Lecture IV
p. 273-280
Texte intégral
1Les trois textes regroupés dans cette partie, sous le titre « Transformer et inventer l’espace frontalier », correspondent à des périodes ou à des contextes historiques divers mais relativement homogènes. C’est dire si le regroupement proposé est loin d’être artificiel, tant les questions posées par les uns et les autres entrent en résonnance entre elles. Plus largement, les questions abordées par leurs auteurs sont de toutes les époques et, probablement, de la plupart des sociétés humaines qui ne sauraient échapper à une approche en termes de frontière.
2Ces contributions concernent le monde hispanique et méditerranéen de l’époque moderne. Rafael Benítez aborde la question de la frontière religieuse entre Islam et Chrétienté dans la région de Valence aux XVIe et XVIIe siècles. De son côté, Thomas Glesener étudie la place des « étrangers » dans l’armée du roi d’Espagne au début du XVIIIe siècle. Enfin, la réflexion de Sadok Boubaker porte sur la population de l’île de Tabarka, au large de la Tunisie, qui entre le XVIe et le XVIIIe siècle vit sur ce qui constitue une « frontière » entre deux mondes : celui de la Chrétienté, celui de l’Islam. Ces trois textes, dont l’unité est manifeste — même espace méditerranéen, même période moderne et enjeux proches sans être nécessairement identiques — proposent une combinaison très suggestive de quelques-uns des problèmes essentiels caractéristiques de ces sociétés de frontière que chacun des auteurs aborde et discute à partir du contexte qui lui est spécifique.
3Les textes ici regroupés illustrent chacun des processus d’invention ou de construction de l’espace frontalier en déclinant la catégorie de frontière selon une double acception. La première, que l’on oserait qualifier presque de « naturelle » renvoie à la séparation, à la délimitation entre le « eux » et le « nous », autrement dit entre l’ici et l’ailleurs ou, plus largement, entre l’appartenance et l’exclusion. Les contributions de T. Glesener et de S. Boubaker se retrouvent dans cette approche de la frontière qui délimite le dedans du dehors. En d’autres termes, pour ces deux auteurs, la frontière se comprend d’abord comme une ligne de démarcation, au sens de « limite » face à l’extérieur. Pour le premier, il s’agit bien de prendre comme objet de réflexion ces « étrangers » entrés dans le service du roi d’Espagne. Étudiant le recrutement des Wallons dans la garde du roi, T. Glesener part de la principale caractéristique qui conditionne leur entrée dans leurs fonctions : celle-ci tient clairement au fait que des places leur sont réservées en raison d’un lieu d’origine commun, à savoir la Flandre espagnole. C’est sur cette base définie en termes de « nationalité » que se construit son questionnement : un tel enrôlement, établi sur des bases définies par la naissance, conditionne-t-il la manière dont ces officiers perçoivent leur rôle, leur groupe professionnel et donc les « frontières » de ce dernier avec le reste de l’armée royale ? En d’autres termes, cette distinction d’origines constitue un des fondements sur lequel la monarchie assoie son recrutement afin de conditionner le comportement des soldats concernés. Y parvient-elle ? C’est là une toute autre question. Selon T. Glesener, le privilège de nation ne confère aucune spécificité aux comportements des acteurs sociaux. On constate y compris que la distinction entre « Flamand » et « Espagnol » est loin de déterminer les formes d’identification au sein du corps. Ce faisant, l’hispanisation d’une partie des officiers — autrement dit leur refus de rester enfermés dans la délimitation d’un groupe qui leur est imposée — conduit à un contournement progressif d’un dispositif considéré comme non pertinent. De la même manière, la réflexion de Sadok Boubaker porte sur une communauté qui, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, voit son rattachement politique varier au gré des changements dans les relations diplomatiques entre la monarchie espagnole, les principautés italiennes et l’Empire ottoman. Passant successivement sous l’autorité de l’une ou de l’autre, ces mêmes populations vivent au plus près, et d’une certaine manière subissent dans leur chair, ce que signifie une « démarcation »1.
4Cependant, le dernier texte de cette partie est là pour rappeler qu’il n’est pas de frontières qu’extérieures, tant au sens de limites géopolitiques que sociales du terme. Dans ce cas, c’est bien une frontière « intérieure » qui est étudiée2. Pour R. Benítez, l’émergence de celle-ci résulte de la politique engagée par la monarchie espagnole à compter du XVIe siècle dans la région valencienne. Pour assurer ce qui constitue pour lui une sorte de devoir, à savoir l’unité religieuse de son royaume, le monarque catholique passe d’une politique de tolérance à l’égard de la minorité morisque à une attitude de plus en plus intransigeante. Ce faisant, il suscite une résistance qui se traduit de facto dans le surgissement d’une « frontière intérieure ». À terme, le renforcement de cette politique d’intolérance religieuse débouche sur la disparition officielle de la frontière du fait de l’expulsion de la minorité concernée. L’intransigeance, inventant le statut de « converti » (et de descendant de converti) que la tolérance initiale cherchait précisément à éviter, tend à ériger et surtout à figer une frontière juridico-religieuse auparavant peu visible, rendant d’une certaine manière inéluctable l’expulsion. L’existence en territoire chrétien — et qui plus est, il est vrai, pour le cas valencien dans un espace correspondant à ses propres frontières maritimes — d’une minorité d’origine musulmane, pourtant pleinement intégrée à la société locale, devient proprement « insupportable », tant pour l’Église que pour le monarque lui-même.
5Les trois textes illustrent ainsi des modalités d’invention de la frontière ou des espaces frontaliers renvoyant à des pratiques qui, pour être diverses, n’en sont pas moins relativement homogènes. Du XVIe au XVIIIe siècle, de la région valencienne à l’île de Tabarka en passant par l’armée du roi d’Espagne, c’est bien la dualité des espaces frontaliers qui est mise en évidence. Conçus et construits dans une logique de démarcation, ces espaces frontaliers — qu’ils relèvent de la géopolitique, du religieux ou du social — se transforment en lieux de passage, de circulation et donc d’échanges. Au-delà, plus la démarcation imposée cherche à être absolue, moins elle parvient, dans la durée, à empêcher les mobilités3.
6Les textes de cette section renvoient aussi à un second aspect étroitement associé à la catégorie de frontière, à savoir sa dimension conflictuelle, celle-ci étant le plus souvent associée à l’affirmation étatique. Construire des frontières c’est d’abord concevoir des barrières que l’on cherchera, d’une manière ou d’une autre, à franchir et / ou à dépasser. C’est dire la justesse de la formule d’Edgar Morin qui assimile les frontières aux « cicatrices de l’histoire », soulignant notamment leur fonction de délimitation territoriale même s’il ne les réduit pas à cela. En ce sens, la frontière est inévitablement associée à une revendication de souveraineté et de suzeraineté sur un espace donné, et d’abord par celui qui incarne l’exercice de l’autorité4. De ce point de vue, l’affirmation des États modernes à compter du XVIe siècle repose clairement sur ce souci d’en déterminer les frontières. À ce titre et avec Daniel Nordman, nous pouvons alors admettre que la frontière résulte d’abord d’une combinaison entre temps et espace, étroite association qui implique des évolutions permanentes de son tracé et rend difficile continuité et stabilisation frontalières5.
7Le texte de Sadok Boubaker vient illustrer parfaitement cette situation créée par des conflits de frontières entre États voisins et rivaux. L’île de Tabarka, en raison même de sa situation géographique et des revendications de souveraineté comme de suzeraineté dont elle est l’objet, devient un enjeu dans le cadre des affrontements entre Islam et Chrétienté — « une place frontalière convoitée par la monarchie espagnole d’un côté, l’Empire ottoman et ses provinces de l’autre » pour citer le texte de S. Boubaker — mais aussi entre les diverses puissances appartenant au même camp : Génois et Espagnols d’un côté, les deux régences maghrébines de Tunis et d’Alger de l’autre. Ce sont ces affrontements entre souverainetés rivales qui transforment un modeste îlot de pêcheurs en une « place forte », nécessairement et par définition « frontalière ». C’est bien cette position, d’une certaine manière inconfortable, qui emporte la communauté au cours du XVIIIe siècle et se termine par un « grand déplacement » pour sa population, préparatoire à la dislocation de la communauté sur plusieurs sites.
8Ces inventions d’espaces frontaliers ne limitent pas leurs effets aux seules régions directement concernées par les conflits fomentés par l’existence de ces frontières, comme le montre la contribution de R. Benítez. Ce dernier souligne combien la naissance d’une frontière politico-idéologique au cours des XVIe et XVIIe siècles dans le royaume de Valence traduit en fait les profondes évolutions sur la place même du reino dans la monarchie hispanique. Pour cette dernière, la liquidation de la société pluriculturelle valencienne se justifie à la lumière de la menace que représenterait une possible invasion en provenance du Maroc. Pourtant, selon lui, ce n’est pas tant cette menace-là qui explique la politique d’éradication de la diversité culturelle et religieuse valencienne mais bien plus la situation militaire aux Pays-Bas calvinistes. En d’autres termes, pour réussir à imposer au roi et dans son entourage la trêve que l’on veut signer avec ces derniers, le duc de Lerma compensait l’affaiblissement de la souveraineté royale que cette dernière signifiait par un « grand triomphe » offert à peu de frais au monarque car parachevant la Reconquête.
9Dans le même temps, si frontières, conflits et État sont expressément associés, T. Glesener rappelle de son côté que cette situation n’est ni une règle ni même une nécessité dans la définition d’un espace frontalier. Certes, cette association se manifeste tout spécialement dans l’émergence de l’État administratif au cours de l’époque moderne. Dans le cas des monarchies européennes, on observe bien une étroite corrélation entre le travail des juristes et la volonté des pouvoirs royaux à préciser les frontières d’une communauté de natifs6. À lire T. Glesener, on constate que le langage juridique développé par les juristes au service du monarque espagnol s’impose au moment de définir l’appartenance à une communauté du Royaume. C’est au même moment que le pouvoir royal s’attache à définir les frontières de son Royaume de manière précise et non plus extensive comme dans le passé. Ce faisant, la conception même de l’idée de frontière, quel qu’en soit son domaine d’application, perd alors une grande partie de sa souplesse antérieure tant elle se construit à partir de la conception élaborée par les juristes. Pourtant et dans le même temps, l’étude de cas qu’il propose illustre l’existence d’autres processus dans l’invention de frontières. Il montre comment une communauté professionnelle menacée est capable de modifier elle-même la définition de ses limites dans une tentative de protection de son intégrité. Alors que le privilège de nation était une création royale, les officiers recrutés sur cette base s’en affranchissaient, favorisant ainsi leur insertion dans la société espagnole7. Par contre, lorsque le système s’enraye au cours du XVIIIe siècle et qu’il n’est plus à même de protéger les intérêts des membres de la « nation » considérée, ces derniers oublient le processus d’intégration dont ils sont pourtant l’exemple vivant pour exalter une « identité » qu’ils redécouvrent. La redéfinition de l’identité corporative autour du privilège de nation auquel ils se rattachent, produite par la crise du système, correspond non pas à une quelconque définition « ethnique » mais bien, selon T. Glesener, à une redéfinition de l’identité corporative, inscrite pleinement dans la culture juridique de l’Ancien Régime. En ce sens, le pouvoir de redessiner des frontières, ici d’un groupe social, qu’il s’agisse d’inventer un espace social que l’on peut qualifier de frontalier ou d’en déplacer les frontières, ne relève pas seulement de l’autorité de l’État mais bien d’acteurs sociaux soucieux de défendre des intérêts corporatifs.
10Ces analyses de T. Glesener introduisent en fait une dernière thématique qui parcourt l’ensemble des trois textes regroupés dans cette section, à savoir le lien entre frontières et questions identitaires. L’invention d’une frontière se traduit d’emblée en termes d’identification8 puisqu’elle introduit une différence, une distinction. Dans le même temps, la frontière étant bien fille de l’histoire et de ses conflits, étant elle-même et par définition une construction en constante évolution, elle ne saurait être ni intangible ni infranchissable. Les frontières, ces lignes de démarcations qui couturent l’espace, qu’il soit géopolitique, social ou politique voire culturel, ne constituent jamais des obstacles en soi. Le propre de ces frontières, c’est d’être régulièrement franchies par ceux que l’on aimerait voir enfermés en leur intérieur ou protégés derrière elles des menaces extérieures. Les mobilités ou plus largement les migrations, quels qu’en soit le sens ou la direction et qu’elles soient géographiques, sociales ou politiques, constituent autant de manifestations de cette incapacité des frontières à isoler. Compte tenu de cette spécificité des espaces frontaliers, il apparaît clairement qu’ils tendent à se transformer en des étendues plus ou moins profondes de part et d’autre de la « ligne-frontière ». À ce titre, l’espace frontalier prend alors une forme radicalement nouvelle que l’on pourrait caractériser comme un espace d’échanges entre deux mondes. Ces circulations frontalières prennent des formes ou des contenus parmi les plus variés, depuis des échanges associés à la dimension militaire de l’espace frontalier — circulations des troupes, occupations de territoires, transferts technologiques… — jusqu’aux échanges culturels qui peuvent s’y développer en passant par la dimension économique inévitable de ces flux. Si tous à leur manière contribuent à façonner ce que l’on peut bien baptiser, à juste raison, des identifications étroitement associées à des espaces de frontières9, on peut admettre que la dimension culturelle de ces échanges est probablement essentielle, renvoyant alors à la catégorie du métissage10.
11Dans cette perspective, on peut admettre que ces processus frontaliers possèdent une réelle spécificité, ne serait-ce d’abord qu’en raison du fait que, plus que d’autres, ces dernières constituent des identifications d’adhésion et non héritées. De ce point de vue, les sociétés de frontières et les processus identitaires qui leur sont associés présentent de manifestes caractères de modernité, tant ces situations renvoient aux phénomènes de circulations culturelles et de circulations des modèles, étroitement associées au phénomène contemporain de « mondialisation ». Dans ce domaine, le monde américain colonial et postcolonial — malheureusement absent de cette section — constitue l’un de ces territoires de prédilection où il est possible d’étudier ces processus de construction identitaires de longue durée associés aux situations frontalières. De la même manière, la Méditerranée constitue un autre espace d’observation particulièrement intéressant à cet égard, même si, ici, les travaux les plus récents placent moins au cœur de la réflexion la notion de « frontière » mais plutôt l’idée d’un continuum par-delà les frontières11. De ce point de vue, les trois textes qui portent sur le monde méditerranéen confirment chacun la pertinence du choix de cet espace-là pour s’essayer à comprendre les dimensions identitaires inhérentes aux espaces de frontière.
12Le cas valencien offre une magnifique illustration de ces cohabitations identitaires — ici religieuses — jusqu’au XVIe siècle. Jusqu’à cette époque et malgré une inégalité dans les positions occupées par les différentes composantes de cette société multiculturelle, le voisinage au quotidien entre chrétiens et musulmans se traduit par une appartenance sociale commune, les seigneurs, inévitablement chrétiens, s’engageant à offrir aux seconds une protection garantissant la permanence de leur présence. Ces Mudéjares bénéficiaient en effet de protections juridiques validées sous la forme de privilèges royaux que l’alliance des deux couronnes ne remit pas en cause. Soumis certes à un statut fiscal plus sévère que celui des chrétiens, ils n’en restèrent pas moins présents après 1502, tout en étant autorisés à rester fidèles à leur foi jusqu’en 1526. La frontière juridique qui leur était ainsi imposée — et qui dans le même temps les protégeait — n’empêchait pas leur cohabitation avec les chrétiens, façonnant ainsi une identité valencienne fort originale dans une péninsule Ibérique au sein de laquelle l’action inquisitoriale commençait à se développer.
13À quelques encablures méditerranéennes, la situation des Tabarkins ressemble étrangement à celle-ci. Comme l’écrit S. Boubaker : « Ce que les Tabarkins ont vécu spontanément au fil des années, pendant deux siècles, est devenu, après 1741 et jusqu’à nos jours, une revendication consciente : leur identité ». Cette identité s’est construite sur la mémoire d’une histoire enracinée sur un rocher dont on a tout particulièrement retenu les malheurs subis. Le sentiment qui fonde cette identité renvoie alors aux persécutions endurées ou, en tout cas, à ce qui est perçu comme tel, et dont l’expulsion de la première moitié du XVIIIe siècle constitue le point d’orgue. De fait, aujourd’hui encore, les héritiers sardes de cette communauté tabarkine installée à Carloforte commémore l’arrivée en 1738 de leur « Vierge noire » chassée de l’île de Tabarka avec les premiers expulsés. Au-delà, une véritable identité tabarkine continue à survivre aujourd’hui à Carloforte, à travers toute une série de traits culturels et sociaux tels que la langue, la cuisine ou encore des coutumes matrimoniales ancestrales. Tous soulignent à la fois la force d’un enracinement toujours vivace et la profondeur des influences culturelles en provenance d’horizons divers, propre d’un espace où Chrétienté et Islam n’ont cessé, des siècles durant, de voisiner.
14Dans un registre certes différent, c’est cependant toujours la question des transformations identitaires dont témoignent les officiers flamands au service du roi d’Espagne. Leur hispanisation progressive, à la deuxième et troisième génération, perturbe profondément la cohésion sociale du corps, même si le phénomène est loin d’y être massif. Cette intégration graduelle dilue le ciment social qui unissait les membres de ces régiments dans la mesure où l’intégration d’une partie des officiers dans la société espagnole diminue leur dépendance à l’égard de leurs emplois. Ce faisant, la diversification des projets professionnels signifie la multiplication des fractures, source de conflits internes dont le déroulement des carrières et le contrôle du régiment deviennent le principal enjeu.
15Dans ces processus d’invention et de transformation des espaces frontaliers, malgré les écarts chronologiques qui les séparent et la variété des espaces considérés, l’ensemble de ces textes soulignent le rôle prépondérant des acteurs sociaux. Ce sont bien eux qui, par leurs comportements, leurs choix, leurs stratégies, décident des formes que ces espaces prennent. Certes, l’État n’est pas absent de ce processus d’invention et de transformation. Bien plus, il peut même y avoir une part décisive, comme certains des exemples traités ici le confirment. Mais dans tous les cas, ses initiatives, quelles qu’elles soient, suscitent des prises de position de la part des acteurs sociaux qui en viennent à transformer le projet initial. En ce sens, la frontière se doit d’être appréhendée comme un espace mouvant, en redéfinition constante même si son rôle de démarcation reste, lui, toujours présent. Ce que l’on peut retenir des textes ici réunis c’est clairement l’idée de la fluidité des frontières qui laissent aux acteurs sociaux des marges d’initiative significatives.
Notes de bas de page
1 Sur cette première acception de la frontière, au sens de limite, voir Febvre, Pour une histoire à part entière. Se reporter en particulier à la première partie du Livre 1, Géographes et historiens, intitulée « Notions générales ». Il y aborde successivement les questions suivantes : « Frontière : le mot et la notion » et « Limites et divisions territoriales ». Ces réflexions sont reprises et enrichies dans Nordman, « Frontières », pp. 576-578. Plus largement, l’étude de ce même auteur sur la construction de l’espace français offre une excellente illustration de ce premier usage de la catégorie de frontière, sans pour autant se limiter à lui (Nordman, Frontières de France).
2 La situation classique des « frontières intérieures » est offerte par les délimitations assises sur des bases culturelles, notamment linguistiques. Selon D. Nordman et dans le cas français, ces frontières se manifestent dès l’époque de la Renaissance pour suivre ensuite une évolution très aléatoire avant de réapparaître à l’époque de la Révolution. Elles servent alors d’argument décisif dans l’affirmation des identités nationales tout au long du XIXe siècle (Ozouf-Marignier, La formation des départements).
3 Sur la question des mobilités et dépassements de frontières, voir Berdah et alii, D’une frontière à l’autre. Dans cet ouvrage centré sur ces questions, nous renvoyons plus particulièrement aux contributions de Laurent Dornel (pp. 43-54), Laurent Mercier (pp. 55-64), Patrick Cabanel (pp. 95-112), Michel Roux (pp. 169-182) et Natividad Planas (pp. 183-196).
4 Sur cette relation entre « limites » et « souveraineté », voir Guénée, « Des limites féodales ».
5 Nordman, « La frontera: nociones y problemas ».
6 Les travaux de D. Nordman constituent une excellente illustration de ce processus pour le cas français. Un bon aperçu est accessible dans ibid.
7 Ce même phénomène a été observé par Arnaud Bartolomei pour les commerçants français installés à Cadix durant le XVIIIe siècle. Voir, à leur propos, Bartolomei, La bourse et la vie.
8 Voir à ce sujet le stimulant essai de Brubaker, « Au-delà de l’identité ».
9 À propos de ces identités de frontière, un magnifique exemple en est offert par ce que l’historien P. Chaunu écrivait sur ses origines familiales enracinées dans l’Est français du XIXe siècle (Chaunu, « Le fils de la morte »).
10 Nous renvoyons ici à la réflexion de Jean-Loup Amselle sur cette dimension culturelle du métissage comme facteur fondateur d’identités (Amselle, Logiques métisses). Depuis cette publication fondamentale, il a choisi d’abandonner la notion de métissage lui préférant celle de « branchement des cultures » sans remettre pour autant en cause le rôle des circulations et des échanges culturels (Amselle, Branchements).
11 Voir, à ce sujet, les travaux de Jocelyne Dakhlia, tout spécialement Trames de langues et Lingua franca.
Auteur
Université Toulouse II - Le Mirail
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