Les conceptions et les actions des animateurs sur la capacitation, la démocratie participative et l'empowerment des populations : étude préliminaire
p. 381-392
Texte intégral
Introduction : La formation socioculturelle (ASC) et le profil des animateurs socioculturels.
1L'ASC au Portugal commence à s'exprimer de façon plus marquée, et selon Lopes (2008), à partir des années soixante-dix, avec la fin du régime dictatorial, provoquée par la Révolution d'Avril. C’est dans ce contexte que les mouvements associatifs et l'instruction populaire, renaissent, liés aux principes de la liberté d'expression et d'association libre, dans une perspective civique de citoyenneté, de coopération, desolidarité et de participation active dans la vie des groupes et des communautés.
2Les années suivantes, de la révolution d'avril et jusqu'aux années 1980, L'ASC se constitue comme un mouvement social publiquement reconnu. Ainsi, est née la Commission Interministérielle de l'Animation Socioculturelle, au sein de laquelle se débattent les questions liées à la déontologie, au statut et à la formation de l'animateur socioculturel et, après, les premiers centres d'animation sont créés. C’est durant cette phase dite constitutionnelle que le travail développé par les animateurs, malgré son caractère volontaire, commene à être reconnu à travers une formation spécifique.
3Dans la suite des débats autour de l'ASC, on assiste dans les années quatre-vingts, à une phase patrimonialiste, caractérisée par la nécessité de former des animateurs socioculturels, dans une perspective d'universalité, d'institutionnalisation et de professionnalisation de l'ASC. C'est en 1986, avec le passage du pouvoir central au pouvoir local, que l'ASC subit une phase d’indéfinition de sa reconnaissance sociale, par l'Etat, ce qui induit de nouveaux défis. Dans ce contexte, sont crées les premiers diplômes en ASC d’enseignement supérieur alors qu’en parallèle nous assistons à une croissance des mouvements associatifs (création de comités de quartiers, des associations rurales et des projets locaux, entre autres). Dans les années quatre-vingt-dix, l'ASC est considérée comme l'une des méthodes d'éducation non formelle par le Conseil National de l'Éducation. L'ASC est véhiculée à travers les formes les plus variées d'expression et de communication (théâtre, cinéma, animations de rue, la mise en œuvre de projets locaux et communautaires, la réalisation de conférences internationales), et elle renforce le rôle du développement local et la participation active des communautés locales dans l'amélioration de leur qualité de vie (Lopes, 2008).
4En ce qui concerne la formation des animateurs socioculturels au Portugal, celle-ci était fondée, initialement, sur des « méthodes expérientielles et vécues » et, plus tard, « sur des activités de formation à court terme, organisées dans le pays et à l'étranger. » (Lopes, 2008 : 459-460). Le Fonds pour le Soutien des Organisations de la Jeunesse322 était, selon Lopes (2008), « l’organisme qui a promu la formation des animateurs » (p. 460) Cette organisation a distingué quatre types d´animateurs : l’animateur socioculturel, l’animateur socioéducatif, l’animateur polyvalent et l’animateur spécialisé. Le modèle de formation développé par cette institution était basé sur le contenu de divers domaines de sciences humaines et sociales : culture générale, psychologie, sociologie des organisations, histoire des sociétés et des arts, domaines de la communication et des expressions (artistique et culturelle). Les connaissances dans ces domaines, associées à l'action pratique des animateurs socioculturels ont été cruciales pour promouvoir la réflexion sur la formation en ASC.
5Qui sont les animateurs socioculturels ? Bento (2007) soutient que l'animateur socioculturel peut être « (...) un sociologue ou un artisan, un historien ou un ouvrier, un enseignant ou un artist. » (p. 9), Larrazábal (2004), cité par Trilla (2004 : 123-134) nous présente l'animateur comme un professionnel qui se trouve entre l'éducateur et le travailleur social : éducateur, parce qu’il « essaie de stimuler l'action, ce qui implique une éducation pour changer les attitudes » ; travailleur social, parce qu'il exerce une action éducative « avec des personnes et des groupes ou des collectivités plus amples » (p. 124). Ensuite, l'auteur (2004) présente une autre caractéristique inhérente à l’animateur socioculturel : celle de « créateur de liens »323 puisqu’il doit « être capable d'établir une communication positive entre les personnes, groupes et communautés et entre ceux-ci et toutes les institutions sociales et les organismes publics » (p. 125). D´autre part, Lopes (2008 : 525-549) examine le concept d’animateur socioculturel sous différents points de vue : selon les auteurs les plus influents dans la formation des animateurs au Portugal, en fonction du courant Luso-Francophone dans les années soixante-dix et quatre-vingts (Edouard Limbos ; M. Imhof, 1972 ; Moechli, Orlando Garcia, 1975) et, enfin, en fonction du Courant Ibérique dans les années quatre-vingt-dix (Ander-Egg, 1987 ; Xavier Ucar, 1992 ; José Maria Quintana, 1993 ; Victor Ventosa, 2002).324
6Pour l’Association Portugaise pour le Développement de l’Animation Socioculturelle, la mission de l'animateur socioculturel est de « (…) promouvoir le développement des groupes socioculturels et des communautés, organiser, coordonner et/ou mener des activités qui facilitent l'animation (culturelle, éducative, sociale, de loisirs et récréatives). »325
7Corroborant les paroles de Bento (2007), de Larrazábal, cité par Trilla (2004), de Lopes (2008) et de l’Association Portugaise pour le Développement de l’Animation Socioculturel, nous croyons que l'animateur socioculturel a un rôle très important et contribue, activement, au développement communautaire, là où il exerce ses activités professionnelles.
L’Animation Socioculturelle et le développement local
8Pour Melo (2008), cité par Canário (2008), pour comprendre le développement local « (…) nous pouvons utiliser deux types d'entrée : soit par un côté économique (...) soit par le côté de la citoyenneté et des droits du citoyen. » (p. 99). Si, d'une part, la notion d'économie est, dans la perspective de l'auteur, « un processus pour créer et reproduire des bénéfices monétaires, pour augmenter la masse monétaire des sociétés » (p. 100), d'autre part, le développement local « finit par être un processus dans lequel on tente de renvoyer l'économie à une certaine pureté initiale. » (p. 102). Ce type de développement peut être fait dans une « perspective des pouvoirs publics et en particulier des municipalités. » (p. 106). Encore selon le même auteur, « le développement local doit avoir (…) une très forte composante en matière de citoyenneté et de la participation des citoyens (...) au niveau du débat, au niveau de la définition des processus, pour que, d’une certaine manière, des décisions collectives soient prises. »(Melo, cité par Canário, 2008 : 107)
9Ferreira (2005 : 20-21) affirme que « l'étude du Local en Éducation implique la reconnaissance du fait que le local n'est pas seulement le lieu et que l'éducation n'est pas seulement l'école. » Selon l'auteur, les phénomènes sociaux liés aux problèmes de la mondialisation et de déplacement, parmi lesquels peut être souligné le rôle de l'Etat comme « régulateur », « animateur », « superviseur » et « évaluateur », ont mis l'accent sur le local, en tant qu’espace de « partenariat », du « territoire » et de la « communauté ». Les politiques sociales publiques elles-mêmes appellent à « l'initiative locale et au travail en réseau et en partenariat. » (p. 21), comme en sont l'autonomie dans la gestion des écoles et dans d'autres domaines de l'action sociale, y compris par des initiatives de développement local. Pour sa part, l'école, le système d'éducation, selon Ferreira (2005 : 22), ne peut plus, à partir des années soixante, répondre aux besoins des communautés vivant une « pluralité des mondes », du « monde civique » au « monde de la communauté ». Ainsi, il devient urgent de « réfléchir sur les champs non scolaires » dans le domaine des Sciences de l'Éducation, plus précisément sur le rôle de l'éducation non formelle dans le processus d ´ éducation et développement, et dans l`animation communautaire et éducative. En ce sens, Ferreira (2005) nous présente une étude sur le rôle et la contribution du local dans l’Éducation, notamment dans les processus d'animation, de gestion et de partenariat.326
10Melo (2005 :15-28), dans une communication présentée à l'École Supérieure d’Éducation de Portalegre sur « Animation Communautaire et Éducation d’Adultes dans la pratique d'une association de développement local », réfléchit sur « un travail d'intervention communautaire à l'intérieur de l’Algarve dans la région montagneuse de la transition de l’Algarve à l’Alentejo » (p. 15), auquel il participe depuis 1985/86. Dans cette réflexion, Melo (2005) rappelle Paulo Freire et sa position considérant « l'homme comme le sujet de sa propre histoire » ; de cette façon, Melo (2005) soutient que, c'est seulement avec une participation active dans la société, que nous sommes des personnes à part entière et que nous nous assumons en tant qu’êtres humains. Lorsqu’il fait référence à Spinoza (p.16), l'auteur défend l’idée que la personne n’est pas un individu isolé, mais plutôt quelqu'un qui « est construit par les relations (...) qui se constituent et qui s’établissent relativement au monde social (...) et aux autres êtres humains. Ce sont ces relations, de « travail » et « politiques », qui permettent à l'homme de devenir une personne à part entière. » En ce sens, Melo (2005) disserte sur la liberté de l'homme qui doit être transformée en libération et autonomie, dans une « relation politique » avec le monde extérieur, c’est-à-dire, une relation avec « l’espace public », un espace « ouvert à l'intervention humaine sur la société » (p.17), par une attitude entreprenante et une action consciente et réfléchie.
11Trois ans après la communication présentée, Melo (2008), cité par Canário (2008 : 97-113), problématise l’Éducation d’Adultes et le Développement Local comme des concepts difficiles à définir parce qu'ils ont émergé à partir des pratiques et qu’ils ont accompagné l'éducation scolaire des enfants et des jeunes. Dans le concept d'éducation des adultes « (…) il y a, effectivement, une demande d'autonomie et (…) la reconnaissance des pratiques d'apprentissage qui se développent en dehors de l'école, à différents niveaux de la société, dans les divers quadrants des sociétés. » (p. 99) Quant au développement local, il se pose à l'ère de la mondialisation, comme « force dominante de nos sociétés », à une époque de résistance à certains processus dominants et qui excluent. En tant que processus de résistance et de défi à la tendance globale, le développement local commence dans les territoires « menacés » par la croissance économique de la population et la désertification. En effet, et selon Melo (2008 : 106), c'est là que réside le rôle du développement local : la viabilité d'un territoire donné, contre les adversités du contexte social actuel. Ainsi, sont adoptées des stratégies de coopération, d'investissement participatif et de solidarité, en vue d’« augmenter le niveau d'excellence, de qualité, de savoir-faire, des ressources et (…) des moyens dans un territoire donné. » Selon l'auteur (2008 : 110), le développement local est « un processus global qui met en mouvement et en synergie les acteurs locaux pour la valorisation des ressources humaines et matérielles pour un territoire donné (...), un processus de mouvement entre acteurs locaux. »
12Canário (2008 : 14-15) associe le concept de développement local aux « pratiques de la coordination entre l'éducation d’adultes et le développement au niveau local, avec la forte valorisation de la participation directe des intéressés. ». L'auteur (Canário, 2008 : 61-69) défend le développement local comme processus éducatif, en raison des relations causales qui sont établies entre l'éducation et le développement. Le développement local est considéré comme un apprentissage collectif, dans lequel « le changement social est concomitant avec le changement des représentations (…) et des comportements (...) tant au niveau individuel que collectif. » (p. 64). En ce sens, le concept de participation associé aux acteurs locaux est ce qui, selon l'auteur, permet de transformer le processus de développement, grâce au travail d'une communauté particulière. Canário (2008 : 65-66) introduit ici le concept d'endogénéité, en tant que « façon dont les ressources locales sont identifiées et mobilisées, dans le cadre du processus de développement. » Ces ressources auxquelles l'auteur se réfère sont les gens et leurs capacités à participer. Grâce à une action éducative sur le local, ces ressources (les gens) et leurs savoirs d'expérience conduisent, à leur tour, à la résolution des problèmes locaux.
13À partir des paroles de Canário (2008), nous appelons cette discussion sur les questions de la démocratie participative. Ander-Egg (2009) réfléchit sur ce que peut signifier la participation : « (…) Participación designa la capacidad y modalidad operativa de programas y actividades que permiten promover, alentar y llevar a cabo auténticas formas de intervención e implicación de la gente, tanto a nivel individual como grupal o colectivo, para resolver problemas o atender necesidades. (…) “Participar” significa “ser parte”, “tomar parte” en algo” tener parte” de alguna cosa. » (p. 110). Considérons, à partir des paroles de Ander-Egg (2009 : 117-118), comme principes de base pour une participation effective : le droit d'une personne à décider de son propre destin, de prendre part aux décisions, de respecter les différences individuelles.
14Pour sa part, Amaro (2004 : 13), se référant à l'Economie Sociale et Solidaire, insiste sur le fait que celle-là est, tout d'abord « (…) promotrice de cohésion sociale, qu’elle respecte et valorise la diversité culturelle et aussi (...) qu’elle est territorialisée et promotrice du développement local. » Dans la même ligne de pensée et à propos du même concept (Économie Sociale et Solidaire), Amaro (2007) nous indique quelques facteurs d'émergence de cette nouvelle économie « (...) l`agravation des inégalités sociales de ces dernières 20-25 années, (...) les nouvelles formes de pauvreté et d'exclusion sociale et (…) l'intolérance et l'arrogance culturelles et religieuses, qui inhibent un véritable et nécessaire dialogue et échange interculturels ».
15Pour Gillet (2005), l'action collective était la base du développement qui a eu lieu au XIXe siècle et, a eu pour effet, une autonomie individuelle : « (…) L`action collective, base sur laquelle se sont développés, au cours du XIXè siècle, les structures et les acteurs de l’éducation populaire et de l’animation, est aujourd’hui à reconstruire, car elle est la seule, très vraisemblablement, à pouvoir donner du sens à cette construction moderne d’une autonomie individualisée. » (p. 101).
16À propos de la démocratie participative et de l’action collective se pose, à notre avis, la nécessité de recourir au concept d'empowerment. D’origine anglo-saxonne et importé par certains pays de l'Europe, en particulier par le Portugal, ce concept, dans sa plus simple traduction, nous renvoie au synonyme « donner le pouvoir ». Toutefois, Amaro (2011) préfère lui donner un sens plus large et global : « capacitation et développement des personnes »327. L'auteur fait référence à cette idée d'empowerment en tant que résultat de son intervention autour de l’éducation d’adultes et de la réhabilitation des concepts de développement et de développement communautaire.
Les conceptions et les actions des animateurs socioculturels sur la capacitation, la promotion de la démocratie participative et l’empowerment des communautés et des populations : étude préliminaire
17Les données présentées, de nature préliminaire, sont le résultat de deux interviews semi-structurées, réalisées avec deux animatrices socioculturelles nouvellement diplômées par l’ESELX. Celles-ci ont terminé leur formation en 2010328. Nous avons dans ce cadre chercher à comprendre quelles sont leurs conceptions et quelles actions elles développent avec les populations auprès desquelles elles travaillent. Nous avons l'intention de poursuivre cette étude, avec des interviews auprès d'autres animateurs socioculturels récemment diplômés par l’ESELX.
18D’un point de vue méthodologique, nous avons utilisé la technique d'analyse de contenu des transcriptions des interviews semi-structurées329, un processus que Bardin (2009) identifie comme une façon de tirer parti d'un matériel dit « qualitatif » : « (...) De uma forma geral, o analista confronta-se com um conjunto de “x” entrevistas, e o seu objectivo final é poder inferir algo, através dessas palavras, a propósito de uma realidade (seja de natureza psicológica, sociológica, histórica, pedagógica...) representativa de uma população de indivíduos ou de um grupo social. Mas ele encontra também – e isto é particularmente visível com entrevistas – pessoas na sua unicidade. (p. 90)330.
19Voici une présentation rapide des deux animatrices socioculturelles interviewées : les deux ont entre 20 et 25 ans et sont inscrites en Maîtrise en Éducation Sociale et d'Intervention Communautaire. En ce qui concerne la carrière professionnelle, Laura a été membre d’une équipe d'un projet d'intervention communautaire dans six quartiers dans la banlieue de Lisbonne ; Matilde a été guide touristique et, actuellement, fait partie d'un groupe de danse traditionnelle portugaise. A ce jour, Laura est monitrice d’activités d'enrichissement curriculaire (Expression Musicale), avec des enfants de 3 à 6 ans. Matilde est enseignante à l'École Supérieure d4Éducation de Lisbonne, dans la formation initiale des animateurs socioculturels.
20Comme complément d'information, nous considérons pertinent de mentionner que toutes les deux, Matilde et Laura, font du bénévolat dans un centre de développement communautaire dans le centre de Lisbonne.
21En posant une première question aux deux animatrices socioculturelles interviewées à propos de ce qu`elles pensent de la capacitation des communautés et des populations, Laura nous a dit ce qui suit : « (...) La capacitation et la participation des personnes sont en cours de développement. (...) Cette perception des droits qu’elles ont ou de ce qu'elles peuvent effectivement faire. » (L) Matilde a répondu : « (...) « C`est un concept moderne, d'application moderne. (...) Il signifie s’épanouir, l’impulsion de la réalité, la réalisation de l’idéal de chaque élément de la communauté. » (M)
22Quand nous avons voulu savoir s`il existe (ou non) la notion de démocratie participative dans le groupe ou dans les communautés, Laura nous a dit : « (...) Bien sûr, elle existe. Que veut-on en faire, là est la question. Dans certains groupes, c'est la question. (...) Ça ici, j'ai le droit de choisir, car, c'est ma vie (...) (...) C’est moi qui décide ce qui se fait ! » Pour Matilde, « (...) Elle existe petit à petit. Elle existe parce qu'il n'y a des personnes qui la concrétisent et qui la comprennent. (...) Nous devons éveiller, au sein de chaque personne, à une démocratie participative. »
23Laura dit que l'empowerment signifie « (...) Donner le pouvoir (pour responsabiliser), de permettre, (...) une gestion endogène, une autogestion dans tout ce qui se rapporte au groupe. » Selon Matilde, le terme empowerment est une « (...) expression récente et difficile à définir. Quelque chose (...) que nous travaillons dans la personne fragile, dans les communautés fragiles ».
24Concernant la question « de quelle façon votre activité professionnelle promeut-elle (ou non) la capacitation, la démocratie participative et l`empowerment des communautés et des populations ? », nous avons obtenu les réponses suivantes : « (...) Je pense qu'elle les promeut, je cherche à les promouvoir et je pense que l’empowerment et la capacitation des publics auprès desquels nous intervenons font aussi bien partie du profil de l'animateur que de la définition de ce qu’est l’animation. » (Laura). Matilde accepte et ajoute : « (...) Elle les favorise. Je dois préciser, en tant que formatrice, ces concepts et (...), à travers eux, je peux transmettre ces concepts. » (Matilde) Lorsqu'on questionne les deux animatrices socioculturelles sur le rôle et la contribution de l'animateur socioculturel dans le développement communautaire d'un groupe, d’une communauté, d’une population et sur la façon dont ils ont lieu (ou non), Laura renforce l'idée que « (...) L’animateur est un agent de développement. (...) Son rôle et sa contribution... (...) Il n’existe pas un modèle rigide d'action, c’est un modèle, une ligne directrice. L’Animation Socioculturelle est l'axe de rotation de l'action, le cercle, la boule de neige. » Quant à Matilde, « (...) Il n’y a pas le rôle ; il y a des rôles, selon le groupe, la communauté, la population spécifique. L’animateur socioculturel a un rôle déterminant parce qu’il peut guider les possibilités d'action sur le terrain et, ensuite, avec la population. »
25Quand nous avons voulu comprendre si et comment les animateurs socioculturels pouvaient aider à renverser la situation politique et socioéconomique difficile qui existe en Europe et au Portugal, à travers les actions des populations, Laura a affirmé : « (...) Oui, l'animation a un rôle très important : ce sont les populations qui supportent toute la conjoncture, nous ne pouvons ignorer que ce sont les décisions que nous prenons qui affectent notre monde. (...) Elles sont de notre responsabilité. » Matilde nous a dit : « (...) Oui tout d'abord, nous sommes des êtres vivants et nous vivons tous dans cette société. Nous sommes tous directement impliqués dans la situation que nous traversons. L'animation est promotrice de valeurs spécifiques et déterminantes dans la vie de l`individu, dans la vie communautaire. »
26Plus tard, nous avons essayé d'identifier les perspectives des deux animatrices socioculturelles sur la contribution possible des professionnels autres que les animateurs socioculturels dans la transformation de la société portugaise actuelle. Pour Laura « (...) Ce sont tous les professionnels de tous les quadrants : (...) ils ont besoin de comprendre comment ils peuvent renverser la situation, ce qui doit être fait ». Et Matilde concrétise, en expliquant que ce sont « (...) toutes les professions liées à l'éducation et la formation, parce que l'éducation, et la formation des individus, est un domaine d'intérêt majeur pour cette prise de conscience (pour la transformation de la société). C`est l'ensemble des personnes-professionnels qui sont derrière chaque profession. »
27Avant de terminer les interviews, nous avons demandé à nos interlocutrices d’ajouter quelque chose, si elles le souhaitaient. Laura, se référant à l'importance de l'école, a ajouté que « (...) L'école est un moule pour les esprits, les consciences du groupe, des groupes de pairs dans l'interaction. (...) C'est là où nous passons la plupart du temps. (...) L'idéal est que l'école et l'éducation aient un rôle moteur continu. » Puis, elle a établi une relation avec le rôle de la famille, affirmant que « (...) la famille a un rôle très important dans le processus d'éducation. » (Laura) Quant à Matilde, elle estime que « (...) il devrait y avoir une formation initiale pour les valeurs, parce que l'école est le plus grand espace pour cette formation (civique) ». Et elle ajoute : « (...) La société portugaise n'est pas très critique, ne croit pas en elle-même, révèle quelque inactivité. (...) Il devrait y avoir une formation pour la vie, pour soi-même et pour la société en général. » (Matilde)
Remarques finales
28En analysant le discours des deux interviewées sur leurs conceptions de capacitation, de démocratie participative et d’empowerment, il est important de reprendre Ander-Egg (2009) et ce que signifie pour cet auteur, participer : promouvoir et mener à bien des formes d'intervention et d'implication des individus, aussi bien au niveau individuel que groupal et collectif. Il est aussi important de reprendre Amaro (2004 :13) à propos du concept de l’Economie Sociale et Solidaire en tant que « (...) promotrice de cohésion sociale et en ce qui concerne le concept d'empowerment : (...) capacitation et développement des personnes ». (Amaro, 2011).
29Le rôle et la contribution de l'animateur socioculturel dans le développement communautaire d'un groupe, une communauté ou la population nous renvoient à Bento (2007) et Larrazábal (2004), cité par Trilla (2004 : 123-134), quand il est affirmé que l'animateur est celui qui se trouve entre l'éducateur et le travailleur social. L’Association Portugaise pour le Développement de l’Animation Socioculturelle (APDASC) nous rappelle la mission de l'animateur socioculturel, affirmant que celui-ci favorise « (...) le développement socioculturel des groupes et des collectivités. »331
30Pour l’Animation Socioculturelle (ASC) et le Développement Local, en articulation avec l'action collective des animateurs socioculturels, des populations et des communautés avec lesquelles ils développent leur activité professionnelle, Laura nous dit que « (...) ce sont les populations qui supportent toute la conjoncture, nous ne pouvons ignorer que ce sont les décisions que nous prenons qui affectent notre monde. (...) Elles sont de notre responsabilité. » Parallèlement, nous rappelons la perspective de Melo (2008), cité par Canário (2008), affirmant que c'est le développement local qui doit avoir « (…) une très forte composante en matière de citoyenneté et de la participation des citoyens (...) au niveau du débat, au niveau de la définition des processus, pour que, d’une certaine manière, des décisions collectives soient prises. » (p. 107).
31Toujours sur le thème de la conception de local, mais maintenant directement relié à l'éducation, Ferreira (2005) nous rappelle que « (...) l'étude du local en Éducation implique la reconnaissance du fait que le local n'est pas seulement le lieu et que l'éducation n'est pas seulement l'école. » (p. 20), rappelons les mots de Laura, qui dit : « (...) L'école est un moule pour les esprits, les consciences du groupe, des groupes de pairs dans l'interaction. (...) C'est là où nous passons la plupart du temps. (...) L'idéal est que l'école et l'éducation aient un rôle moteur continu. »
32Enfin, nous considérons que « (...) l'Animation Socioculturelle est, sans doute, un pilier fondamental dans la construction d'une « société éducatrice332 » et des « communautés apprenantes », à son tour, le développement communautaire, comme lieu d'apprentissage collectif (Canário, 2008 :14-15), invite à la participation active de la population comme forme d’« émancipation sociale ». (Simões, 2010 : 96).
33Nous remplissons donc l`objectif principal de cette contribution qui est de réfléchir sur les conceptions et les actions des animateurs socioculturels sur la capacitation, la promotion de la démocratie participative et l`empowerment des communautés et des populations, avec lesquelles ils développent leur activité professionnelle.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Trilla Jaume (coord.), (2004) Animação Sociocultural. Teorias, Programas e Âmbitos. Lisboa : Instituto Piaget.
Site consulté
Associação Portuguesa para o Desenvolvimento da Animação Sociocultural (APDASC), url : http://www.apdasc.com/pt/ (août, 2010).
Notes de bas de page
322 En portugais, Fundo de Apoio aos Organismos Juvenis (FAOJ).
323 En portugais : « relacionador ».
324 Cf. Lopes, Marcelino de Sousa. (2008). Animação Sociocultural em Portugal. Amarante : Intervenção, pp. 531-546.
325 Disponible en : http://www.apdasc.com/pt.index.php?option=com_content&task=view&id=33&Itemid=77
326 Pour plus d'informations sur l’étude de Ferreira (2005), cf. le travail O Local em Educação. Animação, Gestão e Parceria, publié par la Fondation Calouste Gulbenkian. Service d’Éducation et Bourses.
327 Amaro, Rogério Roque, (2011) « Défis pour l'éducation à partir de nouveaux concepts et paradigmes de développement ». Document présenté dans le Séminaire Transdisciplinaire et Programme d’Éducation, d’Enseignement et de Formation des Enseignants. Institute of Education, Université de Lisbonne (28 octobre).
328 Laura (L) et Matilde (M), des noms fictifs, pour des raisons d'éthique en recherche.
329 Un enregistrement audio des interviews a été autorisé, par les deux animatrices socioculturelles interviewées (Laura et Matilde), permettant une audience, une transcription et une analyse de contenu fiable des discours des personnes interrogées.
330 La citation présentée a été retirée du travail de Laurence Bardin (2009). Análise de Conteúdo. Lisboa : Edições 70, Lda. (Version portugaise - traduction de Luís Antero Reto e Augusto Pinheiro) « (...) Généralement, le praticien est confronté à un ensemble de "x" entretiens, son objectif final étant de pouvoir inférer, au travers de ces paroles, à propos d'une réalité (qu’elle soit de nature psychologique, sociologique, historique, pédagogique...) représentative d’une population d'individus ou un groupe social. Mais il rencontre aussi, et cela est particulièrement prégnant avec des entretiens – des personnes dans leur unicité » (version originale de la citation).
331 Disponible en : http://www.apdasc.com/pt.index.php?option=com_content&task=view&id=33&Itemid=77
332 En portugais : sociedade educadora.
Auteur
Professeure ESELx, Institut Polytechnique de Lisbonne, Ecole Supérieure d’Éducation
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2016
Animation et intervention sociale : parcours, formations, enjeux
Actes du colloque RIA 2013
Jean-Luc Richelle (dir.)
2014
Animation, vie associative, des acteurs s'engagent
Ouvertures internationales
Luc Greffier (dir.)
2014
L'animation socioculturelle professionnelle, quels rapports au politique ?
Jean-Luc Richelle, Stéphanie Rubi et Jean-Marc Ziegelmeyer (dir.)
2013
Autour de l'animation sociale et socioculturelle en France et en Espagne / Alrededor de la animación social y socio-cultural en Francia y España
Programme de coopération transfrontalière Aquitaine - Aragon / Programa de cooperación transfronteriza Aquitania - Aragón
Luc Greffier (dir.)
2013
L’animation socioculturelle : quels rapports à la médiation ?
Luc Greffier, Sarah Montero et Pascal Tozzi (dir.)
2018
Les consultations de la jeunesse des années 1960 à nos jours, un outil pour l’action publique ?
Denise Barriolade, Laurent Besse, Philippe Callé et al. (dir.)
2020
Art, Recherche et Animation
Dans l’animation et la recherche : expérimentations artistiques. Quelles interactions pour quelles transformations ?
Cécile Croce et Chantal Crenn (dir.)
2021