La construction d’une catégorie sociale au xixe siècle
p. 59-73
Texte intégral
1Rappelons-le, l’administration publique espagnole au XIXe siècle est largement héritière des conceptions, des pratiques et des normes de l’Ancien Régime. La révolution libérale n’a pas accouché de la mise en place d’une administration sur le modèle wébérien. Toutefois, même si la structure profonde de l’administration publique reste celle d’une pluralité de corps, le monde des employés publics a acquis une cohérence et un poids social croissant au XIXe siècle. Ce monde mouvant, malgré les permanences, est le même dans la Péninsule et en outre-mer, constitué souvent d’hommes ayant servi dans les deux espaces impériaux. Les mêmes références, les mêmes conceptions s’y déploient, c’est pourquoi toute attention portée aux employés d’outre-mer doit être pensée dans un cadre impérial global.
LA CONSTRUCTION D’UNE CATÉGORIE
2Tenter d’évaluer qui sont les administrateurs des territoires d’outre-mer de l’Empire espagnol nécessite de définir au préalable ce que les contemporains considéraient comme un emploi public. Les différentes définitions que l’on peut relever dans les dictionnaires et dans la législation renvoient toutes à une conception large du terme dans laquelle la dénomination de empleado público est confondue avec celle de funcionario público.
3L’emploi au service du roi ou d’une puissance publique quelconque ne commence à être désigné sous le terme générique d’empleado qu’à partir du début du XIXe siècle, sous la forme d’une substantification du participe passé empleado, sens qui reste encore le seul donné dans l’édition de 1817 du Diccionario de la Real Academia de España. Le glissement de l’adjectif au substantif, signe d’émergence d’un collectif perçu comme cohérent, s’effectue entre le règne de Charles IV et les premières années de celui de Ferdinand VII. Le recensement de Godoy (1797) distingue une catégorie empleados, divisées en quatre : empleados por el rey, por la Inquisición, por Cruzada, por la milicia. Cette division recouvre le service du roi en général, c’est-à-dire ceux qui servent soit directement dans l’administration royale, soit dans les institutions d’Église considérées comme dépendant de la gestion directe de la Monarchie, soit dans le service local de défense au service du roi. Ces derniers n’apparaissent pas parmi les militaires qui font l’objet d’une catégorie à part, et ceux que l’on nommerait aujourd’hui les employés civils se retrouvent aussi dans d’autres catégories comme celle des dependientes de tribunales1. Une catégorisation large et englobante apparaît au lendemain de la guerre d’Indépendance dans un manuel destiné à ceux que l’on appelait les oficinistas, désignés aussi sous le nom de clase de empleados. Cette dernière englobait un ensemble « […] depuis les ministres jusqu’au dernier meritorio [...]. Elle comprend aussi les généraux et autres chefs militaires [...]. Enfin, le magistrat, le propriétaire terrien, le commerçant et toutes les classes de l’État entrent d’une certaine manière dans celles des oficinistas2 ». On retrouve ici une conception caractéristique de la société d’Ancien Régime, une société corporatiste catholique, dotée d’une multitude de juridictions, dans laquelle il n’existe pas une sphère autonome du public ni de l’État. Ce dernier est d’ailleurs défini dans la même source comme « l’ordre, la classe, la situation hiérarchique et la qualité des personnes qui composent un royaume, une république ou un peuple ; tout le corps politique d’une nation3 ». Seuls les ecclésiastiques n’apparaissent pas explicitement dans cette définition de la clase de empleados. On la retrouve toutefois quelques années plus tard dans le cadre d’une définition très large pourtant préparée par un pouvoir libéral. En effet, les libéraux tentèrent en 1822 de définir qui appartenait à la fonction publique dans leur projet de Code civil :
Il est compris dans la classe des fonctionnaires publics tous les employés de nomination des Cortès ou royale, même à titre temporaire, ainsi que les subalternes nommés par ceux-ci [...] ; les députés aux Cortès ou de province, les membres des municipalités, les employés subalternes en commission ou les autres officiers publics nommés par ces corporations [...], y compris les professeurs titulaires dans une science ou un art quelconque, doté par le gouvernement ou par la communauté des provinces ou des communes [...]. Sont compris aussi les prélats et, quand ils exercent une juridiction ecclésiastique, ceux qui ont cure d’âmes [...]. Aussi les juges de fait et ceux nommés dans la classe de peritos, repartidores, contadores, administradores, depositarios, curadores, asesores, defensores, intervendores, promotores fiscales [...]. Sont encore fonctionnaires publics les agentes fiscales, relatores, escribanos, cancilleres, registradores, alguaciles, porteros, oficiales et autres subalternes dépendants des tribunaux et juridictions [...]4.
4Cette longue définition n’amène rien de nouveau par rapport à l’Ancien Régime car elle reste dans le cadre des conceptions corporatistes catholiques. Elle confond par ailleurs les termes empleados et funcionarios. Peu de temps après, Canga Argüelles renvoyait en partie à cette perception en définissant les empleados públicos comme :
Tous ceux qui rendent un service quelconque à l’État dans le domaine de la religion, la politique, la justice ou le militaire, pour lequel ils reçoivent une certaine rétribution pécuniaire correspondant à leurs qualités, aux capitaux, argent, temps et lumières avancés pour se mettre en situation de remplir ce service convenablement5.
5Ce même auteur atteste du maintien de conceptions corporatives quand, commentant le recensement de 1797, il évoque la clase de empleados dans laquelle il distingue trois catégories : les ecclésiastiques, « ceux qui vivent de salaires », les militaires et miliciens, auxquels il ajoute les épouses des hommes appartenant à ces deux dernières catégories, ainsi qu’une moyenne de deux enfants par foyer. Intégrer ces derniers illustre une autre facette de la société corporatiste, dans laquelle la famille et non l’individu reste le noyau social de base.
6Jusqu’au milieu du siècle, les définitions recueillies tendent à réduire le champ d’application du terme, tout en pouvant être encore comprises dans un sens très large : « Celui qui est destiné par le gouvernement au service public d’une nation et qui est payé par celle-ci6 » en 1825, « celui qui est destiné par le gouvernement au service public7 » en 1852. Le Code pénal précise : « On dit qu’un employé est celui qui remplit une charge publique, même si elle n’est pas de nomination royale, et s’il ne reçoit pas de salaire de l’État8 ». Le terme n’est alors jamais employé pour désigner un emploi qui serait octroyé par un particulier ou une entreprise.
7Dans la pratique, s’impose pourtant progressivement un usage limité à l’empleado de la administración pública, catégorie qui apparaît dans le recensement de 1860 et qui est divisée en trois groupes : empleados de la administración del Estado, del órden provincial et del órden municipal9. Un texte émanant du Conseil des ministres à la fin de l’année 1868, reprend ce classement en définissant les empleados públicos comme « tous ceux qui remplissent une charge publique, même si celle-ci est auprès d’une corporation provinciale ou municipale, et même s’ils ne l’ont pas obtenu par nomination royale, ou s’ils ne reçoivent pas de salaires de l’État10 ». Ce n’est qu’à la fin du siècle que le terme empleado n’est plus synonyme exclusif d’emploi public et qu’il commence à suggérer un usage de ce que l’on nommerait aujourd’hui les employés du secteur privé : « personne destinée par le gouvernement au service public ou par un particulier pour l’exécution des affaires de sa compétence ou de son intérêt11 ». Le recensement de 1900 est le premier à intégrer une catégorie empleados dans un ensemble hétéroclite d’emploi de services regroupés dans la catégorie Diversos.
8L’évolution que l’on vient de suivre sur un siècle est le reflet de l’émergence lente d’une distinction entre sphère du public et du privé, mais aussi de la dissociation du religieux et du civil avec la disparition du clergé de la clase de empleados públicos.
9L’usage du terme de fonctionnaire cesse d’être marginal au fil du siècle, tout en étant toujours très minoritaire. Les premières occurrences repérées apparaissent au début des années 182012. On le trouve dans les documents administratifs sous le Trienio liberal. Pour les Cortès, « on doit entendre par là tous les employés de nomination royale, ainsi que les députés aux Cortès, ceux de provinces et les individus des municipalités13 ». L’usage se répandit pourtant très lentement. Au milieu du siècle, le capitaine général de Cuba, José Gutiérrez de la Concha, présentait les capitanes de partido comme les « seuls fonctionnaires dont le gouvernement disposait parmi la population rurale14 ». Le terme est encore absent du dictionnaire de l’Académie royale espagnole en 1852. Quand il y apparaît, il est strictement synonyme d’empleado público. Les textes administratifs font la même confusion, y compris dans un même texte réglementaire15. À la fin du siècle, le très célèbre dictionnaire de l’administration de Marcelino Martínez Alcubilla tente de différencier les deux termes en définissant l’employé comme celui qui « procède d’une nomination du gouvernement ou d’une autre autorité et qui bénéficie d’un salaire », tandis que le fonctionnaire correspond à quelque chose de plus large car il peut aussi être d’« élection populaire, et dans tous les cas, ses fonctions gratuites ou rétribuées reposent sur l’exercice d’un certain pouvoir ou autorité », ce qui renvoie à la tentative de définition de 1820 qui incluait les élus dans les fonctionnaires16. Ces tentatives de différenciation restent cependant peu efficaces, la confusion entre les deux termes perdurant au début du XXe siècle. Cette indifférenciation pratique des deux termes n’empêche pas l’existence d’une catégorie claire dénommée Administración pública que l’on a vu émerger au fil du siècle et qui est présentée dans le recensement de 1900 comme constituée de deux branches : Administración pública au sens de l’administration par des civils et Fuerzas públicas qui comprend l’armée, la marine et les responsables de l’ordre public (garde civile, carabiniers et police)17.
L’ÉMERGENCE D’UN GROUPE ET D’UNE FORCE SOCIALE
10Si les employés des bureaux de la Monarchie et des municipalités n’ont pas attendu le XXe siècle pour exister, c’est en revanche à ce moment-là qu’ils deviennent un groupe social doté d’une certaine cohérence, que l’on peut assimiler aux « groupes de statut » wébérien, c’est-à-dire un ensemble d’individus partageant les mêmes valeurs, les mêmes normes, un style de vie proche et caractérisés par un fort sentiment d’appartenance associé à une relative fermeture à l’égard du reste de la société (endogamie marquée, conventions sociales communes, style vestimentaire...)18. La cohérence est renforcée par la création de normes bureaucratiques régulant le groupe en question. L’émergence d’un tel groupe social n’est enfin possible qu’à partir d’un certain seuil numérique, d’une taille critique qui permet de passer du simple réseau professionnel de solidarité à un groupe social.
11Ce passage s’opère en Espagne à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Il est lié d’une part à l’essor de la monarchie administrative19, c’est-à-dire à l’augmentation de la sphère d’intervention du monarque et de ses agents, et d’autre part à un mouvement politico-culturel marqué par l’intérêt pour l’économie politique, pour la statistique et par l’émergence d’une foi en l’action de l’État administratif comme aiguillon du développement économique et social, foi qui s’est incarnée dans la naissance du Fomento (juntes puis ministère du Fomento en 1832) que l’on peut traduire par « développement » et plus tard, dans les années 1840, dans l’émergence d’une science administrative autour des pères fondateurs du droit administratif (Colmeiro, Oliván...). Cette évolution suscita l’émergence du groupe des covachuelistas, souvent brocardés au XVIIIe siècle par la haute noblesse, groupe qui se transforma au XIXe siècle par ce que les contemporains appelaient la clase de los empleados.
12Ce phénomène a favorisé une forte demande sociale en emplois publics venant de secteurs qui constituaient ce que l’on pourrait désigner de manière commode mais imparfaite comme la clase media. Dénoncée au moins depuis le règne de Charles III, cette demande sociale en emplois publics s’amplifie au point d’apparaître à la fin du XIXe siècle comme « le germe fécond de ce cancer de la société connu sous le nom d’empleomanía20 ». La recherche d’emplois publics aux dépens d’emplois dans d’autres secteurs devient un trait récurrent de la société espagnole et est largement exploitée dans la littérature costumbrista21. Elle l’est encore au début du XXe siècle, où l’on déplore « la légion toujours croissante d’employés22 ».
13Quel était le poids numérique de l’administration publique au XIXe siècle ? Celle-ci est constituée d’une part de l’administration d’État (dénommée administration royale jusqu’aux années 1830) et d’autre part des appareils administratifs des provinces (des diputaciones) et des municipalités. Globalement, la part de l’administration d’État est croissante sur un siècle car la révolution libérale a éliminé progressivement les seigneuries et réduit la capacité du clergé à administrer des territoires. L’administration civile royale était probablement inférieure à 14 000 individus en 1830, dont plus de 7 300 employés du ministère des Finances, auxquels il faut ajouter environ 9 000 douaniers (Resguardo)23. Les données recueillies dans le Diccionario Geográfico-estadístico de Pascual Madoz, réalisées à partir des budgets de 1845 à 1848 donnent un niveau similaire : 13 559 sans compter les plus de 10 000 carabiniers (qui ont remplacé pour l’essentiel le Resguardo)24. Le recensement de 1860 donne 30 776 individus (douaniers inclus). L’administration publique royale talonne ainsi l’administration des provinces et des municipalités (35 121 employés). À ces quelque 30 000 employés doivent être ajoutés les militaires qui occupaient des fonctions administratives25. Les recensements généraux suivants n’établissent pas de distinction entre employés civils de l’administration d’État et des administrations locales. Il s’agit probablement là de l’effet de deux mouvements : d’une part celui de la perception de plus en plus globale de l’existence d’une catégorie sociale, celle des employés, quelle que soit l’origine de la nomination, d’autre part de la centralisation croissante des données par les services de l’État. En effet, le recensement de 1860 restait marqué par les pratiques anciennes en s’appuyant prioritairement sur le travail de recensement traditionnel (el empadronamiento) opéré par les municipalités. La tendance à l’augmentation du nombre d’employés est confirmée par le recensement de 1887 qui comptabilise, toutes catégories confondues, 97 257 empleados públicos. En 1913, l’ensemble de la catégorie aurait plus que doublé par rapport à 1860 (152 184), et, comme à cette dernière date, administration d’État et administration locale se trouveraient à un niveau proche (respectivement 76 248 et 75 936)26. L’ampleur de l’augmentation de l’administration d’État est liée à l’augmentation et à la complexification des secteurs considérés comme relevant de l’administration centrale, ce qui signifie apparition de secteurs nouveaux mais aussi transfert de certains secteurs de l’administration locale à l’administration centrale. Le cas numériquement le plus révélateur de ce mouvement est celui des instituteurs (maestros de primera enseñanza) qui dépendaient des municipalités au XIXe siècle, avant de passer sous la dépendance du ministerio de instrucción pública en 190127.
14Le groupe social des employés était donc numériquement limité dans un pays qui en 1887 avait 17,5 millions d’habitants (Espagne péninsulaire). Toutefois, leur poids social était infiniment supérieur, en particulier dans le contexte de forte mobilisation politique pour conserver ou conquérir le pouvoir qui caractérise le pays jusqu’en 1875. Il formait une part importante de la clase media : « l’immense majorité de ce que l’on appelle la clase media, surtout dans les grandes villes, est composée d’employés publics28 ». Ce groupe social est décrit par le libéralisme conquérant de la première moitié du XIXe siècle comme la colonne vertébrale de la nouvelle société. On pouvait lire dans un numéro de 1837 d’El eco del Comercio : « Ce n’est que dans la clase media que l’on rencontre le désir de progrès, qui s’appuie sur la capacité et est tempéré par l’esprit d’ordre accompagnant la propriété et les lumières29 ».
15Ce groupe alphabétisé doté de capacité d’encadrement a été déchiré par les luttes politiques, mais partageait un certain nombre de conceptions sur sa place et son rôle social, marqués par l’émergence d’un fort esprit de corps et par une solidarité entre ses membres. Pour ces raisons, aucun des pouvoirs politiques ne pouvait courir le risque de se l’aliéner complètement et toutes tentatives pour exclure collectivement les employés perçus comme des ennemis du pouvoir se soldèrent par des échecs. Ferdinand VII a été le plus loin dans cette volonté lors de la restauration de 1823 qui ouvre la plus grande épuration administrative que le pays ait connue jusqu’au franquisme. Il y est en grande partie parvenu dans l’armée, mais au final a échoué dans l’administration civile où la force de l’esprit de corps a limité les effets de la vengeance politique30.
16La résistance collective dont font preuve les employés quand le pouvoir politique tente de déstabiliser le groupe repose sur une conception sociale de l’emploi public qui assimile celui-ci à une propriété. Les débats qui ont eu lieu dès l’exclusion des joséphins en 1813 s’en sont fait clairement l’écho. En 1824, le procureur du Conseil de Castille est obligé de justifier la destitution des employés indésirables politiquement en affirmant : « Il convient de faire disparaître l’idée fausse selon laquelle les emplois sont réputés être une propriété et que le renvoi des employés soit l’objet d’un litige entre le gouvernement et les intéressés31 ». Pourtant, le vocabulaire employé traduisait le contraire avec le maintien de l’expression de Real nombramiento en propiedad pour une part importante de ce que l’on désignerait aujourd’hui sous le nom de moyenne et haute fonction publique d’État. Quarante ans plus tard, cette conception n’avait pas encore disparu. En effet, en dénonçant un décret qui justifiait le refus de la sécurité de l’emploi pour les employés de l’État, Marcelino Alcubilla affirmait : « Il faut considérer d’une certaine manière les emplois comme une propriété de celui qui a obtenu une nomination légitime32 ».
17Cette conception rendait inconcevable l’idée d’une exclusion pure et simple de l’administration. S’est imposée alors la pratique de verser à l’employé mis à pied (le cesante) une pension, sans limitation de durée de perception, d’un montant proche du salaire d’activité dans un premier temps, puis d’un montant variant en fonction de l’ancienneté. « Le salaire d’un cesante est une propriété prescrite, irrévocable33 » écrivait en 1840 un employé qui se plaignait du montant des pensions et de l’irrégularité de leurs versements. Est ainsi apparue une grande figure sociale du XIXe siècle, celle de l’employé cesante34, percevant une maigre pension en attendant de revenir en activité à la faveur du retour au pouvoir du groupe politique auquel il était attaché.
18Ces cesantes, tout comme les retraités (jubilados) et les veuves ou orphelins pensionnés sont culturellement à inclure dans la clase de los empleados qui ne se limite pas ainsi aux seuls actifs. Les recensements les considèrent d’ailleurs comme tels car la catégorie empleados públicos que l’on y rencontre est divisée en actifs et clases pasivas, dernière catégorie qui inclut tous les pensionnés (cesantes, jubilados, et veuves et orphelins pensionnés). Le volume du groupe social des employés publics doit ainsi être accru de 15 % à 25 % suivant les périodes.
19Cette part était incompressible sur toute la période car le pouvoir politique entretenait le « stock » de cesantes en refusant l’idée de stabilité de l’emploi public et en procédant par conséquent à l’embauche des partisans du pouvoir en place et au licenciement des employés les plus marqués soutenant le pouvoir politique antérieur. Les quelques tentatives pour parvenir à la stabilité de l’emploi, par exemple sous le gouvernement O’Donnell en mars 1866, furent sans lendemain. La combinaison de la pratique clientéliste du pouvoir, de la pression sociale des employés exclus qui cherchaient à retrouver un poste et de l’idée que le gouvernement devait s’appuyer sur des agents qui lui étaient attachés politiquement pour être efficace conduit à une situation inextricable dans laquelle tout gouvernement qui cherchait à imposer l’inamovibilité de l’emploi public était immédiatement suspecté de vouloir pérenniser sa présence au pouvoir et de se donner les moyens de saboter l’action du gouvernement suivant. Cette situation a des conséquences en outre-mer, dans la mesure où la haute administration est nommée à Madrid. Toutefois, la question de l’inamovibilité y est tranchée sans les équivoques existant dans la Péninsule : les pouvoirs extraordinaires accordés au capitaine général depuis 1825 à Cuba, puis à Porto Rico et aux Philippines dans les années 1830, permettaient à celui-ci de destituer librement tous les employés publics.
20Enfin, en outre-mer comme dans la Péninsule, le sentiment commun d’appartenance à un même groupe social et professionnel s’appuyait depuis l’Ancien Régime sur une visibilité extérieure liée à l’usage d’un uniforme, usage très répandu dans de très nombreux corps. Le phénomène ne touchait pas uniquement les corps techniques mais aussi une grande part des employés des Finances. La cohérence culturelle du groupe était enfin renforcée grâce au développement d’une littérature professionnelle propre dès le règne de Ferdinand VII. Celle-ci est précocement constituée de manuels destinés aux employés, à commencer par El oficinista instruido o practica de oficinas reales (1815) de Angel Henry. Par la suite, d’autres ouvrages paraissent dont le plus important est sans conteste le Diccionario de la Administración de Marcelino Alcubilla qui paraît à partir de 1868 et connaît de nombreuses rééditions et actualisations jusqu’au début du XXe siècle. En 1832 commence la publication de périodiques avec l’apparition du Boletín del Estado, initiative du pouvoir central qui a pour objectif la diffusion des mesures législatives et réglementaires que les pouvoirs locaux devaient connaître, mais qui a aussi pour conséquence de répandre une même logique juridique, un même cadre de pensée et des références communes. Cette presse s’est fortement développée par la suite. Parmi les plus importants se trouvent El Empleado ou Los destinos Civiles qui offraient toutes les informations liées aux carrières et salaires des employés, à leurs droits et devoirs, aux honneurs et uniformes qui caractérisaient les différents corps et bureaux35. Cette littérature spécifique est plus lente à s’imposer dans les colonies, en grande partie à cause de l’absence de législation spécifique et de la complexité d’une situation évoquée en introduction de ce livre, dans laquelle à la persistance des leyes de Indias, s’ajoutaient des règlements particuliers et les lois et règlements adoptés dans la Péninsule. Outre les ouvrages visant à offrir une globalité de la législation ultramarine, de la Biblioteca de Legislación ultramarina de José María Zamora (1844) à la Compilación legislativa del gobierno y administración de Ultramar de Manuel Fernández Martín (1890)36, quelques périodiques tel El almanaque del empleado de la isla de Cuba37 ou des ouvrages spécifiques destinés aux employés ont été publiés comme La Guía del empleado de Hacienda de la isla de Cuba de Leandro García y Gragitena (La Havane, 1860), le Manual del Empleado de Manuel Artigas (1890) publié à Manille ou le Consultor del empleado de Ultramar de Manuel Adell y Olivera publié à La Havane en 189338.
DE LA COHÉRENCE CULTURELLE À DES TENTATIVES DE COHÉRENCE NORMATIVE
21Le personnel administratif municipal et provincial du XIXe siècle est très mal connu. Il n’en est pas de même des employés de l’État, groupe dans lequel une cohérence culturelle précoce est apparue et a été accentuée au fil du temps par l’émergence du droit administratif et par les tentatives des gouvernements pour administrer sous des normes communes. Cette fonction publique d’État est le fruit d’une synthèse : celle d’un héritage de l’Ancien Régime et de l’introduction de normes nouvelles. En effet, elle est constituée d’une pluralité de corps bénéficiant de formes d’autonomies juridictionnelles, ce qui constitue la marque d’une corporation d’Ancien Régime, corps qui coexistent avec l’apparition de catégories neutres « wébériennes ».
22Le droit administratif qui est élaboré à partir des années 1840 et qui caractérise l’État libéral modéré alors triomphant conduit à l’acquisition d’une immunité de fait en matière de responsabilité en faveur des employés de l’administration. La loi de 1845 prévoit en effet qu’aucun employé ne pourra faire l’objet d’un procès pour des faits relatifs à ses fonctions sans une autorisation du gouvernement. Il s’agit d’une rupture avec les pratiques antérieures : l’employé individu responsable devant les tribunaux (ou devant les Cortès) cède le pas devant l’employé membre d’une catégorie irresponsable, qui est l’administration39. En parallèle, la protection juridique des employés se constituait à partir de la mise en place de Tribunales de honor dans plusieurs corporations d’employés. Ces tribunaux, composés des pairs des individus accusés, ont proliféré dans le tiers du XIXe siècle et jouaient un rôle d’instance disciplinaire40. Les corps les plus puissants et les plus prestigieux, les cuerpos especiales facultativos, se sont constitués à partir de 1833 et correspondent aux corps techniques (ingénieurs des mines, des chemins canaux et ports...), beaucoup moins soumis aux épurations et à la cesantía que les autres secteurs de l’administration, composés de corps dits cuerpos generales41.
23L’appareil administratif ne bénéficiait pas d’unité normative mais était ainsi divisé en une série de corps bénéficiant pour la plupart d’entre eux de privilèges juridiques. Cette situation n’était pas propre à la Péninsule et était partagée par les colonies. Au milieu du XIXe siècle, le général Gutiérrez de la Concha s’en plaignait à Cuba en décrivant les juridictions particulières permettant d’échapper à la juridiction ordinaire :
À Cuba, les fueros particuliers prévalent sur la justice ordinaire et il existe le fuero ecclésiastique [...], le fuero de la guerre, actif et passif, celui des ingénieurs, des finances, des commissions militaires, des cesantes de l’ancienne factorerie de tabac, du tribunal aux comptes, celui des mines, du courrier, [...] de la marine et de son ministère42.
24Toutefois, derrière la diversité structurelle, un processus de normalisation lent et incomplet avait débuté à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. L’administration royale y avait progressivement acquis une forme de sécurité de l’emploi et de protection sociale. Dans les corps qui avaient émergé, les carrières étaient soumises à des règles et les salaires régulés par des grilles d’avancement. Avec les Monte Pío, une ébauche de système de protection sociale apparut : une cotisation de 2,5 % du salaire était destinée aux caisses des différents Monts-depiété créés à partir de 1761 qui versaient des pensions aux veuves et aux orphelins d’employés dépendants de ces différents secteurs. Les octrois de retraites étaient rares et ne touchaient que des employés méritants qui ne pouvaient plus exercer de fonctions en raison de maladies ou de leur âge. L’ordonnance du 3 septembre 1803 fournit la première règle générale sur le montant des retraites mais l’obtention restait entièrement à la discrétion du monarque43.
25La normalisation débute dans la dernière décennie du règne de Ferdinand VII (1823-1833), motivée par l’effondrement des recettes de l’État qui conduisait à la nécessité de maîtriser les dépenses de personnel. Le ministre des Finances, Luis López Ballesteros, adopta deux mesures fondamentales. La première correspond au décret du 7 février 1827 qui prétendait fondre toutes les carrières des différents emplois du ministère des Finances dans un cadre unique, quels que soient les services concernés, cadre dans lequel était définie une grille unique de salaire et de grade. L’autre texte est le décret du 3 avril 1828, qui normalise les pensions des cesantes et des retraités de l’ensemble des employés de l’administration civile royale. Cette décision est suivie par la disparition des caisses de Monte Pío particulières à certains corps qui avaient été créées au XVIIIe siècle, remplacées par un système unique de pensions pour les veuves ou les orphelins d’employés, pensions perçues sur le Trésor public. L’ensemble des pensions (cesantes, jubilados et pensions aux veuves et aux orphelins) était géré à partir de 1834 par une Comisión de clasificación dont le nom change à plusieurs reprises (Junta de clasificación, Junta de clases pasivas ou Junta de pensiones civiles)44. La fusion normative est impulsée par le ministère des Finances qui constitue de loin le ministère aux effectifs le plus important de l’administration royale civile : en 1830, les salaires versés à l’ensemble de ses employés s’élevaient à 67,5 millions de réaux, contre 8,3 millions pour les deux autres ministères civils (Gracia y Justicia et Estado)45.
26Cette première tentative de normalisation fut l’occasion d’accroître la différence entre deux catégories d’employés : ceux de nomination royale (real nombramiento) et les autres. En principe, les employés de Real nombramiento étaient sous l’Ancien Régime ceux qui étaient nommés directement par le monarque par l’intermédiaire des ministères ou via la chambre de Castille. Ils représentent la haute et moyenne administration, le reste des employés, tels les nombreux commis, était nommé par les représentants des différents ministères et bureaux à l’échelon local. La distinction entre ces deux groupes devient une question sociale à partir du moment où l’administration des Finances décida à partir des réformes de López Ballesteros de 1827 et 1828 de se fonder sur cette différence pour accorder ou non une forme de protection sociale aux employés. Il s’agissait de réduire les coûts de personnel pour un budget de l’État en déficit structurel. Les budgets de 1828 et 1829 montrent que l’ensemble de ce que les contemporains nommaient les clases pasivas représentait plus de 10 % de l’ensemble des dépenses des ministères des Finances, de Gracia y Justicia et de Estado46. Afin de limiter ces coûts, le décret du 7 février 1827 établit une différence normative entre employés de real nombramiento et subalternes pour le ministère des Finances et celui du 3 avril 1828 qui touche l’ensemble des ministères, à l’exception de celui de la Guerre, limite désormais le droit à pensions aux seuls employés de Real nombramiento et normalise les pensions qui leur sont destinées. L’ensemble des deux décrets met donc clairement sur pied une administration à deux vitesses : celle des couches moyennes et supérieures qui se caractérise par un real nombramiento, une carrière normalisée et une protection sociale, et les subalternes relevant d’autant de règlements particuliers et qui ont des droits limités dans le temps à l’occupation d’un poste47.
27Ces mesures dictées avant tout par un souci de contrôle et de réduction des dépenses ont suscité des résistances importantes car elles revenaient à supprimer le droit à pensions pour les subalternes et à réduire le montant de celles-ci pour les autres. L’application fut rigoureuse jusqu’en 1833, elle le devint beaucoup moins ensuite. Dans un contexte de guerre civile, le gouvernement qui ne pouvait s’aliéner un groupe social puissant céda sur plusieurs points. Les employés jouaient de l’ambiguïté du décret de 1828 pour réclamer des pensions non plus uniquement pour les détenteurs d’un real nombramiento, mais aussi pour tous ceux qui bénéficiaient de salaires fixes perçus sur les fonds du Trésor royal. Les employés en poste en outre-mer parvinrent à être exemptés du décret d’avril 1828 jusqu’en 1842 et donc avaient tous droits à pension jusqu’à cette date48. Après la première guerre carliste, la situation ne s’éclaircit guère. L’unification prévue dans le texte de 1828 restait un horizon lointain. La situation se complexifia avec la création de nouveaux corps dans la Péninsule comme en outre-mer. Les corps chargés du maintien de l’ordre tels que carabiniers, douaniers ou Guardia Civil bénéficiaient explicitement des droits à pension. Ainsi lors de la fusion des divers corps de douaniers des Philippines dans un seul corps : le règlement du 4 juin 1841 étendit aux gefes, oficiales e intervendores le droit à des pensions de retraite ou de cesantes49 (art. 74). La situation ne changea guère jusqu’à la fin du siècle. Dans l’ensemble de l’Empire espagnol, la normalisation globale des droits à pensions restait très incomplète, avec toutefois une exception notable importante, celle du paiement des pensions. En effet, celles-ci n’étaient plus payées par autant de caisses particulières, mais étaient centralisées au ministère des Finances depuis les réformes de López Ballesteros. Dans les budgets de la Péninsule comme dans ceux d’outre-mer, une ligne budgétaire unique50 du ministère des Finances correspond à l’ensemble des pensions, quel que soit le corps d’origine du pensionné.
28L’échec normalisateur est encore plus important dans le domaine de la création de catégories génériques organisant l’ensemble des carrières. L’application du décret du 7 février 1827 marqua le pas après la chute de López Ballesteros pour le personnel de la Péninsule et n’avait pas commencé à être appliquée en outre-mer. L’initiative de 1827 fut reprise par le célèbre décret de Bravo Murillo du 18 juin 1852 qui ne se limita plus au ministère des Finances, mais tenta d’imposer un cadre commun en étendant la fusion des catégories administratives à l’ensemble de la administración activa del Estado (art. 1) au travers de six catégories d’emplois quelque soient les services administratifs concernés51. L’application semble là encore limitée et dès le départ des corps furent exclus du champ d’application du décret52. Toutefois, l’initiative fut reprise avec le Reglamento orgánico de las carreras civiles de la Administración del Estado (décret du 4 mars 1866)53. D’autres mesures uniformisatrices furent prises au début de la restauration (ordonnance du 8 août 1876, décret du 20 septembre 187854), puis dans les années 1890, jusqu’à la Ley de funcionarios de 1918.
29La logique de ces textes est étendue avec un temps de retard dans les colonies. Le décret du 9 juillet 1860 est le premier à catégoriser les employés des ministères des Finances, du Fomento et de la Gobernación, suivant un modèle proche de celui du décret de Bravo Murillo. Cinq catégories sont déterminées et confirmées par le règlement organique des carrières civiles de l’administration publique d’outre-mer du 3 juin 1866 : chefs supérieurs, chefs d’administration, chefs de bureau, officiers, aspirants à officiers. Au bas de l’échelle se situait la catégorie des subalternes, « n’ayant pas le caractère d’employés publics », c’est-à-dire les droits à pension et privilèges y afférant55. Là encore, l’échec est patent d’abord par la liste des exceptions incluses dans le règlement même : les conseillers d’administration et les membres de tous les organes consultatifs, les employés des cours des comptes d’outre-mer (tribunal de cuentas), les ingénieurs, le corps du télégraphe, les professeurs, une partie des employés des services statistiques, ceux des prisons, les juges et fonctionnaires auxiliaires de l’administration de la justice, le ministerio fiscal56. Les décrets du 20 septembre 1878, du 25 juillet et du 2 octobre 1884, du 13 octobre 1890 sont autant de moment où l’objectif de normalisation globale des emplois publics et d’alignement sur la Péninsule est réitéré, signe de leurs échecs successifs57, ce que confirme le préambule du décret du 2 octobre 1884 en reconnaissant l’absence d’application des mesures d’assimilation avec la Péninsule, en l’attribuant aux changements politiques et « à l’étroitesse des règles et au caractère trop limité des conditions auxquelles sont soumis les entrées dans la carrière et les mouvements des employés58 ». De plus, comme nous l’avons vu précédemment59, les différences entre les Antilles et les Philippines servaient de justificatifs à refuser une homogénéisation. Il existe une tension permanente dans les textes portant sur l’outre-mer entre la volonté d’assimilation des carrières avec la Péninsule et l’insistance sur le caractère spécifique de ces emplois. La volonté assimilatrice apparaît une des dernières fois dans la construction d’une échelle (escalafón) de l’ensemble des employés actifs de Real nombramiento dépendant du ministère d’Outre-mer, ordonnée selon les catégories du décret du 13 octobre 189060.
30Les mesures globalisantes visant à créer une fonction publique wébérienne dotée de catégories génériques ont échoué car la logique de corps héritée de l’Ancien Régime et la diversité qu’elle induit ont perduré. Par conséquent, cette fonction publique du XIXe siècle n’est pas à considérer en termes pathologiques, de désorganisation et d’incurie, mais bien en termes d’inertie par rapport à des conceptions forgées à la fin de l’Ancien Régime61. Cette inertie était encore plus forte en outre-mer et était accentuée par l’exclusion de ces territoires de la légalité constitutionnelle, puis par les résistances et les peurs péninsulaires à l’égard des timides projets d’assimilation des années 1878-1892.
31Toutefois, une des raisons majeures des échecs de ces mesures est bien l’esprit de corps qui a conduit à résister à toutes les tentatives d’uniformisation susceptibles de mettre en péril des privilèges de chacun des corps de l’administration publique. L’addition et la force des résistances de chacun d’entre eux se sont autoentretenus et ont contribué par là même à donner cohérence à l’ensemble, d’autant plus que, malgré leurs échecs globaux, certains des points des textes unificateurs étaient parvenus à se concrétiser, tels les paiements centralisés des pensions quelque que soit le corps d’origine de l’employé. Cette cohérence était renforcée par le fait que les employés des divers corps étaient issus des mêmes groupes sociaux. Par ailleurs, le regard social porté sur ces hommes, leur culture, leur poids numérique croissant, étaient autant de nouveaux facteurs de cohésion. Ils constituaient un monde différencié mais cohérent, un groupe social de pression puissant, tout en étant la face la plus visible de la puissance publique, en principe au service de celle-ci. Dans la Péninsule comme en outremer, la dénonciation récurrente dont ils étaient l’objet dans la presse et dans la littérature en constitue une preuve, dénonciation dont la force a été capable de construire un des principaux stéréotypes de la société impériale du XIXe siècle62.
Notes de bas de page
1 Censo de la población de España en el año de 1797, pp. 31 et 44.
2 « [...] desde los ministros y embajadores hasta el último meritorio [...]. Comprende tambien a los generales y demas jefes militares [...]. Enfín, el magistrado, el hacendado, el comerciante y todas clases del Estado entran, en algun modo, en las de oficinistas ». Le terme de meritorio désigne les jeunes employés entrant dans les bureaux sans salaire, dans l’espoir d’être retenus lors de la première vacance de poste. Henry, El oficinista instruido o practica de oficinas reales, Obra elemental necesaria a todas las clases de empleados en ellas, y util a los demas del Estado, entrée « Clase de empleados ».
3 « El órden, clase, gerarquía y calidad de las personas que componen un reyno, una república o un pueblo ; todo el cuerpo político de una nación », ibid., entrée « Estado ».
4 « Comprendese en la clase de funcionarios públicos todos los empleados de nombramiento de Córtes o del Rey, aunque sean temporales, y los subalternos nombrados por ellos [...] ; los diputados de Córtes ó de provincia, los individuos de los ayuntamientos, los comisionados subalternos y demás oficiales públicos nombrados por estas corporaciones ó por las diputaciones provinciales incluso los profesores titulares de alguna ciencia ó arte, dotados por el Gobierno o por la comunidad de las provincias ó pueblos, [...]. También se comprenden los prelados y cuantos ejerzan juridicción eclesiástica, los que ejerzan cura de almas [...]. Asimismo los jueces de hecho, los nombrados de oficio ó judicialmente en clase de peritos, repartidores, contadores, administradores, depositarios, curadores, asesores, defensores, intervendores, promotores fiscales [...]. Son también funcionarios públicos [...] los agentes fiscales, relatores, escribanos, cancilleres, registradores, alguaciles, porteros, oficiales y demas dependientes subalternos de los tribunales y juzgados », cité dans Lorente Sariñena, Garriga, 1998, p. 244.
5 « Todos los que hacen algún servicio al Estado en los ramos de religión, política, judicial, económico y militar por el que reciben alguna retribución pecuniaria correspondiente a su calidad y a los capitales y dinero tiempo y luces anticipados para ponerse en disposición de desempeñarlos debidamente », cité dans Canga Argüelles, Diccionario de Hacienda, p. 348.
6 Nuñez de Balboa, Diccionario de la lengua castellana, 1825.
7 Id., Diccionario de la lengua castellana, 1852.
8 « Se repute empleado todo el que desempeña un cargo público, aunque no sea de real nombramiento, ni recibe sueldo del estado », Tit. VIII, art. 331 ; cité dans Martínez Alcubilla, t. VI, entrée « Empleado público ».
9 Censo de la población de España… de 1860, p. 761
10 « Todos los que desempeñen un cargo público, aunque sea en corporaciones provinciales o municipales, y aunque no lo hayan obtenido por real nombramiento, ni reciban sueldo del Estado », cité dans Ortego Gil, 2004, p. 60.
11 Diccionario de la Real Academia Española, 1884.
12 Le Corpus del Nuevos diccionario histórico développé par la Real Academia Española voit la première occurrence en 1821 à propos des employés publics des nouvelles républiques américaines. Voir en ligne <http://web.frl.es/CNDHE/org/publico/pages/consulta/entradaCompleja.view> consulté le 23/11/2014.
13 « Deben entenderse todos los empleados de nombramiento real, así como los diputados de Cortes, los de provincia y los individuos de ayuntamientos », cité dans Tomás y Valiente, 1983, p. 706.
14 « Únicos funcionarios que el Gobierno tenía en la población rural », Gutiérrez de la Concha, Memorias sobre el estado político, p. 102.
15 Voir de nombreux exemples dans Cos-Gayón, Cánovas del Castillo, Diccionario manual de derecho administrativo.
16 « Procede de nombramiento del gobierno o de otra autoridad y que goza de un sueldo » ; « elección popular, y en todos casos sus funciones gratuitas o retribuidas envuelven el ejercicio de cierto poder o autoridad », cité dans Martínez Alcubilla, Diccionario, t. IV, p. 803.
17 Censo de la población de España… de 1900, p. 214.
18 Weber, 1995.
19 Garriga, 2004b.
20 « El germen fecundo de ese cancer de la sociedad conocido con el nombre de empleomanía », cité dans Martínez Alcubilla, t. II, p. 341.
21 Fuentes, 2002a.
22 Entrée « Empleados públicos », dans Nuevo y completo diccionario administrativo con toda la legislación vigente hasta 31 de Diciembre de 1907, p. 1276.
23 Luis, 2002, p. 279.
24 Moral Ruiz, 2007, pp. 122-125.
25 On ignore leur nombre, mais l’armée est évaluée à 147 145 individus en 1860, Censo de la población de España… de 1860.
26 Moral Ruiz, 2007, pp. 131-132.
27 Sur l’administration publique sous la Restauration, la référence reste Villacorta Baños, 1989.
28 « La inmensa mayoria de la llamada clase media, sobre todo en las grandes poblaciones, se compone de empleados públicos », entrée « Empleados públicos » dans Nuevo y completo diccionario administrativo con toda la legislación vigente hasta 31 de Diciembre de 1907, p. 1276.
29 « Sólo en la clase media se encuentra el deseo del progreso, apoyado en la capacidad y templado por el espíritu de orden que acompaña a la propiedad y a la ilustración », cité dans Fuentes, 2002a, p. 163.
30 Luis, 2002, en particulier pp. 319-322.
31 « Conviene hacer desaparecer la idea equivocada de que los empleados se reputen una propiedad y que la separación de los empleados sea el objeto de un litigio entre el gobierno y los interesados », AHN, Consejos, libro 987, consulta du 20 janvier 1824.
32 « Hay que considerar de cierto modo los destinos como una propiedad del que ha obtenido un nombramiento legítimo », Martínez Alcubilla, Diccionario, t. VI, p. 364.
33 « El sueldo de un cesante es una propriedad prescrita, irrevocable », Grito de un cesante, p. 5.
34 Albuera Guirnaldos, 1990.
35 Carrasco Canals, 1975, p. 249.
36 Alvarado Planas, 2013, pp. 13-40.
37 Publié à La Havane dans les années 1880 par Luis Cavallé y Saiz, oficial de administración civil.
38 Voir références parmi les sources imprimées, pp. 277-286.
39 Lorente Sariñena, Garriga, 1998.
40 Martínez Pérez, 2008-2009, pp. 472-473.
41 Jiménez Asensio, 1989b.
42 « En Cuba prevalecen los fueros privilegiados sobre el ordinario, y existen con un juzgado especial el Ecclesiástico [...], el fuero de Guerra, activo y passivo, el de Ingenieros, el de Artillería, el de Comisiones militares, el de Hacienda, el de cesantes de la estinguida factaría de tabacos, el del tribunal de cuentas, el de Minas, el de Correos, [...] el de Marina y su ministerio », Gutiérrez de la Concha, Memorias sobre el estado político, p. 119.
43 Entrée « Jubilaciones, cesantías, orfandades », dans Martínez Alcubilla, Diccionario, t. VII, pp. 645-646.
44 Le détail de ces changements dans Guía de los archivos de Madrid, p. 231.
45 Luis, 2002, pp. 279-280.
46 Ibid., p. 198.
47 Ibid., chap. X.
48 Ordonnance du 18 janvier 1842 qui étend à l’outre-mer le décret du 3 avril 1828. Artigas, Manual del empleado, p. 273.
49 Ce corps est créé par l’ordonnance royale du 18 octobre 1837. Zamora y Coronado, Biblioteca de legislación ultramarina, p. 360.
50 Tantôt appelée Clases pasivas ou Junta de clases pasivas dans les budgets de la Péninsule ou d’outre-mer.
51 Jefe superior de administración, Jefe de administración, Jege de negociado, oficial de administración, aspirante, subalternos.
52 Outre l’armée, ne sont pas concernés les gouverneurs civils, les professeurs, les juges et magistrats, les ingénieurs civils et des mines et toutes les carrières de la diplomatie. Pour l’ensemble du décret du 18 juin 1852 : entrée « empleados públicos », dans Martínez Alcubilla, Diccionario, t. VI.
53 Gaceta de Madrid, 10 mars 1866.
54 Nieto, 1967, pp. 177-178.
55 Gaceta de Madrid, 8 juin 1866.
56 Gaceta de Madrid, 8 juin 1866, art. 10.
57 Ortego Gil, 2004, pp. 67 et 73.
58 « En lo estrecho de las reglas y en lo apretado des las condiciones a que aquellas disposiciones sujetan la entrada y movimiento de empleados », Gaceta de Madrid, 16 octobre 1884.
59 Voir ici Luis, « Les structures administratives », pp. 21-39.
60 Ortego Gil, 2004, p. 77.
61 Martinez Pérez, 2008-2009, p. 479.
62 Voir ici Luis, « Les employés », pp. 227-251.
Auteur
CHEC, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand
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