Essai sur la valeur symbolique de la genette dans la littérature et l’art médiéval occidental
Résumé
Animal originaire d’Afrique du nord, atypique sous nos latitudes, la genette européenne (Genetta genetta) est très singulière tant par sa physionomie (tête fuselée, oreilles de renard, taches de panthère et longue queue annelée de lémurien) que par sa discrétion. Alors qu’elle a été représentée notamment sur deux des tentures de la Dame à la Licorne et que sa fourrure était très prisée tout au long des xve et xvie siècles, il faut se rendre à l’évidence : elle est absente des bestiaires médiévaux. La genette est-elle pour autant dénuée de toute signification symbolique dans la société médiévale ? Dans cet article nous nous proposons de présenter les résultats de notre recherche de doctorat qui a mobilisé notamment quelques sources textuelles, mais surtout des sources iconographiques variées telles qu’enluminures de manuscrits, tapisseries, vitraux et estampes.
Remerciements
Remerciements très sincères à David Camps, Rachida Mallogi et à Christian Parsy pour avoir donné leur aimable autorisation de publier leurs photos.
Texte intégral
1S’aventurer sur les traces de la genette, c’est-à-dire mettre à jour les savoirs et les représentations qui concernent ce petit animal a été1 (et est toujours, car la recherche continue) une tâche ardue qui a exigé des connaissances relevant de nombreux domaines, très différents, voire souvent opposés « académiquement ». En outre, pour mener à bien cette recherche, il a été nécessaire de mobiliser non seulement des sources textuelles mais aussi archéologiques et iconographiques pour ce petit carnivore dont le poids ne varie qu’entre 1,8 à 2,0 kg.
2La genette européenne (Genetta genetta Linné, 1758) est un animal atypique, car non seulement elle est l’unique représentant de la famille des viverridés en Europe2 mais elle rassemble aussi les caractéristiques morphologiques de différents animaux : elle ressemble à un chat, avec des oreilles de fennec ou de renard, des taches de panthère et une queue qui ressemble à celle des lémuriens3. Elle est singulière mais aussi discrète et donc très rare à observer dans le milieu naturel. Elle grimpe dans les arbres avec beaucoup d’agilité, saute de branche en branche en se servant de sa queue comme d’un balancier et descend la tête en bas, ce que peu d’animaux peuvent faire (fig. 1).
3Sa discrétion dans les textes est à l’égal de sa discrétion naturelle4: elle est rarement présente dans les textes occidentaux et orientaux de l’Antiquité au Moyen Âge5. Seul le passage du roman Perceforest (xve siècle) offre une piste sérieuse pour percer à jour la valeur symbolique de la genette6. Camille, l’une des petites-filles de Pergamon, fait envoyer à son preux Chevalier aux Trois Papegaux un nouvel écu qu’il devra porter sans qu’il en connaisse la provenance : une genette blanche7. Le chevalier accepte, d’autant qu’il ne voulait pas porter ses propres armes au cas où il ne pourrait pas relever le défi de battre tous ses adversaires, et gagner ainsi la jeune fille dont il est épris, qui n’est autre que Camille elle-même. Après avoir remporté le turpinoy et le tournoi, il est appelé un court moment le « Chevalier à la Genette », avant que tous ne le reconnaissent lorsqu’il se désarme.
4Le choix, par Camille, de la genette et de sa fourrure blanche n’est pas fortuit. La genette albinos a l’avantage d’être blanche du museau à la pointe de la queue, alors que l’hermine garde le bout de la queue noir, même en période hivernale. Camille s’apparente à la genette blanche, car elle est aussi virginale qu’elle. En cela, la genette blanche la représente, c’est son animal-emblème. Son chevalier porte sa couleur et est défini d’abord par le pouvoir symbolique que lui confère cette genette blanche, avant même son propre nom8. Si la genette représente Camille, elle pourrait aussi symboliser l’Amour vrai, pur, celui qui inspira à l’un des amoureux de se mutiler afin de donner à l’autre le temps de guérir et de rendre possible leur union9 ou le protecteur de cet Amour. Mais comment vérifier cette piste ?
5C’est ici que les sources iconographiques se révèlent précieuses. C’est à partir du xve siècle que la genette commence à être représentée, notamment dans les marginalia de manuscrits, sur des tapisseries, sur des vitraux et des estampes. Elle est utilisée dans l’héraldique comme emblèmede plusieurs princesses prénommées Jeanne du xve et xvie, seule10, ou avec l’initiale « I » et la fleur de janette (formant un double rébus), ainsi que pour certains hommes prénommés Jean11 (fig. 2).
6La genette est donc choisie comme emblème par des nobles se prénommant Jean et Jeanne et se voit alors arborée sur des blasons dans les marges des manuscrits occidentaux, des estampes, sur des sceaux, sur des tapisseries12. Mais sa seule fortune s’arrête-t-elle là ? Se pourrait-il qu’enfin, après bien des siècles de retard par rapport à d’autres petits carnivores (l’hermine par exemple), elle ait une valeur symbolique qui lui est propre ?
7La seule étude qui avait apporté des hypothèses sérieuses sur la valeur symbolique de la genette au Moyen Âge est celle de Margaret Beam Freeman13. Son premier objet étant d’étudier la seconde tapisserie de la Chasse à la Licorne « The Unicorn is Found », elle analyse le groupe d’animaux formé au premier plan dans lequel une genette est parfaitement reconnaissable. Confrontant cette représentation iconographique à d’autres où apparaît le viverridé14, elle en vient à la conclusion que si la genette est confondue avec la belette15, alors elle aura la même signification symbolique que celle-ci :
« […] courageuse comme le lion, […] ennemie des serpents comme le cerf, la panthère et la licorne. »
8Mais si l’artiste connaissait l’animal :
« Elle constitue une adjonction intéressante au groupe d’animaux qui se trouvent près du ruisseau. »
9Dans cette seconde éventualité, elle ajoute :
« Il se peut que l’artiste qui a dessiné les cartons des tapisseries ait eu un faible pour cet animal, pour son long corps souple et sa queue élégamment ornée d’anneaux, et qu’il lui ait attribué un peu de la signification symbolique de la belette (Mustela), bête qui pour un œil non prévenu scientifiquement ressemble à la genette et qui, elle, joue un rôle important dans les bestiaires. »16
10Or, la genette est un animal populaire aux xve et xvie siècles, non seulement en France mais aussi en Europe du Nord (les Flandres), du Sud (Espagne, Portugal) et centrale (tout au moins en Allemagne pour sa fourrure)17. Lors de ces deux siècles, une partie de l’Europe intègre tout à coup dans son bestiaire un animal dont les seules connaissances écrites recensées à son sujet étaient naturalistes et qui jusque-là, était resté dans l’ombre. Afin de vérifier si la genette a la signification symbolique de la belette, le corpus de Margaret B. Freeman qui comportait des supports datés de la fin du xve siècle a été repris et enrichi d’une enluminure présente au folio 87 du ms. BNF Fr. 1537 (1530) et d’une tapisserie « aux feuilles de choux » datée du xvie siècle18. Sur un total de huit supports (en comptant « La vue » de la Dame à la Licorne) s’échelonnant sur une période de près d’un siècle, la genette est présentée six fois auprès de la licorne. Par conséquent, cette association n’est pas due au hasard.
11La genette est présente sur deux des six tapisseries « La Vue » et « Le Goût » qui composent la tenture de La Dame à la licorne. Cependant, les deux genettes ne portent pas de collier et ne sont pas reliées à un « I » ; elles ne sont donc pas emblématiques. Si ces deux tapisseries de la Dame à la Licorne ne peuvent aider à identifier la valeur symbolique de la genette, c’est celle qui a été analysée par Margaret B. Freeman qui donne le plus d’indices19. Celle-ci « combine une scène typique d’une grande chasse médiévale avec le « rite » de la purification d’un cours d’eau par la licorne »20. Les chasseurs viennent de trouver la licorne, animal qui représente le plus souvent le Christ21, et s’immobilisent car ils assistent à cet acte noble et merveilleux. Les animaux en font autant et ces derniers ne boiront que lorsqu’elle aura fini son acte purificateur22. La genette, reconnaissable à sa silhouette, sa robe marron clair aux taches marron foncé et à sa queue annelée fait partie d’un groupe de trois animaux et est située entre deux grands carnassiers dont la symbolique est déjà bien connue, la panthère et la hyène. Au Moyen Âge, il faut rappeler qu’un animal ne prend son sens « que pour autant qu’il est opposé ou associé à un ou plusieurs autres animaux »23.
12À sa gauche se trouve la panthère à laquelle la genette tourne le dos en toute confiance. En effet, la panthère a la réputation depuis le Physiologus d’être entièrement tournée vers le bien24. En revanche, l’animal que regarde fixement la genette est la hyène, plutôt connotée négativement. Cette dernière, dans la tradition des bestiaires, « vit dans les sépulcres des morts et dévore leurs corps »25. Elle fait partie des animaux conspués au Moyen Âge, notamment pour son hermaphrodisme et son changement annuel de sexe26. La genette semble fixer paisiblement cet animal à connotation maléfique et ne semble pas le craindre. Au contraire, elle soutient son regard. Toute proche de la Licorne, elle semble la protéger de la hyène.
13Cette scène est proche symboliquement de celle représentée sur le folio 155 du ms. 776 (Chantilly, Bibliothèque du château) intitulé La guerre des Juifs27. Comme l’indique son décor héraldique, ce manuscrit a été commandé entre 1480 et 148528 par Antoine de Chourses (1453-1484), conseiller et chambellan du roi Louis XI et sa femme, Catherine de Coëtivy. Sur le folio 155, en marge inférieure, la genette est très reconnaissable : tête fuselée, robe grise et queue annelée. Dans cette configuration triangulaire, la genette défie une créature diabolique qui guette, la mine réjouie et avide, la licorne paisible, couchée sur un tertre. Cette licorne emblématique29 est tournée vers la genette. Son regard est plein de confiance, comme si elle se savait protégée par cette dernière. Pour la deuxième fois, la genette semble protéger la licorne.
14Trois autres scènes, combinant entre autres la genette et la licorne, se déroulent au jardin d’Éden. Le folio 2 de la Bible historiale, premier incunable produit par Antoine Vérard en 1498 présente au premier plan, au pied de l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, une genette dont la queue tachetée semble prolonger le bout de la queue du serpent, lui-même tacheté. Le serpent représente la tentation et la mort finale, « le caractère irrépressible et « sauvage » de l’instinct et enfin l’aspect répugnant de cette conduite »30. De part et d’autre de l’Arbre autour duquel s’est entortillé le serpent au buste de femme, Adam et Ève ont déjà pourvu à leur nudité. Au fond se distingue une représentation bien caractéristique de la fontaine de vie auprès de laquelle courent la licorne ainsi qu’un cerf, qui la suit. Entre les deux scènes, un singe assis mange un fruit, à proximité d’Ève.
15La licorne est représentée, comme souvent, à côté du cerf, qui a bénéficié d’une classification favorable aux yeux de l’homme depuis les Écritures (qui louent sa douceur, son désir pour les eaux vives, son indépendance, son absence d’agressivité) et des légendes de l’Antiquité dans lesquelles son inimitié avec le serpent en fait l’image du Christ combattant le démon.
16La présence de la genette au pied de l’Arbre de Vie prolongeant de sa queue celle du serpent rappelle à Adam et Ève qu’ils viennent de perdre l’Âge d’or et qu’à leurs yeux à présent, distinction est faite entre le Bien et le Mal. La genette et le singe semblent symboliser tous deux, l’un le Bien, l’autre le Mal. En effet, ce dernier qui croque un fruit non loin d’Ève a une connotation négative ; dès le Haut Moyen Âge, il est l’image :
« Soit du démon en raison de sa difformité et de son manque d’harmonie qui est la conséquence plus ou moins explicite d’une punition, soit du pécheur, évoquant principalement la tromperie car il s’agit d’une bête qui ose prétendre au statut humain. »31
17Ce même singe et cette même genette ont dû inspirer l’illustrateur du folio 87 du ms. BNF Fr. 1537 (vers 1530) ; les deux animaux ont été repris et ce, exactement dans la même attitude32. Ils font partie d’une scène illustrant un chant royal qui célèbre le jardin d’Éden aux folios 87v, 88 et 88v dont l’adaptation est libre puisqu’après vérification, aucun animal n’y est cité, à part le serpent qui n’a pas droit d’y pénétrer33. La genette regarde dans la direction du singe (qui mange le fruit) et tous deux sont au premier plan. Ils préfigurent sans doute le choix que fera le couple Adam et Ève car derrière eux, les animaux sont paisibles, rassemblés autour de la fontaine de vie d’où jaillit le fleuve qui se divise en trois bras (le quatrième doit être derrière) et qui leur procure eau et herbe verdoyante. Sur les rives du bras central du fleuve où se baignent canards et cygnes, le cerf et la licorne sont couchés, tournés l’un vers l’autre34. Si cette scène a été décrite – quoique sommairement – mettant en exergue « le bébé singe qui croque une pomme » qui « annonce la Faute » –, la genette n’avait pas été encore identifiée35.
18Enfin, la genette fait partie du décor d’une miniature du folio 17 du ms. BNF Fr. 64, dans le jardin d’Éden, derrière les personnages de Dieu, Adam et Ève36. Cette représentation de la genette peinte par le Maître de Coëtivy est sans doute la plus ancienne de tout ce corpus puisque le manuscrit est daté entre 1460 et 1465. Elle fait partie d’un groupe de trois animaux qui entourent la fontaine de Vie et composé du cerf et d’un faisan, celui-là même qui se trouve sur la deuxième tapisserie de la Chasse à la Licorne.
19Comme l’a bien souligné Margaret B. Freeman, l’estampe de la Bible historiale ainsi que le folio 17 du ms. BNF Fr. 64 présentent des similitudes avec la seconde tapisserie de la Chasse à la licorne puisque la fontaine, élément symbolique de l’Éden, la genette, le cerf et la licorne sont associés37. Ces parentés, fort justes, ont été corroborées depuis par les études de Nicole Reynaud en 2003 : l’artiste des cartons de la Chasse à la Licorne a été identifié à Jean d’Ypres, appelé aussi le Maître des Très Petites Heures d’Anne de Bretagne, fils de Colin d’Amiens (ce dernier étant le Maître de Coëtivy, qui a dessiné le folio 17 du ms. 64) et sa production pour le moins spectaculaire38 met en lumière les occurrences de la genette dans au moins quatre des représentations étudiées précédemment. Il se pourrait donc que la genette associée à la licorne pour le couple Chourses-Coëtivy (peinte par le Maître de Cardinal de Bourbon, quoique plus probablement par un artiste de son atelier, comme vu précédemment), puis associée à la fontaine par le Maître de Coëtivy, ait été associée logiquement à la licorne et à la fontaine, dans la continuité, par le propre fils du Maître de Coëtivy, Jean d’Ypres. C’est donc la raison pour laquelle cette triade est représentée non seulement sur la deuxième tapisserie de la Chasse à la licorne, mais aussi sur l’estampe du folio 2 de la Bible Historiale, puisqu’il a été démontré que le matériel iconographique de Jean d’Ypres39 a été utilisé jusqu’au siècle suivant notamment par le libraire Antoine Vérard (qui travaillait aussi avec Simon Vostre, libraire qui a pris pour emblème la genette40). La genette, protectrice de la licorne aurait été ainsi diffusée dans un laps de temps assez court (fin xve- début xvie) mais suffisant et dans plusieurs domaines (enluminure, tapisserie, vitrail) pour qu’elle puisse connaître du même coup le succès et ce, même représentée seule.
20Une dernière représentation de la genette, très originale, la montrant en confrontation directe avec un serpent41, pourrait soulever d’autres questions et apporter d’autres pistes pour la valeur symbolique de la genette. Il s’agit d’une scène qui se trouve sur une tapisserie (d’une série de trois dites « à feuilles de choux » du xvie siècle), probablement tissée dans les ateliers d’Adenarde ou de Grammont en Flandre42 (fig. 3). Dans son article de 1997, Xénia Muratova étudie notamment cette tapisserie et montre combien l’apparition des premières éditions gravées des Bestiaires et du Physiologus au xve siècle a pu servir de sources aux créateurs des cartons de tapisseries43. Les deux animaux sont campés sur la balustrade qui « peut bien symboliser l’enclos de l’Amour »44, l’un, sur la rampe, et l’autre, enserrant les barreaux de ses anneaux. La genette défie le serpent. L’identification du quadrupède n’est pas discutable : même si le cliché est en noir et blanc, la genette est bien cet animal aux vibrisses très développées, tacheté à la queue annelée (même si trop courte et évasée à la fin) et dont le museau est effilé. Cette scène est placée à droite de la scène centrale qui présente un lion terrassant un cheval.
21Partant du principe que la scène représentée est « la confrontation de la belette et du serpent », « thème ancien du Physiologus », l’auteur de l’article reconnaît que « la belette a une peau tachetée et une longue queue avec des anneaux, ressemblant ainsi plutôt à un animal qu’on définirait aujourd’hui comme une genette ». Cependant, elle poursuit en écrivant que « le Moyen Âge ne distinguait pas ces deux espèces » et que « les genettes ont été souvent domestiquées avant d’être supplantées par le chat actuel »45. Enfin, elle ajoute que cette représentation tachetée de la belette avec la queue annelée est très proche des représentations de celle des ouvrages zoologiques, notamment de ceux de Conrad Gesner.
22Or, après vérification, le Moyen Âge distinguait bien ces deux espèces, la belette n’est pas représentée ainsi chez Gesner46 et la genette est populaire et bien connue (notamment grâce à sa fourrure), sans toutefois être « domestiquée » aux xve et xvie siècles47, période à laquelle toutes ces représentations ont été analysées. De toute évidence, la genette, à prendre soudainement la place de la belette, déstabilise et embarrasse.
23Si avant le xie siècle, la belette était reconnue comme un animal rampant et donc impur, c’est à partir du xiiie siècle que son statut change, grâce en partie aux bestiaires : elle devient soit « l’emblème des fidèles de Dieu qui reçoivent la semence de sa parole et qui luttent contre le serpent diabolique (très souvent le basilic) »48, soit « l’image de la résurrection, partagée avec d’autres animaux (le lion, le pélican) ou de la purification »49. Un glissement de la symbolique de la belette s’est-il réellement opéré sur la genette ? Et si oui, pour quelles raisons50 ? Motif utilisé dans l’art du xve au début du xvie siècle, choisie et considérée tout au long du xve pour représenter des nobles prénommés Jeanne et Jean, elle est dotée, très probablement d’une signification symbolique qui lui est propre. Plus proche aussi physiquement de l’homme à cette période51, ce dernier a probablement ressenti le besoin de lui attribuer la valeur symbolique d’un animal à connotation positive.
24De la plupart de ces représentations où la genette défie un être symboliquement maléfique ou négatif, qu’il soit hyène, chimère, serpent ou singe, il est déduit que la genette est toujours proche de la licorne et la protège. Et en étant proche de la licorne, elle l’est aussi de la fontaine de vie, avec ou sans la licorne. Ainsi l’est-elle sur la tapisserie de Narcisse52 et il ne serait pas impossible que son carton ait pu servir à celui des deux genettes représentées sur la scène du « Baptême du Christ » dans l’église de Saint-Étienne-du-Mont à Paris et celle de Saint-Jean-Baptiste à Nemours53. Si la licorne représente le plus souvent la figure christique, la fontaine, celle qui reflète parfaitement, représente la Vierge et la bien-aimée sur terre54. La genette, indépendamment du fait qu’elle est liée à la fontaine de vie est liée à l’élément eau, indubitablement55.
25Très souvent à leur côté, et à côté de figures bibliques, le Christ, dans les deux vitraux déjà cités, et des anges, notamment dans la troisième tapisserie de la série nommée Anges porteurs des instruments de la Passion (1512-1514)56, elle rejoint le cortège des animaux dont la tâche est de se confronter au Mal, tel le cerf depuis l’Antiquité. Cependant, si la belette affronte le serpent, elle l’affronte seule, pour elle-même. La genette, elle, affronte le mal pour protéger un être qui symbolise lui-même le Bien ; autrement dit, elle n’intervient que si la figure du Bien qu’elle doit protéger est en péril. Dans la tapisserie dite « aux feuilles de choux » (xvie siècle) où la genette défie un serpent, elle le fait car Amour est en danger. Mais sa protection ne dure qu’un temps et pour un moment précis : si la genette fait en sorte que la licorne puisse mener à terme son acte purificateur parmi les animaux qui auraient pu lui nuire, elle ne peut rien contre les hommes qui eux, attendent que la licorne ait terminé son acte bienveillant pour la blesser et la capturer.
26La genette protège la licorne (ou l’agneau pascal57) ou ce sentiment vertueux qu’est l’Amour. Elle conduit, accompagne en protégeant un temps, pour une étape bien définie dans la vie du protégé : dans le roman Perceforest, elle représente et protège Camille, la pucelle c’est-à-dire une Licorne incarnée, sur les armoiries que porte Pallidès afin de permettre au couple d’être réuni ; elle permet à la licorne de purifier l’eau afin que tous, animaux comme humains puissent s’abreuver ; elle permet à Ève de choisir ne serait-ce qu’un temps. Si elle guide en protégeant, elle le fait par amour ; aussi, est-ce sans doute la raison pour laquelle la devise du libraire Jehan Janot autour des deux genettes est :
« Tout par amour, Amour par tout, Par tout amour. »
27Ainsi la genette paraît-elle avoir la signification symbolique amplifiée de la belette. Son essence même protège ce qui doit être protégé. Elle accomplit sa tâche, comme le passeur, pour un temps. En cela, la genette de l’Occident médiéval (des xve et xvie siècles) est liée intrinsèquement à l’antique Mafdet58.
28Son absence des bestiaires des clercs du ve au xiie siècle l’a préservée de l’attribution d’un caractère ambivalent, les rapports qu’entretient l’homme avec la faune étant très nombreux à cette période, mêlant sentiments contradictoires comme l’admiration, l’amour ou la peur, la méfiance, voire l’hostilité et la haine. La réalité du contact quotidien conditionne les relations affectives que l’homme tisse avec l’animal mais « celles-ci sont renforcées par l’exploitation symbolique, propre à chaque société, de l’animal et de ses comportements » 59. Un même animal peut être méprisé à une époque puis estimé à une autre60. La genette ne sera donc entachée d’aucun opprobre par les auteurs ecclésiastiques, privilège que tous les grands et petits carnivores n’auront pas eu.
29Il reste à savoir, tout en considérant avec prudence les interprétations et hypothèses proposées ici, depuis quand et pourquoi la genette a acquis cette valeur symbolique. Dans la période perturbée qu’est le xve siècle par la guerre de cent ans opposant la France et l’Angleterre et la fin de la Reconquista espagnole, il était nécessaire de croire en un monde où le Bien triompherait. La genette était cet animal musqué, au pelage exotique, officieuse auxiliaire contre souris et rats, capable de réenchanter ce monde, si instable. Sa valeur symbolique est-elle liée à sa longue queue présentant des analogies dans ses représentations avec la corne de la licorne61 ou est-elle une conséquence logique de sa popularité incontestable puis de son anoblissement tout au long du xve siècle par le double rébus, la promouvant ainsi aux côtés de la Vierge Marie que Jeanne de France, épouse de Jean II et sainte Jeanne, sa nièce, vénéraient tant62 ?
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Avril François et Reynaud Nicole, Les manuscrits à peinture en France 1440-1520, Paris, Flammarion-Bibliothèque Nationale, 1993, 440 pages.
Delibes Miguel, Virginie Mézan-Muxart et Calzada Javier, « Albino and melanistic genets (Genetta genetta) in Europe », Acta Theriologica, Volume 58, 2013, p. 94-99.
10.1007/s13364-012-0088-7 :Draelants Isabelle, « De la compilation au Centon. Les emprunts à Arnold de Saxe dans l’Hortus Sanitatis : quels intermédiaires ? », Kentron, n° 29, p. 19-68.
Girbea Catalina, « Pratiques héraldiques dans Perceforest » dans Perceforest, un roman arthurien et sa réception, textes réunis par Christine Ferlampin-Acher, Presses Universitaires de Rennes, « Interférences », Rennes, 2012, p. 163-177.
Freeman Margaret B., La Chasse à la licorne : prestigieuse tenture française des Cloisters, adapté en français par Pierre Alexandre, Edita S.A. Lausanne, 1983, 247 pages.
Hablot Laurent, La devise, mise en signe du prince, mise en scène du pouvoir, Les devises et l’emblématique des princes en France et en Europe à la fin du Moyen Âge, thèse de doctorat en Histoire médiévale, sous la direction de Martin Aurell et Michel Pastoureau, université de Poitiers, 2001, 787 pages.
Mézan-Muxart Virginie, « Genette et janette : devises de Jeanne de France au xve siècle », dans Van den Abeele Baudouin and Wackers Paul (eds.), Reinardus : Yearbook of the International Reynard Society, volume XXII, 2010, p. 104-125.
Muratova Xénia, « La fortune des bestiaires au xvie siècle : une série inconnue de tapisseries flamandes », L’animal dans la littérature, actes du colloque de Tokyo de la Société Internationale Renardienne du 22 au 24 juillet 1996 à l’université Keio, édités par Hideichi Matsubara, Satoru Suzuki, Naoyuki Fukumoto et Noboru Harano, Keio University Press, Tokyo, p. 201-237.
Muxart Virginie, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours. Histoire d’une belle méconnue, thèse de doctorat en littérature générale et comparée, dirigée par Mesdames les professeurs Corinne Beck et Juliette Vion-Dury, Université Paris 13-Paris Sorbonne Cité, 2016, tome I, 549 pages et tome II, 159 pages.
Pastoureau Michel, Figures et couleurs. Étude sur la symbolique et la sensibilité médiévales, Paris, Le Léopard d’or, 1986, 244 pages.
Stirnemann Patricia, L’enluminure en France au temps de Jean Fouquet : [exposition, Chantilly, musée Condé, 26 mars-22 juin 2003], Somogy, Paris 2003, 93 pages.
Stirnemann Patricia, « Histoire d’amour sans paroles », Art de l’enluminure, no 5, Hors-série de l’Art et métiers du livre, Paris, juin/juillet/août 2003, p. 4-57.
Tesnière Marie-Hélène, Bestiaire médiéval, enluminures, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2005, 240 pages.
Voisenet Jacques, Bêtes et Hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du ve au xiie siècle, Turnhout, Préface de Jacques Le Goff, Brepols, 2000, 552 pages.
10.1484/M.STMH-EB.5.112326 :Zucker Arnaud, Physiologos : bestiaire des bestiaires, Éditions Jérôme Millon, Paris, 2004, 325 pages.
Notes de bas de page
1 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1 et 2.
2 Dans le bassin méditerranéen, elle est présente essentiellement en Afrique du Nord, en Espagne, au Portugal, en France, jusqu’à la Loire, et en Italie où elle a été observée dans la vallée d’Aoste.
3 Son pelage gris fauve est tacheté de noir sur le corps et sa longue queue annelée est composée de 8 à 9 anneaux noirs. Son museau pointu est bordé de part et d’autre par une bande noire, ses yeux sont de couleur rouge foncé à brun, ses oreilles sont relativement grandes, ses vibrisses développées peuvent atteindre jusqu’à 9 cm. La longueur totale de l’animal est en moyenne de 95 cm dont une longueur moyenne de queue de 44 cm.
4 Les sources archéozoologiques concernant la présence de la genette en Europe ne sont guère plus loquaces : trois sites seulement, tous situés en Europe du sud, attestent sa présence au Moyen Âge. Cf. V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, p. 156-157, 196-197 et t. 2, « Carte des ossements de genette dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours », p. 148.
5 La recherche a été étendue dans les textes orientaux, en procédant par sondages. Cf. V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, 4.1.3. « Piste sans indices », p. 161-171.
6 Perceforest, troisième partie, t. II, édition critique par Gilles Roussineau, ouvrage publié avec le concours du Centre national de la recherche scientifique, p. 130-161, « XXXVII. Comment le septième tournoy fut prolongé pour l’amour que le chevalier aux papegais estoit navré ; comment la pucelle Camille se navra de son gré et comment après leur garison le chevalier gaigna le pris du tournoy et eut sa dame ».
7 Au Turpinoy, surgit « hors de la forest ung chevalier bien monté, qui portait ung escu d’asur a une blanche jenette » in Perceforest, troisième partie, t. II, p. 146. Cette genette blanche est très probablement une genette albinos. M. Delibes, V. Mézan-Muxart & J. Calzada, « Albino and melanistic genets (Genetta genetta) in Europe », p. 94-99.
8 Dans le roman arthurien, le nom est important. Dans Perceforest, « ce sont les armoiries et non les noms qui définissent les preux chevaliers » : « la sémiologie iconique remplace l’onomastique » (C. Girbea, « Pratiques héraldiques dans Perceforest », p. 174). Ainsi, le « Chevalier à la Genette » est-il acclamé et félicité et peu importe son nom.
9 Pour l’analyse entière du passage : V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, p. 229-234.
10 Comme nous l’a appris la thèse de Laurent Hablot, grâce aussi aux recherches de Nicole Reynaud, François Avril et Patricia Stirnemann. L. Hablot, La devise, mise en signe du prince, mise en scène du pouvoir, Les devises et l’emblématique des princes en France et en Europe à la fin du Moyen Âge, p. 96, 138, 255, 669 et 734.
11 V. Mézan-Muxart,« Genette et janette : devises de Jeanne de France au xve siècle », p. 104-125 et thèse, vol. 1, p. 258-259.
12 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, 1.3.3, « Les sources iconographiques », « 1.3.3.4. Moyen Âge », p. 69-75.
13 M. B. Freeman, La Chasse à la licorne, adapté en français par Pierre Alexandre, Edita S.A. Lausanne, 1983, chapitre intitulé « La genette, la belette et l’hermine », p. 78-79.
14 Son corpus est constitué du folio 155 du ms. Chantilly 776 (1460), de la tapisserie de « La vue » de La Dame à la Licorne (elle ne mentionne pas la tapisserie intitulée « Le goût » sans doute parce que la genette n’est pas située sur l’îlot, au côté de la licorne), du folio 17 du ms. Paris BNF Fr 64, Histoire ancienne jusqu’à César et Faits des Romains (1460-1465 ?) peint par le Maître de Coëtivy et du folio 2, une estampe représentant « La tentation d’Adam et Ève », créée pour l’édition d’Antoine Vérard en 1498, utilisée pour illustrer sa Bible historiée.
15 M. B. Freeman revient sur les caractéristiques de la belette citées le plus souvent dans les bestiaires : recevoir la semence par la bouche, mettre bas par l’oreille (ou inversement, selon les versions), ressusciter ses petits par de la rue si elle les trouve morts (dans l’Ortus Sanitatis), chasser souris et serpents et vaincre le Basilic. Ibid., p. 79.
16 Ibid., p. 78.
17 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, 4.2.1. « À la fourrure recherchée », p. 171-178, 4.3.1 « Une fourrure inestimable », p. 217-234.
18 Il s’agit de l’une des tapisseries « aux feuilles de choux » d’une collection particulière étudiée par X. Muratova, « La fortune des bestiaires au xvie siècle : une série inconnue de tapisseries flamandes », L’animal dans la littérature, p. 201-237.
19 Voir vol. 2, p. 73. Voici le lien vers la tapisserie « The Unicorn is Found », seconde tapisserie de la Chasse à la Licorne (1495–1505), sur le site du Metropolitan Museum of Arts de New York : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/467638.
20 M. B. Freeman, La Chasse à la licorne, p. 96.
21 J. Voisenet, Bêtes et Hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du ve au viie siècle, p. 309.
22 Le pouvoir prophylactique de la corne de la licorne est très connu au Moyen Âge. Cf. A. Zucker, Physiologos : bestiaire des bestiaires, p. 157.
23 M. Pastoureau, Figures et couleurs, p. 9.
24 J. Voisenet, Bêtes et Hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du ve au viie siècle, ibid., p. 60 : « elle ne présente aucune cruauté (laissée au léopard) mais une grande douceur qui en fait l’image du Christ ».
25 M. B. Freeman, La Chasse à la licorne, ibid., p. 79.
26 J. Voisenet, Bêtes et Hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du viie au xiie siècle, ibid., p. 359.
27 Ce manuscrit (1460) renferme la traduction française de Guillaume Coquillart du De bello judaico, de Flavius Josèphe. Voici le lien vers le folio 155 du ms 776 de la bibliothèque du musée Condé, mis en ligne sur la BVMM : https://iiif.irht.cnrs.fr/iiif/Chantilly/M601415401_MS0776/jp2/M601415401_MS0776_0159/full/full/0/default.jpg
28 P. Stirnemann, L’enluminure en France au temps de Jean Fouquet, p. 73.
29 Cette licorne devait sans doute faire allusion à son titre de « Seigneur de Malicorne » qu’il détenait de son propre père, Guy de Chourses. Elle constitue avec la rose les emblèmes du couple (cf. http://initiale.irht.cnrs.fr/ouvrages/ouvrages.php?id=9198&indexCourant=0). Les initiales « A » et « K » sont placés à droite de la licorne et de la tige de roses.
30 J. Voisenet, Bêtes et Hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du ve au xiie siècle, p. 359.
31 Ibid., p. 67. Voir aussi p. 65 et 66.
32 M.-H. Tesnière, Bestiaire médiéval, enluminures, p. 34. L’enlumineur est Étienne Collaut. Voici le lien vers le folio 87 du ms. BNF Fr. 1537 (Auber et al., Chants royaux sur la Conception couronnés au Puy de Rouen de 1519 à 1528, vers 1530) : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b8539706t/f179.image
33 Ms. Paris BNF Fr. 1537, folio 87v, troisième vers de la deuxième strophe : « Les ords serpents sont du lieu interdits (« ord » : « sale, rempli de malpropreté, de souillures […] ».
34 Sur la seconde tapisserie de la « Chasse à la Licorne », le cerf est aussi représenté face à la licorne. Ils sont cependant disposés inversement et la licorne accomplit son acte purificateur.
35 M.-H. Tesnière, Bestiaire médiéval, enluminures, p. 35.
36 Voici le lien vers le folio 17 du ms. BNF 64 (Histoire ancienne jusqu’à César et Faits des Romains, 1460-1465 ?) : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b85624763/f37.item
37 Dans le folio 17 du ms. BNF 64, la licorne n’apparaît pas, mais la genette est peinte dans la même attitude que celle de la deuxième tapisserie de la « Chasse à la licorne », et le cerf ressemble très fortement à celui qui court derrière la licorne sur l’estampe (folio 2 de la Bible Historiée). La licorne de l’estampe ressemble aussi à celle de la tapisserie. Si la fontaine, la genette et l’oiseau semblent être repris de la seconde tapisserie de La Chasse à la Licorne, c’est que peut-être, le dessinateur du folio 17 et le maquettiste de la tapisserie sont de la même école ou sont une seule et même personne.
38 Nicole Reynaud consacre une page à ce « dernier des trois artistes de la seconde triade parisienne », « successeur et héritier du Maître de Coëtivy, avec qui les frontières sont parfois délicates à établir ». Peintre de métier, il « a surtout fourni en abondance des cartons pour le vitrail et la tapisserie, domaine où son rôle a été de premier plan à la fin du siècle et où il a dominé le marché de façon écrasante : en effet, non seulement il a donné les grands patrons originaux pour plusieurs vitraux d’origine parisienne […] mais il a animé un atelier dont les modèles et les pratiques lui ont survécu (Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Merry, Saint-Gervais) et se sont diffusés jusque vers 1520, et particulièrement en Normandie autour de Rouen. De même, on lui doit les patrons ou les modèles de plusieurs tentures célèbres (Chasse à la licorne, New York, Cloisters ; Femmes vertueuses, Boston, Museum of Fine Arts ; Persée, coll. part. ; Dame à la licorne, Paris, musée de Cluny), certaines exécutées pour de hauts magistrats parisiens (Le Viste, Guillard). » Cf. François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peinture en France, p. 265.
39 Jean d’Ypres avait bien compris l’enjeu de la nouvelle technique de l’imprimerie. Cf. François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peinture en France, p. 268.
40 Sur la genette, emblème des libraires parisiens : V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, p. 272-273.
41 Scène reproduite d'après l'article : X. Muratova, « La fortune des bestiaires au xvie siècle : une série inconnue de tapisseries flamandes », L’animal dans la littérature, p. 222, fig. II. 3.b.
42 Ibid., p. 205. L’auteur mentionne aussi que ces tapisseries ont des points communs avec la production des ateliers de la Marche (Felletin ou Aubusson).
43 Ibid., p. 203. Cette démonstration fort juste vient tout à propos pour soutenir ce qui a été précédemment écrit, à savoir que les enluminures ou estampes étudiées ont pu servir de source aux tapisseries, notamment la deuxième de La Chasse à la Licorne.
44 Ibid., p. 209.
45 Ibid., p. 207. L’auteur cite en note 21 p. 207, L’Encyclopédie des animaux du monde, p. 110-119.
46 Ni à la p. 851 d’Historiae animalium. Libri I : de quadrupedibus viviparis de Conrad Gesner, ni à la p. 100 du Icones animalium quadrupedum viviparorum et oviparorum. Il est à noter que Gesner puis Aldrovandi rapportent tous les deux la critique de Scaliger à l’encontre de la classification de la genette dans la famille des belettes de Jérôme Cardan (Cf. Conrad Gesner, d’Historiae animalium. Libri I : de quadrupedibus viviparis, ibid., p. 619 et Icones animalium quadrupedum viviparorum et oviparorum, ibid., p. 70-71). Depuis au moins Pline, deux sortes de belettes sont différenciées ; la sauvage, plus grande et l’autre, plus petite, qui erre dans les maisons. Reste que Thomas de Cantimpré n’a jamais classé la genette dans la famille des belettes (mais Gesner et Aldrovandi ne mentionnent qu’Isidore de Séville, Vincent de Beauvais et Albert le Grand). Xenia Muratova écrit donc en légende du détail « serpent-genette » : fig. II. 3.b : « Belette et serpents (détail de la tapisserie 1) dans X. Muratova, « La fortune des bestiaires au xvie siècle : une série inconnue de tapisseries flamandes », p. 232.
47 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, p. 462-463.
48 J. Voisenet, Bêtes et Hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du ve au xiie siècle, ibid., p. 91 et note 31. Voir aussi p. 92, note 32. Jacques Voisenet cite le Bestiaire de Pierre de Beauvais, le Bestiaire Divin de Guillaume le Clerc de Normandie et Li Livres dou Tresor de Brunetto Latini.
49 Ibid., p. 92, notes 33 et 34. L’auteur cite Li Livres dou Tresor de Brunetto Latini ainsi que Louis Charbonneau-Lassay, Le Bestiaire du Christ, Bruges, 1940, p. 322.
50 Serait-ce la conséquence dans ce cas du rapprochement textuel des articles de la belette et de la genette dans l’encyclopédie de Vincent de Beauvais qui perdure dans l’Ortus Sanitatis ? L’article « Gala et genetha » (in BC ms. Res 13-Fol, Ortus Sanitatis) a été rédigé à partir de trois sources, parmi lesquelles la principale, le Speculum naturale de Vincent de Beauvais, les Pandectesde Mattheus Silvaticus et l’Encyclopédie d’Albert le Grand (Cf. Isabelle Draelants, « De la compilation au Centon. Les emprunts à Arnold de Saxe dans l’Hortus Sanitatis : quels intermédiaires ? », p. 19-68).
51 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, 4.3.2. « La genette dans l’espace social », p. 234-246.
52 Tapisserie conservée au Museum of Fine Arts de Boston, aux mille-fleurs, reprend les animaux sauvages classiques du genre : faisan sur la margelle de la fontaine de vie, lapins, perdrix, hérons. Elle compte aussi deux petits carnivores : la genette, se trouvant à gauche de la fontaine et occupant seule le quart gauche inférieur de la tapisserie, sur le fond floral et un mustélidé à droite de la fontaine qui pourrait être identifié à un furet. Ce dernier qui se retrouve aussi sur la Tapisserie de Persée avait été injustement identifié à une genette (cf. M. B. Freeman, La Chasse à la licorne, ibid., p. 206) alors qu’il est l’exacte copie, à l’envers, de celui qui figure sur la tapisserie de Narcisse. La genette est d’une très grande qualité (même si le profil ressemble davantage à celui d’un chien à cause du museau): courte sur pattes, corps tacheté et longue queue annelée. Voici le lien vers la tapisserie : http://www.mfa.org/collections/object/tapestry-narcissus-37423)
53 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, p. 278, note 1130.
54 M. B. Freeman, La Chasse à la licorne, p. 119-120. De plus, « nombre d’hymnes médiévaux louent la Vierge en l’appelant fontaine », dans le Stabat Mater, Marie est « la fontaine d’Amour ».
55 Il est à rappeler aussi que les naturalistes eux-mêmes, reprenant à leur tour ce qu’avaient écrit les encyclopédistes (sans jamais citer – regrettablement – Thomas de Cantimpré, mais Isidore et Vincent de Beauvais) ont établi une relation entre la genette et les milieux humides (Cf. Ulysse Aldrovandi, De quadrupedibus digitatis viviparis, libri tres et De quadrupedibus digitatis oviparis libri duo, p. 340).
56 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, p. 273-274.
57 Sur le folio 1 du ms. Aix-en-Provence 1552 (1511).
58 V. Muxart, Savoirs et représentations de la genette (Genetta genetta) dans le bassin méditerranéen de la préhistoire à nos jours, t. 1, 3.1.2. « Déesse Mafdet », p. 126-134.
59 J. Voisenet, Bêtes et Hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du xe au xiie siècle, p. 91 et 239.
60 Ibid., p. 239 et p. 92, note 35. Cependant, certains animaux parviennent à se doter d’une face positive après le xie siècle comme la belette, déclarée impure car faisant partie des animaux « rampants », qui a réussi à échapper à une présentation entièrement dégradante, « probablement en raison de son état de bête quasi-domestique au service de l’homme » (alors que, paradoxalement, le chat qui remplissait les mêmes fonctions et s’utilisait dans tout l’Occident, s’infernalisait).
61 Il est à noter que sur le folio 259 du ms. BNF 20124, le r7v. du BC Res. 1270-12° (Heures de Vostre), la queue des genettes est torsadée et s’apparente à la représentation classique de la corne de la licorne.
62 Cf. Passage p. 257 : « Enfin, par-delà le jeu de mots, la genette aurait-elle sa propre symbolique pour ces femmes dénommées Jeanne ? Révélerait-elle implicitement une référence religieuse à la Vierge que Jeanne vénérait tant ? Est-ce une coïncidence si la fleur de janette est appelée aussi « fleur de la Vierge », « Marienrösslein » (« petite rose de Marie ») ou encore « slzičky panny Marie » (« larmes de Sainte-Marie ») ? ».
Auteur
Docteur en Littérature générale et comparée, membre associé au laboratoire PLEIADE de Paris 13- Sorbonne Paris Cité
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Signes et communication dans les civilisations de la parole
Olivier Buchsenschutz, Christian Jeunesse, Claude Mordant et al. (dir.)
2016