1 Theodor W. Adorno, « Die Musik zur „Glücklichen Hand” » (texte écrit à l’occasion d’une nouvelle production de La Main heureuse à l’Opéra de Cologne en mai 1955), dans : Musikalische Schriften V (Gesammelte Schriften, vol. 18), Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1984, p. 408.
2 « Musikalisch ist das „Drama mit Musik“ „Die Glückliche Hand“ vielleicht das Bedeutendste, was ihm gelang » (Theodor W. Adorno, Philosophie der neuen Musik, Gesammelte Schriften, vol. 12, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1978, p. 48 et p. 53 sq. ; trad. fr. : Philosophie de la nouvelle musique, Paris, Gallimard, 1962, p. 54 et p. 60).
3 « Meisterlicheres ist der Neuen Musik bis heute nicht gelungen » (Th. W. Adorno, « Die Musik zur „Glücklichen Hand” », p. 410).
4 Le texte de ce livret sera publié en juin 1911 dans un numéro spécial de la « Revue autrichienne de musique et de théâtre » Der Merker consacré à Schönberg. Voir, à ce propos, le volume 6,3 des Œuvres complètes (Sämtliche Werke) de Schönberg : Die glückliche Hand, op. 18 (Kritischer Bericht, Skizzen, Textgenese und Textvergleich, Entstehungs- und Werkgeschichte, Dokumente), Bühnenwerke I (Ullrich Scheideler, éd.), Série B, Mainz-Wien, Schott-Universal Edition, 2005 [à partir d’ici SW 6-3], p. 95 et p. 193-233 (où sont comparés les différents états du texte).
5 Ce manuscrit autographe (Erste Niederschrift) est conservé à la Bibliothèque du Congrès à Washington. Sur les différentes sources musicales de La Main heureuse, voir SW 6-3, p. 1-90. On trouve également, dans le dossier très complet réalisé par Ullrich Scheideler (où figurent de nombreux documents : extraits de correspondances, comptes rendus des premières exécutions de l’œuvre, etc.), un point précis et détaillé concernant à la fois la genèse de l’op. 18 et les divers pourparlers qui eurent lieu au sujet d’une possible création de l’œuvre entre 1910 et 1913 (ibid., p. 246-256). Scheideler s’y réfère longuement à la thèse de Joseph Auner, Schoenberg’s Compositional and Aesthetic Transformations 1910-1913 : The Genesis of Die glückliche Hand (Dissertation University of Chicago), Chicago, 1991. La question de la genèse de La Main heureuse avait été abordée déjà par John Crawford dans l’article « Die glückliche Hand : Further Notes », Journal of the Arnold Schoenberg Institute, 4/1, 1980, p. 69-76. Notons qu’une autre composition de la même période, Trois Pièces pour orchestre de chambre, n’a pas été terminée : les deux premières, très brèves, sont datées l’une et l’autre du 8 février 1910, la troisième est restée à l’état de fragment.
6 Egon Wellesz, Arnold Schönberg, Leipzig-Wien-Zürich, E. P. Tal & Co. Verlag, 1921 (réédition, avec une postface de Carl Dahlhaus, Wilhelmshaven, Heinrichshofen, 1985), p. 37 sq., et la traduction française du passage parue dans le numéro de juillet 1926 de La Revue Musicale, p. 16. Dans une longue lettre envoyée à Alban Berg le 31 octobre 1911, Schönberg met en cause, pour sa part, la précarité de sa situation financière : « pour gagner de l’argent, écrit-il, je dois faire des travaux indignes de moi, et qui ont pour conséquence qu’en deux ans, comme c’est le cas actuellement, je n’ai pas trouvé le temps de composer. » (Briefwechsel Arnold Schönberg – Alban Berg, Juliane Brand, Christopher Hailey et Andreas Meyer [éds.], Mainz, Schott, 2007, Teilband I : 1906-1917, p. 118 ; c’est le compositeur qui souligne).
7 Id. La rencontre entre Schönberg, Seebach, Schuch et Steuermann eut lieu le 4 novembre 1913 ; voir à ce sujet SW 6-3, p. 255 sq., et p. 275 l’extrait de la lettre à Schuch du 28 novembre, où Schönberg annonce que la partition et la réduction pour piano de La Main heureuse sont terminées, et se dit prêt à se rendre à Dresde avec Steuermann toutes affaires cessantes s’il se confirme que le chef lui fait l’honneur de diriger les deux œuvres. Ce courrier est apparemment resté sans suite. Schuch mourra peu après, le 10 mai 1914, quelques semaines après avoir dirigé la première à Dresde de Parsifal. Un projet similaire de création le même soir d’Erwartung et de La Main heureuse, en vérité, avait été ébauché dès septembre avec l’Opéra de Leipzig, mais son directeur Otto Lohse fit savoir à Schönberg que, si intéressé qu’il fût par La Main heureuse, les moyens dont il disposait ne lui permettaient pas de faire face aux difficultés techniques que présentait la réalisation scénique du drame (ibid., p. 255 et p. 270). Avant même que s’établisse le contact avec Dresde, un nouvel espoir se fit jour du côté de Mannheim, qui fut rapidement déçu – voir la lettre de Schönberg à Zemlinsky datée du 23 novembre 1913, dans : Horst Weber (éd.), Zemlinskys Briefwechsel mit Schönberg, Webern, Berg und Schreker, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1995, p. 108. Si le projet de l’Opéra de Dresde avait pu aboutir, c’eût été pour Schönberg un événement exceptionnel, car Schuch avait fait de son orchestre l’un des meilleurs du monde, défendant avec passion, à sa tête, les œuvres de Wagner, de Mahler et de Strauss (c’est lui qui dirigea les créations de Salomé, d’Elektra et du Chevalier à la rose). La création de La Main heureuse, on le sait, n’aura lieu finalement que dix ans plus tard, le 14 mars 1924, à la Wiener Volksoper (sous la direction de Fritz Stiedry), suivie de celle d’Erwartung à Prague le 6 juin de la même année.
8 Voir à ce propos la lettre de Schönberg à Berg du 24 janvier 1913, Briefwechsel Schönberg – Berg, I, p. 353.
9 Ibid., p. 50. « So schafft man Schmuck » (« Voilà comment on fait les bijoux ») est la phrase que prononce le héros de La Main heureuse à l’adresse des ouvriers de la grotte dans la 3e scène. Bien que l’idée de « création » soit présente dans le verbe schaffen, je choisis de calquer ici la traduction sur l’expression biblique « Dieu fit le ciel et la terre », dont l’équivalent allemand est bien « Gott schuf Himmel und Erde » (« le créateur » se dit « der Schöpfer »). Sur l’emploi de ce verbe ici par Schönberg, voir Wolfgang Sabler, « La main du dramaturge », dans : Joëlle Caullier (éd.), « C’est ainsi que l’on crée… ». À propos de La Main heureuse d’Arnold Schoenberg, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2002, p. 121. Sur le terme « Schmuck » et sa traduction, voir infra la note 25.
10 Schönberg évoque ce cycle de conférences, dont la première avait eu lieu le 20 novembre, dans ses lettres à Busoni et à Kandinsky du 11 novembre 1911 – cf. Jutta Theurich (éd.), « Briefwechsel zwischen Arnold Schönberg und Ferruccio Busoni 1903-1919 (1927) », Beiträge zur Musikwissenschaft, 19/3, 1977, p. 189, et Jelena Hahl-Koch (éd.), Arnold Schönberg, Wassily Kandinsky : Briefe, Bilder und Dokumente einer aussergewöhnlichen Begegnung, Salzburg, Residenz Verlag, 1980, p. 32 (trad. fr. : Schoenberg-Busoni, Schoenberg-Kandinsky, Correspondances, Textes, Genève, Contrechamps, 1995, p. 61 et p. 148). Dans la lettre à Busoni, Schönberg souligne qu’en donnant ces conférences il a pour but, non de « parler métier » ou de s’en tenir à un exposé scolaire, mais de se livrer à un examen approfondi de la question (« keine Fachsimpelei oder Schulzeug, sondern eine ernsthafte Untersuchung »), à l’adresse, non seulement des musiciens, mais de tous les artistes et amateurs d’art. Sur le titre même du cycle et son propos central, une autre lettre, adressée fin décembre à Zemlinsky, est des plus explicite : « Je donne ici un cycle de 8 conférences sur “Esthétique et théorie de la composition”. Je veux montrer que la théorie de la composition est une esthétique déguisée (versteckte Ästhetik) et, en prouvant l’insuffisance ou l’inintérêt de l’esthétique, comme je l’ai annoncé : “jeter le bébé avec l’eau du bain.” » (lettre du 29 décembre 1911, dans : Zemlinskys Briefwechsel mit Schönberg, Webern, Berg und Schreker, p. 70).
11 Briefwechsel Schönberg – Berg, I, p. 142 (lettre du 4 décembre 1911).
12 Ibid., p. 160 (lettre du 21 décembre 1911). Schönberg avait formé le projet de cette « soirée de lieder » – à laquelle devait participer la soprano colorature Martha Winternitz –, après que l’exécution de son Premier Quatuor par le Quatuor Rosé, initialement prévue le 12 décembre, et sur laquelle il comptait pour se faire connaître à Berlin, eut été reportée au 5 mars 1912 – voir la lettre à Emil Hertzka (le directeur des Éditions Universal) en date du 16 décembre 1911, dont le fac-similé et la transcription sont en ligne sur le site de l’Arnold Schönberg Center (à partir d’ici ASC) : http://www.schoenberg.at/ (Briefe, ID-Nummer 225). Dans sa lettre à Zemlinsky du 29 décembre, Schönberg fera part des déceptions que lui réserve son séjour dans la capitale allemande – notamment l’abandon par Max Reinhardt du projet de monter conjointement Erwartung et La Main heureuse (déjà !) dans son théâtre, sous la direction du compositeur (Zemlinskys Briefwechsel mit Schönberg, Webern, Berg und Schreker, p. 69 sq.).
13 Arnold Schönberg, Berliner Tagebuch (Josef Rufer, éd.), Frankfurt am Main, Propyläen Verlag, 1974, p. 33 sq.
14 Ibid., p. 34.
15 Id. (« Die Klänge werden hier ein geradezu tierisch unmittelbarer Ausdruck sinnlicher und seelischer Bewegungen. Fast als ob alles direkt übertragen wäre. »). Cette formulation fait penser, paradoxalement, à l’image du sismogramme par laquelle Adorno se plait à caractériser l’expressionnisme – voir par exemple Philosophie der neuen Musik, p. 47 [trad. fr., p. 53], ou encore Th. W. Adorno, Mahler. Eine musikalische Physiognomik, dans : Gesammelte Schriften, vol. 13, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1971, p. 173 (trad. fr. : Mahler. Une physionomie musicale, Paris, Éditions de Minuit, 1976, p. 43). Rappelons que si cette image apparaît justement dans le Traité d’harmonie de Schönberg, c’est dans un contexte très différent : elle y est en effet appliquée à l’« oreille des impressionnistes », comparée par Schönberg à un sismographe ultra-sensible (Harmonielehre, Wien, Universal Edition, 7/1966, p. 481).
16 Schönberg – Kandinsky : Briefe, Bilder und Dokumente, p. 67 ; trad. fr. (voir ci-dessus la note 10), p. 169.
17 SW 6-3, p. 267.
18 Ibid., p. 268.
19 Schönberg –Kandinsky : Briefe, Bilder und Dokumente, p. 69 ; trad. fr., p. 170 sq.
20 Voir la lettre à Berg du 3 octobre 1912, où Schönberg fait lui-même la liste de toutes les tâches qui l’attendent : « Les répétitions de Pierrot lunaire me prennent beaucoup de temps. Par ailleurs je relis les épreuves de la partition de la Symphonie de chambre, et il faut que je revoie le texte de ma conférence sur Mahler, que je donne le 13 à Berlin […]. Entre temps j’ai orchestré pour Mme Culp quatre lieder de Schubert, pour partie très longs. […] J’en ai bientôt fini maintenant avec les répétitions de Pierrot lunaire (20 jusqu’ici !). Les dernières sont les 5, 7 et 8, et le 9 la générale publique […]. Ensuite il y aura au maximum encore 1 ou 2 répétitions pour la deuxième formation. Puis le 16 l’exécution, qui, j’espère, sera excellente. Vient ensuite la tournée. Je dirigerai moi-même à Hambourg le 19 octobre, à Dresde le 24, à Stettin le 25, à Breslau le 31, à Vienne le 2 novembre et à Leipzig le 23. […] À part cela je vais aussi beaucoup voyager. Les 28 et 30 novembre je dirige Pelléas à Amsterdam et à La Haye, le 21 décembre à Saint-Petersbourg. » Et plus loin : « Impossible de travailler – c’est‑à‑dire de composer – en ce moment. Je doute d’en trouver le temps durant l’hiver. » (Briefwechsel Schönberg – Berg, I, p. 287 sq.). Les lieder de Schubert orchestrés pour la mezzo Julia Culp (dont la partition est perdue) étaient Ständchen, Die Post et les Suleika-Lieder I et II.
21 SW 6-3, p. 268.
22 Ibid., p. 270. Sur le projet de création à Leipzig, voir supra la note 7.
23 Ibid., p. 275. La date de cette lettre coïncide bien, à un jour près, avec celle qui est notée à la fin du manuscrit.
24 « Beantwortung wissenschaftlicher Fragen » (1931), dans : Arnold Schönberg, »Stile herrschen, Gedanken siegen«. Ausgewählte Schriften (Anna Maria Morazzoni, éd.), Mainz, Schott, 2007, p. 420 sq. (texte paru initialement sous le titre « Selbstanalyse » dans l’ouvrage de Willi Reich Arnold Schönberg oder Der konservative Revolutionär, München, dtv-Verlag, 1974, p. 248 sq.).