Les fossiles d’animaux et leur rôle dans la découverte de la profondeur des temps géologiques
Résumé
Durant l’Antiquité, deux opinions dominent les débats concernant l’âge de la Terre. Pour les rédacteurs du premier récit de la Création dans la Bible, même si la durée des « jours » du récit n’est pas explicitée, la Terre est jeune, tandis que l’Antiquité grecque penche plutôt vers des temps longs, voire sans limite, sans toutefois que les différents courants de pensée s’accordent sur la nature cyclique ou orientée du déroulement du temps. Tout au long du Moyen Âge et de la Renaissance, les temps courts de la Bible et les temps longs de la philosophie antique s’affrontent. Les Temps modernes voient les temps longs s’imposer progressivement. Le fait que l’on ait fini par comprendre que les fossiles représentaient les ancêtres des vivants actuels a joué un rôle important dans cette acceptation. Cependant, de nos jours, l’intégration des êtres passés dans les théories de l’évolution n’est pas complète et il existe encore, dans certains exposés de la théorie de l’évolution, des souvenirs de la « paléontologie sans fossiles » telle que l’a connue le xviiie siècle.
Texte intégral
1Les fossiles animaux ont joué un rôle crucial dans la découverte de la profondeur des temps géologiques et, au-delà, de l’univers lui-même. Toutes les cultures élaborées, ont une opinion sur l’origine de l’univers et, en particulier, sur la durée des temps qui ont précédé les temps historiques. Cependant, faute de repères, l’évaluation de cette durée est purement spéculative. Cela a longtemps été le cas avant que l’on comprenne la signification des fossiles. À la fin du xviiie siècle, il est apparu, en effet, que la succession verticale des faunes n’était pas quelconque et enregistrait, en fait, l’écoulement du temps. Il restait à trouver la cause et la vitesse du renouvellement de ces faunes. Le transformisme lamarckien, puis l’évolutionnisme darwinien allaient fournir des moteurs au renouvellement des faunes et des flores et, à la fin du xixe siècle, les évolutionnistes militent en faveur de la longue durée des temps géologiques. Pour eux, en effet, les changements adaptatifs, résultant de l’accumulation de petites modifications successives, avec ou sans sélection, ne peuvent se faire que sur un temps, non quantifiable dans l’immédiat, mais obligatoirement long. Il a fallu attendre le début du xxe siècle, après quelques empoignades, pour que l’on comprenne que la vitesse pouvait se lire dans la mesure de la décomposition des éléments radioactifs. Ainsi, les échelles stratigraphiques se trouvaient étalonnées : les faunes et flores servaient à les définir. C’est ce cheminement, historiquement assez tortueux, que nous allons suivre maintenant.
La découverte de la profondeur des temps géologiques
De l’Antiquité au Moyen Âge
2L’Histoire abonde en récits sur l’origine de l’univers et sa formation ; on y trouve toutes les hypothèses possibles sur la durée de sa création, allant de quelques jours ordinaires à des temps très longs voire sans limites. On se bornera à ce qui, dans la culture occidentale, contribue petit à petit à notre conception actuelle.
3Les deux récits de la Création dans la Bible (Genèse, chapitres I et II) illustrent bien les deux voies suivies par les penseurs antiques. Le plus ancien (deuxième récit, ixe siècle av. J.-C.) est purement mythologique et ne s’intéresse guère à la constitution du monde, puisque quand il commence, le monde est déjà fait, simplement, il est inhabité, car aucune eau n’a encore coulé. Suit le récit bien connu où, après la création des plantes apparaît Adam, puis les animaux, puis Ève. Le temps est court. Le récit n’a guère de souci réaliste, son propos est philosophique.
4L’autre récit est une sorte de résumé des idées scientifiques du temps recueillies auprès des savants babyloniens lors de l’exil du peuple hébreu à Babylone (premier récit, vie siècle av. J.-C.). L’univers est d’abord un chaos désordonné qui, sur l’ordre de Dieu, s’organise du simple au complexe, du minéral, au végétal, à l’animal et à l’homme. Il a eu un début, il aura une fin. Le temps semble bref : les fameux six jours plus un. Mais de quels jours s’agit-il ? Les astres n’étant créés que le quatrième jour, les jours d’avant manquent de repères. Historiquement, ces sept jours seront presque toujours pris au pied de la lettre, mais certains exégètes admettent qu’on est dans le temps de Dieu pour qui, selon le psaume 89, mille ans sont « comme le jour d’hier une fois passé, comme une veille dans la nuit ». Il ne s’agit donc que d’étapes dont la durée n’a pas à être comparée à la nôtre. On note, cependant, que l’univers se forme dans un ordre précis, qu’il a donc une histoire et que le déroulement du temps s’accompagne de changements irréversibles.
5Cette conception n’est pas partagée par Pythagore de Milet (580-500) qui considère que les transformations apportées par le temps sont peu importantes par rapport à l’équilibre général : les changements de formes n’altèrent pas la permanence de l’univers. De même, deux siècles plus tard, Aristote (384-322) professe que l’univers est éternel, mais qu’il se modifie par une accumulation de petites actions localisées s’organisant en grands cycles avec « remise à zéro » en début de cycle. L’exemple habituel de ces modifications lentes et réversibles est pris dans la lente variation des lignes de rivage.
6À Rome, une controverse oppose les stoïciens (Sénèque) partisans d’une catastrophe finale et les épicuriens (Lucrèce, Ovide) qui admettent une recomposition post-catastrophe au hasard des nouvelles associations d’atomes. Le cycle suivant sera donc différent de celui qui vient de disparaître.
7Concernant la perception de la durée des temps géologiques, on doit constater qu’au Moyen Âge, on ne dépasse guère l’acquis des Anciens, même si certaines formulations s’avèrent particulièrement heureuses. C’est le cas par exemple des Frères de la pureté (Bassora, xe siècle), dont ce que nous appelons la « géodynamique externe » est particulièrement pertinente. Comme Aristote, ils sont partisans d’un temps long. Une position identique est défendue par Averroès (Ibn Rouchd, 1126-1198), fidèle interprète d’Aristote, très connu au Moyen Âge ; partisan d’une lente permutation des terres et des mers, il signale l’existence de restes organiques dans les roches, mais il les lie à l’action des astres.
8Au xiiie siècle, d’illustres savants enseignent à l’université parisienne, tel le dominicain souabe Albert le Grand (1206-1280), évêque de Ratisbonne, qui enseigne à Paris et à Cologne. Auteur d’une grande synthèse aristotélicienne, il distingue ce qui se fait « selon la nature » de ce qui se fait « selon les écritures », en évitant de prendre parti. Il admet la fluctuation des lignes de rivage. La scolastique parisienne ne parviendra pas à résoudre cette ambiguïté. Ainsi, trois ans seulement après le décès de Thomas d’Aquin, docteur de l’Église et défenseur d’Aristote, Étienne Tempier, évêque de Paris, condamnera les thèses aristotéliciennes (1277). Ailleurs, la vie intellectuelle n’est pas moins vivace, comme l’attestent des personnalités comme Roger Bacon, qui défend l’expérience ou Ristoro d’Arezzo, moine toscan, habile compilateur des savoirs anciens, auteur d’une ambitieuse « Composition du monde ».
9Le conflit entre les conceptions issues de la Bible et celles issues de la lecture d’Aristote est bien perçu mais, en quelque sorte, il est évacué par le haut en se centrant sur les compatibilités philosophiques ou factuelles, comme la correspondance entre le récit de la Bible et la présence de restes animaux dans les roches, loin de la mer, qui témoignent de la réalité du Déluge.
10Ce bel accord est battu en brèche au xive siècle, notamment par Jean Buridan (1300-vers 1360), recteur de l’Université de Paris, qui conçoit l’univers comme éternel et gouverné par les astres. Il n’hésite pas à envisager des cycles « géodynamiques » longs (pouvant durer des dizaines de millions d’années). Buridan, par ailleurs, voit la Terre comme formée de l’emboîtement de deux sphères, l’une aquatique et l’autre terrestre (« terraquée »), délimitant un hémisphère septentrional à dominante terrestre et un hémisphère méridional marin. Cette représentation n’a rien à voir avec le modèle d’univers du premier récit de la création. Pour lever ces contradictions, Buridan admet une nette séparation entre ce qui est naturel, où le rationnel est de mise, et ce qui est de l’ordre de la foi, où le miracle est possible. Par exemple, il met le Déluge dans la catégorie des miracles, naturellement impossible mais pouvant avoir eu lieu si telle était la volonté de Dieu. Ses réflexions ont été poursuivies par ses disciples, tels qu’Albert de Saxe (1316-1390) ou Nicolas Oresme (1320-1382), évêque de Lisieux, à la fois mathématicien expert – il use des coordonnées rectangulaires, des séries dites « de Cauchy », etc. – et conseiller du roi Charles V, pour qui il traduit et commente les œuvres d’Aristote. Albert de Saxe professe qu’il n’y a aucune borne à la durée de la Terre : les roches détruites se reconstituent dans l’océan. Un jour ou l’autre, elles émergeront et seront à nouveau érodées. Nicole Oresme, pour sa part, n’hésite pas à appliquer à la Bible sa démarche rationaliste ; c’est ainsi qu’il met en doute, par exemple, le miracle de Josué arrêtant la course du soleil pour assurer la victoire aux guerriers hébreux. Il faut cependant attendre le xviie et surtout le xviiie siècle pour que s’impose une interprétation de l’âge de la Terre définitivement dégagée des Écritures.
Les Temps modernes
11Le xviie siècle est décisif pour l’essor de la science. Malgré les tenants du littéralisme et les fidèles de la pensée antique, une réflexion autonome, basée sur des observations, se fait jour et trouve son terrain de confrontation dans les sociétés savantes qui se créent et les revues scientifiques qui se développent. Ainsi, l’affirmation de la très longue durée des temps de formation de la terre apparaît dans la littérature sur des arguments matériels. Le meilleur exemple est fourni par René Descartes (1596-1650) pour qui il n’y a pas de limites temporelles objectives à la durée de l’univers. Tel qu’il l’expose dans ses Principes de la philosophie (1644), il n’y a pas non plus de limites spatiales puisqu’il récuse la sphère des fixes. L’univers est un conglomérat d’espaces sphériques plus ou moins grands au centre desquels règne une étoile plus ou moins grosse. Pour lui, la Terre après une phase ignée, où elle ressemblait à une petite étoile, est un astre en voie de refroidissement, processus nécessairement très lent vu la taille de l’objet. Tout ceci, de son temps, était vraiment révolutionnaire. Mais l’affaire n’est pas jouée. La condamnation de Galilée le démontre bien.
12Au xviiie siècle, les temps longs font leur chemin. Par exemple en 1748, chez Benoît de Maillet (1656-1738) mais sans vraie démonstration. Edmund Halley (1656-1742), le célèbre astronome, propose une méthode d’évaluation de la durée de la formation de la Terre, à partir de la salure de l’eau de mer. Étonné par l’énormité du résultat, il se refuse à publier ses chiffres. En 1738, pour le retrait de la mer des parties basses de la France, Voltaire avance des durées de l’ordre d’une « multitude de siècles ». En 1755, Emmanuel Kant (1724-1804) affirme qu’avant nous, des millions d’années et de siècles se sont écoulés. De fait, de plus en plus d’auteurs admettent plus ou moins explicitement que la durée des temps géologiques est immense. À la recherche d’une quantification, Buffon (1779) fait faire des essais de refroidissement de boulets de fer dans ses forges de Montbard et tente, également, la voie du calcul des taux de sédimentation. Par ses manuscrits, on sait qu’il obtint pour la Terre un âge de trois millions d’années, mais qu’il se rallia prudemment à une chronologie nettement plus courte, de l’ordre de 80 000 ans. C’était encore trop long pour les défenseurs de la tradition et il dut admettre qu’il renonçait à cette hypothèse.
13L’affirmation nette de la longue durée des temps géologiques vient de Jean-Louis Giraud-Soulavie (1751-1813) qui, avant d’être un jacobin révolutionnaire, fut abbé et géologue perspicace. Il évalue en millions d’années le temps de creusement par l’érosion des vallées du Vivarais. Ce qui ne lui valut pas que des compliments. Cependant, les temps de cette crispation sont comptés. Ainsi, en Angleterre, James Hutton (1726-1797) dans sa célèbre « théorie de la terre » (1795), à la façon des Grecs, décrit l’histoire de la Terre comme une succession de lents cycles emboîtés dont la durée est indéfinie. Progressivement, les géologues se rallient aux temps longs, officialisés, en quelque sorte, par la publication des « Principes de géologie » de Charles Lyell (1830-1832). Avec cet auteur, se répand aussi l’idée que ces temps sont calmes et qu’il ne s’y passe pas grand-chose de différent de ce qu’il se passe actuellement. Pendant longtemps, cette vision va s’imposer aux géologues contre l’opinion des « catastrophistes » tel que Georges Cuvier (1769-1832) et surtout Alcide d’Orbigny (1802-1857) qui admettent aussi des temps longs et calmes, mais séparés par des catastrophes. Ce n’est que depuis quelques dizaines d’années, et contre l’école « uniformitariste », que le rôle des catastrophes a été reconnu dans le découpage des temps géologiques.
14C’est à Alcide d’Orbigny (1852) que l’on doit un exposé clair de la théorie « catastrophiste », mais surtout la première échelle stratigraphique internationale basée sur la distribution temporelle des grands groupes de fossiles. Grâce à lui, la chronologie de l’histoire de la Terre devient de plus en plus précise. Cependant elle demeure relative, les connaissances géologiques de l’époque ne permettant pas de quantifier ces « temps immenses ». Les taux de sédimentation, l’action de l’érosion, la salure de l’eau de mer, les températures de refroidissement des roches ignées, etc., peuvent donner en effet, une idée de la durée des temps géologiques, mais d’une façon très partielle et, de toute façon, hors de portée des géologues du xixe siècle. La quantification deviendra possible avec la découverte de la radioactivité et de la connaissance de la durée de vie des isotopes instables.
Les fossiles et leur signification
De l’Antiquité au xviiie siècle
15Il semble bien que la première mention de fossiles (qui ne s’appelleront ainsi que bien plus tard) soit due à Xénophon (570-480) qui signale l’existence de restes d’organismes marins à l’intérieur des terres à Malte et en Sicile. Plus tard, Hérodote (484-425) rapporte une observation des prêtres de Thèbes sur la présence de coquillages marins dans les roches locales, témoins d’une ancienne présence de la mer dans la vallée du Nil. Aristote (384-322) évoque la présence fréquente de « poissons » qui « vivent dans la terre mais demeurent immobiles », allusion sans doute au fait que certains poissons hibernent dans la vase, mais cette expression a conduit à de curieuses spéculations. Par exemple, Théophraste (368-284) auteur d’un traité de géologie, malheureusement perdu, signale les poissons de Paphlagonie (région de Sinop en Turquie) enchâssés dans des pierres, qu’il suppose apparus à partir de germes générateurs infiltrés. Il s’agit en fait de poissons fossiles conservés dans la boue très fine d’anciens lacs néogènes. Dans la foulée de la « génération spontanée » souterraine suggérée par Aristote, Lucrèce (98-55) pense aussi que les êtres vivants apparaissent par génération spontanée dans le sol, au moins dans un premier temps. Plus près des observations, Strabon (63 av. J.-C.-20 apr. J.-C.) décrit plusieurs espèces de coquillages marins près du temple d’Amon et ne croit pas, contrairement à la légende, que les Nummulites soient les restes pétrifiés des repas des constructeurs des pyramides. Bref, il ne semble pas que les fossiles aient beaucoup inspiré les auteurs anciens et qu’ils aient vraiment cherché à les comprendre. C’est en quelque sorte ce que montre, en creux, Pline l’Ancien (23-79) qui compile sans recul tout ce qui se raconte sur la question. C’est dans son « Histoire naturelle » que l’on trouve la première citation des « Glossopètres », supposées être des langues de serpent pétrifiées et dotées de pouvoirs extraordinaires. Il s’agit en fait de dents de requins fossiles et leur reconnaissance comme telles sera au cœur de la naissance de la géologie… au xviie siècle !
16Pour les Pères de l’Église (Tertullien, Eusèbe de Césarée, saint Augustin, saint Hippolyte), les restes d’animaux marins trouvés dans les terres confirment l’existence du Déluge. On peut juger de l’importance de cet élément de démonstration de la vérité objective des récits de la Bible par le fait que les poissons du Mont Liban aient été montrés à Saint Louis, lors de son séjour en Terre Sainte.
17Naturellement, la science musulmane s’est intéressée aux fossiles et a été un peu plus loin que les Anciens dans la mesure où certains érudits ont compris que leur origine ne pouvait être séparée de celle des roches. Ainsi, pour Avicenne (Ibn Sina 980-1037), les roches proviennent de la dessiccation de vases ou d’une coagulation de l’eau sous l’action d’une « vertu sèche », ce qui explique la présence d’animaux marins pétrifiés dans les roches. Cet avis, judicieux, n’a malheureusement pas réussi à évacuer l’idée d’une création spontanée d’organismes au sein même des roches. Un cas remarquable est donné par Albert le Grand (1206-1280). Il donne une description assez précise des fossiles qu’il voit dans le calcaire lutétien qui a servi à construire la cathédrale de Paris. Quant à leur origine, on le sent pris entre les explications contradictoires que lui fournit sa bibliographie. Il admet donc, à la fois, la pétrification des animaux par l’action d’une « puissance pétrifiante » et la génération d’organismes dans les roches par l’action d’une « exhalaison humide », peut-être sous l’action des astres. Ristoro d’Arezzo, déjà cité, admet que les astres gouvernent le monde et sont responsables des pétrifications. Il admet aussi, que les fossiles témoignent du Déluge.
18Léonard de Vinci (1452-1519) est le premier à les examiner de près. Il est vrai que le Néogène du Sud de la vallée du Pô offre de nombreux et beaux gisements de fossiles, assez proches de la faune marine actuelle. Sa conclusion est simple : les fossiles sont d’anciens coquillages. Ils ne sont liés ni au déluge, ni aux astres. Le fait qu’ils soient contenus dans des roches ne lui pose pas de difficulté. Il admet, en effet, l’explication courante du durcissement des sédiments par l’action d’une humeur visqueuse et « pétrificative », laquelle durcit le dépôt initial et également les coquillages qu’il contient. La question de la signification des fossiles aurait donc pu être réglée à la charnière entre le Moyen Âge et la Renaissance. Malheureusement, les carnets de Léonard de Vinci, rédigés par lui et pour lui, n’ont eu aucune diffusion à son époque.
19Pour retrouver un même effort d’attention aux objets, il faut lire les écrits de Bernard Palissy (1510-1590), bien que, contrairement à l’avis de Fontenelle, il n’ait pas vraiment compris la signification des fossiles (Ellenberger 1988). Fervent lecteur de la Bible, il ne pouvait concevoir les allées et venues de la mer dont témoignaient les coquillages des faluns de Touraine qu’il avait eu l’occasion d’étudier attentivement. Il récuse le Déluge et la génération spontanée. Pour lui, les formes marines se sont développées en terre à la faveur de sources salées, parfois par infiltration dans des cavernes. Certains coquillages sont proches des coquillages tropicaux, mais cela ne prouve pas que, par le passé, la face de la terre ait été différente de l’actuelle. De tels organismes ont pu disparaître d’ici, mais c’est circonstanciel. Ils subsistent ailleurs. Bernard Palissy est fixiste tant pour les êtres vivants que pour les paysages.
20On doit à Girolamo Frascatoro (1483-1553), médecin, observateur au concile de Trente, une synthèse des opinions sur les restes organiques : soit ils sont liés au Déluge (ce n’est pas son avis : la répartition des gisements ne correspond pas à celle d’une inondation) – soit ils sont créés sur place, par des humeurs salines (mais personne n’a jamais extrait un être vivant d’une pierre et comment, alors qu’ils vivent dans la roche, expliquer leur ressemblance avec des êtres vivants identiques existant dans les mers) – soit ce sont des restes de vrais animaux ayant vécu dans la mer (c’est son avis).
21Malgré cela, la diversité des opinions continue de régner. Ainsi, par exemple, Martin Luther (1483-1546) défend l’origine diluvienne des fossiles tandis que Goropius, riche collectionneur, publie en 1569 un traité où il défend la formation in situ des fossiles. C’est Agricola (Georg Bauer 1494-1555) qui est le créateur du mot « fossile », mais ce n’est pas lui qui aidera à y voir clair car, par ce mot, il désigne tous les éléments figurés « venus du sol ». Un même amalgame se retrouve chez Conrad Gesner (1516-1565), auteur d’un premier catalogue illustré d’une collection d’objets issus du monde minéral (fig. 1). Il les classe par « similitudes » avec mélange d’objets d’origine organique et d’origine minérale.
22En revanche, Fabio Colonna (1567-1640), réfute toutes les hypothèses sur l’origine in situ des fossiles et, en particulier montre que les glossopètres ne sont pas un « jeu de la nature » mais des dents de requin. Au xviie siècle, l’origine organique des fossiles (au sens moderne) finit par s’imposer. Pour Pierre Gassendi (1592-1655), il s’agit bien des restes d’animaux vivants, actuellement pétrifiés par l’action d’un suc lapidifiant, mais Athanase Kircher (1602-1680), jésuite, grand savant, très connu, partisan de la mobilité des rivages, maintient la double origine des fossiles, à la fois produits in situ et résultant de la pétrification d’anciens organismes.
23La situation va s’éclaircir grâce à un personnage remarquable, le danois Niels Stensen (1638-1686), dit Sténon. Il se fait connaître en 1667 grâce à un premier ouvrage sur l’anatomie d’un requin échoué qui démontre définitivement l’origine animale des glossopètres, lesquelles sont replacées dans leur contexte géologique. Vient ensuite, en 1669, son « Prodrome ». Ce texte fondateur de la géologie se présente comme l’introduction d’un ouvrage plus approfondi, qui ne verra jamais le jour. Entre-temps, Sténon s’est, en effet, converti au catholicisme. Il sera consacré évêque et mourra à 49 ans, affaibli par les privations. Le Prodrome est un texte étonnant, car il pose les bases conceptuelles de presque toutes les disciplines de la géologie. En ce qui concerne les fossiles, ils sont définitivement interprétés comme des restes d’organismes passés, indicateurs du milieu dans lequel ils ont vécu et qui ont été formés avant la roche qui les renferme. Il ne saurait être question de génération spontanée in situ. Par ailleurs, Sténon apparaît comme un partisan convaincu d’une chronologie longue. À noter que le mot même de « géologie » est largement antérieur à Sténon, puisqu’on le trouve écrit pour la première fois en 1603, dans un ouvrage d’Ulisse Aldrovandi (1522-1605, cf. Vai et Cavazza 2003).
24L’œuvre de Sténon est connue des principaux savants de son temps et on peut considérer qu’à partir de ce moment commencent les études réellement scientifiques sur les fossiles avec une question qui ne tarde pas à s’imposer aux collectionneurs : comment se fait-il que les espèces du passé n’aient pas toutes leur équivalent actuel ? Cela semble contraire au récit biblique et laisse supposer que la création serait imparfaite puisque des espèces se seraient perdues.
Le xviiie siècle
25Nous avons vu, plus haut, comment la longue durée des temps géologiques a fini par prendre le pas sur la chronologie courte de la Bible. Nous venons de voir comment les fossiles ont fini par être reconnus pour ce qu’ils sont. Il semblerait donc qu’en ce début du xviiie siècle, la situation soit mûre pour que leur statut de marqueur du temps soit reconnu. En réalité, cette synthèse va se faire tardivement, à la fin du xviiie et au début du xixe siècle. Entre-temps, il s’est développé un courant de pensée assez étonnant. Il s’agit d’une paléontologie sans fossiles qui tente de reconstituer l’arbre généalogique du vivant en se basant presque exclusivement sur les espèces animales et végétales actuelles.
26De fait, l’observation des espèces vivantes suggère qu’il existe chez les animaux et végétaux des familles qui se ressemblent comme les membres d’une famille humaine et que partant, on pourrait leur attribuer un ancêtre commun. De telles idées ont des interprètes dans l’Antiquité (Anaximandre, Empédocle, Lucrèce, saint Augustin) et à la Renaissance (Vanini). Cependant, il n’est pas évident que, dans la pensée des anciens auteurs, le fait de reconnaître des ressemblances implique une filiation. Par exemple, quand Ibn Khaldoun (cité par Djebbar 2001, p. 300) voit une relation de continuité entre tous les éléments de l’univers, du minéral à l’homme, il ne dit pas que le minéral et les vivants descendent les uns des autres, mais que la création par Dieu de l’univers s’est faite selon une « progression admirable » qui a abouti à un ensemble hiérarchisé et ordonné et non à une collection hétéroclite d’objets et d’êtres sans rapports les uns avec les autres. Dans l’ensemble, ces anciens auteurs sont partisans de la théorie de la génération spontanée, qu’elle soit d’origine terrestre ou divine. On retrouve une pensée comparable chez Karl Von Linné (1707-1778) qui cherchait explicitement par l’établissement de ses classifications à « retrouver le plan de la création ».
27Pour expliquer les ressemblances entre certaines espèces animales, Athanase Kircher (déjà cité) en 1678, admet que certaines familles animales, formées d’espèces assez proches les unes des autres, puissent apparaître par dégénérescence ou hybridation. Par ailleurs, la découverte du Nouveau Monde a multiplié le nombre des espèces animales connues et donc des couples à sauver du Déluge. Au début du xviiie siècle, un érudit respecté (même par Voltaire !), Dom Calmet (1672-1757), prenant prétexte de la faible capacité de l’arche de Noé, systématise l’hypothèse de Kircher et propose que seule une espèce par genre d’animal ait été sauvée des eaux. Ensuite, par « variation », cette espèce primitive aurait engendré l’ensemble des espèces du genre actuel. Une telle explication trouvait une illustration dans la variété des races domestiques.
28Appliquée à l’ensemble des animaux, cette théorie d’apparition de nouvelles espèces par dérive générationnelle, au hasard des transmissions héréditaires, est également défendue par Pierre-Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759). Dans son « Essai sur la formation de corps organisés » (1754), il écrit, en effet :
« Ne pourrait-on pas expliquer par là comment de deux seuls individus, la multiplication des espèces les plus dissemblables aurait pu s’en suivre ? Elles n’auraient dû leur première origine qu’à quelques productions fortuites, dans lesquelles les parties élémentaires n’auraient pas retenu l’ordre qu’elles tenaient dans les animaux pères et mères : chaque degré d’erreur aurait fait une nouvelle espèce ; et à force d’écarts répétés serait venue la diversité infinie des animaux que nous voyons aujourd’hui. »
29Buffon (1707-1788), lui-même, ne dira pas autre chose dans le chapitre consacré à l’âne de son « Histoire naturelle » (1753) où on peut lire que :
« S’il était vrai que l’âne ne fut qu’un cheval dégénéré, il n’y aurait plus de bornes à la puissance de la nature, et on n’aurait pas tort de supposer que d’un seul être elle a su tirer, avec le temps, tous les autres êtres organisés. »
Le xixe siècle
30Il est bien dommage que Buffon n’ait pas été jusqu’au bout de ses observations. Il a préféré, en effet, et probablement sans y croire, adhérer au « créationnisme » dans les lignes qui suivent celles qui viennent d’être citées (fig. 2). C’est donc à Lamarck (1744-1829) que reviendra le mérite de formuler clairement, dans sa « Philosophie zoologique » parue en 1809, la théorie du transformisme avec le comportement adaptatif comme moteur des modifications. Lamarck admet l’impermanence des espèces et leur transformation progressive par le jeu des habitudes qui développent, ou bien font régresser, les organes selon qu’ils servent ou non. L’apparente fixité des espèces actuelles oblige par ailleurs à étaler ces transformations sur de longues durées, non quantifiables à l’époque.
31L’essentiel de la théorie lamarckienne est basé sur l’analyse des caractères adaptatifs des espèces actuelles. Cependant, Lamarck, qui connaît bien les fossiles du Tertiaire parisien, intègre les fossiles dans sa théorie et reconnaît que les « animaux perdus sont les ancêtres des animaux du monde actuel ». Par cette intégration, Lamarck donne un support matériel aux spéculations de ses prédécesseurs. Après lui, il ne s’agirait donc plus d’imaginer des filiations, hors de toute contrainte de temps et de formes, mais bien de décrire précisément une histoire sur la base d’objets – les fossiles, et d’une chronologie relative – la stratigraphie.
32Revenons un peu en arrière pour indiquer que l’intégration des fossiles dans la synthèse lamarckienne n’est pas fortuite. Il se trouve en effet qu’à la fin du xviiie siècle et au début du xixe, les travaux pionniers de Lavoisier et de William Smith, Cuvier et Brongniart, fondaient la paléontologie stratigraphique qui met en parallèle la superposition des terrains et la superposition des faunes et des flores. Restait à expliquer la succession même de ces faunes et de ces flores. Cuvier et son élève Alcide d’Orbigny étaient partisans d’une succession d’apparitions et d’extinctions liées à des catastrophes globales, et reconnaissaient n’avoir pas d’explication logique au repeuplement post-catastrophe. Ce n’était pas le cas du transformisme pour qui la réponse à la question du renouvellement des faunes est évidente. On peut remarquer que l’exposé de la théorie des catastrophes par Cuvier est postérieur de trois ans à celui du transformisme lamarckien. Placé devant ce qu’il croyait être un choix entre la Bible et la science, Cuvier a choisi la Bible.
33Ainsi donc, au cours du xixe siècle, les géologues acquièrent une méthode sûre de datation relative des terrains (fig. 3). Ils peuvent élaborer une histoire de la terre synthétique, irréversible et donc excluant les cycles des Anciens. La complexité et la lenteur des processus physiques impliqués dans cette histoire font qu’intuitivement, ils ne peuvent que souscrire aux temps longs. Par ailleurs, le développement de la paléontologie est suffisant pour que l’on puisse espérer, dès cette époque, décrire la marche concrète de l’évolution des organismes primitifs jusqu’aux faunes et flores actuelles. On peut le regretter, mais ce n’est pas exactement ce qui va se passer.
34Suite à un voyage d’exploration autour du monde, le britannique Charles Darwin (1809-1882) va progressivement élaborer une théorie concurrente à celle de Lamarck et cinquante ans après la publication de la « Philosophie zoologique », Darwin (L’origine des espèces… ,1859), tout en se déclarant partisan du transformisme, propose que le moteur de l’évolution réside dans la sélection naturelle de modifications apparues par hasard dans l’enchaînement des générations. Le succès de l’hypothèse darwinienne tient à son côté « mécanique » qui évite le finalisme lamarckien, susceptible de dérives métaphysiques.
35L’origine des espèces… connaîtra de nombreuses rééditions au cours desquelles Darwin aura tout le loisir d’affiner sa pensée, d’effacer sa dette envers Lamarck et devenir ainsi, un peu à son corps défendant, un des phares de la « laïcité » scientifique. Car, comme le dit Rabelais, c’est « là que gît le lièvre ». À tort ou à raison, il est de fait que nombre de ces contemporains britanniques ont vu dans son exposé, non pas seulement une théorie scientifique, mais une attaque contre Dieu. Poursuivant sur sa lancée, en 1871, Darwin publie « la filiation de l’homme », où il expose l’idée que l’homme et le singe ont un ancêtre commun. Cette hypothèse caricaturée et défigurée sous l’expression « l’homme descend du singe », suscite une vaste polémique où, à nouveau, les opinions métaphysiques ont plus de part que la démarche scientifique.
36C’est ainsi que les discussions, indispensables, sur l’origine de la variation, sur le rôle du milieu et des agents de la sélection, se sont trouvées polluées par des prises de parti extra-scientifiques et même extra-religieuses, puisque depuis saint Augustin, on sait que tout cela ne relève que du jeu des causes secondes pour lesquelles il est inutile de déranger Dieu.
37Pour en revenir aux fossiles et à la géologie, on notera que dans les comptes rendus de son voyage autour du monde (1838-1846), Darwin, à l’époque bon lamarckien, effectue des comparaisons entre les animaux actuels et d’autres fossiles lui suggérant l’idée d’une filiation entre les espèces anciennes et les espèces actuelles. Il conservera cette idée forte par la suite, mais on note que dans L’origine des espèces…, les fossiles n’ont qu’une faible importance dans l’exposé de sa théorie. Pourtant, en ces temps, la paléontologie est une science à la mode. Ainsi, par exemple, en 1854 à Londres, au Crystal Palace, se tient une gigantesque exposition où une trentaine de « monstres préhistoriques », caractéristiques des grandes subdivisions des temps géologiques, étaient exposés à l’admiration des visiteurs. Il est de fait que la pensée darwinienne, aussi bien que celle de ses contradicteurs, s’est développée essentiellement à partir d’une réflexion sur la situation actuelle.
38Cependant, convaincu que l’apparition d’une nouvelle espèce demande beaucoup de temps, Darwin se tourne vers la géologie et procède à une étude de la géologie de la vallée du Weald. Ces observations l’amènent à envisager une durée de 300 millions d’années pour le dernier système géologique (le Tertiaire). Nous savons depuis que c’est dix fois trop long, mais l’unité de mesure, le million d’années, est la bonne. À l’époque, cette évaluation a subi les foudres de beaucoup de collègues et, notamment, de Lord Kelvin (William Thomson 1824-1907), qui à l’époque sur la base de calculs thermodynamiques chiffrait l’âge total de la Terre à 24 millions d’années en concédant, avec doute, que cela pouvait aller jusqu’à 100 millions d’années. Il s’ensuivit une vaste discussion assez confuse où les physiciens calculant l’âge de la Terre en dizaines de millions d’années s’opposaient aux géologues et aux darwiniens partisans de durées bien plus longues, mais sans arguments quantitatifs, ce qui affaiblissait leur position par rapport aux tenants des sciences « exactes ». L’ironie de l’histoire est que c’est justement la physique qui, par la découverte de la radioactivité par Henri Becquerel en 1895, allait donner raison aux géologues et à Darwin.
39Il serait plaisant, pour l’observateur actuel, de dire que toutes ces controverses sont révolues. Il n’en est rien. Il existe toujours, sur ces sujets sensibles, des polémiques latentes où s’opposent les croyants et les incroyants, les tenants d’une évolution graduelle (c’était le cas de Darwin) aux tenants d’une évolution par sauts, les tenants d’une évolution par sélection externe pure et les tenants d’une part de déterminisme interne. Les doctrines politiques elles-mêmes se mêlent aux hypothèses scientifiques comme au temps de la parution de « L’origine des espèces ». Il n’est pas jusqu’au créationnisme qui continue de s’inviter aux débats.
40Actuellement, il existe un accord scientifique général sur la durée des temps géologiques. La place des fossiles dans la réflexion sur les modalités de l’évolution n’est pas aussi simple. Certes, sauf parti pris religieux, l’on s’accorde sur la théorie de l’évolution comme explication de la diversité des faunes et des flores tant passées que présentes, mais ce n’est pas le cas du mécanisme évolutif lui-même. En effet, il est aisé de discerner dans les polémiques qui éclosent régulièrement les héritiers de la « paléontologie sans fossiles », qui survit majoritairement chez les biologistes et les systématiciens, où l’évolution est principalement abordée sous l’angle des disciplines actuelles telles que la systématique, la biochimie, la génétique et la génétique des populations par exemple. Ceux-là sont souvent des néo-darwiniens voire des darwiniens de stricte obédience. De l’autre bord, où dominent les paléontologues, on s’attache à la reconstitution du cheminement matériel de l’évolution, lequel ne semble ni régulier ni même logique : le hasard et la sélection darwinienne ne suffisent donc pas à expliquer la marche de l’évolution. Il en résulte que beaucoup de discussions sur ces questions se font dans une ambiance particulière où chacun cherche à savoir si l’autre se situe dans les militants du « hasard et de la nécessité » ou dans les dévots du « dessein intelligent ».
41Il serait hors sujet d’entrer trop en avant dans ces discussions mais on peut évoquer, par exemple, la question du rythme de l’évolution qui devrait être continu s’il était seulement dû à un jeu d’essais et d’erreurs, alors que le témoignage de la stratigraphie montre que ce rythme est très variable et qu’il peut présenter, pour un même groupe, des quasi-arrêts suivis d’accélérations soudaines. Un autre cas touche à l’un des principes du darwinisme. Celui-ci admet en effet, que la sélection aboutit à favoriser l’organisme « le plus apte ». Ce concept d’utilité est discuté. Si l’on prend, par exemple, la formation de l’oreille des mammifères, on constate qu’il s’agit d’une opération complexe, étalée sur de multiples générations de reptiles mammaliens, passant par des animaux ayant une double articulation mandibulaire pour aboutir à un organe très compliqué qui intègre trois os de l’ancienne mâchoire reptilienne, complètement détournés de leur usage initial. Qui peut affirmer que les mammifères entendent mieux que les reptiles et les oiseaux ? Et, par ailleurs, comment expliquer par le seul hasard une telle continuité évolutive ?
42Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, de nos jours encore, les fossiles ne sont pas complètement intégrés dans la réflexion sur l’origine des espèces. Cela ne tient pas seulement au cloisonnement des différentes spécialités scientifiques qui traitent du vivant ou du fossile, mais à la nature même des fossiles. Ils ne donnent que rarement une idée complète de leur constitution et ne permettent donc pas des comparaisons complètes. Les organes mous sont la plupart du temps inconnus et l’ADN fossile ne peut être étudié que tout à fait exceptionnellement. Or, la nouvelle systématique cladiste se fonde en très grande partie sur ce composant. Les séries évolutives continues conservées sont rares. La connaissance des comportements est lacunaire.
43Toutes ces remarques portent sur ce qui est connu, mais cela ne doit pas masquer le fait que la très grande majorité des êtres passés ne nous ont laissé aucun souvenir. Il n’empêche que la prise en compte des données de la paléontologie demeure une nécessité si l’on veut traiter la question de base concernant l’origine de la variation. D’où vient-elle ? Faut-il choisir entre la sélection darwinienne, extérieure aux organismes et la variation lamarckienne qui provient des organismes eux-mêmes ? Faut-il ne pas choisir et admettre les deux ? Peut-on imaginer une usine interne à variations aléatoires donnant prise à sélection quand, par hasard, cette variation n’est pas neutre ? etc. Il reste encore de nombreuses questions à élucider et les héritiers de la paléontologie sans fossiles ont à poursuivre leur dialogue avec les tenants de la paléontologie avec fossiles.
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Professeur émérite, département des Sciences de la Terre, Université de Bretagne-Occidentale
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Signes et communication dans les civilisations de la parole
Olivier Buchsenschutz, Christian Jeunesse, Claude Mordant et al. (dir.)
2016