Introduction
p. 9-11
Texte intégral
1La notion de territoire, issue d’une part, des études du comportement animal et d’autre part, des travaux considérant les relations qu’entretiennent les hommes avec l’espace sur lequel ils vivent, est devenue un concept central de la géographie en même temps qu’elle s’est popularisée en dehors du champ strict de cette discipline. De son côté, la notion d’animation (socioculturelle), issue de l’histoire de l’Education Populaire, s’est émancipée, à partir du début des années quatre-vingt de son cadre originel du bénévolat ou du volontariat, principalement lié à l’encadrement des enfants et des jeunes, pour appréhender en se professionnalisant des problématiques et des publics variés en réponse à des besoins sociaux de plus en plus saillants.
2Dans ce contexte, il n’est pas surprenant qu’animation et territoire se soient rencontrés, que l’animation du territoire soit devenue une préoccupation portée par de nombreux acteurs locaux, que la notion d’animation territoriale soit apparue pour parler des actions conduites par ces acteurs sur des espaces localisées, que ce soit d’un point de vue administratif ou politique, culturel ou géographique, etc.
3Cependant, cette notion de territoire ne doit pas être réduite à une définition de l’espace géographique localisé. Le territoire, autant que l’animation sont des objets complexes qui agrègent de nombreuses dimensions matérielles et concrètes, virtuelles ou idéelles. Ainsi, en réponse à un article1 qui faisait état de la situation économique catastrophique d’une ville du sud de la France, un internaute « anthropologue » pourrait-on dire, écrit : « aux fenêtres, les drapeaux de l’équipe de rugby ont laissé la place aux antennes paraboliques… »
4Ce court exemple nous montre que l’appréhension du territoire peut se faire à partir d’éléments symboliques, et que ces symboles disent comment ces territoires sont pensés, consciemment ou pas. Ils disent également comment ces territoires sont construits, autour de quelles valeurs les acteurs peuvent se rassembler et se reconnaître, ou se déchirer et s’opposer. La première référence au symbole du drapeau de l’équipe de rugby renvoie à un territoire pensé de façon endogène : ce sont les acteurs locaux qui participent à la représentation, à l’animation du territoire. La référence aux antennes paraboliques fait quant à elle écho à un territoire pensé de façon exogène. Le symbole est ici celui d’une culture plus large, une culture « monde » plus globalisante, plus éloignée ou différente « Autre ». Au-delà de ces représentations, le territoire produit également des marqueurs qui se traduisent selon des formes distinctives variées : façons de parler (accent, diction, etc.), façons de s’habiller (en fonction du climat, des cultures, etc.), façon de vivre (habitus)… Nous nous déplaçons donc, un peu à la façon des escargots, si ce n’est avec notre maison sur le dos, tout au moins avec des éléments qui signifient, ou qui masquent, notre identité territoriale.
5Animateur et géographe, praticien et chercheur, à l’écoute attentive des évolutions du champ de l’intervention sociale, il nous a semblé utile de brosser un paysage de ce que l’on nomme l’animation territoriale, une animation ancrée sur des espaces déterminés et construite de façon opérationnelle en fonction de ces espaces.
6Pour ce faire, nous discuterons dans la première partie, « Animer le territoire », de la notion de territoire, ce sera alors le géographe plus que l’animateur qui s’exprimera afin d’éclairer les arcanes de ce concept. Nous donnerons ensuite la parole à l’animateur qui tentera dans la seconde partie, « Territorialiser l’animation », de nourrir cette notion d’animation territoriale et d’identifier les modes d’intervention de celle-ci.
Notes de bas de page
1 Publié dans Le Monde électronique daté du mois d’avril 2013.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'animation, source de diagnostic
L'expérience d'un centre d'animation
Ramon Ortiz de Urbina et Jean-Luc Richelle
2013
Animation & économie sociale et solidaire
Aurélie Carimentrand, Marius Chevallier et Sandrine Rospabé
2017