L’écriture en liberté : les graffitis dans la culture romaine
p. 11-26
Résumé
Sous le nom de graffitis, j’entends une pratique d’écriture individuelle, que j’ai appelée « écriture en liberté » – une liberté qui ne l’empêche pas de suivre ses propres codes –, et qui présente deux points communs. Premier point : celui qui écrit le texte et celui qui le conçoit est la même personne. Deuxième point : cette écriture personnelle se fait sur un support qui n’a pas pour fonction d’accueillir de l’écrit (tel qu’une tablette à écrire) – et dans un lieu où on ne l’attendrait pas (un mur, une base de statue, une tombe, un objet, etc.). Des milliers de graffitis en latin (et à l’occasion en grec) ont été relevés à Pompéi mais aussi à Rome et dans d’autres villes de l’Occident romain comme Narbonne. Des dizaines d’autres ont été évoqués ou cités par plusieurs auteurs anciens, qui ont privilégié la dimension politique ou contestataire de certains d’entre eux. Mais les nombreux textes et dessins, accompagnés ou non d’une légende, qui sont parvenus jusqu’à nos jours ne relèvent d’ordinaire pas de la contestation. Si l’on en trouve sans surprise de fortes concentrations dans des lieux publics très passants (tels les basiliques) et dans tous les lieux de sociabilité masculine (thermes, palestres, tavernes, paedagogium du Palatin, latrines), on en découvre aussi beaucoup – de façon plus surprenante pour nous – dans les espaces de circulation des maisons particulières où, à la différence de ce qui s’observerait aujourd’hui, ils n’ont pas été systématiquement effacés à l’initiative des propriétaires. Pour de nombreux graffitis d’époque romaine la solitude apparente du scripteur renvoie en fait à une situation de connivence recherchée avec ses lecteurs potentiels. Le destinataire du message peut être interpellé (au vocatif). Quelques auteurs masculins de graffittis saluent leur belle (au datif, dans ce cas) ; d’autres dialoguent entre eux dans un même lieu qu’ils sont appelés à fréquenter. Les femmes sont souvent nommées, parfois moquées ; en revanche, elles s’identifient rarement comme la « scriptrice » d’un texte. À l’occasion, on imagine volontiers tel ou tel scripteur qui, loin de se cacher, accomplirait sa « performance » devant un groupe d’admirateurs. Ce sont donc les diverses formes de communication permises par les graffitis d’époque romaine qui seront examinées au cours de cette intervention.
Texte intégral
1Sous le nom de graffiti – un mot dérivé du verbe italien « graffiare » (« égratigner ») et non du verbe grec graphein (« écrire »), et qui est passé en français, comme panini plus récemment, sous sa forme plurielle d’origine, ce qui nous oblige à y ajouter un s final au pluriel –, on observe dans le monde romain une pratique d’écriture individuelle que j’ai appelée « écriture en liberté » – une liberté qui ne l’empêche pas d’élaborer et suivre ses propres codes1. Il est question à plusieurs reprises des graffitis chez les auteurs anciens, qui ont privilégié la dimension politique ou contestataire de certains d’entre eux. Mais ces écrits n’ont pas laissé de traces visibles.
2En revanche, des milliers de graffitis en latin (et à l’occasion en grec) ont été relevés à Pompéi et Herculanum mais aussi à Rome comme dans d’autres villes de l’Occident romain, ainsi à Narbonne, et dans de nombreuses villas romaines – et de même, de nombreux graffitis en grec (et, à l’occasion, en latin) dans les provinces romaines d’Orient. Il sera donc question principalement dans cette étude de ceux que l’on peut lire encore ou de ceux qui, effacés maintenant par les intempéries, ont été lus depuis un siècle, recueillis et regroupés en corpus. Tout autant que les graffitis politiques, ces textes ont été écrits dans l’intention de « communiquer » – le plus souvent avec d’autres hommes mais à l’occasion avec les dieux.
Quelques témoignages des auteurs anciens
3Le dialogue de deux courtisanes imaginé par Lucien nous place au cœur de la pratique2 : pour compromettre aux yeux de son père (Architélès) le précepteur (Aristénète) qui interdit à son jeune amant (Clinias) de lui rendre visite, Chélidonion envisage d’aller « écrire sur la muraille du Céramique, du côté où Architélès a coutume de se promener, ‘ Aristénète corrompt Clinias ’« . « Mais comment feras-tu pour qu’on ne te voie pas écrire ? », objecte son amie Drosis. Chélidonion a tout prévu : « J’irai l’écrire la nuit avec un charbon que je prendrai n’importe où. » Au charbon une épigramme de Martial ajoute la craie comme matériau usuel pour ce type d’écriture ; à la personne dont il se moque Martial donne en effet ce conseil3 : « Cherche, si tu veux qu’on lise ton nom, un poète ivre dans un mauvais lieu, un de ceux qui écrivent au charbon ou à la craie des vers pour les clients des lieux d’aisance. » En évoquant des graffitis écrits eux aussi sur une muraille Cicéron précise d’autant moins le mode d’écriture qu’il s’agit d’une pure invention : du moins ces faux graffitis témoignent-ils de la banalité des vrais ; le passage mérite d’être cité en entier4 :
« Crassus, dans votre plaidoyer contre Memmius, vous avez raconté que s’étant pris de querelle à Terracine avec Largius, au sujet d’une maîtresse, il mordit et dévora le bras de son rival. Cet épisode amusa beaucoup ; mais il était tout entier de votre invention. Vous ajoutâtes une circonstance ; ce fut que, le lendemain, toutes les murailles de Terracine étaient couvertes d’inscriptions où l’on voyait trois LLL et deux MM, et qu’ayant demandé ce que cela pouvait signifier, un vieillard vous répondit : Lacerat lacertum Largii mordax Memmius. »
4Il paraît clair que l’auteur d’un graffiti s’attend à ce qu’il soit lu. Pourtant Plutarque s’est montré critique à l’égard des lecteurs de textes inscrits sur les tombes (les épitaphes) ou sur les murs (les graffitis)5 :
« Quelle difficulté y a-t-il à ne pas lire les épitaphes des tombeaux élevés le long des routes, et quel désagrément en promenade à ne jeter qu’un regard furtif sur les inscriptions des murailles, à se dire en soi-même que rien d’utile ou de plaisant n’y est écrit, mais simplement : « Un tel se souvient d’un tel en bien » et « Ce fut un excellent ami ». Et tant d’autres textes pleins de banalités, dont la lecture en apparence n’est pas nuisible, mais l’est pourtant, en nous habituant, sans que nous nous en rendions compte, à rechercher ce qui ne nous concerne pas. » (Traduction de J. Dumortier, CUF)
5Plutarque néanmoins n’a pas manqué de rappeler, comme d’autres auteurs d’époque impériale, les graffitis porteurs d’un message politique, notamment ceux qui, en 44 avant J.-C., auraient poussé Brutus à assassiner César6. Il est question tantôt de textes écrits sur la base des statues de Lucius Brutus, l’ancêtre qui contribua à chasser les Tarquins et fut le premier consul de la République, ou de celles de César lui-même, tantôt de graffitis (ou de placards) apposés dans la nuit que Brutus, alors préteur, trouvait le matin sur son tribunal. Plutarque et Appien rapportent une même observation qu’ils attribuent à Cassius : « Penses-tu que ce sont des artisans et des boutiquiers qui ont écrit de façon anonyme sur ton tribunal plutôt que les hommes les plus importants ? »
6Graffitis et simples placards (les pamphlets affichés désignés en latin comme libelli) réutilisent pour la contestation les supports offerts par les monuments officiels : « Ces pamphlets moqueurs que connaissent bien les statues », selon la formule connue de Tertullien7. Une base de statue d’Agrippine reçut, après l’assassinat de celle-ci, ce reproche adressé à Néron par sa mère : « Moi, j’ai honte de toi ; mais toi, ne rougis-tu pas ? »8. Le plus célèbre de ces graffitis est, en réponse à la multiplication des arcs élevés par Domitien, le mot arci apposé en lettres grecques sur l’un d’eux : le jeu de mot (savant) assimile le pluriel de arcus au verbe grec arkei – » ça suffit » – qui se prononçaient l’un et l’autre « arki »9.
7Ces exemples de communication politique au moyen de graffitis dont la liste pourrait être encore allongée10 nous sont parvenus par la seule évocation qui en a été faite dans l’Antiquité.
À propos des graffitis conservés
8Cette écriture, le plus souvent incisée avec une pointe dans un matériau dur mais qui peut aussi être tracée à la peinture, au charbon ou à la craie, présente deux points communs aux différents types de textes que nous connaissons.
9Premier point : celui qui écrit le texte et celui qui le conçoit est la même personne. À la différence des professionnels, tels le lapicide ou le peintre d’annonces, le scripteur de graffitis n’exécute pas une commande : son geste est personnel. Il est libre de sa performance : s’il ne conçoit pas toujours son texte ex novo, il peut s’inspirer d’un modèle puisé dans sa mémoire – un fragment de texte littéraire qu’il a appris à l’école (ou qu’il a pu répéter comme exercice d’écriture) ou un proverbe qu’il a lui-même lu, écrit par d’autres, sur les murs ou ailleurs.
10Parmi les premiers modèles, les mieux représentés sont le premier vers du premier livre de l’Énéide de Virgile, arma virumque cano Troiae qui primus ab oris (« Je chante les armes et le héros qui le premier fuyant les rivages de Troie ») et le premier vers du deuxième livre, conticuere omnes intentique ora tenebant (« Tous se taisaient, attentifs, les yeux fixés (sur Enée) »).
11Parmi les seconds, on relèvera par exemple ce souhait aux amoureux très répandu (quisquis amat valeat, « celui qui aime, qu’il se porte bien »), dont certains préfèrent la forme négative (quisquis non amat, non valeat, » celui qui n’aime pas, qu’il ne se porte pas bien »). D’autres formules passées au rang de proverbes sont particulièrement adaptées au cadre d’une taverne (venimus hic cupidi, molto magis ire cupimus, « nous étions contents de venir, nous sommes plus contents encore de repartir », peut-on lire à Narbonne comme à Pompéi).
12Deuxième point commun : cette écriture personnelle se fait sur un support qui, à la différence des tablettes de cire (tabulae ceratae, figure 1) ou des rouleaux et feuilles de papyrus ou encore des fines feuilles de bois où l’on écrit à l’encre comme sur du Bristol (figure 2), n’a pas pour fonction régulière d’accueillir de l’écrit : un mur, une base de statue, une tombe, un objet personnel, une tuile, etc. Encore faut-il nuancer ce propos : les tessons de poterie, supports de l’écriture au quotidien en Égypte – les ostraka11 – ont été utilisés comme matériau d’écriture banal par les potiers de La Graufesenque pour leur comptabilité12 ; or ces derniers, en incisant les lettres à la pointe sur la céramique sigillée, formaient des graffitis au sens premier du terme mais non des graffitis dans le sens d’écriture spontanée (figure 3).
13Cette écriture – l’écriture spontanée – est une activité corporelle, qui met en scène à la fois l’intelligence, l’esprit, le sens de l’humour d’un individu, mais aussi son adaptation à sa posture (debout ? allongée ? accroupie ?) et son habileté manuelle. De fortes différences culturelles et sociales (réelles ou affichées) sont repérables à la syntaxe, au style et à la qualité de l’expertise graphique : elles ouvrent la voie aux interrogations sans fin des modernes sur l’identité des scripteurs – résidents et / ou visiteurs d’une maison, adultes et / ou enfants (tout dépend à quelle hauteur du sol est écrit le graffiti), personnes éduquées ou non, hommes et / ou femmes. Cassius, nous l’avons vu, se posait lui aussi la question.
14Cette écriture est en fait écrite pour être lue : les graffitis constituent une forme de « communication in informal context » (Peter Keegan). Si on s’attend à en trouver dans les lieux publics, on est frappé par leur présence – pour nous insolite – dans les maisons ; et on les trouve alors dans les espaces centraux de la maison, les entrées, les lieux de passage, plutôt que dans les pièces fermées, à Délos comme à Pompéi : on écrirait donc dans ce cas les graffitis pour un public potentiel restreint de résidents et de visiteurs. Mais, en même temps, ces textes manuscrits, écrits en petits caractères, ne sautent pas aux yeux, même si les habitants de la maison savent qu’ils sont là. Or, à notre grande surprise, ils ne semblent pas les gêner.
15De fait, cette forme d’écriture est partout présente et préservée : à Doura Europos sur l’Euphrate comme à Pompéi, les habitants n’ont pas eu comme première réaction de la faire effacer. À la différence des graffitis et tags modernes elle ne semble donc pas systématiquement considérée comme un acte de vandalisme, même si l’on trouve sur certains monuments, notamment des tombes, quelques injonctions au scriptor potentiel de se tenir à l’écart13.
16Parmi les multiples différences que l’on peut constater avec les graffitis actuels je signalerai une particularité qui ne me semble pas avoir été évoquée. Jusqu’à l’époque récente où les trains, les métros, les bus, les ponts, les murs bordant les voies ferrées ont commencé à être systématiquement « taggés » comme un acte d’une stratégie antipublicitaire, les espaces qui attiraient le plus les graffitis n’étaient certes pas les espaces privés mais les espaces publics fermés : les deux extrêmes étaient les toilettes publiques, où l’on s’enferme quelques minutes, et la cellule de prisonnier, où l’on reste plusieurs mois ou plusieurs années. De nos jours, les murs des maisons en ruine, donc sans propriétaire résident, sont eux aussi riches en graffitis : les visiteurs se sont approprié la maison pour un instant.
17Dans le monde romain il ne semble pas toujours nécessaire de se cacher pour écrire sur un mur. Dans le cas de longs textes dont le formulaire est recherché et la mise en page soignée, on pourrait imaginer au contraire auprès du scripteur romain un « public » admiratif – ainsi dans la maison de C. Iulius Polybius à Pompéi dont il va être question. Le temps n’est plus où les fouilleurs de Délos ou de Doura Europos pensaient, par analogie précisément avec le monde actuel, que la présence de graffitis signifiait qu’un habitat était en voie d’abandon ou déjà abandonné au moment où ils ont été écrits.
18Les emplacements de l’écriture spontanée ne sont pas étendus partout. Le scripteur de graffitis semble respecter un interdit implicite ; en règle générale on ne doit pas abîmer les décors (que ce soit au dehors ou au dedans) : les scriptores professionnels des affiches ne débordent pas eux non plus d’ordinaire sur les enseignes des boutiques et encore moins sur les images des divinités protectrices de ces mêmes boutiques. Ce sont d’ailleurs ces auteurs de « dipinti », c’est-à-dire ceux qui peignent des affiches électorales ou des annonces en tout genre (jeux, ventes, etc.), qui semblent redoutés par les propriétaires de tombeaux qui demandent au scriptor de passer son chemin plus que les auteurs de graffitis. Dès qu’un relevé très précis des emplacements où l’on trouve des graffitis est indiqué, tels ceux de Rebecca Benefiel qui s’est fait une spécialité de l’étude des graffitis dans leur contexte14, on note des choix préférentiels : une concentration est observée sur les colonnes, sur les pilastres, sur les parois enduites sans décor, notamment à proximité du laraire. Les enduits monochromes, surtout de couleur claire, se prêtent à la lecture – espérée par les scripteurs – de leur nom ou de leur message. En revanche, dans l’espace domestique, les bases de statue semblent respectées par nos auteurs de graffitis – il s’agit d’ordinaire de statues du maître de maison ou de membres de sa famille –, alors que, dans l’espace public, les bases de statues sont connues pour être des supports privilégiés pour la contestation15.
Fig. 4. – Pompéi, Maison de C. Iulius Polybius et C. Iulius Philippus.Graffite.
Corbier & Guilhembet 2011, 133, fig. 2.
19Dans les maisons, les scripteurs respectent aussi d’ordinaire les écrits de leurs devanciers, en alignant les leurs sous les précédents ou en créant parfois une deuxième colonne de textes. Car l’écrit appelle l’écrit ; ce sont ces agglutinements de graffitis que les auteurs de langue anglaise appellent « clusters ». Je me suis intéressée pour ma part aux longs textes graffités avec soin les uns sous les autres sur une paroi de la maison de C. Iulius Polybius et C. Iulius Philippus à Pompéi (IX, 13, 1-3)16. Dans cette maison, célèbre par le décor de son laraire situé à l’entrée de la cuisine, l’adresse aux Lares prend la forme d’une inscription en belle place dans une pièce ouvrant sur la cour de la cuisine : un graffiti donc, du point de vue de la technique de gravure, puisque le texte est incisé dans l’enduit peint du mur. Mais il est écrit sur trois lignes, où se mêlent les lettres en capitale monumentale et en cursive, avec une mise en page inspirée des inscriptions publiques et un formulaire directement emprunté à celles-ci (figure 4) :
PRO SALVTEM REDITVM (sic) ET VICTORIA
C. IVli Philippi VOtVm H(IC) FECIT LARIBVS
P. CORNELIVS FELIX ET VITALIS CVSPI17.
20Des familiers de la maison prient pour le retour du maître de maison sain et sauf dans des termes entrés en usage pour l’empereur depuis peu : en effet la formule ternaire pro salute et reditu et victoria qui caractérise les hommages rendus à l’empereur Claude pour sa Victoria Britannica de 4318 semble être d’emploi récent dans l’épigraphie de langue latine. Les rédacteurs n’ont toutefois pas oublié la précision « ici », caractéristique de l’écriture spontanée de ceux qui tiennent à faire savoir qu’ils étaient présents en ce même lieu et sont bien les scripteurs.
21Les fortes concentrations sont associées à des lieux publics très passants (telles les basiliques) et à des lieux de sociabilité masculine (thermes, palestres, tavernes, paedagogium du Palatin, latrines). Dans la palestre de Pompéi le soldat Floronius s’est vanté de ses exploits sexuels (figure 5)19 et, dans un local qui était probablement une taverne de Rome, sous la basilique Sainte-Marie Majeure, la paroi a été entièrement recouverte de textes grecs et latins (figure 6). Dans le cas du soldat Floronius il ne faut peut-être pas identifier deux mains différentes dans les lignes d’écriture, comme l’avait suggéré A. Buonopane. Selon son hypothèse, la vantardise de Floronius le grand « baiseur » – binet(as), selon la transcription en latin d’un mot grec – aurait suscité par la suite une moquerie : mais « les femmes n’en ont rien su, à part six d’entre elles ».
22Ou encore ces concentrations se trouvent dans des espaces où des hommes sont amenés à attendre et donc à s’ennuyer : ce peut être le péristyle de la grande maison d’un patron où l’on est venu, avec d’autres, pour rendre la salutatio matinale – explication possible du graffiti incisé à hauteur d’homme dans l’atrium d’une maison de Glanum : » ici était Teucer, 4 jours avant les calendes d’avril Cn. Domitius et C. Sossius étant consuls » (soit le 29 mars 33 avant J.-C.)20 –, ou la porte d’une ville où des soldats montent la garde – ainsi la porte de Palmyre à Doura Europos est-elle couverte de magnifiques graffitis inscrits dans un rectangle accosté de queues d’aronde (tabula ansata) soignés comme de véritables inscriptions qu’ils imitent, produits par les soldats qui y ont inscrit leur nom21 –. On tue le temps en écrivant. Je ne peux donc pas manquer de rappeler à ce propos la petite centaine de graffitis d’époque sévérienne22 relevés sur les parois du poste de garde des pompiers au Transtévère. L’un de ces vigiles, Terentius Felix, a même fait un dessin imitant les tables de bronze à appliques exposées en hommage aux empereurs en ce même lieu (il avait donc un modèle réel sous les yeux23) : il a fait connaître son nom, rappelé que, pendant tout le mois de mai, il avait assumé la corvée de l’éclairage des rues (sebaciaria) et, à la fin, il a formé des vœux pour ses camarades en s’embrouillant dans les cas du latin salvis commanipulos (figure 7).
23Pour de nombreux graffitis d’époque romaine la solitude apparente du scripteur renvoie en fait à une situation de connivence recherchée avec ses lecteurs potentiels – présents ou à venir : dans le cas précédent, les pompiers qui vont assurer la relève de la garde.
24Comme ici, une très large proportion des graffitis romains sont des noms propres. La plupart du temps, le nom est celui du scripteur – et on a remarqué depuis longtemps la domination des noms masculins –. Dans quelques rares cas, le scripteur a choisi l’anagramme de son nom pour jouer à la devinette avec son lecteur. Autre type de devinette, mais écrite en grec cette fois (le jeu est rendu possible par le fait que les lettres de l’alphabet grec servaient aussi à désigner les chiffres) : devinez le nom de la femme que j’aime d’après la somme de ses lettres – un message clairement adressé à celle-ci.
25Les femmes semblent en effet surtout présentes parce qu’elles sont nommées, parfois par leur amoureux, et que l’on s’adresse à elles – » Secundus à sa chère Prima », « Primigenius à Successa » Secundus Prim(a)e suae, Primigenius Successae – ; elles peuvent aussi être interpellées au vocatif, voire moquées – et dans ce cas grossièrement moquées avec des messages d’inspiration sexuelle ou scatologique. Il est rare que l’on puisse les identifier comme scriptrices. Dans un local de Pompei (une pièce de la Casa dei Quattro Stili), des saluts, vale « porte-toi bien » sont adressés à cinq noms de femmes (Quartilla, Nicopolis, Anthis, Cypare et Euplia) et ils sont écrits à une hauteur qui peut faire penser à des scripteurs couchés sur des lits de repas ; ces textes ont suscité l’hypothèse (émise par Rebecca Benefiel) que les cinq femmes se saluaient entre elles en prenant peut-être leur repas ensemble. À vrai dire, j’ai du mal à croire à un tel dîner entre filles. Ce sont plus probablement des hommes en train de banqueter, chacun écrivant le nom de sa belle ou, tout au moins, d’une courtisane. Nous retrouvons à nouveau la différence déjà signalée de certains de ces graffitis romains avec la plupart des nôtres ; ils ne sont pas nécessairement une écriture solitaire.
26On observe parfois un dialogue, réel ou fictif : à Pompéi, dans la maison de Fabius Rufus, on a relevé un échange apparent entre deux frères, Secundus et Onesimus, qui se répondent l’un à l’autre (à moins qu’un seul ne se soit amusé à jouer les deux rôles).
27Secundus Onesimo fratri suo plurimam perpetuam salutem « Secundus à son cher frère Onesimus mille compliments et longue vie ».
28Deux réponses : Onesimus Secundo fratri suo ou encore Secundo plurimam amabiliter salutem « Onesimus à Secundus mille compliments avec affection ».
29On notera que les deux rédacteurs (s’ils sont vraiment deux) ont pris un plaisir certain à rédiger leur texte selon la forme traditionnelle de l’en-tête d’une lettre latine.
30Cette écriture reste, on le voit, très liée à l’oral, les messages interpellant parfois nommément, au vocatif, une personne – homme ou femme. Ainsi s’explique aussi l’abondance des exclamations (feliciter ! salutem !), des salutations (salve ! vale !) et des vœux (votum aux Lares pour la salus du maître de maison). Leur caractère performatif ne fait pas de doute. Dans une arrière-boutique de Pompéi le graffiti Lares propi[ti]os “Lares favorables !”, placé sous la représentation d’un autel encadré de serpents, rappelle la psalmodie du serviteur qui faisait circuler une patère à libations au cours de la cena Trimalcionis, tandis que deux autres posaient des statuettes des Lares sur la table24. Le même caractère performatif a été observé à propos des textes incisés ou peints sur les parois de divers lieux de vénération – qu’il s’agisse du sanctuaire de la source du Clitumne25 ou de grottes sacrées26. Dans ces lieux sacrés le graffiti est la dédicace religieuse, même s’il ne prend pas la forme d’un votum ou de l’accomplissement d’un vœu. Un simple nom propre graffité sur les parois d’une grotte sacrée sans ancienne formule évoquant la prière est donc un acte de prière à la divinité présente et vénérée en ce lieu.
31Cette écriture est liée aussi aux apprentissages scolaires : savoir écrire son nom, connaître l’ordre des lettres de l’alphabet, maîtriser l’agencement complexe des chiffres romains, exprimer la date – le jour du mois à l’aide des trois repères offerts par les calendes, les nones et les ides, l’année par les consuls éponymes –, rédiger l’en-tête d’une lettre avec la formule de salutation adéquate, mémoriser des fragments de vers classiques que l’on a dû recopier plusieurs fois sur une tablette à écrire – l’ardoise de mon enfance –, etc. Ici encore il est loisible d’évoquer la performance : le scripteur n’a pas nécessairement la seule volonté de se prouver à lui-même ses capacités, il peut être tenté de donner à voir son savoir-faire aux résidents et aux familiers de la maison. S’agit-il d’enfants et d’adolescents ? C’est ce dont ne doute pas en tout cas Paul Kruschwitz, qui leur attribue la paternité de la très grande majorité des graffitis, comme, dit-il, de nos jours (ce qui pourrait se discuter pour les auteurs de surfaces « taggées », qui sont souvent des jeunes, sans doute, mais nettement plus âgés)27.
32La distinction proposée par Denys d’Halicarnasse de deux phases dans l’accession à l’alphabétisation « 1) apprendre les lettres, leur forme et leur valeur pour les combiner en syllabes puis former des mots 2) écrire et lire (syllabe après syllabe, et au début lentement) »28 paraît pertinente pour interpréter certains graffitis d’époque romaine qui relèvent parfois de la première phase d’apprentissage.
33La pratique de cette écriture individuelle semble si courante qu’elle ne connaît pas de limite. Elle peut avoir un caractère fonctionnel et, dans ce cas, être tout à fait privée et pratique : ainsi lorsque quelqu’un utilise la paroi d’une pièce pour faire ses propres comptes ou pour régler un compte avec un tiers, comme cela peut se faire aujourd’hui sur le coin d’une nappe en papier – ce type de texte, fréquent dans les tavernes, à Pompéi comme à Narbonne, peut se rencontrer aussi dans le tablinum, la pièce que le maître de maison réserve au negotium. Dans le cas de fortes concentrations de ce type de graffitis (ainsi à Doura Europos), le lien avec la proximité des boutiques a été relevé.
34La difficulté de la lecture est due au fait que, si certains auteurs de graffitis imitent l’écriture en belles capitales régulières qu’ils lisent sur les monuments publics, la plupart d’entre eux utilisent une écriture cursive, celle qu’ils emploient sur les tablettes à écrire (qui part de la lettre capitale elle aussi mais produit des capitales très déformées).
35Ainsi une liste de produits graffitée dans une taverne de Narbonne (figure 8) a été lue par l’éditeur : pane(m) sardinas, vini, olei, « Du pain, des sardines, du vin, de l’huile ». Elle a été relue par un papyrologue polonais habitué à l’écriture cursive des ostraka qui, à la ligne 2, a proposé de lire non sardinas mais sardiltas29. Des sardelles ?
36Les auteurs de graffitis imitent parfois dans les espaces privés l’ordinatio des inscriptions publiques monumentales. Ils ne se contentent pas de gribouiller. Nous l’avons déjà observé dans la maison de Polybius à Pompéi. Parmi les témoignages de cet usage récemment publiés figure le graffiti du tisserand (lanarius) Eutychus dans son atelier (statio) de Canosa dans les Pouilles (figure 9)30. Il s’est inspiré lui aussi pour un écrit personnel des modèles de graphie et de mise en page offerts par l’espace public de la cité, tout en respectant le lexique propre à l’écriture instantanée : l’identification du scripteur et de sa profession – une double mention bien attestée dans l’épigraphie pompéienne – avec la précision « ici » et le verbe « être » sous-entendu31. Incisé en lettres capitales influencées par la cursive, le graffiti est disposé de part et d’autre d’un axe central, sur le modèle d’une inscription lapidaire. Mais son orthographe approximative témoigne des limites de l’alphabétisation du scripteur. Eutychus a fait de l’hypercorrection en utilisant une diphtongue AE au lieu du simple E de l’ablatif dans statione et, pour son propre nom, il a ajouté des Y grecs et des H mal placés.
37Un même orgueil professionnel est montré de façon particulière par le maître-maçon responsable des travaux exécutés à la Casa del Marinaio, à Pompéi (figure 10) ; il a voulu ajouter dans la partie supérieure du cartouche orné de ses instruments de travail (l’enseigne en un sens de l’entreprise de maçonnerie) en écriture cursive malhabile son propre nom et sa profession : Diogenes structor (CIL, X, 868)32.
38J’insisterai volontiers sur le plaisir d’écrire dans un monde où, à la différence du nôtre (je parle ici de l’Occident car, dans bien des pays pauvres, un crayon à bille et un cahier sont accueillis avec joie par les enfants comme les bonbons), le matériel d’écriture est rare et cher. On peut appliquer le proverbe français « l’occasion fait le larron » à tous les graffitis spontanés (qu’ils soient incisés ou charbonnés…) suscités par le moment, l’occasion ; mais d’autres textes graffités ont été mûrement réfléchis et réalisés avec beaucoup de soin. Il n’y a donc pas de définition simple ou unique du graffiti en dehors du fait que l’auteur et le scripteur sont identiques.
39Portent témoignage d’une même culture que nous avons pris l’habitude, souvent paresseuse, d’appeler « populaire » ou d’une même culture, plus ou moins savante, répandue dans l’espace romain, des graffitis donnant le même texte à Pompéi et à Narbonne (« nous étions contents de venir, nous sommes plus contents encore de repartir ») ou à Pompéi et à Éphèse (les devinettes jouant sur la reconnaissance d’un nom grec, féminin, d’après la somme de l’équivalent en chiffres de ses lettres). Mais on observe aussi des particularités régionales : les graffitis en grec invitant à se souvenir (mnesthe)33 de tel ou tel, si nombreux à Doura Europos et dans tout le Proche-Orient, n’ont pas leur équivalent en latin en Occident ; mais ils se rencontrent (en grec) à Rome et à Pouzzoles par exemple où ce type de graffitis a migré avec son scripteur oriental34.
40Des milliers de graffitis en latin (et en grec) ont été relevés. En dépit de leur variété apparente – qui tient beaucoup à la diversité des noms ainsi graffités – ils constituent un corpus de textes et d’images assez répétitifs qui obéissent à des codes, connus des scripteurs comme de leurs lecteurs. On n’en est que plus attentifs à ceux qui se distinguent des autres ; je terminerai donc par deux exemples de ce type, des créations qui ont eu l’une et l’autre pour support une simple tuile.
41À Intercisa, en Pannonie, vers 300 après J.-C., un inconnu a exprimé sa loyauté envers les deux co-empereurs Dioclétien et Maximien par une formule latine habituelle « à nos seigneurs » recopiée de façon incomplète mais en les portraiturant, coiffés l’un et l’autre d’un diadème ; en bas, le dessin d’une chasse au sanglier suggère la représentation d’une venatio dans une arène dont est dessinée la courbe (figure 11). Ce texte, couplé à un dessin, a suscité des interprétations diverses, parfois contournées : par exemple, l’hypothèse selon laquelle il évoquerait la mise à mort par Dioclétien du préfet du prétoire Aper (aper en latin signifiant sanglier).
42Quatre siècles plus tôt (vers 100 avant J.-C.) des graffitis ont pénétré dans des milieux populaires et même à la campagne. Sur une grande tuile trouvée à Pietrabbondante au cœur du Samnium, deux femmes esclaves ont écrit deux phrases, l’une en osque, l’autre en latin, accompagnant l’empreinte de leurs pieds chaussés de galoches cloutées, soit quatre empreintes au total : l’une, Detfri, esclave d’Herennius Sattius, a signé avec la plante de son pied seganatted plautad, l’autre, Amica, esclave d’Herennius elle aussi, a écrit qando ponebamus tegila(m) (« quand nous posions la tuile [à sécher] ») (figure 12). Cette tuile inscrite a suscité, dès sa découverte, un vif intérêt. Récemment elle a inspiré à Jean-Paul Morel les quelques remarques suivantes : elle montrerait la place des femmes dans l’artisanat, y compris pour la céramique lourde ; le bilinguisme osque-latin qui régnait dans cet atelier perdu dans les Abruzzes samnites ; la diffusion de l’écriture chez d’humbles esclaves ; l’humour, car il s’agit d’une forme de parodie d’un acte officiel ; la complicité, la camaraderie et la revendication affirmée d’une identité et d’une fonction35. D’autres ont préféré penser que le maître avait suggéré à ses deux esclaves d’identifier ainsi, par la marque de leurs pieds, le travail fait. Quoi qu’il en soit, à lire les textes et les images, les deux femmes semblent avoir pratiqué un jeu à deux, un jeu auquel d’autres auront assisté peut-être.
*
43Ce qui compte le plus pour nous, ce sont les différences qui séparent la pratique, surtout urbaine en dépit du dernier exemple, des graffitis dans le monde romain de celle que nous connaissons aujourd’hui. Ces différences éclairent certaines au moins de celles qui séparent les usages respectifs de l’écriture dans ces sociétés, la société romaine et la nôtre, mais aussi leur conception différente du public et du privé. Elles invitent à relativiser le concept de transgression. Dans la pratique, la transgression non seulement suscite elle aussi ses propres normes, qui doivent beaucoup à la culture écrite et à l’épigraphie officielle, mais elle se voit reconnaître une place dans le paysage urbain et domestique. Écrire sur les murs, et non seulement des obscénités ou des écrits contestataires comme de nos jours, était probablement un plaisir personnel, une satisfaction vis-à-vis des autres (compagnons en tous genres), un plaisir d’autant plus fort qu’une telle compétence n’était pas banale et que l’on était fier de pouvoir en faire la démonstration. Une « performance » au sens propre du terme.
Bibliographie
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Annexe
Abréviations
AE = L’Année épigraphique
CIL = Corpus Inscriptionum Latinarum
Notes de bas de page
1 Ce texte développe celui qui avait fait l’objet d’une présentation dans une autre perspective au colloque de Reims sur « La Norme », publié en 2017.
2 Lucien, Dialogue des courtisanes, X (Chélidion et Drosis), 4.
3 Martial, Épigrammes, 12, 61.
4 Cicéron, L’Orateur, 2, 240 : lacertum désigne les muscles du haut du bras, d’où le bras.
5 Plutarque, De la curiosité (Moralia, 520 d-e).
6 Plutarque, Vie de César, 62, 7 ; Vie de Brutus, 9, 5-7 ; Suétone, Vie de César, 80,3 ; Appien, Guerres civiles, 2, 16, 112 ; Dion Cassius, 44, 12, 3. Notons que Cicéron, contemporain de l’assassinat de César, n’évoque pas ces graffitis ; dans les Philippiques, 2, 26, il identifie en revanche le modèle qui aurait inspiré Brutus : selon lui, l’imago de son ancêtre qu’il voyait tous les jours dans son atrium. Lire par exemple A. V. Zadorojnyi, 2011, et T. Hillard, 2013.
7 Tertullien, Ad nationes, 1, 17, 5.
8 Dion Cassius, 61, 16, 2 a.
9 Suétone, Vie de Domitien, 13, 7.
10 Ainsi Plutarque fait état de graffitis « politiques » dans ses Vies de Tiberius Gracchus, de Gaius Gracchus et de Pompée.
11 Roger Bagnall, Everyday Writing in the Graeco-Roman East, Berkeley, Los Angeles, Londres, 2011 (Sather Classical Lectures, 69). On a même pu parler de « culture de l’ostrakon ».
12 R. Marichal, Les Graffites de La Graufesenque, Paris, 1988 (47e suppl. à Gallia).
13 C. Zaccaria, « Scriptor : lo scrittore che non deve scrivere », dans G. Angeli Bertinelli, A. Donati éd., Usi e abusi epigrafici. Atti del Colloquio Internazionale di Epigrafia latina (Genova, 20-22 settembre 2001), Gênes, 2003, p. 237-254.
14 R. Benefiel, « Dialogues of Ancient Graffiti in the House of Maius Castricius in Pompeii », American Journal of Archaeology, 114, 2010, p. 37-41 : Ead., « Dialogues of Graffiti in the House of the Four Styles at Pompeii », dans J. A. Baird, C. Taylor éd., Ancient Graffiti in Context, Londres, 2011, p. 49-68.
15 M. Corbier, Donner à voir, donner à lire. Mémoire et communication dans la Rome ancienne, Paris, 2006, p. 71-72.
16 M. Corbier, dans L’Écriture dans la maison romaine, M. Corbier et J.-P. Guilhembet éd., Paris, 2011, p. 26, avec dessin p. 133.
17 AE, 1977, 219 = 1985, 285. La date de la gravure du graffiti (antérieure à 79 en tout cas) ne peut bien évidemment pas être établie. Certains ont suggéré la guerre menée par Vespasien et Titus en Judée dans les années 65-70. Au-dessus de lui sont gravées deux lignes de graffitis célébrant la générosité de Néron et de Poppée à l’égard de Pompéi à l’occasion d’une visite de Néron à Pompéi qui date probablement de 62.
18 Voir CIL, VI, 3751 = 31282 = 36894 ; VI, 917 = 40413 ; VI, 40620 ; AE, 1980, 457 (Rusellae) ; AE, 1998, 944 (Lyon), avec une formulation légèrement différente : dédicace Victoriae pro salute et reditu ; et surtout l’étude de G. Standing mentionnée dans AE, 2003, 1014. La formule ternaire est attestée aussi pour Caligula en 41, voir AE, 2014, 510.
19 AE, 1986, 165. A. Buonopane, « Soldati e pratica scrittoria : i graffiti parietali », dans C. Wolff éd., Le Métier de soldat dans le monde romain, Lyon, 2012, p. 9-19, en particulier p. 12-13. D’après Antonio Varone (communication personnelle), il y aurait en fait un seul et même scripteur.
20 A. Barbet, Recueil général des peintures de la Gaule, I. Province de Narbonnaise, 1. Glanum, Paris, 1974 (27e suppl. à Gallia), p. 83.
21 J. A. Baird, « The Graffiti of Doura Europos », dans J. A. Baird, C. Taylor éd., Ancient Graffiti in Context, p. 56-57.
22 R. Sablayrolles, Libertinus miles. Les Cohortes de vigiles, Rome, 1996, p. 372-380 et p. 389.
23 Un modèle comparable à la table de bronze à appliques du Musée capitolin à Rome (CIL, VI, 220) provenant probablement du même local, p. 56-57, que j’ai étudiée par ailleurs : M. Corbier, Ktèma, 33, 2008, p. 433-443 ; Ead., dans A. Donati éd., L’iscrizione e il suo doppio, Faenza, 2015, p. 51-78.
24 CIL, IV, 844 ; Pétrone, Satiricon, 60. I. Fauduet, dans L’Écriture dans la maison romaine, p. 118.
25 Ces signes de dévotion populaire sont évoqués avec une certaine condescendance par Pline le Jeune, Epist., 8, 8, 7.
26 Ainsi la « Cueva Negra » de Fortuna à Murcie (A. González Blanco, M. Mayer Olivé, A. U. Stylow, La Cueva Negra de Fortuna (Murcia) y sus tituli picti. Un santuario de época romana, Murcia, 1987) ou la grotte du Taïa, aujourd’hui en Algérie (dont les inscriptions rupestres donnent les noms des magistrats municipaux qui, une fois l’an, viennent témoigner de la vénération de leur communauté civique à la divinité Bacax : Inscriptions Latines d’Algérie, II, p. 407-421).
27 P. Kruschwitz, ZPE, 174, 2010, p. 207-208.
28 Dionysius, De compositione verborum, 25 ad fin.
29 AE, 2002, 922.
30 Voir M. Corbier, dans L’Écriture dans la maison romaine, p. 45, figure 10.
31 AE, 2001, 865 : [--- ?] Stationae [sic] / Euthycys [sic] / lanarius / hic.
32 Pour une interprétation du relief comme signature du contremaître, lire F. Pesando, dans L’Écriture dans la maison romaine, p. 83 et p. 96, fig. 26, et J.-P. Morel, « Paroles de travailleurs antiques : le dit, l’écrit, le montré », dans J.-P. Morel éd., Les Travailleurs dans l’Antiquité : statuts et conditions, Paris, 2011, p. 200-216.
33 3e personne du singulier du subjonctif aoriste passif.
34 Lire M. Guarducci, Epigrafia greca, IV, Rome, 1975, p. 223-226 ; voir aussi AE, 2012, 159.
35 J.-P. Morel, art. cité à la note 32.
Auteur
L’Année épigraphique, Paris
Membre du CTHS, section Histoire et archéologie des civilisations antiques
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Signes et communication dans les civilisations de la parole
Olivier Buchsenschutz, Christian Jeunesse, Claude Mordant et al. (dir.)
2016