Texte poétique et contexte musical
p. 31-38
Texte intégral
1Le mot et le son nous paraissent s’opposer. Or, un mot sans son dit autant de choses qu’un son sans origines, qui ne signifie rien. Tous deux, de surcroît, n’existent pas. Le cas « critique » d’un mot, c’est une notion qui se lie indissolublement à son apparence sonore, si bien qu’on la reconnaît dans la conversation et qu’on la comprend presque par là. De même pour le cas « critique » du son : le signal active immédiatement la notion qu’il représente et qui resterait sans effet séparé de son représentant audible. Le compositeur avance ainsi dans un domaine d’apparentes oppositions lorsqu’il essaie de mettre en musique un texte. « L’un à travers l’autre », ce serait au fond la devise la plus simple, sans risque de se casser le cou. Un redoublement, alors ? L’un signifie ce que l’autre veut dire – ou l’est-il ? Donc un ersatz ? L’un vaut pour l’autre, mais simultanément et sur le même plan ? Un recouvrement par conséquent, un nivellement ? Un état sans joie, pour autant que l’on s’en avise.
2Mais d’abord, comment le texte parvient-il à la musique, ou l’inverse ? Le texte, ce sont plusieurs significations qui résonnent, les paroles. La musique, c’est un ensemble de sons qui signifient plusieurs choses, les sonorités. Les sons ont donc un sens multiple ? Ils sont susceptibles de cela ; ils apparaissent comme un conglomérat de possibilités, comme un contexte, comme des paquets d’interprétations réalisées ou non. Le projet d’être musicalement absolument univoque – quelle que soit l’étape suivante – voudrait dire avant tout : accepter l’ambiguïté de la musique. Ce n’est qu’à partir de cette plurivocité musicale, où se profile la mise en danger de quelque chose d’amorphe, que naît un sens musical univoque : la liberté et la forme, l’imagination et la communication.
3Pour le dire encore plus concrètement : ce n’est qu’en optant pour une formulation subjective, celle du compositeur, que je m’engage sur la voie d’une création qui pourra être comprise universellement. La musique est certainement l’art le plus subjectif. Voilà un mauvais point de départ pour quelqu’un qui essaie de produire des murs tout blancs ou des chemises toutes propres. La possibilité d’être mal compris, inhérente à la musique, s’enracine dans ceci que l’univocité peut apparemment se réaliser à travers un contexte musical. Avec un mot, il n’y a pas de retour possible. Dès qu’il est prononcé ou lu, le mot commence à signifier au-delà de son sens. En revanche, un son entendu se perd dans ce qu’il met en mouvement grâce à l’imagination – donc des mots et des images. Des associations, des allusions, des états, des stimulus, des images, et peut-être des mots. Une chanson d’amour sans texte n’est certainement pas reconnue comme telle si sa mélodie ne le signale pas d’emblée. On perçoit tout au plus une aura qui indique la chanson d’amour comme possibilité, grâce aux conventions qui existent à propos de telles chansons.
4Comment alors la musique vient-elle au texte ? La musique accomplit à nouveau, quand elle met en musique un texte… non : le compositeur accomplit à nouveau, quand il saisit musicalement un texte, l’aura qui vibre autour du mot, du texte, du sens, lesquels vibrent de leur côté. Comme une solution chimique fait apparaître tout d’abord des éléments invisibles en les teintant, la musique peut rendre visible ou plutôt audible une aura spécifique au texte. Elle-même reste ambiguë.
5Dans le cas idéal, on obtient alors ce « l’un à travers l’autre » dont il a été question plus haut. Il faut écarter ici le cas du livret. La musique écrite pour la scène exige souvent le redoublement de ce que pose le texte afin que ce triplement caractéristique de l’art lyrique, et plus tard, dans une certaine mesure, du cinéma, celui entre texte, image et son (toujours confondus) devienne possible. Si on a l’ambition d’agencer volontairement le texte, l’image et le son de façon contradictoire, on produit un objet artisanal ou simplement un chaos, à moins qu’une conception unique n’exige cette divergence des trois composantes, par exemple une conception pluraliste du temps comme seul Bernd Alois Zimmermann, au fond, a réussi à la formuler et à l’utiliser en tant que critère musical et dramaturgique.
6J’ai donc sous les yeux un texte. Comment se déroule alors ce processus qui rend perceptible une aura ? En même temps que s’effectue la lecture du texte se constitue un contexte musical. Une représentation plus ou moins vague de quelque chose qui vise juste, avec plus ou moins de cohérence, ou bien qui s’éloigne. Ce contexte, comparable à un satellite, et encore amorphe, trouve certes son point de départ dans le texte, ou dans la compréhension de ce texte dans la tête du compositeur, mais il acquiert peu à peu une vie et des lois propres : dans la mesure où il trouve sa forme (Gestalt) et devient un contexte musical, donc susceptible de significations multiples.
7Le contexte musical tirera notamment son univocité de l’attitude même qui m’aura fait choisir le texte pour le mettre en musique. Et donc, dans une certaine mesure seulement, du texte lui-même, puisque le choix du texte est toujours le premier pas, et il transmet déjà quelque chose d’essentiel. Nous ne devons pas toujours admettre pourtant l’identification comme moteur principal, même si elle pourra être ensuite le trait essentiel des différentes étapes de la composition, lorsque – le choix du texte effectué, peut-être à partir d’une fascination – le texte sonore se réalise. La composition ne peut être planifiée clairement et méthodiquement qu’en amont ; au cours du travail lui-même, les méthodes vont s’interpénétrer. C’est une lapalissade, mais elle est fatale si l’on songe combien de temps précieux a déjà été gâché à cause de la vaine illusion que l’on pourrait élaborer seul une méthode, et une méthode seule, pour ensuite – composer avec elle ! Cette pensée exclusive dévoile ses faiblesses surtout quand il est question de traiter des textes poétiques. Quand la musique résonne ensuite, la simple simultanéité de la parole et du son recouvrira la compréhension acoustique des mots. Il ne saurait donc s’agir d’obscurcir encore ce fait par d’autres processus qui forment un relais intermédiaire, sachant que, de toute manière, tout deviendra trop obscur. Comme s’il ne s’agissait pas de tout à fait autre chose !
8Le contexte musical offre cette possibilité de pénétrer à l’intérieur du texte poétique, lui qui est poreux, sans toucher encore aux rapports verbaux. Une décomposition n’est pas nécessaire. La difficulté acoustique à tout comprendre rend problématique dès le départ le texte musical par rapport au texte parlé, pour autant qu’il veuille être la transmission d’une logique verbale.
9Le texte chanté est déjà musique, texte devenu valeur sonore. Toute tentative de le musicaliser davantage, à savoir le réduire aux syllabes, aux voyelles, aux consonnes, « mettre à nu » le matériau phonétique, relève de la tautologie, d’un redoublement ; c’est cependant un élargissement possible. Redoublement parce qu’à travers le chant, chaque mot est matériau phonétique. Élargissement pour autant que cet état de fait soit thématisé avec rigueur afin de rendre plus intelligible encore la clarté musicale. Le texte n’est alors plus qu’un matériau sonore et il participe en tant que tel au contexte musical dont il fait partie intégrante. Qu’est-ce que nous percevons cependant en tant qu’auditeurs ? Quelque chose qui est devenu un plus musical grâce à l’utilisation d’un texte. Nous faisons peut-être l’expérience d’une impression intégrale qui, du fait qu’un texte a été écrasé et mélangé à elle, prend un goût particulier, ou une physionomie propre.
10Il a été question tout à l’heure de l’aura. Face à ce dont l’essence même est de résister à toute emprise, j’ai tout de même une attitude précise. Elle me permet de prendre des décisions techniques qui ne sont pas dépendantes seulement de préparations préalables ou d’ordre artisanal et qui ne provoquent pas uniquement des décisions de ce type. J’atteins ainsi des espaces non intégrables, situés entre l’idée et le travail, même si les pas successifs dans le domaine technique peuvent tout à fait être compris intégralement s’ils procèdent l’un de l’autre sans qu’il y ait à forcer. Et non pas pour se légitimer les uns les autres.
11Je me rapproche d’un texte, de son aura également, à partir d’une attitude, et non à partir d’une nécessité qui partirait de lui. Mettons entre parenthèses le livret, conçu précisément en vue de la légitimation nécessaire qu’est sa mise en musique. Le livret est le seul texte poétique qui « réclame » la musique à haute voix. Or, d’habitude, on dit d’un texte qu’il réclame la musique quand il a été conçu justement dans un esprit musical, quand sa sonorité et sa forme appellent donc la plurivocité du sens musical, puisque c’est de là qu’il provient. Mais il s’agit là de textes qui sont musique même sans musique, et qui n’ont pas besoin d’être redoublés. À moins qu’ils ne rencontrent une musique prête à s’emparer d’eux ou prête à s’y dissoudre de son côté. Le résultat serait alors une négation, et non une redondance. La disparition réciproque de l’un dans l’autre est une idée très fascinante. Disparaître ne veut pas dire ici devenir inefficace. Le texte qui s’abîme dans la musique n’est précisément pas un texte qui ne serait plus là, mais un texte qui est là autrement. En s’abîmant apparemment dans le contexte musical, il ne devient pas pour autant élément de ce contexte : c’est un phénomène qui affecte sa propre aura et envahit la structure de ce contexte. Cela est possible parce que la musique a cette capacité d’être en même temps structurée et de paraître amorphe, ou encore de paraître structurée tout en étant amorphe. La musique formule donc par elle-même d’une manière non verbale la précision extrême et l’extension infinie d’une pensée ou d’un sentiment.
12Dans un lied du répertoire, l’affect fondamental déclenché par le texte trouve son équivalent dans un flux musical continu qui a les mêmes caractéristiques que lui. Que ce flux puisse prendre naissance dans cet affect mais continuer ensuite à obéir à ses propres lois, que l’affect représente une expérience momentanée qui ne doit pas nécessairement connaître déjà toutes ses conséquences, voilà qui s’éclaire à partir d’une citation de Schoenberg, extraite de l’essai Des rapports entre la musique et le texte. Schoenberg rapporte une expérience décisive pour lui : « […] j’ai moi-même terminé d’écrire un grande nombre de lieder, enivré par les sonorités initiales des premiers mots du textes, sans m’être le moins du monde inquiété de la suite des événements poétiques […]1 ».
13Schoenberg détecte donc la sonorité initiale d’un texte, il repère son potentiel et en tire le contexte ; à la fin des fins, il le réduit à un élément au moyen duquel il pourra développer organiquement la substance de sa composition à partir du texte. Plus tard, dans l’intention de composer en suivant le texte, naît une composition vocale dont la forme est garantie en premier lieu par ce texte. Le projet de mener la composition le long du texte comme on longerait une clôture favorise l’essor d’un matériau dont l’orientation est nouvelle, et encore « sans entraves » : par exemple le langage harmonique rendu possible dans une époque de passage où l’harmonie fonctionnelle évolue vers une atonalité non articulée en degrés ou fonctions. La raison pour déléguer au texte la cristallisation de la forme n’est-elle pas à chercher d’ailleurs dans un matériau en chemin vers une nouvelle compréhension de soi-même, pris pour ainsi dire dans un processus de mue, matériau fragilisé et qui ne peut pas assurer d’autres fonctions (alors que l’harmonie fonctionnelle pouvait produire d’elle-même les périodes d’une forme) ? Lorsque cette raison est absente du matériau concret et que l’on met en musique un texte en guise de garantie formelle, on donne naissance à un produit hybride et bancal, on donne la parade sans aucune nécessité, on fait venir un infirmier sans qu’il y ait de blessé. Un matériau « sûr de lui » ne renferme aucune tendance formelle nouvelle.
14Une autre possibilité encore – la plus évidente – pour dissoudre l’un dans l’autre et obtenir une musique imprévisible consiste à faire disparaître un texte sous ou derrière la musique, en tout cas de le rendre imperceptible en tant que tel. Un peu comme dans le cas de l’atmosphère conservée tout au long d’un lied, on tente alors de distinguer le texte et son aura et de la rendre opérante au sein du contexte musical, éventuellement même de concevoir ce contexte en même temps que l’aura perçue du texte et la structure propre de celle-là : fixation automatique par écrit de la première lecture.
15Ces réflexions m’ont mené vers des expériences qui cherchaient, en partant de certaines constellations lyriques chez Paul Celan, à réaliser précisément l’aspect auratique de cette poésie sous forme d’un contexte musical, en commençant peut-être à esquisser par là un portrait de ce poète avec mes propres moyens. Concrètement, le texte constitue ici un point de départ radical, c’est-à-dire certes le point dont on part et qui détermine en partie le chemin, mais qui disparaît aussi par la suite à l’horizon parce qu’il aura été pris au sérieux comme point de départ : on s’est véritablement séparé de lui. Or, ce qui apparaît à l’horizon opposé – à supposer que je continue de m’éloigner – ce n’est rien d’autre que ce point qui éclaire à présent la scène de l’écriture en train de s’élaborer et à laquelle il imprime ses contours. Boulez parle d’un amalgame qui se crée alors, et dans lequel le poème est à la fois centre et absence2.
16Le point de départ de ma composition Nachtordnung (« Ordre de la nuit ») pour quinze cordes solistes réside en ceci que le mot de « Nachtordnung » aspire le texte dont il est entouré et en fait le principe de la composition. J’ai trouvé ce mot dans les derniers poèmes de Paul Celan3. Ordre nocturne égale logique du rêve, voilà l’équivalence herméneutique qu’établissait ma première lecture, par quoi je plaçais en même temps l’ordre nocturne au centre de la musique tout en ne touchant pas au texte – qui en demeurait donc absent. Les étapes successives de l’écriture qui s’enchaînaient ensuite étaient alors dépendants d’une décision quant à la manière de les nouer entre eux et à leur perméabilité aux associations. La décision elle-même fait encore partie intégrante du texte poétique puisqu’il l’a suggérée, mais elle forme aussi déjà un contexte poétique, ainsi que très nettement un contexte musical, si bien que le véritable texte poétique se mettrait en travers de son propre chemin s’il était réellement prononcé ou chanté dans ce nouveau contexte qu’il a contribué à créer. Ainsi s’éloigne toujours davantage – et ceci peut constituer une expérience profondément humaine – ce qui disparaît toujours plus l’un dans l’autre, puisqu’un tiers, un élément séparateur s’en dégage ; c’est cet élément qui fait apparaître plus nettement pour nous les contours de la dynamique propre de l’élément à chaque fois contraire, lequel rend possible la compréhension même et réalise en même temps une séparation qui exclut toute identification des opposés. Je m’essaie à rendre cela audible surtout dans les fragments I à IV de l’œuvre Nachtordnung, conçue comme une succession de sept fragments. La logique du rêve en représente le principe formel, la nuit et l’ordre les deux points d’attraction pour ce qui est du contenu, sous forme de deux oppositions archétypiques, d’où la logique du rêve se dégage comme une approche adéquate4.
17Que cette possibilité existe – composer un texte hors voix – vient en particulier du fait qu’il y a des textes dont le sujet est le langage lui-même et non pas le récit d’une action transmis grâce à lui. De tels textes sur le langage sont pour la musique une tentation de se servir des structures verbales. Le « caractère épique » d’une musique ne consisterait donc pas nécessairement dans la représentation d’une action que l’on pourrait communiquer verbalement mais dans la transposition de certains principes du déroulement de l’action verbale vers des techniques de développement musicales.
18Dans Lichtzwang pour violon solo et orchestre, seconde partie achevée de l’essai d’un portrait de Paul Celan conçu comme un cycle, j’ai fait ressortir à dessein cet élément épique. Je pars à nouveau du noyau d’un seul mot – cette fois-ci « Contrainte de lumière », le titre d’un recueil poétique de Celan5 et la notion poétique centrale de l’un des poèmes : il y est question de quelqu’un qui ne peut « aller vers l’autre avec son obscurité » (hinüberdunkeln) lorsque, ou parce que, règne une « contrainte de lumière » – cette fois-ci sur l’arrière-plan d’un éloge funèbre imaginaire que moi-même, frappé par le suicide du poète, j’ai osé formuler « in memoriam ». Tentative d’illustrer le registre épique d’autant plus que j’ai essayé d’intégrer au moyen de l’écriture le ton de la plainte – le topos musical – dans la situation d’un « être sous contrainte de lumière » – l’image verbale. Cela en imaginant entre autres tout ce qui, évoqué par cette incapacité « d’aller vers l’autre avec son obscurité » dont Celan parle lui-même, donc d’atteindre un Tu en passant par des tons intermédiaires, s’oppose cependant sous une forme opaque, véritablement obscure, à celui qui accepte la « contrainte de lumière » et qui – tout en en souffrant – parle à partir de là. C’est la raison pour laquelle la pièce est confiée à un violon solo auquel s’oppose tout d’abord une collectivité (je n’ai pas utilisé les violons de l’orchestre) qui l’entrave presque, mais participe ensuite à son naufrage avec un commentaire sous forme d’éloge funèbre. Du point de vue du discours musical, le processus de solitude croissante de la voix poétique par décomposition en phrases, mots et syllabes isolés de plus en plus incommensurables, après une « arrivée de lumière », est perceptible concrètement à la fin de l’œuvre. Le caractère obsessionnel à la fois de l’éloge funèbre et du violon qui prend le rôle d’une voix soliste aura dompté ce qui l’entoure grâce au chant, pour s’insérer dans la dissolution de toute individualité sonore indiquée par des unissons sur do. Ces deux processus, l’éloge subjectif du mort et la solitude croissante, s’effectuent simultanément, l’un dans l’autre, disparaissant en tant que texte poétique et contexte musical dans un amalgame, ici sur le registre épique. La pièce traduit par ailleurs l’idée d’une disparition de l’un dans l’autre en mélangeant deux genres, le concert et la cantate.
19Ces deux exemples tentent de montrer que le texte et la musique entrent ici dans un rapport de symbiose dont l’apparence extérieure relève certes de la musique, mais dont la vie interne est déterminée par du texte. C’est là une preuve supplémentaire sans doute de l’impossibilité qu’il y a à réunir texte et musique, pour autant qu’ils ne s’enroulent pas comme des arabesques l’un autour de l’autre, formant un décor l’un pour l’autre, et que le seul résultat que nous puissions ressentir consiste au contraire dans les vibrations de leur rapport. Or, la vibration ne saurait aller que dans une seule direction : dans l’un des cas en tant que son, vers l’extérieur, dans l’autre, comme contenu, vers l’intérieur, fidèle aux exigences de plurivocité et d’univocité. Les frontières semblent fluctuantes. Et cependant, nous ressentons les transitions comme des ruptures puisqu’il nous manque l’organe qui pourrait saisir en même temps une conception abstraite en tant qu’apparence sensible et une apparence sensible en tant que conception abstraite. Et c’est très bien ainsi. De sorte que c’est nous qui restons en mouvement et devons substituer à cette simultanéité impossible le sentiment d’une distance parcourue dès qu’une musique nous dit quelque chose ou qu’un texte nous émeut. C’est pour cela que vivons ce qui lie les deux : nous-mêmes.
20(1977/1997)
Notes de bas de page
1 Schoenberg, Arnold : « Des rapports entre la musique et le texte » (1912), trad. A. Pernet, dans L’Almanach du Blaue Reiter, Paris, Klincksieck, 1981, p. 125.
2 Boulez, Pierre : « Ton, Wort, Synthese », Melos, octobre 1959, p. 117. Le texte original en français est intitulé « Son et verbe » ; il fut publié pour la première fois dans les Cahiers de la Compagnie Madeleine Renaud-Jean-Louis Barrault (n° 22-23, mai 1958, p. 119-125) puis repris dans différentes éditions des textes du compositeur : en dernier dans Points de repère I – Imaginer, Paris, Christian Bourgois, 1995, p. 426.
3 Schneepart, 1971, p. 31, trad. Jean-Pierre Lefebvre, Partie de neige, Paris, Seuil (La Librairie du XXIe siècle), 2007. Cette expression apparaît dans le poème intitulé Zur Nachtordnung (« Passé à l’ordre de la nuit »), p. 36 de la version française.
4 C’est ici qu’apparaît le désavantage qu’il y a à « re »produire ce texte parlé et sonore. J’ai l’habitude en tant que compositeur de jeter ma musique dans la discussion comme une offre pour communiquer ; son exécution devient alors une unité de sens avec le texte verbal. Cela ne fonctionne justement plus ici. Le livre ne résonne pas, et reproduire la partition n’a pas de sens et on manque de place pour cela : ce serait donner d’une phrase sa seule ponctuation. Il faudra donc me croire. Ou bien rechercher l’écoute. [W. Rihm]
5 Celan, Paul : Lichtzwang, trad. Bertrand Badiou et Jean-Claude Rambach, Contrainte de lumière, Paris, Belin, 1989.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Essais avant une sonate
et autres textes
Charles E. Ives Carlo Russi, Vincent Barras, Viviana Aliberti et al. (trad.)
2016
L'Atelier du compositeur
Écrits autobiographiques, commentaires sur ses œuvres
György Ligeti Catherine Fourcassié, Philippe Albèra et Pierre Michel (éd.)
2013
Fixer la liberté ?
Écrits sur la musique
Wolfgang Rihm Pierre Michel (éd.) Martin Kaltenecker (trad.)
2013