Réfléchir la porosité : la rencontre des expertises dans les croisements entre recherche, action sociale et art
p. 76-95
Texte intégral
1Les recherches collaboratives qui se caractérisent par une co-construction du projet de recherche et des élaborations méthodologique et analytique communes sont actuellement très prisées en Belgique, particulièrement dans le cadre des financements de la recherche en Haute École52. Ces établissements d’enseignement supérieur non universitaire comprennent effectivement la recherche dans leurs missions mais cette recherche est souvent qualifiée de « recherche appliquée » c’est-à-dire un type de recherche ayant des retombées pratiques et des impacts directs sur le terrain.
2Dès lors, de nombreux acteurs du financement de la recherche insistent sur cette co-construction du projet et du processus de recherche afin de s’assurer que la recherche sera bien en phase avec les difficultés ou les interrogations du terrain. Les savoirs pratiques des professionnels de terrain ou des usagers du terrain concerné sont ainsi mis en parallèle avec les savoirs techniques et les savoirs scientifiques des chercheurs induisant la nécessité de construire des ponts, des compréhensions et des alliances entre des acteurs aux priorités et aux référentiels parfois très différents.
3Dans cet article, nous souhaitons interroger les forces mais aussi les pertes ou mises en difficulté potentielles qui surgissent d’une telle rencontre. Pour ce faire, nous nous baserons sur un évènement concret, organisé par une école du supérieur non universitaire à Bruxelles.
4L’évènement a nécessité la participation et surtout la coordination d’organisations socio-culturelles disparates, dans un quartier sensible de Bruxelles. C’était là un véritable challenge à relever et cet évènement a bénéficié de soutiens publics divers (dont un important soutien de la commune de Schaerbeek), grâce entre autres à son aspect de co-création à finalité artistique, perçu comme une nouveauté par les différents acteurs.
5Nous commencerons par décrire le type d’activités et les retombées liées à cet évènement qui a duré un mois et mobilisé la population et les associations socio-culturelles de tout un quartier. Ensuite, nous convoquerons le concept de sphère, repris à Sloterdijk, ainsi que les concepts d’expertise et de double herméneutique, tels que Giddens les construit, pour faire apparaître les forces et les faiblesses mais aussi les possibles et les impossibles de la rencontre entre les professionnels de la recherche, de l’action sociale et du monde artistique. Nous conclurons enfin en adaptant notre analyse à l’évènement présenté afin de montrer ce qui aurait pu permettre une meilleure rencontre des sphères en présence mais aussi les limites d’une telle démarche.
L’évènement Faites le mur
6Du 9 au 30 novembre 2017, l’Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication (ISFSC), catégorie sociale de la Haute École, « Groupe ICHEC-ISFSC »53, a mis en place le projet Faites le Mur54 mêlant pratique artistique et animations sociales et socio-culturelles. Le projet revendiquait aussi un volet recherche.
7Cet évènement a vu le jour grâce au responsable des services à la collectivité, Axel Druart. Contacté par une association pour accueillir une exposition de photographies sur le thème des murs entre les hommes, il en a profité pour créer et monter un évènement plus large aux objectifs et partenaires multiples.
8Tout d’abord, il s’agissait, dans le cadre de la fonction des « services à la collectivité », de nourrir un réseau et des partenariats existant et d’en construire de nouveaux. L’ISFSC étant située dans le quartier Nord de Bruxelles, caractérisé par une population paupérisée et largement d’origine immigrée, la thématique de la lutte contre les murs et des liens Nord-Sud faisait sens et résonnait avec le travail de nombreuses associations du quartier. Il s’agissait aussi d’inscrire l’École, en tant qu’acteur de formation, au sein de ce réseau en rendant visible à la fois le travail des associations locales, potentiels lieux de stage pour les étudiants, et le travail de formation et de recherche élaboré par l’école, potentielles ressources pour ce monde associatif. Enfin, l’idée était encore d’ouvrir la porte à des rencontres entre les étudiants des trois sections abritées par l’ISFSC entre lesquelles les liens sont actuellement peu développés. Précisons par ailleurs qu’une des particularités du projet était qu’il avait lieu en pleine crise des réfugiés qui affluaient dans le quartier de l’école, questionnant chacun quant à ses propres murs…
9Avec son accueil d’une quarantaine de partenaires, de plus de mille participants et de nombreux ateliers créatifs (tels des ateliers photographie, cuisine, Street art…), spectacles (théâtre action, projection de films) ou conférences-débats, l’évènement est un réel succès : le réseau est renforcé et mobilisé par la réussite, la visibilité, la reconnaissance communale de toutes les réalisations. L’école y a elle-même gagné en visibilité et reconnaissance auprès des acteurs de terrain du quartier. Enfin, même si l’effet sera peut-être passager, les sections se sont rencontrées et pour certains étudiants, l’image qu’ils avaient de ces autres sections a quitté le préjugé pour s’ancrer dans la rencontre de l’Autre. Et encore, les étudiants se sont exprimés, avec leurs corps, ils ont créé et ont ainsi adjoint la sphère artistique à la sphère intellectuelle que l’école leur fait travailler.
10Au départ d’une exposition voulant lutter contre les murs et les risques des enfermements identitaires, des communautarismes ou d’un individualisme forcené, ce n’est pas mal !
11Et pourtant des enseignants de la section Assistant Social, particulièrement ceux qui enseignent et défendent l’approche du Développement du Pouvoir d’Agir55, ont questionné la mise en place du projet. Ils faisaient en effet remarquer que, si la participation étudiante était attendue et soutenue, elle l’était dans un cadre préétabli, qui n’avait été discuté ni avec les étudiants, ni avec les enseignants, alors même que le thème aurait pu être mis au centre du processus de formation Assistant Social en créant une articulation effective entre professionnels de l’action sociale et enseignants.
12Et pourtant encore, du point de vue du pôle recherche de l’ISFSC, le point faible du projet tient dans l’inconsistance de la dimension « recherche ». Plusieurs colloques ou conférences-débats ont effectivement eu lieu, reflétant le travail d’associations locales. Cependant, les lectures associatives des réalités et des vécus liés aux murs, que ceux-ci soient abordés dans leurs réalités concrètes ou à travers une approche conceptuelle, n’ont pas rencontré les élaborations théoriques ou empiriques d’enseignants abordant ces thèmes dans leurs cours ou leurs recherches. Ainsi, aucun travail critique de questionnement sur les notions de murs, de frontières, de rencontres interculturelles n’a finalement été mis en place. Or, le développement du point de vue critique est aussi ce que la formation dispensée en Haute École est censée apporter à ces futurs professionnels du travail social et de la communication. Pointons pour exemple le happening organisé et pensé par les étudiants : une danse, autour d’un mur en bois à détruire, est mise en scène sur la très belle chanson « The Wall » de Pink Floyd. Mais le texte de cette chanson est une dénonciation de l’école et de l’éducation en tant que système institutionnel, vu comme une brique d’un des nombreux murs contre lesquels la liberté se fracasse. Ce choix est pour le moins paradoxal puisque la danse a été pensée pour inaugurer un évènement complètement organisé et légitimé par l’école. Du point de vue du chercheur comme du point de vue de l’enseignant, il aurait été intéressant de questionner, avec les étudiants, le message qu’ils voulaient faire passer ou leur absence de conscience du hiatus effectif. Mais la valorisation de l’engagement étudiant a prévalu sur la possibilité d’utiliser l’évènement pour introduire un questionnement approfondi sur leur action comme d’ailleurs sur les nombreuses thématiques que le questionnement « des murs entre les hommes » fait surgir et sur la force et les formes du « politiquement correct » dans certains milieux ou certaines situations.
13Alors bien sûr tout cela a été expliqué par les priorités contingentes des différents services de l’ISFSC au moment où le projet se mettait en place. Mais l’excuse est un peu facile et nous verrons que ce manque de communication au sein même de l’école, coordinatrice de l’évènement rassembleur, est loin d’être anodin.
14Avant de mobiliser des outils pour analyser les (non) articulations à l’œuvre dans Faites le Mur, il nous semble important de pointer que cette valorisation de la co-création renvoie souvent à des méthodologies de recherche de l’ordre de la recherche-action. C’est-à-dire que la question traitée surgit du terrain et de ses professionnels et a pour visée de développer une recherche permettant avant tout de soutenir un point de vue engagé ou de permettre une action éclairée, de penser un « délivrable » plutôt que d’élaborer un savoir… « seulement » scientifique. La nuance est essentielle, nous y reviendrons. Cela nous paraît particulièrement important parce que cette primauté d’un délivrable qui réponde aux besoins d’un public est de plus en plus prégnante aujourd’hui. C’est particulièrement visible avec le succès actuel du design thinking qui fait de l’élaboration de savoirs scientifiques une simple conséquence ou priorité secondaire.
15La présentation de l’évènement a bien mis en évidence les trois sphères qui nous intéressent aujourd’hui :
L’art qui a été à l’origine de l’évènement à travers l’exposition de photographies « Des Murs entre les hommes »56 et qui est présenté comme mobilisé pour et par les participants, en particulier les étudiants, à travers le « happening historique » élaboré en chorégraphie sur la musique de Pink Floyd, à travers aussi les ateliers tag et autres activités ;
L’action associative sociale et socio-culturelle à travers le tissu associatif présent et l’exposition de leurs actions de terrain ;
La recherche, présente d’après les organisateurs, à travers des colloques et un rapport d’évaluation rédigé par l’association Inter-Mondes57 ; en creux d’après le pôle recherche de l’ISFSC parce que ne travaillant pas assez la différence entre l’ancrage engagé du travail social et socio-culturel et la posture du chercheur en sciences sociales.
16Dans cet article, nous souhaitons proposer quelques pistes de compréhension des enjeux propres aux articulations qu’entretiennent ces trois sphères.
17De quoi la présence de ces trois sphères est-elle le signe ? Qu’indique le fait de devoir les réunir pour monter un projet ? Pourquoi les pointer comme trois entités distinctes qu’il faut in fine réunir pour aboutir à un projet finançable ?
18Il nous semble qu’historiquement ces trois sphères étaient presque « naturellement » présentes et agissaient de concert. Ainsi, le plus vieux jardin botanique de France à Montpellier était-il situé près de la Faculté de médecine qui y réalisait des recherches, mais ce lieu servait aussi d’endroit de promenade au public et sa composition, en mêlant diverses essences d’arbres et de fleurs, faisait l’objet d’une recherche esthétique de la part des jardiniers. Un même espace réunissait ainsi les dimensions esthétiques, sociales et académiques.
19Dans un autre domaine, la peinture des icônes montre la même synergie : l’iconographe représentait les scènes religieuses selon une technique artistique très codée mais poursuivait ses recherches quant à la fabrication des pigments nécessaires. Cet art figuratif transmettait a minima) l’histoire religieuse au peuple illettré et la procession des icônes était dans les villes et villages non seulement un évènement religieux mais aussi un moment culturel en soi.
20Toujours dans le domaine religieux, les synagogues étaient, elles aussi, un lieu de culte souvent décorées par de brillants artistes et possédaient également de petites pièces qui servaient de « maison d’étude » pour les enfants et les adultes (les « scuola » que l’on retrouve par exemple dans le ghetto à Venise). Ce rôle était tellement prépondérant que pour de nombreux juifs le terme de scuola ou shoul (schule/école) est utilisé pour désigner les synagogues de manière informelle.
21L’imbrication des trois sphères constituées par l’art, la recherche et la culture semblait aller bien plus de soi par le passé qu’aujourd’hui. Quant aux expertises convoquées, celles-ci étaient généralement le résultat d’un apprentissage long, inscrites dans une tradition et elles n’étaient point remises en question ou confrontées par les membres des autres sphères, mais contribuaient toutes à une même vision du monde. Nous pourrions ainsi proposer l’image suivante : le flux commun alimentant et reliant ces trois sphères était celui d’une même conception du monde, où la « sphère divine » insufflait et transcendait le développement des autres sphères. Arrive ensuite la Modernité qui va donner un sens nouveau au croisement entre ces trois sphères.
22Pour en rendre compte, dans un premier temps, Isabelle Choquet mobilisera Sloterdijk et sa lecture des spécificités de la Modernité ; et, dans un second temps, Danièle Peto fera référence à la manière dont Giddens comprend l’expertise en Modernité avancée58. Sur cette base, nous proposerons une lecture du sens que ces croisements entre art, action socio-culturelle et recherche produisent aujourd’hui et des effets qu’ils entraînent pour ces différentes sphères. Enfin, cette double approche nous permettra d’ouvrir des pistes de conclusion à partir de l’évènement Faites le Mur.
La Modernité comme expérience d’une porosité du sensible
23Si le passage à la modernité se résume par « Dieu est mort », elle signifie aussi le fait de faire voler en éclat cette unité des sphères : « la sphère Une a implosé » écrit Sloterdijk. « Vivre dans les temps modernes, c’est payer le prix d’une absence d’enveloppe » (Sloterdijk, 1998, p. 26). C’est donc aussi savoir que c’est à nous qu’il appartient de constituer – par des moyens humains, par des techniques – les sphères qui nous mettront à l’abri de l’expo sure59 : « La modernité se caractérise par le fait qu’elle produit techniquement ses immunités » (Sloterdijk, 1998, p. 28). L’expert serait donc ici celui qui maîtrise la technique mais son approche ne peut toutefois plus s’inscrire dans la rationalité pure.
24En effet, pour Sloterdijk celle-ci ne fonctionne pas car « nous voyons de plus en plus clairement que nous sommes en train de perdre le dénominateur commun de l’expérience de soi-même et de l’expérience du monde » (Sloterdijk, 1998, p. 651). La rationalité pure n’est plus le socle permettant de construire une compréhension du monde60.
25Sloterdijk pense donc que l’on ne peut pas réunir les raisons des philosophies classiques (l’objective de la science, la subjective de l’individu et l’intersubjective de la communication) sous les règles d’un fonctionnement commun. Par contre, il y a pourtant un formalisme qui leur est commun, c’est que chaque raisonnement construit un espace qui lui est spécifique, une bulle, une sphère à l’intérieur de laquelle il prétend à la validité (Régnauld, 2011).
26Comment dès lors comprendre les transformations subtiles et le brouillage des frontières entre le philosophique, le social et l’artistique dans cette période chaotique ?
27L’individuel et le social se mêlent, les formes des environnements humains et les formes artistiques s’affectent continuellement, nous affectent et nous les affectons en retour par nos modes perceptifs, par notre regard. « Les modes d’existence des individus se déploient bien dans une atmosphère esthético-sociale constituée par un agrégat de microsphères « qui se jouxtent comme les bulles dans une montagne d’écume et se glissent par-dessus ou par-dessous les autres sans être, les unes pour les autres, ni véritablement atteignables, ni effectivement séparables » (Sloterdijk, 2005, p. 52 cité par Mons, 2013, p. ll). Tel est le paradoxe contemporain d’une disposition des corps dans l’espace commun sensible […], d’une manière d’être ensemble à la fois enveloppante, globale, et fragile, percée de tous côtés. (Mons, 2013, p. ll). L’époque contemporaine est celle d’une expérience d’une porosité du sensible, perméable aux climats ambiants, aux évènements, absorbant par ailleurs intérieurement les éléments de façon pénétrante et singulière.
La sphère : symbolique de l’habitat/de l’habiter
28Avant de poursuivre nos réflexions, il nous semble que la notion de sphère en tant que telle mérite attention. Peter Sloterdijk propose une philosophie « sphérologique » à travers sa trilogie « Sphères, Bulles & Ecumes » sur la base de laquelle nous construirons une première grille d’analyse que nous appliquerons à notre cas pratique.
29Ainsi, il propose de voir la sphère comme constitutive de l’habitat humain. La définition la plus générale qu’il donne de la sphère est la suivante : « La sphère est la rondeur dotée d’un intérieur, exploitée et partagée, que les hommes habitent dans la mesure où ils parviennent à devenir hommes. Parce qu’habiter signifie toujours constituer des sphères, en petit comme en grand, les hommes sont des créatures qui établissent des mondes circulaires et regardent vers l’extérieur, vers l’horizon. Vivre dans les sphères, cela signifie produire la dimension dans laquelle les hommes peuvent être contenus. Les sphères sont des créations d’espaces dotés d’un effet immuno-systémique pour des créatures extatiques travaillées par l’extérieur » (Sloterdijk, 2002, p. 30).
30La sphère est donc d’abord ce qui fait de nous des habitants. Lorsqu’une sphère se délite, elle nous laisse exposés – « exposés » à tous les périls de la nature.
31La sphère est ainsi « une structure morpho-immunologique » (Sloterdijk, 1998, p. 51). L’espace qu’elle nous permet d’habiter et dont elle définit la circonférence est un espace de protection.
32En tant que rondeur et que circularité, la sphère relève enfin d’un phénomène de clôture, dé auto-fermeture.
33Les habitants de la sphère pourraient donc à la fois se protéger de l’exposure et décider de la porosité de leurs systèmes de clôture pour continuer à faire « monde ». C’est ici qu’intervient le concept d’écume, issu de la sphérologie de Sloterdijk.
La métaphore de l’écume et de la bulle chez Sloterdijk
34Si les hommes n’habitent plus le même monde, aucune scène commune n’est d’avance déployée, ni disponible sans investissement ; chacun creuse et perfectionne son « monde propre » si bien que toute tentative pour fédérer ces mondes et y mettre un peu de communication (de monde commun ou partagé) exige un coût élevé. Tout ceci, qui vaut pour l’espace de l’intime, annule-t-il les rencontres dans l’espace public ?
35Sloterdijk présente dans Ecumes, la vision d’une société construite par agrégats de bulles et juxtapositions de différences61.
36Dans le cadre qui nous occupe et qui concerne le financement des projets, réunir les trois sphères pourrait alors être une tentative de l’Institutionnel pour recréer -le temps du projet- un « monde commun » où les médias et les diverses technologies socio-culturelles associent les sujets dans un ordre symbolique qui transcende et solidarise ces fragiles archipels. Ces îlots d’écume sont des espaces vitaux créatifs et source de sécurité ; tisser de tels lieux dans nos environnements urbains prend alors tout son sens.
37Sloterdijk fait ensuite remarquer que l’écume est elle-même constituée de « bulles » : « les bulles dans l’écume, c’est-à-dire les couples et les foyers, les équipes et les communautés de survie, sont des microcontinents constitués sous forme autoréférentielle ; ils ont beau prétendre être reliés à l’autre et à l’extérieur, lorsqu’on y regarde de plus près, ils s’arrondissent toujours d’abord en eux-mêmes » (Sloterdijk, 1998, p. 52). Convoquer les pratiques artistiques serait-il dès lors une possibilité d’ouverture, l’expérience d’un hors-soi ?
L’art comme ferment esthétique, intellectuel et politique
38C’est dans ce contexte particulier que la sphère de l’art a tout son rôle à jouer. Certes, l’art dévoile un état des choses, du monde mais l’esthétique ne peut être réduite à une dimension du « symptôme », à mettre en lumière ce qui fait mal car l’art est aussi une mise en étrangeté du réel, en nous le rendant étranger à lui-même et à nous-mêmes (Mons, 2013, p. 189). L’art porte l’expérimentation d’une déterritorialisation qui nécessite de se déployer hors de soi, à quitter notre forme autoréférentielle. Il permet ainsi à plusieurs bulles de se rencontrer, de cohabiter un certain laps de temps, de constater qu’il y a autant de bulles que de raisonnements. A travers l’art s’organise un agencement spatial de ces sens et raisonnements multiples.
39L’art ouvre alors à une expérimentation réelle qui transforme notre condition de sujet et nous permet même d’agir sur la société.
40La sphère de l’art est donc une manière d’habiter le monde, d’offrir des lieux de passage dans l’espace social où peuvent naître et s’agréger des écumes créatives et sûres. Elle est aussi une invitation à comprendre l’espace social comme on déambulerait dans une installation artistique : « Nous accédons à une perception de la situation fondée sur la distance esthétique lorsque nous évoluons dans l’espace social comme dans une installation. L’observateur qui reconnaît la situation comprend qu’il est le visiteur d’une exposition de plus grand format que le musée normal […] » (Sloterdijk, 2004, p. 718).
En synthèse
41Notre approche bien que trop sommaire de l’œuvre de Sloterdijk nous permet néanmoins de convoquer de nouveaux concepts utiles pour mieux comprendre comment à travers les interactions entre les sphères, les bulles et les écumes se construisent de nouveaux agencements spatiaux permettant une multiplicité de sens et de raisonnements multiples inhérents à la disparition des visions universalistes du monde. Les écumes naissent au sein de turbulences de l’environnement, et l’art agit en quelque sorte comme un attracteur étrange62 permettant de stabiliser pour quelques temps les bulles constitutives de l’écume.
42La sphère de l’art qui est de plus en plus convoquée dans les projets de recherche et les projets culturels permet donc de poser les bases d’une transformation du corps social en étant elle-même un vecteur de transformation. De par la déterritorialisation qu’elle permet aux individus, elle les oblige à plus de réflexivité et peut susciter la création de communications multiples, formant d’authentiques êtres-collectifs où chacun peut s’expérimenter à un être ensemble qui soit une ontologie relationnelle « multifocal(e), multiperspectiviste et hitérarchique » (Sloterdijk, 2005, p. 18).
43Voyons maintenant comme s’opère cette première articulation au sein de notre terrain de recherche.
Sphères, bulles et écumes dans Faites le mur
44Notre grille d’analyse nous permet de mieux comprendre les articulations entre les trois sphères convoquées dans le cadre de cet article, avant de nous intéresser à la question des expertises.
45Ainsi nous retrouvons dans le projet étudié, les questions soulevées par Sloterdijk concernant le vivre ensemble dans un monde aux identités de plus en plus multiples. Les acteurs tant institutionnels que les ASBL63 de la commune tentent de construire plus de ponts entre les différents acteurs et d’ainsi favoriser la création ou le renforcement d’archipels citoyens, culturels ou institutionnels déjà engagés dans ce mouvement.
46Les activités du type Faites le Mur génèrent le temps de la manifestation des agrégats d’activités diverses, de coopération à plus ou moins long terme, mais provoquent surtout des « écumes » où l’art et les activités culturelles et sociales jouent le rôle d’attracteur-étrange le temps du projet. Si chaque association est bien dans sa propre sphère, elle s’articule néanmoins avec d’autres pour constituer une zone d’activités et d’échanges qui n’aurait pas vu le jour sinon.
Un nouvel agencement spatial du corps social à travers les trois sphères
47Il nous semble que l’art est ici convié pour transformer un corps social là ou d’autres actions ont échoué, ou qu’il constitue en tout cas une autre modalité de transformation du corps social. La sphère socio-culturelle vient, elle en appui, pour donner le plus de soutien et de visibilité possible au projet artistique auprès des publics concernés.
48« Ainsi la réalisation du Flash mob avec le mur de Pink Floyd et la construction d’un mur en bois ont attiré beaucoup de monde. La dimension artistique attire énormément et réunit », remarque Axel Druart, porteur de projet, qui poursuit : « Dans le quartier il y a l’idée que la culture est pour l’élite. Dans ce cadre l’expo photo a été un point de départ. Les gens viennent voir l’expo en plein air pendant le temps de midi. Il s’effectue un rapprochement, une mise en lien qui a été permise par ce qu’ont « insufflé » les ASBL. C’est ainsi qu’A. Druart conclut : « Ces liens autour de l’art permettent de créer autre chose, d’autres projets. On agit maintenant en paix autour d’un projet artistique ». Le projet artistique permet de pacifier les relations entre les différents groupes de jeunes, ce qui constitue une réelle plus-value pour les ASBL qui travaillent dans le quartier.
49In fine, la sphère recherche prépare et valide le processus en cours et au terme de l’expérimentation. Elle garantit le sérieux de la démarche auprès des financeurs du projet. Dans le cadre de ce projet, l’évaluation s’est surtout intéressée au volet « coûts réels » de l’événement.
50En invitant les différents acteurs à se retrouver autour d’activités artistiques, il est possible de faire vivre cette philosophie relationnelle qui est « multifocal[e], multiperspectiviste et hétérarchique » au sens de Sloterdijk. Dans notre exemple, ces activités artistiques sont présentes sur tout le territoire de la commune et celui-ci se mute en « installation artistique » pour qui veut bien s’inscrire dans la démarche. Le temps, l’espace et les relations des différents acteurs sont affectés par cette dimension esthétique qui prend le devant de la scène et fait émerger des zones de « savoir-faire », de « savoirs tacites » bien souvent ignorés des acteurs eux-mêmes. Ceux-ci s’agrègent en arrangements éphémères et négociés. C’est au cœur de cette négociation que la question de l’expertise se pose.
La multiplication des expertises
51Pour continuer à décrypter de quoi ces croisements entre sphères sont le sens, tournons-nous maintenant vers un élément de la pensée de Giddens, toujours en lien avec le contexte de la modernité.
52D’après lui, la Modernité avancée est, entre autres choses, marquée par la réflexivité et le « doute méthodologique » (Giddens, 1991, p. 84) qu’elle entraîne. La « certitude de la raison » dit-il est bancale. Et une des conséquences liées à cette permanence du doute, c’est l’explosion des expertises.
53Pour le dire autrement, notre monde, marqué par une « connaissance imparfaite » (Giddens, 1999, p. l), voit se développer des paroles d’experts en constante compétition. Face à une même situation, différents experts mobiliseront ainsi différents discours, basés sur différentes preuves et impliquant dès lors des actions différentes. Ceci ouvre à une double difficulté. D’une part, la nécessité de se positionner par rapport à ces multiples paroles expertes ; et, d’autre part, la nécessité de préciser ce qui fait l’expertise. En effet, nous pourrions bien ici être en présence d’une forme de « nomadisme conceptuel » (Stengers citée par Brichaux, 2006/1, p. 97). Avec la Modernité, l’expertise renvoyait à la démarche scientifique et sa posture critique. Mais, si nous lisons bien Giddens, la Modernité avancée ouvre la porte à ce que l’expérience approfondie permette aussi d’endosser le statut d’expert. Dans ce cas de figure, on comprendra aisément que le scientifique ne peut plus être le seul à revendiquer le statut d’expert.
54Ainsi, si nous revenons au projet présenté en début de propos, à vouloir « co-réfléchir » la question des « murs » et celles des migrants, des sans-papiers et du vivre ensemble qui y sont directement liées, les artistes, les professionnels de terrain et les chercheurs agiteront très certainement des référencements experts différents face à la co-élaboration d’un projet qui deviendra d’ailleurs souvent un « faire ».
55Cette démultiplication des expertises doit sans doute être comprise en lien avec un autre trait, aux fondements mêmes de la Modernité, le principe d’égalité. Si ce n’est qu’à côté de l’égalité principielle entre les hommes, se développe aujourd’hui, une compréhension nouvelle de ce principe revendiquant une relation d’égalité entre les points de vue. Dans cette compréhension des choses, un point de vue vaut l’autre et vouloir soutenir que ces points de vue diffèrent en termes de postures, d’épistémologie ou de valeurs devient très compliqué. A nouveau, dans ce contexte, vouloir réserver la force de l’expertise au chercheur qui se penche sur le travail du professionnel de terrain risque d’être très mal accepté, d’autant que, de plus en plus, les savoirs pratiques propres à ces acteurs de terrain sont reconnus et présentés comme ayant souvent échappé aux chercheurs.
56Enfin, cette (demande de) reconnaissance d’une égalité (et légitimité) de point de vue entre les compétences des uns et les savoirs théoriques des autres renvoie peut-être aussi, en partie, à une drôle d’interprétation, par certains chercheurs en sciences sociales et professionnels des champs socio-culturel et social, d’un positionnement épistémologique précis. Giddens le nomme la « double herméneutique » mais il est loin d’être le seul à l’avoir développé. Essentiel, selon nous, à l’épistémologie de la sociologie, ce principe épistémologique est, malheureusement, de plus en plus souvent transformé en évidence conceptuelle, voire en simple état de fait… au risque d’être ainsi mal compris et très mal interprété, nous y reviendrons. Commençons d’abord par expliquer, avec les mots de Giddens, de quoi il s’agit : « … le sociologue a pour domaine d’étude des phénomènes qui sont déjà chargés de signification et qui existent en tant que tels. Celui ou celle qui veut “pénétrer” dans ce champ doit parvenir à connaître ce que les acteurs savent déjà et ce qu’ils doivent savoir pour “poursuivre” leurs activités quotidiennes dans le tissu social. » (Giddens, 1987, p. 346). Et, poursuit-il, cela a pour implication que « Les concepts qu’inventent les sociologues sont d’“ordre second” dans la mesure où ils tiennent compte des capacités conceptuelles attribuées aux acteurs auxquels ils font référence. Toutefois il est dans la nature même des sciences sociales que ces concepts d’ “ordre second” puissent devenir d’“ordre premier” lorsque, dans la vie sociale, des personnes autres que les spécialistes des sciences sociales se les approprient. » (Ibidem).
57La « double herméneutique » traduit donc le fait que le chercheur reconnaît à l’acteur social une série de compétences : l’acteur sait ce qu’il fait ou en tout cas agit de manière pertinente même s’il n’a pas toujours les outils pour expliciter et rendre compte de cette pertinence. Le chercheur va alors tenter de recueillir ces savoirs, pratiques ou discursifs, pour faire apparaître les « cadres de signification » (Giddens, 1987, p. 347) grâce auxquels les acteurs agissent et les traduire en catégories sociologiques théoriques, existantes ou nouvelles. Il y a donc bien une différence essentielle entre ces deux postures, qui ne rend pas l’une plus noble que l’autre mais qui permet le fonctionnement d’un monde à différents étages de perception, action, compréhension, création. Chacun n’étant pas bon à tout.
58Sur cette base, repartons de la notion d’expertise. Acceptons la migration conceptuelle et considérons que le chercheur et le professionnel de l’action sociale maîtrisent deux expertises différentes, tout aussi importantes l’une que l’autre. Si nous suivons Giddens, il nous faut pouvoir imaginer qu’une situation, dans laquelle deux chercheurs aux paradigmes différents étudieraient le même terrain en écoutant deux acteurs de terrain défendant des positionnements professionnels différents, pourrait révéler quatre expertises différentes. Or, ce sur quoi nous souhaitons insister, pour le propos que nous tissons, c’est que dans cette situation seuls deux niveaux d’expertise se côtoieraient. Des niveaux qui ne devraient pas se comparer en termes de degré d’expertise mais bien en termes de contenu et de posture d’expertise.
59Il est ainsi essentiel de comprendre que ces différents niveaux d’expertise ne nous disent pas la même chose. Et c’est là que leur rencontre devient intéressante. Car c’est là, pensons-nous, que le croisement peut produire du sens. Mais à la condition de prendre conscience des limites de ce croisement. Or là aussi la difficulté est une difficulté particulièrement propre à la modernité avancée. Nous vivons dans un monde où la limite doit toujours être dépassée, où la limite est presque insultante en soi. Or, ce qui fait l’intérêt de la co-création, c’est le développement d’un inter- « sphères »64 dans lequel chaque sphère a conscience de ses forces, de ses zones de maîtrise et de celles des autres partenaires. Reste alors à construire le commun avec toute la difficulté de faire se rencontrer des modèles différents d’appréhension du monde et des choses. Cela implique un travail d’anti-relativisation : non, chaque expertise ne « vaut » pas l’autre ; chacune défend une lecture particulière à replacer dans un contexte et porteuse de particularités à spécifier. Cela nécessite aussi un travail d’humilité : pour chaque type d’expert, voir son travail comme un point de vue, l’oblige à un regard critique non seulement sur les points de vue autres mais aussi sur sa propre élaboration. C’est enfin un travail sans concession lors de la construction commune : pas question de ne pas tenir compte des essentiels de chacun… quitte à devoir faire apparaître des paradoxes, des incohérences qui entraînent des impossibilités.
60Ceci posé, nous pouvons enfin questionner les effets que ces pratiques conjuguées peuvent avoir sur le monde et entre elles. Selon nous, ces effets peuvent se développer dans deux positions extrêmes opposées (ou dans l’entre deux). D’un côté, lecture réductrice, le croisement entre ces sphères est à visée essentiellement utilitariste afin de pouvoir justifier la réponse à un appel à projet exigeant cet entrelacs. Différents cas de figure peuvent alors entrer en action : une des sphères prend la direction et met, ou utilise, les deux autres « à sa sauce » ; ou encore, chaque pôle s’occupe un peu de tout sans bien différencier les compétences de chacun ; ou enfin, personne n’a vraiment conscience du jeu dans lequel il joue ni des forces mobilisables… Quoiqu’il en soit, l’effet majeur dans ces cas de figure est le risque d’appauvrissement. Non seulement l’éclosion d’une imagination à plusieurs facettes semble compromise mais il est possible que ce que chaque acteur faisait bien tout seul ne puisse plus non plus se développer dans des conditions optimales. D’un autre côté, lecture exigeante, le croisement entre les sphères est basé sur la conviction (construite et non rêvée) de la richesse d’une co-création. Dans le projet même sont alors reconnues non seulement les spécificités de chacun mais aussi les forces que la rencontre de ces spécificités entraîne. Sont aussi connus et portés à l’attention de tous, les aspects par rapport auxquels les positionnements, obligations, contingences des différentes sphères risquent de poser difficultés voire paradoxes. C’est alors seulement, pensons-nous, que peut se faire le tissage des expertises en préservant la force de chacune au sein d’un projet cohérent. Mais, condition essentielle, cela demande du temps et beaucoup de travail de construction de l’ensemble avant même de s’attaquer au projet.
Pour conclure
61Comment ces développements nous aident-ils à comprendre l’évènement Faites le Muret les satisfactions et insatisfactions qui l’ont suivi ?
62Si le projet a clairement fait l’objet de ce que nous avons nommé la « lecture exigeante », à travers un enthousiasme du porteur de projet qui a réussi à réunir des personnes et organisations de différentes sphères pour réaliser un objectif commun, il ne permet cependant pas de parler d’une pleine cocréation. Et étonnamment (ou peut-être pas ?!), le manque tient de manière dominante dans le positionnement de l’école face au projet.
63Nous en rendons compte ici en quelques traits :
De la temporalité : la différence de temporalité qui caractérise les différentes sphères y est sans doute pour beaucoup. Le temps de la formation comme le temps de la recherche ne sont pas celui de la vie réelle. Ils nécessitent recul et analyse, mise en perspective, alors que Faites le Mur s’est construit en un laps de temps très court, jouant sur la dynamique et l’intérêt des différents partenaires à en faire partie. Le projet bien porté par le responsable des « services à la collectivité », l’ISFSC s’en savait partie prenante. Et sans doute, tant pour le pôle recherche que pour les enseignants, n’y a-t-il pas eu prise de conscience de ce qui aurait pu se jouer là, au-delà de la seule organisation au sein des murs de l’ISFSC.
Questions de sphères : peut-être faut-il concevoir que, dans ce contexte-là, l’ISFSC ne pouvait se comprendre comme une seule sphère. Il aurait fallu la voir comme un ensemble de trois sphères au moins : services à la collectivité, enseignement, pôle recherche. Chacune avec ses propres logiques, tellement évidentes que rarement explicitées, dont les différents acteurs n’ont sans doute pas tenu compte alors que les logiques des porteurs de l’exposition et du monde associatif présent étaient bien visibles et intégrées par le porteur ISFSC du projet. La question de la disponibilité des différentes personnes concernées ne suffit donc pas (du tout) à tout expliquer.
Logiques de rôles et d’expertise : de ses propres mots, à l’ISFSC, le porteur du projet se voit comme un chef d’orchestre, un connecteur et agrégateur momentané. La logique qui le porte renvoie à une logique bien dans l’air du temps : saisir l’opportunité et se lancer, quitte à rencontrer un échec. Ce positionnement est peut-être partiellement en opposition avec celui de la responsable de recherche qui vise, elle, des projets dont l’ancrage scientifique est reconnu dès le départ. Face à une même situation, ces deux responsables de nouveaux « services » au sein de l’école semblent n’avoir pas encore réussi à tisser la co-construction essentielle à cette lecture exigeante. Sans doute y a-t-il là un travail d’accrochage de deux expertises à ne pas éviter pour que d’autres projets de ce type puissent commencer en s’appuyant sur un premier lien, solide et en interne, de co-création.
A ces deux logiques d’ailleurs, devrait s’en ajouter une troisième, celle de l’enseignant.Un risque d’appauvrissement ? Reste une question que nous laisserons ouverte. Nous l’avons vu, pour certains la recherche fait partie du projet, pour d’autres pas. Comme si derrière le mot « recherche » se côtoyaient deux compréhensions de ce qui la fonde. Cette question se pose-t-elle aussi pour l’art ? A utiliser la pratique artistique dans l’action sociale ou socio-culturelle, y a-t-il création artistique ou, à nouveau, cohabitation, en parallèle, de deux conceptions de l’art ? Les différents partenaires parlent-ils de la même chose lorsqu’ils mobilisent ces termes ? Et si ce n’est pas le cas, n’y a-t-il pas un risque d’appauvrissement, dans et par les productions réalisées, lorsque ces différences ne sont pas actées ?
64Il nous semble compliqué de parler d’appauvrissement pour Faites le Mur tant le projet a fédéré mais peut-être la sphère « action socio-culturelle et sociale » est-elle celle qui en a tiré le plus profit, sans qu’il y ait réelle rencontre entre sphères. Alors, dans une perspective de projets futurs, il serait intéressant de réfléchir aux pas à poser pour que les trois sphères s’y trouvent liées dans une co-production explicite.
Bibliographie
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Références
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Notes de bas de page
52 En Belgique francophone, une « Haute École » est un établissement de formation supérieure non universitaire. Les enseignements qui y sont dispensés donnent accès à un diplôme de Baccalauréat professionnalisant ou à un diplôme de Master.
53 En 2017, l’ISFSC était la catégorie sociale de la HE ICHEC-ISFSC. Elle est située à Schaerbeek, une des communes bruxelloises (Belgique). Depuis septembre 2019, la Haute École s’est agrandie et est devenue la Haute École ICHEC – ECAM – ISFSC. L’ISFSC, devenue département sciences politiques et sociales et information et communication de la HE, dispense les Baccalauréats Assistant Social, Communication et Écriture Multimedia. L’ICHEC donne accès aux Masters en Ingénieur Commercial, Sciences commerciales, Business Analyst en Alternance, Gestion de l’entreprise) et l’ECAM forme aux diplômes de Master en Ingénieur Industriel.
54 http://isfsc.be/faites-le-mur/
55 Le développement du pouvoir d’agir est une approche qui vise à soutenir la possibilité pour les personnes accompagnées de mener des changements par rapport à ce qui est important pour elles, leurs proches ou la collectivité à laquelle elles s’identifient. A l’ISFSC, des enseignants ont été formés par Yann Le Bossé qui dirige, à l’Université Laval, le laboratoire de recherche sur le développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités.
56 http://www.cpcp.be/faites-le-mur?id=3298
57 Créée en 1996 pour faire connaître au Nord la richesse d’actions populaires au Sud, Inter-Mondes est aujourd’hui une association qui accompagne « des processus de transformations sociétales dans la perspective de développer le pouvoir d’agir des acteurs en Europe et ailleurs dans le monde » (https://www.inter-mondes.org/).
58 Nous reprenons à Giddens son terme « Late Modernity » pour insister sur le fait que ce dont nous parlerons avec Giddens qualifie l’époque contemporaine et non la Modernité principielle, en général.
59 Exposure : anglicisme qui a le mérite de rimer avec brûlure, gerçure et gelure. L’homme ne périt pas tant d’être exclu d’un lieu que d’être soustrait à la protection d’une couverture immunitaire.
60 « La raison n’est plus, selon lui, une instance capable de poser ensemble l’être, la relation et le monde. La raison en tant quelle sous-tend une connaissance scientifique du monde n’a rien à voir avec la raison en tant quelle définit une intersubjectivité permettant aux hommes de se comprendre et n’a pas davantage à voir avec la raison qui permet à chacun de se connaître soi-même. Autrement dit, la raison est éclatée, partagée en trois moments distincts qui obéissent à trois logiques épistémiques différentes : celle du savoir, celle de la communication, celle de la réflexivité. Il n’y a pas de raison qui soit une, globale, totalisante mais des modes de rationalités épars et pas nécessairement cohérents entre eux » (cité par Régnauld, 2011, site internet).
61 « La métaphore de l’écume présente l’avantage de mettre en image la disposition topologjque de créations d’espace vitaux qui sont à la fois créatifs et source de sécurité pour eux-mêmes. Non seulement elle rappelle le voisinage d’unités fragjles dans un espace comprimé, mais elle renvoie aussi à la fermeture nécessaire de toute cellule d’écume sur elle-même, bien que celle-ci ne puisse exister qu’en tant qu’utilisatrice d’installation de séparation communes (parois, portes, couloirs, rues, clôtures, installations frontalières, gones de transit, médias). Ainsi l’idée d’écume évoque aussi bien la co-fragilité que la co-isolation des unités empilées sous forme d’associations denses » (Sloterdijk, 2004, p. 223-226).
62 L’attracteur étrange montre que dans un système chaotique, il existe un ordre créé par le désordre.
63 ASBL : associations sans but lucratif.
64 Où nous entendons l’art, l’action associative et la recherche comme trois sphères particulières.
Auteurs
Chargée de cours à l’ICHEC Management School, Bruxelles et chercheure associée au laboratoire Médiations, Informations, Communications, Arts (MICA-EA4426), Université Bordeaux Montaigne.
Chargée de cours à l’institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication (ISFSC), Bruxelles.
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