Le poisson et les pêcheurs sur le littoral méditerranéen (xie-xve siècles) : innovation technique et sauvegarde de la ressource
Résumé
Le littoral méditerranéen de la France moderne présente un ensemble différencié : une côte languedocienne lagunaire se prolonge par la Camargue, les étangs d’Hyères, de Villepey et de Fréjus, et les petites lagunes aux embouchures des fleuves, Siagne, Brague. Le littoral de la Provence est cependant partiellement rocheux, parsemé d’écueils, de hauts-fonds et de petites îles. L’unité est dans une faune marine riche d’espèces, plus abondante à proximité de la côte, dans les lagunes et dans les fleuves : la pêche ne s’éloigne pas du littoral, se concentre dans les espaces marins fermés par de petits archipels, dans les passages obligés entre lagune et mer, fournis de pièges fixes, et sur les fleuves, garnis de filets et de barrages. L’ingéniosité technique des pêcheurs et la demande de villes peuplées et riches multiplient au xive siècle les arts traînants et dérivants, le lamparo, le gangui et la tartane. Leur efficacité conduit à de précoces alarmes, à des limitations administratives pour sauver la ressource menacée par le raclage des fonds et à une réflexion toujours inefficace.
Texte intégral
1Le littoral méditerranéen médiéval est un foyer d’initiatives techniques dans le domaine halieutique. En témoigne le lien entre inventivité et émigration : dès le xiie siècle sans doute les corailleurs marseillais suivent les dépendances de l’abbaye de Saint-Victor essaimées en Sardaigne ; aux xiiie et xive siècles, la pêche marseillaise du corail s’établit sur le littoral napolitain et amalfitain, protégée par des exemptions fiscales. Au xvie siècle, les pêcheurs provençaux importent la pêche au bœuf sur les rivages de Fiumicino, et au xviie, sur la côte des Marches, ce sont les patrons de tartanes de Martigues qui obtiennent un monopole décennal à Ancône en 1611, puis sont appelés à Pesaro par le duc d’Urbin en 16141. Languedoc et Provence apparaissent comme un foyer de techniques qui se déplacent d’ouest en est et se diffusent à travers l’émigration temporaire, comme en Sardaigne. Les déplacements propagent l’innovation, destructrice du milieu, révèlent le rôle décisif du marché, et dessinent une figure complexe du pêcheur, entrepreneur et artisan précaire, poussé à la migration.
2Le Golfe du Lion offre une faune marine riche et variée (tabl. 1). La richesse croît à proximité de la côte, dans la lagune et dans les fleuves : poissons anadromes qui remontent les cours d’eau pour se reproduire, comme l’alose, et catadromes qui les descendent, comme l’anguille, poisson bleu, d’habitat benthique profond ou néritique, entre littoral et surplomb du plateau continental, et espèces pélagiques qui migrent pour s’approcher des espaces de frai littoraux et des nutriments portés par les fleuves côtiers. La pêche suit ainsi le mouvement du poisson et prend un caractère saisonnier. La demande urbaine, étudiée par Louis Stouff2, permet d’évaluer le rôle des capitales provençales, Avignon, Aix, Marseille, et du réseau très dense des villes, Montpellier, Nîmes, Arles, Grasse et Nice, dans le développement de l’activité halieutique. Étangs et rivières permettent donc de capturer massivement les espèces marines à la saison des migrations et la présence des salines de « prolonger l’été » et de conserver le poisson.
Tabl. 1. - Le patrimoine du Golfe du Lion (*migrateurs).
Étangs | *anguille, *turbot, *muge, *loup, *dorade | carpe, brochet, perche | saint-pierre, omble, chevalier |
Rivières | *alose, *anguille, *pageot | barbeau, baudroie, brochet, carpe | esturgeon, lamproie, loche |
Fonds rocheux et herbiers | denté, griset, huître, mendole, murène | oblade, sar, sargue, saupe | |
Fonds vaseux, algues | barbue, baudroie, dorade, grondin, lingue, mendole, motelle | picarel, raie, rascasse rouget, rouquié, saint-pierre, serran | |
Fonds sableux | aiguillat, carrelet, dorade, émissole, pageot, pagre, ombrine | renard, roussette, sauclet (athérine), saint-pierre, sole, vive | |
Erratiques et migrateurs | aiguille, anchois, bogue, dauphin, espadon, liche, loup | maquereau, melette, merlu, palaie, sardine, thon, bonite | |
Céphalopodes et crustacés | langouste, poulpe, seiche |
Doc. H. Bresc.
3Les sources ecclésiastiques, cartulaires et chartriers des monastères carolingiens (Aniane, Gellone, Valmagne, Psalmody, Saint-Gilles, Saint-Victor de Marseille, Saint-Honorat de Lérins), des évêchés (Narbonne, Agde, Béziers, Maguelone, Arles, Antibes), puis des monastères de la Réforme grégorienne (Saint-Paul-de-Mausole, la chartreuse de Montrieux) permettent d’esquisser une géographie ancienne des pêcheries, au xie et au xiie siècle3 (fig. 1). Les sources de l’État, pauvres et tardives, les complètent, en particulier la grande enquête provençale de 1252 et de 1278 sur les droits comtaux4, tandis que de nombreuses notices d’archives apparaissent dans le glossaire maritime du commandant Noël Fourquin et de Philippe Rigaud et dans celui d’Henri Barthès5. Les archives communales ont été explorées à Agde6, à Montpellier, à Grasse, à Barjols, et, inégalement, les registres notariés, du xive et du xve siècle, à Marseille, à Arles, à Martigues et à Berre, à Cannes et à Antibes, à Menton7. Enfin, de nombreux procès entre possesseurs de pêcheries, pêcheurs traditionnels et innovateurs ont été conservés, en particulier dans le fonds des « Prudhommes pêcheurs » de Marseille, qui a alimenté les études de Sabin Berthelot et de Joseph Malavialle et qui mériterait une recherche particulière à la lumière de nouvelles problématiques.
4Cette géographie des pêcheries montre à l’évidence la précocité de l’espace languedocien, étendu jusqu’au débouché de l’Étang de Berre et le rôle de laboratoire des étangs : les grandes lagunes, et en particulier les étangs d’écrétage des crues, sont des zones de concentration des éléments nutritifs ; l’action des bactéries y recycle rapidement les sels des sédiments, à la condition cependant que l’eau soit suffisamment remuée, évitant la malaiga, l’anoxie. L’exode actif à l’automne et l’entrée échelonnée d’une grande variété d’espèces, muges et anguilles l’hiver, clupéidés (anchois et sardines) et pleuronectidés (sole, turbot) au printemps, permettent des prises faciles. La capture des oiseaux plongeurs, canards garrots, harles bièvres, foulques, autorisée en carême, complète le revenu.
5Les pêcheries provençales se concentrent au contraire dans des ensembles fermés et abrités par une île : le cap d’Antibes et l’archipel du Lérins délimitent ainsi un milieu halieutique, éclairé par la documentation de l’abbaye. Le golfe de Saint-Tropez, au débouché de lagunes et de petits fleuves, est fermé par des sèches ; l’espace qui sépare les îles d’Hyères et la péninsule de Gien, les golfes qui entourent Toulon, Sanary et Bandol, et l’archipel marseillais sont aussi des espaces fermés. L’usage du poison, suc de l’if interdit depuis 1275 par les statuts de la Riviera ligure jusqu’à Sospel, chaux et lait de la laitue agreste (euphorbe, prov. lachusclo) au xive siècle, y autorise des pêches miraculeuses, mais non sans danger, en particulier à Marseille, où il est prohibé en 1300 et en 13688.
La plus ancienne géographie : le laboratoire des lagunes et des fleuves
6Les instruments de pêche présentent précocement une grande variété (tabl. 2) tous élaborés dans les étangs et d’abord les plus simples : la pêche à pied, à la « fichouire », fouine (à Psalmody en 1283), la ligne munie d’hameçons (en 1257 dans l’étang de Scamandre, et en 1283 à Psalmody), la ligne de fond, la palangre (en 1338 à l’embouchure de l’Hérault, puis en mer, à La Ciotat en 1448) ; les nasses se distinguent mal des filets insérés dans les arts fixes : seule la nanssa apparaît, tard et fugitivement (à l’embouchure de l’Hérault en 1338, et dans la mer de Cannes en 1469).
Tabl. 2. - Les instruments de la pêche.
Instruments | En lagune | En rivière | En mer | |
Pêche à pied | Fichouire | 1241, 1252, 1283 | ||
Ligne | Hameçon | 1257 | ||
Palangre | 1338 | 1338 | 1338, 1448 | |
Ad linharem | 1294 | |||
Ad flexiam | 1294 | |||
Filets fixes | Segos | 837 | 837 | |
Boguière | 1380, 1426 | |||
Bourdigue | 1030, 1069, 1225, 1264 | |||
Sepes, maniguière | 1036-1060, 1293 | |||
Trabaque | 1203, 1301 | |||
Batude | 1173, 1191 | |||
Alosière | 1162, 1202 | |||
Rissole | 1338, 1387 |
Doc. H. Bresc.
7Les arts fixes apparaissent les premiers, et d’abord dans les eaux douces et saumâtres, filets et pièges qui portent les mêmes noms depuis le xiie siècle (fig. 2), bourdigues provençales, maniguières ou sepes des étangs languedociens, séries de chambres construites de claies plantées dans le sol de l’étang et de pantenas, filets en forme d’entonnoir, et qui conduisent le poisson vers la « tour » où on les capture à l’aide du salabre, grande épuisette à manche ; des poteaux forment l’« estacade », et ses limites sont signalées par de hautes perches, les agachons. La première bourdigue, gurgustrium… quod lingua rustica bordiculum vocant, est signalée entre les Martigues et Fos vers 1030 ; d’autres, implantées en travers du grau ou canal de Caronte qui unit l’Étang de Berre à la mer, sont données par les seigneurs des Baux et des vicomtes de Marseille à l’archevêque d’Arles dans les années 1069-1078. La bourdigue impose une discipline collective au moment de la ramada, après l’ouverture du grau pour laisser pénétrer les poissons, entre la Saint-Jean et la Saint-Michel, quand les femelles retournent vers la mer pour déposer les œufs : avec des rameaux tressés, on ferme les entrées, et, en faisant du vacarme et en frappant l’eau (c’est la bolegada), on contraint le poisson, muge, dorade, maquereau et anguilles, à entrer dans le piège.
8En Languedoc, la maniguière, apparue dès le xie siècle, se multiplie ou se diffuse à la fin du xiie siècle : l’abbé d’Aniane en cède quatre à Guilhem de Montpellier, et des parts de quatre autres sur les lagunes de Frontignan en 1202. Deux habitants de Lattes en construisent sept en 1214 devant la cabane de Carnon, centre de la seigneurie littorale de l’évêque de Maguelone9. Les pêcheurs de Frontignan en installent dans l’étang de Salses en Roussillon en 1279. Les pêcheurs d’Agde sont autorisés à en installer dans l’étang de Vias, tandis que la trabaque, trabaca, construite également de claies de cannes, permet d’orienter le poisson vers le filet, « paradière ». Autre art fixe, la batuda, attestée au xie siècle dans l’étang de Vic et à Maguelone, sera utilisée aussi en mer, comme la bolegada (La Ciotat en 1462), outil de la pêche au fracas. Les arts fixes apparaissent plus tardivement en Provence orientale, pauvre en étangs.
9Au plus près des prieurés qui peuvent fournir les abbayes en poisson d’eau douce, le développement des ressources des rivières est massif en Provence, rare en Languedoc, où les débordements des fleuves sont dévastateurs. La pêche de rivière avec pièges fixes, rissole à petites mailles, interdite à Frontignan entre 1036 et 1060 (rezaliare) et à Agde en 1338, carrelet (« rai »), épervier, demande des investissements moindres, et apparaît donc moins souvent dans la documentation.
10Les arts traînants sont précocement expérimentés dans les lagunes (fig. 3) : la senne, tendue et lestée, qui arrache les algues, attestée en 1164 à l’étang de Coute près de Saint-Gilles, se combine avec la pêche à la lumière en 1247 en Camargue. Le boulet ou bouliech, identique à la xabica sicilienne et au bulichi de la Tyrrhénienne, présent dans l’étang de Thau, suffisamment profond (Mèze dès 1177 et 1188, Balaruc en 1255), est interdit dans celui de Scamandre en 1257, associé à la pêche au fracas en 1173 près de Villeneuve-de-Maguelone (batendo et bolegando) et adopté en Camargue en 1307. On le retrouve en Roussillon en 1261. Le bourgin (ou brégin), installé par une barque, puis tiré à force de bras depuis la terre, attesté au xiie siècle à Frontignan, se multiplie au xiiie siècle ; il est ainsi interdit dans celui de Narbonne en 1227, et adopté en Camargue, puis en mer, à Hyères en 1237 et à Marseille. Le ganguil, introduit par les pêcheurs d’Agde dans les étangs de Thau et de Riac, entraîne la protestation des habitants de Mèze en 1321 et est interdit en 1332.
11Les arts dérivants apparaissent beaucoup plus tard (fig. 4) : la tona apparaît en Camargue en 1307 (on la dit de novo reperta), de même que le train, trinas, en 1348, repéré aussi en 1338 autour d’Agde.
12La pêche en mer est peu attestée. Les littoraux sont pourtant mis en valeur dès les temps carolingiens : le port même de Marseille est concédé à Saint-Victor dès le ixe siècle, des palissades (segos) aménagent en 837 « les plages de la mer » du fisc de Sète ; d’autres indices révèlent des pêcheries dans les mers de Sérignan, de Narbonne, de Maguelone, d’Agde et de Sète. Saint-Victor manifeste également son intérêt par l’acquisition de parts de seigneuries maritimes à Six-Fours, à Ollioules, à Saint-Tropez, tandis que Saint-Honorat dispose aussitôt d’un vaste domaine maritime, élargi à Mandelieu-La Napoule.
Expansion, développement de la pêche en mer, des techniques
La demande croissante
13L’appel de la consommation reflète trois composantes : la croissance des villes, le besoin suscité par la règle religieuse (140 à 150 jours de poisson, dont 46 de suite pour le carême), un goût différencié pour le poisson, salé et frais, non sans méfiance aussi envers un aliment froid et humide, selon le schéma galénien. Les muletiers viennent charger le poisson, sans doute saupoudré de sel, sur la plage de Fréjus pour parcourir 100 km jusqu’à Riez et 200 jusqu’à Seyne-les-Alpes. Grasse, Aix, Salon, Tarascon et Beaucaire, Avignon et Carpentras sont régulièrement fournis de poisson frais. Les sardines salées gagnent, par le port de Ra et Saint-Gilles, les marchés languedociens, le poisson salé de l’Océan et de la Garonne entre à Toulouse par le péage de Saint-Jory et celui de Marseille parvient à Orange, Montélimar, Valence et Romans, et, par les péages d’Aix, d’Orgon et de Valensole, Gap, Briançon, jusqu’à Pignerol sur le versant piémontais10. À Marseille même, la gabelle des portes enregistre, pour l’année 1426, un flux continu de poisson, salé pendant toute l’année et frais en carême, depuis l’étang de Berre : la production locale ne suffisait ni en quantité ni surtout en qualité11.
14Les comptes de la Chambre apostolique12 illustrent le large éventail du ravitaillement de la cuisine pontificale : sous Jean XXII, les étangs fournissent le poisson salé, anguilles, muges, congres, tandis que le thon salé est importé via Marseille et Montpellier. En 1333-1334, commence l’approvisionnement des viviers pontificaux en poisson vivant, brochets, tanches, carpes, brèmes par milliers, et en menu fretin pour nourrir les gros poissons. Des ballots viennent aussi de l’Atlantique, de La Rochelle et de Bordeaux, morues, harengs, morceaux de baleine et stockfish. Sous Innocent VI, la mutation se prolonge : le vivier reçoit de l’étang de Scamandre, et de Bourgogne, de Mâcon et de Trévoux, des brochets, jusqu’à 5 848 par an, des carpes, des anguilles, des barbeaux, des brèmes, des loches, des lottes, des tanches, des carpillons, par milliers. Le poisson salé de l’Atlantique se multiplie et se diversifie : harengs gais et harengs pleins, jusqu’à 29 000 par an, muges, morues de Cornouaille, seiches et mendoles. La cuisine achète des huîtres à Aigues-Mortes, des langoustes, des loches, des maquereaux, des rougets, des sandres dorés, des sardines, des saumons, apportés du Puy, des truites, des esturgeons, enfin, et des lamproies, poissons d’apparat présentés aux hôtes de marque, ainsi que deux dauphins et quelques très gros brochets.
15Le poisson de l’Océan, indispensable à la consommation de masse, se repère également dans les comptes de cuisine : le hareng (alec) accompagne l’anguille dans la cuisine du chapitre de Saint-Paul-de-Mausole en 1304 ; selon les jours il concurrence l’anguille, le muge, la seiche et l’esturgeon dans les statuts du chapitre de Maguelone en 1331, servis avec de la sorengue, sauce d’oignon frit13. Les poissons de qualité, au contraire, sont toujours frais : une liche pour l’évêque de Fréjus en 1340, du poisson blanc, des picarels, pour les malades de l’hôpital du Saint-Esprit à Marseille en 1410, des truites, des huîtres et des calmars pour le roi René en 1476.
16Ces poissons sont cuisinés suivant des recettes qui appartiennent à une cuisine internationale, qui a adopté le « let de Provence », lait d’amandes mêlé d’oignons rôtis, de persil et d’épices : sorengue, escabèche, poivrade, porrée, verjus, persil et accompagnement d’épinards à Maguelone en 1331, sauces de persil, d’amandes, de moutarde et complément d’épinards à la table de l’évêque de Fréjus en 134014, persil, menthe, oranges, ail et suc des pampres, encore avec les épinards, entourant ombrine, bogues et sardines, à celle de Benoît XIII à Nice en 1405, amandes, figues et oranges avec les harengs et le thon salé à Arles en 1471.
17Les mers languedocienne et provençale ne fournissent pas seulement aux besoins des capitales régionales, mais elles s’ouvrent au capital international et alimentent les grandes villes ligures à partir de 1380 : les Génois financent les pêcheurs de Cannes, d’Antibes et de Menton par l’achat anticipé des anchois, des sardines et des sargues salés. C’est la nourriture des pauvres.
18Les barèmes de prix fixés par les villes provençales et réunis par L. Stouff illustrent la nécessité politique d’un approvisionnement abondant et diversifié (tabl. 3). L’échelle des prix, résultante, non sans quelques variantes, de la hiérarchie des goûts et des capacités d’approvisionnement, place au sommet le thon, l’esturgeon, le poisson blanc (sole, rouget, alose, saint-pierre) et le poisson de rivière (omble chevalier et tanche), mais aussi le poisson de roche, peys mercant, de haut goût, destiné au brouet, puis viennent les céphalopodes, le poisson bleu, les squales, l’espadon, enfin le poisson salé, la carpe, la palaie (jeunes sardines destinées à la production de la sauce « pissalat » attestée au xvie siècle).
Tabl. 3. - Hiérarchie des goûts et des prix.
I | II | III | IV | V Hors taxe | |
Byzance | espadon salé, œufs salés | poisson blanc | poisson bleu, maquereau, palamite, sardine | thon, boutargue | |
Sicile (xive-xve siècle) | thon salé | scarda : sar, dorade, oblade | bistini : anguille, murène, congre, saupe oblade, bogue, mendole | rizza : seiche, calmar, anchois, maquereau | sciabica : loup, anchois et sardines, salés, thon salé |
Aix-en-Provence 1441 | thon, poisson à écailles | anguille, muge | poisson menu, hareng, langouste | anguille salée, muge salé, dorades | maquereau, seiches salées |
Avignon 1446 | thon, esturgeon, poisson blanc | poisson de rivière, pageot, denté, sardine fraîche | loup, muge, poulpe calmar, seiche, murène, congre, sardines et poissons salés | raie, carpe, maquereau, anguille, grondin | carpes de Marignane |
Grasse 1463 | thon, poisson blanc, poisson de roche, maquereau | congre, murène, rouquier | picarel, sardine, anchois, palaie | seiche, calmar, poulpe, thon, langouste | |
Grasse 1492 | thon, bonite, pageot, poisson de roche (peys bergo), maquereau | sardine, anchois, picarel | squales, merlu, espadon, peys salvage | seiche, calmar, poulpe, langouste, homard, truite, anguille, barbeau | |
Menton 1516 | thon, bonite, pageot | sardine, anchois, rascasse | |||
Nice 1545 | thon, bonite, poisson blanc | murène, bogue | sardine, anchois, maquereau, picarel, squales | ||
Marseille 1780 | poisson blanc, poisson de roche, muge, rouget, loup | congre, murène, anguille, muge | bogue, saupe, seiche, calmar, dauphin |
Doc. H. Bresc.
19D’autres documents, leudes, chapitres de la Pesqueria d’Aix en 144815, établissent une hiérarchie implicite semblable : thon, poisson à écailles, anguille, muge, poisson « menu », langouste, hareng, poisson salé, maquereau. À Menton, en 1516, on oppose les « poissons bons », thon, bonite, pagel « et autres poissons gros », et les poissons « menus », sardines, palaie, anchois, picarels.
20Si l’on met en perspective avec d’autres documentations, on peut suivre des continuités plus larges : les poissons blancs et le thon frais sont partout préférés, avec une variante en Méditerranée centrale et orientale (Byzance et Sicile) qui place en tête les grands poissons salés, espadon et thon, puis le poisson blanc à écailles, enfin les poissons pris dans les chaluts et les filets dérivants et écrasés ; viennent enfin les poissons bleus, les poissons longs et les céphalopodes.
La diversification de l’offre
21La hiérarchie des prix a pu orienter les pêcheurs dans leurs choix saisonniers : la demande concordante stimule la pêche du thon et des sparidés (dorade, denté), du turbot, du muge et du picarel. La valorisation d’espèces migratoires, thon, bonite, et le besoin de poisson bleu, maquereau, sardine, permet l’usage de grands filets, traînants et dérivants, dans les eaux littorales ou en haute mer et des formes de coopération, de pêche communautaire dans le maniement des immenses seinches. La hiérarchie des prix favorise donc la pêche de mer, tandis qu’entre les poissons de rivière, seuls l’esturgeon et l’omble chevalier appartiennent au groupe de tête ; les autres sont dans les échelons les plus bas, en particulier la lamproie et la carpe.
22Parmi les poissons les plus estimés, on note une majorité d’espèces de fond, sparidés (denté, dorade, pagel), pleuronectidés (turbot et sole) et mugilidés. On peut les prendre dans des pièges fixes ou par la pêche à pied, mais l’apparition des grands filets traînés multiplie les prises. Les poissons de roche, destinés au brouet, et appréciés en Provence orientale, sont ramassés par les filets tirés à la main, comme ceux qui fréquentent les fonds vaseux riches en zostères et en posidonies, les graviers et les sables ; les filets traînés glissent et draguent.
23Des méfiances jouent, liées à la méthode galénique16 : les poissons de boue, anguille, carpe, lamproie, et d’eaux impures, comme les muges, suscitent peu d’appétence ; dans l’ensemble, les petits poissons sont préférés aux gros, les poissons à écailles aux poissons sans écailles, moins purs et plus humides, les espèces de mer aux espèces d’eau douce, celles qui vivent en eau claire, sur les rochers ou dans le sable à celles qui vivent dans la vase. Chacun de ces choix souffre cependant d’exceptions qui signalent le rôle du goût : de gros poissons, le thon et l’esturgeon (mais non l’espadon), un poisson sans écaille, l’anguille, des poissons de vase, la sole, la barbue et le turbot, et même le rouget, sont dans le peloton de tête.
24Le premier signe de la demande accrue se marque dans l’apogée de la pêche dans les paluds. Les poissonniers avignonnais et les notables des villages de l’étang de Berre, « bourdigaliers » locataires ou emphytéotes des grands équipements, investissent dans la construction d’arts fixes. En 1303 ou en 1309, dans une grande cérémonie, « grande fête de loyalisme », Charles II, venu de Naples, inaugure solennellement la grande bourdigue royale, élargissant son espace aux dépens des autres possesseurs, l’archevêque d’Arles et les grandes maisons de Provence, les Porcellet, les Fos, les Baux. Après une procession de barques, le roi plante lui-même un grand agachon, assurant à la Couronne un revenu élevé. Cette multiplication des bourdigues ne va pas sans luttes : les pêcheurs protestent contre la fermeture du débouché de l’étang et contre le monopole de fait du poisson. À Villa de mar (les Saintes-Maries-de-la-Mer), les plus influents des citoyens tentent d’obtenir le monopole de la pêche dans les étangs (Castellinos, La Miracla, l’Espiguette, Consola Blancha) et dans les mers proches, mais ils sont contraints à renoncer à leurs filets17. D’autres procès, acharnés, tournent autour des limites entre zones de pêche en Camargue, sur le creusement de nouveaux passages entre les étangs et sur l’usage de nouveaux instruments, dévastateurs pour la faune lagunaire. Tout converge pour indiquer une pression économique très élevée.
25On entrevoit un déplacement des techniques de la bourdigue vers l’est : des pièges fixes sur le fleuve Argens sont en place au début du xive siècle et on construit des bourdigues au débouché des étangs de La Napoule en 1421. Un Camarguais, des Saintes-Maries-de-la-Mer, et un Languedocien, de Manduel, s’engagent auprès du chapitre de Grasse à construire un bordigol fait de poteaux, de cannes et de fascines fournis par le chapitre ; durant les quatre années d’exercice, la part des chanoines sera d’un poisson sur trois18. Circulation des spécialistes, généralisation du patrimoine technique et production de masse sont les caractéristiques de cette pêche presque industrielle.
26La crise militaire freine encore le développement de la pêche en haute mer. La piraterie sicilienne, appuyée par les Gibelins génois, a saccagé le littoral provençal. En 1323, une commission étatique ordonne l’abandon de plusieurs bourgs indéfendables, dont Saint-Tropez. Sur cinquante-huit castra littoraux enregistrés au xiiie siècle, vingt-deux sont abandonnés. La pêche des étangs garde donc son dynamisme : à Berre, la bourdigue de Drignon, louée 127 florins en 1426, rend 150 florins et quatre quintaux (160 kg) de poisson en 1455 ; une autre, plus petite, affermée 20 florins en 1444, en rend 25 en 1462, plus un baril de poisson et douze anguilles19. Les niveaux de production sont élevés : les pêcheurs d’Arles qui vendent le poisson de l’Étang du Comte aux poissonniers de Tarascon prévoient une fourniture par semaine de 200 carpes avant le carême et de 500 pendant le carême de 1415, plus des brochets et des perches ; dans d’autres contrats, on met en relief la qualité recherchée : dentus, liches, loches, Saint-Pierre et ombrines en 1433, turbots pêchés dans l’étang du Galéjon, près de Fos, l’année suivante20.
27Des cours d’eau modestes sont également utilisés pour l’élevage d’espèces rares : la municipalité de Barjols interdit ainsi en 1380 la pêche des écrevisses (chanbres) apportées sur l’ordre du sénéchal de Provence et placées dans un ruisseau, Aqua de Pontilhari21, sans doute le Ruisseau des Écrevisses d’aujourd’hui.
28Mais lagunes et viviers ne suffisent plus. L’assèchement des zones humides, de fertilité élevée et de bon rendement agricole (étang de Montady, parties de la Camargue), le drainage des dépressions fermées et le colmatage graduel des lagunes par les alluvions des torrents ont pu également réduire les capacités d’approvisionnement de proximité. Les xive et xve siècles voient le développement de la pêche en mer, concentrée et plus efficace ; La Ciotat, autonome depuis 1379, est ainsi un bourg de pêcheurs, même si presque tous les habitants sont aussi propriétaires de terre et probablement exploitants22, selon la règle de l’activité multiple dans les villages provençaux. En 1462, sur 45 contribuables le cadastre énumère trente possesseurs de filets et/ou de barques de pêche et quinze remises pour mettre les navires à l’abri ; en 1480, les contribuables sont 49, les barques 45 et, en 1502, les remises sont trente. Depuis 1379, les postes de pêche ont été distribués entre les nouveaux habitants et, en 1459, des règlements municipaux corrigent cette géographie et codifient l’usage des instruments, arts fixes bien connus par les inventaires du cadastre de 1462 : palangre, thonayra de posta, et les autres arts fixes, anguillar, antheas (thys, trémail), batuda pour les maquereaux, les saupes, les rougets, bolegada, rissola à petites mailles pour les athérines et les petites sardines, arts traînants, boliech, brugui, eysauega, ganguil, et dérivants, thonayra de corre.
29À Marseille, la communauté des pêcheurs passe de 27 patrons en 1431 à 66 en 1452. Un système de financement more piscatorum permet une avance uniforme de six florins par barque. Le port devient un centre de commerce du poisson salé, exportant en 1426 700 barils de sardines, 460 de thon et 1 600 charges de poisson. La pénétration du capital marchand se fait plus lourde : la calanque de Morgiou est affermée à Lucas Capon en 1462 pour l’énorme somme de 1 200 florins.
30À Menton, entre 1467 et 1527, les familles qui possèdent des barques, de six à vingt tonneaux de port, appartiennent à l’élite communale, celle des podestats, qui partagent le pouvoir avec les Grimaldi ou avec le représentant du duc de Milan. Les patrons sont une cinquantaine, une vingtaine donc en activité simultanément. Ils sont aussi marchands de poisson salé et financent d’autres entrepreneurs de pêche par l’achat anticipé des sardines et des anchois.
31La connaissance empirique des capacités halieutiques des mers littorales est essentielle : en 1470, après de nombreux conflits, résolus aussi à coups de rame entre pêcheurs de Cannes et d’Antibes, le littoral est divisé en huit calanques, cinq réservées aux premiers, et trois aux seconds. L’abbé cède alors au couvent sept autres calanques, au sud de Sainte-Marguerite, à la pointe est de Saint-Honorat, sur la Croisette de Cannes et sur la plage de Vallauris.
32La mise en valeur des ressources halieutiques de la mer repose sur les arts traînants et dérivants : le train et l’« eyssaugue » sont halés depuis la terre par la barque, puis à force de bras. Les « boguières », qui prennent les bogues aux branchies, et les « entremaux » (trois nappes de maille décroissante), attestées à Antibes en 1380, sont utilisés pour les bogues, les maquereaux et les sardines, et combinés avec la pêche de nuit, à la recherche du poisson qui suit la migration du plancton vers la surface, et l’usage de la lumière et du bruit (bolegar, tabussar). La seinche est mise au point pour pratiquer l’encerclement des bancs de thons, nécessairement combinée avec la construction de miradors, héritiers des thynnoscopes antiques, pour observer la mer.
33Ces engins, peu sélectifs, entraînent des captures accessoires : dans les thonaires, de petits poissons coincés dans la masse, des sardines et des bogues écrasés dans les filets traînants ; le salage s’impose des prises en mauvais état, fragiles, c’est le poisson de malestanh. Il s’opère immédiatement sur la plage, par exemple à la Napoule.
Innovation et résistance
34La stabilité des formes anciennes, surtout sur les fleuves et dans les lagunes, contraste avec l’exubérance des innovations qui rompent l’ordre antique d’une pêche côtière solidaire. La nouveauté technique est dénoncée avec une rare véhémence et une justesse probable par des groupes de pêcheurs locaux, formant une corporation à Marseille, qui entendent aussi résister à la destruction du milieu littoral et obtenir la division de la mer entre pêche côtière, qu’ils présentent comme traditionnelle, et la nouvelle pêche, détachée de celle-ci et cantonnée en haute mer. Il est probable que certains des conflits que l’on peut dire territoriaux entre communautés de pêcheurs se sont greffés sur des innovations, comme celui qui oppose ceux de Menton et de Monaco en 1324 pour la mer qui fait face aux rochers des Spélugues et dont l’arbitrage prévoit la limitation de l’usage de la lumière (fig. 5).
Les étangs : pêche à la lumière et chalutage
35Dès le xiiie siècle, la surpêche est dénoncée dans les étangs : l’efficacité des nouveaux instruments, et en particulier de la pêche à la lumière, attire l’attention de l’autorité sur les dangers encourus par les espèces et suscite une règlementation précoce. Le bourgin est interdit dans l’étang de Narbonne en 1227 :
« Car un tel filet, le bourgin, comme nous l’avons appris par de nombreux témoignages, épuise totalement l’étang, le dépeuple de toute espèce de nourriture des grands poissons comme des petits, et ainsi l’étang resterait épuisé et dépeuplé de tous les poissons, on n’y trouverait plus le moindre poisson, et il resterait stérile et infructueux. »
36En 1247, les pêcheurs de Camargue essaient de faire interdire la pêche aux lanternes et les sennes ; le boulet est interdit dans l’étang de Scamandre en 1257 ; en 1307, les pêcheurs des Saintes-Maries obtiennent l’interdiction du bouliech, bosegium, qui donnait des prises plus abondantes ; l’usage du tonna, filet de novo reperta, est au contraire approuvé23. La même année, le gangui, drague qui détruit les fonds, est interdit dans les étangs ; en 1321, les habitants d’Agde entreprennent de pêcher avec le gangui, la « maille » et le boulet dans l’étang de Thau ; ils sont arrêtés par les sergents épiscopaux de Mèze :
« Ils détruisent et enlèvent les alevins des poissons, qu’il faudrait au contraire nourrir, alors que ces arts sont tels qu’ils arracheraient du fond de l’étang un denier, s’il y était, et qu’ainsi la graine des poissons serait entièrement détruite, ce qui serait un immense dommage pour la république. »
37En conséquence, le gangui est interdit dans l’étang par le viguier, contre les revendications des consuls d’Agde, en 133224.
La pêche en mer
38En mer, la pêche à la lumière, ad lumen, abondamment attestée de Fréjus à Antibes et à Menton, est le premier champ d’innovation et de résistance. Elle est très productive ; en témoigne une longue série de procès destinés à défendre le monopole de l’abbé de Lérins sur la distribution aux pêcheurs de Cannes du bois à brûler : ce droit de madier, la poutre qui porte le fanal, rapporte un poisson sur trente. Le même privilège existe à Fréjus et à Saint-Raphaël où plusieurs pêcheurs sont condamnés en 1303 pour avoir pêché à la lumière sans l’autorisation de l’évêque. On brûle du bois gras et la lumière attire les sardines dans les trémails appelés sardinaux, attestés dès 1291. Le sardinal a suscité un conflit précoce : les pêcheurs marseillais de bourgin protestent contre l’invasion de la mer littorale et menacent d’émigrer à Narbonne ou à Aigues-Mortes. Le bourgin permettait une pêche abondante et régulière tandis que le sardinal fait fuir les gros poissons :
« Cet art inventé depuis peu pour prendre les sardines appelé sardinal ou filet courant par lequel peu de personnes peuvent vivre et qui porte au détriment et à la perte des autres modes de pêcher utiles et nécessaires, par lesquels l’abondance de gros et de petits poissons est assurée ainsi pour le carême peu de poissons sont apportés en ville, à cause de la fuite des poissons, et ainsi une paire de maquereaux qui coûtait deux deniers se vend quatre ou cinq deniers. »
39La cause est tranchée par le viguier royal avec une sagesse digne de Salomon : la nuit est réservée aux sardinaux et le jour aux bourgins ; les petits bourgins pourront cependant travailler toute la nuit, au-delà de deux limites, la Pinède de Montredon et le cap de Lamperta, la pêche est libre25. Les statuts des cités et ceux des bourgs ruraux des actuelles Alpes-Maritimes ont aussi limité l’usage des filets et des nasses et interdit les filets à mailles trop serrées26. La Ciotat interdit les sardinaux des pêcheurs marseillais à partir de 1459.
40Une initiative parallèle est destinée à un immense succès, l’usage du filet appelé tartane, qui donne son nom, celui d’un oiseau de proie (l’aigle criard), à la barque qui la traîne : en 1337, les pêcheurs de la sénéchaussée de Beaucaire demandent l’interdiction de ce nouvel art qui :
« ramasse en vrac indistinctement tous les autres poissons, bons et petits, et détruit leurs germes de sorte que difficilement et par hasard on peut prendre encore dans ces mers quelques bons poissons27. »
41On note également une grande défiance envers le gangui, dont l’usage est interdit en 1431 dans la mer de Marseille28 et, de nouveau, en 1454. Deux pêcheurs marseillais introduisent le gangui in toto mari quod est comunis et les prudhommes de la communauté des pêcheurs portent plainte : les arbitres autorisent l’usage du nouvel art à Morgiou, à l’extrémité du territoire municipal, et fixent une ligne, de Pomègues et du Frioul à Clocassens et au lieu-dit Lo Banc (Le Banc). On pourra caler le gangui hors de cette limite vers la haute mer29. Les postes où les innovateurs ont prétendu étendre le nouveau filet couvrent les îles, Lo Banc, Lebas, Fenollet (Fenouillet), Colomba (If), Ribola, le Cap de Crotz (Cap de Croix), Ratonal (Ratonneau), Lo Costal, l’île d’Ayt, le bolo Sancti Petri (Saint-Pierre), le bolo dels Canonjes et l’île de Dolines, topographie dont l’essentiel a été effacé par la construction du port au xixe siècle (fig. 6).
42En 1462, le conflit entre les prudhommes et ceux qui prétendent utiliser le ganguil est porté devant une commission d’arbitrage qui, convaincue par des témoignages apportés de Provence et de l’étranger sur les dommages qui seraient causés à la causa publica, « il nous a été véritablement démontré que ledit filet ou engin appelé ganguil pour la grande ruine que cet art mène dans la mer cause de très grands dommages et porte tort à tous les autres pêcheurs qui utilisent d’autres filets et engins », n’autorisent le nouveau filet que du Pharo (Farot) à la plage de la Joliette (Porta Galega) et seulement pour trois pêcheurs30. C’est une défaite.
43Les pêcheurs apparaissent précocement pris entre deux exigences : augmenter leur capacité de pêche et protéger les espèces en respectant les zones de frai et en interdisant l’emploi de puissants instruments dans l’espace côtier. La solution a été trouvée, naturellement, mais pour le malheur des générations futures, dans le développement de nouveaux « arts » et de nouvelles barques adaptées à la haute mer débouchant sur le simple déplacement du problème clairement identifié à la fin du xiiie siècle.
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10.1515/9783111677446 :Notes de bas de page
1 M. L. de Nicolò, Tartane, p. 22-23, 28.
2 L. Stouff, Ravitaillement et alimentation en Provence aux xive et xve siècles.
3 Références dans H. Bresc, « Pesca litorale, pesca di laguna e pesca di fiume nella Provenza dei secoli XII-XV ».
4 É. Baratier, Enquête sur les droits et revenus de Charles Ier d’Anjou en Provence (1252 et 1278).
5 N. Fourquin et Ph. Rigaud, De la nave au pointu ; H. Barthès, « Le vocabulaire maritime ».
6 A. Castaldo, Le Consulat médiéval d’Agde, xiiie-xive siècles : seigneurs, villes et pouvoir royal en Languedoc.
7 Références dans H. Bresc, « Pesca litorale, pesca di laguna e pesca di fiume nella Provenza dei secoli XII-XV ».
8 G. Buti, « Techniques de pêche et protection des ressources halieutiques en France méditerranéenne », p. 109.
9 G. Romestan, « Le rôle économique des étangs au Moyen Âge », p. 65.
10 L. Stouff, Ravitaillement, p. 205.
11 Arch. mun. Marseille, CC 2200.
12 K. H. Schäfer, Die Ausgaben der apostolischen Kammer unter Johann XXII, passim.
13 J.-L. Lemaitre, « Maguelone et la mer ».
14 M. Chaillan, « Registre de comptes ».
15 Arch. mun. Aix-en-Provence, AA7 (livre noir), fol. 1-2.
16 I. Naso, « Il pesce che nuoce », p. 95-101.
17 P. Amargier, Les Saintes-Maries, p. 62-63.
18 Arch. dép. Alpes-Maritimes, G 1153 ; 8 avril 1421.
19 J. Birrell, « La ville de Berre », p. 135.
20 L. Stouff, Ravitaillement, p. 421-423.
21 C. Law-Kam Cio, « Édition commentée du premier registre de délibérations municipales de Barjols ».
22 A. Ritt, Le Bourg et le territoire de La Ciotat, p. 58.
23 P. Amargier, Les Saintes-Maries, p. 63.
24 A. Castaldo, Le Consulat, p. 183-184.
25 Arch. dép. Marseille, HH 369, parchemin du 22 juillet 1291.
26 L. Balletto, Genova nel duecento, p. 188 sq.
27 N. Fourquin et Ph. Rigaud, De la nave au pointu, p. 353.
28 J. Malavialle, Les Prud’hommes pêcheurs, p. 46.
29 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 250 E15, n. 10 ; 23 février 1454.
30 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 250 E15, n. 15 ; 12 avril 1462.
Auteur
Professeur retraité, université Paris-Nanterre
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