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Extraits de Hyperion, fragment Thalia

Traduit par Philippe Jaccottet et Gustave Roud (trad.)

p. 54-57


Texte intégral

1Wie eine lange entsetzliche Wüste lag die Vergangenheit da vor mir, und mit höllischem Grimme vertilgt’ich jeden Rest von dem, was einst mein Herz gelabt hatte und erhoben. Dann fuhr ich wieder auf mit wütendem Hohngelächter über mich und alles, lauschte mit Lust dem gràsslichen Widerhall, und das Geheul der Schakale, das durch die Nacht her von alien Seiten gegen mich drang, tat meiner zerrütteten Seele wirklich wohl.

2Eine dumpfe fürchterliche Stille folgte diesen zernichtenden Stunden, eine eigentliche Totenstille ! Ich suchte nun keine Rettung mehr. Ich achtete nichts. Ich war, wie ein Tier unter der Hand des Schlächters.

3Ich weiß nicht, wie mir geschieht, wenn ich sie ansehe, diese unergründliche Natur.

4Meinem Herzen ist wohl in dieser Dämmerung. Ist sie unser Element, diese Dämmerung ? Warum kann ich nicht ruhen darinnen ?

5Mein ganzes Wesen verstummt und lauscht, wenn der leise, geheimnisvolle Hauch des Abends mich anweht.

6Und dieser himmlischen Kreatur zürnt ich ? Und warum zürnt ich ihr ? Weil sie nicht verarmt war, wie ich, weil sie den Himmel noch im Herzen trug, und nicht sich selbst verloren hatte, wie ich… weil sie nicht unterzugehen fürchten konnte, wie ich, und sich mit dieser Todesangst an ein anderes zu hàngen brauchte, wie ich ;…

7Das alles ging mir, wie ein Schwert, durch die Seele.

8Le passé étendait devant moi son interminable et terrible désert et, poussé par une tristesse infernale, j’anéantissais tout ce qui avait jadis récréé ou ranimé mon cœur. Puis je me relevai, d’un rire furieux me condamnant, moi et toutes les choses avec moi ; j’en épiai l’horrible écho avec délices, et le hurlement des chacals, qui de toutes parts me cernait dans la nuit, fit à mon âme abattue un réel bien.

9Un silence étouffé, terrible, suivit ces heures anéanties, un vrai silence de mort. J’avais fini de courir après le salut. Je ne regardais plus rien. J’étais comme une bête sous la main du boucher.

10Je ne sais ce que m’inspire le spectacle de l’inépuisable Nature.

11Mon cœur se plaît dans cette pénombre. Serait-elle donc notre élément ? Et pourquoi n’y puis-je pas dormir ?

12Que m’effleure le souffle léger et mystérieux du soir, tout mon être fait silence et écoute.

13Et c’était à cette créature céleste que je m’en prenais ? Et encore, pourquoi ?… parce qu’elle portait encore le ciel dans son cœur et ne s’était point perdue comme moi,… parce qu’elle n’avait pas à redouter, comme moi, de périr ni à s’accrocher à un autre de tout le poids de cette angoisse mortelle ;…

14Tout cela me traversa l’âme comme une épée.

15HYPERION SCHICKSALSLIED

16Ihr wandelt droben im Licht

17Auf weichem Boden, selige Genien !

18Glänzende Götterlüfte

19Rühren euch leicht,

20Wie die Finger der Künstlerin

21Heilige Saiten.

22Schicksallos, wie der schlafende

23Säugling, atmen die Himmlischen ;

24Keusch bewahrt

25In bescheidener Knospe,

26Blühet ewig

27Ihnen der Geist,

28Und die seligen Augen

29Blicken in stiller

30Ewiger Klarheit.

31Doch uns ist gegeben,

32Auf keiner Stätte zu ruhn,

33Es schwinden, es fallen

34Die leidenden Menschen

35Blindlings von einer

36Stunde zur andern,

37Wie Wasser von Klippe

38Zu Klippe geworfen,

39Jahrlang ins Ungewisse hinab.

40HYPERION CHANT DU DESTIN

41Vous avancez là-haut dans la lumière

42Sur un sol tendre, bienheureux génies ;

43Les souffles scintillants des dieux

44Vous effleurent à peine,

45Ainsi les doigts musiciens

46Les cordes saintes.

47Les habitants du Ciel vivent purs de Destin

48Comme le nourrisson qui dort ;

49Gardé avec pudeur

50En modeste bouton,

51L’esprit éternellement

52Fleurit en eux.

53Et les yeux bienheureux

54Considèrent le calme

55Eternelle clarté.

56Mais à nous il échoit

57De ne pouvoir reposer nulle part.

58Les hommes de douleur

59Chancellent, tombent

60Aveuglément d’une heure

61A une autre heure,

62Comme l’eau de rocher

63En rocher rejetée

64Par les années dans le gouffre incertain.

HYPERION

65An Bellarmin

66Geduldig nahm ich nach und nach von Allem Abschied. - O ihr Genossen meiner Zeit ! fragt eure Ärzte nicht und nicht die Priester, wenn ihr innerlich vergeht !

67Es gibt ein Vergessen alles Daseins, ein Verstummen unsers Wesens, wo uns ist, als hätten wir alies gefunden.

68Es gibt ein Verstummen, ein Vergessen alles Daseins, wo uns ist, als hätten wir alles verloren, eine Nacht unsrer Seele, wo kein schimmer eines sterns, wo nicht einmal ein faules Holz uns leuchtet.

69Wie ein Strom an dürren Ufern, wo kein Weidenblatt im Wasser sich spiegelt, lief unverschönert vorüber an mir die Welt.

70Es kann nichts wachsen und nichts so tief vergehen, wie der Mensch. Mit der Nacht des Abgrunds vergleicht er oft sein Leiden und mit dem Äther seine Seligkeit, und wie wenig ist dadurch gesagt ?

71Aber schöner ist nichts, als wenn es so nach langem Τode wieder in ihm dämmert, und der Schmerz, wie ein Bruder, der fernher dàmmernden Freude entgegengeht.

72Nocht steht sie da vor mir, wie in dem heiligen trunknen Momente, da ich sie fand ; ich press es an mein glühendes Herz, das süsse Phantom ; ich höre ihre Stimme,…

HYPERION

73A Bellarmin

74Patiemment, je prenais peu à peu congé de tout. Compagnons de mon temps ! ne questionnez ni le medecin ni le prêtre, si vous dépérissez au-dedans !

75Il est une éclipse de toute existence, un silence de notre être où il nous semble avoir tout trouvé.

76Il est une éclipse, un silence de toute existence où il nous semble avoir tout perdu, une nuit de l’âme où nul reflet d’étoile, même pas un bois pourri ne nous éclaire.

77Ainsi qu’un fleuve aux rives arides où nulle feuille de saule ne se reflète dans l’eau, le monde passait devant moi sans ornements.

78Rien qui puisse grandir, rien qui puisse tomber comme l’homme. Il compare souvent sa douleur à la nuit de l’abîme et son bonheur à l’Ether, et c’est encore dire si peu ! Mais il n’est rien de plus beau que le moment où la vie, après une si longue mort, point à nouveau en lui ; où la souffrance, telle une sœur, s’avance à la rencontre de la joie qui s’est rallumée au loin.

79Elle est encore devant moi telle que je la trouvai dans cet instant d’ivresse sacrée ; contre mon cœur brûlant, j’étreins ce délicieux fantôme ; j’entends sa voix,…

BROT UND WEIN

An Heinse

Ringsum ruhet die Stadt ; still wird die erleuchtete Gasse
Und, mit Facken geschmückt, rauschen die Wagen hinweg.
Satt gehn heim von Freuden des Tags zu ruhen die Menschen,
Und Gewinn und Verlust wäget ein sinniges Haupt
Wohlzufrieden zu Haus ; leer steht von Trauben und Blumen,
Und von Werken der Hand ruht der geschäftige Markt.
Aber das Saitenspiel tönt fern aus Gärten ; vielleicht, dass
Dort ein Liebendes spielt oder ein einsamer Mann
Ferner Freude gedenkt und der Jugendzeit ; und die Brunnen
Immerquillend und frisch rauschen an duftendem Beet.
Still in dämmriger Luft ertönen geläutete Glocken,
Und der Stunden gedenk rufet ein Wächter die Zahl.
Jetzt auch kommet ein Wehn und regt die Gipfel des Hains auf,
Sieh ! und das Schattenbild unserer Erde, der Mond,
Kommet geheim nun auch ; die Schwärmerische, die Nacht kommt,
Voll mit Sternen und wohl wenig bekümmert um uns,
Glänzt die Erstaunende dort, die Fremdlingin unter den Menschen,
åber Gebirgeshöhn traurig und prächtig herauf.

LE PAIN ET LE VIN

A Heinse.

La ville autour de nous s’endort. La rue illuminée accueille le silence,
Et le bruit des voitures avec l’éclat des torches s’éloigne et meurt.
Rassasiés des plaisirs du jour, vers le repos s’en vont les hommes,
Et satisfait, songeur, un front penché soupèse
Pertes et gains. Dépouillé de ses fleurs, dépouillé de ses grappes,
Las du labeur de mille mains, désert, le marché dort.
Mais au cœur des jardins s’éveille et tremble une musique lointaine,
Là-bas joue un amant, qui sait ? ou peut-être un homme saisi de solitude
Qui se souvient de ses amis perdus, de sa jeunesse, et dans l’arôme
Des parterres fleuris chantent les fraîches fontaines infatigables.
La voix des cloches vibre au calme crépuscule
Et le veilleur, gardien des heures, crie un nombre à pleine voix.
Oh ! Voici naître et frémir la brise aux feuilles extrêmes du bocage,
Regarde ! et le fantôme de notre univers, la lune,
Mystérieusement paraître ; et la fervente, la Nuit vient,
Peuplée d’étoiles, et toute indifférente à notre vie ;
La Donneuse d’émerveillements, l’Etrangère parmi les hommes
Aux cimes des monts là-bas s’éploie et brille dans sa mélancolique magnificence.

80Traduction française in Hölderlin, Œuvres, Bibliothèque de la Pléïade, Gallimard, 1967. Hyperion Fragment Thalia, Hyperion, Schicksalslied, traduits par Philippe Jaccottet. Le Pain et le Vin, traduit par Gustave Roud.

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