L’animateur socioculturel, « passeur » de la consommation responsable dans la ville durable ?
p. 281-293
Texte intégral
Introduction
1Les réflexions sur la ville durable interrogent les citoyens sur leur responsabilité sociale et environnementale, notamment à travers leurs pratiques quotidiennes de consommation, comme en témoigne le « boom » des écoquartiers. La consommation n’est pas du ressort exclusif du domaine privé, comme on tend souvent à la présenter. Le consommateur peut suivre le citoyen et participer à une ville, et au-delà à une société, plus durables à travers ses choix de consommation. Les consommateurs peuvent ainsi être perçus comme une force éclatée qui demande à être cristallisée pour faire évoluer les pratiques des entrepreneurs voire (ré-)inventer des systèmes alternatifs plus durables. Compte tenu de ces enjeux, quels rapports entretient la consommation responsable avec l’animation socioculturelle ? Dans quelle mesure doit-elle et peut-elle sensibiliser les citoyens aux enjeux politiques de la consommation et aux alternatives possibles ? Au-delà, le consumérisme politique ne constitue-t-il pas une branche d’activités future à construire à travers l’éducation à la consommation responsable mais aussi l’animation et la coordination des réseaux ? Afin de répondre à ce questionnement, nous proposons dans une première partie de définir la consommation responsable à partir d’une revue de la littérature. Dans une seconde partie nous montrons qu’historiquement la consommation responsable a, depuis ses origines, eu tendance à se structurer en deux branches. Celles-ci sont aujourd’hui représentées par la consommation alternative, qui vise à transformer les systèmes de distribution et d’échange des biens et services, et la consommation raisonnée, mobilisée dans les stratégies marketing de la grande distribution. Enfin, dans une troisième partie nous interrogeons la consommation responsable au prisme de l’animation socioculturelle.
1. Du caractère diffus de la consommation responsable
2L’enquête European Social Survey229 montre que près d’un quart des Européens ont acheté des produits pour des raisons politiques, morales ou environnementales, et que 17,4 % en ont boycotté pour les mêmes motifs (Bozonnet, 2010). D’après une enquête d’Ethicity230, 66 % des Français déclarent faire des achats responsables, dont 20 % régulièrement. Pour le Centre d’Analyse Stratégique, « évalué entre 18 % et 33 % de la population, le poids [des consomm’acteurs] est déjà quantitativement sensible dans certains secteurs, notamment les transports (aérien, automobile), l’industrie agroalimentaire (diminution de la consommation d’eau en bouteille, de produits transformés, sur emballés, etc.) ou les loisirs » (CAS, 2011, p. 35). Au niveau de l’alimentation, le succès des produits de l’agriculture bio et du commerce équitable231, l’engouement pour les Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP), le développement des circuits courts et du locavorisme232 marquent la progression de la consommation responsable. Alors que l’engouement pour la consommation responsable est manifeste, comment en préciser les contours ?
3Les pratiques de consommation responsable s’inscrivent, au côté d’autres actions contestataires et structurantes ancrées dans des pratiques sociales élargies, comme la simplicité volontaire ou l’activisme anti publicitaire, dans le champ de la consommation engagée telles que décrites par Dubuisson-Quellier (2009). Ces pratiques sont parfois associées à de nouvelles catégories sociales, à l’image des travaux sur les créatifs culturels (Ray, Anderson, 2001) et sur les altercréatifs (Association pour la Biodiversité Culturelle, 2007 ; Dhoquois, 2007). Or les motivations des consommateurs responsables, loin d’être uniformes, varient selon le type de pratique consommatoire et sont connectées à l’ampleur de la crise que traverse la société postfordiste. Cette diversité de sens interroge la cohérence du concept sous-jacent et le choix d’une dénomination : consommation éthique, durable, engagée, socialement consciente, concernée ou responsable… Pour Ozçaglar-Toulouse (2005, p. 52) : « la consommation responsable est constituée par l’ensemble des actes volontaires, situés dans la sphère de la consommation, réalisés suite à la prise de conscience de conséquences jugées négatives de la consommation sur le monde extérieur à soi, ces conséquences ne relevant donc ni de la fonctionnalité des achats ni de l’intérêt personnel immédiat ». La consommation responsable constitue donc une affirmation de valeurs sociétales exprimée par des actes d’achat (boycott et buycott via les labels syndicaux, sociaux et environnementaux). Par ses achats, le consommateur sensible aux causes sociales et environnementales joue un rôle politique, illustré par la formule acheter, c’est voter. L’acte individuel d’achat participe donc d’une logique collective et relève d’une action collective individualisée (Micheletti, 2003 ; Trautmann, 2004). La consommation responsable regroupe des actes individuels (achat de produits issus du commerce équitable, installation de panneaux solaires…) mais aussi collectifs, par exemple les coopératives de consommateurs et les systèmes d’échanges alternatifs (Tableau 1).
4En étant « fourre-tout », le concept de consommation responsable permet de rassembler largement, au-delà des marqueurs distinctifs. Il risque aussi d’être dévoyé au profit d’autres mots d’ordre comme la consommation raisonnée.
Tableau 1. Les différentes formes de la consommation engagée
Source : Dubuisson-Quellier (2009, p. 136)
2. Pratiques et visées de la consommation responsable
5Les évolutions actuelles du consumérisme politique (Cochoy, 2008) constituent un réveil du consommateur-citoyen et non son invention, comme l’atteste l’histoire souvent méconnue du label syndical ou des coopératives de consommation du XIXe siècle. Toutefois, les Fils de la Liberté233 ou les ligues sociales d’acheteurs auraient peine à reconnaître leurs descendants dans les buycotteurs. Massivement diffusées en Europe du Nord et de l’Ouest, les pratiques de consommation responsable y constituent un répertoire familier des classes moyennes tertiaires éduquées (Bozonnet, 2010). Si ces contestations sont aussi vieilles que la révolution industrielle, ce n’est que récemment que les consommateurs commencent à obtenir gain de cause (Beck, 2004). Cet historique montre qu’il faut distinguer les niveaux individuel et collectif de la consommation responsable pour mettre en exergue les pratiques collectives individualisées.
2.1 Les pratiques collectives individualisées et les pratiques collectives de la consommation responsable : une approche historique
6Les pratiques individuelles de la consommation responsable, à savoir le boycott et le buycott, datent respectivement de la fin des XVIIIe et XIXe siècles. Les boycotts ont été nombreux à partir de la fin du XVIIIe siècle. Un des exemples les plus connus est la Tea Party de 1773 aux USA durant laquelle les colons américains jettent du thé importé d’Angleterre dans la baie de Boston. Elles deviennent une arme de protestation aussi bien pour les syndicats que pour les citoyens. À côté du boycott s’est développée une incitation à l’achat sélectif ou buycott. Elle consiste à réaliser un choix sélectif des produits consommés. Le concept de buycott permet de compléter la typologie des voies d’action face aux défaillances des entreprises et des institutions proposée par Hirschman : la défection (exit) et la prise de parole (voice). La défection correspond au boycott. La prise de parole, ou protestation, est l’expression du mécontentement des clients d’une firme. Le buycott correspond à un nouveau type de contestation, nommé entry ou voie de l’adhésion, par opposition à l’exit (Micheletti, 2003). Un des cas les plus connus est probablement celui de la lutte contre l’esclavagisme dans la première moitié du XIXe siècle. Les militants des produits libres, c’est-à-dire fabriqués par des travailleurs libres, incitaient les sympathisants à ne plus consommer de produits fabriqués par les esclaves, en créant leurs propres magasins ne vendant que des produits libres (Glickman, 2005).
7La seconde moitié du XIXe siècle verra cette forme d’action reprise par les syndicats. Le premier label est créé dès 1875 par des cigariers de San Francisco. Ils sont confrontés à la concurrence de cigariers employant des ouvriers immigrants chinois, payés deux fois moins chers. Ils décident d’apposer sur leurs boîtes de cigares un timbre avec la mention ‘made by White Men’ pour distinguer leurs produits (Le Crom, 2004). Une autre expérience de cigariers, menée à Saint Louis, est constituée par la création d’une marque qui reconnaît que le travail a été payé au prix demandé par les ouvriers. Ces expériences aboutiront à l’adoption en 1880 d’une résolution de l’Union internationale des cigariers d’Amérique en faveur de l’usage de labels pour les produits réalisés par des ouvriers syndiqués. Le label représente donc à ses origines une action syndicale soutenue par les consommateurs. Aux USA, d’autres syndicats (chaussure, vêtement, typographie, etc.) suivront la voie tracée par les cigariers avec les labels Union made.
8L’introduction en France du label syndical a eu moins de succès que dans les pays anglo-saxons. L’initiative en revient dès 1895 au syndicat des typographes. Adopté par quelques syndicats, le boycott et la grève lui sont préférés comme armes de luttes par la Confédération Nationale du Travail. Le pragmatisme de la fédération du Livre, qui défend le label, s’oppose idéologiquement à la théorie de la grève générale retenue alors par les syndicats révolutionnaires (Le Crom, 2004). Plus tard le label renaît sous des formes bien différentes avec par exemple les labels officiels agricoles, comme le label rouge ou encore le label agriculture biologique, garantis par le ministère de l’agriculture. Parallèlement, se développent des labels sociaux et environnementaux créés et gérés par des ONG (Max Havelaar, FSC, Cosmébio, etc.234). Du boycott caractéristique des décennies 1960 à 1980, on évolue vers le buycott. L’achat de produits issus du commerce équitable, figure emblématique du consumérisme politique, en constitue ainsi une nouvelle forme. Avec la multiplication des labels privés, la confusion augmente auprès des consommateurs et la tentation marketing du greenwashing et du fairwashing s’accroît235.
9Concernant les formes collectives de consommation responsable, les utopistes associationnistes du XIXe siècle et du début du XXe siècle (owenistes en Grande-Bretagne ; saint-simoniens, buchéziens, fouriéristes et disciples de l’école de Nîmes en France) ont loué les vertus de l’association ouvrière qui prend la forme de coopératives de production et de consommation. Ils ont ainsi initié l’idée de la consommation responsable sous sa forme collective dans une visée émancipatrice de la classe ouvrière. Pour Chanteau (2008), la société coopérative de consommation constitue une forme historique de commerce équitable, le commerce équitable associationniste, différent du commerce équitable interétatique et du commerce équitable sectoriel qui lui succèderont. Ces coopératives de consommation (la Ruche Nancéenne, l’Union de Limoges, la Paix de Roubaix, la Revanche Prolétarienne de Carmaux) fonctionnent selon les principes fondateurs des Équitables pionniers de Rochdale initiés par Charles Howarth : ristourne, gouvernance démocratique et libre adhésion236. Si en 1922 la France comptait 3 840 coopératives de consommateurs et un total de plus de 2,3 millions de sociétaires (Gueslin, 2001), aujourd’hui elles ont quasiment disparu.
10La Fédération Nationale des Coopératives de Consommateurs (FNCC) créée en 1912 à l’initiative de Jean Jaurès ne compte plus aucun adhérent dans la capitale et seulement quatre coopératives en régions (Meusy, 2001). Les coopératives de consommation, et notamment les magasins Coop, continuent de se développer jusque dans les années 1960 (Marenco, 1986 ; Zimmer, 2011). Par la suite, en France comme dans de nombreux pays européens (Brazda, Schediwy, 2003), elles ne résisteront pas à l’ascension de la grande distribution ainsi qu’à l’individualisation de la société qui se traduit par un désintéressement des sociétaires par rapport au projet initial.
11Les années 1980 sont toutefois marquées par le développement de nouveaux types de structures associatives de consommation alternative, à savoir les boutiques de commerce équitable de la fédération Artisans du Monde et les coopératives de consommateurs de produits bio, qui se regroupent en 1986 au sein de la fédération Biocoop237. Dans les années 2000 en France, les coopératives de consommation renaissent aussi à travers les AMAP inspirées par les Tekei japonais et les Community Supported Agriculture (CSA) nord-américains. En 2010, elles étaient au nombre de 1 200, la première ayant été créée en 2001 (Lamine, 2008). Les Systèmes d’Échanges Locaux (SEL) et les monnaies sociales (le SOL-violette de Toulouse ou l’abeille de Villeneuve-sur-Lot) participent de ce renouveau.
2.2 Consommation alternative versus consommation raisonnée : quid de la visée émancipatrice de la consommation responsable ?
12La consommation responsable a, depuis ses origines, eu tendance à se diviser en deux branches, que nous appelons consommation alternative et consommation raisonnée. Partant de l’hypothèse que la consommation responsable est plurielle, nous proposons de l’analyser selon leur visée sociale, opposant la transformation sociale au maintien de l’ordre social (Tableau 2).
13Historiquement, la consommation responsable a toujours été duale en ce qui concerne sa visée transformatrice. La première relève d’une simple consommation raisonnée alors que la seconde se fonde sur une véritable consommation alternative. La coopérative de consommation du XIXe siècle est marquée par un dualisme d’inspiration avec un versant libéral et patronal et un versant socialiste et solidariste. La coopération patronale constitue un moyen de paix sociale et non un idéal (Gueslin, 1996).
14Les économats (l’Épargne de Longwy-Bas chez Huart frères ou la coopérative des mineurs d’Anzin) et les quasi économats (la Fraternelle de Valentigney dans le Doubs), qui se développent, dépendent du patronat et les crédits accordés sont souvent retenus directement sur les salaires. À l’inverse, la coopération solidariste et socialiste238 constitue une véritable utopie sociale. Dans son utopie de République Coopérative (1889), le consommateur de Charles Gide, « qui n’était rien et aspirait à être tout », devait se constituer en figure active et organisée collectivement à travers les coopératives de consommation (Guillaume, 2007).
15Les coopératives de consommation ne se résument pas à une œuvre de salut individuel qui servirait de barrage contre le socialisme ou de paratonnerre contre la révolution mais doivent constituer une véritable œuvre de transformation sociale (Gide, 1947).
16Aujourd’hui, les formes collectives de la consommation alternative peuvent être représentées par l’adhésion à une AMAP, à un SEL ou à la préférence des magasins spécialisés dans le bio et l’équitable, dont les structures juridiques relèvent généralement de l’économie sociale et solidaire (coopératives, entreprises d’insertion...).
Tableau 2 : Dualité de la consommation responsable d’hier à aujourd’hui
XIXe siècle | XXIe siècle | |
Consommation alternative (vise à transformer l’ordre social) | Coopératives de consommation solidaristes et socialistes | AMAP et autres associations organisant l’achat direct collectif avec des producteurs locaux SEL Boutiques associatives de commerce équitable Magasins coopératifs de produits biologiques |
Consommation raisonnée (vise à maintenir l’ordre social) | Label syndical Economats (coopératives de consommation patronales) Quasi économats | Labels sociaux et environnementauxClub consommation responsable (E. Leclerc) |
17En ce qui concerne l’action collective individualisée manifestée par le buycott, nous optons pour le classement des labels syndicaux du XIXe ainsi que des labels sociaux et environnementaux dans la catégorie de la consommation raisonnée du fait de leur absence de contestation des circuits de distribution classiques. Le commerce équitable labellisé Max Havelaar dans la grande distribution est en effet très différent de celui représenté par les Magasins du monde. La consommation raisonnée renvoie au greenwashing et au fairwashing et plus globalement à la récupération du thème de la consommation responsable par la grande distribution, à l’image d’E. Leclerc qui a créé un club de consommateurs responsables239. Le distributeur a lancé son logo « approuvé conso responsable240 ». Cette initiative illustre le risque d’un dévoiement ou d’un brouillage de la consommation responsable au profit de la consommation raisonnée. Le consommateur délègue son jugement sur la qualité sociale et environnementale des produits aux labellisateurs ou aux distributeurs ; son processus de réflexion et de jugement personnel sur la qualité des produits est tronqué et la dimension collective s’efface. Si l’essaimage des AMAP est un succès, certains redoutent déjà la récupération du concept des paniers par des structures capitalistes, même s’il existe une contradiction profonde entre ces deux modèles, notamment en termes de solidarité entre producteurs et consommateurs.
18La complexité de l’univers des systèmes de consommations alternatives nécessite un accompagnement des consommateurs dans leurs choix. L’animation est-elle capable de relever le défi ?
3. La consommation responsable : quel rôle pour l’animation socioculturelle ?
19La prise de conscience des effets négatifs des modes de consommation dominants sur la santé, l’environnement, les structures sociales et la montée des formes d’organisations de l’économie sociale et solidaire amènent à se demander si une certaine pédagogie, pour se familiariser avec le nouveau contexte, n’est pas opportune. Par sa volonté transformationnelle, l’animation socioculturelle peut constituer un levier important. Elle peut participer à la diffusion des pratiques de consommation responsable. L’animation est entendue ici comme un médium de l’éducation populaire. Le moyen structurel propre à l’éducation populaire est la vie associative volontaire à but non lucratif, elle-même subordonnée à l’existence d’un temps libre réel pour les citoyens qui veulent y participer (Laurain, 1977). Si l’idéal associatif est considéré comme le modèle du socialisme autogestionnaire, l’éducation populaire se revendique d’une auto éducation du peuple par le peuple. Ce qui conduit Maurel (2010) à penser que l’éducation populaire est l’ensemble des pratiques éducatives et culturelles qui œuvrent à la transformation sociale et politique, à l’émancipation des individus et du peuple, et à leur puissance démocratique d’agir.
20De par sa visée émancipatrice, le champ de l’animation socioculturelle a naturellement plus d’affinités avec la consommation alternative qu’avec la consommation raisonnée. Ainsi, les efforts pourraient s’orienter vers la promotion de SEL, de réseaux d’échanges réciproques de savoirs (RERS), d’AMAP… plus que vers la promotion des labels de la consommation raisonnée. C’est dans ce contexte que des centres sociaux, aux frontières de l’éducation populaire, organisent des écoles de consommateurs ou des débats sur la politisation de l’assiette241. Dans le but de développer des espaces de sensibilisation à la consommation alternative, les centres d’animation peuvent aussi être des lieux d’accueil hebdomadaire pour la livraison des paniers ou pour les bourses locales d’échange des SEL. De nombreuses expériences montrent que ce type de partenariat apparaît comme naturel entre les AMAP et les centres sociaux. De nombreux centres sociaux mettent à disposition des AMAP un local pour la distribution des paniers. Certains partenariats incluent même le concept de panier du lieu, offert par l’AMAP au centre d’animation qui l’utilise dans le cadre des ateliers cuisine242. Certains centres d’animation coopèrent même à la création et à l’animation de groupements d’achats ou d’AMAP, à l’image de l’expérience de la maison de quartier Coluche à Romans sur Isère. Ils participent à une réinterprétation de relations entre producteurs et consommateurs, voire à une requalification des personnes en « prosommateurs » (Da Silva, 2011)243.
Conclusion
21L’émergence de nouveaux modes de consommation est un des faits marquants des deux dernières décennies. Ceux-ci cherchent à relayer des voix discordantes à l’omniprésence des relations marchandes et à la domination du consumérisme. Outre l’accélération de la vie sociale qu’induit cette perspective, d’autres effets pervers lui sont désormais reconnus : problèmes sanitaires, sociaux, écologiques et économiques. Devant ces effets indésirables des modes de consommation dominants, les consommateurs, par leurs actes d’achat peuvent opter pour des produits respectueux de leurs valeurs politiques, éthiques et morales. Ces actions de contestation et de recherche d’alternatives trouvent un écho relativement favorable auprès des structures de l’animation socioculturelle. C’est le sens de l’appropriation par de nombreuses structures des enjeux politiques de la consommation. Certains œuvrent à la mise en place de circuits alternatifs porteurs d’une plus grande cohésion sociale. Au-delà de la reconnaissance de l’intérêt de la consommation responsable en termes d’animation, le développement de pratiques d’animation autour de la consommation responsable suppose trois préalables. Primo, les animateurs doivent être formés à la complexité des enjeux de la consommation responsable. Secundo, les projets pédagogiques des différentes structures doivent intégrer ces nouveaux enjeux. Cela suppose tertio que les publics soient réceptifs voire demandeurs de ces évolutions.
Bibliographie
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Notes de bas de page
229 Menée en 2002-2003 dans 21 pays européens.
230 L’enquête « Les Français et la consommation responsable a été menée en 2010 auprès de 4373 individus.
231 En France, le chiffre d’affaires des produits bio a atteint 3 milliards € en 2009 soit un quasi doublement par rapport à 2005 (source : Agence bio). Celui des produits labellisés Max Havelaar s’est pour sa part élevé à 303 millions € en 2010 contre 120 en 2005 et 12 en 2001, selon Max Havelaar France.
232 Pratique de consommation consistant à privilégier l’achat de produits locaux, élaborés dans un environnement géographique proche.
233 En référence à la Boston Tea Party de 1773, voir infra.
234 Cosmébio pour la cosmétique écolo-bio, Forest Stewardship Council (FSC) & Marine Stewardship Council (MSC).
235 Procédés marketing utilisés dans le but de se donner une image écologiquement (greenwashing) et socialement (fairwashing) responsable.
236 Le modèle socialiste, à la différence du modèle solidariste, rejette généralement le principe de la libre entrée en exigeant l’adhésion à une organisation ouvrière.
237 Depuis 1993, la fédération Biocoop s’est ouverte aux structures de vente non coopératives. En 2006, seuls 40 % des 290 magasins Biocoop sont des structures de l’économie sociale.
238 Les coopératives solidaristes (ou jaunes, d’inspiration gidienne, qui prônent la neutralité politique) se fédèrent en 1885, au sein de l’Union coopérative. Les coopératives socialistes (révolutionnaires, ou rouges) s’unissent en 1895, au sein de la Bourse des coopératives socialistes en 1900. Les coopératives solidaristes et socialistes s’unifient en 1912 sous l’impulsion de Charles Gide et de Jean Jaurès et donnent naissance à la Fédération Nationale des Coopératives de Consommateurs (FNCC), qui existe encore aujourd’hui.
239 E. Leclerc, en tant que coopérative des commerçants, est par ailleurs une structure importante de l’ESS en France.
240 http://www.club-consoresponsable-leclerc.com/consommation-responsable. Pour être « Approuvé Conso Responsable », les produits doivent démontrer leur performance sur au moins deux des cinq familles de critères suivants : composition du produit, fabrication, emballage, utilisation, information.
241 Dans certains écoquartiers, comme Ginko La Berge du Lac à Bordeaux, il faut s’attendre à ce que les projets pédagogiques des centres sociaux intègrent pleinement le thème de la consommation responsable et de l’éco-citoyenneté en embauchant des animateurs formés à ces enjeux.
242 C’est le cas du partenariat entre l’AMAP La cagette de Belleville et le centre d’animation de la place des fêtes.
243 Le prosommateur est un producteur consommateur. Il fréquente les clubs de troc et vit de sa production échangée et consommée. Cette figure, en faisant de l’acteur économique un schizophrène, constitue une critique encore plus radicale que l’AMAP qui se limite au rapprochement du consommateur au producteur.
Auteurs
MCF en sciences économiques, IUT Michel de Montaigne - ISIAT, Université Bordeaux 3, ANR PAGODE, UMR 5185 ADES CNRS
Docteur en sciences économiques, ANR PAGODE, UMR 5185 ADES CNRS, Université Bordeaux 3
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