Co-construire avec des associations algériennes et françaises des projets éthiques pour et avec la jeunesse. Pour quelle société démocratique ?
p. 205-224
Texte intégral
1Les projets Jeunes Action Responsabilité Espoir ont été mis en œuvre de 2008 à 2012 pour et avec une centaine de jeunes oranais dans le cadre de la politique internationale de coopération décentralisée des villes de Bordeaux et d’Oran, et du programme concerté pluri-acteurs Algérie (PCPA) – Joussour – piloté par le ministère français des affaires étrangères et européennes.
2Dans le cadre de cette communication, nous allons revenir sur le processus de co-construction des projets algéro-français de formation et d’actions conduits par deux associations de jeunesse et ce dans le cadre d’une gouvernance démocratique partagée : l’Association des Centres d’Animation de Quartiers de Bordeaux (ACAQB) et l’association Santé Sidi El Houari d’Oran (SDH).
1/ Des valeurs et des principes : jeunesse, citoyenneté, interculturalité
3La reconnaissance de personnes qui créent, animent, développent des associations, et participent ainsi à la démocratie, intrinsèquement liée à l’existence de pouvoirs et de contre-pouvoirs est un enjeu d’importance pour l’émergence d’une conscience citoyenne donc pour l’éducation à la citoyenneté, en particulier pour et avec des jeunes. Comment faire en sorte que chacune et chacun se sentent responsables pour une grande part de la vie en société ? Comment cultiver la responsabilité, que chacune et chacun en prennent conscience et prennent ses responsabilités ? La citoyenneté va bien sûr de pair avec la démocratie. Il s’agit de cultiver le dialogue, le pluralisme, le respect de l’autre, les différences, de partager cette idée d’être riche de l’autre, citoyens du monde, au sens d’un humanisme bien au-delà des frontières géographiques, d’apprendre de l’autre ce qui nous unit. Le fondement de l’humanisme n’est-il pas intrinsèquement lié à des valeurs et principes universels, inaliénables, indiscutables... à une éthique commune ? L’humanisme, au sens de la confiance en l’homme, en la femme, c’est-à-dire en leur liberté, en leur créativité. L'humanisme prend l'homme et la femme comme fin et comme valeur supérieure. Les projets d’animation socioculturelle se co-construisent, avec et pour des personnes, avec estime, avec reconnaissance. Les projets sont porteurs de valeurs, de sens, de culture. Nous avons très vite dans l’esprit partagé cette vision-là avec l’association Santé Sidi El Houari qui a créé à Oran un pôle socioculturel, et en particulier avec son Président Kamel Bereksi.
4Notre contexte se décline à partir de projets associatifs, animés par des associations, des personnes morales. C’est le cas de l’association Santé Sidi El houari à Oran et de l’association des centres d’animation de quartiers de Bordeaux. J’ai l’honneur de diriger une « grande dame », créée en 1963 par Jacques Chaban Delmas, avec la volonté de mettre en œuvre les principes de « la nouvelle société », « la recherche d’une société plus libre pour être plus responsable, et plus juste pour être plus humaine ». 50 ans après, la formule reste d’actualité. Les centres d’animation bordelais soutiennent l’animation socioculturelle portée par des personnes morales, avec des valeurs, des principes, une éthique
5 119, sûrs de l’importance de la vie associative dans la vie démocratique.
6Notre propos est l’ouverture au monde, à l’autre, à la diversité culturelle, à l’interculturalité. Attention aux mots porteurs de notre culture. Le projet des centres d’animation rassemble à partir de valeurs et de principes et prône la diversité culturelle indissociable de valeurs et de principes universels communs. Le projet est inter-culturel. A quoi bon juxtaposer diverses cultures (la diversité culturelle) sans s’interroger sur ce qui unit des personnes (l’inter-culturalité) ? Comment participer à conjuguer l’unité de l’éthique à la diversité culturelle ? C’est la définition de la diversité culturelle de l’Unesco que nous avons ensemble retenue avec l’association Santé Sidi El Houari, « une définition élargie de la culture qui, outre les arts et les lettres, englobe les modes de vie, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances, ainsi que les façons de vivre ensemble ». Comment à partir de cette définition assurer une coexistence harmonieuse et un vouloir vivre ensemble entre personnes d’horizons culturels variés au sein d’un même espace et soutenir une diversité créatrice ? L’Unesco va plus loin nous incitant à réfléchir à une éthique de la diversité culturelle. Quels liens respectifs ? Quels dialogues ? Comment cultiver des rencontres, les enrichir, arriver à percevoir la richesse culturelle qui habite chaque personne et faire en sorte qu’elle vienne s’agréger à celle des autres ? Nous avons retenu cette définition : « L’éducation interculturelle doit viser à enrichir les savoirs, à développer les capacités relationnelles, à affirmer les valeurs démocratiques » et « un consensus autour de trois axes : dispenser des savoirs pertinents sur la diversité culturelle de la société, affirmer et faire prévaloir les valeurs démocratiques, développer les capacités nécessaires au vivre ensemble ». Nous avons aussi lu et apprécié : « Le projet de l’éducation interculturelle pourrait être le projet de l’éducation à la citoyenneté en contexte pluraliste ».
7Les statuts de l’association des centres d’animation de quartiers de Bordeaux précisent depuis sa création « … dans le respect des convictions individuelles et dans l'indépendance à l'égard des partis politiques et des groupements confessionnels ». C’est pour l’association un principe fondateur de l’animation socioculturelle, une condition essentielle pour co-construire des projets pluralistes. Les statuts intègrent en suivant « un esprit laïque de liberté, de dialogue, de partage et d’ouverture, de respect de l’autre, de pluralisme et de neutralité ». Comment nous entretenir d’animation socioculturelle et plus largement ici de vie associative sans d’abord nous référer à des valeurs, des principes, qui au-delà de les déclamer sont transposés dans toutes les orientations, les objectifs, les actions concrètes que mènent les associations d’animation socioculturelle ? Les valeurs s’apprennent, se cultivent, se partagent… Quelles pédagogies, quelles actions mettre en œuvre en ce sens ? Nos statuts précisent aussi et nous ne remercierons jamais assez Jacques Chaban Delmas pour cela que « toute propagande politique ou religieuse est interdite » dans l’association. Comment aborder, prendre en considération la difficulté d’adapter le propos et les actions situés dans un pays laïque (la France) à un pays où une religion d’Etat existe (l’Algérie) ? La laïcité n’a pas le même sens de part et d’autre de la Méditerranée. Nous nous sommes employés avec l’association Santé Sidi El Houari à l’expliquer aux jeunes en formation à partir de la définition retenue par les centres d’animation bordelais : « Le principe de laïcité va dans le sens de lutter contre toute forme d’obscurantisme, de communautarisme, de discrimination, d’exclusion et d’injustice. La laïcité est un principe universaliste d’organisation de la cité, celui de la séparation, qui émancipe l’ensemble des institutions publiques, et tout d’abord l’État, des Églises, tout en libérant celles-ci de toute ingérence politique. Le mot qui désigne le principe de laïcité fait référence à l’unité du peuple, en grec le laos, telle qu’elle se comprend dès lors qu’elle se fonde sur trois exigences indissociables : la liberté de conscience, irréductible à la seule liberté religieuse, qui n’en est qu’une version particulière, l’égalité de traitement de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions ou leurs options spirituelles, et la visée de l’intérêt général, du bien commun à tous, comme seule raison d’être de l’État. Pour donner à ces trois valeurs une garantie institutionnelle forte, la laïcité affranchit la sphère publique de toute emprise exercée au nom d’une religion ou d’une idéologie particulière. Elle la préserve ainsi de tout morcellement pluriconfessionnel ou communautariste, afin que toutes les femmes et tous les hommes puissent s’y retrouver. (…) La laïcité, c’est sensibiliser les uns et les autres à mieux se comprendre et ainsi s’enrichir de la diversité de l’autre (pluralisme) ».
8Les associations œuvrent avec des personnes bénévoles, presque exclusivement en Algérie. C’est sans nul doute l’un des enjeux les plus pertinents que nous retiendrons, une autre condition essentielle pour co-construire des projets. D’autres terminologies existent : militants, engagés… Avec quelles capacités pour agir ? Qu’entendons-nous par participation, par capacitation ? Que de questions… Nous situons les personnes, en particulier les jeunes, au cœur de notre réflexion. Les associations œuvrent avec et pour des personnes. Que de termes nous semblent à contre-sens : les publics, les « clients ». L’animation socioculturelle cultive l’estime, la reconnaissance, de chacune des personnes… à égale dignité. Il s’agit bien de reconnaître la dignité et la liberté de tout homme et de toute femme. L’accueil, l’écoute et le respect de chacun rendent possible le dialogue personnalisé. Comment cultiver l’esprit critique, la liberté de conscience de chacune et de chacun, un infini respect de l’autre ? Comment faire en sorte que le regard porté sur les autres se garde des préjugés moraux et culturels ?
9Comment faire en sorte que des personnes s’investissent dans la vie associative, participent à des instances de gouvernance partagée et ainsi cultivent la démocratie ? A Bordeaux, le Conseil d’administration des centres d’animation est composé de personnes citoyennes bénévoles, de représentants d’institutions, de collectivités, de services de l’Etat, d’autres membres de la société civile, partenaires de l’animation socioculturelle. Des centaines de personnes sont engagées dans l’action, sur le terrain, au plus près des personnes et des partenaires. Les associations pour gagner leur indépendance se doivent de co-construire, de partager, de mener ensemble des actions. La démocratie se bâtit à partir d’un maillage de complémentarités, de projets, d’actions, créés à partir de multiples rencontres.
10Des fondements aussi essentiels que l’éthique, la citoyenneté, l’interculturalité « participent » de l’éducation » dès le plus jeune âge. La réponse nouvelle est d’associer la jeunesse, ici des pairs-éducateurs, des jeunes filles et garçons formés à l’éthique, à la citoyenneté, à l’interculturalité, participant avec des associations à co-construire des actions concrètes en termes de protection de l’environnement, d’écocitoyenneté, de protection et de promotion de patrimoines matériels et immatériels, pour ensuite aller à la rencontre de milliers de jeunes. Les ingrédients sont là. La jeunesse et des associations ouvertes aux autres. En ce sens le Ministère français des affaires étrangères et européennes soutient des programmes nommés « programmes concertés pluri-acteurs » (PCPA), dans le cadre de coopérations décentralisées avec le Maroc, l’Algérie, le Congo… Et c’est à souligner. L’idée première est de faire avancer la démocratie, de favoriser l’émergence et le développement d’associations, de personnes morales, d’organisations collectives, pour qu’ensuite ces personnes morales apprennent à co-bâtir des partenariats avec les pouvoirs publics et d’autres personnes de la société civile. Comment cultiver la démocratie sans l’émergence et l’intelligence de ces partenariats, co-construits à partir du partage de valeurs communes, d’orientations convergentes dans le sens de l’intérêt général, avec et pour des jeunes ? Nous considérons le programme Joussour comme exemplaire, très proche de l’esprit des centres d’animation bordelais. C’est un programme avec et pour la jeunesse. Permettez-moi d’insister. C’est un programme bâti à partir d’une éthique. La charte des valeurs sur lesquelles nous nous engageons est notre socle commun, les « valeurs du programme : le respect des droits humains, le refus de la pauvreté et des inégalités, une gouvernance démocratique, responsable, transparente et redevable, une concertation permanente, l’égalité des chances et une volonté d’apprendre ensemble et de progresser ». C’est un programme pour apprendre ensemble, à égale reconnaissance, à égale dignité. Nos projets ont « renforcé nos capacités respectives ». Nous avons ainsi participé avec l’association Santé Sidi El Houari – je reprends le texte du programme - à « co-construire puis à développer des projets en Algérie pour l’enfance et la jeunesse », et modestement contribué à « bâtir ensemble de nouvelles solidarités » en constituant « un véritable partenariat de société civile à société civile » avec une réelle concertation et un soutien des pouvoirs publics. Ici le Ministère français des affaires étrangères et européennes a missionné l’Agence Française pour le Développement et le Comité Français de Solidarité internationale associés à la Mairie de Bordeaux, à l’Assemblée Populaire Communale d’Oran et à de nombreuses associations et partenaires, d’où ce programme dit « pluri-acteurs »… et surtout beaucoup de personnes, jeunes et moins jeunes citoyennes et citoyens.
11L’association des centres d’animation de quartiers de Bordeaux fête cette année ses 50 ans. Au début, sans en détailler l’histoire, c’était lors de la création des nouvelles cités à Bordeaux, dans les années 50 et 60 où il y avait essentiellement des patronages très liés à l’Eglise. La volonté du maire d’alors a été de créer une association laïque d’abord appelée dans un premier temps « foyers de jeunes de la ville de Bordeaux ». Dans chaque nouvelle cité, il y avait un foyer de jeunes avec déjà des idées qui sont encore fondatrices aujourd’hui. C’étaient déjà des lieux d’accueil, d’écoute, il ne s’agissait pas d’organiser des activités pour les personnes, il s’agissait surtout de permettre aux jeunes de 16 à 25 ans d’être en lien avec des animatrices et des animateurs socioculturels qui allaient les écouter, les accompagner et à partir de cette écoute, à partir de ce dialogue de pouvoir avec les jeunes bâtir des projets. Cette philosophie est restée, nous allons la retrouver dans le programme Joussour. Nous disons que nous travaillons « avec et pour » des jeunes en nous assurant que les personnes sont parties-prenantes.
1250 ans après, l’association regroupe 11 centres d’animation, la plupart agréés « centre social ». L’agrément est délivré par la caisse d’allocations familiales et il suppose que les personnes accueillies sont avant tout parties-prenantes des projets. Le mot social prend son sens dans l’étymologie, les relations humaines. Cela ne suffit pas. A quoi servirait de rassembler des personnes sans sens communs ? Ces sens communs, nous allons les chercher pour l’essentiel dans les arts et la culture. Nous avons créé ces 10-15 dernières années des pôles culturels dans les quartiers mais aussi à l’échelle de la ville qui fédèrent des personnes de toutes les générations, qui vont travailler ensemble. C’est là l’esprit des centres d’animation. C’est une association importante, qui regroupe 6000 adhérents, 15000 « usagers », animés par 300 personnes salariées et 500 personnes bénévoles aussi bien dans les instances de concertation que dans la mise en œuvre des différents projets. Nous avons une convention triennale avec la mairie de Bordeaux avec 3 axes principaux. Le premier est l’animation globale de proximité, très liée au développement social local. La première mission de l’association, des 300 personnes qui travaillent et des 500 bénévoles à leurs côtés, c’est d’abord d’accueillir les personnes, de les écouter. Une multitude d’activités sont développées mais l’entrée n’est pas l’activité. Dans chaque lieu des espaces de rencontres facilitent les relations. Le deuxième axe est la mise en œuvre de politiques spécifiques de la ville : nous avons des centaines et des centaines d’enfants accueillis dans le cadre d’activités périscolaires avant ou après l’école. L’association n’aurait jamais autant développé ces activités-là, c’est plus un service que nous rendons par rapport à une demande de la Ville. Le troisième axe est original dans le sens d’une animation à l’échelle de la ville. Au nom de quoi des personnes se rencontrent ? Parce qu’elles habitent un même quartier ? Nous avons développé toute une stratégie pour que les personnes puissent se rencontrer autour d’un intérêt commun à l’inter des quartiers. Nous avons créé des « pôles d’excellence ». N’y voyons pas de prétention. Ce terme exprime l’idée qu’une association agrée « jeunesse et éducation populaire » peut être ambitieuse dans la qualité de ce qui est proposé avec des pôles culturels : multimédia et pratiques artistiques, écriture, lecture, arts du cirque, danse, arts plastiques… Nous avons aussi des pôles que nous ne dirigeons pas directement comme un pôle des arts de la parole avec l’association Chahuts. L’idée de ces pôles est que les projets s’ouvrent à tous les quartiers de Bordeaux. Nous avons initié avec la même stratégie des « projets partagés » entre plusieurs centres d’animation souvent avec d’autres partenaires.
13Pour ce qui concerne l’association Santé Sidi El Houari, notre rencontre est relativement ancienne. Je rappellerai dans quel cadre elle a eu lieu grâce au programme Joussour. C’est une association créée en 1991, reconnue en 1992, qui œuvre dans le cœur historique d’Oran, le quartier le plus « déshérité » de la ville où les personnes n’ont pas accès à des projets culturels, cumulant un certain nombre de difficultés sociales et économiques. L’association a investi un ancien hôpital et d’anciens bains turcs en y créant une école de formation aux métiers anciens et traditionnels du bâti et un pôle socioculturel avec cette idée de développer des relations sociales entre les personnes misant beaucoup sur la participation des personnes, essentiellement des jeunes. Santé Sidi El Houari a aussi développé beaucoup d’activités culturelles. Nous nous retrouvons sur l’éducation à la citoyenneté. Pour qu’aujourd’hui des jeunes soient parties-prenantes des projets qu’ils développent il faut leur donner davantage de responsabilités, leur permettre de se former, d’accéder à l’information, à des techniques de communication. Nous nous sommes retrouvés sur beaucoup de choses, dès le départ.
14Comment nous sommes-nous rencontrés ? Au départ, comme dans beaucoup de villes en France - là je me situe en 2006 - l’animation socioculturelle n’était absolument pas dans des projets de relations internationales, de coopérations décentralisées. C’est le maire de Bordeaux Alain Juppé qui a demandé de manière très volontariste qu’au-delà des échanges universitaires, économiques ou éducatifs, des associations puissent être associées aux relations internationales, avant notre entrée dans le programme Joussour. Nous avons commencé avec Québec avec des échanges de jeunes par rapport à des pratiques artistiques. Nous avons poursuivi avec Israël autour de l’écriture d’un livre pour essayer d’aller à l’encontre des préjugés, d’aller à la rencontre d’une autre culture. C’est en 2008 qu’il m’a été demandé de me rendre à Oran, avec la mission de nouer des relations avec une ou plusieurs associations en Algérie. La Ville avait déjà accueilli des délégations avant que je m’y rende, dont les associations Santé Sidi El Houari, Bel Horizon, le Petit Lecteur. C’est là qu’il y a eu la première rencontre avec Kamel Bereksi, Président de Santé Sidi El Houari. Les orientations discutées avec la mairie de Bordeaux étaient pleinement en phase avec celles du programme concerté pluri-acteurs Algérie. Sinon nous n’aurions jamais pu arriver à réaliser ce qui a été fait aujourd’hui.
15Un des concepts que nous soutenons et que soutient Joussour, c’est de dire comment imaginer d’aller vers une démocratie, de réellement assurer une vie démocratique dans un pays quel qu’il soit s’il n’y a pas l’émergence et le développement d’une société civile indépendante qui défend des projets, des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Dans l’animation socioculturelle, des personnes morales, des associations, défendent d’abord un projet à partir de valeurs, de principes, de manière concrète et permettent à des personnes de s’impliquer directement dans la vie sociétale. C’est une idée que nous avons évidemment beaucoup partagée.
16Dans l’idée de citoyenneté, nous nous sommes dit avec Kamel Bereksi : comment faire passer l’idée qu’il n’y a pas comme une sorte de nébuleuse qui serait la société qui nous imposerait des modes de pensée et de faire ? Comment renverser cela en faisant passer l’idée que chacune et chacun sont responsables de la vie sociétale ?
17Sur la question de l’interculturalité, nous nous sommes aussi retrouvés. Nous ne souhaitons pas de société du type anglo-saxonne qui juxtaposerait différentes communautés. Certes, nous nous enrichissons de la différence, de la culture de l’autre et faisons tout pour davantage connaître les autres cultures, les autres civilisations. Mais dans le même élan interrogeons-nous sur ce qui nous rassemble. C’est là que le modèle est différent. Nous voyons l’interculturalité dans un schéma avec plusieurs ensembles qui se réunissent à une intersection et plus on va permettre aux différentes cultures de s’exprimer, d’être valorisées, de se développer – sous-entendu de ne surtout pas harmoniser quoi que ce soit – nous rechercherons toujours au cœur de l’intersection ce qui nous réunit, les valeurs et les principes universels que prône Joussour, Santé Sidi El Houari, l’association des centres d’animation de quartiers de Bordeaux, des valeurs et des principes d’hospitalité, de générosité, de citoyenneté, de respect. Cela ne suffit pas d’aller prôner la diversité sans prôner l’unité. L’unité sans que cela soit l’uniformité. Nous avons intégré ces notions aux formations que nous avons co-construites. Les valeurs, les principes peuvent s’apprendre même si cela semble à-priori compliqué.
18Si nous revenons à nos intersections, l’Algérie adhère à l’Unesco, la France aussi, nous sommes allés chercher l’universalité de ce que pourquoi des pays dans le monde se réunissent et c’est cela que nous avons mis dans la formation, un référentiel commun. Nous avons commencé à réfléchir à un début de professionnalisation de l’animation socioculturelle en Algérie sans importer un modèle pré-existant. Nous avons beaucoup échangé et aujourd’hui nous travaillons avec l’Université de Bordeaux Montaigne – IUT Carrières Sociales – et avec l’Université d’Oran – département de sociologie, avec l’idée de co-construire une nouvelle formation visant à renforcer tout autant la capacité des associations et l’animation socioculturelle. Pourquoi l’université ? Il est important d’être dans l’action mais l’important est aussi de se distancier, de se mettre en perspective avec cette double dynamique : réflexion et action.
2/ Un projet basé sur l’espoir et le devenir d’une société, des jeunes qui se projettent dans un avenir démocratique
19Depuis 2009 deux projets ont été imaginés, réfléchis, construits et développés. Ils ont pris la forme de modules de formation à l’animation socioculturelle avec des fils conducteurs différents à chaque fois :
- 2009-2010 : éco-citoyenneté, environnement et développement durable. La formation s’est entièrement déroulée à Oran pour 40 jeunes âgés de 12 à 25 ans. Un guide pédagogique a été édité permettant aux jeunes de s’en saisir pour démultiplier l’animation.
- 2011-2012 : patrimoine matériel, immatériel et interculturalité ; La formation s’est déroulée à Oran et à Bordeaux d’abord pour et avec une vingtaine de jeunes oranais puis une vingtaine de jeunes issus de différentes associations oranaises. Un film a été créé sur le thème de l’interculturalité retraçant le parcours des quatre premières années du projet JARE. Le film s’intitule « Rencontres » et a été réalisé par Mourad Senouci.
20Pour 2014-2016 un projet est en préparation. Il proposera toujours un module de formation qualifiante à l’animation socioculturelle au travers de la vie associative. Il pourrait se passer à Oran et à Bordeaux et être proposé à des jeunes algériens et français.
21Ce qui réunit ces trois projets c’est bien sûr l’animation socioculturelle telle qu’elle est pratiquée et vécue professionnellement en France et comment elle peut être inventée en Algérie pour et avec des jeunes scolarisés ou pas, en formation de métiers, employés ou sans emploi mais tous réunis dans une association pour la réflexion et l’action mais où être animateur n’est pas une profession mais est considéré comme un engagement bénévole dans le milieu associatif.
22Au sortir des modules de formation les jeunes sont sensés devenir « pairs-éducateurs » après avoir acquis des savoirs, savoir-faire, savoir-faire faire, savoir-être et savoir-devenir avec pour mission, avec ces acquis, de toucher, sensibiliser, éduquer plusieurs milliers d’autres jeunes par des animations de rue, dans les écoles, collèges, lycées et universités, dans d’autres associations. Le résultat a, dès la première année été saisissant puisque les pairs-éducateurs de JARE ont touché plus de 10000 jeunes et ceux de JARE 2 en ont touché 15000. La formation en préparation s’intitulera JARE 3, nous verrons quel en est le contenu plus tard.
23Que veut donc dire JARE ? Cet intitulé a été trouvé par les jeunes eux-mêmes après pas mal de réflexion et je pense qu’il est révélateur d’un état d’esprit. JARE est un acronyme pour Jeunesse, Action, Responsabilité, Espoir. Si on regarde les mots qui le composent, ils parlent d’eux les jeunes, de leur désir de reconnaissance, de visibilité, des jeunes qui se veulent dans l’action, la responsabilité pour celle qu’ils souhaitent qu’on leur donne dans le mouvement vers l’avenir et pour finir l’espoir pour une projection de la concrétisation de leurs actions en vue d’un changement pour leur société. Nous allons voir ce que les jeunes eux-mêmes entendent par ces mots. En effet lors de forums organisés au fil des années toujours pour et avec des jeunes, ceux-ci ont tenté de définir les mots qu’ils employaient.
24Le premier projet a été une formation/action à l’environnement, au développement durable et à la citoyenneté, pourquoi citoyenneté ? Parce que déjà le sous-titre de l’association Santé Sidi El Houari est « une école de la citoyenneté ». Alors comment des jeunes définissent-ils ce terme en 2009 ? Ils voient avant tout la citoyenneté comme la conscience d’une société (Acceptation de la loi, des autres – Savoir vivre en société – Ensemble de devoirs et de droits – Aimer son pays – Avoir le sens de la responsabilité – L’honnêteté – Apporter un plus à la société – Etre solidaire – Etre loyal).
25En 2013 d’autres jeunes oranais et bordelais (de l’association Santé Sidi El Houari et de l’Association des Centres d’Animation de Quartiers de Bordeaux) réunis en forum sur l’engagement lors d’un chantier international de solidarité toujours dans la même association, ont animé quatre ateliers sur les thèmes suivants : vie et gouvernance associative – patrimoine et interculturalité – inclusion sociale et économique – jeunes, échanges et citoyenneté.
26Dans ce cadre, ils ont défini la citoyenneté de cette manière : « La citoyenneté c’est s’engager dans la société, être dans un monde avec les autres, voir un problème et chercher une solution, donner son avis, s’exprimer dans la famille, dans les associations, à l’école… ». Ils soulignent également le potentiel démocratique des associations où ils voient une liberté d’expression et d’action.
27Les deux définitions cernent bien l’intérêt particulier au service de l’intérêt général. On n’a jamais oublié cela dans le premier projet et surtout dans le deuxième où la formation a été vraiment co-pensée, écrite imaginée avec des gens d’Oran et des gens de Bordeaux pour servir l’intérêt particulier des jeunes réunis là. Mais que nous ont dit ces jeunes oranais de leur intérêt particulier à être présents dans cette formation collective ? Tous souhaitaient un changement de société mais surtout avec l’envie de participer à ce changement et de le construire eux-mêmes. C’est pour cela que le mot espoir est important quand ils nous l’ont livré à nous, français car c’est un mot que l’on n’emploie plus trop en France surtout avec les jeunes. Toutes les actions faites à partir de JARE ont bien sûr traité le présent mais avec des visées de changement des comportements individuels pour un changement de société.
28Toujours dans les définitions la première formation a développé la notion de citoyenneté comme une qualité acquise par une personne au cours de sa vie :
- une participation volontaire et spontanée à la vie sociale culturelle économique de la cité ;
- un sens de la responsabilité et du devoir, exercices des droits selon les normes formelles et informelles qui régissent la société
- un concept habituellement associé au concept de démocratie, de société civile, de progrès et de liberté.
29Si ces critères sont réunis cela veut dire que l’exercice de la citoyenneté est possible. C’est le devoir de chaque citoyen d’user de ses forces pour imposer l’application de ces règles. Les jeunes réunis pour JARE 2 estiment que ce sont les ressources humaines qui développent un pays pas le pétrole ou l’argent. Le citoyen est donc une personne qui prend conscience, qui peut enrichir la vie de sa cité, qui a des devoirs qu’il exerce par sa présence sur le terrain, qui a des besoins qu’il satisfait par l’obtention de ses droits.
30Tous ces mots nous allons les retrouver dans la définition du mot « jeune » rédigée par les participants au forum en août 2013 : « Etre jeune c’est correspondre à une catégorie liée à l’âge. Etre engagé, responsable, créatif, sensible, un état d’esprit, curieux, rebelle, ouvert, motivé. Au final c’est être libre, porteur d’idées nouvelles. » Ces propos font écho à une citation de Jean Paul Sartre intégrée par les jeunes dans le guide pédagogique éco-citoyen édité suite à la formation JARE en 2009-2010 « L’enjeu de tout projet est cette conquête de liberté par l’appropriation du présent pour mieux se jeter à la conquête de demain, pour tenter de maîtriser ce qui est l’objet d’incertitude et donc, de souci ou d’angoisse. » (Jean-Paul Sartre dans « Question de méthode » 1967)
31Cette première formation a révélé aux jeunes ce qu’est une société civile composée de citoyens divers, différents qui exercent leurs droits et leurs devoirs dans des champs et des compétences différentes. Une société civile mûrie, se cristallise, s’organise en association (bien-sûr autorisée par la loi).
32Cette étape a permis de franchir un pas vers la compréhension du concept de démocratie en prenant l’exemple du fonctionnement de l’association Santé Sidi El Houari. En effet après cette formation à l’écocitoyenneté des jeunes ont intégré la gouvernance de l’association Santé Sidi El Houari. Cela s’est fait très vite. Au début quand nous avons découvert cette association c’étaient des adultes qui l’avaient créée 10 ans auparavant. Le premier projet JARE avait ouvert l’association aux jeunes, à la gouvernance associative. Après ce premier projet les jeunes ont intégré le conseil d’administration, le bureau et se sont totalement investis dans les activités de SDH. Ce premier projet a été révélateur d’une envie de la part des jeunes d’être associés aux décisions. Tout le mérite des fondateurs de cette association a été d’ouvrir ses portes, la réflexion à des jeunes. Tout le monde a senti une telle envie de participer que l’accueil a vite évolué. En dehors de l’implication au conseil d’administration et au bureau, des dizaines de jeunes participent maintenant bénévolement aux activités de l’association.
33Je tiens vraiment à mettre l’accent sur cette question de l’engagement des jeunes dans un fonctionnement associatif démocratique. Pour nous animateurs bordelais, il constitue un exemple intéressant à un moment de notre histoire où nous nous posons la question de l’engagement des jeunes dans une association.
34Ce que je peux dire c’est que quand ces jeunes bénévoles algériens sont venus à Bordeaux dans la deuxième partie de JARE 2 lors d’une formation/action à l’animation, ils ont participé à changer la manière de voir l’animation chez des animateurs professionnels. Eux, les jeunes algériens, étaient animateurs bénévoles – ô combien animateurs et ô combien bénévoles – en Algérie et ils se sont retrouvés face à des animateurs professionnels qui se sont regardés dans un effet miroir, se sont revus quelques années avant, avec plus de tripe pour travailler, même si elle est toujours là. Cela a été une véritable leçon pour les professionnels de voir arriver des jeunes avec cette envie d’apprendre et de faire et qui voulaient s’orienter vers l’animation. Cela a été aussi une leçon de citoyenneté pour les animateurs professionnels, ils s’en sont confiés à nous. La présence de ces jeunes animateurs bénévoles algériens les ont questionnés sur leur travail actuel, ont remis en question leur manière d’aborder les jeunes. Ils ont vu un esprit militant qu’eux considèrent ne plus exister dans l’animation, ce avec quoi je ne suis pas du tout d’accord.
35C’est aussi l’intérêt de ces deux projets, d’avoir permis des répercussions du travail effectué en Algérie avec et pour des jeunes et en France à la fois chez les animateurs et chez les jeunes que l’on peut accueillir à Bordeaux. De jeunes bénévoles oranais ont fait se poser des questions à des animateurs professionnels bordelais sur leur travail au quotidien. Ce que je veux dire c’est que les Algériens ont remis dans la tête des animateurs bordelais le sens de leur travail, cela les a perturbé car certains animateurs peuvent ne plus savoir pourquoi ils travaillent si ce n’est pour un salaire mais surtout pour qui. Quand ils disent que le militantisme n’existe plus je les renvoie aux valeurs de l’éducation populaire et leur réponds que le premier travail dans l’animation est de militer pour la dignité humaine. Ils l’ont vu en présence des Algériens. Là où cela a beaucoup secoué c’est qu’ils ont vu une telle envie, une telle soif de participer que cela les a fait vibrer sur leur certitude en leur faisant penser qu’ils ont peut-être oublié qu’ils étaient eux-aussi des acteurs de changement.
36Pendant la préparation du projet JARE 3 au mois d’août dernier à Oran il est ressorti des propos comme quoi pour l’heure en Algérie, le mouvement associatif évolue et avance à grands pas mais reste fragile. Beaucoup de jeunes ont décidé de rester dans le milieu associatif pour faire avancer les choses plutôt que d’intégrer le monde politique qui tente de les séduire. En Algérie l’esprit de la loi 1901 a commencé à fonctionner dans les années 90. La société civile en Algérie est jugée embryonnaire. Du côté de la société on commence à se rendre compte que la notion de développement, de citoyenneté n’est pas forcément avancée par les puissances publiques qui devraient faire avancer la société. « Pour l’instant tout le monde se cherche ».
37Aujourd’hui en Algérie la société civile, le monde associatif veulent faire émerger l’élite. La réunion de chercheurs et de militants associatifs algériens et de chercheurs et militants associatifs français autour de ce projet JARE 3 cherche le moyen de leur contribution aux changements de société. La société algérienne a besoin de se démocratiser. Tous sont présents pour apprendre et réfléchir ensemble différemment pour inventer, expérimenter, trouver ensemble.
38Les formateurs de JARE se disent depuis le début qu’ils font de l’éducation politique. C’est ce que disent les jeunes aussi en demandant une visibilité. Lorsque nous parlons de jeunes en Algérie ce sont les ¾ de la société algérienne. Quand nous disons politique il faut se dire que dans la société tout est politique. La politique est la gestion de la société, des institutions. Attention donc à ce mot qui peut être mal interprété.
39Des jeunes oranais engagés dans des associations ont eu un mot de conclusion à nos entretiens :
- que veut-on dire par jeune libre ? libre de s’exprimer, faire ce que l’on veut ? D’accord mais tout ceci doit être conditionné par le respect des autres ;
- s’investir dans le travail avec les jeunes ;
- une demande forte a émergé, celle d’action. Donner l’occasion d’agir ;
- arriver à un changement de société vers du meilleur. C’est possible, c’est difficile malgré ceux qui disent que c’est fichu. Il faut tirer le meilleur du potentiel des gens.
40Et après ? Le Président de l’association Santé Sidi el Houari pose la question du rôle des associations. Pour lui le rôle d’une association est de tenter des démarches novatrices et de passer le relais à l’Etat après une expérience. La mission d’une association peut être éphémère. La mortalité associative est importante en Algérie. Ce qui est sûr c’est que ce sont des personnes qui portent les mouvements sociaux. Leur vision, leur initiative apporteront du succès à l’expérience. L’Etat n’est pas présent partout, les associations font ce qu’elles peuvent avec les moyens qu’elles ont. Le rôle d’associations comme les nôtres est de capitaliser ces démarches innovantes pour favoriser les conditions de réalisation d’actions.
41Les jeunes rencontrés lors des projets JARE et JARE 2 ont tous verbalisé une aspiration au changement. D’accord, mais à quel changement aspire cette jeunesse ? La formation des pairs-formateurs proposée par JARE 3 n’est qu’une étape vers la formation des animateurs pour la dynamisation de la société.
42Dans une enquête effectuée par l’association SDH dans le cadre d’un partenariat avec l’UNICEF, sur 851 jeunes, garçons et filles âgés de 10 à 19 ans vivant dans 3 quartiers d’Oran en difficulté, 20 % disent être dans une association. La plupart sont en fait chez les Scouts, dans des mouvements conduits par des religieux. 75 % disent qu’ils ne sont pas dans l’associatif et 5 % ne répondent pas. Il existe une différence importante dans le rapport à l’associatif des filles et des garçons. Ce sont les garçons qui sont dans les associations. Les filles plus dans les associations caritatives (liées au religieux ou pas).
43Pour quelles raisons ont-ils intégré une association ? Ils répondent dans l’ordre d’importance suivant : les loisirs, se donner une occupation, l’apprentissage du Coran, l’apprentissage d’un métier, le service aux autres (bénévolat).
44Se pose la question du changement souhaité par beaucoup de jeunes. Quel changement donc, est-ce un changement social dans toute sa complexité ? Quel sens donnons-nous à ce mot ? N’y a-t-il pas un effet de projection de notre part peut-être alors que les jeunes semblent croire en des valeurs (famille, Dieu, etc.) ? Le changement se situe-t-il au niveau du fonctionnement de la société ou du politique en tant que marche des institutions ? Le changement souhaité leur semble apparemment possible dans l’adhésion et l’orientation des actions dans une association.
45Pour quelles raisons adhèrent-t-ils à une association ? Le projet JARE apporte un début de réponse :
- répondre à un besoin de partage, d’action, pour une satisfaction personnelle ;
- voir d’autres horizons, apprendre à apprécier d’autres cultures ;
- sortir du train-train quotidien ;
- rencontrer d’autres personnes, des gens intéressants ;
- s’intégrer dans un milieu où l’on passe souvent inaperçu ;
- pour enrichir son curriculum vitae, pour une formation...
46Les raisons sont multiples qui les font décider de rejoindre, voire de créer une association qui avance un projet particulier. C’est ce désir de participer à un projet qui avance et qui doit faire avancer ensemble des gens et des choses, ce besoin que les choses bougent, que sa voix porte et se fasse entendre, ce désir d’exercer une responsabilité dans une microsociété qui peut fondamentalement motiver.
47En fait, cette microsociété qu’est une association ne montre-t-elle pas l’exemple à la société, ne porte-t-elle pas haut et fort le désir de faire avancer des idées dans la cité. L’engagement associatif ne permet-il pas de faire entendre sa voix et de prendre place dans la société ?
48Cet engagement associatif n’est-il pas un engagement citoyen ? Les projets qui nous intéressent mettent en avant cet engagement-là par le biais de l’écologie, du développement durable, de la préservation et la promotion du patrimoine, pour prendre part à une société qui bouge durablement pour le bien commun.
49Le projet que nous sommes en train de construire entre associations et universités avec l’aide des pouvoirs publics va mettre l’accent sur une formation qualifiante à l’animation de la vie associative. Je vais me permettre un raccourci : La formation à l’animation va permettre l’action en milieu associatif mis en mouvement par la société civile pour l’intérêt général et des changements souhaités de la société et par la société. Les chemins de l’animation mèneraient-ils à tout ?
50Ce que nous savons c’est que cette formation qualifiante n’existe pour l’instant ni en France ni en Algérie, elle reste à inventer ensemble avec des notions dont nous aurons à déterminer le sens ensemble. Les premiers jeunes rencontrés y voient l’opportunité de formation individuelle orientée vers une amélioration de leur vie, de celle de leurs concitoyens pour un bon vivre ensemble.
Notes de bas de page
119 Le grand Robert définit l’éthique en termes philosophiques, la « science de la morale », la morale « ouvrage traitant de cette science ». Les valeurs pourraient être définies par « ce en quoi une personne est digne d'estime (au regard des qualités que l'on souhaite à l'homme et à la femme dans le domaine moral, intellectuel, professionnel). » Un principe est une « règle d'action, formulée ou non, s'appuyant sur un jugement de valeur et constituant un modèle, une règle ou un but. », « Les règles morales auxquelles une personne, un groupe est attaché. » Selon Brigitte Bouquet, dans « Ethique et travail social. Une recherche du sens » (Dunod), l’éthique porte la question du sens et de l’interprétation. « La question des valeurs dans le travail social est très importante puisqu’elles fondent pour partie les orientations de l’action. » Une pratique sans éthique « ruinerait l’idée même du travail social » (et de la vie associative).
Auteurs
Directeur général de l’association des centres d’animation de quartiers de Bordeaux
Directeur du centre d’animation du quartier Saint-Michel, Bordeaux
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