Penser à Bruno Maderna
p. 52-53
Texte intégral
1Bruno est mort trop tôt. Ce n’est que par ses partitions que j’ai pu faire sa connaissance. Une écriture magnifique, des notes rondes, chaleureuses.
2Bruno est mort trop tôt, sa vie demeura une forme ouverte, comme ses œuvres. La forme ouverte était son style de vie, mais aussi un signe des temps dans l’art de l’époque : mobiles, happenings.
3La forme, en musique, c’est « l’avant » et « l’après ». Quand « l’avant » pourrait aussi bien être « l’après » : la forme est ouverte. La forme ouverte est la créativité de l’interprète.
4Bruno était compositeur et chef d’orchestre, créateur et recréateur. C’est une vocation d’être les deux à la fois, on ne peut pas choisir ! Le problème principal : coordonner les deux dans le temps. La composition nécessiterait une continuité de la pensée créatrice, mais elle est toujours interrompue par l’activité et la pratique du chef d’orchestre. La continuité reste ouverte. Je souffre de cette situation et je pense que pour Bruno aussi c’était un problème. De même que pour Mahler, ou pour Boulez.
5La forme ouverte est la réalité de la pensée. Une forme établie ne se trouve que sur le papier.
6Hyperion n’est pas un opéra, mais une suite de compositions brèves, à l’effectif instrumental semblable, qui sont liées à Hölderlin quant à l’idée. Les pièces sont souvent apparentées entre elles, versions, variations ou reprises transformées.
7La musique de Maderna a une telle force expressive qu’elle peut supporter une existence scénique, voire même lui donner forme.
8La première réalisation de Maderna à Venise était plus un happening qu’un opéra. Il a souhaité que chaque réalisation de son Hyperion apparaisse sous une forme neuve ; c’est pourquoi une reconstruction d’une quelconque version antérieure serait une dénaturation de son idée.
9Ma configuration formelle emploie toutes les pièces que Maderna lui-même a incluses dans ses différentes réalisations. A cela s’ajoute le souhait de Klaus Michael Grüber d’intégrer quelques textes de Hölderlin.
10La forme ouverte est une relation entre deux interprétations. La forme d’une exécution donnée est, pour l’auditeur, toujours « fermée ». « L’ouverture » de la forme se rapporte à la possibilité d’arranger les différentes sections formelles en séquence variable.
11Ma conception donne un partage équilibré et harmonieux des fonctions des éléments dramaturgiques dominants, comme, par exemple : déterminer quand le Poète (le flûtiste) apparaît, comment le parlé et le chanté sont distribués (solo – chœur – invisible – visible), comment les répétitions engendrent une réminiscence déterminée.
12On pourrait subdiviser le parcours formel en quatre entités majeures :
- LE RIRE + GESTI + DIMENSIONI III, 1er et 2e mouvement (polyphonie) le texte de Hölderlin
DIMENSIONI III, 3e mouvement (orchestre interrompu par des interjections tranchantes du piccolo)
AMANDA (sérénade, intime, doux)
ARIA I
SCHICKSALSLIED [Chant du destin] (chœur, commentaire)
ARIA II - STELE PER DIOTIMA (chiffre fondamental de la musique : 11)
- ENTROPIA I (temps haché)
II (nostalgique, « grec »)
III (point culminant) - SCHICKSALSLIED (2e partie)
ARIA II (instrumentation différente de la précédente)
13La première partie est comme une montagne, la troisième comme une colline, entre les deux, dans la vallée, la tombe de Diotima, avec de lourds piliers sonores. La quatrième partie est une plaine paisible aux souvenirs nostalgiques.
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