Le réseau européen de Joseph Déchelette au cœur d’une archéologie protohistorique1
p. 271-280
Résumé
Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une recherche menée sur les réseaux européens de Joseph Déchelette à partir de la correspondance, des publications et des archives conservées à la bibliothèque du Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Roanne, ainsi que dans d’autres fonds situés en France et en Europe. Alors que ses origines familiales le destinaient au monde de l’entreprise, Joseph Déchelette a réussi à s’imposer comme l’un des meilleurs spécialistes européens de la Protohistoire. Notre étude s’intéressera au « réseau personnel » de l’archéologue roannais afin d’apprécier la position singulière qu’il y occupait mais aussi de comprendre comment s’est construite l’une de ses publications majeures, le Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine paru de 1908 à 1914.
Texte intégral
1Considéré comme le père de la Protohistoire, Joseph Déchelette2 reste l’une des figures majeures de l’archéologie française de la fin du xixe et du début du xxe siècle. Natif de Roanne, où il vit le jour le 8 janvier 1862, son destin était pourtant tout tracé au sein de l’entreprise familiale Déchelette-Despierres, maison spécialisée dans l’industrie textile, qu’il intégra comme « commis-voyageur » une fois bachelier3. Du monde de l’entreprise et des affaires commerciales, Déchelette ne s’éloignera guère même après avoir décidé de s’occuper à plein-temps d’archéologie. En effet, dès ses plus jeunes années, il s’était passionné pour l’histoire et l’archéologie locales. Protégé par son oncle maternel Jacques-Gabriel Bulliot (1817-1902), l’inventeur de Bibracte, mais aussi formé auprès de maîtres érudits tels Vincent Durand (1831-1902) et Auguste Chaverondier (1820-1891), l’archiviste-paléographe de la Loire, Déchelette était très rapidement entré dans les cercles de la sociabilité savante : d’abord intégré à la Diana en 1884, il fut admis deux ans plus tard à la Société Française d’Archéologie (1886) dont il devint inspecteur divisionnaire, puis associé de la Société des Antiquaires de France (1893) et membre non résidant du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques en 1901.
2D’autres titres lui seront décernés tout au long de sa carrière en France et à l’étranger, mais le seul titre vraiment officiel dont il pouvait se prévaloir restait celui de conservateur du Musée municipal de Roanne, poste où il avait été nommé en 1892. À la fin de l’année 1911, les portes de l’Académie des inscriptions et belles-lettres s’ouvraient enfin : Déchelette venait d’être élu correspondant après plusieurs tentatives malheureuses4. Cette reconnaissance tardive, qui contrastait avec la réputation européenne qu’il avait acquise, s’explique par le fait que, hors des circuits académiques traditionnels il était alors difficile pour un savant de province de pénétrer dans ce cercle fermé mais auquel beaucoup d’érudits aspiraient un jour appartenir.
3Après une présentation des archives de Déchelette, le propos sera ici de comprendre comment l’archéologue roannais est parvenu à se constituer un ample réseau de correspondants européens, et en quoi celui-ci a joué un rôle majeur dans la rédaction de son œuvre, le Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine (Manuel) paru entre 1908 et 1914. À partir de la correspondance, il est en effet possible d’analyser le réseau personnel que Joseph Déchelette s’était constitué, et d’évaluer son positionnement au sein d’une communauté savante réunie autour d’une même discipline, l’archéologie, et d’une même période, les âges des métaux. Le croisement entre la correspondance et les publications permettra également de rendre compte de la genèse de son œuvre et de dégager les traits originaux de son travail scientifique.
Les archives de Joseph Déchelette
4Les archives sont aujourd’hui conservées et accessibles au public dans la bibliothèque du Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie Joseph Déchelette à Roanne (figure 1). Le lieu lui-même donne à voir ce qu’était l’atelier d’un « archéologue de province » : une bibliothèque qui fut pensée et construite selon le modèle des bibliothèques prestigieuses de Paris, et dans laquelle sont rassemblés des milliers d’ouvrages, de périodiques et de tirés à part reçus par l’archéologue ; attenant à la bibliothèque, le cabinet de travail où sont conservés des carnets et registres, des notes diverses ainsi qu’une importante correspondance5.
5Au milieu de ces innombrables traces de l’activité quotidienne du savant6, la correspondance occupe un rang de premier ordre, tant elle place l’historien au cœur de la communauté savante de l’époque. Celle-ci se compose de plus de cinq mille lettres dont la plupart ont été soigneusement reliées en quarante-trois volumes in-quarto à l’initiative de Mme Jane Déchelette, qui, devenue veuve, s’était appliquée à sauvegarder et protéger l’héritage scientifique de son époux. La correspondance – essentiellement passive – est complétée par quelques dossiers de correspondance active, correspondance que Mme Déchelette avait pu récupérer dans les années qui suivirent la disparition du capitaine tombé au champ d’honneur (1914). Malgré ce travail de mémoire, la correspondance présente des lacunes liées aux aléas de l’utilisation et de la conservation des lettres du temps même de Déchelette : ainsi il n’est pas rare de retrouver à l’intérieur des ouvrages ou des tirés à part des lettres qui y ont été placées par le savant lui-même7. Par ailleurs, quelques lettres ont fait l’objet d’une nouvelle attribution non à l’archéologue roannais lui-même, mais à son oncle Jacques-Gabriel Bulliot : c’est le cas de deux lettres d’Otto Hirschfeld, professeur d’histoire et d’épigraphie romaines, successeur de Theodor Mommsen à l’Université de Berlin. En dépit de ces limites souvent inhérentes à ce type de documentation, l’ensemble de la correspondance européenne est maintenant bien identifié et, grâce à plusieurs missions effectuées à l’étranger, il s’est même enrichi de nouvelles lettres de Déchelette.
Des voyages professionnels aux voyages d’études
6Comme M.-S. Binétruy l’a justement souligné, les voyages ont été un élément déterminant dans la carrière scientifique de Déchelette8. Son activité professionnelle l’avait obligé à sillonner la vallée du Rhône et bien d’autres régions françaises pendant plus de vingt ans. Mais où qu’il pût aller, il ne ratait jamais une occasion de visiter des musées et des lieux remarquables même lors de ses tournées commerciales. En 1893, il devait participer pour la première fois à un voyage organisé dont le périple l’amena de l’Égypte à la Syrie en passant par la Palestine9. Les années suivantes, ses voyages d’études eurent une seule destination, l’Italie, pays pour lequel Déchelette devait conserver un attachement particulier10. La correspondance – chaque courrier lui arrivant à bon port dans tous les hôtels fréquentés – mais aussi les nombreux carnets de voyage conservés, restituent une partie des itinéraires de Déchelette.
7Cette corrélation entre voyages et activités scientifiques reste fondamentale dans le travail de l’archéologue11 : c’est par les voyages qu’il pouvait accéder aux pièces, en faire des photographies et appliquer les principes d’une fine expertise auxquels Vincent Durand l’avait initié. De cette observation directe des objets exposés dans les musées ou les collections privées, Déchelette en consignait des notes et des croquis sur ses carnets de moleskine noire12. Au printemps 1913, alors qu’il préparait le dernier volume du Manuel consacré au second âge du fer et que sa réputation était bien établie, il entreprit un voyage d’études en Toscane et dans les Marches, où il eut accès au Musée d’Ancône grâce à Innocenzo Dall’Osso (1855-1928)13 : il exploita tous les renseignements alors recueillis aussi bien ceux donnés de vive voix par son collègue italien14, que ceux déduits de ses observations des mobiliers inédits des tombes de Montefortino et de Filottrano15. Tous ses voyages en France et à l’étranger devaient lui permettre d’établir des contacts dont certains se prolongeront par le biais de la correspondance.
8Il n’est donc pas étonnant que l’un de ses voyages ait profondément marqué sa carrière : en mai 1899, il accomplit seul un long voyage à travers l’Europe centrale (figure 2), voyage qui devait l’amener de Berlin jusqu’au Musée national de Prague où étaient exposées des pièces provenant de l’oppidum de Stradonitz. Or cet oppidum s’avéra comparable en bien des points à celui du mont Beuvray dont Déchelette préparait alors la publication. Cette découverte, que l’archéologue s’empressa de faire connaitre auprès de la communauté savante16, sera déterminante à plus d’un titre : elle orientera durablement son approche de la période protohistorique vers un horizon européen, ce qui n’avait guère été envisagé jusque-là en France ; c’est également à partir de cette date que le réseau épistolaire de Déchelette commence à s’élargir et à s’étendre progressivement bien au-delà des frontières françaises.
La fabrique d’un réseau de correspondants européens
9L’inventaire exhaustif des correspondants européens a permis d’établir une répartition par pays d’origine qui respecte les frontières européennes d’avant 1914 (figure 3). Si près d’un tiers d’interlocuteurs européens compose l’ensemble de la correspondance passive, de fortes disparités existent d’un groupe à l’autre : une forte majorité est d’origine allemande alors que les correspondants suisses, italiens, anglo-saxons, belges et espagnols sont moins nombreux. Cette disproportion n’est en réalité qu’apparente, car le nombre de lettres par correspondant le plus faible (c’est-à-dire une seule lettre) est souvent observé pour les correspondants allemands, alors qu’il est beaucoup plus important pour les correspondants portugais et suisses par exemple. Pour dépasser ces statistiques en trompe-l’œil, il est donc nécessaire de prendre en compte d’autres données plus qualitatives comme les affinités épistolaires qui ont parfois pu naître entre certains correspondants européens et Déchelette. Tel est le cas de l’amitié scientifique qu’il noua avec Josef Ladislav Pič (1847-1911)17 et qui, malgré leurs désaccords sur l’histoire de l’oppidum de Stradonitz, perdura jusqu’à la disparition tragique de l’archéologue tchèque.
10D’un point de vue statutaire, une bonne moitié des correspondants – toutes nationalités confondues – appartient à des institutions, qu’il s’agisse de musées, de sociétés savantes ou même d’universités. S’il était sans doute plus facile d’entrer en relations avec d’autres conservateurs, même des conservateurs de grands musées nationaux comme ses collègues du British Museum, Déchelette prit souvent l’initiative de prolonger par des relations épistolaires des rencontres faites lors des congrès. Ainsi, au congrès archéologique de Mâcon, en 1899, il fit la connaissance d’Albert Naef18, alors chef du Service des Monuments historiques du Canton de Vaud avant de devenir en 1905 professeur d’archéologie à l’université de Neuchâtel ; de cette rencontre s’ensuivit une relation épistolaire régulière jusqu’en 1912. À d’autres occasions, Déchelette eut recours à la recommandation personnelle de ses « maîtres », Camille Jullian, Émile Cartailhac ou encore Salomon Reinach dont les réseaux en Europe étaient déjà bien établis. À son tour, l’archéologue roannais n’hésitait pas non plus à mettre au service de certains correspondants ses propres relations épistolaires, comme en témoigne la recommandation qu’il fit des travaux du Marquis de Cerralbo auprès de Camille Jullian pour une publication dans la Revue des Études anciennes19. Recommandations, échanges de services, sont autant d’opérations étroitement liées au fonctionnement de ces sociabilités savantes20.
11La liste des correspondants européens compte finalement les plus grands noms de l’archéologie protohistorique, d’Arthur Evans à Oscar Montelius, l’un de ses maîtres, en passant par José Leite de Vasconcellos ou Paul Reinecke. De fait, la plupart des pays de l’Europe sont représentés, ce qui révèle que l’auteur du Manuel avait une réelle volonté de décloisonner une archéologie qui restait essentiellement nationale. Dans leurs échanges, le français reste la langue dominante à l’exception notable des correspondants allemands, slaves et, dans une moindre mesure, anglais. La mauvaise maîtrise de la langue française est souvent la raison invoquée comme s’en excuse le céramologue allemand August Oxé dans sa première lettre :
« Da die französische Sprache mir nicht so geläufig ist und Sie das Deutsche so gut lesen wie Italienisch und Latein, so gestatten Sie mir, diese Zeilen in deutscher Sprache an Sie zu richten. »21
12Dès le début des années 1890, Déchelette s’était fixé un programme de remise à niveau en langues anciennes, mais aussi d’apprentissage de l’anglais, de l’italien et même du tchèque après son voyage à Prague. Pour cet autodidacte, les usages linguistiques différents d’un pays à l’autre ne devaient pas freiner la circulation des informations, notamment la promotion des travaux étrangers dans le milieu archéologique français. À la différence de beaucoup de ses collègues archéologues, qu’il jugeait « peu polyglottes »22, il réussit à mettre ses aptitudes au service de revues prestigieuses en proposant régulièrement des comptes rendus d’ouvrages étrangers.
La correspondance dans l’élaboration du Manuel
13La correspondance a joué un rôle évident dans l’élaboration et la rédaction du Manuel, puisque plus de la moitié des correspondants y sont cités pour leurs travaux. Chaque information semble d’ailleurs avoir été soigneusement archivée par l’archéologue, comme le montre l’exemple assez éloquent d’une lettre d’Edoardo Brizio reçue en 1898 et qui fut seulement exploitée dans le quatrième volume du Manuel23. Dans ce cas, la correspondance semble avoir pour fonction de servir de document préparatoire, d’avant texte, que l’archéologue devait avoir classé et conservé en vue d’un usage postérieur. Dans d’autres cas, elle revêt un usage plus dialectique entre le correspondant et le scripteur : Déchelette24 consulte ainsi son « maître » Montelius à propos de la nature des objets que pouvait transporter un chariot comme celui de Dejbjerg découvert dans le Jutland dans les années 1880 ; si pour l’archéologue roannais, ce type de char était destiné à transporter des chaudrons sacrés, Montelius privilégie dans sa réponse l’hypothèse du transport de l’image d’une divinité sans toutefois exclure totalement la présence de chaudrons. Dans le Manuel, Déchelette ne tranche pas et préfère garder les deux hypothèses tout en précisant en note de bas de page la position de son collègue suédois25.
14Déchelette avait déjà largement recouru à la correspondance dans l’élaboration des Vases céramiques ornés de la Gaule romaine, autre œuvre fondamentale de l’archéologue roannais qui avait paru en 1904. Mais pour le Manuel, celle-ci semble avoir plus largement participé au processus de maturation et de rédaction, en servant à la fois de catalyseur d’informations qui ont été directement reprises dans l’ouvrage, et d’espace de discussion entre ses correspondants et lui.
15En ce sens, le Manuel peut être considéré comme le fruit d’une entreprise collective à laquelle chaque correspondant a contribué par les informations, les photographies ou les planches parfois inédites qu’il pouvait fournir26. Déchelette a-t-il sans doute développé là une manière de travailler assez comparable à celle qu’il utilisait dans l’entreprise, et qui était fondée sur un système de correspondants locaux chargés des commandes. Pour le Manuel, il s’agissait de s’appuyer sur un réseau de savants susceptibles d’alimenter l’énorme documentation qu’il devait réunir pour parvenir à une mise en ordre raisonnée des connaissances sur la période protohistorique27. En transposant dans sa démarche scientifique des compétences acquises au cours de son activité professionnelle, l’archéologue pouvait tirer le meilleur parti de son réseau personnel dont l’ampleur géographique constitue une autre originalité si on le replace dans le contexte de l’époque.
Le réseau européen de Déchelette
16En effet, peu d’archéologues disposaient comme Déchelette de réseaux aussi étendus à l’échelle européenne28. Il est bien évident que son statut social a largement favorisé l’extension de ses relations à travers toute l’Europe, mais sur le plan des sociabilités savantes, un autre facteur peut expliquer le positionnement original de Déchelette dans son réseau. Une analyse limitée au réseau des correspondants scandinaves peut en effet aider à comprendre quelle place ce conservateur d’un modeste musée de province y occupait. La représentation graphique ici proposée (figure 4) est construite à partir des citations présentes dans les lettres, c’est-à-dire des citations qui signalent des travaux scientifiques ou/et des relations sociales29. Elle montre ainsi une faible proportion de collègues non scandinaves : parmi les savants français, figurent seulement Pierre Paris à propos de ses travaux sur l’Espagne, Émile Cartailhac et Salomon Reinach, tous deux ayant aussi des relations avec Oscar Montelius et Ture J. Arné. Apparaissent aussi deux savants belges : Alfred de Loë, conservateur aux Musées royaux du Cinquantenaire à Bruxelles et connaissance de Valdemar Schmidt, et l’archéologue Louis Siret à propos d’une de ses collections. Un jeune savant suisse David Viollier, que connaissait Oscar Almgren, sera mis en relations avec Oscar Montelius par Déchelette pour aider la duchesse de Mecklembourg à publier les résultats de ses fouilles en Carniole. En 1913, la duchesse avait invité Déchelette et Montelius sur ses chantiers, ceux-ci avaient fait la promotion des découvertes ducales à leur retour30. C’est d’ailleurs la seule femme archéologue qui apparaît dans le réseau.
17Par les nombreux contacts qu’ils entretiennent avec l’ensemble des acteurs du réseau, Déchelette et Montelius sont les deux personnalités qui se dégagent le plus clairement du graphe. Pour Montelius, ses fonctions de professeur à l’Université d’Uppsala et, à partir de 1907, de directeur du Musée national d’Antiquités de Stockholm justifient la position dominante qu’il occupait dans le milieu archéologique suédois, voire scandinave. La position de Déchelette est plus singulière et pourrait s’apparenter à ce que les sociologues des réseaux nomment celle du tertius gaudens (le « troisième larron »), c’est-à-dire un individu qui relie plusieurs sous-groupes, plusieurs cliques, et qui peut être considéré comme un intermédiaire essentiel dans la circulation des informations ainsi que dans les interrelations31. Cette position était avantageuse, car, en n’appartenant pas à des corps constitués, Déchelette avait toute latitude de choisir ses relations et, dans une certaine mesure, de rallier certaines écoles de pensée. Le résultat le plus concret de ce positionnement est sans doute la reconnaissance qui lui fut accordée par ses collègues, puisqu’il fut intégré à plusieurs sociétés savantes : la Société royale des Antiquaires du Nord (Copenhague) et l’Académie des Belles-Lettres, d’Histoire et d’Archéologie de Stockholm en 1911 ; ou encore la Société finlandaise d’Archéologie en 1913. Enfin, on peut penser que les liens tissés avec les terres nordiques se seraient resserrés : juste avant la déclaration de la guerre, un projet de voyage se dessinait puisque Déchelette avait été invité à venir donner une série de conférences à la Glyptothèque de Copenhague32.
18Si la correspondance reste une ressource primordiale pour l’analyse du réseau européen de Déchelette, le Manuel offre en filigrane l’image la plus intéressante d’une synthèse en cours d’élaboration, dont chaque étape peut être suivie et interprétée à l’aune des échanges épistolaires. Pour cette aventure à laquelle il consacra près de quatorze années, Déchelette réussit à mettre sur pied un réseau, étendu à travers toute l’Europe, de correspondants efficaces et loyaux dans le partage de leurs connaissances. Là réside le succès de cette œuvre qui resta jusque dans les années 1970 une référence pour l’archéologie protohistorique.
Bibliographie
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10.3406/gradh.1991.1376 :Annexe
Illustrations
Notes de bas de page
1 Cet article est un bilan synthétique d’une recherche approfondie des réseaux européens de Joseph Déchelette à partir de la correspondance, des publications et des archives conservées à la bibliothèque du Musée de Roanne, ainsi que dans d’autres fonds situés en France et en Europe. Cette étude a été menée dans le cadre d’un programme de recherche collectif soutenu par la DRAC Rhône-Alpes (2009-2014) et devrait donner lieu prochainement à une publication de la correspondance européenne de Joseph Déchelette.
2 Parmi les études sur Joseph Déchelette, il faut citer la thèse publiée de M.-S. Binétruy, De l’art roman à la Préhistoire. Des sociétés savantes à l’Institut, itinéraires de Joseph Déchelette. Plus récemment : L. Olivier, « Joseph Déchelette 1862-1914 », p. 275-288 ; S. Péré-Noguès (dir.), Joseph Déchelette. Un précurseur de l’archéologie européenne.
3 M.-S. Binétruy, « Joseph Déchelette, commis voyageur de l’Europe », p. 173.
4 M. Altit-Morvillez et S. Péré-Noguès, « Le long chemin vers l’Institut », p. 39-48.
5 Ce cabinet a été aménagé en 1901 en raison des températures hivernales qui sévissaient dans la bibliothèque : A. Journaix, « La bibliothèque comme « atelier » du savant », p. 148-153.
6 Sur ces aspects, J.-F. Bert, L’atelier de Marcel Mauss, p. 97-106.
7 C’est le cas du tiré à part de son article sur le culte du soleil pour lequel il avait reçu beaucoup de courriers ; si des cartes signées par l’archéologue suédois T.J. Arné ou le professeur allemand F. Studniczka sont collées sur la couverture, les pages de garde sont annotées de plusieurs références bibliographiques qui laissent supposer que Déchelette les avait mises en instance pour une reprise du dossier.
8 M.-S. Binétruy, « Joseph Déchelette, commis voyageur de l’Europe », p. 173-188 ; S. Péré-Noguès, « Les travaux et les jours », p. 243-246.
9 A. Barras, « Le conservateur de Roanne en Égypte », p. 157-161.
10 Il devait y faire son voyage de noces au printemps 1905.
11 Pour une approche générale : N. Richard, « La préhistoire au quotidien », p. 81.
12 Ch. Déchelette, « Joseph Déchelette et la Maison Déchelette-Despierres », p. 88-89.
13 Il était alors surintendant des Antiquités des Marches et des Abruzzes et directeur du Musée archéologique d’Ancône. Il avait été l’élève de l’archéologue Edoardo Brizio, l’un des pères de la protohistoire italienne.
14 Comme l’atteste la description qu’il donne en note de bas de page du mobilier céramique mis au jour dans la nécropole de Filottrano que I. Dall’Osso avait fouillée ; Déchelette indique « renseignement de M. Dall’Osso », pour bien spécifier que l’information lui a été donnée oralement par le fouilleur lui-même : J. Déchelette, Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, p. 1091, n. 1.
15 Ibid., p. 1088-1092.
16 Par une première communication au 54e Congrès de la Société française d’archéologie à l’automne 1899, puis une seconde au XIIe Congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhistorique de Paris l’année suivante. Les deux furent publiées. Voir G. Pierrevelcin, « Joseph Déchelette et l’oppidum de Stradonice : un jalon dans la compréhension de l’Europe celtique », p. 181-183.
17 Il était conservateur du département d’archéologie préhistorique du musée de Prague. Il mit fin à ses jours suite à une violente polémique autour de l’authenticité de manuscrits tchèques médiévaux.
18 S. Péré-Noguès, « Joseph Déchelette au Congrès de Genève (1912) : réseaux et reconnaissance scientifique », p. 78.
19 Ibid., p. 79-84.
20 C. Jacob, « Le miroir des correspondances », p. 12.
21 « Comme la langue française ne m’est pas familière, et que vous lisez parfaitement l’allemand ainsi que l’italien et le latin, permettez-moi de vous adresser ces lignes en allemand », August Oxé à Joseph Déchelette, Crefeld, lettre du 27 décembre 1901.
22 Joseph Déchelette à Salomon Reinach, Roanne, lettre du 2 janvier 1908.
23 S. Péré-Noguès, « La correspondance de Joseph Déchelette. Reconstitution et histoire d’un réseau de savants européens », p. 220.
24 Joseph Déchelette à Oscar Montelius, Roanne, lettre du 30 octobre 1911 (Oscar Montelius arkiv E1c : 66 ; Riksantikvarieämbetet Swedish National Heritage Board).
25 J. Déchelette, Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, Troisième partie, p. 925-927.
26 À titre d’exemples, la photographie inédite fournie par le marquis de Cerralbo et reproduite dans le volume sur l’époque de Hallstatt : J. Déchelette, Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, Deuxième partie, p. 689.
27 S. Péré-Noguès, « Le Manuel, une œuvre européenne », p. 265-275.
28 D’autres archéologues comme Émile Espérandieu et Émile Cartailhac disposaient de réseaux équivalents et dont la proximité avec celui de Déchelette est très intéressante, mais dans l’ensemble ils restent plutôt rares.
29 Par recoupement avec d’autres réseaux, dont ceux de Salomon Reinach ou d’Émile Cartailhac, nous avons ajouté les liens connus entre eux et certains savants scandinaves.
30 S. Péré-Noguès, « Les réseaux en France et en Europe », p. 233-234.
31 P. Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, p. 63.
32 Quelques semaines après sa disparition, Frederik Poulsen se souviendra : « Il y a une année, j’ai eu une correspondance avec lui concernant une série de conférences qui devaient avoir lieu à la Glyptothèque. Malheureusement, le projet ne fut pas réalisé, bien que Déchelette y fut très intéressé. » (Copenhague, 5 décembre 1914).
Auteur
ORCID : 0000-0002-4776-3705
Maître de conférences en Histoire ancienne
Université Toulouse Jean-Jaurès – Traces (UMR 5608)
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