1 Le mot « harmonie » est utilisé ici dans son sens général. Il désigne donc les liens aussi bien simultanés que successifs entre les différentes hauteurs, et ce dans l’écriture tonale comme non tonale.
2 Les différences enharmoniques n’ayant plus aucune importance dans le système tempéré, nous appellerons la seconde augmentée tierce mineure, la quarte diminuée tierce majeure, etc. De même, le terme de triton désigne sans distinction la quarte augmentée ou la quinte diminuée.
3 Les catégories spatiales telles que le « haut » et le « bas » sont à prendre uniquement au sens figuré, bien entendu : pour des raisons historiques, nous sommes habitués à nous imaginer les vibrations de petite fréquence comme « plus basses » et celles qui ont une plus grande fréquence comme « plus hautes ». Nous associons un espace imaginaire au développement de la forme musicale. Nous ne nous rendons pas compte du mouvement réel de l’air en vibration en tant que tel, mais nous transposons les changements de fréquence et d’amplitude dans le domaine de l’espace que nous imaginons : là, ces changements se transforment en mouvements imaginaires. C’est là-dessus que repose la capacité de symbolisation de la musique : les mouvements imaginaires peuvent prendre le caractère des gestes et transmettre ainsi des contenus émotionnels. Il ne s’agit ici évidemment que d’une des nombreuses possibilités du pouvoir symbolique de la musique.
4 Il existe bien dans la musique tonale quelques cas spéciaux de renversement spatial et temporel, tel que l’écriture en contrepoint renversable (vertical) et quelques pièces de danse que l’on peut aussi jouer à l’envers (horizontal). Mais il s’agit toujours d’exceptions – et ces dernières sont même des curiosités proches du tour de force, qui s’accompagnent d’un appauvrissement harmonique, car dans ce type de construction, les accords de sous-dominante en particulier ne sont utilisables qu’avec beaucoup d’adresse et au prix de grandes difficultés.
5 Voir à ce propos, pour plus de détails : Karlheinz Stockhausen, « Weberns Konzert für 9 Instrumente opus 24 » (« Le Concerto pour 9 instruments opus 24 de Webern »), dans : Melos, Mayence, décembre 1953, p. 343 et 59. Repris dans : « Texte I », Cologne, DuMont, 1963, p. 24-31.
6 Bien entendu, toutes les remarques suivantes relèvent du domaine de l’hypothèse. Il est possible que le cheminement de la pensée de Webern ait été autre et vraisemblablement, il était même beaucoup plus complexe. Mais cela n’a pas d’importance pour notre étude. Notre but consiste, en tout et pour tout, à montrer l’un des enchaînements logiques qui, en tenant compte des données historiques du matériau, auraient pu amener à la composition réalisée. Mais naturellement, une simplification importante s’avère inévitable : l’analyse est impuissante à ressusciter plus que l’ombre du véritable processus de création.
7 C’est Ernő Lendvai qui a décrit le premier cette particularité du triton, dans le cadre d’une analyse du chromatisme chez Bartók. Voir : Ernő Lendvai, Bartók Stílusa Budapest, 1955 ; en allemand, Bartóks Stil, dargestellt an der Sonate für zwei Klaviere und Schlagzeug und der Musik für Streicher, Schlagzeug und Celesta, Budapest, 1964.
8 Ce type de construction de série est très courant chez Webern. Voir : Herbert Eimert, « Intervallproprotionen – Weberns Streichquartett opus 28 » (« Proportions d’intervalles dans le Quatuor à cordes opus 28 de Webern »), Die Reihe, n° 2, 1956, p. 97, et Luigi Nono, « Die Entwicklung der Reihentechnik (Weberns Variationen opus 30) » (« Le développement de la technique sérielle »), Darmstädter Beiträge zur Neuen Musik, n° 1, 1958, p. 31. (Traduction française : Luigi Nono, Écrits, Genève, Contrechamps, p. 49-67).
9 Le terme « accord de quatre sons » est utilisé ici dans son sens le plus large, il désigne donc toute simultanéité de quatre sons, quels que soient les intervalles qu’ils forment.
10 On peut changer d’axe de symétrie encore une fois en renversant la position des notes. Celles-ci sont placées de telle manière que le déroulement harmonique apparaît presque d’un bout à l’autre groupé autour de l’axe 2 – seuls le troisième et le quatrième accords (α1 et β2) gardent l’axe 1 comme centre (voir l’exemple 4 ci-dessus).
11 Rien ne permet d’affirmer que Webern est parti de ce schéma – ses réflexions peuvent avoir été différentes. Il ne s’agit ici que d’une construction auxiliaire.
12 Cela semble être l’un des traits fondamentaux de la composition de Webern. Pour plus de détails, voir : Karlheinz Stockhausen, « Struktur und Erlebniszeit », Die Reihe, n° 2, Vienne, 1956, p. 75 et 78. Repris dans : Texte I, op. cit., p. 86-98.
13 L’écriture pour chœur de Webern donne l’impression – pas en ce qui concerne l’harmonie, mais dans son caractère général – d’être plus traditionnelle que son écriture instrumentale ou que son traitement des parties solistes. Souvent, chez lui, l’homophonie syllabique et les modèles bien connus de l’écriture polyphonique en imitation laissent un arrière-goût de dépassé.
14 La technique de tuilage (Brückenbildung) a été largement traitée par Hanns Jelinek dans son ouvrage intitulé Anleitung zur Zwölftonkomposition (Vienne, 1952-1958) : voir : Vol. I, p. 93, et Vol. II, p. 153-154.
15 Voir : Ernő Lendvai, loc. cit.
16 Les redoublements à l’octave indiquent les tuilages des sons 11, 12 de la série précédente et 1, 2 de la suivante. Les lignes mettent en évidence les deux ordres possibles de permutations à l’intérieur des paires O-R. (Les paires du bas sont ordonnées comme celles du haut ; l’ordre dans la constellation III est le même qu’en I, IV est identique à II.)