
1 « En la botica situada en la placeta de S. Gil, se vende un excelente específico para exterminar las chinches, descubierto por un facultativo de Granada amante del bien público. Se asegura por sus efectos en cuanto a que servirá infaliblemente, impidiendo el nuevo germen de estos incómodos y asquerosos insectos, a lo menos por dos años seguidos. Este remedio se halla probado con repetidas experiencias, no es molesto al olfato, ni perjudicial a la salud. Su método se reduce a untar con él todas las junturas de las camas y demás sitios donde las chinches suelen anidarse » (Mensagero de Granada, 5 juin 1797, p. 7).
2 Enciso Recio, 1990, p. 169.
3 « magnífica comedia heroica » (Semanario de Salamanca, 5 octobre 1793, p. 20) ; « la portentosa comedia » (ibid., 12 octobre 1793, p. 36) ; « una primorosa y magnífica función, en la que el Picolo-Diablo hará las más asombrosas habilidades » (ibid., 18 juin 1795, p. 280).
4 « Omitiremos dar noticia de aquellos libros que no conducen en manera alguna al adelantamiento de las artes y ciencias, colocándolos en el catálogo de libros que no se extractan » (Diario de los literatos, n° 1, « Introducción »).
5 « se hace precis[o] e indispensable, no solo a los Escribanos, sino también a los Jueces y Abogados de quienes se habla largamente en diferentes tratados, y a las demás personas, así de los Estados Noble, Militar, Literario y Eclesiástico Secular y Regular como del Plebeyo » (Correo de Murcia, 29 avril 1794, pp. 268-269).
6 « que quisieren tener el gusto de ver a su satisfacción anunciadas [sus obras] » (Mercurio literario, « Prefacción »).
7 El Corresponsal del Censor, n° 45, p. 751.
8 « de una fuerza secreta que llena de regocijo el alma », « Se nos ha remitido el siguiente anuncio, que publicamos a la letra » (Correo de Madrid, 18 avril 1787, p. 208).
9 « dar noticias de los sujetos ilustres en la República de las letras, cuyas obras no se hayan publicado » (Diario de las musas, 22 décembre 1790, p. 92).
10 « no queden sepultadas en tinieblas » (Aduana crítica, t. iii, « Nota »).
11 « ni se hallan con suficiente caudal para imprimir [sus obras], ni han podido hallar un mecenas que se interese en su protección » (La Espigadera, « Prospecto », p. 9).
12 Diario de Sevilla, 4 septembre, 3, 9 et 10 décembre 1792.
13 « hasta ahora no publicadas » (Semanario de Cartagena, du 28 décembre 1787 au 25 janvier 1788, « Reflexiones histórico-críticas sobre la preciosa reliquia que es un brazo del apóstol Santiago el Mayor »).
14 « se halla extendido entre tan corto número de gentes que apenas el público tiene noticia de él » (Correo de Madrid, « El árbol de Guernica », 2 septembre 1789, pp.23-35).
15 « corto número de ejemplares que se han impreso » (Correo de Murcia, 11 novembre 1794, p. 161).
16 « por lo viciadas que andan las copias que de ella se han multiplicado » (Semanario de Cartagena, 21 décembre 1787, p. 403).
17 Memorial literario, octobre 1787, n° 2, pp. 360-365 ; novembre 1787, n° 2, pp. 495-501.
18 « hondos valles », « bosque sombrío », « lúgubre pardo río », « aves nocturnas » (Correo de Madrid, 19 juin 1790, pp. 151-152).
19 « Aunque es bastante sabido el siguiente rasgo de virtud, que se nos ha remitido para publicarlo, lo ejecutamos no obstante por ser en realidad digno de extenderse » (ibid., 16 février 1787, p. 149).
20 « corre impreso desde aquel tiempo, y aun el ejemplar que se nos ha remitido es de una segunda edición » (Variedades de ciencias, 1805, n° 15, p. 187).
21 « ¡Cuánto es digno de decirse y publicarse, que no puede hacer un volumen ! ¡Cuánto útil solo para las circunstancias presentes ! Y ¡cuánto digno de repetirse para que el buen efecto que pueda hacer se repita también, y se aumente y multiplique. De toda esta lectura quisiera yo abastecer mi periódico, cuando no lo haga con piezas originales, que las preferiré siempre que sean dignas del público » (Semanario de Salamanca, 2 juillet 1796, pp. 3-4).
22 « La aceptación que mereció del público la carta de Narcisa a su amiga, publicada en los números 81, 82 y 83 de este periódico, nos ha movido a reimprimirla en octavo. Desde hoy, pues, se hallará de venta en el despacho principal de este Semanario, Calle del Coso Num. 67, y en la librería de Yagüe, Plaza de la Justicia, y de Ruiz, Plaza de la Seo, a dos reales vellón a la rústica » (Semanario de Salamanca, 14 décembre 1798, p. 384).
23 « a una obra considerable, que el autor no tiene a bien publicar por ahora » (Semanario de Zaragoza, 11 février 1799, p. 89).
24 « Es natural oficio de los periódicos el anticipar la lectura de las ligeras producciones literarias, y especialmente flores poéticas desprendidas de los ingenios en ocasiones particulares, rasgos que por otro medio pocos logran disfrutar sino después de largo tiempo reunidas en voluminosas colecciones » (Memorial literario, 30 décembre 1806, p. 409).
25 « tantear la opinión del público, y particularmente la de Vmds., antes de publicar algunas poesías en un tiempo en que la crítica se suele confundir frecuentemente con la sátira » (Variedades de ciencias, n° 10, p. 246).
26 « […] quisiera antes explorar el dictamen de otros facultativos, dándoles noticia y copia de [mis theses, sic], a cuyo fin las dirijo a Vms. para que, si no hallan inconveniente, las inserten en su periódico con esta carta. En la inteligencia de que tendré particular gusto en merecer el contexto de los profesores que tengan a bien comunicarme, por medio del mismo periódico, sus modos de pensar en esta materia » (Memorial literario, août 1788, n° 1, p. 561).
27 « la demostración filosófica podrá ser utilísima por sí sola, cuando se trata de averiguar la verdad. Pero si se trata de poner al hombre en movimiento, de excitarle a la práctica del bien, de hacerle detestar eficazmente el vicio, es necesario implorar el socorro de todas las artes de la imaginación » (El Censor, n° 8, pp. 120-121).
28 « el despacho de muchos libros que consumen inútilmente el tiempo y el dinero, o siembran en las fantasías de sus incautos lectores unas semillas, que con el tiempo brotan en perjuicio de la política, la religión y las bellas letras » (Aduana crítica, 13 août 1763, p. 6).
29 « hermosear con títulos magníficos unas obras humildes, del modo que observamos por una extravagancia de la arquitectura adornado un edificio pobre de una portada rica » (ibid., n° 1, pp. 17-18).
30 « torrente de lo defectuoso y miserable » (Correo de Madrid, « Idea del tomo octavo »).
31 « amigo juicioso », « los libros cuya lectura le puede ser más ventajosa » (El Regañón, 21 avril 1804, p. 262, lettre du « Doctor y Licenciado Chalequitos »).
32 « segregar el buen metal de sus escorias » (El Duende especulativo, 4 juillet 1761, p. 126).
33 « gastar útilmente sus reales » (Correo de Madrid, 20 mars 1787, p. 187).
34 « juicio y buena práctica » (Diario de los literatos, n° 7, p. 224).
35 « gusto delicado », « bastante repugnancia en aplaudir el método » (ibid., n° 8, p. 372).
36 El Censor, n° 90, pp. 387-388.
37 « Si por raras repugnaren algunas noticias en la vasta descripción de todo el globo de la tierra, se debe parar el discurso y darles aquella fe que se merecen, como hombres de crédito, los geógrafos, viajeros e historiadores ; pues leídas con reflexión, no hallamos reparo en extenderlas, dándolas este asenso que exigen por su naturaleza, atendiendo a que cada día se nos presentan exquisitos prodigios naturales y artificiosos que parecen increíbles » (Correo de Valencia, 8 juillet 1799, « Alfabética descripción Político-Histórico-Geográfica de las Cortes y Repúblicas más principales de la Europa », p. 419).
38 « no se lamenta en ella el recíproco comercio literario de unas naciones ilustradas con otra, sino la demasiada adhesión a la novedad y a opiniones extranjeras que, aunque menos fundadas, suelen ser por este carácter más seguidas » (Semanario de Salamanca, 22 novembre 1794, p. 116).
39 « sírvanos, más que de recreo, de admiración el ingenio prodigioso de Salvador Jacinto Polo de Medina, natural de Murcia. Entre cuantas fábulas hay, tanto en nuestro idioma como en los extraños, no hay otra como la siguiente de Ápolo y Daphne. Aquí brilla el ingenio, derrama todas sus sales la gracia, y el chiste » (Caxón de sastre, n° 51, p. 16).
40 « prevenir el juicio del público, que es el único que tiene derecho a juzgar en la materia » (Discursos literarios, n° 6, p. 91).
41 Dans la pratique, ces aides aux amateurs d’opéra sont rares. En dehors de celle du Medonte, dans ce numéro, on peut relever la présentation de la trame de Juanita y Bernardón, le 1er novembre 1788. Par ailleurs, le Correo de Madrid publie également l’« Argumento del baile trágico pantomimo intitulado del Convidado de Piedra, que se ejecuta en el coliseo de los Caños del Peral de esta Corte » le 29 octobre 1788.
42 « Habiendo observado, que muchas personas de las que han asistido a la ópera el Medonte, ejecutada por primera función en el coliseo de los Caños del Peral, apenas han comprehendido su asunto a causa de no entender el italiano, y no poderse proporcionar la obra impresa en aquel idioma y el castellano ; y siendo muy probable, que así a ellas, como a otras sucederá lo propio con las demás piezas, que se representen en lo sucesivo, nos ha parecido conveniente publicar en nuestro periódico, con anuencia de los interesados, el argumento de ellas y de los intermedios que las acompañen, a fin de facilitar este conocimiento […] » (Correo de Madrid, 6 février 1787, p. 140).
43 Correo de Madrid, 5 et 9, 23 et 26 janvier 1787 ; Minerva, 23 février 1808.
44 « Fijar el gusto » (Correo de Sevilla, « Prospecto »).
45 « La sal de un periódico debe ser la crítica, porque como andan en manos de muchos, así se va extendiendo el gusto y así aprenden varios a no tomar gato por liebre » (Correo de Madrid, 24 février 1791, lettre de C.A.C., p. 158).
46 « Esta comedia empieza por la pérdida de Alarcos por el Rey D. Al[f]onso el Bueno y acaba por la victoria de las Navas. Entre este espacio se insertan varios sucesos o episodios de los cuales los más son remotos de la acción : no hay tiempo ni lugar guardado, según la proporción y duración de los lances » (Memorial literario, mai 1785, p. 102).
47 « un deseo general de aspirar a unos conocimientos más profundos y sólidos » (Semanario de Cartagena, 22 septembre 1786, p. 29, lettre de lecteur).
48 « el gusto de la lectura » (Correo de Madrid, 10 octobre 1786, p. 1).
49 Semanario de Salamanca, 2 juillet 1796, p. 4.
50 « manifestar las fuentes adonde debe recurrir el que quiera instruirse más a fondo » (Variedades de ciencias, « Prospecto », p. 8).
51 « para que tengan en qué ejercitarse los estudiosos, y para que la emulación y competencia empeñen suavemente a los menos aplicados a un fructuoso y laudable ejercicio » (Mercurio literario, « Prefacción »).
52 « excitar a escribir a las [personas] que tengan inclinación y luces » (Correo de Madrid, 30 octobre 1786, p. 27).
53 « pagar a los buenos autores el tributo de elogios que se les debe, y encender en la juventud estudiosa el deseo de merecerlos un día » (Variedades de ciencias, « Prospecto », p. 8).
54 « el día que, con motivo del Diario, salga a luz en esta ciudad otro papel útil, bello y digno de la atención del público, ese será uno de los más alegres de [la] vida [del diarista] ; porque habrá entonces conseguido otro de los fines que le han movido a tomar la pluma » (Diario pinciano, « Plan del Diario », p. 8).
55 « despertar la noble emulación y llevar al mayor grado de perfección las fábricas y artefactos, y que se establezcan en el Reino » (Efemérides, 7 février 1804, p. 151, lettre de J.J.H.).
56 « un estímulo poderoso para el trabajo, para el desempeño y para los progresos de las ciencias, de las artes » (Diario pinciano, « Plan del Diario », pp. 7-8).
57 « para que sirva de estímulo a los que en iguales circunstancias puedan hacer otro tanto » (Correo de Sevilla, 20 novembre 1805, p. 116).
58 Le Spectateur, n° 24, pp. 152-153.
59 Hamon, 1996, p. 151.
60 « con un poco de atención o lo menos que, cuando así no se dignen a hacerlo, se abstengan de juzgar de lo que quise o no decir » (El Censor, n° 27, p. 14).
61 Guinard, 1973, p. 367.
62 Larriba, 1998, p. 15.
63 « Quiero, y es muy justo, que por mis ocho reales, pues soy suscriptor mensual, tenga vmd. a mi disposición, no solo todo su talento sino el de los hombres más sabios, pasados, presentes y futuros » (Minerva, 9 juin 1807, pp. 154-155).
64 « a instancias repetidas de varios sujetos » (Correo de Murcia, 27 avril 1793, p. 266).
65 « En el núm. anterior, nos vimos precisados a publicar tres Romances de las Guerras civiles de Granada porque nos vimos molestados con una infinidad de cartas para que prosiguiéramos con su publicación, desde que dimos los tres primeros en el núm. 229 » (Semanario de Salamanca, 17 septembre 1795, p. 270).
66 « Habiéndonos manifestado muchas personas amantes de la humanidad sus deseos de que hablásemos en nuestro periódico de la vaccina, o viruela de vacas, descubrimiento importante y que tanto ocupa en el día a las personas sabias e inteligentes de toda la Europa, hemos creído poder satisfacer sus deseos dando aquí traducido el artículo que sobre ella se halla en el Mercurio de Francia, 16 pluvioso año 9 (5 de Febrero 1801) » (Memorial literario, mars 1801, p. 87).
67 « más pesada / que huevos duros, que el arroz y queso » (Correo de Murcia, 27 août 1793, p. 266).
68 « sacar el suero de la leche de cabras y ovejas, puro, sano y sin mal sabor alguno » (Efemérides, 5 mai 1804, p. 522).
69 « la utilidad y diversión de los estudiosos » (Mercurio literario).
70 « Hebdomadario de los sabios de España » (Aduana crítica).
71 « noble público de Valladolid », « los primeros y más respetables Magistrados de esta Ciudad, los Ministros ilustrados de los Tribunales, los Eclesiásticos más sabios y juiciosos, los Caballeros más honrados » (Diario pinciano, 24 octobre 1787, p. 353).
72 « Es cosa bien experimentada, en seis años que ha que empezó nuestra obra, no ser de la clase de aquellos periódicos que anden en manos de todos sin distinción. Las listas de los suscriptores que hemos puesto manifiestan bien claramente ser las personas de más cultura y gusto de nuestra España » (Memorial literario, janvier 1790, p. 3).
73 « el valor de las opiniones se ha de computar por el peso, no por el número de las almas » (Cette phrase est tirée de l’ouvrage de Feijoo : Voz del pueblo. Cité par Glendinning, 1984, p. 157).
74 « Siendo los periódicos un alimento y comercio común a todo el pueblo, el aprecio o desprecio de este debe fundar su valor nato, sin pretender los sabios el privilegio exclusivo de su voto » (Correo de Valencia, « Prospecto », p. 593).
75 « a hacer que las luces vayan ganando en elevación y profundidad, como en extensión » (Variedades de ciencias, « Prospecto », p. 4).
76 « el bajo pueblo, los aguadores, los mozos de cordel en las tabernas y en sus tugurios » (Diario de Madrid, « Prólogo », p. 13).
77 « gente sencilla », « los grandes » (Correo de Valencia, 17 septembre 1798, p. 597).
78 « los poderosos, los ricos, los ganaderos, los labradores y las demás clases del estado menos pudientes » (Efemérides, 23 mars 1804, p. 345, lettre de Juan Antonio Sánchez).
79 « de gorra » (El Argonauta español, n° 20, p. 211).
80 Larriba, 1998, pp. 167-168.
81 « rodando de mano en mano » (Diario de las musas, 3 février 1791, p. 266).
82 « buscar las ocasiones de ver reunidos algunos jóvenes […] para leerles [el] contenido [de su periódico] » (Correo de Madrid, 22 décembre 1787, p. 630).
83 « yo soy un hombre que no he estudiado sino un poco de gramática ; pero con todo eso me dan mucho gusto los papeles que Vm. imprime y, cuando llega el correo, ya yo estoy, por lo regular, esperándole hace una hora en casa del cura para oírselos leer » (El Censor, n° 27, p. 413).
84 « El diarista nuevo / es un charlatán, / todo lo critica / por ganar archán » (Diario pinciano, 26 janvier 1788, p. 5).
85 Minerva, 19 mai 1807, p. 108.
86 « géneros tan diversos, como los gustos » (El Caxón de sastre cathalán, n° 1, p. 8).
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