Programmation culturelle originale
p. 459-461
Texte intégral
1L’Arci1 d’Avellino a entrepris, en 1975, une programmation originale et culturelle qui, tous les ans, jusqu’en 1978, a entretenu un lien profond, y compris de promotion, avec les problèmes musicaux socialement enracinés en Irpinia. Non seulement à Avellino, mais aussi à Baiano, à San Angelo dei Lombardi, à Frigento et à Montore. Une série programmée de rencontres musicales est réalisée chaque année, rencontres au cours desquelles on aborde culturellement, amplement et en nombre, la condition d’Irpinia, « zone sous-développée ». D’une part, le phénomène très favorisé par les gouvernements nationaux dès 1945 : abandon des zones de montagnes et des zones agricoles, forte migration nationale et internationale, et détérioration sociale, civile et humaine qui résulte de la pratique continue, par les forces du pouvoir politique local et national, d’un clientélisme, de la corruption et de l’« assistance d’État », qui touche particulièrement la spéculation immobilière et les petites industries, voire les multinationales. De l’autre, un total désintérêt à l’égard de toute présence de culture populaire, très articulée en Irpinia, avec des traitements néo-colonialistes dont témoignent les choix et les circuits culturels imposés par le marché : cinémas de mauvaise qualité, concerts répétant des formules vraiment provinciales d’une minorité recluse et des formules sourdes à la qualité et à la nécessité de la demande plus large, presque de masse, d’un vrai sujet actif, conscient, et, malgré toute l’histoire de cette profonde civilisation, d’un vrai potentiel social et culturel qui, entre autres choses, impose le dépassement des limites, des analyses et des interventions purement économiques.
2Les jeunes de l’Arci d’Avellino avaient précisément commencé en 1975 à organiser des rencontres, des concerts, des débats et des discussions d’information sur des problématiques musicales, en partant de leur réalité et des exigences locales.
3La question du folklore local, les méthodes de recherche et d’étude, la technologie actuelle qui s’y rapporte, l’enseignement de la musique, des écoles au Conservatoire d’Avellino, l’information critique sur les développements musicaux, musique électronique comprise, les rapports entre des matériaux musicaux nés du folklore, du développement historique et de la technologie, les problèmes de la perception, de l’organisation musicale et de la condition sociale en transformation, la marginalisation sociale et culturelle, les nouveaux besoins et les nouvelles agrégations. Toutes ces questions sont aujourd’hui débattues et affrontées de différentes manières. Le mérite de l’Arci est de les avoir développées dans un rapport social, civil et local très étroit. D’où la naissance d’initiatives locales d’étude, de recherche et d’agrégation comme Presenza musica Irpinia, qui a commencé, avec des difficultés financières, à prendre en compte, à récupérer et à faire vivre la culture locale, des montagnes et des paysans, avec de nouvelles conséquences musicales. De 1975 à aujourd’hui, toute cette initiative s’est développée comme thématique, comme présence : de Giovanna Marini à Luciano Berio, de Carpitella, éminent spécialiste du folklore, à Fausto Razzi, pratique de l’électronique et de l’automatisation, de Bennizi à Maurizio Pollini. Toute cette initiative s’est développée avec intérêt : de jeunes étudiants, pas seulement en musique, des enseignants et un public d’une autre classe sociale, des paysans, la communauté même des montagnes. Jusqu’à cette année, une vraie présence enthousiaste pour le concert gratuit de Pollini au cinéma central, particulièrement bondé.
4Ces rencontres musicales ont eu un écho de plus en plus important dans la presse nationale, parce qu’elles représentent aussi une façon originale, sinon un modèle, d’aborder sérieusement les problèmes musicaux et sociaux du Mezzogiorno. D’autres initiatives prolifèrent dans les autres centres du Sud. Mais Avellino qui, avec les jeunes de l’Arci, démontre nationalement une capacité et une intelligence nouvelles, est vraiment la « zone sinistrée ». Alors que Musica/Incontro multipliait méthodes, instruments cognitifs et propositions, et réunissait un public nouveau, intéressé, et prenant part à cette initiative, les administrations locales, jusqu’à la région, diminuaient ou mettaient fin à leur juste soutien économique et à leur aide à l’organisation. Il faut dire que même les organisations politiques locales qui se réclament de la classe ouvrière et de la transformation sociale, culturelle et humaine, n’ont pas pris en considération, même pas sur le plan de l’aide à l’organisation, les grandes difficultés de cette intervention culturelle, ni l’importance novatrice significative de celle-ci, surtout dans le Sud. La Région, la Province et la Commune peuvent-elles continuer vicieusement à distribuer leurs subventions, en ne tenant pas compte des nouvelles nécessités qui se manifestent et qui doivent être encore plus soutenues dans le Mezzogiorno ? Peuvent-elles inciter moins à des agitations qu’à de nouvelles programmations qui reflètent les intérêts et les besoins non de groupes ou, pire encore, de partis, mais de la collectivité moderne ? Ainsi, peuvent-elles encore nier la fonction déclarée de service social qui caractérise, pour la loi, l’activité musicale de ces rencontres d’Avellino, si on les considère sérieusement dans leur extension à de vastes urgences culturelles locales ? Et les autres institutions culturelles peuvent-elles encore rester sourdes à leurs intérêts, sans reconnaître la grande force de l’histoire, du développement et de la transformation ? Et les organisations locales et politiques de la gauche peuvent-elles limiter leur présence, et leur promotion aussi, à des faits importants, mais uniquement de nature économique ?
5Cette question exemplaire est résolue, positivement, et articulée, mais dans l’unité, par l’engagement pour le Sud plus d’une fois déclaré à l’échelle nationale, dans la grande lutte politique, sociale, économique, culturelle et morale que toute la gauche met en avant.
6Date : 1978.
7Source : « Programmazione culturale originale », in La voce della campania, 31 décembre 1978, p. 55.
Notes de bas de page
1 [Suite aux mouvements des étudiants et des ouvriers de la fin des années 1960, l’Arci (Associazione ricreativa culturale italiana) et les Maisons du peuple (Case del popolo) s’engagent, au cours des années soixante-dix, dans des campagnes politiques, notamment contre le coup d’État chilien ou en faveur de la loi sur le divorce, et constituent un point de référence pour de nombreux mouvements de lutte, essentiellement dans la démocratisation de la culture, tissant peu à peu une programmation sur tout le territoire et tentant d’impliquer dans la socialisation de la culture les institutions locales, profondément renouvelées après les élections de 1976.]
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Essais avant une sonate
et autres textes
Charles E. Ives Carlo Russi, Vincent Barras, Viviana Aliberti et al. (trad.)
2016
L'Atelier du compositeur
Écrits autobiographiques, commentaires sur ses œuvres
György Ligeti Catherine Fourcassié, Philippe Albèra et Pierre Michel (éd.)
2013
Fixer la liberté ?
Écrits sur la musique
Wolfgang Rihm Pierre Michel (éd.) Martin Kaltenecker (trad.)
2013