Le bœuf ou la truie : l’animal dans les fêtes et compétitions du Saint-Empire (xve-xvie siècles)
Résumé
Cet article analyse la place et la fonction des animaux dans les festivités urbaines du Saint-Empire, et singulièrement dans les concours de tir qui représentent la forme majeure de compétition aux xve et xvie siècles. Des spectacles périphériques mettent en scène des animaux comme objet de compétition, qu’il s’agisse de simples courses de chevaux (palio) ou de spectacles d’exécution. Les animaux font également partie des récompenses traditionnelles attribuées aux tireurs. Le choix des animaux – bœuf de la victoire ou truie de l’humiliation – traduit une grammaire urbaine de la virilité, enjeu essentiel d’une sociabilité bourgeoise et masculine.
Texte intégral
« Je me rappelle avec quelle grâce, miséricorde et obéissance, avec quelle patience ce grand bœuf terrible se laissa conduire en procession, tenu par le licol […], comme s’il oubliait toute fureur et mugissement, comme s’il […] voulait montrer : “Ici ce n’est pas de fracas et éclats, de fureur et mugissements (malgré les éclats et effrois provoqués par arquebuses et tambours), mais d’amitié et de miséricorde que l’on usera désormais et dorénavant, dussé-je à la fin y perdre la vie1”. »
1À travers le recours à la prosopopée, donnant la parole à une bête imposante, mais pacifiée par l’événement harmonieux dont elle est témoin, l’auteur du récit développe plusieurs paradoxes : le fracas des armes est occasion de paix, la mort programmée du bœuf scelle l’amitié entre hommes de bonne volonté. Johannes Kessler (ca. 1502-1574), un des premiers partisans de la Réforme dans la ville de Saint-Gall, consacre une place de choix dans les Sabbata, chroniques écrites entre 1523 et 1539, au tir d’arquebuse de mai 1527, une occasion majeure de réunion du camp évangélique dans la région2. Il fait écho à une visite de trente-deux Saint-Gallois à Zürich en août 1526, peu après la destruction des autels par les Zwingliens3. Alors qu’en 1490 Zurichois et Saint-Gallois s’étaient affrontés, Kessler souligne les « conséquences de la prédication unanime de l’Évangile, qui déracine l’inimitié ancestrale et plante l’émulation amicale4 ». Le concours, de faible importance avec 25 florins d’aventures au total, rassemble cent soixante-dix-huit tireurs des villes et régions enclines à la Réforme5. Le tir commence le dimanche après le prêche et s’achève le mercredi avec sept cents convives pour le banquet final6. Le clou du spectacle est l’arrivée de quatre cents hommes de la Ligue de la Maison-Dieu7 ; à leur tête, Fuchs Gerster offre un bœuf aux Zurichois, lesquels versent en retour 10 florins, « non pour payer le bœuf, mais pour montrer leur amitié et leur gratitude8 ». Au milieu de plaisanteries bénignes, Gerster lance une pique envers les cantons catholiques :
« Si nos dignes seigneurs de Lucerne, Schwyz et Glaris étaient également venus, nous leur rendrions volontiers même honneur et même amitié ; mais comme ils ne sont pas présents, nous avons voulu rendre visite et honorer nos dignes et chers seigneurs de Zürich9. »
2Si la place du bœuf des Grisons est singulière, soulignant pour les présents l’hommage aux Zurichois et pour Kessler l’état de grâce de la fête évangélique, la présence des animaux dans les festivités du Saint-Empire est récurrente bien que méconnue. Vecteurs ou victimes d’un rituel ou d’une compétition, ils prennent fréquemment la forme d’une récompense à l’issue d’une performance sportive ou festive. L’animal n’est pas seulement au cœur d’une relation agonale avec l’homme, mais possède une valeur qui incite individus et collectivités à le briguer. En déployant la palette des animaux et en rappelant les usages ainsi que les enjeux symboliques qui leur sont attribués, nous espérons montrer que ces animaux constituent des éléments souvent implicites d’une « grammaire urbaine », en particulier d’une symbolique confortant l’identité masculine et civile des bourgeois.
Les animaux comme sujets des festivités du Saint-Empire
3Les compétitions principales des xve et xvie siècles sont les concours de tir à l’arbalète ou à l’arquebuse10. Ces tirs organisés entre la Pentecôte et novembre sont financés par la ville-hôte ainsi que par les localités souhaitant participer à la gesellschaft pour « entretenir l’amitié et le bon voisinage ». Le tir est souvent agrémenté de divertissements secondaires tels que courses, loteries ou jeux de hasard, ne devant leur organisation qu’au souci d’étoffer le programme festif. C’est dans celui-ci qu’apparaissent certains animaux au cœur de pratiques compétitives ou ludiques. Si l’on exclut la chasse et les tournois, plus aristocratiques, on peut identifier deux catégories essentielles de spectacles pour les festivités de l’Empire : les courses hippiques et l’exécution d’animaux.
4Contrairement aux villes italiennes pour lesquelles le palio constitue un moment clé de l’identité municipale, les courses hippiques apparaissent dans l’Empire comme le résultat de transferts culturels depuis l’Italie11. L’historiographie s’appuie sur quelques règlements et résultats de courses, mais aussi des lettres d’invitation. Les courses « à l’écarlate » (Scharlachrennen), couleur de l’étoffe remportée par le vainqueur, sont souvent organisées lors des grandes foires annuelles de villes telles que Vienne (dès 1382), Augsbourg, Ulm, Munich ou Nördlingen, ainsi que dans les résidences princières de l’Allemagne méridionale12. La fête de Marbach au printemps 1511 est liée aux noces d’Ulrich VI de Wurtemberg avec Sabina de Bavière, nièce de l’empereur Maximilien. Ce mariage associe deux traditions hippiques, la bavaroise attestée depuis 1448 et celle du Wurtemberg importée de Mantoue lors du mariage prestigieux d’Eberhard im Bart (1445-1496) avec Barbara Gonzague en 147413. La présence d’équipages bavarois à Nördlingen ou Augsbourg ne surprend guère, puisque la jeune génération des ducs Wittelsbach met en scène ses rivalités et ses réconciliations lors d’épreuves athlétiques ou hippiques au cours des années 1470, chez eux comme chez leurs voisins14.
5Le palio allemand ne connaît cependant pas un succès durable. Ottheinrich de Palatinat-Neubourg (1502-1559), membre d’une lignée cadette des Wittelsbach, met en place des courses dans sa résidence de Neubourg, à l’imitation de Munich, mais ce projet entamé en 1532 arrive à contretemps, alors que les courses de Nördlingen tombent en désuétude et qu’un décret ducal supprime le palio viennois en 1534, et la dernière course de Neubourg a lieu en 1541. Outre les lourdes dettes qui forcent le prince à renoncer à ses ambitions, l’adoption de la Réforme le coupe de ses liens avec ses cousins de Bavière15. Les cours princières adoptent d’autres pratiques festives. Le palio ne semble survivre qu’à Munich jusqu’à la fin de la guerre de Trente Ans. La mode reprend à la fin de l’époque moderne, importée de Grande-Bretagne16. Par un curieux effet de retournement, la course organisée en 1810 pour le mariage de Ludwig Ier est à l’origine de l’Oktoberfest munichoise, dont l’une des attractions majeures reste un défilé de tireurs17.
6D’autres spectacles reposent sur l’exécution d’animaux, qui peut être combinée avec la course hippique : en marge du tir de Halle (1560), on organise une course de chevaux montés à cru, dans le but de décrocher six oies pendues par les pattes à une corde tendue. Trois des oies sont décapitées à la main, après que maints cavaliers ont été désarçonnés18.
7La culture allemande se satisfait de bêtes de moindre envergure que les taureaux de l’espace méditerranéen. Le « jet au coq » (Hahnenwerfen) figure au tir de Ratisbonne (1586), mais aussi en Silésie aux xvie et xviie siècles. Ordinairement pratiqué le Mardi gras, il est l’un des exemples de maltraitances animales contre lesquelles s’insurgent les Lumières anglaises. Les compétiteurs lancent des bouts de bois (prügel) sur un coq : le gagnant est celui qui l’achève. La mort provient après une résistance acharnée ou une longue souffrance, euphémiquement résumée par un poète :
« Ce n’est pas de sitôt qu’on l’a abattu19. »
8Alors que le « lancer de renards » (Fuchsprellen) ne connaît de succès à Dresde ou à Vienne qu’au cours du xviie siècle, les spectacles confrontant des aveugles et des cochons agrémentent les tirs de Spire (1487), Zwickau (1489) et Heidelberg (1490). Dans la mesure où l’invitation de Zwickau ne le mentionnait pas, le jeu peut avoir figuré en marge d’autres fêtes. La version allemande de l’ouvrage moralisant Speculum Vitae Humanae le mentionne d’ailleurs à Nuremberg en le comparant avec la tradition romaine du massacre d’animaux sur le mont Testaccio20.
9On a vu dans ces spectacles un moyen de conjurer la peur collective vis-à-vis du handicap ou des marginaux. Olivier Richard l’interprète comme une parodie par la ville de sa propre martialité ainsi que des tournois, mais aussi comme un échange économique imposé à des pauvres valides exposant leur intégrité physique dans l’espoir d’une récompense. Les tirs, comme les foires, conciles ou visites impériales, attirent les marginaux qui espèrent bénéficier d’aumônes plus généreuses. La perspective d’un gain d’argent spécifique à leur handicap peut inciter au voyage, la cécité n’empêchant pas la mobilité. Pour le public, le combat des aveugles n’est pas banal, d’où sa place comme « clou du spectacle ». L’ambivalence du spectacle entre humiliation et intégration s’observe également chez la catégorie marginale des prostituées21.
Les animaux comme récompense
10La compétition suppose un intérêt matériel ou immatériel à concourir. Jeu à sommes nulles, redistribuant aux gagnants la cagnotte globale, la fête doit attirer suffisamment de tireurs pour en assurer le succès symbolique et la qualité sportive, et proposer de nombreuses récompenses et un prix d’entrée accessible. Si les villes principales exigent un Leggeld d’un florin et peuvent subventionner leurs tireurs, une petite bourgade rurale se contente de la moitié. Selon l’ampleur du public et l’attractivité géographique, les organisateurs offrent parfois, à travers une trentaine de lots dégressifs, plusieurs centaines de florins. L’équilibre économique ne peut être atteint que si la ville attire un nombre équivalent de participants22.
11Le choix de garantir une large palette de gains, de l’équivalent du Leggeld au premier prix marquant la générosité de la ville-hôte, entraîne une gamme variée de prix de nature différente. La combinaison de sommes numéraires, d’objets et d’animaux est pour ainsi dire traditionnelle. Ainsi, les courses de palio offrent généralement trois prix, une pièce d’étoffe, une arbalète et une truie, suite directement importée des traditions italiennes23.
12Les données de près d’un millier de concours de tir aux xve et xvie siècles, compilées à partir des chroniques et programmes festifs, permettent d’apprécier les tendances de la répartition des catégories de gains. Par rapport aux autres prix, le Best se distingue le plus souvent par l’enrobage rituel lors de sa remise. Les concours les plus anciens proposent des prix sous forme d’objets et d’animaux. On peut constater un attachement symbolique à présenter le premier prix sous une forme non monétaire, avec près de 300 objets ou animaux sur près d’un millier de cas. Le vainqueur a cependant la possibilité d’obtenir sa valeur en monnaie, et de transformer son gain sous une forme pécuniaire, d’autant que se diffuse l’habitude de décerner simultanément un drapeau symbolisant amplement sa victoire.
13Parmi ces récompenses animales, le bœuf occupe la première place dans plus de cent-dix concours, contre seulement une quinzaine pour le cheval. Ce dernier (Pferd, Ross) n’apparaît que dans des tirs organisés entre 1429 et 1465, dans l’espace alémanique et souabe, avant de disparaître du catalogue des récompenses. Sa place marginale correspond d’ailleurs à son effacement progressif dans les forces armées des villes allemandes. L’usage de l’animal n’est pas précisé, et sa valeur reste très variable24.
14Le bœuf, en revanche, animal le plus représenté, est un produit d’échange courant en Allemagne et en Italie septentrionale, espaces fortement urbanisés dont la demande carnée justifie d’importants flux depuis les alpages suisses ou les steppes hongroises25. Aussi n’est-il guère étonnant de constater que le chemin entrepris d’amont en aval et les temporalités correspondent à des pratiques économiques connues. En 1527, le bœuf de Saint-Gall est offert à Zürich, tandis que les six bêtes offertes en 1517 par Uri, Schwyz et Lucerne sont abattues à Bâle26. Les bœufs gris apparaissent en Autriche ou dans le Haut-Palatinat, sur les routes d’exportation depuis la Puszta27. Parmi les centaines de milliers d’animaux traversant l’Europe centrale chaque année, quelques dizaines sont ainsi converties à des fins politiques et symboliques à la période de la Désalpe28. Les textes parlent de bouvillons, taureaux (Stierlein, Öchsle, Stier), voire de bêtes plus impressionnantes comme le bœuf gris de Hongrie ou même d’aurochs à Joachimsthal en 1521. Là encore, tandis qu’on trouve des prix moyens entre 4 et 12 florins, des bœufs spécialement engraissés ou richement équipés se voient attribuer des valeurs bien supérieures29.
15La raréfaction des animaux comme récompense standard découle cependant de la dynamique de renchérissement des tirs au cours du xve siècle. Plus aucun animal, quelle que soit sa qualité, ne peut atteindre une valeur supérieure à 50 florins, somme que les villes les plus ambitieuses dépassent à partir des années 1470. Toutefois, s’il disparaît comme prix principal, le bovin demeure une pièce de choix lors des postludes du xvie siècle. Au grand tir de Stuttgart (1560), un bœuf majestueux, portant les armes du duc de Wurtemberg, est amené en cortège. Le bœuf est également récurrent dans les fêtes limitées à la bourgeoisie locale : les chroniqueurs parlent de « tir au bœuf » (Ochsenschiessen), ce qui a pu alimenter quelques confusions30.
16Bouc (Bock, Geissbock), agneau (Hammel) et bélier (Schafsbock) sont gagnés lors de petits tirs31. Leur valeur marchande est faible, de l’ordre d’une poignée de florins ou de thalers, mais légèrement rehaussée par les pièces accrochées à leurs oreilles et par le drap qui les recouvre, ce qui offre une relative souplesse aux organisateurs32. Le bouc est aussi un prix de danse entre célibataires dans cinq lettres de localités de l’Oberrhein. Ailleurs, les villageois s’affrontent autour d’un coq, d’une poule pour la revanche33.
17D’autres catégories animales sont rencontrées de manière exceptionnelle. Les seuls cerfs recensés sont offerts à Ansbach, arborant les armes du margrave de Brandebourg placées entre ses cornes34. Bien que nombre de villes disposent de parcs à cerfs dans les fossés de leurs remparts, le cerf est marginal dans la « grammaire urbaine » sportive, constituant en revanche un cadeau classique lors des échanges avec les princes35. Ultime liste de notre bestiaire, le tir organisé dans le hameau de Forndorf en 1510 offre, en plus de gobelets, un bœuf, un sanglier, une martre et un lièvre vivants, lesquels ne relèvent guère de la consommation et de la grammaire animale urbaines36.
Bête du triomphe et trophée d’humiliation
18L’offrande d’un bœuf n’est d’ailleurs pas limitée au tir, mais est récurrente dans la sociabilité suisse. Plusieurs bourgmestres reçoivent les faveurs de la compagnie qui a pris les bains avec eux (Badenfahrt) à Baden37. Ces parties de plaisir, qui plus est dans un des épicentres de la vie confédérale suisse, cultivent l’amitié entre les participants. En 1576, seize Zurichois dont neuf membres du conseil (bourgmestre, maître des comptes et secrétaire de ville) tirent ensemble et offrent aux deux premiers représentants un bœuf valant vingt-neuf couronnes qu’ils ramènent chez eux. Une autre Badenfahrt en 1534, rassemblant près de deux cents personnes dont vingt-six tireurs, est immortalisée par le don au bourgmestre Diethelm Röist d’un bœuf aux couleurs de Zürich38.
19Au don sont en effet associées deux étapes essentielles : le cortège du bœuf (non seulement depuis son pâturage jusqu’à sa livraison, comme on l’a vu à Saint-Gall, mais surtout jusqu’au retour à domicile du vainqueur), ainsi que sa transformation comme produit alimentaire.
20Le boulanger Andreas Lentz d’Esslingen, vainqueur du tir au papegai de Stuttgart (1579), est accompagné au retour par une troupe composée de ses camarades arbalétriers et de sa corporation. Le conseil interdit cependant que l’on tire, manifestation de joie habituelle, mais sévèrement réprimée, tant pour des raisons de sécurité que par souci de maîtrise du paysage sonore39.
21Une fois arrivé à destination, le bœuf devient le prétexte d’échanges économiques et symboliques entre l’individu et la collectivité qui l’a financé. Le bœuf gagné à Baden-Baden (1553) est échangé à l’hôpital d’Esslingen contre 20 florins. La couronne de fleurs, liée au prix et non au bœuf, peut être gardée par le tireur40. Le système d’échanges est pragmatique : le bœuf, manifestation spectaculaire de la gloire individuelle, n’est plus qu’un encombrement pour le bourgeois revenu chez lui, mais devient l’objet de la fierté collective.
22Le retour de l’animal à une forme consommable ne condamne cependant pas l’exploit à l’oubli. En 1580, Raimund Vogler (1528-1588), du conseil de Heilbronn, offre à ce dernier le bœuf remporté au tir au papegai de Stuttgart41. L’animal est remis au lazaret des syphilitiques (Franzosenhaus) contre un gobelet de cinquante florins. Vogler aurait fait peindre le bovin sur la façade de sa maison, agrémentée de rimes, recourant là encore à la prosopopée42. La gloire du bourgeois, appelé à de hautes fonctions (il devient bourgmestre en 1585) et vainqueur d’une rencontre où se bousculent les élites du sud-ouest de l’Empire, se marque directement dans le paysage urbain. Compte tenu de la longévité des noms de maisons dans l’espace germanique, hérités des enseignes ou des motifs les décorant, ce choix apparaît comme une tentative d’imposer la mémoire de l’événement dans la ville, mais également comme une appropriation par Vogler de la maison de son beau-père le réformateur Johannes Lachmann43.
23À l’inverse du bœuf célébrant la performance, un autre animal sanctionne l’échec des participants. Dans de nombreuses activités ludiques modernes fleurissent les expressions désignant les élus que leur moindre talent place dans une position peu flatteuse, au pied du podium voire en dernière position : cuillère en bois, médaille en chocolat, lanterne rouge, voire « fanny ». Il en est de même dans les sports médiévaux. Le cochon, avec le coq, est un animal typique des prix d’humiliation italiens : c’est par le refus de ce prix par un bourgeois que nous disposons de la première attestation du célèbre palio de Sienne44. En Allemagne du Sud, le cochon, plus souvent désigné sous le terme féminin en usage, la Sau45, remplit seul cette fonction. Bien connu de la ville médiévale, et certes d’une grande utilité pour sa viande, ses soies et son rôle de nettoyeur des immondices, il n’en est pas moins chargé de valeurs négatives. Même s’ils n’apparaissent pas systématiquement comme couple antagoniste, le bœuf, animal standard du vainqueur et le cochon, récompense rituelle du mauvais tireur, peuvent évoquer pour l’un des valeurs de virilité et de prestige, et pour l’autre une image de maladresse et de handicap46. Le fait que les arbalétriers de Nancy proposent aux moins bons tireurs un chapon en 1506 renforce l’idée que la compétition sportive est associée à un lexique de la virilité, associant différents animaux selon les bassins culturels47.
24La Sau appartient au canon rituel général. L’invitation précise souvent qu’il s’agit d’une truie vivante, que le gagnant est tenu de mener en cortège jusqu’à son auberge, franchissant l’enceinte urbaine avec elle48. Lors du mariage de sa fille Élisabeth (en 1570), Maximilien II organise un tir près de Spire, dont le cochon gras vaut vingt thalers49. Cette Sau générique est un bouc à Leipzig, agrémenté de plumes aux couleurs de la ville50. Dans les grands concours saxons, à chaque manche, le meilleur tireur se régale d’une volaille rôtie, tandis que le plus mauvais se contente d’œufs durs51. À Neustadt an der Haardt (1485), le dernier gagnant obtient aussi des chaussures nouées (ein par gebunden schuge)52. L’allusion au soulier des paysans laisse entendre que le mauvais tireur est indigne du titre de bourgeois. Ailleurs, une chaussure du mauvais tireur est clouée à la cible et réduite en charpie53.
25Le registre de l’humiliation, infligé par une fessée du saltimbanque ou par la communauté, joue sur la valeur personnelle (virilité), le statut culturel (citadin) et politique (bourgeois) de l’individu. La tache s’étend cependant également à la commune qui l’a envoyé. La liste des gains de Strasbourg (1576) rédigée à Esslingen rappelle qu’un d’entre eux a gagné un prix « pas loin de la Sau » : l’humiliation a été frôlée54. Le conseil de Fribourg-en-Brisgau intime à ses tireurs de ne pas rapporter de Sau de Stuttgart : mieux vaut pour la ville catholique que ses représentants reviennent bredouilles plutôt qu’avec le prix d’humiliation remporté devant tant de protestants55.
L’animal et l’homme : hypothèses
26L’interprétation selon laquelle l’attribution d’un animal marquerait la reconnaissance collective de la performance virile ou au contraire le rejet des prétentions du compétiteur propose l’hypothèse d’une équivalence entre qualités animales et vertus humaines. Sans être tout à fait certaine, cette hypothèse apparaît séduisante. Les bœufs (Ochs) ne sont pas présentés comme castrés, mais ont une encolure impressionnante, tels les bœufs de Hongrie, le seul bovin femelle étant un aurochs (Auerkuh). À l’inverse, le nom générique du cochon dans l’Allemagne du Sud est féminin, et son attribution dans tous les cas infamante.
27Or, le concours de tir, tant dans son cœur compétitif que dans son accompagnement festif, s’avère un laboratoire de la masculinité collective. L’impétrant est accepté tant qu’il a sa place dans le groupe et que, finalement, il ne s’en distingue pas56. La manière de participer et de se mêler à ses comparses détermine si l’on est digne ou non d’un statut qui associe virilité et civilité, rejetant clercs, paysans et juifs dans le même sac d’une masculinité imparfaite57. Les symboles de la truie et le châtiment de la fessée bafouent cette virilité prétendue. Lors du tir de Leipzig (1559), un homme, travesti avec des vêtements féminins typiques de la région de Dittmarschen, est présenté sur la Pritschenbank, le lieu de l’humiliation rituelle. Le public se gausse de ces paysans du Nord de l’Allemagne, définitivement vaincus cette année-là par l’oncle de l’Électrice, Adolphe Ier de Holstein, après des décennies de résistance aux princes territoriaux58. La victoire finalement lointaine est concrétisée par un travestissement, liant l’actualité politique et familiale au registre traditionnel des réjouissances.
28L’étude comparative des phénomènes festifs et compétitifs permet de refléter les récurrences de certaines pratiques. L’exemple des concours de tir, festivité centrale des réseaux urbains allemands et suisses, permet ainsi de déceler la richesse des usages des animaux, comme centre d’une compétition ou d’un spectacle, ou comme récompense non monétaire. Sortant de ses usages comme bien de consommation ou instrument de travail ou de locomotion, l’animal apparaît comme un moyen de récréation, conférant un statut aux différentes catégories d’individus qui l’affrontent ou l’obtiennent en récompense. Au-delà des impressions d’anecdotes, ces animaux soulignent les enjeux de ces rencontres qui permettent de réactualiser les identités civiques et viriles des participants, particulièrement dans une aire culturelle allemande saturée d’images négatives de masculinité imparfaite. En ce sens, dans les fêtes urbaines du Saint-Empire, l’animal faisait l’homme.
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Notes de bas de page
1 E. Götzinger, « Johannes Kesslers Sabbata. Chronik der Jahre 1523-1539 », p. 88. Les traductions sont toutes les nôtres.
2 Sources saint-galloises : E. Götzinger, « Johannes Kesslers Sabbata », p. 83-88 ; Id. (éd.), « Fridolin Sichers Chronik, Erste Bearbeitung », p. 81. Id., « Die Chronik des Hermann Miles », p. 320-322. Le récit du chanoine zurichois Wick (Zentralbibliothek Zürich, ms F 31, Wickiana, vol. 21 (1583), fol. 161r-179v) prend place à la fin d’un volume retraçant les événements de l’année 1583, certainement copié d’un texte antérieur ; un manuscrit similaire a également été joint au volume original des Sabbata (Stadtarchiv Sankt Gallen, Vadian. Samml. Hs. 72, fol. 561r-583v, indication amicale de Mme Rezia Krauer). E. Gagliardi, H. Müller, F. Büsser (éd.) Johannes Stumpfs Schweizer-und Reformationschronik, vol. 1, p. 356.
3 E. Götzinger (éd.), « Johannes Kesslers Sabbata », p. 40-41. J. J. Hottinger, H. H. Vögeli, Heinrich Bullingers Reformationsgeschichte, vol. 1, p. 369. G. Finsler (éd.), Die Chronik des Bernhard Wyss (1519-1530), p. 72-73.
4 E. Götzinger, « Johann Kesslers Sabbata », p. 85 : « so vil hatt die ainhellig predig des euangelions die erbfigendschafft ußgerut und fruntliche anmuttigkeit ingepflantz ».
5 Miles cite cinquante-quatre Zurichois, quarante habitants de Constance, seize de Lindau. E. Götzinger, « Hermann Miles », p. 320. Le registre est intégré dans les Wickiana, vol. 21 (1583), fol. 166v-170v.
6 Le prédicateur est Christoph Schappeler (1472-1551), réformateur de Memmingen, qui aurait joué une part active dans le programme des paysans révoltés en 1525 avant de fuir la répression en se réfugiant à Saint-Gall.
7 La ligue de la Maison-Dieu (Gotteshausbund) est une des trois organisations fédérées dans la ligue grise ou grisonne fondée en 1471. Les ligues grises sont elles-mêmes considérées comme un pays allié de la Confédération. Avec les articles d’Ilanz en 1524 et 1526, la ligue de la Maison-Dieu ôte tout pouvoir temporel à l’évêque de Coire.
8 E. Götzinger, « Hermann Miles », p. 321. Gerster, Ammann de la Ligue de la Maison-Dieu, est âgé de près de quatre-vingts ans en 1527 et meurt à la seconde bataille de Kappel. Vadian indique qu’il avait remporté l’épreuve du saut lors d’un grand tir à Saint-Gall en 1486.
9 Zentralbibliothek Zürich, ms F 31, Wickiana, vol. 21 (1583), fol. 173 r.
10 L. Crombie, Archery and Crossbow Guilds in Medieval Flanders. 1300-1500. L. Burgener, « Les jeux et exercices physiques en Suisse aux xve et xvie siècles ».
11 A. Kalb, Beiträge zur geschichtlichen Entwicklung der Pferderennen […]. G. Eis, « Zu den zeitgenössischen Aufzeichnungen über die süddeutschen Pferderennen », p. 353-356.
12 Nördlingen (1438), Munich (1448), Augsbourg (1454), Ulm (1463), Wiener Neustadt (1469), Strasbourg (années 1470), Landsberg (1479), Straubing (1528). La majorité des invitations conservées sont en fait des lettres d’invitation des tireurs, annonçant la tenue de la course. L. Mussgnug, « Das Nördlinger Scharlachrennen ». L. Mussgnug, « Das Augsburger Scharlachrennen von 1454 ». A. Bialecka, « Spectaculum scarlaci. Ritualität zwischen sozialer Integration und politischer Usurpation ». J. Hatt, Une ville du xve siècle : Strasbourg, p. 468-469. Stadtarchiv Nördlingen, Schützenbriefe, lettre de Landsberg, manuscrite (17-05-1479) : palio le lundi de Pentecôte (31-05) à Landsberg en l’honneur des ducs Christoph et Wolfgang de Bavière, sans concours de tir. L. Bachmann, Zum 500 jährigen Jubiläum der Kgl. privilegierten Schützengesellschaft Kitzingen, p. 66. Le conseil d’Ingolstadt reçoit des ordres pour faire son concours en 1529 comme à Straubing, « la course en moins » : Stadtarchiv Ingolstadt, B 1/I (Ratsprotokoll 1523, 08-01-1529). L’existence de courses organisées lors des dernières décennies du xve siècle à l’occasion de la Saint-Jean à Dresde est ignorée dans la littérature générale : O. Richter, « Das Johannisspiel zu Dresden », p. 113-114.
13 Le poids dans l’économie du duché des grands haras créés peu après en fait un enjeu majeur de la négociation après les troubles du pauvre Conrad en 1514 : W. Ohr, E. Kober (éd.), Württembergische Landtagsakten, p. 237. A. Tonni, « The Renaissance studs of the Gonzagas of Mantua ».
14 Stadtarchiv Augsburg, Schützen-Akten, Fasz. 1/1 (description du concours de 1470).
15 M. Kirch Hall, « ‘For amusement, merrymaking, and good company’ : horse racing at a German princely court ».
16 C. Eisenberg, « Pferderennen zwischen ‘Händler’ und ‘Heldenkultur’ : Verlauf und Dynamik einer englisch-deutschen Kulturbegegnung ».
17 G. Möhler, Das Münchner Oktoberfest. Brauchformen des Volksfestes zwischen Aufklärung und Gegenwart, p. 6-28.
18 B. Weissenborn, Geschichte des Schützenwesens in Halle und im besonderen der Halleschen Stadtschützen-Gesellschaft, p. 186-187. ; F. Sieber, Volk und volkstümliche Motivik im Festwerk des Barocks, dargestellt an Dresdner Bildquellen, p. 32. La décapitation de l’oie est encore pratiquée, en lien avec les fêtes de l’automne. En Westphalie, l’oie est désormais tuée avant le Gänsereiten ou Gänseköppen de la Saint-Martin ; à Sursee en Suisse, cette tradition est appelée Gansabhauet.
19 « Nicht bald hat man in gworffen todt ». C. Lerff, Das herrlich freundlich und nachbarlich Freyschiessen, p. G1. G. Schönaich, Die Freikränzleinschiessen der schlesischen Städte, p. 17-18.
20 O. Richard, « Le jeu des aveugles et du cochon », p. 538, note 52. Les noms de villes sont absents dans l’ouvrage latin publié par Martin Flach à Bâle (GW M 38458), fol. 81-83.
21 Les « courses de prostituées » sont attestées en Italie et dans l’Allemagne méridionale, et presque toujours liées au palio et aux tirs. Une analyse chronologique de leur expansion serait à mettre en parallèle avec les recherches sur les maisons closes urbaines.
22 Nuremberg 1458 : 22 prix pour 380 florins. Les tirs de Zurich (1504) et Augsbourg (1509) offrent 32 et 35 prix. Le concours de Landshut en 1493 aurait attiré 512 arbalétriers et 1 200 arquebusiers.
23 Stadtarchiv Nördlingen, Schützenbriefe, lettre d’Augsbourg, 1447 pour 1448 : « Messieurs les conseillers d’Augsbourg ont décidé d’organiser chaque année lors de leur foire annuelle à la Saint-Michel une course avec un drap d’écarlate, une arbalète, une épée et une truie, et ce à chaque fois le mardi après la Saint-Michel […] » (vnser lieb hrn die Ratgeben ze Augspurg fürgenomen haben das si aller Järlich vff Jr Jarmeß vff Sant Michels tag vß zegeben vermainen Ainen Scharlach ain Armprust ain Schwert vnd ain Saw, darumb ze Rennen. nämlich allwegen vff den nächsten afftermentag nach Santt Michels tag).
24 Geislingen (1442) : 6 fl ; Bâle (1429), 8 fl ; Ulm (1448) : 31 fl ; Nördlingen (1464) : 32 fl.
25 E. Westermann (dir.), Internationaler Ochsenhandel (1350-1750).
26 Sur les circuits d’exportation de l’élevage en Suisse orientale, P. Dubois, « L’exportation de bétail suisse du xvie au xviiie siècle : esquisse d’un bilan », p. 17, note 22.
27 Concours mentionnant des bœufs de Hongrie : Gleiß (1562), Ottensheim (1572), Berching et Ebelsberg (1573), Sulzbach (1586). Le bœuf gris, introduit en Europe centrale au début du xive siècle, aurait été exporté massivement jusqu’au xviiie siècle ; le transit international a fait l’objet d’une reconstruction patrimoniale, l’Altbayerischer Oxenweg.
28 Une date traditionnelle de l’abattage du bœuf à Francfort était la Saint-Gall, le 16 octobre, une des dernières dates de la saison de tir. F. Lerner, « Die Bedeutung des internationalen Ochsenhandels für die Fleischversorgung deutscher Städte im Spätmittelalter und der frühen Neuzeit », p. 199.
29 Joachimsthal (1521) : 50 fl ; Spire (1529) : 32 fl ; Neumarkt (1534) : 25 fl ; Ensisheim (1560 et 1566) : 40 thalers ; Pforzheim (1561) : 30 fl ; Neustadt an der Haardt (1581) : 40 fl.
30 A. Mänd, Urban Carnival : festive culture in the hanseatic cities of the eastern Baltic, 1350-1550, p. 130, interprète les Ochsenschiessen à Reval et à Lubeck comme un tir où l’animal formerait la cible, y compris lors d’un tir d’artillerie.
31 On trouve même un « bouc de Hongrie » – l’antilope saïga – à Linz en 1578 valant 20 florins avec son équipement. G. Grüll, « Linzer Schützenfeste im 16. Jahrhundert », p. 290.
32 Stadtarchiv Amberg, A 199 II, lettre de Waldmünchen (1569) : « Ein Geisbock jn jedem horn ein gülden thaller hangendt, dan mit einem Lüedischen hosentuch vnnd daffet zu eine wammes bedeckht, das alles zehen gülden woll werdt sein wierdt vnd ist ».
33 Stadtarchiv Kitzingen, Depositum HSG Kitzingen, lettre de Dettelbach (22-08-1471 pour le 25) : « Auch von des Hannen wegen, den vnser jung gesellen am sontag nehestvergangen bej euch herdantzet haben, habtt ir den benanten vnsern jungen gesellen vil ere herzeigtt […], vmb solchen hann wirtt man wider vmb dintzen wir haben auch dem selbigen hann Ein wypp geben ». Ibid., lettre de Volkach (27-08-1471 pour le 1er septembre) : « […] vnsere Jung gesellen […] zu tettelbach gewesen haben mit hübscheit vmb einen hannen gedantzt vnd den mit dantzen zu vns pracht ». Le bouc est aussi offert dans quatre danses de l’Oberrhein : Bergbieten (1467 et 1480), Gengenbach (1490), Rosheim (1491 et pour le début du xvie siècle). Quatre de ces lettres sont conservées aux archives de Strasbourg (III/155/16) et une à Haguenau.
34 Stadtarchiv Rothenburg A 1286, lettre d’Ansbach (1524) : « Zu solcher kurtzweill hat vnns vnnser gnediger her Marggraf Casimir zu Branndenburg etc. ainen lebendigen gehurnten Hirschen frey zum besten beuor geben, der soll also mit sein furstlichen gnaden wapen fornen zwuschen dem gehurn gezirt ». Également 1540 et 1544 : Stadtarchiv Kitzingen, Chronik Bernbeck/Rücklein, Register ersuchter vnd gehaltner schiessen, fol. 216 ; même lieu, Ratsprotokoll no 4, fol. 371 (23-08-1544).
35 Peu après avoir accepté d’organiser un concours de tir en l’honneur du margrave de Brandebourg en 1503, le conseil de Windsheim reçoit un cerf ; les villes de Nördlingen ou Rothenburg ob der Tauber bénéficient de cadeaux similaires.
36 Stadtarchiv Rothenburg, A 1286 a, lettre de Forndorf, commune de Wieseth (1510).
37 Sur la sociabilité des bains, cf. B. Studt, « Die Badenfahrt. Ein neues Muster der Badepraxis und Badegeselligkeit im deutschen Spätmittelalter ».
38 Zentralbibliothek Zürich, ms F 19, Wickiana, vol. 8-9 (1569-1571), fol. 240r-242r ; ms F 25, Wickiana, vol. 14 (1576), fol. 26r-26v ; ms F 21, Wickiana, vol. 10 (1572), fol. 19 v et 20r-23v. (liste des participants). E. Gagliardi, H. Müller, F. Büsser (éd.), Johannes Stumpfs Schweizer-und Reformationschronik, vol. 2, p. 339.
39 B. A. Tlusty, The martial ethic in early modern Germany. Civic duty and the right of arms, p. 78.
40 575 Jahre Schützengesellschaft Esslingen, p. 64-66.
41 Raimund Vogler est présent aux tirs de Stuttgart en 1560, 1581 et 1586 : Stadtarchiv Heilbronn, Ratsprotokoll, no 26, fol. 182 (09-05-1581) et no 28, fol. 983 (28-07-1586).
42 Universitätsbibliothek Heidelberg, Heid. Hs. 59, Heilbronner Weinbüchlein (1519-1815), fol. 16v-17r : « Schön also gezehlet war,/den 6ten Juni in dem Jahr,/Ludwig Herzog zu Würtemberg,/mich mästen ließ zu groser Stärck,/u. fing ein fürstlich schiesen an,/bey dem erschienen mancherley Man,/In Hoffnung mich ins heim zu führen/Aber solch Glück möcht keim gebühren,/Als Raymund Vogler zu Heilbronn,/Dieser bracht mich mit einem Schuß davon […] ».
43 K. Czaja et G. Signori (dir.), Häuser, Namen, Identitäten : Beiträge zur spätmittelalterlichen und frühneuzeitlichen Stadtgeschichte. La maison de Vogler, située Klostergasse 4 à Heilbronn, a été détruite lors des bombardements de 1944 ; nous n’avons pas d’indication sur la longévité de la représentation du bœuf.
44 O. Richard, « Le jeu des aveugles et du cochon », p. 544, note 75.
45 J. et W. Grimm, Deutsches Wörterbuch, art. « Sau », vol. 14, col. 1844.
46 On les retrouve côte à côte à Venise, où lors du Carnaval sont décapités un taureau et douze porcs, en commémoration de la victoire vénitienne sur le patriarche d’Aquilée en 1162. L. Pietribiasi, « Châteaux d’amours et de honte aux xiie et xiiie siècles dans l’Italie du Nord. Deux fêtes à Venise et Trévise ».
47 V. Jacob, « Documents historiques sur les anciennes sociétés de tir, notamment sur celles de Metz et de Nancy », p. 134-135 : « Item ung chappon pour la taixe (?) assauoir celluy qui sera le plus loing a chascune allee sera tenu prendre une plume dudit chappon et celluy que plus en auralt gaignera ».
48 Peut-on analyser ce transport infamant comme une forme de harmiscara ? Sebastian Brant, quant à lui, parle deux fois d’une truie portée « dans la manche » du tireur (« Wer schyessen will/vnd fält des reyn/Der breit die suw jm ermel heyn »). S. Brant, La nef des fous, p. 286-288. J.-M. Moeglin, « Harmiscara/Harmschar/Hachée – Le dossier des rituels d’humiliation et de soumission au Moyen Âge ».
49 R. Aulinger, Das Bild des Reichstages im 16. Jahrhundert. Beiträge zu einer typologischen Analyse schriftlicher und bildlicher Quellen, p. 275.
50 G. Wustmann (éd.), Das Freischießen zu Leipzig im Juli 1559, p. 50-51.
51 Ibid., p. 17. B. Weissenborn, Geschichte des Schützenwesens in Halle, p. 179.
52 Archives Strasbourg, III 155/16, lettre de Neustadt an der Haardt (1485) : « welcher die meinsten schüß hat nach dem so die kleinoter verteylt worden sint sol gewonnen han ein lebendig suw als gut als VI ß pfenning vnd ein par gebunden schuge als gut als drythalp schilling pfenning mit der selben suw sol er offentlich zu der herberge geleytet werden ».
53 A. Schopp, Geschichte der Ewaldus-Schützengilde in Düren, p. 13. M. Moeder, « Règlement d’une Société de tir mulhousienne du xve siècle ».
54 Stadtarchiv Esslingen, Reichsst. Zeit, Fasz. 152, no 2 (octobre-novembre 1576).
55 Stadtarchiv Freiburg, Ratsprotokoll 1560, fol. 445V (26-07-1560) : « jnen aber mit ernnst zevndersagt, sich scheidenlich vnd gesch[icklich?] zehaltten vnd khein saw zuzelegen oder ein Rath werden gepuerende straff gegen den schulden furnemen ».
56 L. Roper, « Blood and codpieces: masculinity in the early modern German town », p. 108.
57 L’étude de l’histoire des genres, et particulièrement des virilités à l’Époque moderne, est un des apports majeurs des Anglo-Saxons. Outre les travaux de B. Ann Tlusty déjà évoqués, on citera L. Roper, « Was there a crisis in gender relations in sixteenth-century Germany ? », p. 43-45. M. Meuser, « Distinktion und Konjunktion. Zur Konstruktion von Männlichkeit im Wettbewerb ».
58 G. Wustmann (éd.), Das Freischießen zu Leipzig im Juli 1559, p. 48. Sur les costumes paysans dans les fêtes saxonnes, cf. F. Sieber, Volk und volkstümliche Motivik, p. 25-46.
Auteur
Post-doctorant du LabEX HASTEC – Laboratoire de Médiévistique occidentale de Paris (LaMoP)
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Signes et communication dans les civilisations de la parole
Olivier Buchsenschutz, Christian Jeunesse, Claude Mordant et al. (dir.)
2016