Entropia I, II, III, Gesti
p. 71-72
Texte intégral
1Le titre d’Entropia fait référence à la théorie mathématique de l’information, c’est-à-dire à la mesure des irrégularités causales dans une séquence d’événements. En effet, les Entropia sont, parmi les œuvres maderniennes, celles qui contreviennent le plus clairement aux systèmes d’attente et d’ordre perceptif et celles qui s’en tiennent le plus rigidement aux calculs sériels de l’école de Darmstadt.
2Entropia I et Entropia II ne sont pas nées avec ce titre, mais apparaissent initialement comme épisodes de Dimensioni III. La première des deux fut vraisemblablement composée en 1963, car le 25 janvier 1964 (époque de la première exécution de Dimensioni III, dont nous possédons un document sonore), elle figure déjà comme partie intégrante de cette œuvre. La seconde semble avoir été jouée pour la première fois dans Hyperion II, le 19 juillet 1965, à Darmstadt, mais elle n’a été intégrée à la partition de Dimensioni III que dans un second temps, comme le confirme d’ailleurs la graphie différente. Les titres d’Entropia I et Entropia II semblent avoir été employés pour la première fois en 1968 lors de la représentation de Hyperion en het Geweld à Bruxelles. Un jeu de partitions d’orchestre, écrites par Maderna lui-même avec le plus grand soin et probablement utilisées par les instrumentistes du Théâtre de la Monnaie, renferme en effet la troisième partie de Dimensioni III avec le titre d’Entropia I.
3Entropia III fut conçue expressément sous ce titre et composée indépendamment de Dimensioni III. Ce morceau apparaît pour la première fois dans les matériaux de la Suite aus der Oper Hyperion, dans sa version berlinoise (1969), et il est plus que probable que l’œuvre est née à cette époque, puisqu’on retrouve également une de ses élaborations dans la version orchestrale du Concerto per violino, qui fut joué à Venise en septembre de la même année.
4Il existe enfin une autre série de « partitions » instrumentales, toujours de la main du compositeur, toutes précédées du titre Gesti da Hyperion ; il s’agit à l’évidence d’une création née d’une réélaboration sérielle d’Entropia III, à laquelle elle est liée par des analogies manifestes dans la composition de l’orchestre et dans la structure formelle. Nous manquons cependant de précisions sur les circonstances dans lesquelles furent composés ces Gesti. Certains instrumentistes, dans une version d’Hyperion restée imprécise jusqu’à aujourd’hui, notèrent sur leurs partitions la succession d’éléments instrumentaux qu’ils devaient jouer, et ces annotations sont cohérentes entre elles, comme en témoigne l’exemple suivant :
5Partitions de Message, vibraphone (1) : l’exécutant a noté sur sa partition la succession suivante : Message / Entropia I / Aria I / Aria II / Tschesti / Schicksalslied ;
6Partitions de Schicksalslied, harpe (1) : le titre est précédé de Gesti ;
7Partitions de Aria II, clarinette (2) : à la fin, attaque Gesti ;
8Partitions de Gesti, contrebasse (3) : à la fin, folgt Harfen Glocken chor (référence évidente à Schicksalslied).
9Puisque ces indices, pour fragiles qu’ils soient, sont le seul témoignage d’une interprétation des Gesti, il nous semble opportun de les discuter rapidement. Comme en témoigne l’orthographe singulière du vibraphoniste et du harpiste, il ne fait aucun doute que cette interprétation a eu lieu dans un pays de langue germanique et que Gesti faisait partie d’un Hyperion organisé selon la séquence indiquée par le vibraphoniste. Il ne s’agit pas du concert de Berlin, car Aria ne fut pas joué à cette occasion, mais il ne semble pas non plus qu’il s’agisse du concert viennois de 1970 dont le déroulement prévoyait Message, Psalm, Aria et Schicksalslied.
10En résumé, la composition et l’attribution des titres des quatre œuvres pourraient être datées comme suit :
11Entropia I – composé en 1963, titré en 1968 (= Dimensioni III [3]) ;
12Entropia II – composé en 1964, titré en 1968 (= Dimensioni III, partie finale ajoutée) ;
13Entropia III – composé et titré en 1968-1969 ;
14Gesti - composé et titré après 1969.
15Il serait inexact d’indiquer la durée de ces œuvres (même s’il est possible de la déduire des enregistrements) car, dans toutes les occasions où elles apparaissent (lorsqu’elles apparaissent avec le titre d’Entropia), l’usage que Maderna en fait est toujours en relation avec le contexte et lui est subordonné. En d’autres termes, il s’agit toujours d’« accompagnements » d’événements précis : visuel, si le contexte est dramatique dans sa version scénique ; sonore, si le contexte est uniquement musical. Dans tous les cas, ces Entropia ne semblent pas avoir une pleine autonomie musicale. De façon parfaitement cohérente, les partitions d’Entropia I et II sont composées de fragments séparés par des césures, pour indiquer que leur exécution peut ne pas être intégrale et peut être insérée dans l’interprétation d’autre chose, ce que confirme d’ailleurs explicitement l’annotation que Maderna a placée en tête de la première des deux partitions. Les vingt-huit mesures d’Entropia III s’achèvent à leur tour par le signe de reprise, pour indiquer que ce morceau peut être répété si besoin est. De la même façon, les douze mesures de Gesti sont divisées en trois sections de quatre mesures, chacune suivie du signe de reprise.
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