L’expressionnisme et la musique américaine
p. 149-163
Texte intégral
1En Amérique, la tendance de chaque génération à effacer le souvenir de la précédente, et le manque d’intérêt pour notre passé récent, traité de curiosité à l’usage des étudiants pour exercer leurs techniques de recherches – ce qui est caractéristique du traitement que les Américains réservent au travail de leurs créateurs importants –, est en partie responsable du manque d’intérêt général pour le nombre assez considérable de compositeurs qui, à leur époque, étaient qualifiés d’« ultramodernes » et qui ont œuvré dans ce pays pendant les premières décennies du siècle. Cette malheureuse tendance se retrouve dans le renouvellement de l’intérêt porté actuellement à ces compositeurs ; leur musique entre en effet dans un nouveau cadre de référence importé d’Europe depuis la guerre, confirmant ainsi ce fait dérangeant : la musique savante est encore considérée ici comme un avant-poste du monde européen que les Américains ont si souvent trouvé plus attirant que leur propre réalité. Effectivement, il semble que nous n’ayons souvent aucun véritable intérêt à regarder notre propre situation de façon réaliste – du moins en ce qui concerne la musique –, ni à nous développer pour ce que nous sommes réellement ; nous essayons toujours, au contraire, de pénétrer ce monde musical européen qui, aujourd’hui, perd rapidement son élan intérieur, s’effaçant dans l’ombre sans vie de ce qu’il fut jadis.
2Lorsqu’on commença, peu après la guerre, d’importer aux États-Unis l’intérêt que suscitait Schoenberg et son cercle, tandis qu’on envoyait des Américains à l’étranger afin qu’ils apprennent ce que faisaient les Européens, tout en invitant ceux-ci à venir nous révéler leurs secrets, ceux qui avaient toujours été proches de cette musique commencèrent à se faire respecter davantage, alors qu’auparavant, leurs efforts (y compris ceux de Schoenberg et de ses disciples qui habitaient le pays) se voyaient rejetés comme étant sans signification. Ainsi, avec l’introduction en Amérique de la musique et de l’esthétique postwéberniennes, il était tout naturel que nous commencions à nous intéresser de plus près à nos premiers ultramodernes, dont les idées et les techniques avaient beaucoup en commun avec l’école viennoise de la même époque.
3Le manque durable d’intérêt pour ces compositeurs américains provient d’un manque d’information à leur sujet, de la méconnaissance de leurs idées et de leur musique, et souvent d’une falsification des faits ; aussi est-il important maintenant de revoir notre attitude à leur égard, en tenant compte des données concrètes, et ce afin de mieux comprendre notre propre situation musicale. Le but de la série d’articles que consacrent les Perspectives of New Music aux différents compositeurs de cette époque n’est nullement nationaliste au sens européen du mot. Elle est entreprise dans le désir d’éclaircir les attitudes particulières que développèrent ces créateurs par rapport à la situation musicale inhabituelle en Amérique, qui donna à ce groupe une direction totalement différente de celle des compositeurs européens. En effet, ils émergent à une époque où les idées qui allaient changer la face des arts étaient largement répandues et où la façon de penser qui est au fondement du mouvement expressionniste d’Europe centrale imprégnait également la pensée des artistes, à la fois en Russie (qui ne nous concerne pas ici) et aux États-Unis.
4À cause de nombreuses similitudes de points de vue, l’abondante réflexion analytique et philosophique récemment consacrée à l’expressionnisme par des érudits européens et même américains pourrait s’avérer utile pour combler le vide important de la critique qui entoure les œuvres en question, et pourrait aider à comprendre ce qui s’est déroulé, de façon presque indépendante, dans ce pays. Les œuvres produites ici à cette époque – certaines d’un grand intérêt, d’autres simples curiosités –, portent les traits particuliers du milieu artistique d’où elles sortent, milieu qui n’a pas beaucoup évolué entre-temps. On consacre très peu de réflexion critique à notre musique, même aujourd’hui, à l’exception des compositeurs eux-mêmes, et cela est dû en partie au conflit entre la réalité américaine et le rêve américain de l’Europe, perpétué par les responsables de nos institutions musicales.
5Pendant la période qui nous concerne, une grande quantité de musique contemporaine était jouée à New York, Chicago, Boston et San Francisco. Pendant des années, le répertoire du Metropolitan Opera comprenait des œuvres comme Pétrouchka ou Le Rossignol de Stravinsky, La Vie brève de Manuel de Falla, L’Empereur Jones de Louis Gruenberg, le ballet Skyscrapers (1923-24) de John Alden Carpenter. L’International Composers’ Guild et la League of Composers1 organisèrent plusieurs exécutions importantes, dont Wozzeck de Berg, Die glückliche Hand de Schoenberg, ainsi que le prélude et le deuxième mouvement de la Symphonie n° 4 de Charles Ives. On s’intéressait à la musique microtonale2, et outre un concert de Hans Barth et de Ives commenté par Howard Boatwright3, la League of Composers présenta une Sonata casi Fantasia écrite en quarts, huitièmes et seizièmes de tons du compositeur mexicain Julián Carrillo pour guitare, octavina, arpa-citara et un cor fabriqué à New York et capable de produire des seizièmes de tons ; au même programme figurait le Quintette à vents de Schoenberg, donné en création américaine. L’année d’après, Carrillo revint avec un ensemble d’instruments microtonaux plus important et enregistra son Preludio a Cristóbal Colón pour les disques Columbia. Mais les deux principaux rivaux dans la présentation de la musique moderne au grand public furent Leopold Stokowski – à l’époque un expérimentateur irrépressible qui jouait Schoenberg, Varèse et Ruggles, et défendait les « ultramodernes » les plus extrémistes – et Serge Koussevitsky, également dévoué à la nouveauté, mais plus particulièrement intéressé par les écoles françaises et russes, et par le lancement de ce qui fut à l’époque la jeune génération des compositeurs américains – il leur prêta ce même appui enthousiaste qu’il avait jadis accordé aux jeunes Russes en Europe. À cette époque-là, ces institutions, comme le font encore les musées aujourd’hui, considéraient comme une obligation de tenir le public au courant des derniers développements, surtout ceux en provenance de l’étranger et, dans le cas de Koussevitsky, des compositeurs américains qu’il parrainait. Peu de partitions intéressantes (eu égard, évidemment, aux goûts particuliers des chefs) devaient attendre longtemps avant de se faire entendre. Chaque nouvelle œuvre de Stravinsky, par exemple, fut créée dans l’année suivant sa composition, exécutée avec une dévotion sérieuse par l’un des orchestres les plus importants – tout le contraire de la situation actuelle. À la fin, l’énergie et la persévérance de Koussevitsky rallièrent un public plus large aux nouvelles écoles américaines néo-classique, folklorique et populiste, tandis que les partisans d’esthétiques différentes se virent de plus en plus évités et oubliés4.
6C’est lors des premières étapes plus avancées de cette période que l’école ultramoderne américaine fut particulièrement active ; mais quand les compositeurs du Boston Symphony commencèrent à dominer la scène au milieu des années trente, la plus grande partie de cette activité fut stoppée. S’il n’y avait pas eu un changement aussi dramatique, il est possible que Ives, Varèse, Ruggles, Cowell, Riegger, Leo Ornstein, Dane Rudhyar, John J. Becker, George Tremblay et les plus jeunes, tels que Ruth Crawford, Gerald Strang et Adolph Weiss, parmi de nombreux autres qui commencent à être rejoués, auraient eu un développement complètement différent. De toute façon, la New Music Edition de Cowell continua vaillamment de 1927 jusqu’à aujourd’hui, permettant aux partitions de circuler, et maintenant ainsi vivante une perspective parfois très sombre pour les « ultras ».
7À première vue, il peut paraître surprenant que ce groupe de compositeurs américains n’ait été que vaguement conscient de la situation de ses pairs à Vienne ou en Russie ; mais si l’on se familiarise avec la période, il devient clair que l’opinion générale au sujet de l’école viennoise, surtout en ce qui concerne Schoenberg et Webern, n’était pas de nature à attirer beaucoup de gens vers leur musique. Paul Rosenfeld, par exemple, dont les critiques enthousiastes et bienveillantes faisaient autorité dans les années vingt même parmi les musiciens, trouvait que les œuvres de Schoenberg « déconcertent par leur laideur apparemment intentionnelle et déroutent par leur cruauté et leur froideur géométriques... Ce n’est qu’en le regardant principalement comme expérimentateur que le Schoenberg dernière période perd son côté incompréhensible. »5. Quand on se rend compte qu’au moment d’écrire cela, Rosenfeld ne connaissait que les premières œuvres tonales et les opus 11, 16 et 19, il est facile de comprendre que la parution des œuvres dodécaphoniques devait renforcer cette opinion encore très répandue en Amérique, en dépit du fait évident, révélé par de nombreux enregistrements, que c’est justement le contraire qui est vrai. Cette attitude persista jusqu’à la fin de la vie de Schoenberg et limita son influence à un cercle nettement plus restreint qu’il ne le méritait, empêchant la plupart des compositeurs que nous avons évoqués de se confronter à sa musique. Cowell, cependant, publia en 1930 le deuxième des Drei Volkstexte opus 17 de Webern (dans une version légèrement différente de celle éditée aujourd’hui par Universal Edition), et en 1932, l’opus 33b de Schoenberg chez New Music Edition. Pourtant, dans son livre New Musical Resources6, il fait mention d’un nouveau système d’organisation des hauteurs utilisé par Schoenberg, mais il ne semble pas le comprendre. Cela peut être dû au fait, comme l’auteur l’explique dans sa préface, que le livre fut écrit en 1919. Jusqu’en 1930 environ, et même après, on a le sentiment que la musique viennoise laissa peu d’impact sur les ultramodernes. Riegger, il est vrai, commença d’utiliser une version très simplifiée du système dodécaphonique, notamment dans sa Dichotomy, éditée en 1932, mais d’une façon totalement différente des Viennois.
8Il est intéressant de spéculer sur l’influence inverse. Nous savons que Webern dirigea des œuvres de Cowell, de Ruggles et de Ives à Vienne en 1932, que Slonimsky dirigea des œuvres de cette école en différents lieux d’Europe, et que Schoenberg laissa dans ses papiers posthumes une observation sur Ives qui est souvent citée. Certes, un Américain est tenté de se rappeler l’utilisation des clusters par Ives et Cowell quand cette technique apparaît au piano, si abruptement, dans Lulu de Berg (mesures 16, 79 et ailleurs, notamment lors du récitatif de Rodrigo, l’athlète, et mesures 722-768, afin de caractériser et de développer, peut-être, l’idée de « Das wahre Tier » introduite par un cluster dans le « Prologue ». Il se peut qu’il y ait même là un écho du Tiger de Henry Cowell).
9Afin de clarifier certains éléments de nature esthétique, artistique ou technique essentiels à ce groupe, il est utile de les comparer avec ceux qui sont centraux pour les compositeurs liés à l’expressionnisme allemand. Nombre d’interventions présentées au Convegno Internazionale di Studi sull’Espressionismo lors du Maggio Fiorentino de 1964 s’avèrent particulièrement pertinents à cet égard7. Essayer de définir et de délimiter les qualités particulières de ce mouvement est, naturellement, une question embarrassante, et les musicologues allemands, ainsi que Luigi Rognoni, ont eu tendance à les réserver aux seules œuvres des Viennois – et à toutes leurs œuvres, bien que le Dr Stuckenschmidt fût prêt à y inclure certains Russes et plusieurs compositeurs américains discutés dans l’actuelle collection des Perspectives. En tout cas, le manifeste de base du mouvement, Der blaue Reiter8, fut le premier essai pour clarifier ses objectifs. Dans cette brochure, la musique occupe une place centrale, dans la mesure où elle n’est pas, par sa nature même, un art figuratif, mais un art expressif9 (un point de vue provenant d’une pensée qui place la musique au sommet de la hiérarchie des arts, comme chez Walter Pater, Busoni, et Ives). Der blaue Reiter contient quatre articles importants sur la musique : « La Relation avec le texte » de Schoenberg, « Prometheus de Scriabine » de Léonide Sabaneiev, « Du spirituel dans l’art » de Thomas von Hartmann, et « La Musique libre » de Nicolas Koulbin. On retrouve d’autres observations sur l’expressionnisme et la musique dans Du spirituel dans l’art de Kandinsky, dans les Aphorismes et le Traité d’harmonie de Schoenberg et, de façon plus périphérique, dans l’Essai pour une nouvelle esthétique musicale de Busoni10. Une comparaison entre le ton général de ces écrits et celui des Essais avant une sonate11 de Ives, ou celui des écrits critiques de James Huneker et Paul Rosenfeld, révèle de nombreuses similitudes.
10La principale différence, comme toujours, tient à la situation de la vie musicale américaine, tellement rudimentaire qu’un mouvement révolutionnaire y est obligatoirement moins bien conçu, moins déterminé ; il est davantage l’affaire de quelques individus qui trouvent un accord général, et donc moins corrosif vis-à-vis des aspects fondamentaux de ce qui semble une tradition musicale moribonde. En effet, la situation n’apparaissait pas en toute clarté – et pour cette raison tendait à se perdre elle-même en des superficialités et absurdités, comme cela se passe si souvent aujourd’hui.
11Le point d’accord fondamental tient dans l’affirmation de Hegel, citée en partie par Ives, selon laquelle « le besoin général envers l’art est donc celui de la raison, qui pousse l’homme à élever le monde intérieur et extérieur vers sa conscience spirituelle comme un objet dans lequel il reconnaît son propre moi. »12. En citant cette déclaration, Ives omet les mots « et extérieur » et la dernière phrase « comme un objet... ». Ces deux omissions revêtent une grande signification, car elles révèlent à quel point la pensée de Ives était proche de celle des Expressionnistes ; pour ces derniers, le monde intérieur était d’une importance primordiale, l’art n’étant pas un objet, mais le moyen d’incarner une vision spirituelle propre, et de partager ce qui fut appelé ultérieurement une « relation intersubjective »13.
12L’excellent exposé de Rufer tente d’en fournir une définition générale :
« Il y a aussi dans la peinture et la musique une explosion vers le chaos, un état de non-relation totale (qui, toutefois, se manifeste lui-même dans l’informel !), d’ivresse, d’extase, l’ébranlement de la fondation même de l’art figuratif. “Il n’y a pas d’‘objets’ ni de ‘couleurs’ dans l’art ; uniquement l’expression.” (Franz Marc, 1911). [...] Une musique de caractère intensément romantique – on peut dire expressionniste –, avec une tendance de plus en plus prononcée vers la rupture des limites de la tonalité, à travers une destruction apparente de la cohérence musicale et des schémas formels traditionnels. Tout a été remis en question et semble mener au chaos. Aujourd’hui, rétrospectivement, il semble évident que de grands talents furent détruits dans ce contexte. Seuls quelques élus, par la force de leur génie et l’effet stimulant d’épreuves constantes, se sont retrouvés. Et là, je ne puis faire mieux que de citer Gottfried Benn : “L’expressionniste est justement celui qui a fait l’expérience de la profonde nécessité objective qu’exige le maniement de l’art, son éthique artisanale, la morale de la forme”. »14
13Les textes de l’époque insistent sur la vérité de l’expression et la nécessité intérieure de l’artiste dans l’expression de ses expériences transcendantes, comme l’écrit Kandinsky :
« Le “Beau intérieur” est celui vers lequel nous pousse une nécessité intérieure lorsqu’on a renoncé aux formes conventionnelles du Beau. Les profanes l’appellent laideur. L’homme est toujours attiré, et aujourd’hui plus que jamais, par les choses extérieures, et il ne reconnaît pas volontiers la nécessité intérieure. Ce refus total des formes habituelles du “Beau” conduit à admettre comme sacrés tous les procédés qui permettent de manifester sa personnalité. Le compositeur viennois Arnold Schoenberg suit seul cette voie, à peine reconnu de quelques rares et enthousiastes admirateurs. »15
14Schoenberg lui-même écrit :
« La beauté existe à partir du moment où les improductifs commencent à prétendre qu’elle leur manque ; avant, elle n’existe pas, car l’artiste, lui, n’en a pas besoin. La vérité lui suffit : s’être exprimé, avoir dit, selon les lois secrètes de sa propre nature, ce qui devait être dit. Car les lois de l’homme de génie sont les lois de l’humanité future. [...] Et, tout de même, c’est à l’artiste que la beauté se donne sans qu’il l’ait voulu, tendu qu’il est dans sa quête d’une vérité. »16
15Ives, dans une discussion élaborée entre forme et contenu, manière et substance identifie, d’une part, la forme et la manière aux formes et aux styles traditionnels du langage musical, d’autre part, le contenu et la substance aux sentiments et à la vision propres de l’artiste cherchant à être exprimés :
« Dans sa conception commune, la beauté n’a rien à faire avec elle (la substance), [...] la substance peut être exprimée en musique et c’est la seule chose valable en celle-ci ; et en outre, dans deux pièces de musique séparées dont les notes sont presque identiques, l’une peut être substance avec peu de manière, et l’autre, manière avec peu de substance. [...] La substance d’une mélodie vient d’un endroit près de l’âme, et la manière vient de – Dieu sait où. »17
16Curieusement, si les Expressionnistes, dans leurs écrits, reconnaissent pleinement qu’une vision intérieure est la force motrice derrière la recherche de moyens artistiques nouveaux, Ives et Cowell, qui furent les seuls à écrire abondamment sur cette musique, ne formulèrent pas directement cette idée verbalement. Il faudrait aussi signaler l’influence du mysticisme : chez Kandinsky, la théosophie de Blavatsky (qui est également présente dans certaines idées des compositeurs viennois), et chez Ives, le transcendantalisme d’Emerson. Il forma la base de cette vision intérieure et du dédain pour le monde « matériel »18. Ruggles, à en juger d’après les titres de ses œuvres, et Rudhyar furent également fortement influencés par la pensée mystique. La force de l’expérience intérieure, qui conduit à chercher un moyen d’expression nouveau, aboutit à deux directions en apparence opposées, désignées par Gottfried Benn par les mots « chaos et géométrie » (ce qui rappelle de façon étrange « l’esprit de sagesse et l’esprit de géométrie » chez Pascal). La première fut l’intérêt pour les aspects fondamentaux et essentiels de l’expérience humaine (et pour les matières élémentaires de l’art) : le « barbaric yawp » de Whitman –, le premier cri de l’enfant à la naissance – appelé parfois l’Urschrei ou l’Urlaut (Busoni parle également, dans un autre sens, d’Urmusik)19 –, l’expression primitive, immédiate de l’émotion humaine fondamentale. L’exposé de Mittner est précieux sur ce point :
« Les deux principaux processus artistiques de l’Expressionnisme sont l’expression primordiale (Urschrei ou, dans la terminologie de Edschmid, geballter Schrei, “cri comprimé”) et l’imposition d’une structure abstraite, souvent spécifiquement géométrique, sur la réalité. Ces deux processus paraissent – et sont souvent – diamétralement opposés, puisque le “cri” se soulève dans l’âme du prophète qui témoigne de la destruction de son monde, tandis que l’“abstraction” est, principalement, l’œuvre d’un architecte idéal qui cherche à reconstruire le monde ou à en construire un qui serait tout à fait neuf. La relation est pourtant réversible, car la géométrie peut déformer et même désintégrer, tandis que le “cri” est capable de se transformer en une jubilation qui invoque ou qui crée un nouveau monde, un monde idéal... L’Urschrei de l’Expressionnisme allemand n’exprime presque jamais le “Nous”, révélant ainsi la tragique position d’incertitude d’une bourgeoisie désorientée : c’est rarement un cri de rébellion et de libération, mais avant tout un cri d’angoisse et d’horreur. Le parallèle avec la musique atonale est significatif. L’Urschrei est évoqué de la façon la plus éloquente dans le monodrame Erwartung qui, avec la précision d’un psychogramme, décrit les différents moments d’attente angoissée que le titre indique, suivis d’une série de cris d’horreur et de désespoir. »20
17Mittner souligne également la relation entre l’Urschrei et le silence :
« À l’opposé de ce souci du “cri” déchirant et primordial, une nouvelle puissance est retrouvée dans le silence qui, paradoxalement, est considéré comme sa métamorphose : un événement tragique est présagé ou ressenti dans un silence analogue au “cri” intérieur de l’âme. »21
18Parmi les ultramodernes américains, le désir ardent d’une telle intensification de l’expression se remarque particulièrement chez Ruggles, chez Rudhyar et, jusqu’à un certain point, chez Ives. La mélodie de ce dernier, Walt Whitman, qui a peut-être quelque chose d’une caricature, fait certainement entendre lors des premières mesures un caractère d’intensité expressionniste proche des premières pages du mouvement « Emerson » de la Sonate Concord et du premier mouvement de Men and Mountains de Ruggles.
19La tendance expressionniste opposée, comme le fait remarquer Mittner, est celle du constructivisme ; elle est familière aux Américains grâce aux commentaires esthétiques de Poe. Dans la période américaine qui nous concerne, plusieurs types de structures « géométriques » furent appliqués à la musique, comme cela fut le cas également en Europe et en Russie. Les recherches rythmiques de Ives proviennent en partie de cette pensée, tout comme celles de Varèse, tandis que, comparativement, les expériences de Ruggles, Ives et Varèse dans la structuration des hauteurs furent réalisées dans un relatif isolement. Ruth Crawford, en particulier, développa une multitude de modèles semblables. Dans Piano Study in Mixed Accents (1930), elle utilise des mètres variables et une structure rétrograde de hauteurs qui rappelle l’une des techniques similaires de Boris Blacher, tandis que dans son Quatuor à cordes (1931), en particulier le dernier mouvement, elle jongle avec un nombre considérable de systèmes « géométriques » différents : l’un gouverne les hauteurs, un autre les dynamiques, et un troisième le nombre de notes consécutives avant un silence dans un passage donné. En outre, tout le mouvement est divisé en deux parties, la seconde étant le rétrograde de la première mais haussée d’un demi-ton. Cowell, dans ses New Musical Resources22, consacre un chapitre au lien entre structures de hauteurs ou d’intervalles et structures de vitesse, selon une méthode « découverte » ultérieurement par certains Européens. Au cours des années vingt et trente, Joseph Schillinger, venu de Russie aux États-Unis, apporta les fruits d’une pensée similaire. Après sa mort, son Schillinger System of Musical Composition fut publié en 1946 avec une introduction de Cowell ; quoique voulant être une méthode globale pour expliquer la technique de toutes sortes de musiques, il n’est, en fin de compte, qu’un simple exemple de plus de cette « géométrie » expressionniste, dans la mesure où il applique à la musique des structures « extrinsèques » dérivés des autres champs de systématisation et de description théorique, tout en ne tenant pas suffisamment compte, le plus souvent, des structures « intrinsèques » du discours musical. Comme le remarque Mittner à ce sujet, la « géométrie » peut être un moyen de construire un monde complètement nouveau, ou une façon de déformer ou de dissoudre l’ancien. Il est possible qu’une géométrie illogique et désorganisée, ou carrément non pertinente, puisse être aussi pertinente et logique qu’une structure déformante ou même constructive (même si la seconde a évidemment davantage de chances d’être plus fructueuse) entre les mains d’un compositeur imaginatif. L’histoire du canon dans toutes ses phases en est une démonstration évidente.
20Si l’on en vient à la pratique musicale actuelle, la similitude la plus évidente est dans l’« émancipation de la dissonance ». On n’a pas encore cherché à savoir à quel moment précis elle avait commencé, et il est donc difficile d’affirmer, comme on le fait souvent, que Ives y travailla avant Schoenberg et indépendamment de lui, car il se peut qu’il y ait eu d’autres sources obscures auparavant, comme c’est le cas pour la musique microtonale. Dans son Étude sur l’harmonie moderne, René Lenormand cite des exemples provenant des Tableaux symphoniques d’Ernest Fanelli (1883), qui contiennent des progressions par tons entiers, ainsi que les accords de quartes d’Érik Satie en 1891, et un accord de douze sons utilisé par Jean Huré en 191023. Il est vrai que Ives semble avoir expérimenté une variété considérable de systèmes harmoniques à partir de 1900 environ. Il composa des passages fondés sur des structures harmoniques conséquentes (comme on en retrouve souvent chez Scriabine) dans des pages telles que les mélodies Evening, Two Little Flowers, Harpalus, Walking ou Soliloquy, ou d’une très grande diversité de structures harmoniques, comme dans Majority ou Lincoln, aussi bien que des textures polyphoniques dérivées d’une attitude contraire envers l’harmonie. Ruggles, Ornstein et Rudhyar maintiennent une approche harmonique nettement plus conséquente. Ruggles, en particulier, fait preuve d’une grande sensibilité quand il s’agit de manipuler les septièmes majeures et les neuvièmes mineures, ainsi que leurs relations mutuelles avec d’autres intervalles. La Quatrième Évocation en est un exemple particulièrement admirable. Les clusters, qui peuvent être considérés comme une réduction de l’harmonie à son état le plus primitif et non différencié, ont été sans doute utilisés pour la première fois par Ives dans sa Première Sonate pour piano (1902), puis par Cowell en 1917. En 1912, Ives écrivait dans sa musique orchestrale de grands clusters pour les cordes divisées, surtout dans Fourth of July, où plusieurs flux de clusters grimpent et dévalent les gammes simultanément en mouvement contraire. Dans Wozzeck, Berg utilise des clusters dans le chœur d’hommes de la première scène de la taverne. Ces deux scènes de la taverne ressemblent de manière frappante aux œuvres de Ives dans lesquelles ce dernier évoque des scènes de foule, comme celle mentionnée auparavant, ainsi que le deuxième mouvement de la Quatrième Symphonie. Les cordes divisées en clusters, une des trouvailles de Ives, ne sont devenues d’un usage courant que récemment, avec des partitions de Xenakis, Ligeti, Penderecki et Cerha. L’attitude de Ives envers la dissonance se résume comme suit :
« Beaucoup de sons auxquels nous sommes habitués ne nous dérangent pas, c’est pourquoi nous avons tendance à les désigner comme beaux. [...] Il est possible que la prédilection pour l’expression individuelle engendre un arrangement superficiel que l’on accepte aisément comme beau – des formules toutes faites qui affaiblissent les muscles musicaux plutôt que de les renforcer. »24
21Cowell a écrit de nombreuses pièces pour piano dans lesquelles il explore les polyrythmes, utilisant une notation qu’il avait inventée à cette intention ; Ornstein a employé des longueurs de mesure irrégulières ; Rudhyar et Ruggles se sont servis de divisions irrationnelles afin de donner l’impression de rubato et de liberté rythmique. Mais c’est encore Ives qui explora le champ rythmique de la façon la plus poussée, en utilisant des structures précompositionnelles de valeurs de notes et de toutes sortes de polyrythmes – groupes instrumentaux coordonnés approximativement, passages plus ou moins improvisés rythmiquement –, et en menant ces explorations beaucoup plus loin que n’importe quel autre compositeur de son époque. Voulant rendre vivante l’exécution, Ives inscrivait parfois des indications à l’intention de l’interprète, l’encourageant à donner libre cours à sa fantaisie. Sa remarque selon laquelle « peut-être la musique est-elle l’art de parler de manière extravagante » donne une idée de son approche générale et le relie, une fois de plus, aux Expressionnistes25.
22Un des aspects les plus curieux de la musique de Ives est son extrême hétérogénéité, une caractéristique qu’on retrouve dans plusieurs œuvres de Cowell et de Ornstein, mais qui n’est pas partagée par d’autres Américains dont l’attitude est beaucoup plus proche de celle de Schoenberg formulée dans « La Relation avec le texte ». Là, Schoenberg indique le type de pensée qui l’amènera finalement à adopter la méthode dodécaphonique :
« ... j’ai moi-même terminé d’écrire un grand nombre de lieder, enivré par les sonorités initiales des premiers mots du texte (...) Ainsi ai-je pu constater, à mon grand étonnement, que jamais je n’avais rendu plus pleinement justice à mon poète que lorsque, guidé par le premier contact immédiat avec la sonorité initiale, je devinais tout ce qui allait suivre obligatoirement et de façon évidente. Ainsi m’apparut-il qu’il en allait de l’œuvre d’art comme d’un organisme parfait. Elle est si homogène dans sa composition qu’elle dévoile dans ses moindres parties son essence la plus vraie et la plus intérieure. »26
23Un tel sens de la cohésion intérieure est étroitement lié à la tendance générale des Expressionnistes vers la « réduction » du point de vue technique, vers la recherche d’un matériau de base pour toute œuvre donnée. Cette méthode devient d’une importance aiguë pour les musiciens lorsque la fonction constructive de la tonalité est éliminée, évidemment, et aussi lorsque différentes manières habituelles de commencer, d’établir, de développer et de conclure commencent à paraître périmées, parce qu’elles affaiblissent l’intensité et l’immédiateté vibrante des moments musicaux individuels. Comme dans la littérature, l’intérêt et l’invention se sont massivement portés sur de nouvelles méthodes de présentation fragmentaire, comme commencer in media res ou finir par une phrase incomplète. Étroitement liée à cela existe la tendance à des formes très courtes, concentrées, proches d’un caractère chinois ou d’un hiéroglyphe. Les œuvres de ce type de Schoenberg et de Webern sont bien connues. Il est intéressant de noter que, parmi les Américains, Ives seul tenta cela dans des mélodies telles que Anne Street, Maple Leaves, 1, 2, 3 et Soliloquy.
24Par ailleurs, les Expressionnistes avaient aussi tendance à fragmenter les matériaux de l’œuvre. À cet égard, la musique de Varèse est particulièrement significative, car son matériau consiste pour l’essentiel en des fragments brefs, et ceux-ci sont généralement réduits à des formes très élémentaires – un matériau mélodique formé de notes répétées, la répétition d’accords dont l’effet dépend de l’instrumentation, de la disposition verticale et du timing. La musique de Varèse correspond étroitement à la description faite par Mittner de plusieurs étapes dans le développement de la vision expressionniste, comme elle existe dans la poésie et la peinture :
« Le pouvoir visionnaire de l’Expressionnisme ne résulta pas d’un détournement abrupt de l’observation de la réalité, mais atteignit ce but à travers une série d’étapes. La première fut une réduction des donnés sensorielles. Vers 1901, [Ernst] Barlach fit un pas très important dans cette direction avec ses sculptures... il commença à réduire méthodiquement les lignes de ses figures à celles qui lui paraissaient les plus importantes, réalisant ainsi une nouvelle présentation, vigoureuse et très plastique, de l’essence de ses sujets. La deuxième étape consistait en l’extraction et l’utilisation séparée de chaque aspect de la perception sensorielle totale comme une chose en soi, le détachant de l’objet auquel il appartient, et conduisant à une déformation de la réalité comme entité. Un tel processus évolua également dans la poésie à travers des moyens dérivés spécifiquement de la peinture, où il avait créé une révolution dans le domaine de la couleur... La couleur n’était plus rajoutée à la figure, mais la figure l’était à la couleur. Il n’y a qu’un pas d’une association couleur – figure si peu réaliste – à l’association non réaliste de tous les autres éléments de la réalité. »27
25La dissociation des différents éléments de la réalité, et leur réassemblage de façon nouvelle, isolant, comme le faisait Kandinsky, la couleur de la forme et ainsi de suite, est équivalente à la dissociation des différents « éléments » de la musique – mélodie, harmonie, rythme ; l’étape suivante, plus subtile, est celle de la dissociation de certaines qualités par rapport à d’autres, tel le timbre détaché des trois éléments précédents, et enfin, la dissociation de tous les « paramètres » (comme on les appelle à présent) les uns des autres. Toutes ces tendances, ainsi que le principe de « réduction », sont évidentes dans la musique de Varèse.
26Il est intéressant de signaler au passage que le développement des possibilités techniques instrumentales, qui n’était pas très répandu en Europe jusqu’à récemment, avait un important représentant en Amérique à cette époque : la Modern Study of the Harp (New York, 1921) de Carlos Salzedo présente pour cet instrument un tout nouveau répertoire d’effets qui ne fait pas encore partie de notre vocabulaire compositionnel, comme la façon de frapper et de gratter le violon venue de France et de Pologne. Le fait d’éviter la répétition, au profit de la variation développante, est une autre particularité frappante dans la ressemblance entre ces deux groupes. Les remarques de Ives à ce sujet sont fort éloquentes :
« On se fait une idée trop générale de l’unité, ou on l’accepte trop facilement comme analogue à la forme ; et la forme comme analogue à la coutume, et la coutume à l’habitude. »28
« La cohérence doit avoir, jusqu’à un certain degré, quelque rapport avec la perspective subconsciente de l’auditeur. Mais est-ce sa seule fonction ? Nouvelles choses dans une cohérence plus large ? »29
« Il y a peut-être une analogie – et à première vue il semble qu’il doit y en avoir une – entre d’une part l’état et la force des perceptions artistiques et d’autre part la loi du changement perpétuel, ce flot qui coule sans cesse, en partie cosmique, toujours en mouvement en nous-mêmes, en la nature, en toute vie. [...] Peut-être cela tient-il au fait que la correspondance en art dont il vient d’être question (une correspondance que nous semblons naturellement rechercher) apparaît parfois tellement irréalisable, sinon impossible. »30
27Expressionism and American Music
28Perspectives on American Composers, ed. B. Boretz and Ε. T. Cone, New York, W. W. Norton, 1972 [217-29] ; révision d’une version originale publiée dans Perspectives of New Music, 4 n° 1 (automne-hiver 1965) [1-13] ; le texte fut lu au Convegno Internazionale di Studi sull’Espressionismo au Maggio Florentino en 1964.
Notes de bas de page
1 Il s’agit de deux organismes créés à New York pour promouvoir la musique contemporaine : le premier par Varèse et Carlos Salzedo en 1921, le second en 1923 par des membres du précédent. (N.d.T.)
2 Busoni, Ferruccio : Entwurf einer neuen Aesthetik der Tonkunst (Leipzig, 1907). Traduction française par Daniel Dollé et Paul Masotta : « Esquisse d’une nouvelle esthétique », dans : L’Esthétique musicale, Paris, Minerve, 1990. Busoni commente la division du ton entier en sixièmes et se réfère à un acousticien américain, Thaddeus Cahill, dont le Dynamophone était capable de reproduire toute division de hauteur requise. Pour une discussion des microtons, voir également Dane Rudhyar, « The Relativity of Our Musical Conceptions », Musical Quarterly, 1, janvier 1922, pp. 108-118.
3 Boatwright, Howard : « Ives’s Quarter-Tone Impressions », dans : Perspectives of New Music, 3, 2, printemps-été 1965, pp. 22-31.
4 Ives avait un abonnement pour les concerts du samedi après-midi de l’Orchestre Symphonique de Boston au Carnegie Hall, et je me rappelle avoir été invité à le rejoindre avec Madame Ives lors de concerts où furent donnés le Poème de l’extase et le Prométhée de Scriabine, Le Sacre du printemps de Stravinsky et Daphnis et Chloé de Ravel.
5 Rosenfeld, Paul : Musical Portraits, New York, Harcourt, Brace & Co., 1920, pp. 233 sqq. Mais comparer ses louanges, quelques années plus tard, dans : Musical Chronicle, New York, Harcourt, Brace & Co., 1923, pp. 300-314.
6 Cowell, Henry : New Musical Resources, New York, Knopf, 1930.
7 Rognoni, Luigi : « Il significato dell’Espressionismo come fenomelogia del linguaggio musicale » ; Rufer, Josef : « Das Erbe des Expressionismus in der Zwölftonmusik » ; Stuckenschmidt, H. H. : « Expressionismus in der Musik » ; Mittner, L. : « L’Espressionismo fra l’Impressionismo e la Neue Sachlichkeit : Fratture e Continuità ».
8 Der blaue Reiter, recueil allemand d’articles, de reproductions d’œuvres d’art et de musique de l’avant-garde du début du siècle, édité par Wassily Kandinsky et Franz Marc (Munich, 1912) ; réimpression avec un commentaire important (Munich, R. Piper Verlag, 1965). Traduction française par A. Pernet : L’Almanach du Blaue Reiter, Paris, Klincksieck, 1981. Dans ce recueil est inclus « La Relation avec le texte » de Schoenberg.
9 Walter Sokel, dans : The Writer in Extremis : « Expressionism in German Literature », Stanford, Stanford University Press, 1959, consacre un chapitre entier, « Music and Existence », à ce sujet.
10 Kandinsky, Wassily : Über das Geistige in der Kunst, Munich, 1911 ; traduction française par Pierre Volboudt : Du spirituel dans l’art, Paris, Denoël/Gonthier, 1969. Schoenberg, Arnold : Aphorismen, dans : Die Musik, Berlin, 1909-1910 ; Harmonielehre, 3e édition, Vienne, 1922 ; traduction française par Georges Gubisch : Traité d’harmonie, Paris, Lattès, 1983.
11 Ives, Charles : Essays Before a Sonata, The Majority and Other Writings, Howard Boatwright (éd.), New York, W. W. Norton & Co., 1962 ; traduction française par Carlo Russi : Essais avant une sonate, dans : Contrechamps, 7, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1986.
12 Ibid., p. 81 ; et note du rédacteur, p. 141. Traduction française, p. 67 et note p. 96. Le texte de Ives est le suivant : « Voici une phrase de Hegel qui semble bien résumer cette idée : “Le besoin général envers l’art est celui de la raison, qui pousse l’homme à élever le monde intérieur” (à savoir, les idéaux les plus hauts qu’il voit dans la vie intérieure des autres, joints à ce qu’il trouve dans sa propre vie) “à sa conscience spirituelle” ».
13 Rognoni : op. cit. « Tout comme l’expression n’est possible que dans le langage parlé si une “relation intersubjective” est établie, elle l’est d’une façon encore plus directe et immédiate dans le langage musical. »
14 Rufer : op. cit. La citation de Benn est tirée d’un texte de 1933, « Expressionnisme », traduction française par Robert Rovini dans : Un poète et le monde, Paris, Gallimard, 1965, p. 186.
15 Kandinsky : op. cit., pp. 31-32. Traduction française pp. 66-67. Carter a lui-même traduit en anglais d’après l’original allemand.
16 Schoenberg : Harmonielehre, p. 393. Traduction française, pp. 408-409.
17 Ives : op. cit., pp. 76-77. Traduction française, pp. 63-64.
18 Kandinsky : op. cit., Ives, op. cit., p. 36. Traduction française, p. 36.
19 Busoni : op. cit., p. 79.
20 Mittner : op. cit. Sur ce point, l’auteur met en bas de page une note qui se réfère à une autre interprétation de la dichotomie par Sokel, dans The Writer in Extremis, qui trace, comme il le dit, « la forme pure et la pure absence de forme » à travers l’histoire littéraire allemande, afin de montrer que cela est un produit spécial de la situation culturelle germanique.
21 Ibid.
22 Cowell : op. cit.
23 Lenormand, René : « Étude sur l’harmonie moderne », Le Monde musical XXIV, Paris, 1912.
24 Ives : op. cit., pp. 97, 98. Traduction française, p. 81.
25 Ibid., p. 52. Traduction française, p. 43.
26 Schoenberg, Arnold : « La Relation avec le texte », loc. cit., pp. 125 et 134.
27 Mittner : op. cit.
28 Ives : op. cit., p. 98. Traduction française, pp. 81-82.
29 Ibid. Traduction française, p. 82. Les deux dernières phrases de la citation appartiennent à la publication de la Sonate « Concord » en 1947 (Arrow Music Press). Les ajouts comme celui-ci, mentionnés en note dans l’édition de Howard Boatwright, n’ont pas été traduits dans la version française. (N.d.T.)
30 Ives : op. cit., p. 71. Traduction française, pp. 58-59.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Essais avant une sonate
et autres textes
Charles E. Ives Carlo Russi, Vincent Barras, Viviana Aliberti et al. (trad.)
2016
L'Atelier du compositeur
Écrits autobiographiques, commentaires sur ses œuvres
György Ligeti Catherine Fourcassié, Philippe Albèra et Pierre Michel (éd.)
2013
Fixer la liberté ?
Écrits sur la musique
Wolfgang Rihm Pierre Michel (éd.) Martin Kaltenecker (trad.)
2013