Entretien avec Georges Aperghis
p. 96-103
Texte intégral
1Votre musique semble n’avoir jamais été marquée par le mouvement sériel : quelle est votre position à ce sujet ?
2Georges Aperghis : Je me suis essayé au sérialisme pour voir comment cela fonctionnait. Ce qui m’intéressait le plus, c’était la manière dont le système produisait des aléas, qui ne permettent pas un contrôle immédiat sur la totalité de l’œuvre. Mais j’ai assez vite pensé que je pouvais arriver au même résultat avec des moyens qui m’étaient propres. En réalité, il y a peu de choses qui ne soient pas régies par la loi des séries. A partir du moment où vous créez un lien entre des éléments, une série se constitue, qu’il s’agisse d’un texte, d’une peinture, ou d’une œuvre de musique ! Ce n’est donc pas la série en tant que telle qui ne m’intéressait pas, mais une manière de la traiter qui produisait une musique trop prévisible. Je ne l’ai pas utilisée à cause de cela. Ce qui me paraît plus intéressant, c’est de fabriquer mes propres systèmes, avec la musique qui en découle. C’est aussi plus gratifiant.
3- Lorsque vous parlez de “fabriquer vos propres systèmes”, est-ce en fonction d’une image musicale précise, ou afin de découvrir une musique inouïe ?
4Georges Aperghis : C’est très compliqué. J’aime avant tout être surpris. Donc, pour moi, fabriquer un système, c’est créer, à partir d’éléments connus, une combinatoire produisant des résultats inattendus. Ils sont inattendus par rapport à ce que l’on a dans la tête, bien entendu. Il ne s’agit pas d’un système général, ce que je n’aime pas beaucoup, mais d’un système particulier à chaque pièce, et qui demeure caché.
5- Ce matériau déjà existant, ce sont des éléments d’écriture, des gestes, des caractéristiques de style... ?
6Georges Aperghis : J’essaie de retrouver la même immédiateté physique qui existe dans la plupart des musiques, et qui a été quelque peu perdue à cause de l’éclatement du début de ce siècle. Dans la musique “éclatée”, ou “abstraite”, comme je l’appelle, les événements qui surviennent dans le temps et dans l’espace sont comme distribués par une autorité supérieure - qui est souvent, d’ailleurs, une sorte de hasard contrôlé. Nous sommes face à un écran envahi par des sortes d’“accidents”. Or la musique que j’essaie d’inventer ne vient pas d’en-haut, elle ne nous tombe pas dessus, mais elle est créée par l’instrumentiste. Ce que je cherche, c’est une musique qui sorte du corps, où l’on retrouve cet état physique entre le corps de l’instrumentiste et le corps musical. Cela peut devenir théâtral ou non.
7- Précisément, est-ce cette conception qui vous a amené à l’idée du théâtre musical, ou est-ce le contraire ?
8Georges Aperghis : Je dirai que pour effectuer cette rupture par rapport à ce que j’appelle la musique “abstraite”, le théâtre m’a beaucoup aidé, notamment parce qu’il met en valeur le corps humain.
9- Ce qui voudrait dire aussi que vos références étaient très différentes de celles des compositeurs sériels par exemple ?
10Georges Aperghis : Non, c’est la même tradition, mais avec un point de vue différent. Je dois tout de même préciser que j’ai une grande admiration pour la musique que j’appelle “abstraite”, même si je suis incapable d’en faire moi-même. Il fallait passer par là. Personnellement, je veux revenir à l’homme. Ce n’est pas la résurgence de la vieille opposition entre le corps et l’intellect : l’intellectualisme peut exister dans une pièce complètement physique, comme, par exemple, la Hammerklavier de Beethoven. Pour moi, Webern représente l’extrême limite d’une musique dont on peut entendre qu’elle est faite par des hommes.
11- Est-ce qu’il n’y a pas, dans cette idée de système général, ou, comme vous dites, de musique “abstraite”, un aspect mystique et spiritualiste auquel vous opposeriez une musique plus charnelle ?
12Georges Aperghis : Au contraire, les pièces qui m’intéressent le plus sont les pièces mystiques. C’est pour cela que j’aime beaucoup Webern ! En réalité, je me sens très proche du mysticisme. Ce dont je me sens éloigné, ce sont des œuvres où n’existent plus que des structures dans l’espace et dans le temps, et pour lesquelles je ne parviens pas à imaginer un corps humain. Lorsque j’écoute les Klavierstücke de Stockhausen ou les Structures de Boulez, j’en comprends le projet, mais cela ne correspond pas à ma façon de sentir. En revanche, je suis comblé devant des peintures abstraites de Rothko par exemple.
13- Comment le corps intervient-il au niveau de la composition ?
14Georges Aperghis : Plutôt que d’événements produits par une volonté ou par le maniement de structures, la composition est le résultat d’une lutte entre ces structures et d’un certain comportement de l’interprète sur scène. Et le premier interprète, c’est moi, parce que je n’admets pas le carcan du système, je lutte contre lui. J’ai besoin que les structures soient en rapport direct avec le corps humain, que cela aboutisse à un accord ou à un conflit. Sinon, elles ne m’intéressent pas. C’est ce que je retrouve chez Beethoven. J’aime ce qui est fragile, ce qui tient à presque rien. Et il en va de même vis-à-vis du matériau : je ne vois plus la nécessité, que nous avons tous ressentie autrefois, de taper sur un violon ou de jouer dans les cordes du piano. Je crois qu’il faut travailler avec le matériau tel qu’il est, car c’est justement ce qui crée des problèmes et des tensions.
15- Est-ce une critique de certaines démarches propres aux années soixante ?
16Georges Aperghis : Non, cela s’est fait, et c’est très bien ainsi !
17- Pour vous, il n’est pas nécessaire de renouveler le matériau...
18Georges Aperghis : Non. Pour moi, le plus grand problème serait la structure des orchestres, leur hiérarchie, leur organisation des timbres. C’est comme si l’on devait peindre aujourd’hui avec la même palette que celle de David ! Mais les instruments sont encore riches de possibilités, soit seuls, soit combinés entre eux. Je ne crois pas que l’on manque de sources sonores, et je n’en cherche pas de nouvelles : je m’impose plutôt de travailler avec celles qui existent, de trouver comment faire de la musique avec.
19- Par exemple, un trio de percussion et un quatuor à cordes...
20Georges Aperghis : Oui, c’est moi qui ai voulu cette combinaison peu conventionnelle ! Il y a là deux traditions qui se font face : j’avais la volonté d’en faire une espèce d’orchestre de nulle part, et cela m’intéressait de voir quelles possibilités d’union ou de conflits il en naîtrait. Je ne sais pas si la pièce sera bonne, mais je pense que c’est une bonne idée : les différences de comportement entre chaque groupe sont très intéressantes !
21- Dans une pièce comme celle-là, vous commencez par répertorier l’ensemble des possibilités sonores des instruments, de leurs modes de jeu ?
22Georges Aperghis : Plus maintenant ; je faisais cela auparavant. Je demande aux interprètes, selon mes besoins, ce qui est possible ou non. Il y a des problèmes que l’on ne rencontre pas lorsqu’on travaille avec des données abstraites, mais qui apparaissent avec des données physiques : par exemple, le fait que les sons soient forte ou piano, ou qu’ils tombent tous ensemble d’une certaine manière, exige qu’ils apparaissent dans un processus de dramatisation. Lorsque les événements ne sont plus régis par un cadre abstrait, ou par le hasard, mais lorsqu’on sent un corps qui respire et qui vit, il y a une dramatisation. Mon souci est que ce ne soit pas celle du dix-neuvième siècle ! C’est la même situation que dans le théâtre : la dramaturgie d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de l’époque romantique...
23- Votre travail dans le domaine du théâtre est-il sur ce point une source d’inspiration, de stimulation ?
24Georges Aperghis : Ce qui m’intéresse, c’est de voir dans les pièces du répertoire, ou les pièces nouvelles, les archétypes qui font le drame. Il existe des archétypes qui permettent de créer des conflits à l’infini - et je suis très intéressé de voir comment cela fonctionne. Par exemple, l’archétype de l’Orestie se retrouve plus tard dans Hamlet, puis dans La Mouette... Pourquoi dramatiser ? Faut-il exagérer, jouer avec le texte ou contre lui ? Je vois toujours ma musique comme quelqu’un qui vit et qui respire ; je me dis : il pourrait aller par là, ou par ici. C’est un parcours, c’est un voyage, qui joue beaucoup sur la mémoire : on reconnaît des choses que l’on a entendues, et qui ensuite se transforment...
25- Quelle est la relation entre vos musiques de scène et vos œuvres de “musique pure” ?
26Georges Aperghis : Les musiques de scène constituent des petits travaux qui permettent de souligner certains éléments dramaturgiques dans une pièce.
27- Est-ce qu’ils forment des études pour ce qui pourrait devenir un nouvel opéra ?
28Georges Aperghis : L’opéra pose des problèmes pratiques et techniques énormes, liés notamment aux types de voix exigées, des voix capables de remplir un espace de 2000 places. Toutes les voix m’intéresssent, mais justement, pas uniquement celles-la. Ensuite, l’orchestre et les salles elles-mêmes posent problème : cela ne nous appartient pas, puisque c’est lié au répertoire, au passé. Il faudrait imaginer des salles moins colossales. Ce sont ces éléments-là qui sont problématiques, et non pas l’écriture proprement dite, qui demeure très intéressante. Je pense que l’on pourrait les résoudre par le film : le micro donne en effet des chances égales à des voix travaillées ou non travaillées, parlées ou chantées, utilisant des types d’émissions diverses, ainsi qu’à de nouvelles combinatoires instrumentales... Nous avons fait un film avec Enumérations qui me semble une voie intéressante pour ce que j’ai envie de réaliser maintenant. Je vois beaucoup de possibilités dans le fait d’écrire directement pour le film, avec les protagonistes dont j’ai besoin, sans structure préalable.
29- Le théâtre musical n’est-il plus, à vos yeux, une alternative valable à l’opéra ?
30Georges Aperghis : Tant que le théâtre musical se présente comme une alternative à l’opéra, cela n’a pas beaucoup de sens, parce que c’est un opéra avec moins de moyens. Ce qui est intéressant, c’est le théâtre musical en tant que genre nouveau. Si l’on utilise une seule personne, cela ne doit pas provenir d’un manque d’argent, mais de la nécessité du spectacle. Le théâtre musical ne doit pas être un opéra de poche : il doit être basé sur un système autre.
31- Cette forme n’est-elle pas aujourd’hui dans une impasse ?
32Georges Aperghis : Non, je ne crois pas. Personnellement, j’ai très envie d’y travailler encore.
33- Quelles sont les œuvres, ou les démarches, qui vous paraissent intéressantes en ce sens ?
34Georges Aperghis : Je ne sais pas, car je ne vois rien, je vais nulle part, ni au concert, ni au cinéma, ni au théâtre. Je suis très égocentrique ! Lorsque je travaille, le fait de voir des spectacles me perturbe : cela me prend du temps pour y penser. L’important, pour moi, est que la dramaturgie soit musicale, qu’elle provienne de la musique et non du texte. C’est la partition musicale qui doit faire naître les images, les situations, le jeu des acteurs. En ce sens, cela n’a rien à voir avec l’opéra, qui est basé sur un texte préalable, des situations dramatiques, etc. Ce qui m’intéresse, c’est de voir jusqu’où la musique peut organiser un ensemble d’éléments divers.
35- Si vous jetez un regard rétrospectif sur votre évolution, avez-vous l’impression d’une ligne continue, ou de mutations, de changements de direction ?
36Georges Aperghis : Je trouve surtout que mon évolution est d’une très grande lenteur. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre certaines choses, car je suis très empirique : je ne crois pas à ce que l’on me dit. Lorsqu’on me démontre quelque chose d’un point de vue théorique, je n’entends rien. Et dix ans plus tard, je fais le même constat, mais par mon propre travail. Par exemple, en ce qui concerne le théâtre musical, je n’ai pas encore suffisamment de connaissances pour pouvoir écrire chez moi, et donner les partitions aux musiciens. Je dois travailler d’une façon empirique, sur place. En plus, je ne suis jamais sûr de rien. J’ai toujours peur de m’être trompé sur toute la ligne, que toutes mes idées, mes réalisations, soient basées sur une équation, et que cette équation soit fausse. Mon cauchemar, c’est de construire une fusée Ariane, avec toute la technologie nécessaire, mais sur une donnée de base qui est fausse.
37- Quelle est cette donnée de base dans la composition ?
38Georges Aperghis : C’est difficile à dire : un amas d’idées, de savoirs, de désirs, que je ne pourrais pas définir. C’est d’ailleurs pour cela que j’écris de la musique ! Je les vis en écrivant. Et je suis très heureux lorsque j’écris - ce qui est préférable, car j’écris toute la journée !
39- Comment se déroule justement ce travail d’écriture ?
40Georges Aperghis : Je fais des plans, qui s’avèrent tout de suite caducs ; donc j’en fais d’autres, j’aligne des idées, je reviens en arrière... Très souvent, je recommence tout deux ou trois fois pour arriver vraiment où je veux. C’est difficile à exprimer, car ce sont des choses indiscernables, c’est le contraire d’une affirmation : il s’agit de pousser les marges de deux ou trois idées antagonistes pour voir jusqu’à quel point leur friction est intéressante. C’est pour cela qu’il est difficile de définir le travail de composition. Par exemple, le mélange d’un quatuor à cordes avec un trio de percussions plus ou moins folklorisant, jouant des instruments venant du monde entier, chantant, hurlant, doit créer une friction : sinon, j’ai perdu mon temps. Je veux entendre cette friction, et non pas une jolie pièce de musique de chambre.
41- Pourquoi cette pensée très empirique ne vous a-t-elle jamais poussé vers le domaine électro-acoustique ?
42Georges Aperghis : Je ne peux pas supporter les sons électroniques ou les sons synthétiques : c’est une réaction physique. Je ne leur accorde aucun crédit, comme s’ils n’existaient pas. En réalité, je pense que l’on doit être capable de tout faire avec une boîte d’allumettes. Si l’on me dit : voilà une machine avec laquelle tout est possible, je préfère aller planter des choux. Ce que j’aime se situe entre la tromperie et la vérité, ce sont des choses de la vie, faites avec rien. Lorsque j’écoute un son électronique, je me dis : bon, pourquoi pas un autre ? Je n’arrive pas à prendre ces sons-là en compte. Et comme je déteste la science-fiction, je ne peux guère les relier à cet imaginaire-là. D’autre part, il faudrait que l’appareillage soit aussi simple à manipuler qu’une flûte de pan, ou que je puisse travailler sur des matériaux de récupération, sur des matériaux qui ont servi à autre chose. Il faut être capable d’étonner les gens avec une boîte d’allumettes. Si l’on a quarante consoles et que l’on ne peut pas créer une seconde d’émotion, c’est que l’on n’est pas un artiste. C’est la loi du théâtre ambulant, de l’accordéoniste du coin. Après tout, nous sommes là pour émouvoir un peu les gens, pour les faire penser. Pourquoi le son d’une flûte au milieu du désert nous émeut-il ? Le seul qui arrive à nous faire croire qu’il avait besoin d’une grande quantité d’instruments, c’est Mahler. Sinon, je ne marche pas... Si une œuvre comme la Missa Solemnis fonctionne, c’est que la pensée est tellement forte que, proportionnellement au gigantisme, elle gagne. Mais quand le gigantisme n’est pas à l’échelle de la pensée, cela donne un résultat totalement dépourvu d’émotion.
43- Notre époque n’est plus capable d’une pensée suffisamment forte, à votre avis ?
44Georges Aperghis : Nous n’avons pas de pensée globale, ou globalisante. Les grands monuments anciens, comme les messes, étaient liés à une pensée globalisante. Aujourd’hui, nous avons beaucoup d’informations partielles, nous voyons s’effondrer certains mythes, nous savons qu’il y a un peu partout des sens interdits, nous avons des morceaux de pensée... C’est pour cela que je travaille de cette façon : je ne vois pas comment je pourrais m’attaquer à quelque chose de monumental aujourd’hui ; ce serait une faute. Le morceau de flûte joué au milieu du désert a une cohérence absolue ; nous, nous avons cassé cette cohérence. C’est ainsi que j’en suis arrivé à l’idée d’Enumérations. Je me suis dit : de quoi sommes-nous encore sûrs, encore capables ? D’énumérer des choses ! Autrefois, les gens avaient quelques certitudes : par exemple, qu’il existait un paradis et un enfer, que le Parti Communiste était formidable, que la révolution était nécessaire au Vietnam, etc. Cela nous facilitait la vie.
45- Vous vivez cette situation sur un mode tragique, ou au contraire vous êtes content que les masques soient tombés ?
46Georges Aperghis : Je suis très content. J’ai l’impression d’assister à des juxtapositions d’objets, de pensées, d’idées politiques, d’images, qui sont imperméables les unes aux autres. Ce sont comme des atomes qui ne peuvent pas s’interpénétrer. Un jour, nous trouverons le moyen de les connecter. Peut-être le plaisir de zapper est-il un exorcisme par rapport à cette impénétrabilité des choses : on se fabrique sa propre histoire à partir de morceaux épars... C’est le rêve d’une partition capable d’englober toutes ces informations disparates et indépendantes.
47- Cela ne fausse-t-il pas la communication avec le public ?
48Georges Aperghis : Tout est difficile avec le public. Personnellement, je ne supporte pas les concerts, cet enchaînement de pièces différentes qui durent chacune queques minutes. Je pense qu’il faudrait changer cela complètement, mais je ne sais pas comment... Je peux imaginer quelque chose de plus intime, pour un petit public qui serait placé autour des instrumentistes. Je crois qu’en plus du plaisir d’être proche des musiciens, il y aurait une compréhension plus immédiate de la musique : on écouterait une œuvre, on pourrait en discuter... Il faudrait que les concerts soient autre chose qu’un concours du Conservatoire, que ce soit davantage une partie de plaisir et non pas une juxtaposition de pièces. En ce qui concerne le théâtre musical, je ne vois pas de rupture avec le public. Et puis, il ne faut pas attendre que le public suive toutes nos folies ! Il faut bien qu’il ait un peu de retard, sinon à quoi servirait-on ?
49Nous sommes arrivés à un point où il existe trop d’informations. Et c’est là que Cage a été prophétique. Mes idées lui doivent beaucoup. Il est celui qui va contre cette folie de l’information. J’écoutais l’autre jour son Quatuor à cordes : c’est une musique qui semble appartenir à un siècle qui n’existe pas, avec des instrumentistes étranges ; cela me fait penser à des fausses reproductions de Duchamp. Il y a un très grand calme, une extraordinaire attention au silence, à chaque son.
50- Cage a exercé une grande influence sur votre travail ?
51Georges Aperghis : J’ai un énorme respect pour lui. L’exemple de Cage a été déterminant pour moi au milieu des années soixante. C’est grâce à Cage que j’ai pu voir la totalité de ce qui se faisait en Occident avec du recul, et avec de l’humour aussi ! Lorsque je suis venu à Paris, en 1963, je ne connaissais rien, à part quelques œuvres de Stravinsky, et le livre de Boulez : Penser la musique aujourd’hui ; mais c’était abstrait pour moi, parce que je ne connaissais pas la musique à laquelle ce livre était lié. Cage a été un choc. Je me souviens aussi d’avoir été très marqué par une pièce de Kagel, Sur scène, qui avait été donnée au “Domaine”. Il y a toujours chez Kagel une tragédie traitée sur un mode sarcastique, ironique, et cela me touche beaucoup. Je pense dans une certaine mesure à Beckett. Chez l’un et chez l’autre, ce qui m’intéresse, c’est moins la forme que les personnes. Chez Beckett, derrière une phrase banale, il y a toujours un drame. Chez Kagel, quoi qu’il fasse, le drame est aussi présent, et c’est une vérité essentielle de son œuvre.
Auteur
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