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Le « savoir musical » phénicien et punique dans la Méditerranée préromaine à travers les sources écrites

p. 237-246

Résumé

La musique constitue une forme d’expression essentielle entre les manifestations culturelles de la civilisation phénicienne au Levant et dans la Méditerranée centrale et occidentale des Puniques. On ne possède aucun témoignage direct à propos du genre musical phénicien, mais on peut avancer quelques hypothèses à partir de l’analyse du patrimoine écrit égyptien, mésopotamien et ougaritique. Pour ce qui concerne la phase punique, d’autre part c’est l’examen des sources anciennes grecques et latines qui nous ont permis d’imaginer les caractéristiques harmoniques des mélodies appréciées chez les Carthaginois.

Remerciements

Je remercie vivement Madame Nicoletta Guidobaldi, Professeur de Musicologie et histoire de la musique à l’université de Bologne, qui a lu mon texte en français et qui m’a donné de nombreux conseils utiles.


Texte intégral

1La pénurie de documents écrits représente un obstacle à la reconstruction de l’histoire intellectuelle et des traditions religieuses des Phéniciens et des Carthaginois. Pour le patrimoine des idées, l’étude des contextes mésopotamien et égyptien présente moins de difficultés : le domaine des sources directes permet de percevoir de nombreuses de caractéristiques du dossier immatériel, dont la musique constitue une importante forme d’expression. Les sources écrites attestées en Phénicie, à Carthage et dans la Méditerranée punique, sont des inscriptions honorifiques et funéraires, des milliers d’inscriptions votives dans les tofet – les fameux « sanctuaires des enfants » – alors que ne subsistent pas de traces de la production littéraire1 ou de documents d’archives liés aux activités des palais royaux phéniciens en Orient et des organismes carthaginois en Occident. La diffusion de l’écriture alphabétique, entrainant l’abandon des tablettes d’argile, support solide des textes cunéiformes, et leur remplacement par des supports plus souples mais périssables comme le papyrus2, a entraîné la perte des témoignages littéraires comme des textes religieux et mythographiques, vraisemblablement utilisés pour la composition des chants et des hymnes. Actuellement on ne dispose pas de traités théoriques, ni de textes complémentaires des témoignages figurés transmis par les productions artisanales. L’habitude de rédiger ce type d’œuvres peut être résumée : la mise au jour dans la syrienne Ougarit d’une tablette en argile qui livre une notation musicale, « une gamme babylonienne », inscrite en cunéiforme au revers d’un texte qui parait être un hymne3, atteste l’existence, aux origines de la civilisation « phénicienne », d’une musique savante écrite.

2Il est apparu indispensable de rechercher les racines historiques des peuples de l’ancien Liban sur les rapports culturels, commerciaux et diplomatiques entre la région de Canaan et les royaumes syriens, les grandes capitales des souverains mésopotamiens et le Nil pharaonique de la fin de l’âge du Bronze jusqu’au premier âge du Fer. Parmi les nouveautés introduites en Égypte à partir de l’Orient, entre la deuxième période intermédiaire et le Nouvel Empire, on repère des instruments de musique. L’un de ces instruments étrangers est figuré pour la première fois sur une fresque de Beni Hasan datée du xviiie siècle av. J.-C.4, qui représente des Asiatiques dont l’un joue de la lyre à douze cordes, aux montants galbés, en la tenant couchée5. En Palestine, un cordophone semblable est représenté sur un pétroglyphe du IVe millénaire, dont joue un personnage féminin6, et sur une plaque en ivoire du xiiie siècle av. J.-C.7, tous les deux mis au jour à Megiddo. La plaque fournit un bel exemple du triomphe du roi avec le cortège musical d’une lyriste : cela prouve le rôle de la musique dans les expéditions militaires avant l’époque neoassyrienne8. Enfin, cette lyre apparaît aussi sur une figurine de musicien d(de style égyptien ?) en ivoire de Kamid el-Loz9. En tout cas, la haute antiquité des traces iconographiques syro-palestiniennes de cette lyre, inconnue auparavant dans la vallée du Nil, semble démontrer la naissance du cordophone avec montants galbés au Levant et laisse imaginer son passage en Égypte à travers les voies ouvertes par les Hyksos10. La composition des groupes de musiciens et de petites orchestres égyptiens représentés dans les peintures et les reliefs du Nouvel Empire11 pourrait être considérée comme un signe du changement de la musique nilotique à partir de l’époque de la restauration du pouvoir thébain : cette évolution se produit grâce aux contacts avec la côte levantine par suite de la mobilité des musiciens12.

3Parmi les sources égyptiennes, on peut dater au 1300 av. J.-C., au début de la xixdynastie13, un texte littéraire concernant un vieux maître (un scribe ?), attaché aux usages traditionnels, qui est mécontent de voir son élève flâner avec des ivrognes. Il déplore, en particulier, la passion du jeune pour les chansons sentimentales et pour les mélodies produites par les instruments « syriaques » : « tu es invité à chanter au son de la flûte, à moduler le son du fifre, à gazouiller à la manière syriaque au son du kinnor, à chanter au son de necekh »14. Les mots kinnor et necekh renvoient respectivement à la lyre et à une sorte de hautbois à anche double : dans ce dernier cas, en effet, le sens de la racine sémitique nsh « gagner, être éminent », appliqué à un instrument de musique, suggère un son aigu et puissant, voisin de celui des clarinettes modernes de l’Orient Moyen15. Les deux mots appartiennent au lexique du » Sémitique du Nord-Ouest » : le mot knr est attesté précisément, ainsi que dans le texte égyptien précité, dans les textes ougaritiques et du Moyen-Euphrate16. Tout fait croire, alors, que les deux objets sonores étaient bien connus et employés par les peuples sémitiques, à savoir syro-palestiniens ou, plus spécifiquement, phéniciens. Selon Giovanni Garbini, le terme même de knr aide à préciser le concept géographique de la Syrie17 évoquée par les sources égyptiennes, en donnant du crédit à l’hypothèse de l’origine phénicienne et palestinienne des lyriques d’amour imitées dans la vallée du Nil. À partir de l’observation des scènes représentées dans des tombes du Nouvel Empire, on pourrait se faire une idée de l’exploit d’une musique plus rythmée et extatique par rapport aux plus austères mélodies de l’Ancien Empire18. Cependant, la modification du goût musical égyptien n’aurait été que partiellement suscitée par la rencontre avec les sons étrangers, parce que les musiciens égyptiens eurent « la force […] de recevoir l’emprunt tout en l’assimilant »19.

4On peut déduire de l’activité des musiciens et des chanteurs itinérants dans le bassin oriental de la Méditerranée au cours de l’âge du Bronze récent d’après un passage d’une œuvre égyptienne, souvent évoquée pour décrire l’état du contrôle politique du Pharaon sur la côte syro-palestinienne, en particulier sur Byblos. Il s’agit du récit intitulé le « Voyage d’Ounamon », rédigé, semble-t-il, au xie siècle av. J.-C., lorsque les cités de Phénicie jouissaient d’une certaine autonomie politique et de prospérité économique grâce au commerce du cèdre, tandis que l’autorité des pharaons était très affaiblie par rapport à celle des siècles précédents20. Le fonctionnaire de Thèbes envoyé en mission par le grand prêtre du temple d’Amon pour acheter du bois de cèdre, accueilli par le prince gublite Zakaarbaal après de nombreuses mésaventures, reçoit des dons de bienvenue de la part du « scribe des lettres » : « Il m’apporta deux jarres de vin et un mouton, et il me conduisit Tetniut, une chanteuse de l’Égypte qui était à lui, disant : - Chante pour lui et distrais son cœur de ses soucis »21. Le fait que la chanteuse soit conduite par le « scribe des lettres », probablement un ministre chargé d’entretenir les relations diplomatiques, suggère qu’elle faisait partie du personnel de la cour, avec un rôle officiel dans le cadre de la représentation royale. La circulation de cette catégorie professionnelle n’a pas eu lieu dans un seul sens, de la côte levantine à l’Égypte, mais aussi bien dans l’autre, de la Vallée du Nil au Proche-Orient méditerranéen.

5En développant l’intuition des chercheurs persuadés que « la Bible a conservé une partie de la meilleure littérature phénicienne »22, il semble judicieux de tourner notre attention vers l’Ancien Testament. Même si de nombreux passages de la Bible sont datés de l’époque néo-babylonienne et perse, il est peut-être possible de découvrir quelques éléments originaux de la mentalité et de la pensée phénicienne du premier millénaire av. J.-C. Les élégies des prophètes Ezéchiel, Isaïe et Amos – correspondant, dans certains cas, à des libelles diffamatoires de propagande visant à soutenir la politique impérialiste de Nabuchodonosor23 – sont lues comme des fidèles adaptations juives d’anciens textes phéniciens. Les prophètes montrent une profonde connaissance de l’histoire et de la civilisation des villes côtières, en parallèle avec ce que nous percevons à partir des données archéologiques. On peut également évaluer les informations de la Bible sur l’utilisation que les Phéniciens ont fait de la musique dans la vie quotidienne.

6Parmi les passages bibliques les plus éloquents, on note celui de Isaïe24 dans l’Oracle contre Tyr appelé « Chanson de la prostituée » : « Dans soixante-dix ans le destin de Tyr suivra celui qui est décrit dans la chanson de la prostituée : – Prends la lyre, va à travers la ville, prostituée oubliée. Joue bien, chante beaucoup de chansons : quelqu’un se souviendra de toi ». La lyre est donc considérée comme l’instrument typique de la femme dissolue, un symbole de la luxure « cananéenne » condamnée par les prophètes israélites. Autre texte : Amos25 décrit les Samaritains couchés sur des lits d’ivoire « qui chantent au son de la harpe, en se comparant à David pour les instruments de musique ». On peut mettre en évidence un lien culturel et artistique entre le milieu samaritain et d’autres manifestations de la culture phénicienne : il suffit de penser aux chefs-d’œuvre en ivoire qui caractérisent la tradition artisanale syro-phénicienne et qui comptent, par exemple, beaucoup d’éléments de têtières de lits. Pour inventorier les thèmes musicaux phéniciens, on peut penser à la catégorie de coupes métalliques travaillées au repoussé par des ateliers syro-phéniciens et phénico-chypriotes entre le ixe et la première moitié du vie siècle av. J.-C. Ces chefs-d’œuvre de toreutique sont, en effet, la meilleure source iconographique pour la connaissance des musiciens et des petits orchestres des Phéniciens, du point de vue de l’équipement instrumental et des contextes d’utilisation de ces instruments sonores au premier millénaire. La coupe de Salamine26, du viie siècle av. J.-C, pourrait être étudiée à la lumière des passages de l’Ancien Testament : ils pourraient servir de légende à la scène représentant un banquet royal ou une hiérogamie. Le rôle de la musique, et plus particulièrement des joueurs de lyre, est perçu par le toreute comme fondamental dans ce milieu, marquée par une forte tension érotique, clairement liée aux objectifs d’un rituel de fertilité. Dans les orchestres phéniciens la lyre semble toujours une prérogative féminine. On peut envisager un lien avec l’ancienne déesse syrienne, la vierge Anat, ancêtre vraisemblable d’Astarté. Dans le poème ougaritique appelé Naissance des dieux la déesse est décrite comme joueuse du kinnor et du r’imt, terme qui suggère une hypothèse étymologique selon l’hébreu r’m : « animal sauvage, antilope ». On a proposé d’y voir une sorte de cithare dont les montants seraient faits de deux cornes d’antilope : un cordophone différent du knr27.

7Les légions de musiciennes et de danseuses figurées sur les coupes en bronze et en argent syro-phéniciennes invitent à supposer l’existence de corporations d’élite bien encadrées dans le personnel de la cour ou du temple. Cependant, il n’est pas exclu que la même fonction musicale ait été exercée, à l’occasion, par des hetairai, qui n’avaient pas été dégradées au rôle subalterne de la prostituée biblique, mais porteuses d’une valeur sacrée. Les Gaditanae puellae qui, plusieurs siècles après le déclin de la civilisation phénicienne et punique, sont décrites par Martial et Juvénal28 vêtues de voiles transparents à la manière égyptienne, sont célèbres dans le monde romain pour l’exotisme et la sensualité de leur danse. Elles paraissent recueillir l’héritage ténu d’une institution phénicienne qui opérait à Cadix, peut-être dans le temple d’Astarté / Vénus Marina29. Il s’agit de la pratique de la hiérodoulie, ou prostitution sacrée, qui, entre autres manifestations en l’honneur de la divinité, comptait probablement la pratique de performances musicales30.

8Ceci suggère un conservatisme instrumental dans le domaine musical du monde syro-palestinien. La lyre, la double flûte ou hautbois, le tympanon et/ou les cymbales sont presque constamment attestés dans l’iconographie : à ce propos a été créée, par les chercheurs anglo-saxons, la formule « normal Semitic combination »31, dans le but de distinguer les groupes d’acteurs impliqués dans la choréographie des cérémonies cultuelles ou royales du milieu syro-palestinien. À l’appui de cette position, dans le texte ougaritique dit La benediction de Rapi’u, « roi de l’éternité », chanteur et musicien, même le tympanon et les cymbales, accompagnés par le knr, ainsi que par les flûtes et les castagnettes, sont indiqués par des termes sémitiques qu’on peut retrouver aussi bien dans l’Ancien Testament32. Sur un plan plus pratique, cependant, la constante association des aérophones, cordophones et membranophones laisse penser que la musique des instruments « cananéens » avait une fonction exaltante et un caractère souvent orgiastique.

9En Égypte, on sait que le tambourin, ou tympanon rond, qui est une prérogative des femmes, n’est pas répandu avant le Nouvel Empire33. On peut le considérer un héritage culturel du Proche-Orient syro-palestinien de l’âge du Bronze ancien. Sa popularité reste constante jusqu’à l’époque gréco-romaine. Les sources bibliques confirment l’association du tympanon et de la sphère féminine dans de nombreux passages de l’Exode, des Juges et de la Genèse34, et s’accordent avec les données archéologiques35.

10À propos des Phéniciens d’Orient il convient de vérifier le volet de l’époque néo-
assyrienne. La réelle soumission des villes phéniciennes aux souverains assyriens se produit aux viii-viie siècles av. J.-C., quand disparaît le statut d’autonomie politique dont elles jouissaient dès le ixe siècle av. J.-C., malgré le paiement des impôts et le protectorat étranger sur les ports maritimes. Dans le cadre de la documentation épigraphique nord-mésopotamienne, on trouve alors la mention d’un musicien étranger en Assyrie, Abdelim, dont le nom rappelle l’onomastique phénicienne36. Qu’il soit un musicien itinérant ou l’un des nombreux déportés des villes phéniciennes tombées sous la domination néo-assyrienne, il est vraisemblablement capable de convertir sa spécialisation professionnelle à des activités de cour. Finalement, cette attestation permet de supposer que le sound phénicien était très apprécié dans le Proche-Orient du premier âge du Fer.

11Au fil du temps et de l’espace, suivant les routes des Phéniciens vers l’Ouest, Chypre offre des données épigraphiques qui complètent l’abondante liste de données archéologiques insulaires liées à la musique. On se réfère aux vases peints et, en particulier, aux terres cuites votives représentant des joueurs de lyre, masculins et féminins, des joueurs de tympanon et des groupes de danseurs engagés dans des rondes, parfois autour d’un roi-prêtre muni d’une lyre et, généralement, d’une masque d’animal37. L’iconographie du porteur de lyre peut se référer au roi-prêtre Kinyras, sublime musicien célébré par les Chypriotes, officiant bien- aimé d’Aphrodite selon Pindare38. La racine de son nom rappelle le sémitique knr, et indique peut-être la spécialisation du suprême joueur de lyre39, intermédiaire entre la déesse et les mortels. Lorsqu’on évoque le culte d’Aphrodite, on veut, en fait, se référer à Astarté. De son sanctuaire à Kition est parvenue une inscription sur une petite plaque d’albâtre interprétée comme un enregistrement de flux de trésorerie ou une liste de versements de salaires. Avec la mention d’architectes et d’artisans chargés de la construction, sont indiquées les dépenses prévues pour payer les « chanteurs habitants d’un quartier du temple au service de la Reine Sainte »40. Ce texte montre l’importance du rôle des chanteurs, capables de créer un cortège mélodieux à l’occasion des fêtes religieuses car, comme d’autres professionnels liés à la gestion du temple, ils font partie du personnel permanent et salarié. On peut considérer cet aspect comme le fruit d’un ancien usage syro-palestinien, en observant la situation d’Ougarit où « chanteurs et joueurs de cymbales sont mentionnés dans les listes des catégories professionnelles relevant du domaine royal »41.

12Dans l’Occident punique, en Afrique du Nord, la documentation écrite sur la musique est plus hétérogène que dans le Levant. Deux inscriptions sont gravées sur des supports métalliques : une paire de cymbales et une hachette-rasoir en bronze. Ces objets proviennent de contextes funéraires. Le premier, trouvé dans une tombe féminine de la Carthage archaïque, est composé d’une paire de cymbales gravée d’un nom théophorique (Gerashtart), qui a été traduit par « client d’Astarté »42. Le message du culte pourrait être déchiffré à la lumière des images de femmes à disque ou tympanon à la poitrine en rapport avec le lien entre l’instrument et Astarté d’une part, et d’autre part, entre l’instrument et l’essence féminine,. Croire que les prêtresses d’Astarté utilisaient tambours ou cymbales pour accomplir leurs devoirs sacrés semble ainsi largement suggéré par la nature des représentations disponibles dans le répertoire artistique phénico-punique43.

13Le rasoir en bronze inscrit représente une classe d’outils qui peuvent avoir une grande variété de fonctions. On ne sait pas si ces instruments étaient utilisés pour la tonsure ou la dépilation funéraire, pour l’activité chirurgicale, ou encore, pour la réalisation des coiffures des prêtres et des prêtresses. Il est certain qu’il s’agissait d’ex-voto, remarquables indices de l’appartenance du mort à la citoyenneté carthaginoise. L’inscription sur notre hachette-rasoir, datée du iiie siècle av. J.-C., mentionne son propriétaire, peut-être un prêtre d’Astarté, avec ces mots : « Il n’y a plus de vigueur dans la bouche de ʼky qu’Astarté avait rendu fort »44. G. Garbini propose d’y voir un lecteur, un prédicateur ou, mieux, un chanteur. Comme on l’a vu, le rôle spécifique de « chanteur d’Astarté » est documenté à Kition et à Ougarit45.

14Curieusement, parmi les différents titres et fonctions déchiffrés sur les stèles en pierre des tofet puniques, portant les dédicaces de milliers de dévots, on ne trouve jamais de citation explicite de métiers liés à la musique. Cependant, parmi la multitude des prières consacrées à Baal Hammon et Tanit, on peut signaler la citation d’une fonction sacerdotale dénommée mqm’lm : « celui qui réveille, ou fait revivre les dieux »46. Encore une fois, si on se tourne en arrière, vers la région levantine de l’âge du Bronze, en particulier si on revient aux textes ougaritiques, on peut noter qu’ils témoignent de la pratique de vrais « concerts » destinés à réjouir et à réveiller les dieux dormeurs47. On peut évoquer, à ce propos, des représentations égyptiennes dans lesquelles des musiciens jouent en présence de statues divines.

15Les sources classiques constituent certainement un riche corpus d’informations sur la circulation du savoir musical phénico-punique, surtout du point de vue de la perception des sonorités levantines par les peuples gréco-latins. Du fait que la plupart des données proviennent des œuvres d’auteurs qui ont transmis des connaissances indirectes, il faut toujours distinguer les multiples topoi qui brouillent la représentation littéraire du monde phénicien et punique des réalités historiques. C’est le cas du Périple d’Hannon, qui peut ajouter quelques éléments à la liste. Il s’agit d’un document douteux48, de l’époque hellénistique mais transcrit dans le manuscrit haut-médiéval de Heidelberg. L’écrit devait reproduire un original punique affiché au Temple de Baal Hammon à Carthage par l’amiral Hannon, qui avait conduit une expédition pour fonder des colonies en Afrique occidentale avec des libyphéniciens au ive siècle av. J.-C. et qui avait rejoint le Golfe de Guinée. Près de l’île de Cerné, durant la nuit, l’équipage vit des feux et entendit des bruits et des voix sourdes, le son aigu des flûtes, le fracas des cymbales et des tambours49. Saisis de terreur, les marins gagnèrent le large. Au regard de l’ambiance ténébreuse et mystérieuse décrite, on se souviendra des sombres atmosphères du tofet où on pratiquait l’ambigu rituel du molk, qui prévoit l’offrande, réelle ou symbolique, des nouveaux-nés et des petits enfants. On peut citer alors Plutarque50 : « Les Carthaginois sacrifiaient leurs enfants à Kronos51, et ceux sans enfants les achetaient comme s’ils étaient des animaux. La mère regardait sans larmes et gémissements, puisqu’elle aurait été déshonorée si elle avait pleuré [...]. L’atmosphère était remplie par les sons de ceux qui, en face de la statue, jouaient de tambours et de tympanons pour couvrir les cris ». On considère aujourd’hui que, dans le tofet, les rites étaient différents, complémentaires de la déposition des cendres des enfants dans les urnes, si bien que l’on en parle comme d’un sanctuaire polyvalent. De l’autre côté, par rapport à la complexité de ces cérémonies, la musique et la danse avaient un rôle très puissant, et les prêtres impliqués dans la gestion de cette performance jouissaient d’un status particulièrement prestigieux. Nous pouvons l’imaginer d’après des représentations, plus nombreuses dans certains contextes de tofet que dans d’autres, des danseurs et des joueuses de tympanon ou de cymbales. En particulier, le rythme obtenu en jouant des idiophones et des membranophones pouvait s’accorder aux cérémonies, en provoquant une sorte de transe. Des images montrent des personnages masculins nus et parfois munis de dépouilles d’animaux à l’instar de chamans52. Dans le Périple, notons que la crainte de l’équipage semble dériver du contraste entre la paix du jour et la clameur de la nuit. Le bruit qui sort de l’obscurité est perçu comme un phénomène paranormal, que les savants, tentés de reconnaître dans le texte de Hannon un faux « journal du bord » gréco-hellénistique interprètent comme des manifestations de Pan, le dieu bouc qui apparaissait soudainement pour effrayer les bergers53. On peut y voir une trace des mystérieux rituels accomplis dans les tofet.

16D’autres sources grecques, moins problématiques, prouvent l’existence d’une tradition musicale phénicienne autour d’une instrumentation typique, capable de produire des sons incomparables. Hérodote, par exemple, en décrivant la faune d’Afrique du Nord, parle de : « l’oryx dont les cornes servent de bras à la lyre phénicienne »54. De même, Athénée confirme la versatilité des instruments à cordes sémitiques en citant comme inventions phéniciennes la lyre et le nabla, qu’il juge peu harmonieux55. Cette harpe triangulaire semble avoir, en effet, une origine mésopotamienne plutôt que phénicienne, tandis que les syro-palestiniens ont contribué à sa diffusion en Égypte56. Ce cordophone semble attesté aussi par l’image parmi les instruments portés par des joueuses « égyptisantes » sur des ivoires syriens qui proviennent de tombes princières de Praeneste parmi les produits orientaux de luxe appréciés par les aristocrates du Latium Vetus57.

17Hérodote donne quelques informations sur l’utilisation des mélodies phéniciennes, comme le soi-disant « Linos », dans le contexte du deuil58. Un témoignage similaire est donné par Aristophane, qui, dans les Guêpes, se moque de la représentation des Phéniciennes de Phrynichus en 476, où le chœur des femmes de Sidon pleure leur mari perdu à Salamine59. Le Linos était considéré comme une chanson triste, presque ennuyeuse et écœurante, obtenue, selon ce qu’affirme encore Athénée, par des « auloi similaires aux fifres dit gíngroi, qui produisaient un son de longue durée, aigu et plaintif »60.

18Enfin, une remarque d’un grand intérêt est transmise par Athénée : « des auloi dits elephántinoi ont été fabriqués par les Phéniciens avec des perceuses »61. Cette allusion à la compétence des Phéniciens dans le traitement de l’ivoire est confirmée par les découvertes archéologiques.

19Héliodore62 attribue aux marchands phéniciens dévots d’Héraclès-Melqart la pratique des danses effrénées accompagnées du son des flûtes et des musettes (pectides) devant l’autel érigé pour le dieu de Tyr. Les traits distinctifs de la civilisation phénicienne sont présents : les activités maritimes, la dévotion à Melqart, la place de la musique dans les rituels religieux et la présence des flûtes, qui caractérisent les actes de dévotion en l’honneur des divinités masculines (Baal Hammon, Melqart, Adonis).

20Le savoir musical phénicien, comme d’autres produits artistiques et quelques connaissances technologique du Levant, s’étend à tous les domaines touchés par l’expansion coloniale et mercantile. Il se traduit par la circulation de sonorités apprises et transférées par d’autres peuples méditerranéens, mais il se diffuse aussi grâce à la mobilité des musiciens professionnels. À l’issue de cet excursus anthologique dans les sources écrites, directes et indirectes, sur la musique phénicienne et punique, on proposera quelques conclusions : l’intérêt des sources se concentre sur la région phénicienne, ignorant presque totalement le développement de la culture occidentale punique. On pourrait adopter une perspective erronée si on ne prenait pas en compte deux précisions indispensables : la première est que le principe de préservation de l’identité qui se manifeste tout au long de l’histoire de Carthage a concerné peut-être aussi la tradition mélodique et les instruments de musique. En effet, l’équipement musical reste inchangé par rapport à la morphologie levantine du premier âge du Fer, à l’exception de la contamination culturelle de la période hellénistique tardive, commune à toute la Méditerranée. Un autre point concerne le contexte dans lequel la littérature ancienne encadre la musique pratiquée par les Phéniciens, qui est toujours sacrée. Finalement, en Occident, la musique punique devient une pratique privée, le domaine d’opérateurs spécialisés, qui ne conçoivent pas les innovations en utilisant le même langage expressif des ancêtres du Levant. Le recours au son est nécessaire pour établir un pont entre l’homme et la divinité, un trajet individuel que le Punique parcourt tout (seul)seul à travers les méandres de la foi.

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Yon Marguerite, Kition dans les textes : testimonia littéraires et épigraphiques et Corpus des inscriptions. Kition Bambolua V, Éditions Recherche sur les Civilisations, Paris 2004.

Notes de bas de page

1 G. Garbini, La Letteratura dei Fenici, p. 489-494.

2 C. Bonnet, Le Scribe, p. 57.

3 « Cette notation très difficile à interpréter désigne des cordes ou des intervalles » : G. Galliano, Y. Calvet, Le Royaume d’Ougarit : aux origines de l’alphabet, p. 288-289, n. 338.

4 À ce propos : D. Kessler, Die Asiatenkarawane von Beni Hassan, p. 147-165.

5 A. Caubet, La Musique à Ougarit, p. 746.

6 Au sujet des difficultés d’interprétation du dessin du point de vue organologique : J. Montagu, Origins and development of musical instruments, p. 128.

7 J. Braun, Musical instruments, p. 77.

8 A. C. Fariselli, Musica e danza in contesto fenicio e punico, p. 18, fig. 2a.

9 R. Hachmann, Kamid el-Loz 1963-1981. German excavations in Lebanon, Part I, p. 145, pl. 12, 2.

10 J. Braun, Musical instruments, p. 77.

11 P. González Serrano, La mûsica y la danza en el antiguo Egipto, p. 413-423.

12 Ce phénomène est attesté dans tout le Proche-Orient ancien à partir du Bronze moyen . : Iil concerne principalement des musiciens du milieu culturel ouest-sémitique : J. C. Franklin, The Global Economy of Music in the Ancient Near East, passim.

13 G. Garbini, Il Cantico dei cantici nella poesia dell’antico Oriente, p. 56 ; Papyrus Anastasi IV, 2, 4-3, 2.

14 S. Donadoni, La letteratura egizia, p. 176-177 ; Bresciani E., Letteratura e poesia dell’antico Egitto, p. 330.

15 G. Garbini, Il Cantico dei cantici nella poesia dell’antico Oriente, p. 56, 60.

16 A. Caubet, La Musique à Ougarit, p. 733, 745 ; J. C. Franklin, The Global Economy of Music in the Ancient Near East, p. 33-36.

17 G. Garbini, Il Cantico dei cantici nel quadro della poesia dell’antico Oriente, p. 59-60.

18 H. Hickmann, Musicologie pharaonique, p. 6-7 ; L. Manniche, Music and Musicians in Ancient Egypt, p. 40-56.

19 H. Hickmann, Musicologie pharaonique, p. 6.

20 E. Bresciani, Letteratura e poesia nell’antico Egitto, p. 597.

21 Ibid., p. 603.

22 G. Garbini, La letteratura dei Fenici, p. 489.

23 Ibid., p. 490-491.

24 Isaïe, 23, 16.

25 Amos, 6, 4-6.

26 V. Karageorghis, Erotica from Salamis, p. 11.

27 A. Caubet, La Musique à Ougarit, p. 734.

28 Martial, Epigrammes, III, 63 ; III, 78 ; VI, 71 ; Juvénal, Satires, XI, 162 ; XI, 174.

29 A. C. Fariselli, « Danze regali » e danze « popolari » fra Levante fenicio e Occidente punico, p. 23.

30 A. Ma Jiménez Flores, La mano de Eva : las mujeres en el culto fenicio-púnico, p. 95-96.

31 A. C. Fariselli, Musica e danza in contesto fenicio e punico, p. 11, note 7.

32 A. Caubet, La Musique à Ougarit, p. 733-734.

33 P. González Serrano, La Musica y la danza en el antiguo Egipto, p. 412.

34 Exode, 15, 20 ; Juges, 11, 34 ; Genèse, 31, 27.

35 À ce propos, pour le Levant : S. Paz, Drums, Women and Goddesses. Drumming and Gender in Iron Age II Israel, passim.

36 J. Kohler, A. Ungnad, Assyrische Rechtsurkunden, p. 207, n. 319.

37 E. Paleocosta, L’Iconographie des joueurs de lyre à Chypre, du VIIIe au Ve s. av. J.C., p. 45-66.

38 Pindare, Pythiques, II, 15-17.

39 J. C. Franklin, KINYRAS, The Musical Stratigraphy of Early Cyprus, passim.

40 M Yon (éd.), Kition dans les textes, Kition-Bamboula V, p. 184-185, 210, n. 1078.

41 A. Caubet, La Musique à Ougarit, p. 749-753.

42 A. C. Fariselli, Musica e danza in contesto fenicio e punico, p. 34.

43 Ibid., p. 26-31.

44 G. Garbini, Sulle due iscrizioni dei rasoi cartaginesi, p. 24-25.

45 J. C. Franklin, KINYRAS, The Musical Stratigraphy of Early Cyprus, p. 14.

46 L. Ruiz Cabrero, Sociedad, jerarquía y clases sociales de Cartago, p. 24.

47 G. Galliano, Y. Calvet (dir.), Le RRoyaume d’Ougarit : aux origines de l’alphabet, 288.

48 C. Jacob, Aux confins de l’humanité : peuples et paysages africains dans le Périple d’Hannon, p. 10-11.

49 Ibid., p. 11.

50 Plutarque, De la superstition, 13.

51 Il s'agirait en fait de Baal Hammon.

52 A. C. Fariselli, Danze « regali e danze popolari » fra Levante fenicio e Occidente punico, p. 25-27.

53 C. Jacob, Aux confins de l’humanité : peuples et paysages africains dans le Périple d’Hannon, p. 20-22.

54 Hérodote, IV, 192.

55 Athénée, Deipnosophistes, IV, 175 c.

56 J. Braun, Musical instruments, p. 76.

57 A. C. Fariselli, Musica e danza in contesto fenicio e punico, p. 19.

58 Hérodote, II, 79.

59 Aristophane, Guêpes, 219-220.

60 Athénée, Deipnosophistes IV, 174f.

61 Ibid., 182c.

62 Héliodore, Les Éthiopiques, IV, 16-17.

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