1 Voir : Karlheinz Stockhausen, « … wie die Zeit vergeht… » (1957), Texte I, loc. cit., p. 99-139. Traduction française par Christian Meyer : « … comment passe le temps… », Contrechamps 9, Genève, 1988, p. 50 à 59.
2 Voir : György Ligeti, Décision et automatisme dans la Structure Ia de Pierre Boulez, dans le présent volume, p. 83.
3 Voir : Luigi Nono, « Zur Entwicklung der Serientechnik », Gravesaner Blätter 4, Mayence 1956, cahier 4, p. 17-18. Traduction française dans : Luigi Nono, Écrits, traduction française par Laurent Feneyrou, Genève, Contrechamps, 2007, p. 38-43.
4 Voir : Udo Unger, « Luigi Nono », Die Reihe 4, Vienne, 1958, p. 16. Une transposition de la même série sert de base aux Varianti (Voir : Rudolf Kolisch, « Nonos Varianti », Melos, Mayence, octobre 1957, p. 292 sqq.)
5 Voir : Henri Pousseur, « Zur Melodik », Die Reihe 3, Vienne, 1957, p. 52 sqq.
6 . La tendance à l’indifférence mélodique et harmonique s’enracine déjà profondément dans la musique dodécaphonique « traditionnelle ». Voir : Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique, Paris, Gallimard, 1962, p. 64 sqq.
7 Voir : Henri Pousseur, loc. cit. p. 55 et Gottfried Michael Koenig, « Henri Pousseur », Die Reihe 4, Vienne, 1958, p. 27.
8 Ce rôle spécifique revient déjà à l’octave chez Webern. Ainsi, Herbert Eimert remarque que « Webern plante pour ainsi dire les objets sonores de grande dimension juste au bord des trous d’octave. (« Die Notwendige Korrektur », Die Reihe 2, Vienne, 1956, p. 39.)
9 Voir : Hanns Jelinek, Anleitung zur Zwölftonkomposition I, Vienne 1952, p. 47 sqq.
10 Les œuvres dans lesquelles l’octave a été utilisée comme moyen principal de construction, comme c’est le cas dans Nones de Berio, ne remettent pas cette affirmation en cause. Ici, l’utilisation des octaves est légitimée par la forte mise en valeur de leur rôle. (Voir : P. Santi, « Luciano Berio », Die Reihe 4, Vienne, l958, p. 99.)
11 Voir : Knud Jeppesen, Der Palestrina-Stil und die Dissonanz, Leipzig, 1925.
12 Voir : Karlheinz Stockhausen, loc. cit. p. 43-44.
13 Se reporter aux explications de Pousseur dans l’article déjà cité, à propos de la densité polyphonique comme un des éléments constituants de la composition. Son Quintette est conçu presque totalement en strates. (Voir : loc. cit. p. 54.)
14 Il faut pourtant remarquer que les silences chez Cage sont en général plus longs que dans les structures sérielles.
15 Voir : Theodor W. Adorno, « Das Altern der Neuen Musik », dans : Dissonanzen, Göttingen, 1956, p. 102 sqq.
16 Ces aspirations ont été exprimées avec un certain consensus dans les écrits théoriques de quelques compositeurs malgré des orientations différentes. Voir les deux articles déjà cités de Stockhausen et de Pousseur dans : Die Reihe 3, ainsi que « Alea » de Boulez dans les Darmstädter Beiträge zur neuen Musik, Mayence, 1958, p. 44 sqq Le texte de Boulez est publié en français dans : Pierre Boulez, Points de repères, nouvelle édition, tome 1, Paris, Christian Bourgois, 1995, p. 407-420.
17 Ce terme est d’Antoine Goléa.
18 Herbert Eimert, « Von der Entscheidungsfreiheit des Komponisten », Die Reihe 3, Vienne, 1957, p. 9.
19 Voir : Henri Pousseur, loc. cit., p. 68, deuxième paragraphe.
20 Ce plan correspond à peu près à une pensée que Boulez développe dans son article « Alea ». Mais je ne serais pas d’accord avec son intention de livrer le réseau des possibilités à une méthode de « hasard dirigé ». Le jeu que l’on obtient en relâchant le réseau ne devrait pas être abandonné au hasard, mais soumis à d’autres décisions ordonnatrices, afin de réduire au minimum l’entropie de la structure. Déléguer la réalisation de la forme résultante à l’interprète – comme c’est le cas par exemple dans le Klavierstück IX de Stockhausen et dans la Troisième Sonate de Boulez – est illusoire. L’interprète reçoit un jeu de construction dont les pièces sont plus ou moins dégrossies, mais, en fait, il est trompé : il croit participer à la composition, mais il ne peut pourtant pas sortir du cercle des permutations possibles que le compositeur a établies à l’avance. Donc, toutes les « interprétations » possibles sont prévues par le compositeur – si ce n’est pas le cas, c’est d’autant plus grave pour la forme. Il ne s’agit en aucun cas d’une liberté d’interprétation véritable, mais seulement d’une « ossia » démultipliée.
21 « Mais cette liberté, que le compositeur a tellement désirée, devient débordante et doit être endiguée, sinon ses expériences perdent leur sens. » (Pierre Boulez : « An der Grenze des Fruchtlandes », Die Reihe 1, Vienne, 1955, p. 56. En français : « À la limite du pays fertile », dans : Points de repères, loc. cit., p. 315-330).
22 On trouve les ébauches de ce procédé dans la conception de la « rédaction » de Pousseur. (Voir : Henri Pousseur, loc. cit., en particulier p. 49).
23 J’ai essayé de réaliser une telle idée formelle dans ma pièce pour orchestre Apparitions.
24 Stockhausen a montré quelque chose d’analogue concernant des séries de durées d’harmoniques inférieurs (loc. cit., p. 30.). Mais cela est vrai de manière générale pour toutes les sortes de séries fixes de proportions de temps, tant que leurs éléments ne sont pas à nouveau subdivisés.
25 Karlheinz Stockhausen, loc. cit ., p. 34 sqq.
26 Cette manière de vivifier est bienvenue, mais certaines de ses conséquences doivent être considérées d’un point de vue critique. Comme les durées, qui étaient fixes, deviennent de plus en plus approximatives, une situation précaire s’installe. En effet, soit l’exécution ne correspond plus à ce qui est prescrit, soit le compositeur introduit quelque chose de vague dans la notation de sa musique pour sauver la correspondance. Il s’ensuit une écriture qui ne fixe plus directement ce qui doit sonner, mais qui ébauche seulement, en une espèce de tablature, les actions que le musicien doit exécuter. Une telle métamorphose de la notation s’attaque inévitablement à la substance musicale ; la forme qui se constitue court le danger d’être dégradée du plan des relations sonores à un plan des agissements moteurs – dégradée car, au départ, les actions n’avaient d’autre but que de fabriquer les structures sonores. Pour l’interprète, l’aspect moteur de la production du son devient plus important que la musique engendrée, et pour le public, c’est l’aspect visuel (le spectacle des actions) qui prime. Cependant, ce qui du point de vue de la musique apparaît comme une perte de valeur, peut être d’une grande efficacité esthétique et ne signifier qu’un déplacement de valeur vers un autre domaine artistique. Un art de ce type se rapproche alors de la pantomime.
27 Dans la pièce électronique Artikulation, j’ai employé un principe de distribution semblable, avec la différence que là, le produit de chacune des durées et de leur récurrence respective n’était pas une constante, mais qu’il variait selon le type de tissage des différentes textures utilisées dans la pièce. De cette manière, la densité moyenne spécifique changeait d’une texture à l’autre. On peut, bien entendu, établir d’autres statistiques de disposition, en fonction de l’idée maîtresse de l’œuvre à composer.
28 Alors qu’il faut comprendre par « structure » un ensemble plutôt différencié, dont on peut distinguer les composantes et que l’on peut considérer comme le produit de l’inter-action de ces composantes, on entend par « texture » un complexe plus homogène et moins articulé, dans lequel les éléments constitutifs se fondent presque en totalité. Une structure s’analyse en fonction de ses composantes ; une texture se décrit mieux à l’aide de caractéristiques globales et statistiques.
29 C’est quelque chose de semblable que Pousseur entend par « comportement morphologique » dans son article déjà cité.
30 Voir : Karlheinz Stockhausen, loc. cit., p. 43 à 45.
31 Dans : Philosophie de la nouvelle musique, loc. cit., p. 193-197.
32 Pierre Boulez, op. cit., Die Reihe, n° 1, Vienne, 1955, p. 47.
33 Le lien le plus étroit entre musique et peinture se manifeste dans des œuvres de Earle Brown que l’on peut considérer aussi bien comme tableaux que comme musique. Dans le cas d’une interprétation musicale, on peut échanger l’axe du temps avec celui des densités verticales, des intensités, mais aussi des hauteurs. (Voir l’exemple d’Earle Brown dans : « Nouvelle notation », dans le présent volume, p. 159).
34 Adorno a clairement montré les débuts de cette tendance, décelable chez Debussy et Stravinski, et même chez Wagner (loc. cit., p. 193-197).
35 Theodor W. Adorno, loc. cit., p. 193. Voir aussi : Gottfried Michael Koenig, loc. cit., p. 18-19. Mais là, Koenig met aussi immédiatement l’accent sur la différence fondamentale entre l’espace dans les arts visuels et l’espace — imaginaire — dans la musique : l’espace est une donnée physique dans la peinture et la sculpture, alors qu’en musique, son apparence ne se produit qu’avec le déroulement du temps.
36 Si de nombreuses personnalités de l’avant-garde musicale actuelle – et en particulier Boulez –tiennent Debussy pour plus « actuel » que Schönberg, bien que la totalité de son idiome musical appartienne à une phase historique antérieure, c’est sans doute justement à cause de cette tendance à la spatialisation du temps qui se manifeste beaucoup plus expressément chez Debussy que chez Schönberg (voir : Pierre Boulez, « Für Anton Webern », Die Reihe 2, Vienne, 1956, p. 45 ; original français, « Incipit », dans : Points de repère, tome 1, op. cit., p. 153-154).
37 Herbert Eimert, « Die notwendige Korrektur », Die Reihe 2, Vienne, 1956, p. 40.
38 Ici, il ne faut prendre en aucun cas « immobilité » et « statisme » comme des catégories négatives. Un état de repos total peut paraître étranger à qui n’est habitué qu’à la tradition occidentale, mais un tel fondement ne permet pas de porter un jugement de valeur.
39 Il n’est pas étonnant que Cage soit parvenu à un statisme équivalent à partir de procédés apparemment opposés : la manipulation du hasard. Cela s’accorde en tous points avec nos remarques concernant la correspondance entre organisation totale et inorganisation totale en composition, et leur tendance commune au nivellement. Toutefois, chez Cage, le lien avec la pensée et le style de vie orientaux, bien qu’ils soient également importés, semble beaucoup moins maniéré que chez les compositeurs européens.
40 Si l’on observe des voitures roulant sur une route avec peu de circulation, il est possible de percevoir séparément leur vitesse et la direction de leur mouvement. Mais la faculté d’enregistrer les actions distinctes diminue proportionnellement à l’augmentation de la densité de la circulation. Ce qui, dans le détail, s’agite comme une fourmilière paraît immobile dans la totalité.
41 Il se peut que la progression de la spatialisation du temps soit l’une des raisons qui amenèrent les compositeurs – en particulier Cage et Stockhausen –à essayer de transposer l’espace imaginaire du parcours formel vers un espace réel, en répartissant des groupes ins-trumentaux, ou des enceintes électroacoustiques dans la salle de concert. Cela confère une nouvelle fonction à un procédé traditionnel originaire du baroque vénitien des Gabrieli.
42 Theodor W. Adorno, loc. cit., p. 113. C’est sans doute cette constatation surtout qui a poussé les compositeurs vers la synthèse électronique des sons.