L’Aurochs et le Bison d’Europe dans les écrits des naturalistes français des xviiie et xixe siècles
Résumé
Le dernier Aurochs fut abattu en 1627 à Jakotorów, près de Varsovie. À la fin du xviiie siècle, le Bison d’Europe n’existait plus que dans la forêt de Bialowieza et dans le Caucase. Le plus grand mammifère terrestre intriguait toute l’Europe savante. L’Aurochs et le Bison d’Europe constituent-ils véritablement deux espèces ou sont-ce seulement deux noms différents donnés par les Anciens au même animal ? Lequel est l’ancêtre du bovin domestique ? Est-il possible d’hybrider le Bison d’Europe avec le bovin domestique ? Pourquoi les bisons vivent-ils uniquement à Bialowieza ? La disparition complète d’une espèce est-elle possible ? Quelle est la relation entre le Bison d’Europe et celui d’Amérique ? Buffon, Guettard, Gilibert, Bojanus, Cuvier, Serres, Geoffroy Saint-Hilaire discutaient vivement de ces questions. Le statut taxinomique et l’histoire de l’Aurochs et du Bison d’Europe furent une des plus importantes questions de la zoologie aux xviiie et xixe siècles.
Texte intégral
1Malgré les efforts de l’administration royale polonaise pour protéger l’espèce, le dernier Aurochs a disparu en 1627 à Jakotorów près de Varsovie1. Cependant, les documents de l’administration royale relatant l’histoire de ces derniers animaux, les tentatives menées en vue de leur protection et finalement, leur disparition, ne sont connus qu’à la fin des années 1820.
2Heureusement, le bison d’Europe n’a pas subi le même sort, même si son aire de répartition se rétrécit considérablement à l’époque moderne. Au xvie siècle, le Bison d’Europe était déjà une espèce rare, une curiosité et parfois un précieux cadeau royal. En décembre 1416, Władysław Jagiełło (1352-1434) envoya un bison à Sigismond de Luxembourg comme un signe d’amitié et de grand respect. Le futur empereur Maximilien reçut un tel cadeau et l’animal fut dessiné en 1501 par Albrecht Dürer. Le pape Léon X (1475-1521) demanda au roi de Pologne un bison empaillé. En 1568, le roi Sigismond August envoya des bisons vivants à Vienne. Ces faits prouvent la rareté de ces animaux et l’importance qu’on attachait à cette espèce. À la fin du xviiie siècle, les seules populations subsistantes étaient localisées dans la forêt de Białowieża et au Caucase.
3Le plus grand mammifère terrestre intriguait toute l’Europe savante. L’Aurochs et le Bison d’Europe constituaient-ils vraiment deux espèces, ou juste deux noms différents donnés par les Anciens au même animal ? Lequel était l’ancêtre du bovin domestique ? Était-il possible d’hybrider le Bison d’Europe avec le bovin domestique ? Pourquoi l’aire de répartition du Bison diminuait-elle ? Une disparition complète de l’espèce était-elle possible ? Quelle était la relation entre le Bison d’Europe et celui d’Amérique ? Pourquoi les Bisons vivaient-ils uniquement dans la Forêt de Białowieża ? Cette dernière question était posée car l’existence des populations des Bisons d’Europe dans le Caucase était souvent mise en doute et il a fallu attendre les années 1860 pour qu’une expédition militaire russe la prouve en amenant un jeune Bison du Caucase à Moscou2. Le statut taxinomique et l’histoire de l’Aurochs et du Bison d’Europe furent une des plus importantes questions de la zoologie au xviiie et xixe siècle, et les naturalistes français, comme nous allons le voir, jouèrent un rôle primordial dans la recherche des réponses à ces questions.
À l’origine de ce débat, l’Histoire naturelle de Buffon
4Au xviiie siècle, époque de grand essor des sciences naturelles, la connaissance de ces deux espèces était encore lacunaire. La principale source d’information à leur sujet était une courte description, accompagnée de dessins, parue en 1549 dans le livre Rerum Moscoviticarum Commentarii de Sigismond von Herberstein (1486-1566), un diplomate au service des Habsbourg. Les écrits des naturalistes de la Renaissance qui mentionnaient les bisons, tels que Conrad Gesner (1516-1565), Ulysse Aldrovandi (1522-1605) ou Jan Jonston (1603-1675), n’ont pas ajouté grand-chose à ces informations rudimentaires et confuses. L’animal était d’une grande rareté dans les ménageries ou dans les parcs animaliers, et même en captivité, il n’a pas fait l’objet d’observations approfondies. Notons néanmoins la présence d’au moins deux Bisons d’Europe dans la ménagerie royale à Versailles3.
5L’Histoire naturelle de Buffon marqua fortement le développement de la zoologie au xviiie et xixe siècles. Le Bison d’Europe et l’Aurochs sont traités au chapitre Le buffle, le Bonasus, l’Aurochs, le Bison et le Zébu dans le volume XI4. Cet ouvrage déclencha une polémique sur l’existence de deux espèces bien distinctes : l’Aurochs et le Bison d’Europe, ainsi que sur l’origine des Bovins domestiques. C’est aussi dans l’Histoire naturelle que l’aire de répartition géographique du Bison d’Europe est discutée pour la première fois. Cette polémique, une des plus importantes discussions dans l’histoire de la zoologie, dura environ 150 ans. Plus de 100 auteurs, de divers pays, y participèrent5.
6Buffon arrive à la conclusion que l’Aurochs (Urus et Aurochs) est de la même espèce que le bovin domestique, mais à l’état sauvage. Le Bison d’Amérique descendrait, d’après ce savant, du Bison d’Europe. Le bison se distinguerait des Aurochs uniquement par les qualités accidentelles : en fait, c’est la même espèce que le bovin domestique. Les différences se limiteraient, toujours d’après Buffon, à la présence d’une bosse et à certaines qualités des poils, et résulteraient des différences de milieux dans lesquels vivaient ces espèces.
7Au sujet de l’aire de répartition, Buffon indique que les Bisons vivent encore (à son époque) au nord de l’Allemagne, en Pologne et en Écosse. Bien évidemment dans le cas de l’Écosse, il s’agit d’une confusion avec les races, à l’époque très mal connues en France, de Bovins domestiques telles que le « Highlander ». Par ailleurs, le texte de l’Histoire naturelle est parfois contradictoire, car après avoir cité l’Écosse comme un des pays où vivent les Bisons, Buffon dit s’être renseigné à propos des informations données à ce sujet par Gesner ; personne, en Écosse et en Angleterre, ne se souvient de la présence de ces animaux. Il cite également Johann Reinhold Forster (1729-1798) comme une source de ses informations. Ce célèbre naturaliste voyageur l’informa à tort que les Bisons existaient toujours en Russie, qu’ils avaient disparu de Prusse durant la guerre mais qu’ils subsistaient toujours en Moldavie.
8Les conclusions de Buffon devaient être remises en cause par Georges Cuvier (1769-1832). Son utilisation du nom « Aurochs » pour décrire le « Bison d’Europe » a sans doute contribué à la confusion qui a pu régner, au xixe siècle, dans la discussion sur le statut de ces espèces. Cependant, ce naturaliste affirma que le Bison d’Europe n’est pas l’ancêtre des Bovins domestiques6, ce qui fut une contribution majeure à la compréhension des relations entre les Bisons d’Europe et les Bovins domestiques. Dans le chapitre Sur les différentes espèces des bœufs fossiles de l’ouvrage Recherches sur les ossemens fossiles de quadrupèdes, Cuvier reposa la question de Buffon :
« Mais existe-il en Europe une seconde espèce sauvage distincte de cet Aurochs [donc Bison d’Europe], comme l’ont cru plusieurs auteurs mêmes des plus modernes ?7 »
9Après l’examen des récits historiques et de celui des ossements trouvés en diverses parties de l’Europe, Cuvier admit l’existence de cette deuxième espèce. C’était une contribution majeure, car ce grand naturaliste affirmait, contrairement aux opinions de l’époque, que l’aurochs et le bison d’Europe étaient des espèces distinctes, que les ossements d’aurochs trouvés dans divers parties d’Europe n’étaient pas aussi anciens qu’on le prétendait, et Cuvier certifiait que l’espèce avait disparu dans les temps historiques. Néanmoins ce n’est que dans la seconde moitié du xixe siècle que ce fait fut généralement admis par les naturalistes.
Les observations des naturalistes français en Pologne
10Les naturalistes français du xviiie siècle eurent le grand mérite, non seulement de participer à la savante discussion basée sur les écrits des auteurs anciens, mais surtout d’aller chercher des informations en Pologne, là où des populations de Bisons vivaient encore à leur époque. Parfois, les observations des Bisons dans la nature les amenèrent à des conclusions surprenantes. Jean-Étienne Guettard (1715-1786) passa deux ans en Pologne, de 1760 à 1762. Pour ce grand naturaliste, observer des Bisons vivants, alors qu’il ne connaissait jusqu’ici ces animaux que par des fouilles archéologiques, constituait une preuve que les espèces ne disparaissent pas et qu’on pouvait toujours retrouver des animaux disparus en France, quelque part ailleurs dans le monde8.
11Jean-Baptiste Dubois de Jancigny (1753-1808) passa pour sa part sept ans en Pologne, où il enseigna le droit et travailla en qualité de bibliothécaire à l’École des Cadets à Varsovie. Il publia en 1778 un Essai sur l’histoire littéraire de Pologne, qui est une compilation de divers ouvrages sur ce pays. Il y inclut une information sur les tentatives d’hybridation des Bisons d’Europe avec le Bœuf domestique :
« J’avoue cependant que ces démonstrations n’ont pas levé tous mes doutes, puisqu’après des informations multipliées j’ai appris qu’en Pologne on n’avait jamais pu parvenir à accoupler un Bison avec une Vache domestique, quoiqu’on l’eût tenté plusieurs fois. Il est vrai qu’on ne pouvait guère qu’employer que la force, qui, jointe à la haine naturelle d’un animal libre pour un animal en servitude, a certainement apporté de grands obstacles au succès de l’expérience.9 »
12Cette phrase est l’unique témoignage connu à ce jour sur d’anciennes tentatives d’hybridation de ces deux espèces. Les naturalistes français envoyaient également, depuis la Pologne et la Lituanie, des informations concernant l’Aurochs. Ainsi, une lettre de Balthasar Hacquet (1739-1815)10 a pour principal sujet la découverte d’une corne d’Aurochs à Szczebrzeszyn, près de Cracovie. D’importantes parties de cette lettre ont été reprises par Georges Cuvier dans la description de cette espèce dans les Recherches sur les ossemens fossiles de quadrupèdes, où l’on rétablit les caractères de plusieurs espèces d’animaux que les révolutions du globe paraissent avoir détruites11. Ces envois furent particulièrement précieux à une époque où les fossiles d’Aurochs étaient très rares dans les collections naturalistes et dans les musées.
13Jean-Emmanuel Gilibert (1741-1814) occupe une place bien particulière parmi les naturalistes qui ont contribué à la connaissance de la biologie du Bison d’Europe. Il fut engagé en 1774 par l’administration du roi Stanisław August Poniatowski dans le but de moderniser l’enseignement de la médecine, de l’agronomie et de l’histoire naturelle. Il laissa de nombreux travaux sur l’Histoire naturelle de la Pologne et de la Lituanie.
14Gilibert fut le premier naturaliste à élever et à observer des bisons en captivité. Il publia ses observations en latin12 et en français dans son Abrégé du Système de la nature de Linné, histoire des mammaires ou des quadrupèdes et cétacées. Dans le chapitre de cet ouvrage intitulé Monographie du Bison de Lithuanie, il rapporte la capture de specimen vivants :
« Les veneurs du roi de Pologne prirent deux mâles et deux femelles, quinze jours après la Noël, dans la forêt de Bialovicz. Les deux veaux mâles moururent un mois après. On parvint à élever les deux femelles.13 »
15Gilibert a décrit la morphologie et l’anatomie du Bison d’Europe mais aussi les préférences alimentaires de ces animaux, leurs comportements dans la nature et en captivité. Désirant répondre à la question du statut taxinomique de l’espèce et de ses relations avec les Bovins domestiques, il tenta de croiser ces deux espèces, mais il n’y parvint pas. Une partie des femelles de cette espèce commence la reproduction plusieurs années après la maturité sexuelle et probablement la bisonne de Gilibert était encore trop jeune, d’où l’échec de ces tentatives. Il a fallu attendre presque un siècle pour que les premiers croisements soient réussis par Léopold Walicki (?-après 1864)14. Gilibert publia aussi des descriptions de chasses aux Bisons ainsi que des informations sur l’usage traditionnel de ces animaux :
« En Lithuanie on sale la chair, que l’on conserve sous l’eau dans des tonneaux. On la mange bouillie, et c’est une nourriture très saine et des plus agréables. Autrefois les rois de Pologne l’envoyaient en présent aux empereurs […]. On a remarqué que la peau du front, même préparée, conserve longtemps une odeur de musc ; d’où on peut conclure que l’assertion des anciens médecins lithuaniens, sur l’application de cette peau pour faciliter l’accouchement des femmes nerveuses, n’est pas aussi absurde.15 »
16Les observations de Gilibert sont rapidement entrées dans le circuit des informations scientifiques. Elles ont fortement marqué l’histoire de l’étude de cette espèce. Remarquons que les ouvrages de Gilibert, conservés à la Bibliothèque Centrale du Muséum National d’Histoire Naturelle, portent le cachet de Georges Cuvier. Jean Heinrich Münz (1727-1798), célèbre peintre paysagiste, qui rendit une visite à Gilibert à Grodno, dessina sa bisonne. C’est l’une des premières représentations de cette espèce, faite à partir de la nature, et par ailleurs l’une des mieux réussies. Preuve de la longévité et de l’importance des travaux de Gilibert sur le Bison d’Europe, ses observations, notamment en ce qui concerne le régime alimentaire de l’animal, ont été utilisées, plus d’un siècle plus tard, lors de la réintroduction de cette espèce dans la nature, après sa disparition en 191916.
17Les guerres napoléoniennes ont donné à de nombreux naturalistes français l’occasion de connaître la Pologne et la Lituanie. En qualité de médecins, de pharmaciens ou d’ingénieurs, ils combattaient dans les rangs de la Grande Armée. Ils ont contribué à la connaissance de la nature de cette partie de l’Europe. Cependant, cette situation n’influença que très peu le progrès de la connaissance des Bisons d’Europe. L’une des principales raisons est le fait que l’espèce était déjà peu nombreuse et confinée à la seule Forêt de Białowieża. Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent (1778-1846) écrivit ainsi à Léon Dufour (1780-1875) dans une lettre envoyée de Varsovie le 15 février 1807 :
« Il reste pour le monument [souvenir] de ce séjour, de grands lacs et d’immenses marais. À peine les rivières ont-elles des rivages ; avant de prendre un cours réglé, elles errent longtemps au hasard dans de vastes plaines nues, dont je n’ai pu encore voir les végétaux, à cause de la neige. Des forêts de pins […] seules s’élèvent dans ces déserts. Il y en a d’immenses peuplées d’Urus et d’Élans. J’ai déjà vu un de ces derniers ; un de mes dragons en a même tué un ; mais je n’ai point vu les autres. J’eusse voulu les comparer en liberté avec le bel individu domestique que j’ai vu à Vienne.17 »
18Ce grand naturaliste français désirait voir les Bisons d’Europe, mais il les cherchait dans une région où ces animaux étaient déjà absents depuis plusieurs décennies, et en plus dans un habitat qui n’est pas le leur. Grâce aux écrits18 de Jean-Philippe Graffenauer (1775-1838), nous savons que le souvenir de ces animaux persistait parmi la population locale, parfois longtemps après leur disparition. Rien d’étonnant à ce que les officiers de la Grande Armée aient espéré les rencontrer aussi dans les forêts de Prusse, voire dans les environs de Varsovie.
La précision du statut des espèces
19La description détaillée du Bison de la ménagerie de Schönbrunn dans les Annales des Arts et Manufactures par Marcel de Serres (1780-1862) est sans doute la plus importante contribution à la connaissance de cette espèce19. Cette description est d’autant plus importante qu’il est possible qu’il s’agisse du dernier Bison de Transylvanie, donc ayant une origine différente de Białowieża20. Signalons aussi le fait que durant cette période un spécimen arriva au Muséum d’histoire naturelle à Paris. Millot mentionne dans son article un spécimen de Bison naturalisé dont l’identité est incertaine, qui figure dans l’inventaire du Laboratoire de Mammalogie avec la mention « Femelle de Lithuanie. Empereur Napoléon »21.
20C’est à Ludwig Heinrich Bojanus (1776-1827), un savant alsacien et professeur de l’université de Vilnius, que nous devons la description scientifique de l’Aurochs, Bos primigenus22. Dans la même publication, Bojanus analysa les ossements de Bison d’Europe ainsi que les informations disponibles dans la littérature. Il décrivit également une nouvelle espèce de Bison, disparue et jusqu’alors non identifiée : le Bison des steppes, Bison priscus. Ce savant, connu comme le fondateur de l’anatomie comparée et des sciences vétérinaires dans cette partie d’Europe, ainsi que par sa monographie de l’anatomie de la cistude d’Europe, joua donc également un rôle décisif dans la connaissance de l’Aurochs et du Bison d’Europe. Son travail sur le Bison, très détaillé, émerveille encore aujourd’hui par la qualité de ses descriptions et de ses dessins23.
21Le Bison d’Europe, souvent nommé à tort Aurochs, a été fortement présent dans l’imaginaire des savants français. L’animal était connu en France uniquement par des fouilles, mais on savait qu’il vivait encore dans une « forêt vierge » d’un « pays lointain ». Dans l’historiographie du xixe siècle, l’espèce fut facilement liée à la Gaule. Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes (1788-1868), considéré comme le fondateur de la préhistoire, visita la Forêt de Białowieża et observa les Bisons lors de son retour d’un voyage en Russie. Il écrivit au sujet de cette espèce :
« J’ai trouvé en 1856 dans les alluvions de la Somme et je conserve dans mon cabinet la tête d’un jeune animal de ce genre, percée d’un épieu de fer qui était resté engagé dans l’os frontal. Peut-être cet épieu était-il celui d’un de nos princes, car en ces temps ce géant de nos forêts était réservé pour les chasses royales. Partout, en France, les débris de ces Bisons se rencontrent dans les basses terres, les marais, enfin le voisinage des rivières qu’ils affectionnent particulièrement.24 »
22Boucher de Perthes est à l’origine d’un projet d’introduction des Bisons d’Europe en France :
« Or, s’ils vivaient chez nous, s’ils s’y multipliaient, le climat y ayant peu changé, il ne serait pas impossible de les naturaliser de nouveau. C’est une espèce inoffensive, facile à nourrir, qui pourrait faire l’ornement de nos parcs et par suite rendre des services à l’agriculture. J’en parlai à M. Jarocki. Il pensait que si le gouvernement français en faisait la demande, il en obtiendrait un couple du tsar qui s’en était réservé la propriété. Leur transport de Varsovie à Paris par le chemin de fer serait chose facile et peu dispendieuse.25 »
23Ce projet ne fut jamais réalisé au xixe siècle. Pourtant le Bison d’Europe figure sur les listes des animaux à acclimater de la Société Zoologique d’Acclimatation. Le sujet du Bison d’Europe revint à plusieurs reprises durant les séances de la Société, ainsi dans la présentation lue le 28 février 1862 par R.T. Viennot, « Note sur l’Aurochs ou Bison d’Europe », ou encore dans la présentation du baron Noirmont, lue le 14 juin 1861, « Sur quelques espèces de mammifères qui ont existé en France et qui ont disparu ou sont devenues très rares ».
24Pour conclure, les naturalistes français des xviiie et xixe siècles ont joué un grand rôle dans les progrès de la connaissance du Bison d’Europe. Ceci est d’autant plus remarquable que l’espèce était absente du territoire français depuis plusieurs siècles. Nous leur devons d’avoir posé la question du statut taxinomique de l’Aurochs et du Bison d’Europe ainsi que la distinction de ces deux espèces. Les naturalistes français ont fait une analyse critique très pointue des sources historiques, dont celles de l’Antiquité et de la Renaissance. J.-E. Gilibert a eu le grand mérite de faire les premières observations de Bisons d’Europe en captivité ainsi que les premières tentatives d’hybridation de ces animaux avec les Bovins domestiques. Nous devons également aux scientifiques français les premières descriptions de l’anatomie du Bison d’Europe : L.H. Bojanus décrit l’Aurochs et le Bison de steppe. Enfin rappelons aussi que les naturalistes français furent parmi les premiers à voir le danger de la disparition de cette espèce comme conséquence de l’action de l’homme et de la destruction de leur habitat.
Bibliographie
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10.1016/0006-3207(68)90014-1 :Notes de bas de page
1 W. Szafer, « The Ure-ox, Extinct in Europe Since the Seventeenth Century : an Early Attempt at Conservation that Failed », p. 47.
2 P. Daszkiewicz et T. Samojlik, « Historia ponownego odkrycia żubrów na Kaukazie w xix wieku », p. 73-82.
3 J. Millot, « Les Bisons européens des collections du Muséum d’Histoire Naturelle », p. 8.
4 G.-L. Leclerc de Buffon, Histoire naturelle, générale et particulière avec la description du Cabinet du Roi, p. 284-336.
5 K. Lukaszewicz, « Tur. The Ure-ox », p. 3.
6 G. Cuvier et P.-A. Latreille, Le règne animal distribué d’après son organisation, p. 269-270.
7 G. Cuvier et A. Brongniart, Recherches sur les ossemens fossiles où l’on rétablit les caractères de plusieurs animaux dont les révolutions du globe ont détruit les espèces, p. 111.
8 E. Buffetaut, Histoire de la paléontologie, p. 194.
9 J.-B. Dubois de Jancigny, Essai sur l’histoire littéraire de Pologne. Réflexions générales sur les progrès des sciences et des arts, histoire naturelle et géographie, p. 134.
10 Bibliothèque Centrale du Muséum National d’Histoire Naturelle, ms. 634, « Bœufs fossiles ».
11 G. Cuvier et P.-A. Latreille, Le règne animal distribué d’après son organisation, p. 50.
12 J-E. Gilibert, Indagatores naturae in Lithuania, p. 30-49.
13 J-E. Gilibert, Abrégé du Système de la nature de Linné […], p. 490-500.
14 P. Daszkiewicz et T. Samojlik, « Un défi et une chance perdue pour la biologie du xixe siècle : l’hybridation du Bison d’Europe et du Bovin domestique », p. 91-92. Léopold Walicki ne figure pas dans les dictionnaires biographiques polonais, ses biens ont été confisqués par l’administration tsariste et lui-même a été déporté en Sibérie, où il décède.
15 J-E. Gilibert, Abrégé du Système de la nature de Linné […], p. 498.
16 T. Samojlik et P. Daszkiewicz, « Dzikie ssaki Wielkiego Ksiestwa Litewskiego w pracach Jeana-Emmanuela Giliberta », p. 153.
17 P. Lauzun, Correspondance de Bory de Saint-Vincent, p. 109-110.
18 J.-P. Graffenauer, Lettres écrites en Allemagne en Prusse et en Pologne dans les années 1805, 6, 7 et 8 contenant : des recherches statistiques, historiques, littéraires physiques et médicales, p. 212.
19 M. de Serres, « Notices sur les jardins botaniques de Vienne et les serres de Schoenbrunn », p. 249-269.
20 P. Daszkiewicz et T. Samojlik, « Napoleon, Białowieża Forest and the last Bison from Transylvania », p. 72-73.
21 J. Millot, « Les Bisons européens des collections du Muséum d’Histoire Naturelle », p. 11.
22 L. H. Bojanus « De Uro nostrate ejusque sceleto Commentatio: Scripsit et bovis primigenii sceleto auxit », p. 412-468.
23 P. Edel et P. Daszkiewicz, Louis Henri Bojanus, le savant de Vilnius, p. 1-63.
24 J. Boucher de Perthes, Voyage en Russie : retour par la Lithuanie, la Pologne, la Silésie, la Saxe et le duché de Nassau ; séjour à Wisebade, en 1856, p. 456-457.
25 Ibid., p. 457.
Auteur
Chargé d’étude du développement du référentiel taxonomique TAXREF à UMS 2006 PatriNat, Service du Patrimoine Naturel (AFB-CNRS-Muséum national d’histoire naturelle), professeur extraordinaire à l’Institut de l’histoire des sciences, Académie polonaise des sciences, Varsovie, membre de la Société polonaise de dendrologie et de la Société polonaise d’acarologie
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Signes et communication dans les civilisations de la parole
Olivier Buchsenschutz, Christian Jeunesse, Claude Mordant et al. (dir.)
2016