Le jaune et le vert : le langage des feuilles dans la mosaïque romaine
p. 101-107
Résumé
Cette communication a pour objectif de corriger la lecture d’un motif végétal sur de très nombreux pavements de mosaïque d’époque impériale : les feuilles y sont représentées en jaune ou rouge, et non en vert comme il est normal, surtout pour du laurier. Il s’agit de montrer qu’on ne peut pas y voir des feuilles mortes, encore moins y déceler une intention symbolique (le balancement éternel entre la vie et la mort). Ce motif bien attesté sur les pavements n’apparaît d’ailleurs pas dans les autres représentations figurées, plus recherchées, bien que les Romains aient pu parfois, comme le prouvent certaines anecdotes, associer feuilles mortes et sentiment de la mort humaine.
Texte intégral
1Il faut tout de suite corriger ce que ce titre a de prétentieux et d’exagéré. Il ne s’agira pas ici de s’attaquer dans son ensemble à la question de la sémantique ou de la symbolique des couleurs : on aurait pu dire aussi bien « rouge » que « jaune » pour opposer seulement deux nuances, une froide et une chaude ; pour des vues plus globales sur les couleurs en général et dans le monde romain, il suffit évidemment de renvoyer aux travaux de J. André, M. Pastoureau, et de tant d’autres1. De même on ne considérera pas non plus le domaine global du langage des végétaux et de leur symbolisme : de F. Cumont à J. Goody et surtout à G. Sauron2, les travaux plus compétents ne manquent pas. Enfin, dans la mosaïque romaine, on se bornera à celle de l’Afrique romaine des IIIe et IVe siècles. Le sujet de cette communication est celui d’un tout petit problème d’interprétation d’un élément du décor végétal ou végétalisant sur les pavements mosaïqués d’édifices privés, de belles maisons ou des thermes. On évite aujourd’hui de nommer les motifs décoratifs de façon anachronique (on ne parle plus de motifs d’« ailes de moulins » ou de « sabliers » pour ne pas faire allusion à des réalités qui ne sont pas antiques) ou erronée (par exemple le motif de la tige de « millet » est désormais vu comme une tige de roseau3) : de la même façon, on voudrait corriger ici la dénomination et la vision d’un certain décor de feuillages.
2Le problème est le suivant : les spécialistes de la mosaïque remarquent que les décors végétaux, surtout des guirlandes qui sont souvent disposées en couronnes ou en entrelacs, offrent couramment des feuilles rouges ou jaunes alternant avec des feuilles vertes (figure 1-2). Les musées africains en contiennent des dizaines d’exemples4. On pourrait en multiplier les illustrations : si l’on parcourt les salles du musée national du Bardo à Tunis, surtout celles de Thuburbo ou de Thugga, on voit qu’il peut s’agir de motifs complets, comme une couronne à dominante unique jaune/rouge ou verte, ou de guirlandes où les dominantes se côtoient, ou se succèdent, ou s’entrelacent.
3Or des interprètes ont fréquemment décrit les feuilles rouges/jaunes comme des « feuilles fanées » ou « mortes » : ainsi dans le catalogue du musée du Bardo, telle mosaïque de Thuburbo est décrite comme des « couronnes de feuillages alternativement vertes et fanées » (et non simplement rouges) et on trouve couramment l’expression de « couronnes de feuilles mortes »5 ; certains précisent même « guirlandes-couronnes de laurier fané »6.
4De façon plus poussée, cette alternance de couleurs est aussi souvent interprétée comme une évocation de l’opposition des saisons (hiver et été/automne), et, encore au-delà, comme un symbole de la vie, de la mort et de la renaissance, dans la nature ou dans le monde. Cette lecture allégorique s’inscrit dans la tradition bien attestée de F. Cumont7, d’autre part elle se combine avec celle d’A. Merlin et L. Poinssot à propos des factions du cirque et des représentations des saisons8.
5Dans l’historiographie de la mosaïque africaine, un article fondateur de Gilbert Picard9 à propos du pavement d’Ellès représentant le couronnement de Vénus (figure 3), illustre bien cette tendance : les nombreuses couronnes que l’on y voit sont successivement présentées comme « guirlande faite d’un feuillage conventionnel » ou stylisé (p. 47), mais aussi comme « des couronnes de lauriers alternativement vertes et jaunes » (p. 45) et finalement comme « un emblème prophylactique », formé de laurier, ce « feuillage qui « reste à l’écart de tout mal », alternativement vert et jaune, de manière à rappeler « l’alternance des saisons », et donc la marche du monde et la vie du cosmos (avec un renvoi à l’article d’A. Merlin et L. Poinssot). C’est la « métaphore végétale du renouvellement du monde » pour employer l’expression de G. Sauron10.
6On peut ne pas partager cette opinion, en émettant tout d’abord une réserve profonde à l’égard des interprétations symboliques qui ne sont pas fondées sur des textes et des documents explicites (par exemple les couleurs des factions du cirque ou le lierre de Bacchus11).
7On peut ensuite faire état de quelques arguments pour repousser cette lecture du « message » de ces feuilles. Remarquons d’abord que ces dernières, sur les pavements de mosaïque, sont loin d’être toujours très caractéristiques : c’est une sorte de feuille lancéolée générique ou de laurier schématique (« laurier » est le terme qui est toujours employé dans Le Décor géométrique de la mosaïque romaine12), mais on peut la décrire parfois simplement comme un fuseau, et on peut la confondre quelquefois avec la feuille d’olivier (plus petite mais de même forme) ; elle est même parfois imaginaire, avec un petit crochet ou une pointe (« barbe »), où certains ont voulu voir une pointe apotropaïque13. De plus il est vraiment paradoxal de voir un feuillage fané dans des végétaux, comme le laurier, l’olivier, le lierre, qui, dans la langue latine, sont toujours ou presque qualifiés de verts : virides coronae, viridis oliva, viridans laurus pour reprendre les termes de Virgile (Æn., V, 110, 494 et 539) et qui sont par excellence, avec l’acanthe, le myrte, le houx, etc, des végétaux toujours verts, les aeiphulla de Théophraste (Hist. Pl. I, 93)14. Aussi il semble évident qu’on a ici une simple variation optique, un décor dénué d’intentions15. La preuve en est que sur les mêmes pavements les artisans coloriaient aussi, en passant du rouge/jaune au vert, des motifs non végétaux, comme des câbles ou des tresses, des ondes ou des écailles. Ils jouaient également à alterner le rouge et le vert sur les mêmes végétaux devenus bicolores, comme des grappes de raisins, ou, de façon invraisemblable, sur du lierre. Ce jeu chromatique n’était d’ailleurs évidemment pas réservé à la production africaine, comme le montre par exemple une mosaïque d’Aquilée (figure 4).
8En réalité, cette alternance du rouge et du vert est à considérer comme une fatalité de la décoration, tant ces couleurs sont liées dans leur opposition physique (on peut voir les divers dispositifs du genre du cercle chromatique de Chevreul) dans la pensée des philosophes depuis au moins Aristote (Meteor. III, 2, 5), et dans la réalité de l’architecture romaine : on le voit dans les descriptions des thermes romains d’époque impériale, chez Martial, chez Stace, chez Lucien, qui insistent toutes sur l’emploi des marbres de couleur : vert de Carystos et rouge de Synnada ou jaune de Numidie y sont systématiquement associés16.
9Néanmoins on pourrait se demander s’il n’y a pas quelque chose à retenir de cette idée des feuilles jaunies ou mortes. On a vu que ce n’était pas dans le domaine de la décoration des habitations ou des thermes : les guirlandes réelles, ou celles qui sont représentées de façon réaliste, n’en montrent pas l’utilisation et au contraire elles ne sont que vertes17. Mais qu’en était-il dans un contexte purement funéraire ? On sait que la comparaison des hommes mortels et des feuilles tombées est vieille comme la littérature18 ; on pourrait donc chercher dans le décor des jardins funéraires et des tombeaux romains19 si la guirlande à feuilles mortes était attestée. Mais c’est en vain : la guirlande, le rinceau sont visiblement « des images transposées de la vitalité de la nature »20, et non une évocation de mort21.
10Il ne reste donc plus que les textes latins pour témoigner du sentiment que les Romains pouvaient avoir des feuilles mortes. Or ici nous avons une belle attestation d’une sensibilité tout à fait consciente : dans leur rituel si bien étudié par J. Scheid, les frères arvales se voilent la tête avant de pénétrer dans le bois sacré et coiffent la couronne d’épis liée par une bandelette blanche : « nous ignorons si la couronne était composée de seuls épis murs, c’est-à-dire secs, ou bien d’un mélange d’épis secs et verts, mais en tout cas on dirait qu’elle représentait cette moisson heureuse que les arvales demandaient à dea Dia »22. Or un passage de Tacite, Ann. XI, 4, 3 (cité par J. Scheid), rapporte l’anecdote selon laquelle, en 47, lors d’un procès, un chevalier révéla que dans un songe il « avait cru voir Claude la tête ceinte d’une couronne d’épis renversés », présage d’une disette de blé (tamquam vidisset Claudium spicea corona evinctum, spicis retro conversis, eaque imagine grauitatem annonae praedixisset) ; tandis que « …portée dans le bon sens la couronne d’épis aurait annoncé l’abondance ». Mais, à mon sens, le plus intéressant est la suite du texte de Tacite au § 4 : quidam pampineam coronam albentibus foliis visam atque ita interpretatum tradidere verdente autumno mortem principis ostendi (« Quelques- uns ont dit que la couronne vue par lui était de pampres blanchis [i.e. jaunis] et qu’il en avait tiré le présage de la mort du prince pour le déclin de l’automne »). Il en est de même pour l’anecdote du bosquet de lauriers de la villa ad gallinas de Livie à Primaporta, où, dit-on, l’arbre planté par chaque empereur dépérissait vers le temps de sa mort, et où tout le bois se dessécha l’année de la mort de Néron23. On voit bien ici le lien feuille morte/mort, mais dans la mentalité et les textes, non dans le décor végétal.
11On ne peut donc corriger que très partiellement notre opinion sur le langage des feuilles en général et on continuera à soutenir qu’il n’y a pas lieu de voir des feuilles de laurier fané sur les mosaïques d’Afrique, ni à leur donner un sens funèbre. On connaît bien d’ailleurs le caractère humble et utilitaire de ces pavements faits pour être piétinés plutôt que révérencieusement scrutés pour y dévoiler d’improbables messages symboliques24.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 J. André, étude sur les termes de couleur dans la langue latine, 1949 ; M. Pastoureau, Le Vert, 2013 ; et surtout les études réunies dans A. Rouveret, S. Dubel, V. Naas (éd.), Couleurs et matières dans l’Antiquité, 2006.
2 F. Cumont, La Stèle du danseur d’Antibes et son décor végétal, 1942 ; J. Goody, The Culture of Flowers, 1993 ; G. Sauron, « Les cippes funéraires à décor de rinceaux de Nîmes et de sa région », 1983 ; Id., L’histoire végétalisée. Ornement et politique à Rome, 2000 ; J. Gage, La Couleur dans l’art, 2009 ; M. Bradley, Colour and Meaning in Ancient Rome, 2009.
3 J.-P. Darmon, S. Gozlan, « La maison des Muses… », 2012 (2015), p. 112 et n. 4.
4 M. Blanchard-Lemée, M. Ennaïfer, H. et L. Slim, G. Mermet, Sols de l’Afrique romaine, 1995 ; M. Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, 2e éd., 2002.
5 M. Yacoub, Le Musée du Bardo, 1969, p. 85 (n° inv. 1393) ; H. Desparmet, « Les mosaïques des Hauts de Cillium », 1994, p. 110 n. 11 (« …il se pourrait que les feuilles rouges correspondent à des couronnes de « feuilles mortes »).
6 J.-P. Darmon, Nympharum Domus. Les Pavements de la maison des Nymphes à Néapolis …, 1980, p. 151 (n° 28).
7 F. Cumont, La Stèle du danseur d’Antibes et son décor végétal, 1942.
8 A. Merlin, L. Poinssot, « Deux mosaïques de Tunisie à sujets prophylactiques »,1934, p. 141-143. Sur les couleurs des factions et les saisons : A. Merlin, L. Poinssot, « Factions du cirque et saisons sur des mosaïques de Tunisie », 1949, t. 2, p. 732-745. Voir aussi J.-P. Darmon, Recueil général des mosaïques de la Gaule. II, 3, 1977, p. 86 (qui renvoie, sur cette « sémantique des couleurs », à L. Foucher, Inventaire des mosaïques. Sousse, 1960, p. 30, 60, 94 ; et à J.-W. Salomonson, La Mosaïque aux chevaux de l’Antiquarium de Carthage, 1965, p. 54-55).
9 G.-Ch. Picard, « Le couronnement de Vénus », 1941-1946, p. 43-108.
10 G. Sauron, L’Histoire végétalisée. Ornement et politique à Rome, 2000, p. 43.
11 Voir la mosaïque de Thugga, (M. Yacoub, Le Musée du Bardo, 1969, p. 60 n° inv. A 382) où les amphores de vin sont décorées de l’hedera dionysiaque.
12 C. Balmelle et al., Le Décor géométrique de la mosaïque romaine, 1985, t. 1, p. 140-142.
13 A. Merlin, L. Poinssot, « Deux mosaïques de Tunisie à sujets prophylactiques »,1934, p. 140.
14 Les guirlandes ou couronnes de feuilles de vigne, elles aussi bicolores, sont plus rares : N. Jeddi, « Une mosaïque aux couronnes de vigne de la maison dite des fruits à Thaenae », 1988. Sur les végétaux toujours verts, on réservera le cas de l’olivier « blond » (xanthos, flavus) chez Eschyle (Perses, 617) et chez Virgile (Æn., V, 309 : flava oliva). Les plus belles évocations littéraires des feuilles vertes et des feuilles mortes sont dans Jodelle, Les Amours, 14 et le sonnet 17 de Shakespeare.
15 Évidence que même les « symbolistes » doivent admettre : A. Merlin, L. Poinssot, « Factions du cirque et saisons sur des mosaïques de Tunisie », parlent « d’une alternance voulue pour l’agrément de l’œil », 1949, p. 733.
16 V. Maugan-Chemin, « Les couleurs du marbre chez Pline l’Ancien, Martial et Stace », 2006, p. 103-126.
17 F. Cumont, La Stèle du danseur d’Antibes et son décor végétal, p. 11 (« la verdure persistante…présage ou garantie d’une durée prolongée au-delà de la tombe ») ; R. Turcan, « Les guirlandes dans l’Antiquité classique », p. 129 (sur le rapport entre le contenu végétal des guirlandes et leur signification).
18 Iliade, VI, 146 et suiv. : « Telle la naissance des feuilles, telle celle des hommes… ».
19 On aurait pu voir dans le décor du mausolée de Bartringen – Bertrange des feuilles desséchées, mais la vérification montre qu’il s’agit de palmes (G. Kremer, Das frühkaiserzeitliche Mausoleum von Bartringen (Luxemburg), 2009, n° 56 fig. 229.
20 G. Sauron, L’Histoire végétalisée. Ornement et politique à Rome, 2000, p. 24. C’est exceptionnellement et par un douloureux paradoxe que Stace évoque le mélange impie de feuilles de lierre, du vénéneux if funeste et de laurier desséché (Silves, V, 3 [Epicedion in patrem suum], v. 8-10 …funestamque hederis irrepere taxum/extimui, trepidamque, nefas !, arescere laurum ».
21 On pense aussi à l’acanthe qui poussa sur la tombe d’une jeune fille de Corinthe (Vitruve, IV, 1, 9-10).
22 J. Scheid, Romulus et ses frères. Le collège des frères arvales…, 1990, p. 572-573.
23 Suétone, Galba I, 3 (…observatum est, sub cuiusque obitum arborem ab ipso institutam elanguisse. Ergo novissimo Neronis anno et silva omnis exaruit radicitus) ; G. Sauron, L’histoire végétalisée. Ornement et politique à Rome, 2000, p. 42-43 : « L’anecdote montre que les métaphores végétales de renouvellement du monde étaient à ce point prises au sérieux que le regard romain en cherchait des manifestations dans la nature elle-même ».
24 Il est exceptionnel qu’on évoque une répugnance à piétiner un beau pavement : l’exemple de Stace décrivant la villa Tiburtina de Manlius Vopiscus (Silv. I, 3, 52-57) semble unique dans la littérature : « Quand je laissais errer mes yeux et promenais partout mes regards, je foulais aux pieds des richesses sans m’en rendre compte (calcabam necopinus opes). Car le rayonnement qui descendait d’en haut et les tuiles qui réfléchissaient la lumière brillante me montrèrent le sol qu’égaient de couleurs vives les mille procédés de l’art et qui l’emporte dans l’invention des figures sur le pavement de la Maison non balayée : effrayés mes pas s’arrêtèrent (expavere gradus). Trad. H. J. Izaac).
Auteur
Maître de conférences (hon.), université de Lille 3 ; UMR HALMA CNRS 8164
Membre du CTHS, section Histoire et archéologie des civilisations antiques
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Signes et communication dans les civilisations de la parole
Olivier Buchsenschutz, Christian Jeunesse, Claude Mordant et al. (dir.)
2016