Introduction
p. 11-47
Texte intégral
1L’intégralité des lettres qu’André Jolivet1 a reçues d’Edgard Varèse2 est publiée ici pour la première fois, même si certains extraits ont pu être cités ici ou là3.
2Toutefois, quelques lettres de Jolivet à Varèse ont pu être ajoutées à cet ensemble. Ce sont celles qui se trouvent parmi les documents laissés par Louise Varèse4. Pourtant, selon les indications consignées dans ses agendas personnels et les dates de réponse inscrites sur les lettres de Varèse, Jolivet a bien plus souvent écrit à Varèse qu’il ne le paraît ici. Cette publication se réfère aussi à des notes manuscrites, des textes, des programmes de concerts, des extraits de presse, bref, à toutes les sources susceptibles d’expliciter certains aspects de cette correspondance.
3Le réel échange entre les deux compositeurs n’ayant pu être rétabli, cette lecture permet essentiellement la rencontre avec l’homme Varèse. Dans ses lettres, il aborde des problèmes de tous ordres. Il n’en est jamais à une contradiction, à une ambiguïté ou à un paradoxe près. Il livre ses points de vue, ses commentaires, presque sans aucune retenue... Le jugement est émis ; le couperet tombe. La tête de turc du moment n’est pas épargnée, mais il arrive à cet homme des contraires de la réhabiliter. Varèse apparaît dans toute sa complexité, avec toute sa hargne5, mais il n’est pourtant jamais avare ni de marques de sympathie ni de manifestations d’amitié.
4Seules ses convictions musicales, comme sa foi dans les notions de « libération du son » et de « son organisé » ou « d’une musique nouvelle faite avec des instruments nouveaux »6 restent inébranlables. Exprimant aussi ses souffrances autant physiques que morales, faisant part de ses réactions les plus spontanées comme les plus mûries, il laisse peu à peu s’élaborer l’image d’une personnalité multiple.
5La première lettre publiée, signée Varèse, est datée de 1931 ; la dernière, signée Jolivet, l’est de 1965. A l’intérieur de cette période, la majeure partie des lettres de Varèse se situe entre 1933 et 1937. Courant 1938 et 1939, les agendas de Jolivet contiennent quelques mentions « Éc[rit] Varèse » (pendant cette période Varèse vit dans l’Ouest américain et n’écrit pas à Jolivet), puis rien jusqu’à fin 1944 quand Varèse répond à une lettre de Jolivet écrite le 26 septembre7, peu de temps après la Libération de Paris. Les contacts sont rétablis, les échanges épistolaires reprennent et les deux hommes se reverront jusqu’en 1965.
6Quand débute cette correspondance, Varèse habite à nouveau à Paris depuis octobre 1928. Il a quitté l’Europe en 1915 pour les États-Unis8 et est revenu y séjourner à plusieurs reprises. (En 1922 il est à Berlin, pour revoir son maître Ferruccio Busoni qu’il savait malade ; de mai à septembre 1924, il est à Paris – pour la première fois depuis 1915 – avec deux escapades à Londres pour y entendre son œuvre Hyperprism9 lors d’un concert à la B.B.C. ; d’août à décembre 1925, il est à nouveau à Paris, pour livrer ses problèmes de santé au Docteur Flandrin, qui a toute sa confiance car il l’aide à sortir de ses crises de « mal-être » ; enfin, l’été 1927, il fait un séjour de repos sur la côte d’Azur avec sa femme Louise10, à Antibes précisément). Fin 1928, il revient à Paris pour un plus long séjour. La première rencontre avec Jolivet a lieu quelques mois après son arrivée, en mai 1929.
7Depuis 1927, Jolivet prend des cours particuliers d’écriture musicale avec Paul Le Flem11. Il lui a été recommandé quelques années avant, par son ami Georges Valmier12, peintre et chanteur – qui connaissait Le Flem à ce titre.
8Après une tentative d’entrée dans la marine, Le Flem mène parallèlement des études de philosophie en Sorbonne et de musique au Conservatoire de Paris avec Charles-Marie Widor et Albert Lavignac. À la suite d’un séjour de dix-huit mois en Russie comme précepteur dans la famille des célèbres parfumeurs Brocard, il reprend, en 1903, des études musicales à la Schola cantorum. Il y fait la connaissance de Varèse et, ensemble, ils suivent les cours de Vincent d’Indy, Charles Bordes et Albert Roussel.
9Outre une profonde amitié, Le Flem et Varèse garderont de leur formation à la Schola le même goût des grands maîtres du Moyen Âge et des polyphonistes de la Renaissance, qu’ils feront jouer et chanter13. Le Flem dirige longtemps les « Chanteurs de St Gervais »14 créés par Charles Bordes. En 1924-1925, il est aussi chef de chœur à l’Opéra-comique. Varèse crée d’abord à Paris, pendant sa deuxième année d’études au Conservatoire, la « Chorale populaire du Faubourg Saint-Antoine »15, puis à Berlin le « Symphonischer Chor » (de 1909 à 1911)16 et plus tard le « Greater New York Chorus »17. Le rapprochement des programmes des concerts élaborés par les deux amis montre de grandes similarités18.
10Le Flem, toute sa vie, a eu plusieurs activités. Dès 1921, il devient critique musical19. À partir de 1923, il enseigne le contrepoint à la Schola. Il participe, en 1935, à la fondation de La Spirale20, puis préside La Société nationale de musique21. Le Flem compositeur ? Jolivet l’a évoqué lorsque Le Flem reçut en 1951 le Grand Prix musical de la Ville de Paris22 : « Avoir décerné ce prix [...], c’est avoir rendu justice à l’un de nos plus authentiques musiciens vivants ». Et, citant Arthur Honegger : « Paul Le Flem était, à la veille de 1914, un des premiers “musiciens de demain” et, volontairement, il s’effaça devant les “nouveaux musiciens du jour” ». Notant que c’est grâce à la jeunesse qu’il n’a jamais perdue que Le Flem a pu reprendre « le fil trop longtemps interrompu de sa production » et, se référant à la pensée d’Alfred de Vigny : « Une belle vie, c’est un rêve de jeunesse réalisé dans l’âge mûr », Jolivet pressentait que Le Flem composerait encore. Sa Quatrième et dernière Symphonie date de 1971, il est alors âgé de quatre-vingt-dix ans.
11Le Flem, sachant que Varèse est à Paris, propose à Jolivet de le lui faire connaître, pensant que les recherches et les moyens d’expression musicale de Varèse correspondraient tout à fait aux tendances et aux curiosités manifestées par son élève. L’occasion se présente : Varèse est joué en concert. Gaston Poulet dirige Amériques à la Salle Gaveau. Le Flem adresse son élève à Varèse, le priant de lui procurer des places pour ce concert du 30 mai 1929. C’est la première rencontre des deux hommes, que Jolivet s’est souvent plu à relater23 : « Et je tombe me de Bourgogne24, sur Varèse et Stokowsky. Il ne fallut pas moins, pour me délivrer de l’appréhension qui m’étreignait, que l’étrange chaleur de ce regard bleu d’acier qui m’enveloppa, dès l’abord, d’une si fraternelle et d’une si lumineuse cordialité. Et avant même que Varèse n’eût ouvert la bouche pour me dire : “Le Flem a bien fait de vous envoyer. C’est l’audience des jeunes qui m’intéresse et je leur suis tout dévoué”, je savais que j’avais trouvé mon maître et mon plus grand ami ».
12Une relation suivie s’installe très vite entre eux, faite de rencontres, de séances de travail, de dîners25, de rendez-vous manqués, de concerts et de répétitions de concert... Ainsi, Jolivet a noté avoir assisté, en compagnie de Heitor Villa-Lobos26, au concert du 14 mars 1930 où Varèse dirigea deux de ses œuvres : Offrandes et Octandre ; aux concerts du 11 juin 1931 et du 26 février 1932, tous deux sous la direction de Nicolas Slonimsky, où il entendit successivement Intégrales et Arcana27.
13Dans un entretien radiophonique accordé au lendemain de la disparition de Varèse28, il déclarera :
« Varèse, c’est toute ma jeunesse, et même le développement de toute ma carrière [...] J’ai eu la chance de voir naître une œuvre aussi capitale dans l’évolution de la musique que Ionisation. »29.
14Quels ont donc été alors les apports du maître à ce nouvel élève ?
15Il ne semble pas qu’il se soit agi de formation traditionnelle. Varèse ne donne pas de cours à proprement parler à Jolivet30. Ce dernier, interrogé sur ce que lui avait apporté la fréquentation de Varèse de 1929 à 1933, a répondu :
« [...] tous les aspects de la musique moderne [...] les principes de Schoenberg que j’ai toujours utilisés selon les exigences de mon expression personnelle. [...] Les points essentiels que j’ai retenus sont l’acoustique, le rythme et l’orchestration. [...] L’acoustique, c’est-à-dire les dispositions donnant les meilleurs résultats sonores ; la musique devant être avant tout un phénomène sonore. [...] La discipline atonale à laquelle Varèse m’a astreint était beaucoup plus sévère que celle des dodécaphonistes [...] Ce sont ces contraintes atonales et cette volonté de mise en ordre qui m’ont probablement amené à rechercher une technique à la fois non varésienne et non sérielle. [...] Le rythme, cet alphabet du langage universel qu’est la musique, est fondé au départ sur l’utilisation de la percussion et le principe que tout bruit est un son en formation... ».31
16Au sujet de l’orchestration, il précise :
« Varèse, comme beaucoup de compositeurs de sa génération, estime à juste titre que l’orchestration, c’est la composition musicale proprement dite [...] Depuis Debussy, on peut considérer qu’écrire pour l’orchestre n’est pas la simple répartition, entre les instruments, d’un monstre plus ou moins jouable au piano, mais que l’architecture sonore d’une œuvre est sa raison profonde d’exister... »32
17Au-delà de ces principes, Jolivet lui doit aussi son initiation à la percussion et sa découverte d’instruments qu’il employa dans certaines de ses œuvres comme le tambour à corde33 et la cloche de vache de même que les ondes Martenot. Mais, plus important, Varèse lui fit surtout part de certaines de ses découvertes, car il lui faisait confiance. Dans un travail consacré aux « Sources du langage musical de Jolivet », Bridget Conrad écrit que Varèse a partagé ses idées « musicales et ses procédés avec une personne au début des années trente, et c’était Jolivet »34.
18Cette même confiance a conduit Varèse à présenter Jolivet à ses amis de Paris et à le recommander à ceux avec qui il collaborait aux États-Unis depuis 1915. Ainsi, en mars 1931, il lui a conseillé d’envoyer à Georges Barrère35 la partition d’un Trio pour flûte, harpe et violoncelle auquel Jolivet travaillait. Varèse avait eu l’idée de le faire jouer par le trio que le flûtiste formait avec Carlos Salzedo36 et Horace Βritt37. Comme cela ressort de la correspondance, l’œuvre ne sera en fait jamais jouée, alors qu’il en est bien souvent question38. À son sujet, Varèse, de retour à New York, a prodigué de fréquents conseils : « - Pas trop de notes - que l’œuvre soit concise - serrée et volontaire - Plus vous chargez - plus vous enlevez de possibilités aux sons de se déployer et de se projeter. [...] Potassez votre truc pour Salzedo - mais pas trop de notes - et souvenez-vous que si vous avez une tête - il faut s’en servir et penser avec [...] Souvenez-vous en outre - qu’une œuvre n’est jamais assez dépouillée - »39, ou encore : « Travaillez - en vous souvenant que le cerveau sert à quelque chose »40. Mais, il ne se voulait pas moraliste : « Travaillez pour vous avec des vues plus universelles. Merde - je deviens moraliste - ça ne me va pas - faites donc ce qui vous plaira - après tout on ne profite que de sa propre expérience - »41.
19Une fréquentation régulière entre les deux hommes fait vite du « disciple » un proche. Un détail le montre : entre 1931 et 1932, Varèse dans ses lettres modifie la formulation qui, de « Cher Monsieur », passe à « Cher ami ». Par ailleurs, Bridget Conrad, à partir de son étude approfondie de leurs biographies respectives, relève certaines caractéristiques qui ont contribué à l’élaboration de leur harmonieuse amitié42 : l’accès tardif à la musique43, l’attirance pour les arts plastiques et leurs idéaux politiques. Ensemble, ils pouvaient satisfaire des dispositions et des goûts communs.
20À Montparnasse, ils fréquentèrent nombre d’artistes et de personnalités que Varèse connaissait et qu’il n’hésita pas à présenter à Jolivet, comme ses agendas en témoignent, égrenant les noms d’Artaud, Delaunay, Esperone, Freed, Rivier, Russolo, Slonimsky, Villa-Lobos, et de tant d’autres. Varèse présenta donc ou même recommanda Jolivet à ses connaissances. Dans son premier message44 figure l’adresse du flûtiste Georges Barrère ; dans le second45 sont évoquées une rencontre avec Freed et une décision de Pomiès. Plus tard, il arriva même que Varèse intervienne auprès du professeur de Guighy46, Fortunat Strowski, et qu’il s’en souvienne quelques mois après47.
21Quand Varèse impliqua Jolivet dans l’élaboration d’une IVe Internationale des Arts et l’entraîna en Espagne où il pensait pouvoir réaliser la mise en place de ce projet48, il pensait y regrouper peintres, sculpteurs, architectes, écrivains, musiciens, etc... de toutes nationalités. Tous ceux qui, comme Varèse, s’étaient retrouvés à Paris dans ces années trente. Dans une conférence de 1960, Jolivet raconte :
« À cette époque où les cafés de la Rotonde, du Dôme et de la Coupole étaient de véritables colonies américaines, lorsque nous finissions de travailler, Varèse et moi, dans son petit atelier de la rue de Vaugirard, et que nous allions faire deux pas sur le boulevard Montparnasse, nous rencontrions Picasso, Max Ernst, Marc Chagall, Braque, Artaud, Robert Desnos, Foujita, qui se coudoyaient avec toute une faune pittoresque et bariolée [...] Qu’on veuille bien se représenter [...] cet émerveillement continuel dans le côtoiement de personnalités aussi diverses que dynamiques, dont l’ensemble constituait un raccourci du monde entier... »49.
22Accompagnés le plus souvent de Louise (Varèse) et Guighy (Hilda Jolivet), ils rencontraient aussi leurs proches. Très vite, par exemple, Fernand De Nobele devint un familier. Il travaillait avec son père Ferdinand De Nobele, libraire spécialisé dans la documentation sur les beaux-arts, rue Bonaparte. À Saint-Germain-des-Prés... non loin de Montparnasse. Pour Fernand, toutes les occasions étaient bonnes de prendre un verre, se retrouver dans un bistrot, déguster un pot-au-feu. Mégret, l’inséparable ami et complice de Fernand était là50. « Claude » : ce prénom mérite que l’on s’y arrête. Son emploi, seul, sans précision de nom patronymique par Varèse dans son courrier, laisse parfois planer une certaine ambiguïté sur la personne à laquelle il est fait allusion. En effet, Claude est le prénom de la fille de Varèse et de Suzanne Bing51. C’est aussi le prénom du grand-père de Varèse avec qui il a passé sa petite enfance en Bourgogne et auquel il est resté tellement attaché. (La première œuvre symphonique de Varèse, Bourgogne, lui rendait hommage). Enfin, Claude est le prénom de Chéreau, son grand « copain » peintre, qu’il retrouve à Paris chaque fois qu’il revient de Berlin entre 1907 et 191452 et longtemps après.
23Parmi les proches, il y avait aussi Alejo Carpentier, Irène Joachim, Paul Le Flem bien sûr et Jeanne sa femme, Dominique Modesti, Tata Nacho, Georges Ribemont-Dessaignes, Joseph Stella53, les Vargas54, et tant d’autres cités dans sa correspondance.
24Tant qu’il fut à Paris, Varèse fut le témoin du quotidien et de la vie privée de Jolivet. Témoin discret, cependant. Dans la première lettre datée de 1931, Varèse adresse ses hommages à Madame Jolivet. Il s’agit de la première épouse de Jolivet, Martine Barbillon, violoniste55. Plus tard, il adresse « son meilleur souvenir à Mme Guighy »56. Il s’agit de la mère d’Hilda, seconde épouse de Jolivet. Celle-ci est le plus souvent désignée par Varèse sous son nom de jeune fille, Guighy, avec des orthographes parfois fantaisistes ou par des surnoms ou des abréviations, comme il a coutume de le faire pour beaucoup : PLF pour Paul Le Flem, FdN pour Fernand De Nobele, IJ pour Irène Joachim. Pour le plaisir d’un trait d’esprit, Varèse ne manque pas de surnommer certaines ou certains : « La Boulangère » – pour Nadia Boulanger le « beau », le « bon Florent » ou encore « Mr Réglisse Florent » – pour Florent Schmitt... Ces jeux de mots fréquents sont, pour être drôles, souvent méchants. Et plus, ils perdent toute saveur quand ils ne laissent plus place au doute.
25Ainsi, au début de l’année 1934, conformément aux demandes de Varèse, Jolivet rencontre Oskar Fried57. Varèse souhaite alors que Fried dirige Amériques au cours de ses tournées en U.R.S.S. et même au Mexique ; c’est pourquoi il le soutient et le recommande. Varèse « travaill[e] pour lui » et use à cet effet de sa position au sein de l’Institut russo-américain58 et de ses bonnes relations avec les organisateurs de concerts tels que Bernard Laberge et Hans Wachtell. Il réclame même sa future adresse en U.R.S.S.59. La notoriété de Fried ne semble pas mise en doute par Varèse et il cherche à lui assurer « toute facilité ».
26Fried quitte Paris pour l’U.R.S.S., le 9 mars 193460. C’est pendant la période où Varèse, très occupé à la préparation de deux concerts de ses œuvres61, n’a pas le temps de répondre à Jolivet. Le 5 avril, c’est Louise qui prend la plume pour excuser son silence et qui laisse entendre qu’un sérieux malentendu est né entre Varèse et Fried. Celui-ci, de Moscou, écrit à Jolivet : « J’avais invité Mr Bullitt62 mais il m’a renvoyé les cartes pour le concert sous le prétexte, [qu’]il n’avait pas le temps de venir ! Peut-être une autre fois. Mais moi, je ne crois plus à l’aide de Mr Bullitt. Varèse a peut-être surestimé les relations avec ce Monsieur ». Et Varèse, ayant sans doute connaissance de l’incident par Jolivet, se livre, en réponse, aux attaques. Dans ses lettres suivantes, Fried devient, non pas simplement la tête de turc du moment, sujet à faire quelques « bons mots », mais sujet de sa hargne antisémite63. Hargne qui l’entraîne jusqu’à reconnaître le bien fondé de « certaines mesures hitlériennes » ! Fin 1936, Varèse est satisfait d’apprendre que Jolivet tente de récupérer leurs partitions que détient encore ce « c.. ». Il n’est pas allé jusqu’à l’insulte quand il s’est agi de l’homonyme « Freed ». Il le « cro[yait] gentil » et le laissait « fricoter dans sa petite bande juive de Philadelphie »64.
27Sans doute est-il moins embarrassant d’admettre certaines des considérations de Varèse sur des sujets politiques. Les événements auxquels il s’intéresse sont ceux dont il a connaissance, soit par la presse américaine, soit par la presse française – qu’il demande qu’on lui envoie –, soit par les récits d’amis ou de relations venant d’Europe. Il s’inquiète de la situation politique en France, des dangers d’une guerre65, de la situation en U.R.S.S.66 par exemple, et ses analyses ne manquent pas d’idées contradictoires. Ainsi, après avoir affirmé que : « La France [lui] a l’air de sombrer de plus en plus dans le marasme », quelques jours plus tard il juge la « situation folâtre »67 et finalement demande : « que se passe-t-il ? ». Comme pour se rassurer ? Ou pour confirmer ses opinions ? Mais lesquelles ?
28Car, malgré bien des ambiguïtés, rien ne semble en fait avoir grâce à ses yeux : en tout cas, ni le communisme68, ni l’Action Française. Pourtant, à propos de cet extrémisme-là, particulièrement, il peut écrire après une conférence de Barbusse : « Il a annoncé à cor et à cri l’avènement proche du fascisme en France - Ça ne serait pas pire qu’actuellement ! »,69 mais aussi : « Une forte vague de chauvinisme commence à secouer le pays - Ça devient ridicule - mais très alarmant, car ici fascisme signifie dans toute sa splendeur = triomphe du Ku Klux Klan »70. Et finalement, énonçant sa sympathie pour la situation du moment en Espagne, il confie : « Je souhaite que tout se tasse chez eux - comme ailleurs aussi - ici surtout où les jeunes cons fascistes commencent à se sentir pisser... » ;71 il s’attaque aux hommes de l’extrême droite française (Pierre Taittinger, François Coty, par exemple) tout en n’hésitant pas à se référer, on l’a vu, aux « procédés hitlériens ». S’agit-il de l’une de ces controverses qu’il menait avec lui-même ?
29Néanmoins, il se présente comme un homme de gauche et en tout cas, comme un compositeur de gauche. S’il a semblé suivre avec intérêt la création d’un troisième parti aux États-Unis, le parti progressiste fondé par les frères La Follette72 en août 193573, ayant eu connaissance de la création en France du Front populaire lors du 14 juillet, il écrit : « Je souhaite que ce dernier74 connaisse une ère meilleure dans un état social nouveau - Ce que j’ai lu des manifestations du 14 juillet est réconfortant si toutefois une organisation suffisante est à même de dominer les événements » ; et, au printemps suivant : « J’espère que le front populaire ne va pas râter le coup »75. Quand il n’a plus été question de la IVe Internationale des Arts, il se mit à travailler avec d’autres compositeurs (Freed, Salzedo...) « à un projet de front commun - alliance des compositeurs de gauche » dont il envisage alors une « possibilité de collaboration avec votre groupe »76. Et quelques semaines plus tard, à propos du titre de Jeune France donné au groupe formé par André Jolivet avec Yves Baudrier, Daniel-Lesur et Olivier Messiaen, il avoue : « Je n’aime toutefois guère (pour le malentendu auquel il peut prêter) votre titre de Jeune France - pour vous surtout - Il est vrai que des questions de consommation locale peuvent à la rigueur le justifier - Toutefois je n’aime guère les limites qu’imposent certains tarifs ».
30Cette observation du maître à l’élève semble permettre de lever toute ambiguïté sur la nature de leur engagement commun. Comme semble le permettre la raison profonde du séjour en Espagne préalable au retour de Varèse aux États-Unis : une IVe Internationale des Arts. Expression choisie pour désigner le grand festival des arts à l’organisation duquel Varèse souhaite voir collaborer les amis français et étrangers, rencontrés à Paris, dont il sait les convictions de gauche et même les sympathies trotskistes. Ayant probablement connaissance des difficultés de la IIIe Internationale, Varèse a anticipé sur l’histoire en employant la qualification de IVe. En effet, ce n’est qu’en 1938 que Trotski fonde la IVe Internationale et ce n’est qu’en 1940 que sont créés les Comités français de ladite IVe Internationale.
31Varèse est donc allé en Espagne pour établir des contacts et assurer la mise au point d’un immense projet analogue à celui auquel il pensait déjà en 1919 d’une « Ligue des Nations par l’Art »77. Jolivet, intéressé au projet, l’y rejoint. L’examen de ses agendas permet de restituer les principaux moments de ce séjour.
32Le 16 août 1933, le couple Jolivet-Guighy est arrivé d’Algérie78 à Barcelone, via Palma de Majorque. Le soir même, ils participent à une réunion de la IVe Internationale. Beaucoup de visites, des réunions pendant ces quelques jours passés à Barcelone et le 23, ils partent pour Tarragone79, puis ils passent trois jours à Valencia.
33Au cours de ce déplacement, Jolivet et Varèse s’écrivent. C’est essentiellement dans ces lettres qu’il fut question de la IVe Internationale. Varèse recommande alors le silence : « Pas un mot lors de votre séjour à Madrid - et autres endroits d’Espagne - de la IVe Intle »80, « Pas un mot à qui que ce soit de la IVème Intle et ce à la requête du Ministre »81, « [...] nous sommes tenus à une grande discrétion »82.
34Les Jolivet arrivent à Madrid le 3 septembre ; Varèse y est sans doute depuis le 31 août83. Il réside chez Pedro Sanjuan84, le compositeur espagnol, chez qui se passe la première soirée. Jolivet l’a connu par correspondance ; ils se sont écrit les mois précédents, et Jolivet lui avait envoyé une partition85. Le séjour madrilène se déroule en visites de la ville et de ses monuments – Palais Royal, Musée du Prado, etc. – et en rencontres avec Torrès Garcia le peintre86, Rafaël Alberti le poète et auteur dramatique, à nouveau Sanjuan87, et à nouveau Alberti88.
35Le 11, les Jolivet repartent pour la France chargés de toute une série de démarches à effectuer pour Varèse89, et leur correspondance reprend le jour même. Dès leur retour, ils rencontrent Louise Varèse qui, elle, est restée à Paris. Il était fixé qu’elle irait embarquer au Havre sur un paquebot faisant escale à Vigo, où Varèse la retrouverait pour rentrer aux États-Unis.
36Fin septembre, Jolivet est très occupé par les préparatifs de son mariage. Mais il renoue les contacts avec Ribemont-Dessaignes, Stella, etc. Au premier, il a écrit sur une carte de visite90 « qu’il regrett[ait] de ne pas l’avoir trouvé » et « qu’il se tenait à sa disposition dès qu’il le voudrait » pour le mettre au courant d’une façon détaillée des démarches de Varèse. Il l’a rencontré dès le début d’octobre.
37Lorsqu’à Barcelone, évoquant les rencontres avec le « Conseiller de culture » – qu’il appelle aussi « le Ministre »91 –, Varèse écrit qu’ils « travaillent à la formation du Comité A »92 – et dans la même lettre, qu’il charge Ribemont-Dessaignes de former le Comité Β en France –, il s’agit de Ventura Gassol93, poète, secrétaire de Francesc Macia94, lui-même Président de la Generalitat de Catalogne depuis le 14 avril 1931. Or, Francesc Macia et Ventura Gassol ne sont nommément désignés par Varèse qu’après son retour aux États-Unis95. Il a donc respecté la discrétion qu’il a tant recommandée. Pour constituer le Comité A, il est probable que Varèse a directement pressenti ses amis retrouvés à Madrid : Rafael Alberti96, Torrès Garcia97, Pedro Sanjuan qu’il a connus, selon leurs histoires personnelles, soit à Paris, soit à New York. Il en est de même des personnes citées dans la lettre du 29 août 1933 pour faire partie du Comité Β : « Ribemont-Dessaignes98 est chargé de former le Comité Β en France - avec jusqu’ici (Artaud - Le Corbusier99 - Le Flem - R. Petit - (peut-être Lipshitz [sic]100 sculpture - Léger101 peinture) enfin du groupe, qui bon lui semblera ».
38Il est intéressant d’observer que les membres du groupe, même s’ils ont affiché des idées de gauche, n’ont, semble-t-il, pas confirmé leur engagement en adhérant à un parti politique102. L’ouvrage de Ribemont-Dessaignes Déjà jadis103 permet de le situer lui-même et aide à expliquer l’évolution des positions et les engagements de certains membres du groupe.
39L’auteur a d’abord été peintre. « Sa famille le nourrissait des Salons des Artistes français et de la Société nationale des Beaux-Arts, bien plus que du Louvre »104. Il fréquente de nombreux peintres et sculpteurs de l’époque héroïque du cubisme – parmi lesquels Lipschitz. Mais lui-même, « tout en acceptant l’air de nouveauté qu’apportait le cubisme », n’y a pas vraiment participé. Il a seulement figuré à une exposition de la Section d’Or « qui servait d’enseigne à un groupement cubisant »105. La remise en cause par Ribemont de « la transformation des valeurs plastiques » qu’impliquait le cubisme et de ce qu’il « avait de destructeur pour toutes les valeurs, et de destructeur pour le sens même de valeur »106, est à l’origine d’une crise personnelle ; il se détourne peu ou prou de la peinture107 et se met à écrire. Au moment où « Dada se préparait en Suisse », il rédige une pièce en vers (L’Empereur de Chine), qu’il a considéré être « un des premiers témoignages d’avant Dada qui fit partie intégrante de Dada »108. Et quand les Dadas ont commencé à se manifester à Paris, voilà comment s’est déroulée une réunion se tenant à l’Université populaire du faubourg Saint-Antoine109 : « Il fallut faire comprendre [au public] que nous nous révoltions non seulement contre l’ordre bourgeois, mais aussi contre tout ordre, toute hiérarchie, toute sacralisation, toute idolâtrie, quelle que fut l’idole... »110.
40Révolte, le terme est lancé. Mais c’est quand Ribemont s’exprime sur le Surréalisme que les positions deviennent plus nettes. « Le Surréalisme [...] interdisait qu’il y eût un art poétique. Mais il se voulait révolution permanente de l’esprit [...] Officiellement [...] né en 1924, tout de suite il est une révolte contre toutes les valeurs de ce monde. [Il] croit en tout ce qu’il affirme. Dada ne croyait en rien »111. « La véritable question [que se posent les surréalistes] est celle de la grande contradiction entre l’intellectuel et le social112 [...] Le Surréalisme se trouvait partagé entre les deux termes de la Révolte qui lui était propre. L’esprit, ou le reste ; la cervelle, ou les pieds sur la terre ? [...] Certains avaient une disposition naturelle à tenir pour primordiales des revendications intellectuelles. D’autres s’abandonnaient aux réalités, mais celles-ci, du fait qu’elles se situaient dans le domaine politique ou social, devenaient périlleuses »113. « Les manifestations plus directement axées sur la révolte dans les actes firent apparaître l’ambiguïté politique. Et, pour mettre les points sur les i, c’est la question claire et nette du communisme qui se posa, puisqu’il était le seul parti qui pût effectivement se réclamer de la Révolution, celle-la même qu’il avait réalisée en Russie. »114
41Comme Ribemont-Dessaignes, les membres du groupe, pour la plupart, se sont réclamé du Surréalisme ou l’ont fréquenté. Attachés plus jeunes à une forme d’anarchisme115, attirés par les idées révolutionnaires et la remise en cause de l’ordre établi, repoussant toutes contraintes au nom de la liberté, il semble qu’ils aient trouvé, par le biais du Surréalisme, dans les idées du communisme et mieux, du trotskisme, des principes prônant une révolution correspondant à leurs quêtes. Ribemont-Dessaignes rapporte que vers 1925, « Breton conç[u]t un plan grandiose d’unification intellectuelle révolutionnaire. Il se révél[a], en effet, que pour le Surréalisme toute action n’[était] possible qu’en collaboration avec les organismes communistes, ou tout au moins communisants, en y joignant les autres mouvements révolutionnaires sans tendance politique avouée. »116
42Au début des années trente, Ribemont-Dessaignes, devenu rédacteur en chef de la revue Bifur117, entre « en relations avec un grand nombre de personnalités françaises ou étrangères »118. Il fréquente « très assidûment le café des Deux Magots, quelquefois le café de Flore ou la brasserie Lipp... ». Il y rencontre « ses amis, qui étaient tous plus ou moins des expulsés ou des dissidents du Surréalisme... ». Artaud est déjà évincé par Breton. « Ceux du Grand Jeu119 se trouvaient là : Daumal, Roger Gilbert Lecomte, [...] Il y avait aussi Alejo Carpentier qui racontait de belles histoires de Cuba, comme Miguel Angel Asturias [...] en racontait sur le Guatemala ». Parfois, il va avec Vitrac et Carpentier, chez Desnos, à moins qu’ils ne se « réunissent chez Carpentier, ou chez André Jolivet, le musicien, élève de Varèse »120.
43En quelques phrases voilà retrouvés peu ou prou ceux que Varèse veut associer à son projet de IVe Internationale. En 1933, il sait qu’à Barcelone il trouvera notamment l’appui de Joan Miró, et l’aide de l’ADLAN, Association catalane des arts créée par Joan Prats.
44Hilda Jolivet, témoin des tractations menées par Varèse en Espagne, raconte : « Ils préparaient la IVe Internationale des arts avec une même foi : ils rêvaient d’une immense fraternité par la culture, ne se doutant pas que, si peu d’années après, ils seraient écrasés par la Guerre civile »121.
45Dans sa première lettre écrite de New York122, Varèse recommande de ne pas se presser pour la IVe Internationale. Il attend que Joan Prats réponde à ses lettres. Mais après janvier 1934, il n’en est plus question. Et si, commentant les nouvelles venues d’Espagne, il exprime encore un certain optimiste de voir aboutir le projet, il s’est déjà tourné vers d’autres grands projets en relation avec l’U.R.S.S.. Pour lui, la IVe Internationale avait été un projet qui le ferait revenir en Europe.
46Avant de quitter l’Europe, le 15 septembre 1933, il envoie deux courriers à Jolivet, « la dernière fois avant l’exil », donnant « rendez-vous dans une quinzaine d’années »123.
47Il laisse derrière lui cet entourage avec lequel il a voulu conserver le contact parce qu’il l’aimait. Ses sentiments amicaux sont clairement exprimés, mais tout comme le sont son amertume envers Paris et son acharnement contre le « parisianisme ». Parisianisme ! Encore un mot dont il aurait pu dire, comme s’il voulait le rayer du vocabulaire, « Plus de ça ! », car il a toujours affirmé son refus de la terminaison « isme » sous toutes ses formes124.
48« Plus de ça » ! Ce fut aussi son message concernant Paris. Le 9 juillet 1934125 : « À part les amis - et certains milieux que je regrette - Paris me fait l’effet d’un cauchemar - avec arrière-goût de relent d’égout. » Le 24 août 1934 : « Plus que jamais je veux un art [...] purgé de tout parisianisme ». Son dégoût pour « Paris = Ville-Poubelle » où il est considéré « comme un touriste »126, est tel qu’il refuse que ses œuvres soient programmées et que ses amis défendent sa musique. Pourtant, « seuls les amis lui feront fouler le macadam »127. Car, si « ça n’est pas le désir de revoir ceux qui sont chers qui manque [...] ce bordel de ville n’a aucune compensation à offrir... »128. Après guerre, Paris sert encore de référence, mais cette fois-ci pour expliquer la société new-yorkaise : « ... en musique - comme en peinture sculpture - théâtre on se croirait à Paris, il y a une quinzaine d’années - Remue-ménage - agitation même les snobs se sentent désemparés - dégoûtés, ils ne savent sur quoi, sur qui miser sans passer pour des cons - »129. C’était son image du parisianisme, de celui que Varèse quitta pour rentrer aux États-Unis, « écœuré [aussi] de l’incompréhension du milieu musical »130 parisien.
49Jolivet voulut le suivre en Amérique. Il commença même des démarches en ce sens, notamment auprès d’Henri-Martin Barzun131, à qui Varèse l’avait recommandé. Dans une lettre du 26 mai 1933132, il écrit :
« En 1929, Varèse arrivait à Paris. Mis en relation avec lui, séduit par ses réalisations sonores, je m’attachai à ses théories et je crois pouvoir avancer que je suis maintenant non seulement son plus fidèle élève, mais son disciple.
Or, il doit retourner aux États-Unis et mon plus grand désir serait de l’y suivre. Varèse, qui paraîtrait heureux que je l’y rejoigne, estime, de plus, qu’étant donné l’orientation de mes idées artistiques, elles trouveraient un milieu plus favorable là-bas qu’en France. »
50Il semblerait que Barzun l’en ait dissuadé. Tout autant que Varèse, qui lui adressa ce conseil : « Dépêchez-vous de perdre vos illusions en ce qui concerne ce pays. Vous y retrouverez le même état mental qu’à Paris - avec plus d’imbecillité [sic] - et tout autant de muflerie [...] Quant à venir ici - n’y songez pas - Que pourriez-vous faire ? [...]. Tâcher de vous faire une place dans le monde musical ? Mais c’est plus dur qu’à Paris - et les méthodes de combat plus crues et plus brutales - [...] Et puis un vent de xénophobie - commence à souffler - Les Français surtout sont les moins bien vus - Autre handicap - vous ne parlez pas l’anglais »133. Plus tard, Varèse prendra l’exemple même de Barzun pour dissuader Jolivet : « Barzun arrive à peine à se démerder »134.
51Mais lui, Varèse, est réinstallé à New York avec Louise depuis le 28 septembre 1933. Sa première lettre date du 14 octobre. Et le fait important est que Varèse annonce avoir trouvé un « laboratoire ».
52Un laboratoire ? Son rêve. « Toute la journée dans des laboratoires ? »135, pouvoir aller au « Western Electric » ?136 « pour y trouver une solution en 5 minutes » ?137 ou « faire de grands travaux de calcul - au sujet de nouvelles données acoustiques » ?138 « Sortir de nouveaux boulots et ce coup-ci hors des conventions orchestrales et autres gélatineux climats à archets - Ensemble de masses chorales - instruments nouveaux » ?139 Même dans une ferme ? Oui, il a prié Jolivet d’en chercher une dans la région parisienne : « C’est fort honnête à vous de vous occuper de la ferme - J’y pense sérieusement - et souhaite pouvoir un de ces quatre matins posséder les 4 sous nécessaires - J’envisage déjà une grange transformée en laboratoire - avec l’électricité nécessaire - »140.
53Un laboratoire ? L’histoire de sa vie.
54Un laboratoire à tout prix, avec pour objectif « l’art-science », « c’est-à-dire une musique qui semble emprunter ses catégories à la science » et qui soit « la nouvelle matière sonore appel[ant] une nouvelle pensée musicale et de nouveaux procédés de construction »141.
55Depuis sa jeunesse, Varèse avait été préoccupé par la « spatialisation de la musique » et, à chaque occasion, il se tourna vers les scientifiques qui travaillaient à la conception d’instruments nouveaux produisant des sons nouveaux. Il en attendait la réalisation de l’un de ses objectifs majeurs : obtenir, par les applications des sciences physiques, « la libéralisation du son ». D’où sa réaffirmation constante de la nécessité – qu’il juge absolue – que « le compositeur et l’ingénieur en électricité d[oivent] travailler ensemble »142.
56À son retour définitif de Berlin, marqué par la déclaration de Busoni : « La musique est née libre ; et conquérir la liberté est son destin »143, Varèse a voulu poursuivre cette quête, guidé par cette autre phrase de son maître : « Je ne suis pas loin de penser que dans la grande musique nouvelle, les machines seront nécessaires, et produiront une des parties intégrantes des œuvres »144. Mais avant d’accéder à la collaboration qu’il recherchait, il a rencontré quelques-uns des concepteurs d’instruments nouveaux de l’époque.
57En 1913, il a connu René Bertrand145, inventeur du dynaphone. Il l’a revu plus tard à Paris et a découvert avec lui certaines des possibilités acoustiques de l’électronique. Sûr de la qualité du travail de Bertrand, il ne manque pas de recommander à Jolivet d’écouter le tout premier disque d’Ionisation sur des instruments Bertrand146.
58Dès 1915, lors de son arrivée à New York, Varèse a assisté à une démonstration faite sur le dynamophone de Thaddeus Cahill, dont Busoni parle dans son livre147, puis s’est intéressé aux concerts « bruitistes » du futuriste italien Marinetti. « Il a partagé un temps avec Marinetti son intérêt pour le monde mécanique moderne, mais pas son désir de le reproduire »148. Varèse lui a reproché de vouloir « imiter les trépidations de le vie quotidienne »149.
59Autre « bruiteur » italien rencontré par Varèse, Luigi Russolo150, dont il a présenté le « Russolophone » ainsi que l’archet enharmonique avant une audition de musique futuriste à la Galerie 23, rue la Boétie, le 27 décembre 1929151. Avec lui, il a aussi étudié les possibilités d’expression musicale dues à l’électronique. Mais Russolo n’a pas participé à la table ronde qui eut lieu à Paris en 1930 sur le thème de La mécanisation de la musique152, contrairement à Ribemont-Dessaignes, Varèse, Vicente Huidobro, Ungaretti, Alejo Carpentier et Arthur Lourié qui s’y sont tour à tour exprimés. Quand Ribemont-Dessaignes, ouvrant le débat, demande à Varèse son « opinion au sujet de la musique de l’avenir à moins que ce ne soit au sujet de l’avenir de la musique », celui-ci répond : « Ce qui m’intéresse est l’état de la musique en relation avec le temps présent ». Puis au cours du débat, il ajoute : « Dans toutes les œuvres d’art, ce qui est important, c’est la nouveauté » ; ou : « J’attends des instruments nouveaux, particulièrement dans le domaine électrique ou radio-électrique. Par exemple, le Martenot, ou Bertrand comme une des possibilités »153, et « Une chose que je désirerais voir se réaliser est la création de laboratoires acoustiques où compositeurs et physiciens collaboreraient ». Idées qu’il a constamment répétées. Comme des leitmotivs ?
60Quand Varèse a-t-il précisément découvert le thereminovox, cet instrument inventé par Léon Thérémin154 et dont deux exemplaires ont été utilisés dans Ecuatorial155 en 1934 ? Dans son livre, qui s’arrête en 1928, Louise Varèse ne cite pas Thérémin156, ce qui laisse penser que Varèse n’a rencontré l’inventeur ni lors de son passage par la France en 1927157, ni même lors de la première démonstration de ses instruments à New York158. Dans un entretien accordé à Olivia Mattis, Thérémin se souvient « avoir rencontré Varèse à New York avec d’autres compositeurs »159. Cette évocation tout à fait vague ne permet pas d’affirmer que les deux hommes aient établi une véritable collaboration. Pourtant, Jolivet est chargé de dire à Artaud « que nous sommes avec Thérémin qui a un magnifique Laboratoire - en plein travail pour mes nouveaux instruments - basés sur des données nouvelles - »160. Donc, des contacts ont été noués et, encore en 1941, Varèse lui écrit à Moscou161 : « Auriez-vous la bonté de me dire si c’est possible que je me procure [vos] instruments, [...] et, en cas de modifications à faire, en quoi ils consistent. [...] Je ne veux plus composer pour les anciens instruments joués par les hommes et je suis handicapé par le manque d’instruments électriques adéquats pour lesquels je conçois ma musique ».
61Ce manque d’instruments électriques, Varèse a toujours souhaité y remédier en participant activement à leur mise au point. Dès 1927, il entreprend de très sérieuses discussions sur les possibilités de concevoir un instrument électronique avec Harvey Fletcher, le directeur de la recherche acoustique dans les laboratoires de la compagnie Bell Telephone. C’est, recommandé personnellement par ce dernier, que Varèse, entre 1932 et 1936, présente plusieurs fois des dossiers à la Fondation Guggenheim pour l’obtention d’une bourse lui permettant de mener les travaux suivants :
« Avec René Bertrand, poursuivre une étude sur un instrument permettant de produire de nouveaux sons. Prospecter de nouvelles autres inventions dans certains laboratoires de façon à découvrir si certains d’entre eux pourraient servir mes nouvelles conceptions sonores. Pour soumettre aux techniciens de différents organismes mes idées en ce qui concerne la contribution sur ce que la musique - la mienne, du moins - attend de la science, et leur prouver la nécessité d’une plus profonde collaboration entre compositeurs et scientifiques. »162
62Il s’est à chaque fois vu opposer un refus. Cependant, toujours à la recherche de nouvelles possibilités acoustiques qu’il a eu tant de mal à trouver – mais qui, aujourd’hui, sont permises grâce à la synthèse du son par ordinateur163 – il a demandé de l’aide auprès de mécènes ou d’institutions officielles. Alejo Carpentier témoigne d’un jour où Varèse lui a rendu visite « habillé de pantalons à rayures, d’une jaquette grise et portant une cravate plastron » et lui a déclaré : « Je deviens businessman »164. Plutôt, il imite les businessmen en voulant faire comme certains d’entre eux : « courir à un thé d’affaire »165 et après un thé avec une cantatrice, aller à « un grand dîner »166 alors que, dans la même lettre, il est écrit qu’il : « ne [se] livre pas aux manifestations mondaines » et que quelques mois plus tard, il est « en rapports suivis avec les officiels »167. Ces mêmes officiels qu’il s’est souvent plu à épingler168 au nom de ses positions plutôt anticonformistes qui l’entraînaient à vivre « complètement en dehors des milieux musicaux »169 new-yorkais. Tout en ayant été sensible, à son retour à New York, aux dires des camarades qui lui avaient rapporté « que pendant [son] absence, les critiques et essayistes [le] mentionnaient souvent ». Il en envoie les preuves à Jolivet : « Ci-inclus quelques copies170 dont j’ai les doubles et que vous pourrez foutre aux chiottes (comme dirait Guighy171) après lecture ».
63Il s’est toutefois avéré que cette reconnaissance par les siens n’a pas été suffisante à lui fournir les moyens techniques et financiers dont il avait besoin pour mener à bien ses recherches. « Partout, il n’a rencontré que sourde oreille » et les expériences qu’il a pu mener « avec des phonographes tournant à des vitesses différentes... » sont restées modestes172. Lors de son séjour prolongé dans l’Ouest américain173, il a essayé de travailler dans les studios de Hollywood. Mais c’est finalement quand des amis174 se sont organisés qu’il a pu disposer d’un « laboratoire » personnel. Il reçut en don anonyme un magnétophone175, qui lui permit d’entreprendre un travail de composition basé sur l’électronique. Dès lors, il put concevoir notamment ce qui devait devenir les trois interpolations de son électronique de son œuvre Déserts176. Puis Pierre Schaeffer l’invita au Studio d’Essai de la Radiodiffusion française pour compléter ce travail. En 1956, il écrivit encore une œuvre avec bande magnétique, La Procession de Vergès, pour accompagner le film de son ami Thomas Bouchard « Around and about Miro ». Et c’est grâce à l’insistance de Le Corbusier que Varèse put composer son Poème électronique dans les laboratoires Philips de Eindhoven. Ces quelques étapes de sa réalisation montrent177 que l’amitié a permis à Varèse de réaliser certains de ses objectifs acoustiques ; mais il n’a jamais vu se réaliser le vœu qu’il a tant formulé : « Je ne veux pas mourir sans un laboratoire ! »178. Un laboratoire qu’il ait pu totalement s’approprier, bien sûr !
64Parallèlement à cette recherche quasi récurrente d’un laboratoire, Varèse, chef d’orchestre et compositeur, a toujours souhaité présenter les œuvres musicales qu’il considérait et appréciait, et défendre la création contemporaine, ses œuvres y compris. Il s’implique ainsi tout au long de sa vie dans l’élaboration de programmes de concerts dont il assure l’organisation. Par exemple, dans sa lettre du 24 décembre 1935179, il écrit : « et surtout qu’on ne fasse pas une question de chapelle - qui n’a rien à voir avec nos buts. [...] Que les camarades se rendent compte - que nous [n’]agissons pas en juges de leurs œuvres - mais que nous n’en considérons le contenu que relativement à la rédaction d’un programme organique et vivant ».
65S’il savait, dans de tels moments, être plein d’enthousiasme et de conviction, il arrivait fréquemment que son état d’esprit change et que la déception s’installe. Déception ou, comme quelques auteurs l’ont affirmé180, dépression ?181. Quand il déclare que « le concert français était le dernier qu’il organisait »182, c’est qu’il connaît maintes contrariétés et insatisfactions : manque de laboratoire, difficultés matérielles, peu de concerts183. Lassé par les difficultés de la vie à New York, il décide d’effectuer le premier de ses séjours dans l’Ouest américain. Fin 1936, il fait part de son intention de s’y établir et c’est ce qu’il fait en y restant de 1937 à 1940. Il y donne des cours et des conférences, fonde une Schola cantorum à Santa-Fé et, nouvel exemple de ses contradictions, organise au moins un concert184. De retour à New York en 1940, il met en place le « Greater New York Chorus », qui donne son premier concert le 24 avril 1943. Il reprenait une baguette de chef d’orchestre185 qu’il n’avait jamais totalement abandonnée.
66En 1919, Varèse lut remercié par les présidents de l’orchestre, sous prétexte que l’accueil du public et de la critique aux premiers concerts du New Symphony Orchestra186 avait été mauvais (au programme, Bach était suivi de premières auditions à New York de Bartók, Casella, Debussy et Gabriel Dupont). En fait, la raison était que Varèse ne voulait pas renoncer aux programmations futures d’œuvres contemporaines187 et ne présenter que le répertoire classique. Pour autant, il ne renonce pas à vouloir réaliser ses objectifs et, pour s’assurer d’être à même de les servir, il crée une première société de concerts en 1921 : l’International Composers’ Guild (ICG), puis une deuxième en 1928 : la Pan-American Association of Composers (PAAC). Lors de la fondation de l’International Composers’ Guild188 avec la précieuse collaboration de Carlos Salzedo, Varèse déclare dans un manifeste189 :
« Le but de l’ICG est de canaliser les œuvres d’aujourd’hui, de les grouper dans des programmes conçus organiquement et intelligemment et, avec le concours de chanteurs et d’instrumentistes désintéressés, de présenter ces œuvres de façon à ce qu’elles révèlent leur véritable esprit. »
67En 1923, une scission au sein du Comité de l’ICG donne lieu à la création de la League of composers. Varèse et Salzedo réorganisent la nouvelle ICG de façon plus simple ; elle est gérée par un comité technique de quatre compositeurs et un chef : Casella, Ruggles, Salzedo, Straram et Varèse. Louise Varèse lui donne son slogan « Des oreilles neuves pour une nouvelle musique, de la nouvelle musique pour des oreilles neuves »190. Cette nouvelle musique est celle de cinquante-six compositeurs191 de quatorze nationalités différentes, joués pour la première fois aux États-Unis pour la plupart d’entre eux. Varèse voit se réaliser l’un de ses objectifs : quatre de ses œuvres sont créées, Offrandes en 1922, Hyperprism en 1923, Octandre en 1924 et Intégrales en 1925.
68L’ICG est la première organisation de ce type et de cette portée au XXe siècle. Varèse n’hésite pas à la propager ailleurs : en Allemagne, où il crée une section avec Busoni en 1922192, la même année en U.R.S.S. une section à Moscou avec l’Union des compositeurs représentée par Arthur Lourié, et en Italie l’année suivante avec la Corporazione delle nuove musiche de Casella.
69Le dernier concert de l’ICG a lieu le 17 avril 1927 à l’Aeolian Hall. C’est Artur Rodzinski qui dirige les œuvres des quatre compositeurs figurant au programme : Berg, Salzedo, Stravinsky et Varèse. Une exception au règlement de l’ICG : l’œuvre de Varèse, Intégrales, est donnée pour la deuxième fois à l’ICG, alors que seules des premières auditions sont préconisées. Mais l’exécution d’une de ses œuvres avait été réclamée par plus de cent-cinquante membres de l’ICG...
70L’hiver suivant, alors que ses projets expérimentaux avec Fletcher semblent piétiner, Varèse décide de créer la Pan-American Association of Composers (PAAC)193, avec Carlos Chávez, Henry Cowell, Wallingford Riegger, Carl Ruggles, Adolph Weiss et Emerson Whithorne. Pour expliquer la fondation de cette nouvelle société de musique, Varèse déclare à un journaliste :
« La PAAC est née parce que j’ai réalisé que l’Europe retournait vers le néo-classicisme ou plutôt vers ce qui peut être considéré comme tel...
Vous ne pouvez pas écrire une œuvre « classique » ; elle doit le devenir avec l’âge. Ce qui est appelé classicisme est vraiment de l’académisme [...] dont l’influence étouffe la spontanéité de l’expression. »
71À peine la PAAC créée, Varèse se rend en Europe194. Y vient-il pour se battre contre le néo-classicisme ? La question peut être posée. Toutefois, la PAAC organise aussi des concerts en Europe et pas seulement aux États-Unis et en Amérique latine.
72Varèse se sert aussi d’autres organisations de concerts pour développer ses actions en faveur de la musique contemporaine. Ainsi de l’International Exchange Concerts (IEC) dont il est commissaire permanent pour les États-Unis déjà en 1933195. En 1931, Daniel Ruyneman est alors Secrétaire Général de la Commission permanente de l’IEC qu’il a fondée avec le compositeur et chef d’orchestre autrichien Hans Pless. Cette organisation doit « promouvoir la musique contemporaine en Europe et aux États-Unis ». Il est intéressant de constater qu’aucun compositeur français ne siége à ladite Commission permanente.
73C’est avec le Comité de l’IEC qu’est d’abord prévu un concert196 : « Hier soir réunion du Comité du International Exchange Concerts » et Varèse poursuit : « Si le concert en vue - (décidé en principe) a lieu au printemps [vos mélodies] seront inscrites au programme [...] Elles seront répétées aux petits pois - et bien chantées ». Il s’agit de deux des Quatre mélodies sur des poésies anciennes qui datent de 1931, que Jolivet avaient orchestrées en 1932 et reprises en 1934. Dès novembre 1933, Varèse écrit à Jolivet : « Je vais m’occuper pour tâcher de caser vos mélodies197 avec orchestre de chambre - Vous en reparlerai ». Il lui en demande la partition en novembre 1934 et Jolivet l’adresse comme convenu à Salzedo en décembre de la même année. En mai 1934198, Varèse a toujours l’espoir de faire programmer ces « chansons », mais elles ne l’ont pas encore été. Et le 13 novembre 1935, il écrit : « J’aimerais ne pas me dessaisir de votre matériel - Vos mélodies seront jouées - je vous le promets »199. Mais ces mélodies, pas plus que le Trio pour flûte, violoncelle et harpe, ne seront donnés aux États-Unis. Enfin, à Jolivet qui a sûrement insisté pour récupérer son matériel, il écrit le 26 mai 1936 : « Je regrette de m’être dessaisi de vos mélodies - Elles auraient été données ici et dans différentes villes de l’Est - avec instruments requis - admirable ensemble - ».
74C’est aussi le Comité de l’IEC qui, prévoyant une série de concerts de musique de chambre, demande, en bonne réciprocité, que soient organisés des concerts de musique américaine à Paris. Les premiers pourparlers d’échange ont lieu en octobre 1935 alors que déjà en juin 1935 Varèse écrit : « Je suis heureux de votre association avec Le Flem et Migot. Je ne connais pas les autres deux [Messiaen et Lesur] mais suis sûr que votre choix est judicieux ». L’échange se fait : le concert français à New York a lieu le 17 février 1936200 et le concert américain à Paris quelques jours après, le 6 mars 1936. Il est donné dans la série des concerts de la toute nouvelle Spirale. Cette société de musique de chambre est créée à Paris en 1935, dans l’orbe de la Schola cantorum. Jolivet, lors d’une série d’entretiens radiophoniques accordés au critique musical Antoine Goléa, en 1961, explique :
« En 1934, la Schola cantorum avait changé de direction. Nestor Lejeune201, le nouveau directeur, avait fait appel, pour enseigner dans son école, à Charles Koechlin, à Darius et Madeleine Milhaud, à Olivier Messiaen et à Daniel-Lesur. De mon côté, je faisais partie des jurys de concours, et je proposai à Nestor Lejeune de créer une société de musique de chambre dont le Comité comprit évidemment Messiaen, Lesur et Paul Le Flem. Le Président en était Georges Migot202. »
75Jolivet en était le trésorier, Jules Le Febvre, le vice-président, Edouard Sciortino et Claire Delbos, les secrétaires. Il semblerait que tous se soient mis d’accord sur le titre de « La Spirale » et aient finalement renoncé à l’expression « Spirale sonore », reprise plusieurs fois par Varèse dans ses lettres203, se référant à ce que Jolivet lui avait sans doute annoncé.
76Le premier concert a lieu le 12 décembre 1935 à la Salle des concerts de la Schola cantorum. Le programme est bien présenté sous le titre de « La Spirale ». Le mot « sonore » n’y figure pas et le choix de La Spirale est ainsi expliqué :
« Ce nom trouve sa justification dans les propriétés de cette courbe.
La Spirale, en effet est sans limite. Elle symbolise le progrès parce que, bien que rattachée constamment à son centre d’origine, elle ne cesse de se tracer une voie toujours nouvelle. »
77Quand La Spirale est fondée, la Société nationale de musique, la Sérénade et Triton se consacrent essentiellement, aux yeux des jeunes compositeurs, à la diffusion des œuvres des générations précédentes. Les tendances de La Spirale telles que les exprime Jolivet répondent à ce constat : « Faire jouer plus spécialement [la musique] qui n’était pas admise, soit par la Nationale204, soit par Triton ».205 Mais de façon plus générale, les buts déclarés des fondateurs de la nouvelle société furent exprimés dans le texte placé en exergue des programmes :
« Le Comité de La Spirale se propose de coopérer à la diffusion des œuvres musicales contemporaines par des concerts d’œuvres françaises et par l’organisation de concerts d’échanges avec les compositeurs des autres pays. Ce comité veut servir la musique et pour cela se propose moins de donner des premières auditions que de faire réentendre des œuvres significatives. »206
78Ces propositions énoncées dès le premier concert ont sûrement beaucoup plu à Varèse. Elles ont été observées lors de chacun des onze concerts suivants207. Ainsi, outre le concert américain avec l’IEC de Varèse (troisième concert), plusieurs échanges avec des groupements de compositeurs étrangers ont été organisés : hongrois par l’intermédiaire de Lazio Lajtha (cinquième concert) et le Nouveau Quatuor Hongrois (neuvième concert), hollandais (sixième concert, franco-hollandais) autrichiens (septième concert, austro-français), suisses (onzième concert).
79Mana, l’œuvre pour piano de Jolivet, créée au premier concert de La Spirale, est ensuite donnée au concert français à New York de février 1936. Dès le lendemain du concert, Varèse le félicite : « Bravo pour Mana » et ajoute : « Vous en parlerai à loisir - car les (l’œuvre comprend six pièces) ai étudiées et fait répéter et j’ai pas mal de choses à vous dire à leur sujet. Mais je veux le faire au poil de cul... ». Jolivet est encore l’élève. Varèse lui a souvent donné avec beaucoup d’autorité son opinion et ses conseils sur la façon dont il pourrait améliorer ses partitions, au sujet du Trio destiné à Salzedo et ses collègues, ou à celui de l’orchestration des Quatre Mélodies sur des poésies anciennes208, par exemple. Et même si Varèse essaye, en le complimentant d’abord, d’être plus diplomate – il sait qu’il a par certaines remarques parfois blessé la susceptibilité de Jolivet – il finit par lui confier, Jolivet l’ayant sûrement sollicité pour qu’il lui fasse part de ses remarques209, que s’il pouvait faire le voyage à Paris, « en un jour [son] œuvre serait mise d’aplomb »210.
80Un prétexte pour venir à Paris ? Pour revoir ses amis ? Car, pour Varèse, l’amitié perdure et il s’enquiert toujours des nouvelles des uns et des aubes : Artaud, De Nobele, Le Flem, Ribemont, Vargas..., tous ces noms retrouvés au fil des lettres. Varèse s’inquiète tout particulièrement de recevoir des nouvelles d’Artaud, car en dehors de sa réelle amitié pour lui, il tient à savoir où en est leur projet théâtral commun.
81Avant sa venue à Paris, fin 1928, Varèse, fasciné par les légendes indiennes, a travaillé sur un livret inspiré d’un mythe indien « The One-All-Alone, A Miracle » que son épouse Louise a adapté de légendes découvertes lors de la lecture d’un ouvrage consacré aux indiens Pueblos. Peu à peu, il a transformé le héros mythique d’origine en un astronome moderne qui échange des signaux avec la planète Sirius et écrit son propre synopsis211 qu’il intitule L’Astronome. Étant à Paris, Varèse propose d’abord à Alejo Carpentier, Robert Desnos et Georges Ribemont-Dessaignes de parachever son texte. Ils se mettent à « travailler sur le livret de l’opéra monstre » que souhaite écrire Varèse212. Ils y renoncent213. Mais c’est ce scénario qu’il propose à Artaud après avoir eu connaissance du manifeste Le Théâtre de la cruauté écrit par ce dernier. L’exposé d’Artaud commence par ces phrases :
« On ne peut continuer à prostituer l’idée de théâtre qui ne vaut que par une liaison magique, atroce, avec la réalité et avec le danger.
Posée de la sorte, la question du théâtre doit réveiller l’attention générale, étant sous-entendu que le théâtre par son côté physique, et parce qu’il exige l’expression dans l’espace, la seule réelle en fait, permet aux moyens magiques de l’art et de la parole de s’exercer organiquement et dans leur entier comme des exorcismes renouvelés »214.
82Varèse a trouvé là exprimée par Artaud cette idée de développement dans l’espace à laquelle lui-même a tant tenu et qu’il a mise en œuvre dans ses recherches d’expansion spatiale du son. Artaud, pour sa part, lui dédicaçant son Héliogabale ou l’anarchiste couronné, a manifesté son admiration en ces termes : « À mon cher Edgard Varèse dont j’aime la musique sans l’avoir entendue et parce que, de vous entendre parler de musique, vous m’avez permis d’en rêver. Et parce que je sais qu’avec votre musique en révolte nous pourrons réattendre un nouvel état du monde ». Les indications musicales d’Artaud pour sa pièce Les Cenci, montée en 1935, semblent décrire des structures varésiennes : « Un son volumineux s’étale et fuse, comme arrêté par un obstacle qui le fait rejaillir en arêtes aiguisées »215. De leur collaboration devait naître un opéra : Il n’y a plus de firmament.
83Dans ses lettres de 1934216, Varèse a régulièrement pressenti Jolivet pour qu’il intervienne auprès d’Artaud afin de récupérer le scénario original de L’Astronome. Pour ce faire, Jolivet à son tour a sollicité Artaud à plusieurs reprises dans le courant de l’été 1934 et l’a souvent rencontré à l’automne de la même année217. Varèse a indiqué dans sa lettre du 16 décembre 1934 avoir reçu le texte218.
84Mais le projet d’opéra n’a jamais été achevé. Le séjour prolongé d’Artaud au Mexique, non loin des terres indiennes où Varèse résidait à la même période, a probablement été, avec les problèmes de santé d’Artaud, l’un des obstacles à la reprise de leur collaboration. Pour Varèse, il n’en est resté que les éléments employés dans son Étude pour Espace, terminée plus de dix ans après, en 1947. L’œuvre est écrite pour chœur mixte sur des textes en plusieurs langues, deux pianos et une importante percussion. Artaud n’a probablement jamais eu connaissance de cette œuvre.
85L’intercession de Jolivet auprès d’Artaud n’a pas été le seul service demandé à Jolivet. De nombreuses commandes de livres lui sont arrivées : celui d’Huré par exemple219 ; d’Alexandre Dumas : Les Mariages du père Oliphus220 pour Louise, et bien d’autres. Ces commandes étaient accompagnées de recommandations sur les précautions à prendre pour éviter les frais de douane qui dépasseraient ses moyens financiers.
86En échange, Varèse remercie, propose à Jolivet de l’aider : « Quant à Paris, que puis-je faire pour vous ? Vous savez que je ne demande pas mieux que de vous rendre service, mais je sais par expérience que les écrits explicites ne sont pas de saison, et passent vite au panier »221, ou alors il s’inquiète de son état moral et cherche à le rassurer par rapport à la situation ambiante : « Mais mon pauvre vieux - faut pas s’en faire ».222 Il va jusqu’à l’encouragement (malgré l’accueil de certains critiques) : « suis heureux de vos débuts orchestraux »223. Il s’agit de la Danse incantatoire, donnée en juin 1936 au premier concert Jeune France.
87Passé la guerre et dès les relations renouées, Varèse et Jolivet s’écrivent, échangent des nouvelles grâce aux amis et aux relations qui traversent l’Atlantique224 et ont plusieurs fois l’occasion de se revoir, en France, à Bruxelles et aux États-Unis.
88Varèse entend quelques-unes des œuvres de Jolivet jouées à New York après la guerre : le ballet Guignol et Pandore, le Concerto pour ondes Martenot et le Concerto pour piano. Pour lui, ce dernier est réussi. Après en avoir entendu l’enregistrement, il écrit : « Bravo ! »225. Le Maître l’apprécie et lui accorde un autre accueil que celui réservé à l’œuvre lors de sa création. Il l’aime226 et ne l’écoute pas comme un « Concerto qui fait Pschitt ! »227. Pourtant, cette œuvre, au soir de sa création au Festival de Strasbourg en juin 1951, provoqua un tel tumulte qu’il lui valut un article intitulé « Un concerto pour piano qui se termine au violon ! ». En effet, Hilda Jolivet ayant entendu lors des applaudissements un auditeur qui criait « Au fou ! Au fou ! Qu’on l’enferme ! » à l’adresse de son mari, le gifla. C’est ainsi que ce concerto surnommé « pour piano, gifle et orchestre » a valu au ménage Jolivet de finir la soirée au commissariat de police...
89Lors de la venue de Varèse à Paris en 1954, cet épisode lui a sûrement été relaté. Si mes souvenirs sont exacts, la création de Déserts fut à peine moins mouvementée. Les œuvres du maître et de l’élève, dans ces temps-là, provoquaient des réactions analogues de la part du public. Quand Jolivet présentait ou dirigeait des œuvres de Varèse, il arrivait souvent que le public aille jusqu’à manifester une totale hostilité envers sa musique. Il fut parfois considéré comme une sorte d’illuminé dont n’étaient admises ni les recherches sonores, ni les innovations acoustiques, ni les découvertes étranges.
90C’est en 1954 que je rencontrai Varèse pour la première fois. Étant à Paris, il souhaitait faire connaissance avec les trois « lardons » Jolivet, comme il nous appelait. Sa première visite lut fixée à un jeudi, jour du congé scolaire de l’époque. L’appartement familial était au cinquième étage et, depuis le palier, la famille regarda Varèse grimper gaillardement les escaliers. L’émotion était grande. Son statut de « Maître », sa stature, ses cheveux blancs, tout me le rendait impressionnant.
91Les présentations furent d’autant plus chaleureuses qu’il était aussi chargé de nous transmettre toutes les tendres attentions de Louise. La glace fut ainsi vite brisée et il s’installa à son aise. Les adultes, qui ne s’étaient pas revus depuis vingt ans, entamèrent de fort longs échanges. J’écoutais ; ce qui me frappa d’emblée et dont je conserve un inoubliable souvenir, c’est la grossièreté de langage de Varèse. Tous les trois mots, il disait « merde ». Pour le reste du vocabulaire, je ne tiens pas ici à outrepasser les limites de la décence (ses lettres en contiennent de typiques exemples). Dix ans plus tard, à New York, je retrouvai cette même verdeur. Bien sûr, elle me choqua moins et j’éclatais même de rire en retrouvant certaines expressions « varésiennes » fort imagées.
92Lors de ma première venue à Sullivan Street, Varèse m’entraîna dans son « studio ». Il m’y montra toutes sortes d’objets hétéroclites, ses « fétiches », et surtout, m’y donna un cours de « sirènes » qui se prolongea tellement que Louise manifesta plusieurs fois son désespoir à l’idée que le rôti fut trop cuit. À table, j’assistai aux retrouvailles des deux ménages. Leur conversation dura fort tard. Elle dut reprendre le lendemain car la longue soirée de la veille n’avait pas suffi à aborder tous les sujets qui les passionnaient. Et il en fut ainsi pendant la presque totalité de ce séjour new-yorkais auquel les Varèse présidèrent en nous conseillant les visites à ne pas manquer. Pendant ce temps, j’appris à connaître Varèse. Sa verve acérée servait son esprit critique. Aucune des personnalités évoquées ne fut épargnée. Que n’ai-je entendu sur tel ou telle ! Cet homme plein de charme, de générosité, d’humour, était aussi un homme plein d’amertume, de sauvagerie et de... tristesse ; la tristesse de ne pas avoir été ou fort peu reconnu de son vivant.
93Il mourut quelques mois après ces beaux moments d’amitié.
94Sa disparition fut saluée dans la presse. On s’interrogea : « Mais qui était Varèse ? »228 ; on affirma : « Edgar Varèse, le terroriste »229 ; on interpella : « Edgar Varèse, cet inconnu ! »230. Derrière ces titres se cachent en fait d’élogieuses réactions, débuts d’une véritable reconnaissance. Celle que Varèse attendait ?
95Jolivet rendit hommage à Varèse231, au « Philosophe du bruit », au « précurseur de la musique concrète », à l’inventeur d’une « nouvelle dynamique rythmique et harmonique », à l’ami232.
96Cette présentation non exhaustive, faite de jalons et de repères, ne se veut qu’un prélude à leur correspondance.
97Paris, 3 septembre 2002
Notes de bas de page
1 André Jolivet est né à Paris le 8 août 1905 et mort à Paris le 20 décembre 1974.
2 Varèse est né à Paris le 22 décembre 1883 (et non 1885 – comme le précise Odile Vivier dans Varèse, Éditions du Seuil, coll. Solfèges, Paris, 1973 : « Sur la foi de son livret militaire, on le croira plus jeune de deux ans jusqu’à la fin de sa vie ») et mort à New York le 6 novembre 1965. L’orthographe Edgard de son prénom est conforme à son extrait de naissance (op. cit., p. 235).
3 Dans : Hilda Jolivet, Varèse, Hachette littérature, coll. Musiciens de notre temps, 1973 ; Olivia Mattis, Edgard Varèse and the Visual Arts, Ph. D. dissertation, Stanford University, UMI diss. 1992 ; The Sources of Jolivet’s musical language and his relationships with Varèse and Messiaen, dissertation for the degree of Doctor of Philosophy by Bridget Conrad, The City University of New York, 1994 ; Laetitia Chassain, André Jolivet : la force de l’intuition. Thèse de musicologie (cycle de perfectionnement du CNSMD de Paris), 1999.
4 Documents en possession de Monsieur Chou Wen-Chung.
5 Il s’acharne avec la même force contre le néo-classicisme, contre Paris... et même, contre les courses de taureaux.
6 Voir Chou Wen-Chung, « Varèse : a sketch of the man and his music », The Musical Quaterly, vol. LII, n° 2, avril 1966, p. 157.
7 Lettre manquante, dont mention est faite dans l’agenda de Jolivet.
8 Tout comme Marcel Duchamp, Francis Picabia, Albert Gleizes, Juliette Roche-Gleizes, Henri-Pierre Roché... Varèse était de cette « génération [...] marquée par la scandaleuse absurdité du conflit de 1914-1918 » et qui s’était éloignée du « théâtre des combats » (Michel Sanouillet, Dada à Paris, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965, réimpression Centre du XXe siècle, 1980, pp. 14 et 26).
9 Hyperprism, dirigé par Eugène Goossens (Louise Varèse, A looking. glass diary, Norton, 1972, p. 216).
10 Louise Varèse, née Mc Cutcheon, est devenue la seconde épouse de Varèse en 1921.
11 Paul Le Flem (1881-1984).
12 Georges Valmier (1885-1937).
13 De cette formation, Varèse a pu écrire, dans une lettre de 1933 à sa femme Louise : « Nobody ever taught me anything except d’Indy and Roussel what not to do » (« Personne ne m’a jamais rien appris, excepté d’Indy et Roussel, ce qu’il ne fallait pas faire ») (dans Louise Varèse, op. cit., p. 270).
14 Y ayant pris la succession de Léon Saint-Réquier, il y a développé un répertoire contemporain et enregistré quelques disques, dont la Damnation de Faust à laquelle il a collaboré avec Piero Coppola.
15 L’Université populaire du Faubourg Saint-Antoine (U.P.F.S.A.) fut créée dans le cadre de la Société nouvelle des Universités populaires (U.P.), elle-même fondée par Georges Deherme (1867-1937, ancien sculpteur sur bois et ouvrier typographe, fondateur de la revue la Coopération des Idées) et Georges Séailles (1852-1922, professeur à la Sorbonne, dreyfusard, membre-fondateur de la Ligue des droits de l’homme). Cette société avait pour aspiration l’accès pour tous à la vie intellectuelle et morale en faisant pénétrer l’instruction supérieure au sein des masses populaires. Son but était de créer une Université Populaire dans chacune des grandes villes de France et d’abord à Paris. Il s’est agi de la première tentative d’envergure d’éducation des adultes. Deherme souhaitait, par analogie avec les Cathédrales du Moyen Âge, que les U.P. deviennent les « Cathédrales de la Démocratie » et G. Séailles, au soir de l’inauguration de l’U.P.F.S.A., déclarait : « Notre ambition est de commencer la Société nouvelle, au lieu de l’attendre ». Cette université comprenait, outre les cours et les conférences, un « musée du soir », une bibliothèque de prêt, une salle de spectacle où tous les dimanches soirs étaient donnés lectures, spectacles et auditions musicales. Le public pouvait dîner avant d’assister aux représentations. Dès 1903, les réunions du dimanche avaient lieu dans la propriété de la Coopération des Idées, le Château du peuple, 4, rue du Champ d’entraînement au Bois de Boulogne. C’est là que Varèse avait organisé une Fête de la musique avec le concours des camarades de la Section de chant choral de l’U.P.F.S.A., le mardi 25 décembre 1906, jour de Noël. Dans sa chronique théâtrale des Cahiers de l’U.P. (n° 2, 1907), le graveur Dubray écrivait : « [...] je veux remercier Edgard Varèse qui, en un mois et demi, a réussi à faire une chorale avec nos camarades [...] acclamés dans L’Hymne à l’universelle humanité de Beethoven ». Louise Varèse, dans son livre, cite un article du Chroniqueur de Paris rapportant la programmation de deux œuvres de Varèse, Colloque au bord de la fontaine et Apothéose de l’Océan au Château du peuple. Par les Cahiers de l’U.P. n° 2, 1907, on apprend que la Section « chant choral » se réunissait les mardis soirs au Faubourg, en même temps qu’avaient lieu les cours de français pour étrangers et que Varèse a mené cette activité d’octobre 1906 au printemps 1907, au moment, en quelque sorte, de son départ pour Berlin. Dans l’article cité plus haut, Dubray mentionnait « le plaisir d’entendre une véritable comédienne, Mlle Bing ». Suzanne Bing, la première femme de Varèse, épousée en 1907, participait, elle, à la troupe théâtrale de l’U.P. (dans : Lucien Mercier, Les Universités populaires (1899-1914), Les Éditions ouvrières, Collection mouvement social, Paris, 1986, et Albert Kownacki, Histoire de douze ans - (1898-1910) Université populaire, Coopération des Idées, 157, faubourg Saint-Antoine, Paris).
16 Avec ce chœur, Varèse a participé notamment à deux des productions du directeur du Deutches Theater de Berlin, Max Reinhardt : Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare et Faust de Goethe, et, en 1908, il a produit Oedipus und die Sphinx de Hugo von Hofmannsthal. Il a aussi dirigé Bach, Bruckner, Liszt (Helga de la Motte et Klaus Angermann, Edgard Varèse 1883-1965, Peter Lang, Frankfurt am Main, 1990) en dehors des maîtres anciens.
17 Dans sa lettre du 20 janvier 1945 (n° 78), Varèse déclare : « Je considère indispensable de continuer, d’intensifier l’existence du chœur et d’en faire un centre de ralliement et d’action - ». Quarante ans après la création de la Chorale populaire du Faubourg Saint-Antoine, ses convictions semblent toujours les mêmes.
18 Perotin, de Lassus, Josquin des Prés, Palestrina, Victoria, Schütz, Monteverdi, Lully, etc..., pour ne citer que ceux-là.
19 Notamment pour le journal Comœdia et sur les ondes radiophoniques.
20 Voir infra.
21 Fondée en 1871 et d’abord présidée par Saint-Saëns.
22 Dans La Vie Musicale (n° 7, juin 1951).
23 Voir Annexes ci-après : Les nouvelles musicales, texte de Jolivet pour l’émission du 15 janvier 1945.
24 Où Varèse habitait alors.
25 Un mot du 28 février 1933, écrit par Louise Varèse sur du papier à en-tête du Café des Deux Magots, le confirme : « Entendu pour samedi. Nous viendrons avec les Vargas à six heures et avec la plus grande joie ! J’écris parce que Varèse est borgne - Bons [sic] amitiés ». Toujours de Louise, non daté : « Nous espérions vous voir arriver au petit café hier soir. Nous sommes libres jeudi et aimerions passer la soirée avec vous. Venez vers sept heures – Nous dînerons ici avec Claude et les Vargas. (...) Varèse a reçu une lettre de Salzedo qui réclame votre Trio ». Alejo Carpentier raconte ces réunions, un peu à « l’américaine » « avec [...] un monde assez Greenwich Village, auquel se mêlaient des personnalités aussi diverses qu’Arthur Honegger, le tout jeune André Jolivet, Arthur Lourié, des cantatrices latino-américaines, ou la Princesse de Polignac » (dans Varèse vivant, Le nouveau commerce, Paris, 1980, p. 18).
26 Heitor Villa-Lobos (1887-1959), compositeur brésilien qui selon le témoignage d’Alejo Carpentier (op. cit., p. 21) « avait fixé les techniques folkloriques des “batucadas” dans plusieurs de ses œuvres (les Chōros, en particulier) ». Son œuvre Amazonas a été jouée au même programme qu’Amériques. Il a fait sa première tournée aux États-Unis en 1944 et Varèse l’y a revu (voir lettre du 20 janvier 1945, n° 77).
27 Arcana, œuvre pour orchestre créée sous la direction de Léopold Stokowsky, d’abord à Philadelphie les 8 et 9 avril 1927 puis le 12 avril au Carnegie Hall à New York. À Paris, elle est donnée le 25 février 1932 avec l’Orchestre symphonique de Paris, Salle Pleyel, sous la direction de Nicolas Slonimsky. Au même programme : Mozart, Cowell, Liszt, Pétridis, de Falla ; soliste : Arthur Rubinstein.
28 Émission radiophonique de Claude Samuel, en hommage à Varèse, Le Magazine de la musique, 9 novembre 1965 (Archives INA).
29 Ionisation, pour 13 percussionnistes, seule œuvre entièrement composée à Paris. Terminée en novembre 1931, elle sera créée à New York le 6 mars 1933 sous la direction de Slonimsky, alors que Varèse est encore en France. Dans ses archives, Jolivet a conservé la tablature de l’œuvre établie de sa main.
30 Fernand Ouellette relate : « En arrivant à Paris (en 1928), Varèse avait l’intention de fonder une école de composition. Mais comme il le dit, il ne s’attend pas à un grand succès. [...] Paul Le Flem lui enverra un jeune musicien qui se nomme André Jolivet. Après lui avoir demandé de faire une version de piano fondée sur Octandre, Varèse l’accepta comme élève » (op. cit., p. 108).
31 Pour souligner l’importance du rythme dans la conception générale de Varèse, Chou Wen-Chung – lui aussi élève de Varèse – témoigne : « Le rythme était pour lui l’élément de stabilité de l’œuvre, générateur de la forme » (dans Chou Wen-Chung, « Open rather than bounded », Perspectives of New Music, n° 5, 1966, p. 2).
32 Dans le deuxième des Douze entretiens radiophoniques d’André Jolivet avec Antoine Goléa, inédits, 1960 (Archives Jolivet).
33 Tambour à corde : traduction de « string-drum », nom donné par Varèse qu’il préférait à « lion roar ». Il introduit cet instrument pour la première fois dans Hyperprism (1923), puis le reprend dans Ionisation (1929-1931). Son tambour à corde a été laissé par Varèse à Jolivet. Il a été récemment déposé au Musée de la musique à Paris.
34 « Varèse did share his musical ideas and procedures with one person in the early 1930s, and that was Jolivet. » dans Bridget Conrad, op. cit., p. 11.
35 Georges Barrère (1876-1944), flûtiste français parti pour les États-Unis en 1905. Il y a été flûte solo du New York Symphony Orchestra et de l’orchestre de Damrosch (voir lettre n° 24, du 14 février 1934). Il a fondé le « Little Symphony Orchestra », avec lequel il donna en 1928 Offrandes de Varèse. Louise Varèse relate qu’avant de jouer l’œuvre, Barrère s’est adressé au public : « You must listen to the music your sons and grandsons will like » [Vous allez écouter la musique qu’aimeront vos enfants et vos petits-enfants] (dans Louise Varèse, op. cit., p. 280). C’est à Barrère, qui jouait une flûte en platine, que Varèse a dédié Density 21,5, qui fut créée en 1936 (voir lettre n° 58 du 18 février 1936).
36 Carlos Salzedo (1885-1961), harpiste, pédagogue et compositeur américain d’origine française. À l’occasion d’un retour à Paris après dix ans d’absence, Arthur Hoérée relate les débuts de la carrière du musicien et son apport à une technique de la harpe entièrement nouvelle (« Carlos Salzedo à Paris » dans la Revue musicale, n° 9, juillet 1923, p. 72). Une relation avec Varèse d’abord décrite comme difficile laissa place à une réelle amitié entre les deux hommes. Varèse lui exposa ses idées sur une société de musique contemporaine auxquelles il adhéra et il devint cofondateur de l’International Composers’ Guild (ICG) (dans Louise Varèse, op. cit., p. 152-153).
37 Horace Britt (1881-1971), violoncelliste belge qui a fait ses études au Conservatoire de Paris. Il a commencé sa carrière aux États-Unis, en 1907, avec l’Orchestre symphonique de Chicago, carrière qu’il a essentiellement consacrée à la musique de chambre (DBM, p. 565).
38 La partition a finalement été renvoyée à Jolivet par Salzedo en mai 1936 (voir lettres des 18 mars et 12 mai 1936, n° 62 et 64). Mais ce trio ne figure pas parmi les œuvres manuscrites existantes de Jolivet.
39 Lettre du 14 octobre 1933, n° 15.
40 Lettre du 14 février 1934, n° 25.
41 Lettre du 19 juin 1934, n° 30.
42 « There are some interesting parallels in the lives of the two men that may have contributed to their relatively friendship. » [Il existe d’intéressants parallèles dans la vie des deux hommes qui peuvent avoir contribué à leur relative amitié] dans Bridget Conrad, op. cit., p. 41.
43 Les deux optèrent pour la musique contre le gré de leur parents.
44 Lettre du 31 mars 1931, n° 1.
45 Lettre du 9 avril 1932, n° 2.
46 Hilda Ghuighui (Alger, 1906-Paris, 1996) est venue en France au début des années vingt pour y faire ses études supérieures. Elle fait ses débuts d’enseignante à Oujda au Maroc, près de son oncle. Puis elle est nommée à Paris, où elle exerce dans le même établissement que Jolivet. Ils font connaissance et se marient le 26 septembre 1933.
47 Lettres des 6 juin et 27 novembre 1933, n° 4 et 17.
48 Voir infra.
49 Aspects de la Musique française contemporaine à travers l’œuvre d’André Jolivet, 1960, inédit (Archives Jolivet).
50 « Ensemble, partis le 29 juillet dernier de Villersexel (Haute-Saône), près de Belfort, ces deux navigateurs – Jacques Mégret et Fernand de Nobele, libraires tous deux à Paris, et membres du Canoë-club de France – ont tout d’abord emprunté l’Ognon, affluent de la Saône, ils ont touché Lyon et descendu le Rhône jusqu’à Arles ; après quelques petits crochets dans l’Ardèche et le Gard, ils ont longé le Petit Rhône jusqu’à Saint-Gilles et après avoir fait escale au Grau-du-Roi à Port-Saint-Louis, Martigues et Marignane, arriveront à Marseille, au bas de la Canebière, cet après-midi, vers 16 heures. Comme on peut s’en rendre compte, c’est sans se hâter que ces deux grands touristes ont effectué leur croisière, mettant à profit des journées entières à visiter les curiosités des pays qu’ils traversaient. » (Extrait de presse, Archives Jolivet). Les deux amis ont tenu un journal de bord conservé par la famille De Nobele. Varèse a aussi entretenu une correspondance avec Fernand De Nobele (1910-1989), mais seules ont été conservées par la famille les lettres écrites entre 1958 et 1961.
Jacques Mégret (1905-1967), ami de Fernand de Nobele avec qui il a fait connaissance lors d’un stage chez Margraff puis chez Clavreuil, le libraire historique. Il a travaillé avec Pierre Bérès, qui a racheté la maison Dorbon, et est devenu lui-même bibliographe (Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au XVIe siècle, spécialiste de Toulouse).
51 Voir supra, note 15.
52 Le mot copains est employé par Louise Varèse pour désigner François Bernouard et Claude Chéreau, qui formaient avec Varèse un joyeux trio. Nés tous les trois sous le signe des Gémeaux, ils s’amusaient à faire ensemble tout ce qui plaît aux natifs de ce signe (dans Louise Varèse, op. cit., pp. 39, 52-54).
Chéreau (1883-1974), peintre apprécié pour ses scènes et paysages de Paris ainsi que pour ses vues ensoleillées du Midi, est aussi venu à l’édition en s’associant à François Bernouard, poète et typographe, pour codiriger La Belle Édition de 1911 à 1914. Ils firent paraître des revues littéraires (Schéhérazade, La Vogue française, Panurge) publiant « les jeunes intellectuels de Saint-Germain-des-Prés », plus tard des « éditions spéciales de très grande qualité typographique d’auteurs comme Barbey d’Aurevilly, Bloy et Jules Renard » et se firent précurseurs en diffusant des livres de peintres en librairie (Le Guidargus de la peinture du XIXe siècle à nos jours, G. Schurr, Les éditions de l’amateur, 1990).
53 Joseph Stella (1879-1946), peintre et sculpteur italien émigré aux États-Unis en 1896. Très ami de Varèse, ils se fréquentent à New York dès le début des années vingt. Il fait un portrait du compositeur à la pointe sèche (reproduit dans Louise Varèse, op. cit., p. 146). En 1921, Stella est l’un des deux artistes – avec Man Ray – choisis par Tzara pour représenter l’Amérique au Salon Dada – Exposition internationale – qui s’est tenu du 6 au 30 juin 1921, à Paris, Galerie Montaigne. Au moment de ce qui peut être considéré comme les « grandes heures du dadaïsme américain, des peintres comme Arthur Dove, Joseph Stella, John Covert... adoptèrent [...] les techniques nouvelles de Duchamp, de Picabia ou de Schamberg » (dans Michel Sanouillet, op. cit., pp. 31, 279). La même année, le peintre est invité à siéger au conseil d’administration de l’International Composers’ Guild. En 1928, Varèse et lui quittent New York ensemble pour Paris. Stella n’est retourné aux États-Unis que dans le courant de l’année 1934 (voir lettre du 1er août 1934, n° 31). Ses lettres écrites entre 1934 et 1936 figurent dans les Archives Jolivet, de même que la brochure « New York » présentant cinq toiles consacrées à la ville et comprenant un texte en hommage à son frère le Dr Antonio Stella et des coupures de presse commentant des expositions du peintre au Washington Palace, 14, rue Magellan ou à la Galerie Jeune Peinture, rue Jacques-Callot à Paris (New York Herald Tribune, European Edition, 28 juin 1931, p. 8).
54 Une ambiguïté demeure : s’agit-il du peintre Alberto Vargas ou de Luis Vargas, graveur ayant illustré Fraternity, un poème de Stephen Spender traduit par Louis Aragon ? Dans aucune de ses lettres, Varèse n’indique les prénoms des Vargas.
55 Dans la correspondance, il n’est pas fait allusion à la fille de Jolivet et de Martine Barbillon, Françoise-Martine, née en 1930.
56 Dans lettres du 28 octobre 1933 et du 17 septembre 1934 (nos 16 et 34), par exemple.
57 Oskar Fried (1871-1941), chef d’orchestre et compositeur allemand qui a séjourné en France au début des années vingt avant de s’installer en U.R.S.S., où il devient citoyen soviétique en 1940. Il a dirigé le Choral et Fugato de Jolivet en U.R.S.S. Dans ses archives, Jolivet a conservé, en dehors des courriers que Fried lui a adressés, trois lettres de Varèse à Fried datées des 21, 27 juin et 27 juillet 1933, de même qu’une carte postale envoyée d’Espagne et cosignée par Pablo Casals, Maurice Eisenberg, Robert et Paldi Gerhard, Joan Prats et Varèse. Dans son agenda, Jolivet a noté plusieurs rendez-vous avec Fried en février et mars 1934, dont certains à l’Ambassade d’U.R.S.S..
58 Voir lettre du 14 février 1934, n° 25.
59 Voir lettre du 12 janvier 1934, n° 22.
60 La date de son départ figure dans l’agenda de Jolivet.
61 Ces concerts ont eu lieu les 15 et 22 avril 1934, voir les lettres nos 25 et 26.
62 Premier ambassadeur des États-Unis en U.R.S.S. dont Varèse, dans sa lettre du 14 février 1934, dit avoir « tout son appui moral » (voir lettre d’Oskar Fried en annexe).
63 Voir lettres des 24 avril, 2 et 19 juin, 9 juillet 1934, nos 26, 28, 30 et 31.
64 Dans lettre du 18 mars 1936, n° 62.
65 Dans lettre du 12 août 1934, n° 32.
66 Ibidem.
67 Dans lettre du 9 décembre 1934, n° 39.
68 « Le Communisme comme on le conçoit en chambre chez nous est bien un accessoire romantique et périmé – et n’a aucune chance de réussite - ni ici - ni ailleurs. C’est pourquoi nos pseudo-révolutionnaires (je parle de France) peuvent s’y cramponner en toute sûreté - Ils peuvent gueuler à tue-tête sûrs de ne jamais avoir à faire face aux responsabilités du pouvoir - Encore une forme d’académisme bien française- » (dans lettre du 12 août 1934, n° 32).
69 Dans lettre du 27 novembre 1933, n° 17.
70 Dans lettre du 19 juin 1934, n° 30.
71 Dans lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
72 Dans lettre du 12 août 1934, n° 32.
73 Dans lettre du 8 août 1935, n° 45.
74 Pierre-Alain Jolivet, né au mois de mai 1935.
75 Lettre du 12 mai 1936, n° 64.
76 Dans lettre du 5 juin 1935, n° 41. Il s’agit du groupe de La Spirale (voir supra, pp. 13 sqq.).
77 « League of Nations in Art », (dans Olivia Mattis, op. cit., p. 184).
78 Où il était en vacances depuis le 31 juillet.
79 Où Varèse leur avait indiqué une adresse, communiquée sans doute par Luigi Russolo qui y résidait alors (Lettre de Varèse à Jolivet du 24 août 1933, voir infra note 141).
80 Lettre du 25 août 1933, n° 7.
81 Lettre du 26 août 1933, n° 8.
82 Lettre du 29 août 1933, n° 10.
83 Lettre du 26 août 1933, n° 8.
84 Pedro Sanjuan (1886-1976) était aussi pédagogue et chef d’orchestre. Il s’était rendu à La Havane en 1926 et était retourné en Espagne en 1932, où il resta jusqu’en 1936. De nouveau à La Havane de 1939 à 1942, il a été ensuite nommé professeur de composition au Converse College de Spartanburg en Caroline du Sud. (DBM, p. 3601).
85 Dans son agenda de 1933, Jolivet avait noté son changement d’adresse à Madrid. Il a conservé deux lettres de Sanjuan, l’une écrite de La Havane (9.6.1932), l’autre de Madrid (20. 3.1933).
86 Le 4 et le 5 septembre 1933.
87 Le 7 et le 8 septembre 1933.
88 Le 6, puis le 9 et le 10 septembre 1933. Son adresse à Madrid figure dans l’agenda de Jolivet : Marques de Urquijo, 45.
89 Note manuscrite de Jolivet (Archives Jolivet).
90 Document conservé à la Bibliothèque Doucet, Paris.
91 Lettre du 25 août 1933, n° 7.
92 Lettre du 29 août 1933, n° 10.
93 Ventura Gassol i Rovira (1894-1980), politicien, poète de langue catalane, auteur de La Nave (1920), La Dolorosa (1928), Poemas (1934) ; il a collaboré à de nombreuses publications éditées à Paris, telles que notamment Presencia Catalana, Heralda de España, Revista de Catalunya, Voz de Madrid ; voir la thèse de Geneviève Dreyfus-Armand, L’Émigration politique espagnole en France au travers de sa presse (1939-1975), 1994. Après avoir abandonné le sacerdoce et occupé des postes dans l’administration, il devient militant au sein de la Joventut Nacionalista de la Lliga puis adhère à Acció Catalana. Exilé en France en 1924, il entre au parti Estat català fondé par F. Macia dont il devient l’un des responsables. En 1931, il occupe les postes de Conseiller pour la Politique intérieure de la Republica Catalana et de Conseiller pour la culture de la Generalitat jusqu’en 1934 puis à nouveau, en 1936. Député de Barcelone et Tarragone, il prend la défense des persécutés. Se sentant menacé de mort, il choisit de s’exiler en France à Saint-Martin-le-Beau où il va participer à des activités culturelles catalanes. Il reviendra en Catalogne en 1977 (dans Historia de Catalunya, CD-ROM réalisé pour La Venguardia et la Generalitat de Catalunya).
94 Francesc Macia (1859-1933). Quand Macia meurt le 25 décembre 1933, il a des funérailles officielles le 27 décembre. Militaire au rang de colonel, il s’était retiré de l’armée pour devenir le leader du nationalisme catalan de gauche. Élu député en 1907, il fonde en 1923 le parti Estat català. En 1925, il fait un voyage à Moscou et en 1927, lors du procès à Paris des conjurés catalans dont il fait partie avec Gassol, condamné, il est écroué à la prison de la Santé. Il est ensuite exilé à Bruxelles et enfin déporté à Montevideo en 1928, puis à Cuba. Il revient en Europe via New York et est autorisé à rentrer en Espagne en 1931. En 1932, il participe aux négociations pour l’autonomie catalane. Haute figure de l’histoire de la Catalogne, son portrait servit d’affiche lors de la campagne électorale en 1936 (dans Manuel Cruells, Francesc Macia, Éditions Brughera).
95 Lettre du 11 janvier 1934, n° 21.
96 Rafael Alberti (1902-1999), poète, auteur dramatique et peintre espagnol. Il débuta comme peintre cubiste puis, influencé par l’œuvre de Luis de Góngora y Argote, il délaissa la peinture pour se tourner vers l’écriture. Il publia des poèmes d’inspiration populaire (Le Marin à terre), baroque, surréaliste (Au-dessus des anges) qui eurent pour thème essentiel la révolte contre tout ce qui s’oppose à l’épanouissement de l’homme. Il adhéra au Parti communiste en 1931, puis fonda la revue Octobre en collaboration avec sa femme, l’écrivain Maria Teresa Léon, en 1934. La même année, Rafael Alberti fut présent au Premier Congrès des écrivains soviétiques à Moscou en août puis vint à Paris. Jolivet l’y rencontra et en fît part à Varèse, qui se souvient « avec plaisir de leurs soirées madrilènes » dans une lettre du 16 décembre 1934. Pascal Ory, dans La Belle Illusion (Plon 1994, p. 218), cite la parution, en 1936, de textes inédits d’Alberti dans la revue Soutes ; c’est l’époque où il prit part au mouvement révolutionnaire contre l’armée franquiste. Contraint à l’exil, il figura parmi les réfugiés espagnols secourus en 1939 par le comité d’accueil créé par la section française de l’Association internationale des écrivains pour la défense de la culture (dans Herbert R. Lottman, La Rive gauche, Éditions du Seuil, 1981, p. 130 et 237). Puis il se réfugia en Argentine, séjourna dans plusieurs pays sud-américains avant de choisir de se fixer à Rome. Il reçut le Prix Lénine en 1966. À son retour en Espagne, il fut élu député communiste de Cadix en 1977 mais abandonna ses fonctions politiques pour se consacrer à son œuvre. Il fut l’un des derniers survivants de la génération 27, ainsi nommée en souvenir du tricentenaire de Góngora (D’après Encyclopédie Hachette/Hachette Multimédia et Historia de Catalunya).
97 Joaquim Torres Garcia (1874-1949), peintre uruguayen de père catalan. À 17 ans, il part pour Barcelone où il complète sa formation à l’École des Beaux-Arts. Très vite, il s’exprime en réalisant de nombreuses peintures murales tant dans des églises que pour l’Exposition internationale de Bruxelles en 1910. Il participe notamment à la restauration du Palais de la Generalitat. En 1920, il vient à Paris, où il rejoint son ami Joan Miró. Puis il va passer quelques mois à New York et s’installe enfin en Italie. À Paris, à partir de 1926, auront lieu pratiquement chaque année, dans des galeries telles que Favre, Carmine, Zak, Jeanne Bucher, Pierre... ainsi qu’au Salon d’automne, des expositions individuelles de ses œuvres. Il participe alors au groupe « Cercle et carré » (1930) avec, entre autres, Piet Mondrian. De 1931 à 1934, il réside à Madrid (95 Ayala, adresse relevée dans l’agenda de Jolivet). En 1934, il retourne vivre à Montevideo, où il développe, en dehors de sa création personnelle, de nombreuses activités autour des arts plastiques (conférences, cours, livres).
98 Georges Ribemont-Dessaignes (1884-1974), peintre, poète, romancier, avait fait aussi de sérieuses études musicales. Il présenta une œuvre musicale pour piano, Le pas de la Chicorée frisée, lors d’une soirée dadaïste en février 1920 (Michel Sanouillet, op. cit., p. 164). Plusieurs lettres de lui ont été conservées par Jolivet : 13.10.1933, 23.12.1936, 9.10.1957, 26.5.1960, 18.9.1963. Il est l’auteur de Marche funèbre, texte mis en musique par Jolivet (dans Romantiques, composé en 1934).
99 Le Corbusier (Charles-Édouard Jeanneret, dit) (1887-1965), célèbre architecte, urbaniste, peintre suisse, naturalisé français en 1930. Il s’était installé à Paris en 1917, où il fit rapidement connaissance, parmi tant d’autres, de Lipschitz, Léger et Varèse. Dans ses notices biographiques, il est souvent fait mention de voyages en Amérique qui lui ont sûrement permis de garder contact avec Varèse. En 1958, Le Corbusier est appelé pour construire le Pavillon Philips pour l’Exposition Universelle de Bruxelles. Il est aussi l’auteur du spectacle qui y est présenté sous le nom de Poème électronique, auquel Varèse collabore pour la partie sonore. Autour de ce projet, il se retrouve avec le compositeur et architecte Iannis Xenakis, Louis Kalff pour les lumières, Jean Petit pour les images. Varèse trouve alors l’occasion de disposer du laboratoire électronique dont il a rêvé toute sa vie.
100 Mis pour Jacques Lipschitz (ou Lipchitz) (Druskieniki, Lituanie, 1891 – Capri, 1973), sculpteur. Il fit ses études à l’École des Beaux-Arts à Paris (1909-1911) ainsi qu’à l’Académie Julian. Quand, persécuté par les nazis, il émigra aux États-Unis en 1941, il connaissait déjà une certaine célébrité. En 1938, Jolivet était encore en relation avec lui (Agendas Jolivet).
101 Fernand Léger (1881-1955), peintre français dont l’œuvre riche et divers répond à l’appel de tous les mouvements artistiques majeurs du XXe siècle : fauvisme, cubisme, futurisme, purisme, surréalisme, néo-classicisme, social-réalisme... Varèse fit sa connaissance avant la Première Guerre mondiale. Louise Varèse raconte qu’alors, dès le début de la guerre, Léger venant d’être gazé, Varèse fit intervenir des amis influents pour le faire sortir des tranchées. Malgré quelques disputes (Léger reprochait à Varèse de faire la cour à sa femme), ils restèrent amis et Léger lui offrit un tableau. Plus tard, lorsque le ménage Varèse vint à Paris en 1924, ils habitèrent l’été un grand atelier où se tenait l’hiver une école dont Léger était l’un des professeurs. C’est là que naquit l’œuvre de Varèse, Intégrales (Louise Varèse, op. cit., pp. 108 et 216).
102 Aucun de leurs noms ne figure, par exemple, dans le dictionnaire biographique MAITRON, et ces renseignements ne se trouvent pas forcément dans les biographies consultées.
103 Déjà jadis, ou Du mouvement dada à l’espace abstrait, collection 10/18, René Julliard, 1958.
104 Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 19.
105 Membre du groupe, Fernand Léger y exposa aussi en 1912.
106 Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 39.
107 En 1920, il expose au Sans pareil. Ce qui fait dire à Michel Sanouillet : « Ribemont n’était peintre que d’aventure, ayant longuement hésité entre les diverses formes d’art sans jamais pouvoir se fixer. [...] lié à Picabia, il lui servait de « gérant » dans la production de sa revue 391 » (op. cit., p. 171-172).
108 Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 71.
109 Il est amusant de souligner que la troisième des manifestations « Dada » à Paris en 1920 a eu lieu à l’Université populaire du Faubourg Saint-Antoine, fréquentée quelques années auparavant par Varèse (voir note 15). Michel Sanouillet (op. cit., p. 158) explique : « Ces jeunes bourgeois [les dadaïstes] étaient irrésistiblement et sentimentalement attirés par les idées politiques de gauche et rêvaient de se voir compris par le peuple ».
110 Ibid, p. 99.
111 Ibid, p. 168.
112 Ibid, p. 173.
113 Ibid, p. 183.
114 Ibid, p. 185.
115 « Anarchiste j’étais, rien ne me disposait à cesser de l’être, mais cette anarchie-là, c’est celle de beaucoup d’intellectuels : rien ne sert de l’invoquer. Politiquement, elle ne mène à rien, on l’a bien vu, en trop d’occasions. » (Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 219.)
116 Ibid, p. 187.
117 Revue publiée par Pierre Lévy, patron des Éditions du Carrefour.
118 Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 212.
119 Avec Roger Gilbert-Lecomte, Roger Vailland et A. Rolland de Réneville, René Daumal (1908-1944) forma un groupe aux préoccupations proches de celles des surréalistes. Ensemble ils fondèrent en 1928 la revue Le Grand Jeu, dont les thèmes de base étaient ceux d’une société secrète, « Les Phrères simplistes », placée sous le signe du « dérèglement des sens ». Ils s’orientèrent plus vers la métaphysique, les religions orientales, l’ésotérisme que vers les problèmes sociaux (dans G. Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 202).
120 Ibid, p. 215.
121 Hilda Jolivet, op. cit., p. 190.
122 Lettre du 14 octobre 1933, n° 15.
123 Il n’y revint qu’en 1950 (voir lettre envoyée, de Darmstadt, du 1er août 1950, n° 96).
124 Ce profond refus est exprimé dès 1921, dans la dernière phrase du manifeste de l’International Composers’ Guild (ICG) : « The ICG disapproves of all ’isms’... » (« L’ICG réprouve tous les “ismes”... », dans Louise Varèse, op. cit., pp. 166-167). Par ailleurs, Varèse avait signé le manifeste Dada, Dada soulève tout, daté du 12 janvier 1921, dont le thème était que « Face à toutes les écoles dites modernes (Cubisme, Expressionnisme, Simultanéisme, Futurisme, Unanimisme, néo-classicisme, Paroxysme...) et dont le seul dénominateur commun était le souci de créer de nouvelles formes d’art, se dressait Dada... » (dans Michel Sanouillet, op. cit., p. 235).
125 Lettre du 19 juin 1934, n° 30.
126 Voir lettre du 19 juillet 1935, n° 42.
127 C’est le cas d’Octandre, voir lettre du 26 décembre 1935, n° 54.
128 Lettre du 20 juillet 1936, n° 69.
129 Voir lettre du 20 janvier 1945, n° 77.
130 Émission citée note 28.
131 H.-M. Barzun (1881-1973) a connu Varèse avant la guerre de 1914. Ce poète avait été reconnu par Apollinaire comme le père de la Poésie simultanée tenant du Simultanisme et de l’Orphisme. Il avait, comme membre-fondateur, fourni les fonds nécessaires à la création de l’Abbaye de Créteil, cette coopérative d’écrivains et d’artistes établie à la fin de 1906, avec Charles Vildrac, Georges Duhamel, Albert Gleizes, René Arcos et Albert Doyen. Il émigra aux États-Unis où il vécut en enseignant. Varèse le retrouva l’été 1927 sur la Côte d’Azur, où il était lui-même venu passer l’été.
132 Lettre de Jolivet à Barzun, Columbia University Libraries, Special Manuscript Collection, H.-M. Barzun, citée dans Bridget Conrad, op. cit., pp. 39 et 40.
133 Voir lettre du 13 décembre 1933, n° 19.
134 Voir lettre du 12 août 1934, n° 32.
135 Voir lettre du 11 octobre 1934, n° 36.
136 Voir lettre du 2 février 1934, n° 24.
137 Voir lettre du 19 juillet 1935, n° 42.
138 Voir lettre du 29 août 1936, n° 71.
139 Voir lettre du 20 janvier 1945, n° 77.
140 Voir lettre du 27 novembre 1933, n° 17.
141 Dans Hugues Dufourt, « Varèse et l’art moderne : Pour une critique socio politique de la culture du XXe siècle », Critique, 467, Paris, 1986, p. 332.
142 Déclaration de Varèse au Christian Science Monitor, en 1922, rapportée par Chou Wen-Chung, dans « Varèse : a sketch of the man and his music », op. cit., p. 165.
143 Citation extraite de l’ouvrage de Busoni, Entwurf einer neuen Ästhetik der Tonkunst, traduction française : L’Esthétique musicale, Paris, Minerve, 1990).
144 Voir Hilda Jolivet, op. cit., p. 30.
145 « Varèse [était devenu] l’un des membres de notre bande de la Belle Édition, dirigée par François Bernouard (voir supra, note 52) qui comprenait [...] René Bertrand, inventeur d’un instrument électronique ». (Témoignage de Claude Chéreau dans Louise Varèse, op. cit., p. 53).
146 Lettre du 5 juin 1935, n° 41.
147 Voir op. cit. édition française, pp. 53 sqq.
148 « He shared Marinetti’s enthousiasm for the mechanical modern world but not his desire to imitate it » (dans Louise Varèse, op. cit., p. 106).
149 S’exprimant dans la revue 391 de Francis Picabia à laquelle il a participé.
150 Luigi Russolo (1885-1947), inventeur, peintre, compositeur futuriste italien. En 1913, il publie son manifeste futuriste L’Art du bruit, qui exprime la prise en compte du bruit comme source possible d’œuvre d’art. Varèse, dans la revue 391 de Picabia, s’oppose à cette conception car ce n’est pas « le bruit qui le passionne, mais le bruit se transmutant en son, le bruit devenant beau [...]. Varèse fut ami de l’homme mais il n’acceptait pas le « “bruitiste” » (dans Fernand Ouellette, op. cit., p. 48). Il s’intéresse cependant beaucoup au « russolophone », instrument générateur de bruit construit en 1929. Varèse et Russolo sont en 1933 en même temps en Espagne : Russolo est en séjour à Tarragone et ils s’écrivent (voir lettre du 24 août 1933, n° 6). Plus tard, la musique machiniste présentera moins d’intérêt pour Russolo qui se tourne vers la peinture et la philosophie (DBM, p. 3550).
151 Affiche de la manifestation dans Helga de la Motte et Klaus Angermann, Edgard Varèse 1883-1965, Peter Lang, Frankfurt am Main, 1990, p. 57.
152 Cette conversation sténographiée est reproduite dans Bifur, n° 5, Éditions du Carrefour, Paris, 1930, p. 121 à 129, revue dont Ribemont-Dessaignes a été rédacteur en chef (voir supra note 117).
153 Dans son ouvrage, Fernand Ouellette écrit : « En 1927, Varèse décide de changer d’ambiance, d’aller se rendre compte lui-même des recherches que Bertrand et Martenot font à Paris » (op. cit., pp. 106-107).
154 Léon Thérémin, (né Lev Termen, 1896-1993) a été à la fois diplômé de l’École technique d’électricité et de l’Université des Sciences de Saint-Pétersbourg et il a étudié le violoncelle au Conservatoire de la même ville. Lors des événements d’octobre 1917, l’officier-ingénieur radio du tsar est passé du côté des bolcheviks puis a commencé des recherches à la station radio de l’Armée rouge. En 1918, il a déjà construit le premier prototype de son instrument : l’aéthérophone (un instrument qui permettrait de créer des sons autrement que de façon mécanique) dont la démonstration devant Lénine eut lieu en 1920 (1922, déclarent certains). Très vite, des œuvres pour instrument « Theremin » et orchestre furent écrites. Les succès remportés et la notoriété de l’inventeur lui permirent alors d’obtenir l’autorisation de voyager à l’étranger. Après avoir présenté ses instruments en Allemagne et en France, il s’est embarqué pour les États-Unis, où il est resté une dizaine d’années. Années pendant lesquelles, après avoir déposé un brevet pour le thereminovox, il a mis au point une nouvelle invention, le rythmicon, élaboré avec le compositeur Henry Cowell ; il a fondé un laboratoire d’acoustique à New York et collaboré à des expériences menées par Leopold Stokowsky pour « renforcer les basses ». Nicolas Slonimsky (dans Perfect Pitch, Oxfordk, Oxford University Press, 1988, p. 151) relate qu’un jour de 1938, Theremin a simplement disparu. La rumeur voulait qu’il fût retourné à Moscou où il avait été tué, accusé d’être un espion allemand. Thérémin a lui-même confié, lors du Festival de musique électronique de Stockholm en octobre 1990, avoir passé après son retour en U.R.S.S. huit ans dans des camps de travail près de Kolyma puis d’Omsk et enfin près de Moscou. Là, il a été placé dans un centre spécial pour scientifiques où il a travaillé dans le domaine de l’acoustique, d’abord comme prisonnier puis comme civil, jusqu’en 1964. Ensuite, il a exercé deux ans au Conservatoire de Moscou dans le Département de recherche acoustique et d’enregistrement puis il a poursuivi ses recherches sur l’analyse de la voix à l’Université de Moscou (dans Stephen Montague, « Rediscovering Leon Theremin », Tempo (A quaterly review of Modern music) n° 177, juin 1991, pp. 18 sqq. et dans Olivia Mattis, « Entretien inédit avec Lev Termen », dans La Revue musicale, n° 421 à 424, 1991, p. 205).
155 Ultérieurement, dans la partition éditée, les deux thereminovox ont été remplacés par deux ondes Martenot.
156 Louise Varèse, op. cit.
157 Varèse a passé l’été 1927 en France (voir infra).
158 Elle a eu lieu au Metropolitan Opera de New York, le 31 janvier 1928. Varèse était à New York.
159 Dans Olivia Mattis, op. cit., p. 207.
160 Dans lettre du 14 octobre 1933, n° 15.
161 Mais la lettre est revenue. Olivia Mattis semble avoir pu la consulter dans les documents de Louise Varèse (et a pu la reproduire ?).
162 « With René Bertrand, to pursue work on an instrument for the producing of new sounds. To inspect other new inventions in certain laboratories in order to discover if any of them could serve my new sound conceptions. To submit to the technicians of different organizations my ideas in regard to the contribution which music – mine at least – looks from science, and to prove to them the necessity of closer collaboration between composer and scientist » (dans Chou Wen-Chung, « Varèse : a sketch of the man and his music », op. cit., p. 165).
163 Dans Hugues Dufourt, op. cit., p. 332.
164 Alejo Carpentier, Varèse vivant, op. cit., pp. 124-25.
165 Dans lettre du 12 janvier 1934, n° 22.
166 Dans lettre des 13 et 14 décembre 1933, n° 19.
167 Dans lettre du 17 septembre 1934, n° 34.
168 Ainsi de Florent Schmitt – qu’il peut avoir salué pour son antisémitisme (dans lettre des 13 et 14 décembre 1933, n° 19) mais dont plus tard il s’est moqué parce que membre de l’Institut : « Membre de Rince – tutu », dans la lettre du 8 novembre 1936, n° 36 ou de ceux à qui il a refusé le ruban de la Légion d’honneur, dans la lettre du 19 décembre 1936, n° 75.
169 Dans lettre du 19 décembre 1936, n° 75.
170 Varèse a terminé cette lettre le 16 octobre (date signalée en quatrième page) et a alors envoyé quatre articles parus dans Musical Courier des 23 septembre et 14 octobre, dans le New York Herald Tribune du 8 octobre ainsi que dans The Christian Science Monitor du 16 octobre (Archives Jolivet).
171 Vocabulaire argotique qui était plutôt étranger à Guighy !
172 « But a deaf ear was turned to him everywhere. He could only make some very modest experiments with phonographs turntables by using motors of different speeds... », (dans Chou Wen-Chung, op. cit., p. 165).
173 Entre 1937 et 1940.
174 Dans Chou Wen-Chung, op. cit., p. 166.
175 Un modèle Ampex 401 A (dans Chou Wen-Chung, ibidem).
176 Déserts, pour instruments à vent, percussion et 3 interpolations de son électronique, créés le 2 décembre 1954 sous la direction de Hermann Scherchen, au théâtre des Champs-Elysées à Paris.
177 Comme le souligne Chou Wen-Chung dans « Varèse : a sketch of the man and his music », op. cit., p. 166.
178 « I don’t want to die without a laboratory ! » (dans Chou Wen-Chung, op. cit., p. 167).
179 Lettre n° 53.
180 Alejo Carpentier, Fernand Ouellette, Odile Vivier.
181 Varèse est un bon vivant : « beuveries et ripailles » l’intéressent et l’amusent (lettre du 18 mars 1936, n° 62), sans compter les nombreuses allusions faites aux vins français et à leurs mérites respectifs. Mais cela ne va pas sans certains ennuis de santé malgré lesquels il se déclarait être en bonne forme. Il est allé jusqu’à expliquer qu’il a tenu le coup pendant les années 1934 et 1935 – qu’il a considérées comme de sales années – grâce à sa bonne forme « spirituellement et physiquement » (lettres des 9 juillet 1934, 13 août 1935, 18 février 1936 et 29 août 1936, n° 31, 43, 58 et 71).
182 Dans lettre du 18 mars 1936, n° 62. Le concert français est celui que Varèse organisa le 17 février 1936.
183 Souffrait-il aussi de se savoir des ennemis ? Il avait en tout cas conscience d’en avoir, puisqu’il n’a pas manqué de raconter que l’un des Indiens rencontrés au Nouveau-Mexique « lui [avait] prédit qu’ils [allaient] disparaître » (lettre du 24 novembre 1936, n° 73).
184 Voir Fernand Ouellette, op. cit., p. 155.
185 « Le jeune chef léonin » (the lionized joung maestro) avait acquis une réelle notoriété en dirigeant la première de la version de concert du Martyre de Saint-Sébastien le 4 janvier 1914 à la tête de la Philharmonie tchèque à Prague et aussi le Requiem de Berlioz le 1er avril 1917 dans l’Hippodrome de New York (voir Chou Wen-Chung, op. cit., p. 153).
186 Concerts donnés au Carnegie Hall, les 11 et 12 avril 1919 par un orchestre qui avait été fondé pour Varèse dans le but d’introduire la musique vivante (voir Chou Wen-Chung, op. cit., p. 153).
187 Des œuvres de C. Griffes, C.M. Loeffer, Sibelius, Ε. Whithorne ; Busoni, Roussel, Ravel, Satie, Tommasini devaient être jouées (dans Louise Varèse, op. cit., p. 140).
188 Le 31 mai 1921.
189 Publié dans Louise Varèse, op. cit., pp. 166-167 ; traduction française dans Fernand Ouellette, op. cit., pp. 75-76.
190 « New ears for new music and new music for new ears » (dans Louise Varèse, op. cit., pp. 205 sqq).
191 Parmi lesquels : Bartók, Berg, Chávez, Cowell, Hindemith, Honegger, Kodály, Malipiero, Milhaud, McPhee, Poulenc, Satie, Schmitt, Schoenberg, Stravinsky, Webern, etc. pour ne citer que ceux-là (dans Chou Wen-Chung, op. cit., p. 154).
192 Cette section ne vécut pas longtemps et fut supplantée par la toute nouvelle SIMC – Société Internationale de Musique Contemporaine – fondée par Edward Dent et Adolf Weismann le 11 août 1922 à Salzbourg. En 1923, la SIMC comptait déjà quatorze nouvelles sections (dans Louise Varèse, op. cit., p. 181).
193 Bien qu’en 1925 il se fût juré de ne plus jamais le faire (dans Louise Varèse, op. cit., p. 279).
194 Laissant la charge de l’entreprise à Henry Cowell, Nicolas Slonimsky et Charles Ives (dans Louise Varèse, op. cit., p. 279).
195 Pour preuve, ce détail trivial : il utilisait le papier à lettre à en-tête de l’IEC (comme il le faisait de celui de la PAAC, voir lettres n° 17, 21, 25, 30, 31, 34).
196 Lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
197 Jolivet a envoyé la partition à Salzedo le 16 décembre suivant.
198 Voir lettre n° 27.
199 Et Varèse ajoutait : « mais ne peux et ne veux fixer de date - car je tiens à ce qu’elles soient présentées dans les conditions idéales - et je ne voudrais rater l’occasion lorsqu’elle se présentera - faute de matériel - Faites donc un effort pour vous en recopier un pour les besoins de là-bas. » (lettre n° 47).
200 Voir programme reproduit, ici même.
201 Nestor Lejeune, professeur de violon à la Schola cantorum et professeur de la classe d’orchestre de 1926 à 1932, Jean-Claire Vançon, (La Spirale (1935-1937), « Un nouveau groupement fondé sous l’égide de la Schola », Mémoire d’Histoire de la Musique, CNSMD de Paris, 2001-2002.
202 Georges Migot (1891-1976), compositeur français. Dans certaines de ses lettres à Jolivet, il est question de Varèse. Par exemple, le 5 juillet 1935, il écrivait : « Merci pour votre mot. Je vais écrire à Varèse, et répondre aux questions posées par lui » ou le 1er mars 1936 : « ... ce mot en hâte, et vous revoir au concert américain » et non datée : « Quand aurait lieu un prochain concert ? Ceci parce que j’ai musiques d’un groupe américain ». De nombreuses autres lettres concernent les concerts de La Spirale (Archives Jolivet).
203 Lettres des 5 juin, 13 août et 13 novembre 1935 (n° 41, 43 et 47).
204 Nationale mis pour Société Nationale de musique.
205 Dans le troisième des Douze entretiens radiophoniques d’André Jolivet avec Antoine Goléa, inédits, 1960 (Archives Jolivet).
206 Douze entretiens, ibid.
207 Les programmes de douze concerts avaient été établis mais le dixième, celui consacré aux femmes compositeurs, n’a pu être monté.
208 Un conseil d’orchestration : « Tuba au lieu de clarinette basse ; double emploi piano et harpe. Méfiez-vous de la monotonie » (dans lettre du 15 novembre 1934, n° 38).
209 Dans lettre du 18 mars 1936, n° 62.
210 Dans lettre du 4 avril 1936, n° 63.
211 Dans Louise Varèse, op. cit., p. 260.
212 Alejo Carpentier, op. cit., pp. 9 sqq.
213 Odile Vivier, Varèse, collection Solfèges, Éditions du Seuil, 1973, pp. 87-88.
214 Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Gallimard, collection Folio Essais, 1964, p. 137. Texte paru dans la Nouvelle Revue Française (n° 229, 1er octobre 1932).
215 Odile Vivier, op. cit., pp. 87-88.
216 Notamment dans sa lettre du 17 septembre 1934 : « Si vous voyez Artaud - priez-le de m’envoyer de suite - le scénario qu’il a de moi. J’en ai besoin pour quelques jours « URGENT » - pour mise au point. Je renverrai ensuite -
Mais pour l’amour de Dieu qu’il envoie - ou vous - recommandé - C’est le seul. »
217 Dans agenda 1934 de Jolivet.
218 Lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
219 Dans lettres du 14 octobre et du 27 novembre 1933, n° 15 et 17.
220 Dans lettre du 13-14 décembre 1933, n° 19.
221 Dans lettre du 13-14 décembre 1933, n° 19.
222 Dans lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
223 Dans lettre du 20 juillet 1936, n° 69.
224 Milhaud, Messiaen, Ginette et Maurice Martenot, Charles Münch, Fred Goldbeck, Yvonne Lefébure, Raymond Creuze, Virgil Thomson...
225 Lettres du 10 juin 1952, n° 98.
226 Lettre du 6 janvier 1953, n° 99.
227 « Pschitt ! » est la formule appliquée à l’eau Perrier lors d’un lancement publicitaire de l’époque.
228 Claude Rostand, Le Figaro littéraire, 18 novembre 1965, p. 19.
229 Sous ce titre, Maurice Fleuret réunit « quatre témoignages pris aux quatre points cardinaux de la pensée musicale française » du moment, ceux de Pierre Schaeffer, Iannis Xenakis, Pierre Boulez et André Jolivet (Le Nouvel Observateur, n° 53, 17 au 23 novembre 1965, pp. 38-39).
230 Hamon, Combat, 12 novembre 1965.
231 Il lui dédia une œuvre écrite en 1968 pour six percussionnistes, Cérémonial, qu’il décrit comme « un énorme et fervent processionnel à la mémoire de Varèse » (Archives Jolivet).
232 Le Nouvel Observateur, ibid ; « Varèse avec nous », Diapason, décembre 1965, p. 9 ; « Philosophe du bruit et précurseur de la musique concrète, Edgar Varèse », Sud-Ouest Dimanche, Bordeaux, 14 novembre 1965. Voir les Annexes ci-après.
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