Chapitre II. Solidaires et rivaux, le Portugal et l’Italie aux expositions internationales
p. 65-98
Texte intégral
1Internationales dès leurs premières éditions, les expositions universelles et coloniales offrent des espaces d’émulation entre nations à la fois amies et rivales. Elles permettent aux participants de mesurer leur influence et de se faire connaître dans tous les domaines de la production, de la création et des activités humaines en général : l’industrie, l’agriculture, les arts, la vie culturelle, l’innovation technique et l’expansion coloniale. Après la première guerre mondiale, une première exposition coloniale se tient à Marseille en 1922, suivie en 1924 de la British Empire Exhibition de Wembley, dans la banlieue londonienne. Mais ni l’une ni l’autre n’ont été ouvertes aux autres puissances. De l’autre côté de l’Atlantique, le Brésil, qui fête en septembre 1922 le centenaire de son indépendance, organise une vaste exposition internationale à Rio de Janeiro. Parmi les puissances participantes, le Portugal occupe une place à part en tant qu’ancienne métropole. En réalité, l’entre-deux-guerres ne voit se succéder que deux expositions coloniales internationales, dans un temps très court : l’Exposition internationale coloniale, maritime et d’art flamand d’Anvers de 1930 et l’Exposition coloniale internationale de Paris en 1931. S’ajoutent au corpus de ce chapitre l’étude de la présence portugaise à l’Exposition ibéro-américaine de Séville de 1929, et celle de la participation de l’Italie à l’Exposition du Sahara à Paris en 19341.
2Ces participations à des expositions étrangères offrent en effet l’occasion aux institutions de propagande créées ou réformées dans chaque pays de mesurer l’importance que peuvent revêtir ces événements en termes d’image et d’impact politique. Nous étudierons par conséquent ces événements comme les laboratoires des expositions organisées dans les années 1930, en insistant sur le poids des relations internationales, entre empires solidaires et nations rivales.
I. - Séville et Anvers : deux répétitions avant Paris
3En 1929, le royaume d’Espagne organise deux expositions aux destins contrastés. L’Exposition internationale de Barcelone, projetée depuis les premières années du siècle et voulue dès 1923 par le dictateur Miguel Primo de Rivera, doit faire la preuve des bons rapports entre Madrid et la turbulente capitale catalane. Peu intéressé par cette perspective et en butte aux premières restrictions budgétaires voulues par le nouveau ministre des Finances Salazar, le Portugal n’y assure qu’une représentation minimale, qui prend la forme d’un stand géré par la chambre du commerce portugaise de Barcelone2. Au contraire, l’investissement de Lisbonne à Séville est considérable. Il s’agit là d’une option « purement politique », qui prétend ancrer le Portugal dans une géographie plus américaine et africaine qu’européenne3.
Le Portugal à l’Exposition ibéro-américaine de Séville : une option impériale assumée
4L’Exposition andalouse a été pensée par Madrid dans le but de renforcer les liens commerciaux et de créer à moyen terme un espace économique atlantique entre les pays de langue espagnole et portugaise, secondairement les États-Unis et le Canada. Proposé quelques mois avant le début de la crise mondiale, le projet fait finalement long feu. Pour l’heure, le Portugal, soucieux de ne pas céder à l’Espagne le moindre leadership dans cet espace en devenir, souhaite occuper une place de premier plan dans le futur dispositif, tout en ménageant son voisin et en faisant l’éloge de la politique économique menée par le royaume espagnol.
5Le commissaire Manuel Silveira e Castro4 souligne ainsi « la situation politique qui résulte de [la] tranquillité publique [de l’Espagne], elle-même issue de ses conditions de travail et de son aisance économique et financière5 ». Cette analyse très générale de la situation intérieure espagnole, deux ans avant la chute de la monarchie et l’entrée du pays dans une des périodes les plus meurtries de son histoire, n’est pourtant pas dépourvue de fondement. En 1929, l’Espagne est gouvernée depuis six ans par la « molle dictature6 » du général Primo de Rivera qui a mis fin, avec le coup d’État du 13 septembre 1923, au régime parlementaire espagnol, tout en maintenant au pouvoir le roi Alphonse XIII. Sur le plan économique, les années 1926-1929 sont des années fastueuses, où le déficit budgétaire a cédé la place à un léger excédent, permettant une politique de grands travaux qui transforme le visage de l’Espagne du point de vue de ses infrastructures7.
6Par sa participation, le commissariat portugais désire faire la démonstration de ce que le Portugal peut apporter à une aire géopolitique et stratégique composée des pays ibéro-américains. La nation portugaise a donc intérêt à soigner sa présence : le coup d’État militaire a à peine trois ans, et l’Exposition de Séville apparaît comme une occasion de faire la démonstration auprès de certains de ses partenaires privilégiés, l’Espagne et le Brésil en particulier, du retour définitif de la nation vers la stabilité politique et financière, incarnée par l’orthodoxie budgétaire du professeur Salazar8. Les thèmes du renouveau et de la modernité, deux topoï de la rhétorique des expositions, sont ici développés sans modération et se déclinent en particulier sur l’espace colonial portugais :
Du Nord au Sud du pays, dans ses colonies d’Afrique, dans ses colonies les plus lointaines d’Inde et d’Océanie, on trouve un même élan de résurrection, un alléluia d’activités, la promesse solennelle et catégorique que, si son passé constitue une des plus brillantes et des plus orgueilleuses pages de l’Histoire des nations, son futur verra le renforcement de la Patrie dans toutes ses manifestations utiles et modernes9.
7Les colonies occupent une place importante dans le dispositif : représentées dans le pavillon principal, elles font partie intégrante du territoire national, au même titre que les autres régions de métropole et des îles. Un an avant la promulgation de l’Acte colonial, texte fondateur de la politique de l’État Nouveau en matière coloniale, le message est fort, et montre notamment le chemin parcouru depuis l’Exposition de Rio de Janeiro de 192210.
8Puissance impériale parmi des nations devenues indépendantes un siècle auparavant, le Portugal fait pourtant le choix d’assumer, et même de revendiquer son héritage et son patrimoine ultramarins, contrairement aux options prises à Rio de Janeiro sept ans plus tôt. Une comparaison statistique donne la mesure de cette évolution : à Rio de Janeiro, les produits et les activités des territoires coloniaux ont été représentés par une vingtaine d’exposants sur un total de 950. Sept ans plus tard, la section portugaise à l’Exposition de Séville réunit un total d’environ 650 exposants, toutes origines géographiques confondues11, parmi lesquels 322 issus des territoires coloniaux, faisant passer le ratio d’à peine 2 % des exposants à plus de 49 %. La surface réservée aux colonies dans le pavillon portugais correspond pour sa part à environ un quart de la surface du bâtiment. La commission exécutive portugaise a en effet souhaité encourager la participation des ressortissants coloniaux, en les exonérant de la taxe d’inscription imposée aux autres candidats et en leur proposant un calendrier plus souple que celui des métropolitains12.
9Le nombre élevé d’exposants coloniaux s’explique en particulier par les très nombreux participants originaires de Macao. Cent vingt-huit commerçants, fabricants et négociants de l’enclave portugaise en Chine ont envoyé des produits à Séville, alors que les comptoirs indiens ne sont, pour leur part, représentés que par leur seul gouvernement. Ces 128 ambassadeurs de la plus ancienne colonie européenne d’Extrême-Orient s’exposent dans un pavillon à part, sous la forme d’une pagode traditionnelle13. En 1929, ce procédé scénographique pourtant classique, voire éculé, en Europe14, est encore inédit au Portugal et enthousiasme les commentateurs15. La forte présence de Macao peut s’expliquer par la conjonction de deux facteurs. D’une part, l’organisation trois années auparavant d’une foire industrielle à Macao a vraisemblablement permis à la commission portugaise de récupérer rapidement de la documentation, des produits et des échantillons. D’autre part, la commission aura sans doute jugé prudent de mettre en valeur un territoire éloigné des Amériques et de l’ancienne colonie brésilienne, également présente à Séville.
10L’opération sévillane de 1929 illustre l’émergence et la mise en valeur d’un rapport nouveau aux colonies portugaises et anticipe sur le futur statut des territoires ultramarins portugais, de plus en plus intégrés à la vie nationale. L’Exposition de Séville, qui n’aboutit finalement à aucune décision politique ou commerciale d’envergure, a ainsi permis au Portugal de s’affirmer comme puissance coloniale auprès de nations a priori peu sensibles à cette thématique. L’année suivante, l’Exposition d’Anvers prend un tout autre sens : les enjeux coloniaux y figurent cette fois au premier plan. Portugais et Italiens l’ont bien compris.
L’Exposition coloniale d’Anvers : une participation portugaise modeste
11En 1930, le port flamand accueille une trentaine de nations étrangères16. La participation à cet événement revêt une importance considérable pour les nations invitées. D’une part, le positionnement stratégique du port, au cœur commercial du continent, laisse entrevoir de réelles perspectives économiques, finalement balayées par la crise. En second lieu, l’excellente réputation de la Belgique auprès de ses anciens alliés et sa participation aux combats de la première guerre mondiale en font le pays ami des principales puissances coloniales européennes. Enfin, la municipalité d’Anvers a déployé des efforts considérables en vue d’attirer les participants, prenant en charge l’embellissement des grandes artères de circulation et des jardins publics, cédant gratuitement l’enceinte de l’exposition, construisant à ses frais les deux ponts qui relient l’immense pavillon britannique au reste de l’exposition, ainsi qu’un des deux pavillons de l’Exposition d’art flamand17. À bien des égards, Anvers semble pourtant ne constituer qu’une simple répétition du vrai spectacle qui doit se dérouler l’année suivante aux abords du lac Daumesnil, à Vincennes. La faiblesse de la participation portugaise s’explique sans doute ainsi.
12En recevant l’invitation de Bruxelles, le gouvernement portugais songe même à décliner l’invitation et se fait longtemps prier : alors que le projet remonte au mois de décembre 192518, le décret de participation n’est publié que le 6 décembre 192919. L’agent des colonies Armando Cortesão n’est nommé commissaire général que le 20 décembre20. Le décret justifie la participation portugaise par « la vieille amitié qui existe entre Portugais et Belges, renforcée par le rapprochement cordial dans le domaine colonial que les deux peuples ont réalisé dernièrement21 » et par « les conditions de la politique internationale et le fait que le Portugal soit une grande puissance coloniale22 ». C’est donc quasiment contraint par la vie des nations et par la nécessité de tenir son rang que le Portugal accepte l’invitation. Sa participation est à l’image des réticences initiales du gouvernement. Ainsi, une squelettique subvention de 750000 escudos est-elle consentie23, somme dérisoire par rapport aux investissements accordés pour Rio de Janeiro et Séville24. Le commissariat portugais ne dispose donc pas de pavillon individuel et doit se contenter de louer une surface de 740 mètres carrés dans un pavillon mis à disposition par le commissariat belge25.
13Malgré, ou peut-être en raison de cette pénurie de moyens, le commissaire Cortesão, déjà sensible à la thématique de l’efficacité d’une bonne propagande par les expositions, développe une réflexion approfondie sur ses objectifs à Anvers et sur les moyens les plus rentables de les atteindre. Il organise une exposition très démonstrative et didactique, recourant sans modération aux supports graphiques et statistiques produits par les services de l’AGC. À ces tableaux s’ajoute la documentation historique traditionnellement fournie par la SGL, dont une reproduction de la borne de Diogo Cão26. Cette borne, déposée à l’embouchure du fleuve Congo par le navigateur portugais, symbolise les fameux « droits historiques » du Portugal sur le continent africain. Elle est complétée par des statues de l’Infant Henri et du poète Luis de Camões, selon un dispositif tout aussi traditionnel.
14« Avec peu, faire beaucoup », tel semble avoir été l’état d’esprit de la participation portugaise, qui ne laisse guère de traces dans l’histoire des expositions internationales, mais qui constitue une étape de l’élaboration du discours colonialiste officiel de l’État Nouveau, encore en gestation. La présence italienne prend une tout autre ampleur, sans parvenir toutefois à cacher les retards du royaume dans le domaine de la colonisation.
La vitrine des nouvelles ambitions italiennes
15L’Italie a pour sa part fait construire un pavillon grandiose, divisé en deux expositions indépendantes, l’une consacrée à la marine, l’autre aux colonies. Les images disponibles ainsi que les descriptions de la Rivista delle colonie italiane permettent de reconstituer une partie du dispositif27. Les photographies reproduisent un pavillon somptueux et spacieux, dont l’une des entrées permet directement l’accès aux salles coloniales :
À côté de ceux des autres pays, le pavillon italien, construit suivant les lignes architectoniques d’un style purement italien, se présentait dans la plénitude de sa dignité et dans un ensemble sévère28.
16Dignité, sévérité : les options de la section placent d’emblée l’Italie dans la continuité de son héritage antique. La référence romaine est omniprésente, depuis l’entrée du bâtiment, « surmonté d’une coupole majestueuse, à l’arc parfaitement sphérique, qui s’élève sur un attique basilaire aux fenêtres d’inspiration romaine29 » (fig. 2), jusqu’aux reproductions de statues qui ornent le salon central, consacré à l’archéologie, en passant par les deux aigles impériaux qui encadrent le seuil de l’édifice, en alternance avec des « palmes luxuriantes30 », destinées à résumer le monde africain. Le salon d’honneur reprend cette alternance de motifs « occidentaux », représentés par les statues gréco-romaines, et « africains », symbolisés par l’élément végétal. L’Italie a en outre fait venir des soldats des colonies, qui remplissent une double mission : officiellement chargés du maintien de l’ordre, ils participent au décorum d’ensemble du pavillon (fig. 3).
17Commentant la participation italienne, le commissaire portugais Cortesão se montre pour sa part bien sévère :
L’Italie […] ne dédiait à ses colonies qu’une grande salle de son immense et riche pavillon. Cette salle, qui offrait l’aspect d’une salle de Musée colonial bien disposée, ne montrait pas grand-chose des méthodes de colonisation italiennes31.
18Cortesão regrette notamment que l’Italie se soit contentée de présenter les produits de ses colonies, sans jamais décrire ses « méthodes de colonisation », soulignant ainsi le manque d’expérience de l’Italie dans le domaine de l’exploitation coloniale. On perçoit une pointe d’amertume de la part du commissaire, qui regrette sans doute d’avoir été si peu soutenu par son gouvernement.
19Ces deux participations, inégales du point de vue de l’investissement de chaque nation, ont joué un rôle similaire dans l’élaboration des discours et des méthodes mobilisés en vue de défendre la position internationale de chacun à l’étranger. Mais les deux pays ont en réalité les yeux tournés vers Vincennes.
II. - L’Exposition coloniale internationale de Paris : la fête coloniale
20Les recherches consacrées à l’Exposition de Paris sont relativement limitées en nombre, en dépit de quelques ouvrages de référence32, qui mentionnent les participations étrangères : la Belgique, le Danemark, les États-Unis, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal ont répondu favorablement à l’invitation française en prenant leurs quartiers autour du lac Daumesnil. La Grande-Bretagne, prétextant les dépenses engagées par l’Exposition de 1924, limite sa participation à la tenue d’un stand dans la Cité des informations33, tout en autorisant son mandat palestinien à élever un pavillon. Les participations étrangères ont été minutieusement décrites dans un des sept tomes du volumineux rapport du gouverneur Marcel Olivier34, adjoint du commissaire général, le maréchal Hubert Lyautey35. Dans cet ensemble inégal, entre les sections très sophistiquées de la Belgique et des Pays-Bas et les représentations plus modestes du Danemark et des États-Unis, il est frappant de constater que l’Italie et le Portugal recourent aux mêmes motifs historiques dans l’élaboration de leur discours colonial.
La caution de l’Histoire, le prestige du passé
21Catherine Hodeir et Michel Pierre donnent en quelques pages la mesure des investissements des deux nations36 : l’Italie rend hommage, à travers son pavillon principal, à Septime Sévère, premier empereur romain d’origine africaine37. L’architecte Armando Brasini (1879-1965)38, membre de l’Académie royale, a en effet été chargé de reproduire la basilique romaine du site de Leptis Magna en Tripolitaine (fig. 4). En choisissant un édifice issu de l’Antiquité romaine, implanté en terre africaine, l’Italie construit sa légitimité coloniale par l’histoire et par le prestige du passé, considérant la présence italienne en Afrique du Nord comme le simple retour du colon romain en terre conquise. Dans le Guide officiel de la section italienne, les responsables justifient ce choix :
L’absence de monuments caractéristiques des époques plus rapprochées de nous et le désir de ne pas répéter des motifs traditionnels de l’architecture indigène, déjà exploitée dans d’autres sections de l’Exposition coloniale de Paris, ont conduit à choisir comme motif principal du pavillon italien un des édifices les plus majestueux et les plus riches de la meilleure période de la colonisation romaine en Afrique. De la sorte, l’œuvre actuelle de l’Italie se rattache à celle de nos ancêtres39.
22Ainsi la colonisation est-elle perçue comme héritage, patrimoine, affaire de famille et de générations, et a-t-elle toute sa place dans la constitution de l’« italianité ». Cette reproduction permet également de mettre en valeur l’activité archéologique du régime fasciste en Libye, disqualifiant, a contrario, l’état dans lequel se trouvaient les vestiges de l’occupation romaine avant la conquête de 191140.
23Le second pavillon est consacré à l’île de Rhodes et rend hommage au temps des croisades et à la Rome chrétienne et universelle. Enfin, le restaurant italien, hébergé dans un édifice d’architecture futuriste, œuvre de Guido Fiorini (1891- 1965)41, complète l’imposant dispositif et achève le cheminement chronologique de la section, depuis l’âge de la Méditerranée romaine jusqu’au futurisme, esprit de la nouvelle révolution42. Ce motif historique, déjà utilisé à Anvers, mobilisé dans les argumentaires des colonialistes de la fin du siècle précédent, atteint à Paris un haut degré de sophistication, et sert de base aux grandes expositions coloniales des années qui suivent, en particulier celle de Naples en 1940. Il est frappant de constater que les organisateurs portugais recourent aux mêmes procédés historiques, pour des raisons toutefois différentes.
24La section portugaise, à nouveau dirigée par Manuel Silveira e Castro, se compose de quatre pavillons, dans un ensemble conçu par l’architecte classique Raul Lino43. Sur les quatre pavillons, deux sont consacrés à l’histoire, comme le justifie le catalogue officiel de la section portugaise :
Étant donné l’importance de l’œuvre colonisatrice des Portugais, si intimement liée à l’histoire de leurs grandes navigations et découvertes, ces deux pavillons sont destinés à évoquer quelques-unes des prouesses les plus remarquables des héros nationaux dans leur expansion à travers les mers et les continents et dans leur œuvre de dilatation de la civilisation européenne44.
25La mise en valeur du motif historique par les Portugais ne diffère pas de celle des Italiens. L’histoire et le passé des Découvertes constituent la matrice du colonialisme, mais aussi du nationalisme portugais. Une « marque de fabrique » portugaise s’élabore ainsi à Paris et établit le lien consubstantiel entre un passé glorieux et un présent qui offre pourtant moins de motifs de fierté. Sur les quatre pavillons portugais, le premier présente une architecture inspirée du xve siècle, qui commence par la prise de Ceuta au Maroc en 1415 et s’achève avec l’ouverture de la route des Indes par Vasco de Gama en 149845. Le deuxième pavillon historique renvoie au règne de Dom Manuel Ier (1469-1521), dit le Fortuné, au temps où le Portugal était au faîte de sa puissance et présent sur tous les continents46. Le pavillon des services métropolitains répète le motif manuélin, tandis que le plus grand pavillon abrite l’exposition des deux principaux territoires africains, l’Angola et le Mozambique. Le nombre de reliques, d’objets historiques et d’armes anciennes prêtés par la SGL atteste ce goût immodéré pour le passé47. Ces références répétées des Italiens et des Portugais à l’Histoire sont toutefois partiellement compensées par leur présence à la Cité des informations, qui rétablit l’équilibre en faveur d’une information plus économique et commerciale.
Un bureau d’information coloniale
26Expressément souhaitée par le commissaire Lyautey, la Cité des informations est l’une des caractéristiques les plus originales et les plus novatrices de l’exposition. Espace d’information, mais aussi de services (poste, téléphone, banque, salon de coiffure, bureau de tabac, office de tourisme, restaurant et cinéma), elle doit répondre aux besoins de tous les visiteurs, depuis le promeneur parisien ou le touriste provincial, jusqu’à l’homme d’affaires étranger, en passant par l’universitaire en quête de connaissances géographiques, géologiques ou ethnographiques. La présence italienne à la Cité des informations ne semble cependant pas avoir été des plus considérables : un comptoir du Banco di Roma représente les banques coloniales et permet d’effectuer quelques opérations de change, un service des transports renseigne le visiteur sur les conditions de transport dans l’Empire italien, et enfin, dans la section consacrée au tourisme, des agents de l’ENIT offrent une documentation consacrée à la métropole et aux colonies48.
27L’effort de renseignement fourni par les Portugais semble avoir été plus diversifié : plus de 80 publications ont ainsi été traduites en français, éditées par différentes entités, dont le Commissariat général portugais, les gouvernements des huit colonies, la Companhia de Moçambique et l’autorité portuaire de Lourenço Marques. Ces publications concernent, pour l’essentiel, les possibilités économiques et commerciales de l’Empire portugais. On y trouve ainsi des traductions des textes constitutionnels, du Code du travail dans les territoires d’Afrique, ainsi que de neuf feuillets sur les principaux produits d’exportation des colonies portugaises49. De même, le gouvernement de la colonie du Mozambique, de loin la mieux représentée, diffuse une série de 19 monographies sur divers aspects de la vie en Afrique orientale (économie, système d’éducation, armée, transports, etc.), 7 monographies sur les principaux produits agricoles et, enfin, 8 monographies sur les produits d’exportation du Mozambique. Ces publications, distribuées gratuitement, sont encore complétées par une documentation, à consulter sur place, composée d’annuaires statistiques, de bulletins officiels, de collections du BAGC, d’atlas géographiques et d’exemplaires de journaux coloniaux.
28Outre cette documentation principalement destinée aux affaires, une documentation plus commémorative ou publicitaire est disponible : cartes postales et timbres-poste proposent aux visiteurs un souvenir de la présence portugaise à Paris. Enfin, des échantillons des principaux produits d’exportation coloniale portugais sont à la disposition du public : arachides de Guinée, cacao de São Tomé e Príncipe, diamants d’Angola, coton du Mozambique, mangues d’Inde, feux d’artifice de Macao et café de Timor renforcent encore l’image que le Portugal souhaite diffuser, celle d’une puissance coloniale et commerciale de premier ordre. L’Italie n’a ni le même bilan ni les mêmes perspectives à offrir au visiteur parisien. Face à un empire jugé trop jeune, trop étroit et inférieur aux besoins et aux capacités de la métropole, le régime fasciste profite de toutes les tribunes pour faire avancer sa cause. C’est ainsi qu’il faut comprendre la participation italienne, trois ans après l’Exposition de Paris, à l’Exposition du Sahara organisée en 1934 au musée du Trocadéro.
III. - L’Italie à l’Exposition du Sahara : science et œuvre coloniale en Libye
29Le 15 mai 1934 est inaugurée au musée d’ethnographie du Trocadéro50 l’Exposition du Sahara destinée, selon le directeur du musée Paul Rivet51 et son adjoint Georges-Henri Rivière52, à dévoiler « enfin le visage du Grand désert53 ». L’initiative présente le Sahara sous tous ses aspects : géographiques, géologiques, ethnographiques, anthropologiques, économiques, mais aussi les éléments relatifs à son occupation, son exploitation et sa colonisation. Toutes les puissances qui exercent une tutelle sur une partie de l’espace saharien ont été invitées, ainsi que les États ayant développé une connaissance approfondie du désert, comme l’Allemagne. L’exposition compte ainsi quatre sections étrangères : allemande, anglaise, égyptienne et italienne. Cette dernière occupe une place à part dans l’exposition, se trouvant au même étage que la partie principale de l’exposition française, tandis que les trois autres sections se trouvent regroupées au deuxième étage et occupent une surface bien inférieure. La section italienne est en outre la seule à publier son propre catalogue54.
30Contrairement aux autres nations, représentées par leurs sociétés de géographie, l’Italie envoie à Paris une représentation officielle du gouvernement et sollicite des personnalités de premier ordre dans chaque discipline académique, comme l’anthropologue Lidio Cipriani, ainsi que les institutions les plus compétentes sur chaque sujet. Le catalogue de la section italienne ne se contente pas de dresser la liste du matériel exposé. Chacune de ses huit sections (géographie, histoire, archéologie, biologie, ethnographie, médecine, instruction et bibliographie) débute par quelques lignes de mise en contexte et de description et s’achève par la provenance institutionnelle et géographique de chaque objet, dans un souci constant de classement. Le catalogue se présente comme un objet à la fois pratique et scientifiquement exigeant, chaque chapitre étant rédigé par un spécialiste. Il reflète une exposition savante sans être érudite, qui aborde l’ensemble de la connaissance du monde saharien et de l’action colonisatrice de l’Italie. Les développements historiques attestent la présence ancienne des Italiens dans la région, depuis les « voies de pénétration des Romains55 », chapitre rédigé par Rodolfo Micacchi56, jusqu’à la « Conquête du Sahara libyque57 ». L’action italienne est encensée dans les chapitres consacrés à l’archéologie, qui inventorient les campagnes de fouilles initiées par la RSGI. C’est à nouveau le professeur Micacchi, en sa qualité de chef du bureau des écoles et de l’archéologie du ministère des Colonies, qui rédige le chapitre consacré à la politique scolaire, dans lequel il met en valeur l’œuvre, certes récente, mais volontariste selon lui, des autorités italiennes dans ce domaine. Il dresse un bilan flatteur de l’action accomplie : 1193 élèves de Cyrénaïque reçoivent un enseignement bilingue, tandis que l’action en Tripolitaine se concentre davantage sur la modernisation des édifices scolaires et sur la qualité d’un « matériel didactique abondant et moderne58 ».
31Ces quatre participations manifestent l’intérêt des Portugais et des Italiens à venir s’exposer à l’étranger et montrent des objectifs bien précis, entre la défense commune d’une colonisation européenne de plus en plus contestée, et le souhait de légitimer des formes originales et nationales de présence outre-mer.
IV. - Faire front
32Les expositions internationales font partie de la vie des chancelleries et entrent dans le vaste système des relations internationales. Elles constituent des lieux de célébration du modèle de colonisation européen et occidental, des espaces d’échange de bons procédés, autant d’occasions de promouvoir la bonne entente coloniale. Les discours d’inauguration, les banquets, les mondanités et les hommages témoignent, chez tous les participants, de la certitude de posséder la vérité des rapports coloniaux.
La « Sainte Alliance des peuples colonisateurs »
33Cette formule que l’on doit à l’ancien ministre français des Colonies Albert Sarraut59 souligne l’importance de ces appels répétés à la coopération coloniale, qui constituent certes un topos destiné à donner des gages de bonne volonté à la Société des Nations, mais sont aussi une authentique réaction de défense dans un contexte de plus en plus menaçant, où l’ordre colonial se trouve contesté. Depuis le milieu des années 1920, un ensemble de publications dénoncent notamment la pratique du travail forcé dans les possessions françaises d’Afrique équatoriale : André Gide décrit, dans ses deux récits Voyage au Congo (1927) et Retour du Tchad (1928), les épouvantables conditions de travail des Africains, tandis que le reportage d’Albert Londres, Terre d’ébène, publié en 1929, présente un violent réquisitoire contre les méthodes utilisées dans la construction du chemin de fer Congo-Océan60. En outre, des mouvements nationalistes émergent dans de nombreux territoires sous tutelle, en Indochine, dans les États du Levant, en Inde, en Afrique du Sud, dans les Indes néerlandaises, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, où Abd el-Krim a transformé l’insurrection du Rif en révolution dès 1923, devenant un modèle pour de nombreux indépendantistes. Albert Sarraut, dans un ouvrage paru l’année même de l’Exposition parisienne, décrit avec emphase la menace qui pèse sur la forteresse coloniale, incarnée par
la sédition de ces immenses multitudes indigènes séculairement dominées et colonisées par [l’Europe], peu à peu éveillées, organisées, libérées par sa culture, son savoir, son industrie, et qu’agite à cette heure la fermentation, à la fois confuse et précise, d’un sentiment d’indépendance. De l’Atlantique au Pacifique, à travers océans et continents, les éclairs annonciateurs ont commencé de s’allumer depuis longtemps, comme des feux de signaux sur les montagnes. Races brunes, races jaunes, races noires, toutes ces humanités de couleur investies au cours des âges par l’expansion européenne sont parcourues de frémissements dont un observateur attentif pouvait déjà, bien avant la guerre, entendre vibrer les premières ondes61.
34Les possessions portugaises et italiennes n’échappent pas à ces « frémissements ». En 1931, la métropole portugaise doit en effet faire face à des séditions non pas de populations indigènes mais de colons blancs, en Angola et dans l’archipel de São Tomé e Príncipe62. Outre ces insurrections blanches, le Portugal doit encore faire face, sporadiquement, à des révoltes autochtones rallumées par la Grande Guerre63. Ainsi en est-il de la révolte des chefs Quioco, dans la région diamantifère de Lunda, au nord-est de l’Angola, que les colonnes portugaises mettent six ans à mater, entre 1920 et 1926, ou bien encore de l’île guinéenne de Canhabaque, révoltée en 1925. Quant à l’Italie, qui a entrepris peu avant l’avènement du fascisme de reconquérir la Libye, ce n’est qu’en 1930 que la métropole exerce un contrôle relatif sur l’ensemble de la Tripolitaine, et il faut attendre septembre 1931 pour que les troupes italiennes écrasent la révolte senoussie en Cyrénaïque, en capturant Omar al-Mokhtar, puis en l’exécutant le 16 septembre 193164. Dans ce contexte, une « Internationale impérialiste » doit faire front et organiser sa défense. Quelques exemples, parmi tant d’autres, illustrent un consensus qui n’est pas que de pure façade.
35La participation portugaise à l’Exposition d’Anvers se réalise au nom de l’amitié qui unit les nations belge et portugaise, et de leurs bonnes relations de voisinage en Afrique, à la frontière de l’Angola et du Congo. Augusto de Castro, l’ambassadeur du Portugal à Bruxelles, ancien homme de lettres et journaliste entré dans la carrière diplomatique, résume cette amitié à l’occasion de l’inauguration de la section portugaise, le 17 mai 1930 :
Dans le respect le plus absolu de nos indépendances politiques, tous conscients de nos droits, nous, le Portugal et la Belgique, travaillons aujourd’hui, côte à côte, à la grande œuvre de colonisation de l’Afrique. Et si personne n’ignore ce fait, si proche et si évident, nombreux sont ceux qui ignorent que nous, Belges et Portugais, avons pris depuis longtemps l’habitude de travailler et de combattre côte à côte65.
36Cette dernière référence aux combats de la première guerre mondiale en terre de Flandres66 est complétée par un long développement sur l’ancienneté des liens qui unissent les deux pays, depuis la participation des croisés flamands à la « reconquête » du Portugal contre l’Islam, jusqu’à l’ouverture de la route des Indes par les Portugais, dont le point d’arrivée n’était autre que le port flamand, en passant par l’implantation séculaire d’une communauté portugaise à Anvers.
37Amitié et communauté de vues sont le ciment qui doit unir les nations coloniales au début des années 1930, si l’on en croit les discours officiels et les cérémonies protocolaires. Le commissaire Lyautey en prend toute la mesure à l’occasion de l’inauguration de la section italienne à l’ECI de 1931. Le 24 mai 1931, seize ans jour pour jour après l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Entente, il prend la parole pour insister sur la nécessité pour la France et l’Italie de s’unir dans le but de défendre leur civilisation :
Défendre ou étendre la civilisation, c’est travailler pour l’Occident, et, nous, Français, nous savons autant, sinon mieux que personne, ce que l’Occident doit à Rome. En Rome, nous saluons non seulement la noble terre italienne, mais le génie universel par qui, après Athènes et la Grèce, l’Humanité a progressé. Nous saluons tous ceux qui, formés par le génie de Rome, de la Rome antique, de la Rome chrétienne et de l’Italie de la Renaissance, ont travaillé – et combien d’entre eux aux colonies ! – pour la civilisation67.
38À nouveau, Lyautey reprend à son compte les arguments des Italiens eux-mêmes, soulignant la validité et l’actualité de l’héritage romain. Il poursuit son discours en appelant à une plus grande solidarité : « Oui ! La meilleure paix coloniale, le plus sûr progrès colonial, seront atteints par l’union des États européens, union mise au service des traditions et des disciplines antiques, romaines, chrétiennes68 ». Ces paroles, répétées dans la presse, enregistrées par la TSF, filmées par les actualités nationales, complétées par un corpus immense de photographies de foule enthousiaste, par des visites officielles et des cérémonies solennelles, visent à donner de ces expositions une image consensuelle et pacifique. Les discours d’amitié franco-italienne prononcés à Paris feraient presque oublier la succession de différends qui ont opposé les deux voisins depuis l’affaire tunisienne de 1881 jusqu’au règlement de la Paix de Versailles. En outre, la présence italienne à Vincennes n’a été fermement confirmée que très tard, le nouveau pouvoir fasciste étant transitoirement revenu sur l’engagement des gouvernements précédents. Mais l’occasion était trop belle de vendre l’image de l’Italie de l’autre côté des Alpes, alors que la forte communauté italienne de France s’accroît encore du nombre des exilés politiques.
39Trois ans plus tard, la présence italienne à l’Exposition du Sahara est à nouveau présentée sous le signe de l’amitié et de la coopération entre les deux nations. Pourtant, là aussi, l’invitation française avait d’abord trouvé à Rome un accueil réservé, dont les raisons sont exposées dans le catalogue :
D’importantes missions scientifiques n’étaient pas encore revenues ; d’autres étaient à peine rentrées en Italie, et rapportaient un matériel précieux qui est encore à l’étude ; le temps dont nous disposions était très limité.
D’autre part, il fallait considérer que nous n’occupons le Sahara effectivement et avec une totale liberté d’action que depuis cinq ans à peine, puisque la première occupation strictement militaire de quelques territoires du Sud de la Tripolitaine eut lieu presque à la veille de la Grande Guerre, qui nous obligea à abandonner provisoirement les garnisons éloignées de la côte69.
40La présence italienne au-delà de la bande littorale des territoires de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque a en effet toujours été limitée, voire symbolique70. Même après 1927 et la reconquête de la Tripolitaine, l’occupation italienne de l’espace saharien demeure largement théorique, à l’exception de quelques noyaux de colonisation. À ces raisons officielles on peut ajouter un motif plus politique aux hésitations de l’Italie, l’engagement antifasciste de Paul Rivet pouvant froisser les autorités italiennes. Mais les arguments officiels et les motifs moins avouables sont finalement rejetés par le ministre des Colonies Emilio De Bono, ancien gouverneur de Tripolitaine. Aussi les arguments favorables à la participation italienne sont de deux ordres :
D’une part parce que l’Italie ne pouvait pas s’abstenir de prendre part à une manifestation qui intéressait une grande partie de la Libye, d’autre part parce que l’Exposition avait lieu en France71.
41Le premier argument s’impose par la logique de la géographie. Le second répond à des considérations d’ordre stratégique et militaire. En effet, dans le cadre de la campagne de « reconquête » de la Libye, les soldats italiens se trouvaient dans une situation extrêmement précaire, aux deux postes avancés de Ghat et de Ghadamès, et n’ont dû leur salut qu’à la possibilité de traverser l’espace algérien, « où ils furent accueillis avec une fraternelle camaraderie par leurs compagnons sahariens72 ». Le bon voisinage colonial justifie ainsi la présence italienne au Trocadéro. Cette présence est considérée comme suffisamment importante pour que le ministère des Colonies italien monte un prestigieux comité scientifique et sollicite les plus grands instituts susceptibles d’apporter leurs compétences et de fournir des objets dignes d’être exposés à Paris. Les organisateurs français ne manquent d’ailleurs pas de rendre hommage au zèle italien, affirmant que « L’Italie a rendu un grand service à l’exposition en lui apportant pour le Sahara tripolitain une collaboration précieuse73 ». Savante et militaire, l’exposition italienne du Trocadéro participe de la nouvelle respectabilité de l’Italie en France et des bonnes relations bilatérales, à quelques mois de l’accord Laval-Mussolini, qui redessine une partie des frontières sahariennes74.
42Par les liens d’amitié qu’elles proclament et appellent à renforcer, les expositions internationales doivent contribuer à la paix entre les peuples et servent de vitrines à l’œuvre de civilisation européenne et occidentale75. Elles permettent aussi un certain nombre de mises au point sur des sujets brûlants, comme celui de la main-d’œuvre en Afrique, qui touche le Portugal au premier chef, mais en réalité toutes les puissances européennes présentes sur le continent.
L’« anti-SDN »
43Les expositions coloniales et les innombrables congrès qui les accompagnent permettent d’identifier les causes qui méritent d’être collectivement défendues76. Ainsi, l’épineuse question du travail forcé, qui déstabilise la position du Portugal dans toutes les instances internationales, est-elle abordée d’une manière particulièrement habile par un personnage appelé à devenir dans les années 1930 une des figures les plus importantes des expositions et des foires coloniales portugaises. Il s’agit d’Henrique Galvão (1895-1970), surtout connu pour avoir, en 1961, arraisonné le paquebot Santa Maria qui reliait Lisbonne à Miami, dans une tentative vaine de coup d’État contre Salazar77. Trente ans auparavant, ce jeune officier, partie prenante du coup d’État du 28 mai 1926, est alors un ardent partisan de la dictature et de la reprise en main de la vie politique par Salazar. Fervent nationaliste, il n’a de cesse de défendre le Portugal contre les accusations à ses yeux infondées de travail forcé. Aussi prend-il la parole à la tribune du Congrès international de la presse coloniale, en tant que directeur de la revue de propagande qu’il a fondée en 1931, Portugal colonial :
Le problème du travail indigène, sous ses aspects sociaux, politiques et économiques, est un problème commun à toutes les nations coloniales78.
44Il est vrai que le Portugal est loin d’être la seule nation à pratiquer des formes de travail forcé contraires aux dispositions de la Convention de l’esclavage de 1926, dont l’article 6 invite les parties contractantes à « prendre les mesures utiles pour éviter que le travail forcé ou obligatoire ne crée une situation analogue à l’esclavage79 ». Dans les faits, toutes les puissances coloniales pratiquent alors le travail forcé à des fins publiques, toléré dans les milieux antiesclavagistes, contrairement au travail forcé au service d’intérêts privés, encore largement pratiqué dans certains territoires sous tutelle, comme le Congo français, le Congo belge ou bien encore le Kenya et le Tanganyika sous tutelle britannique80. Mais ce qui apparaît selon les contemporains comme des « exceptions » déplorables dans les autres empires a été érigé en système dans les colonies portugaises ainsi qu’en Afrique du Sud. Henrique Galvão choisit cependant de poser le problème du travail des Africains à une échelle internationale, contournant ainsi les attaques formulées spécifiquement contre le Portugal, et soulignant le caractère collectif de la question. Le délégué portugais poursuit en affirmant la convergence d’intérêts entre trois grandes nations coloniales :
Le Portugal, la Belgique et la France ont été particulièrement en butte à une campagne dont leur économie, beaucoup plus que leurs indigènes, soumis du reste à une action civilisatrice remarquable, est le vrai point de mire.
Il faut qu’il y ait une union étroite entre les peuples qui ont une mission mondiale commune avec des objectifs sociaux identiques et des intérêts spécifiquement semblables, une solidarité politique, au titre d’agents de défense contre l’assaut d’idées, d’utopies et de formules, dont l’essence doctrinaire ne se distingue pas d’une essence politique que nous avons souvent le droit de considérer comme suspecte81.
45L’esprit général de l’intervention et le choix du lexique laissent entendre que les « campagnes » menées contre les puissances coloniales à propos des conditions juridiques et matérielles du travail des colonisés seraient commanditées depuis Moscou. En effet, l’Exposition coloniale de Paris occupe une place à part dans la mémoire française et européenne en raison de son caractère grandiose, des aménagements réalisés dans l’Est de la capitale, des grandes fêtes qui ont ponctué ses six mois d’existence, mais aussi en raison de l’opposition, minoritaire mais active, menée par les artistes surréalistes, avec la bienveillance du Parti communiste français et de son quotidien LHumanité : deux tracts et une contre-exposition constituent les points d’orgue de cette campagne anticolonialiste qui n’a eu que peu d’échos à l’époque, mais qui donne la parole à un anticolonialisme sinon organisé, du moins audible82. L’union contre Moscou et ses agents, voici ce que préconise Galvão, qui ne peut s’attendre qu’à l’adhésion unanime de ses auditeurs83.
46Le thème du travail constitue aussi pour l’Italie un terrain propice à la mise en valeur de la communauté de vues entre tous les colonialismes d’Europe. Ainsi, le professeur de géographie et membre de l’ICF, Pietro D’Agostino Orsini di Camerota, rédige-t-il un article pour la Rivista delle colonie italiane destiné à faire le bilan de l’Exposition parisienne. Il met l’accent sur la question du travail telle qu’elle doit être perçue par les nations coloniales, de façon large, commune et concertée :
Actuellement la Société des Nations s’efforce de codifier le travail dans les colonies, selon un critère humanitaire auquel il convient de rendre hommage, de même qu’il convient de croire à la bonne foi des membres du Bureau du Travail84 ; à l’inverse, l’Institut Colonial International a clairement, à l’occasion de ses récentes réunions (1929-1931), montré l’incompatibilité de normes fixées sur un modèle européen en matière de travail colonial. L’Exposition de Paris, en montrant la variété des races, la diversité de leur degré d’évolution, la différence de leurs capacités, a, selon nous, confirmé qu’« Organiser le travail colonial c’est le tuer ». […] On a beaucoup écrit et parlé d’union à Paris, de sentiment de solidarité, de communauté d’intérêts. Dans le domaine colonial, manquent encore les bases, de nature diverse, qui existent déjà dans d’autres domaines de l’activité politique ou économique mondiale, ou même européenne. Il n’y avait jusqu’à présent, comme organisation effective, que l’Institut international colonial85, qui est un organisme de recherches.
Aujourd’hui, un pas a été franchi : il existe un organe d’action, né dans le contexte de l’Exposition et inspiré de l’Exposition, la Fédération des Comités nationaux de la presse internationale coloniale, initiative que l’on doit à la délégation italienne du Congrès des journalistes colonialistes86.
47Ainsi les Italiens, qui ont également intérêt à empêcher une régulation trop restrictive du travail africain, voient-ils dans la question l’occasion de mettre en avant leur volontarisme politique. C’est aussi l’occasion d’attirer, en toute discrétion, l’attention internationale sur des pratiques d’esclavage encore en usage en Éthiopie, quatre ans avant le début de la campagne italienne contre ce royaume87. L’Italie fait ainsi à Paris une excellente opération de communication politique, destinée de surcroît à rendre plus fréquentable le régime fasciste auprès des chancelleries. Dans une moindre mesure, le Portugal trouve également à Paris l’occasion de faire oublier les origines putschistes du régime qui se met en place depuis 1926.
La politique en sourdine
48Le choix du consensus et du discours de paix entre nations impériales passe par un minutieux travail de gommage des aspérités politiques et diplomatiques. En mai 1931, le Portugal est une dictature militaire depuis cinq ans, mais le régime républicain demeure la vitrine institutionnelle et sauve les apparences aux yeux de la République française. L’État Nouveau est encore en gestation et ne prend sa forme officielle que deux ans plus tard, par le vote de la Constitution de 1933 qui instaure une république unitaire et corporative. En outre, si le président de la République est bien un militaire de carrière, le général Óscar Carmona, la figure montante de la vie politique portugaise est António de Oliveira Salazar, un intellectuel catholique, un professeur d’économie de la prestigieuse université de Coimbra, un civil qui cultive une image d’austérité et de réserve, à l’opposé des idées reçues sur la forte personnalité des dictateurs. Son caractère neutre, presque effacé, offre toutes les garanties à l’échelle internationale pour que la France, sensible au retour à l’ordre politique et financier du Portugal, accueille la délégation lusitanienne avec amitié, au nom de l’alliance militaire de la dernière guerre.
49Le cas italien est plus complexe : issu d’un coup de force de presque dix ans, le régime fasciste a progressivement instauré une des dictatures les plus dures d’Europe, un système politique sous le contrôle absolu du PNF et de Mussolini, qui a aboli la liberté syndicale, supprimé les partis et la presse d’opposition, mis en place un appareil de contrôle et d’encadrement étroit de toute la société. Il est donc, par essence, à l’opposé du régime républicain français, où la liberté d’expression, d’opinion et d’association est garantie par la loi. Mais ces considérations s’arrêtent Porte dorée. Cette situation est en outre facilitée par les efforts de la délégation italienne en vue de limiter la visibilité du fascisme, du moins dans ses aspects les moins acceptables aux yeux des libéraux et des défenseurs des démocraties parlementaires. Cela passe par quelques détails simples. Ainsi la figure de Mussolini est-elle relativement absente des discours et des images de la délégation. Lorsque celui-ci apparaît photographié dans le catalogue officiel, il est habillé en civil. Comme dans le cas portugais, l’attention du public est partagée entre la personne du roi Victor-Emmanuel III et le président du conseil, qui n’apparaît jamais sous les traits d’un dictateur ou d’un chef de parti unique. Le fascisme n’est cependant pas totalement absent de la rhétorique italienne, il est simplement présenté comme l’expression contemporaine, l’incarnation moderne de l’esprit de conquête italien, qui remonte aux temps de César et d’Auguste, comme l’affirme le commissaire Lanza di Scalea :
En faisant revivre l’esprit romain, qui a été aussi l’esprit précurseur de la colonisation, le fascisme l’a adapté à l’époque contemporaine, mettant l’union des individus, par-dessus tout, au service de l’État88.
50Ainsi, le 24 mai, lors de l’inauguration du pavillon italien, l’hymne fasciste est bien joué, mais précédé de l’hymne national italien et suivi de La Marseillaise89. Le choix du commissaire atteste cette volonté de « normalisation90 » : Pietro Lanza di Scalea a alors 68 ans, sa carrière politique remonte aux années 1890, et bénéficie d’une longue expérience ministérielle aux Affaires étrangères et aux Colonies. C’est aussi un rallié parmi les premiers chez les conservateurs, fidèle au Duce depuis 1923. Il offre ainsi toutes les garanties de continuité entre la période libérale et la période fasciste. Dans un passage du rapport du commissaire adjoint Olivier, qu’il a lui-même rédigé, il prend la défense du régime fasciste, seul à ses yeux à remplir sa mission de protection des citoyens italiens émigrés :
La protection de cette population émigrée avait été souvent négligée par les gouvernements qui avaient précédé la révolution fasciste de 1922 ; par contre elle fait aujourd’hui l’objet des soins les plus attentifs et les plus suivis de la part du régime que l’Italie s’est donné en toute liberté91.
51La fin du passage sonne comme une mise au point à l’attention des esprits chagrins qui estimeraient que la Marche sur Rome s’apparenterait à un coup d’État. On ne peut que constater le fort décalage entre le discours adressé au public large du guide officiel, qui occulte l’action et la nature dictatoriale du régime fasciste, et ce texte destiné à une diffusion plus restreinte et plus politique. Ce double discours s’explique en partie par la présence à Paris d’une importante communauté italienne antifasciste qu’il convient de ne pas provoquer. Maddalena Carli souligne d’ailleurs que les antifascistes italiens ne se sont absolument pas manifestés à l’occasion de la présence italienne à Paris, pas plus que la campagne des surréalistes contre l’exposition coloniale n’a visé la section italienne92.
52Les expositions internationales doivent donc mettre en scène le consensus et l’amitié qui unissent les nations coloniales, sous le drapeau commun de la civilisation européenne. Les nations invitées jouent volontiers la partition et ont tout intérêt au bon déroulement des cérémonies d’inauguration, des banquets et des fêtes qui ponctuent plusieurs mois d’exposition. Vitrines de la bonne entente européenne, les expositions coloniales se posent comme une sorte d’« anti-SDN », comme un lieu de débats productifs, et non pas d’interminables joutes oratoires autour de questions jugées trop vagues, comme celle de la réglementation du travail. Mais la participation à ces expositions répond à un autre objectif : la défense des intérêts propres à chaque nation, dans un contexte de rivalités coloniales aggravées par la Grande Guerre et la crise mondiale.
V. - Défendre ses intérêts
Nous devons montrer à Anvers […] et dans un an à Paris […] la façon dont nous administrons nos colonies, la formidable œuvre réalisée, depuis cinq siècles jusqu’à nos jours […] afin d’apporter aux populations indigènes d’outre-mer, avec un tact et une humanité souvent imités mais jamais dépassés par les autres nations coloniales, les bénéfices de la civilisation, affirmant avec orgueil, avec noblesse, avec intelligence, le droit qui revient au Portugal, plus qu’à tout autre peuple, de posséder des colonies93.
53Cet extrait de la conférence du commissaire Cortesão prononcée à la SGL à la veille de l’inauguration de l’Exposition d’Anvers résume les objectifs d’une participation à une exposition internationale : démontrer la bonne intégration commerciale de l’Empire dans le marché mondial et justifier sa place sur l’échiquier de la politique internationale. Enfin, ces participations ont aussi constitué une étape dans la préparation concrète des expositions coloniales métropolitaines de la décennie qui suit.
Vitrines économiques
54Parmi les mots qui désignent une exposition ou une foire, la langue portugaise dispose du terme certame, qui met l’accent sur la notion de concours. Par défaut, nous le traduisons par exposition, regrettant que cette traduction n’en recouvre pas parfaitement la polysémie. L’utilisation fréquente du terme suggère en tout cas que les Portugais sont sensibles au fait qu’une exposition soit toujours un espace où s’expriment des rivalités, qu’elles portent sur le commerce, l’industrie, les arts ou bien la vie coloniale. Júlio Garcez de Lencastre, lorsqu’il décrit la section coloniale du pavillon portugais à l’Exposition de Séville, regrette ainsi le manque d’inventivité de certains stands commerciaux, comme celui du café de Timor, dont les qualités gustatives valent bien, selon lui, celles du café brésilien de São Paulo. Le Brésil a pourtant su exploiter au mieux les possibilités scéniques et spatiales offertes par l’exposition, en proposant un stand interactif et attractif :
Le Brésil […] nous proposait une inoubliable démonstration pratique, qui commençait par une présentation des caféiers en fleur, assortis de leur petit fruit vert, puis de leur magnifique cerise rouge arrivée à maturité ; elle se prolongeait par des plateaux de cueillette, des machines à dépulper, à séparer, des torréfactrices, des moulins électriques, tous en action, pour s’achever par la table de dégustation sur laquelle était servie au public une délicate tasse du savoureux café de S. Paulo94.
55Le Portugal apprend ainsi, à ses dépens, l’art difficile de la réclame, ainsi que quelques rudiments de marketing commercial dans le secteur des matières premières, particulièrement concurrentiel en ces temps de surproduction et de baisse des prix.
56La question intéresse d’autres secteurs, comme le tourisme, y compris en métropole. Dans le cadre d’une « Semaine du Portugal », entre le 9 et le 15 juin 1929, un riche programme de présentation de la vie culturelle populaire du Portugal est élaboré par le commissaire Silveira e Castro. Dans un rapport adressé au ministre du Commerce portugais, celui-ci sollicite le versement de 200000 pesetas,
[afin d’]intensifier la propagande culturelle et celle des coutumes nationales. […] C’est pour cette raison que le programme inclut des conférences prononcées par nos meilleurs spécialistes, qui, sans dogmatisme ni érudition figée, puissent faire la propagande culturelle de notre pays, facilement appréhendée par des excursionnistes peu enclins aux spéculations scientifiques95.
57Le commissaire, conscient de la question du registre adéquat, exprime aussi le souci permanent des Portugais de faire connaître leur pays à l’étranger. Le Portugal souffre en effet d’un fort sentiment d’isolement géographique. Cette préoccupation est partagée, dans une moindre mesure, par les représentants italiens à Anvers et Paris. Deux activités métropolitaines sont ainsi particulièrement mises en avant : l’agriculture (en particulier la production vinicole) et l’activité touristique. L’Italie cherche ainsi à valoriser son « art de vivre » et à renforcer l’image du bel paese. Le restaurant sobrement appelé Italia propose ainsi un menu confectionné à partir des produits les plus représentatifs de la gastronomie italienne, dans un mélange de tradition et d’innovation culinaire, inspirée par le poète futuriste Filippo Tommaso Marinetti en personne96.
58Plus encore que l’Italie, le Portugal profite de chaque exposition étrangère pour faire connaître sa métropole. La mise en valeur de la nation portugaise, non seulement comme puissance colonisatrice, mais plus largement comme nation riche de son histoire, de sa culture, de ses produits agricoles et industriels, de ses infrastructures touristiques, fait partie des objectifs de la représentation portugaise. À Anvers, le quotidien lisboète O Século publie un supplément en français, qui décrit toutes les beautés du Portugal métropolitain, en particulier de la Costa do Sol, au nord de Lisbonne, principal foyer touristique du pays qui accueille depuis le début du siècle une partie des classes aisées européennes, entre Estoril et Cascais97.
Tribunes politiques
59En réalité, plus qu’une attractivité commerciale, c’est une légitimité politique que viennent chercher les délégations étrangères à Anvers et à Paris. Armando Cortesão envisage ainsi la participation portugaise : « Bien que son aspect économique soit très important, c’est à l’heure actuelle son aspect politique qui l’emporte sur n’importe quel autre et qui doit définir son orientation98 ». Aussi entend-il défendre les intérêts portugais là où ils sont le plus menacés, c’est-à-dire en Afrique, et sur la thématique la plus sensible, celle du travail forcé. C’est pour cette raison que la section portugaise d’Anvers se fixe comme objectif de contrer les attaques anglo-saxonnes en mettant l’accent sur la politique indigène, sur l’action sanitaire, scolaire, missionnaire et sociale de l’État portugais. À peine nommé commissaire, il exprime sa position dans une lettre adressée à la direction générale des affaires commerciales du ministère des Affaires étrangères, le 3 janvier 1930 :
J’ai l’intention d’y représenter, dans la mesure du possible, outre l’activité économique de nos colonies, pour ainsi dire la seule à être apparue dans les Expositions auxquelles nous avons participé, toute notre activité colonisatrice, nos institutions coloniales de Métropole, notre système administratif, etc.99.
60Cette position reçoit un avis très favorable de la part de la direction politique du ministère des Affaires étrangères, en particulier de José d’Almada, le conseiller aux questions coloniales du ministre, qui voit d’un œil très favorable tout ce qui pourrait mettre en valeur la condition autochtone, en particulier
les bénéfices que reçoivent les indigènes de la part de l’autorité, les normes en matière d’hygiène, d’alimentation, de logement, d’immunisation contre certaines maladies, le traitement de la tuberculose, de la pneumonie et de la maladie du sommeil, tous ces travaux réalisés dans les colonies pouvant être illustrés à l’aide de chiffres et de photographies100.
61Le conseiller poursuit en faisant la liste des points particuliers qui pourraient être valorisés : la maternité, la scolarité, la distribution gratuite d’outils agricoles ou bien encore la défense des agriculteurs contre la spéculation foncière.
62Soutenu par les affaires étrangères, Cortesão fait le choix d’élaborer une exposition très technique, sans doute liée à sa formation d’ingénieur agronome. N’est-ce pas aussi un moyen de pallier le manque d’argent et de temps ? Organiser une exposition ethnographique de qualité, qui tienne la comparaison avec les capacités et les compétences des Anglais, des Français ou des Hollandais dans ce domaine, demanderait en effet beaucoup de temps et d’argent, en particulier s’il fallait faire venir en quantité suffisante des produits, des artefacts, voire des hommes depuis les lointaines colonies. Il y a probablement une part de posture dans l’argumentaire de Cortesão, qui tente de cacher la misère, mais il semble aussi qu’il ait sincèrement donné la priorité aux enjeux de politique internationale. Le ton que Cortesão souhaite imprimer à la section portugaise d’Anvers a donc pour principal corollaire la mise de côté des aspects jugés trop pittoresques, trop décoratifs, voire vulgaires aux yeux de l’ingénieur, et passe par la fabrication d’une série de graphiques, tableaux synthétiques, monographies, séries statistiques, qui forment un corpus documentaire encore jamais produit au Portugal.
63Enfin, le positionnement très politique de la participation portugaise à Anvers se trouve encore renforcé par les organisateurs belges. Le commissaire général de l’exposition, Adrien van der Buch, invite en effet le général José Norton de Matos à venir représenter son pays dans le cadre de la série de conférences organisées parallèlement à l’exposition101. Ce choix n’a pas dû convenir à tout le monde à Lisbonne, car l’ancien gouverneur d’Angola ne fait pas l’unanimité dans les cercles du nouveau pouvoir. Républicain, démocrate, franc-maçon, partisan d’une forte autonomie des colonies, il a mené lors de ses deux mandats de gouverneur en Angola (1911-1912 et 1921-1924) une coûteuse politique de développement économique, recourant sans compter à l’endettement et encourageant les compagnies étrangères à investir en Angola, deux méthodes contraires aux principes de gestion rigoureuse et de nationalisme colonial professés par Salazar. C’est toutefois une personnalité respectée dans les cercles politiques et militaires internationaux, en particulier en Belgique, où son action en tant que gouverneur avait été appréciée. Il est fort probable que le nom de Norton de Matos ait été suggéré au commissaire belge par Armando Cortesão, partisan fervent de l’ancien gouverneur, qu’il désigne comme
le grand artisan de l’Angola, aujourd’hui le plus grand des coloniaux de notre terre, véritable incarnation du génie colonisateur de notre race, que la Nation devrait, avec orgueil et affection, serrer dans ses bras, pour, le moment venu, le placer à la tête des destinées de l’Angola, avec une liberté d’action absolue102.
64Politiquement suspect, le général ne s’acquitte pas moins de sa tâche avec sérieux, en prononçant une conférence consensuelle, intitulée « La formation de la nation portugaise envisagée du point de vue colonial103 ».
65La participation portugaise à Paris reprend une part importante de ces réflexions. Disposant de moyens dix fois supérieurs, le commissaire Silveira e Castro a pu s’offrir sur les rives du lac Daumesnil une représentation plus brillante que les quelques centaines de mètres carrés consentis par les Belges à Armando Cortesão. La défense de la politique indigène prend à nouveau une place importante dans le discours officiel, comme en témoigne la présentation faite par le commissaire Silveira e Castro dans Le livre d’or de l’Exposition :
Les indigènes se civilisent de plus en plus et prennent l’habitude du travail par leur contact avec les colons portugais. Beaucoup d’entre eux arrivent à occuper des postes officiels assez importants, car la législation portugaise donne aux indigènes les mêmes droits qu’aux Européens. Les indigènes non civilisés ont toute la protection du gouvernement. Une loi spéciale : le « Code du travail indigène », proscrit d’une façon formelle le travail forcé pour les nègres et établit, à l’avantage de ceux-ci, tous les devoirs des patrons envers eux104.
66Le caractère inexact et mensonger de cette dernière phrase n’est pas difficile à démontrer, tant les textes relatifs au statut de l’indigène qui se succèdent de 1926 jusqu’à la Constitution de 1933 en passant par l’Acte colonial définissent l’« obligation morale de travailler » des Africains, offrant une base juridique à diverses formes de travail forcé. Arrêtons-nous plutôt sur la distinction entre les catégories de « civilisés » et de « non civilisés », qui renvoient au statut d’« assimilé », juridiquement fondé depuis 1917. À partir de 1926 et la nouvelle législation sur l’indigénat, ce statut devient de plus en plus restrictif. Parmi les critères d’assimilation, outre la maîtrise de la langue et la connaissance des us et coutumes nationaux, il faut « posséder une profession permettant de subvenir à ses besoins ». Cette formule délibérément vague permet au juge qui délivre l’arrêté d’assimilation d’écarter de nombreux candidats : en effet, n’étaient alors considérées comme professions que les activités rémunérées et intégrées à une économie de marché. Toutes les autres activités étaient assimilées à de l’oisiveté et permettaient, lorsque le besoin s’en faisait sentir, de contraindre les « oisifs » à des travaux d’intérêt général. Le très faible nombre d’assimilés qui résulte de ce statut explique arithmétiquement que le commissaire puisse affirmer que « beaucoup [d’assimilés] arrivent à occuperdes postes officiels assezimportants ».
67Il est facile de réaliser l’importance, pour une puissance coloniale en quête de reconnaissance comme l’Italie, d’une telle participation dans la défense de ses intérêts nationaux. En effet, l’Italie ne bénéficie pas du même statut historique que le Portugal qui, malgré la modestie de son Empire comparé à celui du pays organisateur, cultive l’image du pays qui a inventé l’impérialisme moderne et ouvert le reste du monde à l’Europe. Pour l’Italie, encore stigmatisée par la défaite d’Adoua, la problématique est tout autre, d’autant que les ambitions à Anvers et Paris sont supérieures à celles des Portugais, qui ne désirent rien d’autre que défendre le statu quo territorial en Afrique. L’Italie se trouve, quant à elle, dans une position plus offensive et revendicative. Il lui appartient de démontrer que son Empire, étroit, récent, mal doté par la nature, ne suffit plus à contenir la vitalité de la « nation prolétaire », riche de ses nombreux ressortissants. Mais il convient aussi de ne pas trop se plaindre, et de faire parallèlement la démonstration des capacités italiennes à coloniser, même dans l’adversité, des territoires potentiellement riches.
68Il s’agit donc de mériter sa place dans le groupe restreint des grandes puissances coloniales et d’en faire la démonstration auprès des autorités belges. Mais il faut aussi aller plus loin et poser les bases des nouvelles revendications italiennes. L’ECI de Paris constitue la tribune de ce discours plus offensif. Le commissaire Lanza di Scalea s’emploie ainsi à développer une argumentation plutôt classique de défense du colonialisme italien, en conformité avec les discours précédents,
malgré tout l’effort accompli pour la mise en valeur de notre domaine colonial si pauvre en ressources naturelles, il est indéniable que notre peuple vit à l’étroit dans ses limites territoriales, et cela d’autant plus que, du fait de n’avoir que la Méditerranée comme seul débouché sur la mer, aucune des grandes voies maritimes mondiales capables d’assurer l’indépendance de notre ravitaillement et la libre communication avec nos importantes colonies d’émigration, ne nous est ouverte105.
69À ces motifs démographiques et géographiques, déjà anciens, s’ajoute celui, cultivé par le nationalisme italien postérieur au traité de Versailles, de la « victoire mutilée » :
au congrès de Paris de 1919, l’Italie fut tenue à l’écart du grand partage de colonies ou de missions coloniales consécutif à la victoire commune. En effet, dans le domaine colonial, notre pays n’obtint que la cession d’une zone de territoire de la Somalie anglaise, tandis que les accords déjà intervenus pour la délimitation, la rectification ou le rétablissement des frontières de la Libye ne sont pas encore réalisés106.
70L’Italie n’avait, en effet, pas obtenu à Paris l’ensemble de ses revendications, définies dès 1914, et qui comprenaient : la cession par la France de Djibouti, une « priorité politique » en Éthiopie, la neutralisation commerciale de l’Arabie et de tout le territoire arabe de la mer Rouge, la cession par la Grande-Bretagne de Djararoub à la frontière de l’Égypte et de la Cyrénaïque, enfin la participation à l’éventuelle dévolution des colonies portugaises. L’article 13 du pacte de Londres du 26 avril 1915, consacré aux questions coloniales, était déjà beaucoup plus vague et conditionnel, puisqu’il stipulait simplement que
au cas où la France et la Grande-Bretagne accroîtraient leur domaine colonial en Afrique au détriment de l’Allemagne, ces deux puissances reconnaîtraient, par principe, que l’Italie pourrait réclamer également des compensations, spécialement dans le règlement en sa faveur des questions concernant les frontières des colonies italiennes de l’Érythrée, de la Somalie et de la Libye, et des colonies voisines de la France et de la Grande-Bretagne107.
71Or les négociations de Versailles frustrent davantage encore les revendications italiennes, la présence des États-Unis autorisant la France et la Grande-Bretagne à ne pas honorer tous leurs engagements vis-à-vis de l’Italie. Celle-ci obtient finalement quelques arrangements frontaliers entre la Tunisie et la Tripolitaine, ainsi que la cession de Djararoub, mais ne parvient pas à arracher Djibouti à la France. En reproduisant l’extrait ci-dessus dans son rapport, le gouverneur Olivier fait preuve d’une complaisance manifeste à l’égard du commissaire italien et lui offre l’occasion de s’attirer la bienveillance des plus hautes autorités de la République française.
72Les participations de Séville, Anvers et Paris ont permis au Portugal et à l’Italie de réinvestir le champ des expositions internationales après la première guerre mondiale et de renouveler une partie de leur argumentation coloniale dans les domaines économique et politique. En outre, la confrontation avec les méthodes d’exposition des grands pays a permis de dépoussiérer les conceptions scénographiques traditionnelles et d’entamer une réflexion approfondie sur l’efficacité d’une propagande plus rationnelle dans le cadre d’une exposition.
Laboratoires de propagande
73Le constat vaut tout particulièrement pour le Portugal, qui ne possède pas, contrairement à l’Italie, de véritable tradition dans ce domaine. Ainsi, Júlio Garcez de Lencastre, dans son rapport consacré à la mise en valeur des colonies portugaises à l’Exposition de Séville, fait-il référence à une carte brésilienne, dont il souligne l’intelligence et l’excellente conception :
Le Brésil attirait l’attention sur sa grandeur, en proposant une carte de la région, dans laquelle tenaient toutes les nations d’Europe, avec un solde d’encore 3164778 kilomètres carrés108.
74Ce procédé cartographique va connaître un succès immense au Portugal, porté par la célèbre carte intitulée « Le Portugal n’est pas un petit pays », hymne à la grandeur lusitanienne. Cette carte due à Henrique Galvão a été conçue au milieu des années 1930 dans le cadre du vaste dispositif de propagande coloniale soutenu par le ministre des Colonies Armindo Monteiro et resté sous la formule « mystique impériale ». L’historien Yves Léonard voit dans cette « carte rouge » (fig. 5) le prolongement idéologique et visuel de la « carte rose » des années 1880, qui reliait l’Angola au Mozambique et reflétait les ambitions portugaises en Afrique avant la crise de l’Ultimatum109. Dans sa réflexion sur les imaginaires nationaux à partir du terrain asiatique, Benedict Anderson souligne d’ailleurs combien les pratiques liées entre elles du recensement, de la cartographie et de la mise en musée ont contribué à forger une « grille classificatoire totalisante, susceptible d’être appliquée avec une infinie souplesse à tout ce qui était sous le contrôle effectif ou envisagé de l’État110 ».
75À Anvers, Armando Cortesão dresse l’inventaire des trouvailles les plus originales chez ses concurrents. Il s’enthousiasme en particulier pour les procédés qui recourent à l’animation mécanique et électrique, et regrette que, dans la section portugaise, seul le stand de la Compagnie des chemins de fer de Benguela ait recouru à quelques miniatures animées de son matériel roulant111. Les autres pavillons étrangers ont fait preuve, aux yeux du commissaire portugais, d’une inventivité qu’il leur envie : le grandiose pavillon anglais disposait, par exemple, d’un immense cratère d’une dizaine de mètres de diamètre, au fond duquel se trouvait une mappemonde en relief, où les océans étaient représentés par un « liquide spécial112 » et où « un jeu de lumières éteignait et allumait la carte, partiellement ou totalement, avec des couleurs différentes, de sorte qu’à un moment donné, tous les continents s’illuminaient, puis apparaissaient en rouge toutes les terres où flottait le drapeau britannique113 ». Sur les océans, des miniatures de paquebots figuraient les lignes de navigation de la marine britannique. Cortesão s’attarde ainsi sur quelques autres exemples, parmi les nombreuses innovations dont il aurait aimé s’inspirer : la maquette du port de Dantzig, que le public peut animer à l’aide de commandes à sa disposition, la maquette du port d’Anvers, ou bien encore les immenses panoramas présentés par la Compagnie minière du Congo, reproduisant dans le détail la production diamantifère.
76Paris a constitué la même réserve d’idées, moins dans les procédés d’exposition que dans les services au public et dans les méthodes de propagande. Ainsi les « caravanes scolaires114 », qui ont permis à environ 10000 élèves des écoles françaises de visiter le site de Vincennes, sont-elles reprises à Porto en 1934, et permettent à 12000 élèves et 1000 enseignants de découvrir l’exposition115. Mais c’est surtout la Cité des informations qui constitue une source d’inspiration pour le responsable de l’Exposition de Porto, Henrique Galvão : sans reprendre exactement le procédé, il met en place et supervise l’organisation d’un stand d’information destiné à répondre, dans les vingt-quatre heures, à toutes les questions des visiteurs. Les archives d’outre-mer portugaises ont conservé 56 bulletins d’information, principalement rédigés par des étudiants et des commerçants, ainsi que les réponses formulées par le service d’information de l’ECP116. La Division des informations est également chargée du fonctionnement de nombreux services : à la tenue du stand d’information s’ajoutent la diffusion par la radio des conférences et des cérémonies de l’exposition, la gestion et l’approvisionnement en documentation générale d’un kiosque installé dans le centre de Porto et l’organisation des « journées » commémoratives.
77Dans le cas italien, la situation est différente dans la mesure où l’Italie dispose déjà d’une solide tradition d’expositions et de mostre. Les commentateurs italiens n’ont donc pas à rougir des représentations nationales à Anvers et Paris, prestigieuses et grandioses. La difficulté réside davantage dans la mise en valeur d’un empire si récent et si modeste comparé aux possessions britanniques, françaises, belges, néerlandaises et portugaises. Cette situation explique sans doute pourquoi l’Italie n’organise aucune exposition strictement coloniale en métropole avant la proclamation de l’Empire en 1936. En effet, les deux principales expositions consacrées aux territoires d’outre-mer organisées en Italie avant cette date ont été des expositions d’art colonial. Si leur titre ne recouvre pas la réalité des contenus exposés, beaucoup plus vastes, il suggère néanmoins l’embarras voire le complexe des Italiens à organiser une exposition coloniale sans un empire qui soit à la hauteur de leurs espérances. Les expositions d’Anvers et de Paris semblent avoir au moins permis une prise de conscience croissante de l’importance des expositions dans la socialisation de la question coloniale en métropole.
78C’est par la confrontation avec des puissances étrangères que les discours colonialistes portugais et italien redéfinissent leurs traits nationaux, procédant à un amalgame entre les arguments traditionnels hérités des périodes antérieures et les arguments élaborés par les nouveaux hommes du pouvoir, dans une négociation constante entre rupture et continuité. Au début des années 1930, après le succès inouï de l’Exposition de Vincennes, les autorités portugaises, encouragées par les milieux économiques, tirent les enseignements des trois participations à Séville, Anvers et Paris pour les appliquer trois ans plus tard à Porto. Quant à l’Italie, qui craint les procès en illégitimité, elle préfère contourner l’obstacle en organisant des expositions thématiques à partir de 1931. La crise mondiale, les incertitudes des relations internationales, les menaces croissantes sur la paix qui en découlent ainsi que la consolidation des deux dictatures conjuguent leurs effets pour que, au début des années 1930, de vastes manifestations soient organisées. C’est dans cette crise aux multiples facettes qui touche l’Europe et le monde qu’il faut rechercher les ressorts de la multiplication, de la modernisation et de la forte politisation des expositions coloniales organisées dans les métropoles durant les années 1930. La chute des prix des matières premières et les problèmes de surproduction expliquent aussi l’importance croissante des foires organisées dans les territoires d’outre-mer, avant même le krach boursier d’octobre 1929. De 1926 à Macao à 1938 à Tripoli, les colonies aussi se mettent en scène.
Notes de bas de page
1 La séquence se prolonge avec les expositions universelles et internationales qui se succèdent jusqu’à la guerre : Bruxelles en 1935, Paris en 1937 et enfin New York en 1939. Il ne s’agit pas tant de faire l’inventaire exhaustif des participations du Portugal et de l’Italie à ces grandes cérémonies culturelles, politiques et diplomatiques de la vie internationale que de souligner l’importance qu’elles ont pu revêtir, pour chaque pays, dans l’élaboration de leur politique de propagande coloniale auprès de leurs sociétés métropolitaines.
2 Almeida, 1995, p. 44.
3 Louro, 1996, p. 11.
4 Ingénieur du génie, brigadier, Manuel Gonçalves da Silveira e Castro a été commissaire des sections portugaises de Séville et de Paris, puis commissaire chargé du tourisme lors des commémorations nationales de l’année 1940.
5 « a situação política de que lhe proporcionam a sua tranqüilidade pública de que lhe resultam condições de trabalho, e o seu desafogo económico e financeiro » (Comissariadogeral daexposição portuguesa em Sevilha, Guia oficial da Exposição portuguesa em Sevilha, p. 3).
6 Hermet, 1989, p. 38.
7 Id., 1992, p. 92.
8 Il s’agit en réalité de son second passage à ce ministère, après un très bref mandat, du 3 au 19 juin 1926.
9 « De Norte à Sul do país, nas suas colónias de África, nas colónias mais longínquas da India e da Oceania, há um impulso de resurreição, uma aleluia de actividades, a promessa solene e categórica de que, se o seu passado constitue das mais brilhantes e das mais orgulhosas páginas da História das nações, o seu futuro será o robustecimento da Pátria em todas as suas manifestções úteis e modernas » (Comissariado geral da Exposição portuguesa em Sevilha, Guia oficial da Exposição portuguesa em Sevilha, p. 4).
10 L’Acte colonial fait partie du dispositif juridique et politique qui a permis la consolidation du pouvoir de Salazar, alors ministre des Colonies par intérim (21 janvier-20 juillet 1930). Celui-ci convoque la réunion du IIIe Congrès colonial national à la SGL, dont les motions, comme l’avis du Conseil supérieur colonial, n’ont été que très marginalement prises en compte. Finalement, le texte rédigé par les deux conseillers de Salazar, Quirino de Jesus et Armindo Monteiro, modifie très partiellement le statut des autochtones et renforce le contrôle de Lisbonne sur les finances des gouvernements coloniaux, malgré une autonomie de façade ; Alexandre, 1993a, pp. 1127- 1136 ; Silva, 2000.
11 La présentation des exposants, qui se trouve aux dernières pages du catalogue officiel, est organisée par groupes de produits. Elle a l’inconvénient de favoriser les répétitions lorsqu’un même exposant est représenté dans diverses sections. Nous avons pris en compte ces répétitions, qui concernent principalement les gouvernements, les administrations et les grandes compagnies capitalistes.
12 La date limite des demandes d’inscription pour les exposants métropolitains est fixée au 30 septembre 1928. Pour les exposants coloniaux, elle est fixée au 31 janvier 1929 ; Comissariado geral da Exposição portuguesa em Sevilha, Regulamento da Exposição portuguesa em Sevilha, art. 19 et 29.
13 Lencastre, « Propaganda colonial na Exposição de Sevilha », p. 320.
14 John MacKenzie considère que c’est à Paris en 1867 que fut instauré pour la première fois le système des pavillons individuels répartis sur un site unique. Cette disposition fut ensuite reprise en 1886 à l’occasion de l’Exposition coloniale indienne de Londres, chaque dominion étant chargé de l’édification de son propre pavillon ; Mackenzie, 1984, p. 100.
15 Ainsi le conseil de l’Éducation nationale (Junta da Educação nacional, JEN) sollicite-t-il dans une lettre ouverte au ministre de l’Instruction publique la reconstruction du pavillon dans le parc Édouard VII de Lisbonne, afin de réaliser une « exposition coloniale permanente » dans la capitale ; BAGC, mars 1930, p. 145. La JEN, instaurée en 1929, fait partie du dispositif de durcissement du système éducatif et de retour sur les acquis de la période républicaine ; Nóvoa, 1992, pp. 455-519.
16 Carvalho, « A Exposição internacional de Anvers », p. 12.
17 Ibid., p. 13.
18 AHD, 3oP, A10, dossier n° 183, lettre du chargé des affaires politiques et consulaires du ministère des Affaires étrangères au directeur des services centraux du ministère des Colonies, le 30 décembre 1925.
19 Décret n° 17717 du 6 décembre 1929, reproduit dans Cortesão, Relatório do comissário, pp. 7-9.
20 Ibid., p. 9.
21 « a velha amizade existente entre portugueses e belgas, fortalecida pela cordial aproximação que em matéria colonial os dois povos ultimamente têm realizado » (ibid., p. 7).
22 « as circunstâncias da política internacional e o facto de Portugal ser uma grande potência colonial » (ibid.).
23 Ibid., p. 7, art. 2.
24 Id., « Portugal na Exposição colonial Internacional de Antuérpia », p. 150.
25 Id., Relatório do comissário, pp. 27-28.
26 Diogo Cão a vécu au xve siècle et a laissé une documentation très lacunaire sur la chronologie exacte de ses voyages. Il est cependant connu pour avoir, le premier parmi les Européens, découvert l’embouchure du Congo, et y avoir installé une borne (padrão), symbole de la présence portugaise en Afrique noire, autour des années 1482-1484 ; Albuquerque, 1994, pp. 192-194.
27 « L’Italia a l’Esposizione internazionale di Anversa » et « La mostra coloniale italiana alla Esposizione internazionale di Anversa », Rivista delle colonie italiane, juin 1930, pp. 516-521 et 998-1007.
28 « In vicinanza di quelli degli altri paesi, il padiglione italiano, costruito nelle linee architettoniche di stile puramente italiano, si presentava in forma piena di dignità e de severo complesso » (ibid., pp. 1000-1001).
29 « sormontato da una cupola maestosa, dal perfetto arco sferico, ergentesi sopra un contorno attico basilare con finestre alla maniera romana » (ibid., p. 1001).
30 « palme doviziose » (ibid.).
31 « A Itália […] dedicava às colónias apenas uma grande sala do seu enorme e por vezes rico pavilhão. Esta sala, que tinha o aspecto de uma bem arranjada sala de Museu Colonial, também pouco mostrava dos métodos colonizadores italianos » (Cortesão, Relatório do comissário, pp. 946-947).
32 Les principaux travaux sur cette exposition sont : Ageron, 1984 ; Lebovics, 1995, pp. 57-102 ; Hodeir, Pierre, 1991 ; Estoile, 2007, pp. 33-73 ; sur la participation italienne : Carli, 2004.
33 Hodeir, Pierre, 1991, pp. 68-69.
34 Olivier, Rapport général, vol. 7.
35 Hubert Lyautey (1854-1934), qui a fait toute sa carrière dans la Coloniale, du Tonkin au Maroc, en passant par Madagascar et l’Algérie, est alors adulé en France, en tant que premier résident français (1912) puis « pacificateur » du Maroc révolté. Tout un imaginaire entoure sa personne, particulièrement populaire dans la jeunesse ; Rivet, 1999, pp. 20-87. Initialement confiée aux soins du gouverneur de l’AEF François Angoulvent, l’organisation de l’Exposition de Vincennes ne lui a été remise qu’en 1927 ; Hodeir, Pierre, 1991, p. 25.
36 Ibid., pp. 63-66.
37 Septime Sévère (146-211) est né à Leptis Magna, en Tripolitaine. Après une brillante carrière sénatoriale à Rome, il sort vainqueur de la guerre civile de 193-196 et devient ainsi le premier empereur romain d’origine africaine.
38 Armando Brasini est un artiste éclectique, tour à tour décorateur, peintre, scénographe pour le cinéma et architecte. Il affirme dans toutes ses activités son goût pour les racines antiques de l’Italie et pour une certaine grandeur, que l’on retrouve dans ses pavillons d’exposition (Rome 1922, Paris 1925 et 1931). Il a également exercé à Tripoli ; s. v. « Brasini, Armando », dans Olmo, 2003, vol. 1, pp. 318-320.
39 Commissariat italien à l’ECI de Paris, Guide officiel de la section italienne, p. 14.
40 Carli, 2004, p. 229.
41 Originaire de Bologne, Guido Fiorini vit et travaille à Paris depuis la fin des années 1920. En 1931, il adhère au groupe romain du Movimento italiano per l’architettura razionale et fait la connaissance, cette même année, de Le Corbusier, avec lequel il collabore jusqu’en 1935 au plan de la ville d’Alger, finalement abandonné.
42 Ibid.
43 Raul Lino (1879-1974) se situe, dès ses premières œuvres, dans une conception conservatrice de l’architecture, qui fait la part belle aux traditions rurales et s’oppose aux architectes modernistes de l’entre-deux-guerres. En 1940, il participe aux commémorations nationales en tant que membre de la CEC et comme auteur du pavillon du Portugal à l’EHMP. Infatigable défenseur de la casa portuguesa, il a également laissé une œuvre théorique abondante ; Pedreirinho, 1994, pp. 147-148.
44 Commissariat général du Portugal à l’eci de Paris, Exposition coloniale portugaise, p. 14.
45 Ibid.
46 Ibid., p. 15.
47 Vargaftig, 2014a, pp. 169-174.
48 Commissariat italien à l’eci de Paris, Guide officiel de la section italienne.
49 Il s’agit des plantes oléagineuses, du coton, du sisal, de la cire, des cuirs et peaux, du sucre, du café, du cacao et du maïs.
50 Sur la genèse et les trente premières années de fonctionnement du musée du Trocadéro, voir Dias, 1991.
51 Paul Rivet (1876-1958) débute sa carrière d’ethnologue dans les Andes, comme médecin militaire et naturaliste, réunissant d’importantes collections d’histoire naturelle. Détaché à partir de 1906 au Muséum national d’histoire naturelle, il y débute sa carrière d’anthropologue. Il dirige le musée du Trocadéro à partir de 1929, puis le musée de l’Homme à partir de 1938. Militant socialiste, proche de Léon Blum, membre du Comité d’action antifasciste et de vigilance, il quitte la France en 1940, et fonde à Bogotá l’Institut français d’ethnographie et à Mexico l’Institut français d’Amérique latine. Il retrouve la direction du musée de l’Homme en 1944. Parmi ses textes ouvertement antifascistes, on peut citer La jeunesse devant le fascisme, cosigné avec Alain, Jean Baby et Paul Langevin, Paris, juin 1934, ainsi que Les prétentions sociales du fascisme, cosigné avec les précédents ainsi que Pierre Gérôme et Marcel Brenant, Paris, juin 1934 ; Laurière, 2008, pp. 487-499.
52 Georges-Henri Rivière (1897-1985) a joué un rôle fondamental dans la révolution muséographique de l’entre-deux-guerres, organisant pas moins de 70 expositions entre 1927 et 1937 au musée du Trocadéro. Fondateur, sous Vichy, du musée des Arts et Traditions populaires qu’il dirige jusqu’en 1967, il fut également le premier président du Conseil international des musées, de 1948 à 1965 ; Rivière, 1989.
53 Rivet, Rivière, préface au Guide illustré de l’Exposition du Sahara.
54 Comité exécutif italien, Le Sahara italien.
55 Ibid., pp. 43-45.
56 Il est aussi membre du comité exécutif de la section italienne de l’exposition. Il est, par ailleurs, l’auteur d’un long article consacré à la section italienne dans la Rivista delle colonie italiane ; Micacchi, « La partecipazione italiana alla Esposizione del Sahara ».
57 Comité exécutif italien, Le Sahara italien, pp. 46-51.
58 Ibid., p. 95.
59 Sarraut, Grandeur et servitude coloniales.
60 D’abord publié sous forme d’articles dans Le populaire, organe de la Section française de l’Internationale ouvrière, Voyage au Congo paraît à la NRF en 1927. Retour du Tchad est publié par la même maison un an plus tard. Dans Terre d’ébène, Albert Londres (1884-1932), grand reporter au Petit Parisien, relate le voyage qui l’a conduit du Sénégal au Congo, au cours de l’année 1927.
61 Sarraut, Grandeur et servitude coloniales, pp. 14-15.
62 Janeiro, 1998 ; Nascimento, 1998.
63 Pélissier, 2004, pp. 300-302.
64 Rochat, 1994, pp. 96-98.
65 De Castro, discours d’inauguration de la section portugaise, retranscrit dans le BAGC, juin 1930, p. 120.
66 La participation portugaise à la Grande Guerre sur le théâtre européen a pris la forme d’un corps expéditionnaire de 55000 hommes envoyés comme auxiliaires de l’armée anglaise, dans la partie sud du front belge. La bataille de la Lys, en avril 1918, décime ce corps expéditionnaire ; Teixeira, 1999.
67 Lyautey, discours d’inauguration de la section italienne, le 24 mai 1931, retranscrit dans Commissariat italien à l’eci de Paris, Guide officiel de la section italienne, p. 7.
68 Ibid., p. 8.
69 Comité exécutif italien, Le Sahara italien, p. 13.
70 « À la mi-juillet 1915 l’occupation se réduisit aux villes de Tripoli et d’Homs défendues par au moins 50000 hommes » ; Rochat, 1994, p. 21.
71 Comité exécutif italien, Le Sahara italien, p. 13.
72 Ibid., p. 14.
73 Rivet, Rivière, Guide illustré de l’Exposition du Sahara, n. p.
74 Par cet accord, la France accède à un certain nombre de revendications italiennes, dont certaines remontaient au traité de Versailles : trois portions de désert sont ainsi remises à l’Italie, aux confins de la Libye, de la Tunisie et de l’AOF, quelques portions de territoire aux confins de l’Érythrée, ainsi que des actions du chemin de fer Djibouti – Addis-Abeba ; l’Italie accepte en échange que le statut des Italiens de Tunisie soit progressivement supprimé. En outre, une conversation privée entre Laval et Mussolini évoque la possibilité pour l’Italie d’avoir « les mains libres » en cas de conflit avec l’Éthiopie.
75 Vargaftig, 2014a, pp. 167-169.
76 En 1900, à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, 127 congrès ont eu lieu dans la capitale. En 1931, ils sont 208. En 1937, on atteint les 500 ; Coquery-Vidrovitch, 1991, p. 23.
77 Galvão, 1965, pp. 20-45.
78 Id., La presse coloniale, p. 3 (nous soulignons).
79 Cité par Atchebro, 1990, pp. 69-70.
80 Galvão, La presse coloniale, p. 71.
81 Ibid.
82 Ne visitez pas l’Exposition coloniale, mai 1931, et Premier bilan de l’Exposition coloniale, 3 juillet 1931, tracts reproduits dans Pierre, 1980, pp. 194-195 et 198-199. La contre-exposition, intitulée « La vérité sur les colonies », a eu pour cadre l’ancien pavillon des Soviets de l’Exposition des arts décoratifs de 1925 et a été inaugurée le 20 septembre 1931. Ses 4200 visiteurs ne firent pas le poids face aux 33 millions de billets de l’ECI, qui correspondent à environ 8 millions de visiteurs effectifs ; Hodeir, Pierre, 1991, pp. 125-134 ; Lebovics, 1995, pp. 109-114.
83 Vargaftig, 2014a, pp. 174-179.
84 Les passages en italique sont en français dans le texte.
85 Il s’agit en fait de l’Institut colonial international de Bruxelles.
86 « Ora la Società delle Nazioni si sforza di codificare il lavoro in colonia, con un criterio umanitario al quale bisogna rendere omaggio, così come bisogna credere alla buona fede dei membri del Bureau du Travail ; invece l’Institut International Colonial nelle sue recenti riunioni (1929- 1931) ha chiaramente mostrato la incompatibilità di norme fisse all’europea in materia di lavoro coloniale. LExposizione di Parigi mostrando la varietà delle razze, la diversità del loro grado di evoluzione, la differenza delle loro capacità, ha, secondo noi, confermato che “Organiser le travail colonial c’est le tuer”. […] Si è molto scritto e molto parlato a Parigi di unione, di sentimento di solidarietà, di comunanza di interessi. Nel campo coloniale non esistono ancora le assisi di svariata natura che esistono in altri campi di attività politica od economica mondiale, o almeno europea. Esisteva finora soltanto, in modo effettivo, l’Istituto Internazionale Coloniale, il quale è un organo di studio. / Oggi si è fatto un passo avanti : vi è anche un organo d’azione, nato nell’ambito dell’Esposizione et dall’Esposizione ispirato, la Federazione dei Comitati Nazionali della Stampa Internazionale Coloniale, iniziativa dovuta alla delegazione italiana nel Congresso dei giornalisti colonialisti » (D’Agostino Orsini di Camerota, « Che cosa é stata », pp. 949-950).
87 C’est en se fondant sur ces pratiques que l’Italie justifiera quatre ans plus tard sa « campagne de civilisation » contre un État pourtant membre de la SDN ; Atchebro, 1990, pp. 108-112.
88 Lanza di Scalea, « Objet, caractère et portée de la participation italienne », dans Olivier, Rapport général, vol. 7, p. 178.
89 Commissariat italien à l’eci de Paris, Guide officiel de la section italienne, p. 10.
90 Nous empruntons le terme à Maddalena Carli, qui souligne le « traitement normalisant » subi par l’Italie dans la presse parisienne et dans les discours officiels. Selon cette historienne, l’ECI de Paris a bien constitué un instrument efficace d’intégration de l’Italie au groupe des puissances coloniales, coïncidant avec les revirements de la diplomatie italienne ; Carli, 2004, p. 216.
91 Lanza di Scalea, « Objet, caractère… », p. 176 (nous soulignons).
92 Carli, 2004, p. 216.
93 « Nós temos que mostrar agora em Antuérpia […] e daqui a um ano em Paris […] a maneira como administramos as nossas Colónias, a formidável obra realizada, desde hà cinco séculos até hoje […] para levar às populações indígenas do ultramar, com um tacto e uma humanidade, muitas vezes imitados mas nunca ultrapassados pela outras Nações Coloniais, os benefícios da civilização, afirmando com orgulho, com nobreza e com inteligência, o direito que a Portugal, mais do que a qualquer outro povo, assiste de possuir colónias » (Cortesão, « Portugal na Exposição de Antuérpia », p. 10).
94 « O Brazil […] apresentava-nos uma demonstração prática que não se esquece facilmente. Começava por apresentar árvores de café em flôr, com a cereja em verde e árvores com a linda cereja em côr vermelha, jà madura, taboleiros de sacagem, máquinas despolpadoras, separadora, torradores e moinhos eléctricos, todos em laboração, terminando pela meza de degustação, em que ao público era servida uma preciosa chávena do aromático café de S. Paulo » (Lencastre, « Propaganda colonial na Exposição de Sevilha », p. 318).
95 « no sentido de intensificar a propaganda cultural e de costumes nacionais […]. É por isso que no programa se inscrevem conferências a realisar pelos nossos melhores conferentes em que sem dogmatismos e uma erudição fatigante façam a propaganda cultural do nosso país em termos de ser facilmente aprendida por ouvidos de excursionistas despreocupados de inquietações cientificas » (AOS/CO/OP-1A, copie du rapport de M. Silveira e Castro au ministre du Commerce, s. d.).
96 Carli, 2004, p. 229.
97 O Século, supplément.
98 « Embora seja muito importante o seu aspecto económico, actualmente é o seu aspecto político que sobreleva a qualquer outro e deve definir a sua orientação » (Cortesão, « Portugal na Exposição de Antuérpia », p. 3).
99 « Tenciono nela representar, na medida do possível, além da actividade económica das nossas colónias, quási que a única que até aqui tem aparecido nas Exposições a que temos concorrido, toda a nossa actividade colonizadora, instituições coloniais da Metrópole, sistema administrativo, etc. » (AHD, 3oP, A4, dossier n° 45, lettre d’A. Cortesão à la direction générale des affaires commerciales du ministère des Affaires étrangères, le 3 janvier 1930).
100 « os benefícios que recebem os indígenas da parte da autoridade e dos padrões no tocante à higiene, à alimentação, ao alojamento, à imunisação contra certas doenças, à cura da tuberculose, da pneumonia e da doença do sono, demonstrando-se com números e fotografias os trabalhos executados nas diversas colónias » (ibid., compte rendu de J. d’Almada au ministre des Affaires étrangères, s. d.).
101 AHD, 3oP, A4, dossier n° 45, lettre de l’ambassadeur portugais A. de Castro au ministre des Affaires étrangères, le 9 avril 1930.
102 « o grande realizador de Angola, hoje o maior dos coloniais da nossa terra, verdadeira incarnação do génio colonizador da raça, que a Nação em pêso devia, orgulhosa e carinhosamente, levantar nos braços para, no momento oportuno, com absoluta liberdade de acção, o colocar à frente dos destinos de Angola » (Cortesão, « Portugal na Exposição de Antuérpia », p. 3).
103 Matos, « La formation de la nation portugaise », p. 3.
104 Silveira e Castro, « Le Portugal », dans Le livre d’or, p. 311.
105 Lanza di Scalea, « Objet, caractère… », pp. 175-176.
106 Ibid., p. 176.
107 Article 13 du pacte de Londres du 26 avril 1915, cité et traduit dans Miège, 1968, p. 102.
108 « O Brazil chamava a atenção para a sua grandeza, apresentando um mapa da região, na qual cabiam todas as nações da Europa, sobrando ainda 3.164.778 quilómetros quadrados » (Lencastre, « Propaganda colonial na Exposição de Sevilha », p. 316).
109 Léonard, 2004, p. 209 ; Cairo, 2006.
110 C’est d’ailleurs la même grille qui a rendu possible, dans un second temps, l’émergence d’identités « nationales » et anticoloniales se retournant contre les colonisateurs ; Anderson, 1996, p. 187.
111 Cortesão, Relatório do comissário, p. 33.
112 « líquido especial » (ibid.).
113 « um jogo de luzes fazia apagar e acender o mapa, no todo ou em parte, com côres diferentes, de modo que num dado momento, iluminavam-se os continentes e depois aparecia a vermelho tudo o que na terra é coberto pela bandeira britânica, etc. » (ibid.).
114 Olivier, Rapport général, vol. 4, pp. 299-303.
115 ECP, O Livro da Exposição, p. 12.
116 AHU, Casa forte, dossier n° 991.
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