101 Tom Johnson est né à Greeley (Colorado) en 1939. Après ses études à Yale (master de musique en 1967), il travaille à New York comme accompagnateur pour les cours de danse (à l’université), puis comme critique musical pour le Village Voice. Entre 1972 et 1982, il couvre, pour ce journal, un grand nombre de concerts de downtown, tout spécialement de musique minimaliste. Tom Johnson compose sa première pièce minimale, An Hour For Piano (1971), après avoir entendu les concerts de musique minimaliste donnés dans la salle de concert The Kitchen (un haut lieu de la bohème artistique de New York, ouvert depuis 1971) où l’on joue la musique de La Monte Young, Philip Glass, Phill Niblock et bien d’autres. Johnson se distingue dans le domaine de la composition avec The Four-Note Opera (1972), une œuvre entièrement écrite sur une gamme de quatre sons (comme le titre l’indique). Après la première, qui a lieu à New York en 1972, cet opéra est joué à de nombreuses reprises aux États-Unis et en Europe. Depuis son départ pour Paris (où il vit depuis 1982), sa musique est surtout jouée en Europe. L’une de ses œuvres les plus connues, composées depuis son installation en France, est son catalogue d’accords pour piano (1986) où l’interprète doit jouer tous les accords existant dans une octave (8178 au total).
102 Yoko Ono, née à Tokyo en 1933, est issue d’une famille riche. Son père, dans les affaires, doit vivre aux États-Unis avec sa famille de 1933 à 1937, et à nouveau en 1940-1941. Bien décidé à devenir artiste, Yoko Ono quitte le Japon et retourne en Amérique en 1952 pour suivre des cours de lettre et de chant à New York. En 1958, elle suit des cours avec John Cage à la New School for Social Research. C’est là qu’elle rencontre tous ses futurs camarades de l’art d’avant-garde (Allan Kaprow, Dick Higgins, George Maciunas). Elle expérimente dans les domaines les plus variés : des compositions, des poèmes, des danses, des films, des sculptures, etc. Mais elle n’obtient aucun succès avant d’inventer le concept de « bagism » : un couple entre dans un grand sac noir où ils peuvent enlever leurs vêtements, les remettre (ou les échanger), ou simplement rester sans rien faire. Après 1968, Yoko Ono, tout en continuant à produire des œuvres d’art contemporain (des films conceptuels notamment), vit et travaille avec John Lennon, avec lequel elle produit plusieurs albums de musique pop.
103 Pour Keith Potter, la drogue est liée à la musique de Young et de Riley (qui découvre le LSD grâce à Young) comme l’alcool est lié à la musique de Cage et aux peintres expressionnistes. Mais cette comparaison est très discutable, car si John Cage et ses amis apprécient de déguster un bon vin (et peuvent en abuser), il ne semble pas que la prise d’alcool soit nécessaire pour la création et encore moins pour l’interprétation de leur musique : on imagine mal le pianiste David Tudor boire une forte dose d’alcool avant un concert. La musique savante exige un fort degré de concentration pour son exécution, ce qui n’est sans doute pas le cas de la musique minimaliste de Young. Enfin, il est à espérer que les auditeurs ayant assisté à un concert de Young ont eu la prudence de prendre, eux aussi, une forte dose de drogue, certainement indispensable pour supporter ce type de musique.
104 Cette installation est financée par la Fondation Dia, fondation d’un magnat du pétrole, ce qui a scandalisé le monde de l’avant-garde. On a reproché à La Monte Young d’avoir accepté le soutien financier d’une fondation liée aux intérêts du pétrole. Il semblerait que l’on ne se pose pas beaucoup de problèmes de conscience lorsque le soutien provient d’une fondation plus ancienne, comme Rockefeller ou Ford, fondations qui sont pourtant le produit de l’exploitation des ouvriers aux XIXe et XXe siècles.
105 Une performance qui rappelle l’exécution en 1963 des Vexations pour piano (1893 ?) d’Eric Satie par John Cage. En effet, la partition de Satie indique qu’il faut répéter la pièce 840 fois. Cage a pris au sérieux ce qui n’était qu’une plaisanterie et l’a exécutée avec l’aide de dix personnes dont Philip Corner. Cette performance a duré près de dix-huit heures.
106 Il est vrai qu’il est nettement plus distingué de parler de « phasing » plutôt que de canon. Marc Mathey parle même de « concept » de déphasage (Mathey, 2004, p. 11). En exagérant un peu, on pourrait dire que ce qui est vraiment nouveau, c’est moins la musique elle-même que les termes (ou « concepts ») utilisés pour la décrire.
107 Parmi ses nouvelles compositions qui ont le plus retenu l’attention au début des années 1980, mentionnons Tehillim pour trois sopranos, alto, et orchestre de chambre (1981), et The Desert Music pour chœur amplifié et orchestre (1983). À partir du milieu des années 1980, la musique de Reich semble retourner au « minimalisme » des œuvres de jeunesse. Son Sextette pour quatre percussions et deux pianos (1985), New York Counterpoint pour clarinette, clarinette basse, et bande (1985), Electric Counterpoint pour guitare et bande (1987), et Different Trains pour quatuor à cordes et bande (1988) présentent des caractéristiques qui rappellent le premier style répétitif des années 1960.
108 Si Adams reconnaît dans les années 1970 et 1980 l’importance de certains compositeurs modernes, avec le temps il semble se radicaliser et rejeter en bloc toute musique atonale qu’il considère aujourd’hui comme « une étrange aberration dans l’histoire de la musique ». Il déclare en 2002 dans une interview filmée : « J’ai toujours cru que dans 200, 300, 500, 1000 ans, les gens regarderaient l’époque de Schoenberg, Stockhausen, Berio, Boulez et Elliott Carter, comme une étrange aberration dans l’histoire de la musique. Il y a eu une période au XXe siècle où les compositeurs détruisaient le rythme avec acharnement. Ils dépouillèrent la musique de tout sens du rythme, à la même époque, beaucoup s’acharnèrent aussi contre la syntaxe tonale » (John Adams, in John Adams, A Portrait réalisé par David Jeffcock en 2002 et disponible en DVD aux Éditions ArtHaus Musik). Adams prétend même en 2006 que « la musique classique d’avant-garde est morte » (May, 2006, p. 186).
109 La ressemblance avec Carl Orff, compositeur allemand ayant servi le régime nazi (Orff a notamment accepté d’écrire une œuvre pour les Jeux olympiques de Berlin en 1936), pourrait paraître un peu excessive. John Adams, comme la plupart des artistes américains est un démocrate. Néanmoins, ce qui le rapproche de Carl Orff, qui ne partageait pas les idées du nazisme, c’est sa position hétéronome dans le monde musical. Adams, comme Orff, renonce à l’autonomie et se met au service du pouvoir (politique et économique). Il a été par exemple le compositeur choisi pour écrire une œuvre, intitulée On the Transmigration of Souls pour orchestre et bande (2002), en mémoire des victimes des attentats du 11 septembre 2001.
110 Il suffit de comparer la date de leurs premières pièces répétitives et celle d’un début de reconnaissance : 1961 et 1964 pour Terry Riley, 1965 et 1967-69 pour Steve Reich, 1967 et 1974 pour Philip Glass (mais Glass avait déjà été reconnu auparavant avec son premier style), 1976 et 1980 pour John Adams, 1976 et 1979 pour Laurie Anderson.
111 La confusion des genres (populaire et savant) est célébrée par certains critiques comme Alex Ross : « À l’orée du XXIe siècle, la tentation d’opposer sempiternellement la musique classique à la culture populaire n’a plus de sens, ni intellectuellement ni émotionnellement. Les jeunes compositeurs d’aujourd’hui ont grandi avec la musique pop et, alternativement, la convoquent ou la révoquent au gré de leurs nécessités créatives. Délaissant la tour d’ivoire de leurs aînés, ils se sont rapprochés de la rue et de son vacarme. (…) Il y a fort à parier que la musique du XXIe siècle débouchera sur une forme d’osmose, dans laquelle les artistes pop et les compositeurs les plus ouverts finiront par parler la même langue » (Ross, 2007, p. 713). Confusion qui sera réalisée si les compositeurs du XXIe siècle se conforment aux règles de l’ordre musical dominant (la tonalité) : une résignation présentée ici comme une « ouverture ».
112 Cf. Tom Johnson, « Minimalism in Music : in search of a Definition », Introduction pour le catalogue de l’exposition Musica Silenciosa (Madrid), 2001. Pour Johnson, les pionniers du minimalisme sont Maryanne Amacher, Robert Ashley, David Behrman, Harold Budd, Joel Chadabe, Philip Corner, Alvin Curran, Jon Gibson, Daniel Goode, William Hellermann, Terry Jennings, Garrett List, Annea Lockwood, Alvin Lucier, Jackson MacLow, Meredith Monk, Charlie Morrow, Gordon Mumma, Max Neuhaus, Phill Niblock, Pauline Oliveros, Frederick Rzewski, Steve Scott, Richard Teitelbaum, Ivan Tcherepnin, Yoshi Wada, La Monte Young.
113 Le néolibéralisme a réussi à imposer l’idée que le capitalisme est le seul système économique viable (cf. Accardo, 2003). De même, dans le monde de la musique, le langage tonal s’impose pour beaucoup comme l’horizon musical indépassable de notre temps.