1 Heinz-Klaus Metzger, «Ecksteine neuer Musik», Magnum, 30, juin 1960, p. 41.
2 Karlheinz Stockhausen, «Vieldeutige Form», Texte, vol. 2, Köln, DuMont, 1964, p. 248. Une lettre adressée par Boulez à Stockhausen le 13 mars 1952 corrobore ces propos, à ceci près que la réunion parisienne doit être datée, d’après elle, de mars et non de janvier. Voici ce qu’écrit Boulez :
« Mon cher ami –
Voulez-vous venir passer la soirée chez moi Samedi prochain 22 Mars vers 21 heures.
Il y aura tous les jeunes musiciens les plus intéressants d’ici, – dont vous avez peut-être entendu parler – Jean Barraqué, Michel Fano et un Canadien Sylvio Lacharité.
[…]
En attendant de vous voir, je vous prie de croire a ma bien sincère amitié.
PB » (Bâle, Fondation Paul Sacher, Collection Pierre Boulez).
3 Richard Toop, « Messiaen/Goeyvaerts, Fano/Stockhausen, Boulez », Perspectives of New Music, 13, 1974, p. 142 et p. 164 sqq.
4 On trouvera sur le site web de Michel Fano (http://www.michelfano.fr) un fac-similé de la partition manuscrite de la Sonate, ainsi qu’un enregistrement de l’œuvre, qui, selon l’information que nous a fournie le compositeur (courriel du 25 mars 2015), « a dû être fait par l’ORTF au moment de la création au Domaine Musical, par Yvette Grimaud et un élève hollandais de la classe de Messiaen. Sans doute Karel Trow. »
5 Entretien avec le compositeur, 21 juin 2006 (les propos du compositeur rapportés dans la suite du texte et non pourvus d’un renvoi bibliographique proviennent de cet entretien). Il ressort du relevé effectué par Jean Boivin que Fano fut élève de la classe de Messiaen de 1949 à 1951, mais continua de suivre les cours en tant qu’auditeur en 1951-52 ; cf. La Classe de Messiaen, Paris, Christian Bourgois, 1995, p. 138-142. En ce qui concerne la composition de la Sonate, Boivin écrit prudemment : « Le Mode de valeurs et d’intensités est donc daté de 1949. Entre 1950 et 1952, deux ex-élèves de Messiaen, Karel Goeyvaerts et Michel Fano, composent chacun une Sonate pour deux pianos, où ils tendent à transposer l’organisation sérielle des hauteurs à tous les autres aspects du son. » (ibid., p. 110)
6 Voir Gianmario Borio et Hermann Danuser (éds.), Im Zenit der Moderne, Freiburg im Breisgau, Rombach Verlag, 1997, vol. 3, p. 568 (il n’existe aucune trace non plus de l’exécution à Darmstadt en 1952, signalée par Tual, de l’autre composition sérielle de Fano, l’Étude pour 15 instruments). Il semble, cela étant, que Fano ait, pour la création, remanié la version primitive de sa Sonate. On lit en effet dans une lettre adressée par Boulez à Stockhausen vers la fin du mois de janvier 1954, au sujet d’un projet pour les Concerts du Petit Marigny (il s’agit précisément du concert du 24 mars) : « Fano est en train de travailler sur sa sonate » ; et le 22 avril 1954, Boulez demande à Stockhausen : « Comment trouvez-vous la Sonate de Fano, nouvelle version ? » (Bâle, Fondation Paul Sacher, Collection Pierre Boulez).
7 Voir le manuscrit au crayon déposé à la Fondation Sacher (Collection Pierre Boulez). Interrogé sur l’influence qu’aurait pu exercer sur lui, au moment de la composition de sa Sonate, le travail de Boulez, Fano dit n’avoir pas eu connaissance alors des Structures, et avoir été surtout en contact, au début des années cinquante, avec Jean Barraqué.
8 Voir Robert Craft, Stravinsky. Chronicle of a Friendship, 2e édition révisée, Nashville, Vanderbilt University Press, 1994, p. 77 ; le programme est reproduit dans Mark Carroll, Music and Ideology in Cold War Europe, Cambridge, Cambride University Press, 2003, p. 183 (informations aimablement communiquées par Robert Piencikowski).
9 Voir le programme du concert à la Fondation Paul Sacher (Collection Pierre Boulez). Des exécutions partielles eurent lieu à Cologne le 13 novembre 1953 et à Hambourg le 16 novembre 1954.
10 Voir à ce sujet Robert Piencikowski, « Inscriptions : Ligeti – Xenakis – Boulez », dans : Pierre Boulez : techniques d’écriture et enjeux esthétiques, Jean-Louis Leleu et Pascal Decroupet (éds.), Genève, Contrechamps, 2006, p. 102 sq. Sur le premier livre de Structures, voir les propos de Boulez lui-même dans Par volonté et par hasard. Entretiens avec Célestin Deliège, Paris, Seuil, 1975, p. 69-73, ainsi que Leçons de musique. Deux décennies d’enseignement au Collège de France (1976-1995), textes réunis et établis par Jean-Jacques Nattiez, Paris, Christian Bourgois, 2005, p. 300-306.
11 Dans l’entretien déjà cité, Fano confirme que le mp doit être compris comme degré intermédiaire entre pp et p dans l’échelle des intensités.
12 Voir Boulez, Leçons de musique, p. 305 : « Pour donner à chaque série son profil définitif, et toujours en suivant le modèle de Messiaen, il restait à utiliser la dynamique et le profil (ou mode d’attaque). On se souvient que chez Messiaen, dans son Mode de valeurs et d’intensités, chaque note était affectée individuellement, et pour toute la pièce, d’une dynamique et d’un profil. Si, dans cette superposition, j’avais conservé cette proposition de Messiaen – qui, chez lui, était valable étant donné la fixité de l’emploi –, il aurait été impossible de reconnaître une série d’une autre, une section d’une autre, étant donné que la statistique la plus totale aurait régné en ce domaine. Au lieu d’affecter la dynamique et le profil note par note, je l’affectai donc à la série entière. Dans une section donnée, chaque série serait donc reconnaissable par ce profil et cette dynamique unique qui la distingueraient aussi des autres de cette façon supplémentaire ; chaque section serait reconnaissable grâce à l’unicité des données ou de la superposition de données : chaque changement global signalerait l’apparition d’une nouvelle section. »
13 Voir Pierre Boulez, « Éventuellement… » [1952], dans : Relevés d’apprenti, textes réunis et présentés par Paule Thévenin, Paris, Seuil, 1966, p. 152 sqq. / Points de repère I : Imaginer, textes réunis par Jean-Jacques Nattiez et Sophie Galaise, Paris, Christian Bourgois, 1995, p. 228 sqq., ainsi que Pierre Boulez / John Cage, Correspondance et documents, édités par Jean-Jacques Nattiez, nouvelle édition revue par Robert Piencikowski, Mainz, Schott, 2002, p. 179.
14 Toop, « Messiaen/Goeyvaerts, Fano/Stockhausen, Boulez », p. 164.
15 C’est lors des cours de Messiaen que Fano dit avoir découvert la Suite lyrique. L’œuvre exerça sur lui une telle fascination qu’il fit porter sur l’« Allegro misterioso » – où l’on trouve, selon ses propres termes, « le traitement sériel le plus visionnaire » – son mémoire de fin d’études. Voir également le développement qu’il consacre à ce même mouvement dans « Pouvoirs transmis », Cahiers de la Compagnie Renaud-Barrault, 2/3 (1954), p. 49-50.
16 Ce dessin de quartes et de quintes apparaît quatre fois, joué pizzicato et dans un rythme relativement neutre, dans les parties de violoncelle et de second violon (mes. 7-9, 34-36, 46-47 et 61-63) ; à la fin du mouvement, c’est sous cette forme que le thème principal est repris (arco) – lancé par le violoncelle que relaie le premier violon (mes. 64-66). Dès la première mesure du mouvement, la série est présentée sous la forme d’accords de quintes. Sur les propriétés de la série utilisée par Berg dans le premier mouvement de la Suite lyrique, voir George Perle, Style and Idea in the Lyric Suite of Alban Berg, Stuyvesant, NY, Pendragon Press, 1995, p. 6-10.
17 C’est évidemment Webern qui, en ce qui concerne le rôle dévolu à la registration, a montré la voie. Fano le souligne lui-même en 1954 dans « Situation de la musique contemporaine » : « De plus une conscience neuve se dessine, celle de l’importance accordée aux registres ; peut-être la plus inhabituelle à l’auditeur, sans doute la plus ressentie par Webern et qui lui permit de considérer une fonction spatiale de l’organisation sonore. » (« Situation de la musique contemporaine », Domaine musical, 1 [1954], p. 56). Voir déjà Pierre Boulez, « Moment de Jean-Sébastien Bach » [1951], Relevés d’apprenti, p. 24 / Points de repère I : Imaginer, p. 78, où il est question de la « registration fixe » dans le premier mouvement de la Symphonie op. 21, le deuxième mouvement des Variations pour piano et le premier mouvement du Quatuor op. 28.
18 Faute de saisir cette relation qui s’établit entre l’ordre de présentation des douze formes sérielles et celui des notes mêmes de la série, Toop choisit comme forme de départ celle qui commence par sol♭ (qu’il écrit fa♯ – « Messiaen/Goeyvaerts, Fano/Stockhausen, Boulez », p. 164) ; dans le mémoire de Maîtrise qu’il a consacré à Fano, Régis Authier retient quant à lui, du fait qu’elle apparaît isolément aux mes. 16-22, la forme partant de la♭ (L’œuvre de Michel Fano [Université des Sciences Humaines de Strasbourg, 1989], p. 9-10).– Notons que Boulez adopte l’usage d’une transposition de la série sur ses propres termes, non seulement dans les Structures, mais dès les Polyphonies (voir les esquisses déposées à la Fondation Sacher). Selon Fano (entretien déjà cité), cette pratique remonte à Messiaen lui-même, qui disposait ainsi les tableaux de formes sérielles lorsqu’il analysait dans ses cours une composition dodécaphonique.
19 On notera que l’échange des deux notes extrêmes (do♮ et si♮) n’a ici aucune incidence sur la symétrie de l’agencement.
20 Cet agencement contrapuntique, tel qu’il a manifestement été conçu dans la Sonate, implique une certaine hiérarchie des dimensions, dans laquelle se reflète l’évolution même du matériau au sein de la tradition occidentale. Fano, il est intéressant de le noter, se souvient avoir également imaginé à un certain moment une série d’attaques, qu’il a finalement renoncé à intégrer au dispositif.
21 Sur l’usage des chevrons et des accolades pour noter les collections de hauteurs ou de classes de hauteurs, voir supra, p. 25.
22 Outre la différence de densité, deux éléments indépendants de l’organisation sérielle concourent à individualiser, à l’inverse, les deux sections : le caractère (« rigoureusement exact, comme automatique » / « agité ») et le timbre (avec / sans sourdine).
23 La substitution, à la mes. 11, d’un mi♭2 au sol♭1 attendu (dont la durée et l’intensité sont par ailleurs conservées) modifie, s’agissant des registres, l’ordonnance théorique, sans toutefois altérer sensiblement le profil du passage.
24 Lorsqu’une même hauteur apparaît au même moment dans deux couches différentes, les deux notes sont confondues (voir à ce propos Toop, « Messiaen/Goeyvaerts, Fano/Stockhausen, Boulez », p. 166) : c’est alors l’intensité de la première note attaquée qui est retenue, la durée de la seconde note étant, quant à elle, « avalée » par celle de la première, ou bien conduite au-delà jusqu’à son propre terme (cette fusion est signalée, dans l’exemple 8, par des crochets carrés pour les durées, et par des astérisques pour les intensités). Tout comme la modification de hauteur signalée dans la note précédente, ces retouches n’ont aucune incidence réelle sur l’opposition qui caractérise la section.
25 Pour éviter une fausse relation d’octave, le mi♮ de la forme H, joué par le piano I à la mes. 27, s’aligne, quant au registre, sur celui de la forme J qu’attaque une double croche plus tôt le piano II (mi♮2 au lieu du mi♮1 que prévoit le schéma) ; voir l’exemple 11 et l’exemple 13a (où le mi♮ 1 a été pourvu d’un astérisque).
26 Le mi♭4 joué en même temps que le sol♮5 à la mes. 38 – et absent de la constellation d’intervalles des mes. 5-7 – étend à cinq notes le segment de tons entiers entendu à la fin de V.
27 Sur la désignation des cycles d’intervalles et des collections de classes de hauteurs qui leur correspondent, voir supra, p. 25. Dans le cas de C1 et de C5, qui désignent respectivement le cycle des demi-tons et le cycle des quintes, le chiffre placé en indice indique ici, non une transposition donnée, mais la note de départ du segment dans le cycle, tandis que le chiffre arabe initial indique le nombre de notes de la sélection rencontrée.
28 C’est bien sûr à l’intérieur de ce tétracorde que le si♭ substitué par Fano au sol♭ dans la section V prend toute sa valeur. On notera qu’un relief particulier est également donné au si♭ de la mes. 6, du fait que le compositeur prescrit de le jouer mf au lieu de mp.
29 Nous empruntons à Boulez ce terme de « description » ; voir, à ce propos, « “Penser sensiblement” la musique : production et description du matériau harmonique dans le troisième mouvement du Marteau sans maître », supra, p. 438 et p. 459, ainsi que p. 645, note 9.
30 Le glissement chromatique de C32 à C31 – avec l’intervalle ‹si♮6 si♭5› comme pivot (mes. 226 sq.) – s’effectue très distinctement avec l’apparition du triton ‹sol♮ do♯5›, que Fano choisit de faire sonner une septième majeure au-dessus du ‹la♭3 ré♮4› entendu précédemment, en projetant vers l’aigu le sol♮2 de la registration de référence.
31 Fano demande en effet que le sol♮2 soit réarticulé dans la partie du piano I.
32 Le la♭3 des mes. 232 sq. remplit, dans cette constellation diatonique, la fonction de note de passage entre le sol♮2 et le la♮4.
33 Le glissement chromatique de C31 à C30 s’effectue, cette fois, par le biais de l’intervalle ‹si♭5 la♮4›, qui, à distance, s’inscrit dans la stricte continuité du ‹si♮6 si♭5› de la mes. 226. Le mouvement mélodique ‹la♮4 si♭5› par lequel est atteint symétriquement, dans le piano I, le premier temps de la mes. 234 détermine, quant à lui, une modulation de C21 – ‹sol♮2 la♮4 do♯5› – en C20 : ‹do♮1 si♭5 sol♭6›.
34 Il convient de signaler que le manuscrit de Fano comporte, à la fin du mouvement, plusieurs erreurs de notation manifestes, qui trahissent une certaine précipitation dans sa rédaction (la♭3 de la mes. 226 [piano I] écrit ♪ au lieu de, do♯5 de la mes. 231 [piano II] écrit ♪. au lieu de ., sol♭6 de la mes. 234 [piano II] écrit les deux fois au lieu de ). Ainsi s’explique aussi, vraisemblablement, que certaines notes du début du passage ne soient pas pourvues d’une dynamique précise, ce qui a entraîné divers flottements dans notre transcription : il est difficile de dire, notamment, si le do♮6 de la mes. 225 (piano I, main droite) doit être joué p (comme le sol♭1 auquel il est relié par un trait, et comme le mi♭3 joué à la main gauche en même temps que lui) ou mf – nuance prévue par le schéma –, comme le la♮4 noté sur la même portée au début de la mesure ; ou encore si le mi♭3 de la mes. 229 (piano I, main gauche) doit être joué pp comme le si♭5 auquel il est rattaché par un trait, ou mf comme le fa♮1 noté sur la même portée au début de la mesure.
* Texte paru dans : dans : Mark Delaere (éd.), Rewriting Recent Music History. Contributions to the Development of Early Serialism 1947-1957 (Analysis in Context. Leuven Proceedings in Musicology, 3), Leuven, Peeters, 2011, p. 101-137.