Tendances intermédiaires après 1945*
p. 157-171
Texte intégral
1C’est en avril de l’année 1948, au Black Mountain College, qu’il nous faut revenir pour retrouver les origines de l’art intermedia — un art délibérément placé entre les formes traditionnelles de la musique et des arts plastiques. John Cage et Merce Cunningham fréquentaient alors pour la première fois cette université dirigée par Josef Albers. Cage a là la possibilité de se produire devant une communauté d’artistes prête à l’expérimentation, de parler de ses projets musicaux et de présenter son thème, la durée en musique, non seulement à des auditeurs mais aussi à des interlocuteurs. Une plus grande liberté et une plus grande spontanéité deviennent possibles, grâce à une organisation strictement rythmique, libre de toute contrainte harmonique. La composition avec des durées doit permettre à la musique d’assumer de nouvelles possibilités d’intégration, de façon que toute fonction humaine, y compris l’écoute, puisse devenir partie constituante de la composition. Ce qui commence avec ou en tant que composition serait transformé dans l’étendue et la multiplicité indéfinissable de la nature humaine. Ce n’est que dans les années soixante que Cage a pu publier sur une large échelle cette conception artistique, à travers des interviews et des anecdotes1.
2Il avait depuis toujours essayé de propager dans l’institution son travail avec le piano préparé, ainsi que de lui trouver des fondements théoriques. Dès 1943, il fit de petites tournées avec Cunningham, qui avec sa danse pouvait remplacer l’orchestre. Mais seule l’exécution des Sonates et Interludes au Black Mountain College, à laquelle Albers participait, eut des conséquences qui influencèrent l’histoire de l’intermedia jusque dans les années soixante. Grâce au succès de ces concerts, Cage et Cunningham purent retourner en 1948 au cours d’été de l’université comme enseignants. Ils rencontrèrent tous deux le visionnaire technologiste Richard Buckminster Fuller, qui de son côté projetait un futur fait de « personnalités compréhensives » et d’éléments constitutifs en forme de tétraèdre. Après que le matériel eut été testé et les calculs effectués, des essais furent entrepris sur les collines de la Caroline du Nord pour construire sa coupole géodésique auto-portante avant qu’elle ne figure comme modèle de la pensée globale au pavillon de l’exposition universelle, ainsi que dans le projet pour le recouvrement des toits de Manhattan2. Les étudiants s accommodèrent apparemment du fait que les matériaux ne résistaient pas à la charge. Cage et Cunningham prirent à tel point part, cette année-là, à la cybernétique anticipatrice de Fuller, qu’ils virent désormais en lui un de leur garants3.
3La contribution de Cage dédiée à l’œuvre d’Erik Satie était elle aussi pourvue d’une force explosive et déconcertante. Tout cela se développa lors de représentations qui avaient lieu trois fois par semaine et culmina dans la mise en scène collective du Piège de Méduse de Satie, à laquelle participaient Fuller comme Baron-Méduse, Cunningham comme singe-mécanique, Willem de Kooning comme décorateur, Elaine de Kooning comme actrice et finalement Arthur Penn comme régisseur. Trois aspects font de l’adaptation de cette pièce de théâtre le modèle de la création artistique intermedia. Le produit communautaire de même que les interprétations pianistiques de Cage avaient le caractère d’un « festival d’amateurs »4 ; tout cela était dirigé, comme la rétrospective Satie, contre la tradition musicale depuis Beethoven, caractérisée comme « intentionnelle »5 ; et Cage prit le risque direct d’un théâtre amateur se produisant à l’écart des centres musicaux et culturels. Grâce à l’initiative du metteur en scène Arthur Penn, chaque participant fit l’expérience qu’en poussant son rôle burlesque jusqu’à l’excès et en se donnant avec toutes ses faiblesses, on libérait le comique de la pièce. Fuller doit avoir souffert au début de son jeu de fou, quoiqu’habitué par toutes ses apparitions scéniques précédentes à manifester ses idées et ses buts par un jeu théâtral brillant. Un des principes de l’intermedia était que la représentation artistique de soi par rapport au monde était modifiée, et se trouvait non pas au milieu mais entre les différentes formes d’art. Les philosophes, les peintres et les musiciens, malgré eux, renonçaient à leur ego au profit d’une production consciente non dirigée. L’idée de la « non-intentionnalité » — sous-jacente à l’intermedia — signifiait pour Cage que l’ensemble de la tradition musicale européenne de la pensée contrapuntique avait conduit à une domination dictatoriale sur le son. Afin d’aider les sons à s’épanouir librement et à se pénétrer les uns les autres, il fallait rompre avec la tradition du « fusionnement » harmonique. Cage condamna purement et simplement toute aspiration dirigée, toute tension, toute détermination d’un but et toute préparation du matériel sonore, procédés qui avaient culminé depuis le dix-neuvième siècle dans l’idée de la « musique absolue »6. Etaient prévues par contre une musique et une culture anarchistes qui s’orientaient vers les nouveaux medias du vingtième siècle comme le téléphone, la radio, le film et la télévision, et qui assignaient à l’auditeur le rôle de « récepteur ».
Contre le Blaue Reiter
4Pour Cage et ses partisans, les tentatives de découvrir une similarité structurelle entre les arts — le Traité d’Harmonie de Schoenberg de 1911 et Du Spirituel dans l’Art de Kandinsky de 1912 — se situaient à l’opposé. Comme le formulait la revue Der Blaue Reiter publiée à la veille de la Première Guerre mondiale, il importait alors de réaliser la vision d’un règne futur idéal de l’art7. Après 1910, la synesthésie n’avait tout d’abord pas touché les formes traditionnelles de l’œuvre, le concept d’œuvre, d’auteur ; bien plus, pour la peinture, le fait d’utiliser la musique visait à une solidarité entre les formes artistiques, pour s’ériger contre la respectabilité de la culture de masse déjà déplorée par Wagner et le matérialisme partout croissant. L’évolution de Kandinsky vers une identité essentielle des arts promettait une « vibration » de l’âme8 que la musique, en tant que forme d’art moins imagée, mettait en analogie avec la nature intérieure invisible de l’homme. L’aspiration clairement exprimée par le Blaue Reiter vers « un essor titanesque »9 trouvait à s’assurer de manière conséquente dans la conception musicale des romantiques allemands, dans le « drame de l’avenir » de Wagner, dans la symphonie Prometheus de Scriabine et dans les personnages de Parsifal et de Zarathoustra.
5Cage, élève à titre privé de Schoenberg, qui s’était exilé à cause du fascisme, décrivit son attitude en d’innombrables anecdotes :
6« Schoenberg était un merveilleux professeur, qui nous donnait toujours l’impression que nous touchions aux principes musicaux mêmes... J’étudiai le contrepoint chez lui, à la maison, et prenais part à tous ses cours d’harmonie pour laquelle je n’avais aucun don. A plusieurs reprises j’essayai d’expliquer à Schoenberg que je n’avais aucun sens de l’harmonie. Il répondait que si je n’avais aucun sens de l’harmonie, je me heurterais à une difficulté, à un mur que je ne pourrais dépasser. Ma réponse était que, dans ce cas, je consacrerais ma vie à me taper la tête contre ce mur — et peut-être est-ce là ce que j’ai toujours fait depuis10 ».
7Pour la génération de Cage, Rauschenberg et Cunningham — qui étudiaient chez Schoenberg, Albers, ou Martha Graham — il semblait ne rester quasiment rien d’autre des notions comme « la nécessité intérieure » — expression empruntée à Wagner — que la légitimation de leur insubordination aux pères de l’art moderne. Dans l’art intermedia, on ne rencontre pas plus la toute-puissante fantaisie artistique du « musical » dans la peinture — telle quelle subsistait encore chez les tachistes, « moutons dans une peau de loup », comme on les a souvent appelés — qu’un retour à l’Ordo de la fugue de Bach, ou que la tentative d’octroyer à l’art le statut d’une religion. Autant la musique comme modèle pour la peinture était un lieu commun dans la première moitié du siècle, autant ce modèle est abandonné par Cage et ses élèves. De ce point de vue, on n’a pas considéré comme il se doit une mention fort à propos de Werner Haftmann à l’occasion du centième anniversaire de Schoenberg en 1974 : « la comparaison usée jusqu’à la corde entre la musique et la peinture a été inventée par les peintres eux-mêmes »11. Les cartographies et typologies que la recherche a tracées depuis lors donnent encore l’impression que, depuis Philipp Otto Rungé jusqu’à la performance et aux installations multimedias des années quatre-vingt, il suffit de tracer des flèches entre les arts pour établir leurs relations mutuelles.
8A l’opposé de Schoenberg, Cage se tourna vers les traditions musicales les plus diverses. On peut énumérer, sans compter les œuvres scéniques d’Erik Satie, la technique de cluster et les expériences de rythmes simultanés de Henry Cowell, le Manifeste pour l’Art des Bruits de Luigi Russolo, le Ballet mécanique de George Antheil, ainsi que la musique pour percussion d’Edgar Varèse. Au lieu de sombrer, comme les successeurs de Schoenberg, tel Anton Webern, dans les problèmes numériques de la technique sérielle, Cage développa dès le début des années trente la faculté de surmonter et d’intégrer les divergences entre les cultures et les courants musicaux. Le concept d’« Indeterminacy »12, d’indétermination, était couramment employé par tous les élèves de Cage dans les années cinquante et soixante contre les « principes musicaux » traditionnels, et permettait de distinguer environnement musical et non musical. Cage pouvait devenir une sorte de modèle pour les artistes qui voulaient échapper au système dodécaphonique. Il a lui-même résumé cette fonction dans une formule diamétralement opposée à Schoenberg : « Dans l’éducation, le maître est le facteur le moins important »13.
L’influence de Cage
9La disposition de Cage pour l’expérimentation et son détachement apparent de la tradition n’eut de grand rententissement qu’après 1956, alors qu’il enseignait à la New School for Social Research à New York. Représentatif de l’art du happening et du mouvement Fluxus — outre George Brecht, Al Hansen, Allan Kaprow, Jackson Mac Low, Richard Maxfield, Scott Hyde et Florence Tarlow — Dick Higgins décrit l’enseignement de Lage comme suit : « Le meilleur que nous retenions des cours de Cage était qu’il nous donnait le sentiment que « tout va » — au moins potentiellement »14.
10La nécessité de tels sentiments n’était pas encore nette en 1948. Il s’agissait de continuer à voyager après l’été au Black Mountain College, de rechercher les marges du domaine artistique et musical, d’y fonder là des communautés et d’installer des dépôts ; en dix ans une nouvelle culture s’y développa, qui, à la suite d’autres cours d’été et de petites manifestations, se propagea tout d’abord en Europe. Pour l’exprimer positivement, avec l’intermedia naquit un art entre les formes d’art et qui s’y répandit très vite. Une tendance à l’auto-affirmation ne s’y fit voir que très rarement. Les artistes intermedias de la première heure ont rarement fait parler d’eux pour avoir employé un appareillage multimedia, ou pour avoir adopté des visions esthétiques totalisantes. Au lieu de cela, l’art intermedia réduisait les différences qualitatives des formes d’art jusqu’à l’insignifiance, afin d’annoncer en silence l’insignifiance des arts. Exit est le nom d’une œuvre prototype de 1961 de George Brecht : est-ce un brouillon ? Une partition ? Une composition ? une performance ? la légende d’une sculpture ? Ou l’indication de la sortie ? De telles questions sont importantes et inutiles à la fois, car l’œuvre sera exécutée continuellement quoi qu’il en soit. On peut, à vrai dire, difficilement l’exposer.
11Cage séjourna en 1949 à Paris ; il y rencontra Pierre Boulez avec lequel il eut de longues conversations sur la catégorie cruciale de l’intermedia : le hasard. Boulez lui fit connaître Le théâtre et son double de Artaud, puis peu après il découvrit grâce à Daisetz T. Suzuki de l’Université de Columbia à New York la vitalité anarchiste du zen. Il y trouva un moyen pour ses opérations musicales aléatoires : le « Yi King », le « Livre des transformations » chinois. Sa pièce pour piano de 1951, Music of Changes, éclaire de façon exemplaire le but et l’emploi de la méthode aléatoire. Dans le « Yi King », des notions telles que début, milieu, fin, développement différencié de la forme, climax et contrastes dialectiques, perdent de leur importance. L’écriture se fait néanmoins à l’aide de combinaisons de sons inhabituelles, avec des échelles de tempos précis et des dynamiques déterminées, de sorte que l’interprète semble avoir été soumis à une contrainte plus forte qu’auparavant. Cage, comme il l’expliqua plus tard, avait décomposé son œuvre en autant de paramètres possibles, afin de déterminer les composants aléatoires : « structure », « méthode », « forme » et « matériel ». A cela on peut encore ajouter « fréquence », « amplitude », « durée » et « timbre ». Les parties « dépourvues de sons » n’étaient plus considérées comme des pauses mais représentaient des durées de temps déterminées — avec une fréquence d’amplitude « nulle » — sur un pied d’égalité avec les autres matériaux. La notation résultant du « Yi-King » requérait pour une œuvre aléatoire aux contours complexes la même concentration qu’une interprétation de « chefs-d’œuvre » traditionnels15.
12La façon de composer changea aussi. Depuis l’utilisation du « Yi-King », Cage avait toujours été critique face à la méthode discursive de Schoenberg, celle du crayon et de la gomme à effacer. La musique aléatoire n’était pas seulement, naïvement, une nouvelle forme de notation, mais un renversement durement acquis des lois techniques de la composition. Il s’agissait que « le son entre en lui-même »16 que « chaque son devienne un Bouddha », que « chaque aspect d’un phénomène sonore... soit considéré comme un continuum et non comme une série dont les conventions (orientales ou occidentales) privilégient les niveaux discrets », et que la musique a besoin de certaines possibilités particulières de déploiement dans l’espace17.
13Le premier happening digne de ce nom, une exécution simultanée — en 1952 au Black Mountain College — de pièces de Cage, Cunningham, Rauschenberg, M. C. Richards, Charles Olson et David Tudor, prenait consciemment en considération de tels postulats. Grâce à une scène ouverte au milieu des spectateurs, à des recouvrements imprévisibles entre les moments de représentation et de pause, aux changements de lieu des interprètes, à la diversité de leurs activités ainsi qu’à la durée de la représentation, artistes et public, action de scène et lieu réel de représentation, action jouée et réalité se fondaient ensemble de cette manière « imprécise » à laquelle Cage aspirait. Personne ne savait à la fin ce qui s’était réllement passé ; les artistes eux-mêmes gardaient en mémoire des moments tout à faits différents de la soirée18. Pour Cage, c’était la clé d’une forme d’art qu’il fit connaître à ses élèves comme une nouvelle vision du monde : « Nous avons appris de la pensée orientale que l’influence divine n’est en fait rien d’autre que le milieu dans lequel nous nous trouvons. Un esprit simple et tranquille est celui où le “moi” n’empêche pas le flux des objets qui parviennent en nous par nos sens et qui surgissent en nous dans nos rêves. Notre mission dans la vie est de parvenir à fusionner avec la vie que nous vivons, et l’art peut nous aider à cela »19.
De la Californie à Darmstadt et New York
14Cage parvint à se démarquer définitivement, lors du cours d’été au Kranichsteiner Musikinstitut en 1957, du « Village Global » de Marshall Mac-Luhan20, ainsi que de l’« Operation Manual for spacing Earth » [Mode d’emploi du vaisseau terre] de R. B. Fuller, qui reflétaient des conceptions de l’art assez semblables. A cette époque, Boulez publia son article « Alea » dans les Darmstädter Beiträge21, Stockhausen composa son Klavierstück XI, dont la création eut lieu à Darmstadt ; étaient également venus, outre Earle Brown, Cornelius Cardew (Grande-Bretagne) et Leonard Stein (San Francisco) : ils utilisèrent par la suite les idées musicales et les analyses de Cage et les propagèrent aussi. En 1959, par exemple, incité par Stein et de futurs artistes de Fluxus, La Monte Young, qui jusque-là avait écrit comme la plupart des compositeurs selon la technique sérielle, vint à Darmstadt. Young retourna ensuite à San Francisco et ouvrit avec la compagnie de danse d’Ann Halprin un workshop où l’on expérimentait les effets mentaux des bruits et des sons tenus ; puis il quitta San Francisco pour New York en août 1960, attirant à sa suite une véritable horde d’artistes : Joseph Byrd, Walter de Maria, Simone Forti, Terry Jennings, Dennis Johnson, Robert Morris, Terry Riley, Diane Wakoski, etc. A New York, ces artistes rencontrèrent Richard Maxfield, successeur de Cage à la New School for Social Research, où Young fit la connaissance à la fin de l’automne 1960 du fondateur de Fluxus, George Maciunas. Les anciens élèves de Cage à New York, qui avaient déjà eu à l’époque leur mot à dire dans des happenings, des performances et des expositions, trouvaient les plus jeunes sympathiques, mais les considéraient le plus souvent comme des amateurs. Kaprow surtout se montra empressé d’académiser l’intermedia22. Depuis qu’il avait parlé, avant son premier happening officiel en octobre 1959, de « l’héritage de Jackson Pollock »23, il voyait dans le célèbre « easy give and take » de ce dernier (une manière de concevoir la toile semblable au jazz) un sauf-conduit pour l’expansion continue de la peinture dans l’environnement réel. A l’encontre de la tradition de l’expressionnisme abstrait qui prédominait en musique et en peinture à New York et ailleurs, Young organisa en décembre 1960 une série de concerts avec Jennings et Morris, auxquels s’associèrent également Philip Corner, Henry Flynt et Tashi Ichiyanagi. En juillet 1961, la galerie A. G. de George Maciunas fut inaugurée par la série « Musica Antiqua Nova », qui s’opposait programmatiquement au « biomorphic illusionism », avant que l’Amérique et l’Europe ne se rencontrent finalement à Wiesbaden en 1962 pour les « Internationale Festspiele Neuester Musik », et surtout à l’occasion des quatorze premiers concerts Fluxus. Auparavant, les premiers contacts avaient eu lieu par l’intermédiaire de Stockhausen, entre Darmstadt et la Radio Ouest-Allemande, qui diffusa surtout des enregistrements de Tudor, ainsi qu’avec les galeries de Cologne, « Spiegel » et « Lauhus » et la « Galerie 22 » de Düsseldorf ; ainsi, de nombreux artistes locaux eurent l’occasion, entre 1956 et 1962, non seulement de prendre connaissance des conceptions artistiques de Cage, mais encore de disposer d’un forum pour la présentation de leurs propres œuvres. Enfin, dès 1960, de nombreux concerts et des expositions de partitions eurent lieu à Cologne dans l’atelier de Mary Bauermeister, et le 6 octobre de la même année, ce fut la spectaculaire action de Nam June Paik, qui coupa la cravate de Cage, son maître, sous les yeux de ses amis Merce Cunningham, Earle Brown et Christian Wolff24. Le sentiment de Higgins, selon lequel l’enseignement de Cage avait en premier lieu favorisé une forme de « anything goes », vérifiait ici, si ce n’était déjà fait, ses limites. L’intermedia, qui du point de vue de l’histoire sociale s’était développé comme un furieux échange d’idées et de lettres, comme une suite, plusieurs années durant, de voyages et de déménagements en vue d’élargir le rayon d’action des arts, comme une interdépendance et une interférence des arts et des artistes sans but apparent ou même convenu, l’intermedia donc préparait alors la mort du père. La rivalité des fils commença. A New York, Young et Maciunas étaient occupés à préparer An Anthology, recueil de textes et de compositions d’environ deux douzaines d’artistes américains et européens réalisée grâce à une longue et abondante correspondance, et lorsque Maciunas partit, en novembre 1961, pour l’Allemagne, Wolf Vostell inaugura avec ce matériel encore inédit sa revue dé-coll/age. Bulletin aktueller Ideen, qui parut pour la première fois à Cologne en juin 1962. En sens inverse, le théâtre musical Originale, créé par Stockhausen et Mary Bauermeister à Cologne en 1961 (y collaborèrent aussi David Behrman, Allan Kaprow, Billy Kluver, Charlotte Moorman, Max Neuhaus, et Nam June Paik) amena à New York en 1964 la rupture définitive entre tous les artistes de Fluxus. Car Maciunas rédigea à cette occasion avec Henry Flynt un tract contre « l’emprise de l’art blanc européano-américain de la classe dominante » ; de plus les représentations furent interrompues, Paik fut ligoté avant le concert, et des actions téléphoniques furent menées au moyen de sons amplifiés à crever les tympans, au point qu’il fallut hospitaliser un téléphoniste d’hôtel25.
Fluxus
15La description des attitudes d’artistes que donne Dick Higgins en 1964 dans sa Postface, peut se lire aussi bien comme le chant final que comme une profession de foi de l’esthétique singulière de l’intermedia : « Tandis que Rome brûle, je travaille un instant avec du beurre et des œufs, George Brecht réclame at least one egg, Alison Knowles prépare une salade aux œufs et La Monte Young joue pendant des heures si-fa dièse au violon »26.
16La surenchère de la non-intentionnalité dans l’apparente « cécité devant l’apocalypse » de l’artiste Fluxus deviendra un trait révélateur des tendances de l’intermedia. Une catastrophe, plus considérable que l’incendie de Rome, menaçait le monde en 1962 : la crise de Cuba. Pendant ce temps, les artistes Fluxus bricolaient quelques partitions aléatoires du type de celles de Cage, ou de petites boîtes, comme on en voyait couramment depuis l’exposition « Art of Assemblage », au Museum of Modern Art, ou écrivaient, comme George Brecht, une pléthore de petites cartes publiées en masse par Maciunas dans le Water Yam, ou encore réduisaient leur existence à un intervalle sonore. Pour Higgins, ils faisaient par là la démonstration d’une politique culturelle à la « Schweik ». La pièce de Young, Composition 1960 #7, si-fa dièse, comportant l’indication « to be held for a long time », née à San Francisco encore, constituait le fondement de Fluxus, de l’art conceptuel et de la musique minimale avant même que ces systèmes stylistiques ne soient apparus.
17Dans cette pièce se reflètent aussi bien les rapports de l’intermedia avec la musique et l’histoire de l’art que la rupture avec celles-ci au profit de voies nouvelles. Elle fut jouée pendant trois heures à la Galerie A. G. Maciunas le 2 juillet 1961, et pendant cinq heures sans interruption lors du Yam Festival intermedia dans la ferme à poulets de George Segal en mai 196327. Une composition constituée en tout et pour tout d’un accord de quinte plaqué et tenu, produit son effet avant tout à titre d’action sonore dont les notes sont en tout temps interchangeables. On renonce à la mélodie et à la mesure au profit d’une relation harmonique déterminée. Cette fonction cependant est tout sauf interchangeable. De la gamme pentatonique jusqu’à la modulation dans toutes les tonalités tempérées, la quinte fait fonction de creuset et de point de suture des cultures musicales orientales et archaïques et de leurs instruments de musique. Sans quinte, pas de tempérament au piano, ni d’accordage réciproque des cordes du violon, de l’alto et du violoncelle. En plus, par sa fréquence 3 :2 2 :1 pour l’octave — la quinte s’est imposée comme intervalle particulièrement simple et consonant de la gamme majeure. La simplicité, la consonance et la portée historique de cet intervalle ont poussé les exégètes à rendre compte de la Composition 1960 #7 de Young comme d’un fait historique de la musique. Dieter Schnebel, par exemple, la replace dans le contexte de ce qu’on appelle « les grands moments de la musique », comme par exemple la figure en do mineur du début de la Cinquième Symphonie de Beethoven, ou bien l’ouverture de L’Or du Rhin de Wagner, et, partant de là, il plaide pour la réduction de la Cinquième Symphonie à sa « formule », qui devrait être jouée « avec cette intensité extrême qui seule convient »28. Il établit encore des liens avec Schubert et son « modèle de disparition progressive — mieux : de retrait d’un son qui attire notre écoute au point qu’on en suive les traces »29, ainsi qu’avec le chœur du début de la Passion selon Saint Mathieu de Bach, et la « représentation de la douleur que le temps n’efface plus, mais sur laquelle au contraire il ne fait que porter des coups répétés »30.
18Mis à part les spéculations sur son pathos, la quinte de Young bouleversa le rapport à la musique. Alors que d’habitude une composition est déterminée par le développement et la transformation dans le temps d’un matériau musical, et qu’une œuvre ne peut être saisie comme un tout qu’après son dénouement, dans cette pièce-ci, le premier instant coïncide avec chaque instant ultérieur, si l’on fait abstraction de l’écoulement continuel du temps. Cage a comparé à ce propos « la manière dont on fait l’expérience d’une transformation lorsqu’on observe un objet au microscope. On voit qu’il existe autre chose que ce que l’on croyait un instant plus tôt »31. La Composition 1960 #7 a son pendant optique dans la Composition 1960 #9, enveloppe collée dans An Anthology, et dans laquelle se trouve une carte blanche traversée d’une ligne horizontale noire.
19Quant à l’aspect « action », il est fourni par la Composition 1960# 10 — To Bob Morris, et son mode d’emploi : « Draw a straight line and follow it ». Ces deux compositions illustrent le principe même de #7 : faire coïncider la dimension processive potentiellement infinie d’une œuvre d’art avec un parfait statisme, à un degré tel que l’antinomie entre les deux catégories disparaisse. #7,#9 et #10 représentaient sur le plan new-yorkais quelque chose de comparable au Static ! Static ! Static ! de Jean Tinguely en Europe, répandu sous forme de tracts : « Soyez dans le temps — soyez statiques, soyez statiques — avec le mouvement »32. Ici aussi le statisme pouvait se transformer en dynamisme et réciproquement, sans que le contenant n’exerce là une influence tangible : visiblement, les rapides changements sociaux possédaient, aux yeux de l’art des années soixante, un haut degré d’uniformité.
20Chez Cage, le son devait encore devenir un Bouddha ; ici, le son se portait garant d’une machinerie anonyme, dont la dimension spatio-temporelle possédait une existence propre qui faisait du spectateur ou de l’auditeur un outil, volontaire ou involontaire. Certes, à Milan, Piero Manzoni fabriquait fin 1959 déjà des lignes précisément proportionnées qu’il insérait dans des tubes étiquetés, et plus tard dans des boîtes en acier, avant qu’il ne crée en 1960 sa ligne la plus longue, atteigant 7200 mètres : immobile, il se tenait assis, le tube de couleur dans les mains, devant un rouleau de papier de plus d’un mètre de diamètre qui se dévidait mécaniquement devant ses yeux, tandis qu’il peignait la ligne33. George Maciunas s’est aussi exprimé à propos de la ligne :
21« HOMAGE TO LA MONTE YOUNG...
22Erase, scrape or wash away as well as possible the previously drawn line or lines of La Monte Young or any other lines encountered, like street dividing lines, rulled paper or score lines, lines on sports fields, lines on gaming tables, lines drawn by children on sidewalks etc »34.
23Draw a straight line and follow it fournissait pour finir, dans le second numéro de la revue Fluxus V Tre de 1964, un modèle pour le travailleur Fluxus qui, à l’aide d’une machine à jalonner, dessine sur le sol une ligne droite blanche.
Intermedia versus multimedia
24Peut-être peut-on considérer la ligne comme le paradigme ou le « point culminant » des tendances de l’Intermedia après 1945. Elle est la composition par excellence, elle intervient dans le temps et l’espace avec leurs implications tant universelles que quotidiennes, elle se manifeste quelque part entre musique, sculpture et action, et représente un exemple important d’influence artistique sur le milieu. Ce que les artistes de l’intermedia, en haussant les épaules avec indifférence, ont fait passer pour de la fumisterie, n’est pas si éloigné des actions d’œuvres d’art totalisantes d’un Yves Klein ou d’un Hermann Nitsch. La Symphonie Monoton-Silence de Klein était constituée d’un accord de ré majeur qui devait résonner pendant vingt minutes, suivi de vingt minutes de silence.
25Elle fut créée à Paris le 9 mars 1960 et devait emmener l’auditeur hors du temps, le transporter dans le règne de l’immatériel35. Certains artistes Fluxus, tel George Brecht, ont résolu de semblables questions d’évaluation, le dilemme entre d’une part la partition et d’autre part la valeur d’usage sociale attendue, de façon plus laconique : « pendant que ma glacière fonctionne... la « ligne » de La Monte continue... Nous, vieux collègues, travaillons toujours ensemble »36 Cette attitude est certainement la cause de l’égarement conscient des tendances de l’intermedia. Les suppositions selon lesquelles, de l’art conceptuel jusqu’aux performances d’une Laurie Anderson, des emprunts presque honteux auraient été faits à Fluxus37, ne changent rien au fait que l’intermedia n’a pu s’imposer nulle part en tant que genre. Même le marché de l’art, qui mélange volontiers les genres artistiques pour des raisons commerciales, ne s’en soucie guère.
Exemple 4
26Dès 1966, lors des spectaculaires « 9 Evenings » à l’Arsenal de New York, qui en faisant allusion au célèbre Armory Show de 1913, devait inaugurer une époque d’art non pas intermedia mais multimedia, il apparut que ces deux conceptions — qui visaient à l’affranchissement des genres artistiques — correspondaient à deux cultures différentes. D’un côté celle, bourgeoise, de Robert Rauschenberg, Robert Whitman ou Billy Klüver, qui depuis Homage to New York de Tinguely en mars 1960, procura aux artistes une porte d’entrée aux Laboratoires Bell, favorisant dès lors leurs expériences grâce à des moyens de production industrielle38. De l’autre côté, on pouvait voir de loin en loin un « lumpenprolétaire » tel que Nam June Paik qui, comme il s’en plaignait dans une lettre de 1967 à Mary Bauermeister, ne recevait de subventions que lorsque les effets exotiques des artistes à succès multimedia échouaient à cause d’une défaillance technique de leurs appareils39.
27Cage s’est très vite démarqué de ces deux groupes qui ne purent jamais s’affronter comme deux blocs, car les artistes de l’intermedia ne trouvèrent pas de lobby et leur euphorie se dissipa après 1964 : de ses plus jeunes élèves, parce qu’ils concevaient le principe d’« Indeterminacy » comme un saufconduit pour le dilettantisme — ainsi Paik répétant la Ligne en traînant derrière lui un violon — et des plus anciens, parce qu’ils commuèrent cette disposition en des conceptions artistiques traditionnelles. A propos du changement d’opinion de Rauschenberg, qui cherchait à effacer la différence entre l’art et la vie, en voulant travailler dans l’entre-deux, Cage dit un jour que cela sonnait « un peu catholique-romain... il en fait un secret, d’être un artiste ! »40
28La musique vient justement volontiers en aide aux secrets.
Notes de bas de page
1 Cf. Cage, J. : Silence, Middletown (CT), 1961 ; Kirby, M., et Schechner, R. : An Interview with John Cage, in Tulane Drama Review, New Orleans, Vol. 10, N ° 2, hiver 1965, pp. 50-72 ; Kostelanetz, R. : John Cage, New York, 1968, Cologne, 1973 ; John Cage, édité par Metzger, H. -Κ., et Riehn, R., Munich, 1978. Martin Duberman a établi le rôle de Cage au Black Mountain College : Black Mountain. An Exploration in Community, Garden City (Ν. Y.), 1973, en particulier pp. 288-304 ; 365-383.
2 Pour un aperçu : Krausse, J. : Bedienungsanleitung für das Raumschiff Erde und andere Schriften, Reinbeck, 1973.
3 Cf. Kostelanetz. R. : op. cit. (note 1), pp. 29-32.
4 Selon les termes de Cage lui-même, cf. Dubermann, M. op. cit. (note 1), p. 300.
5 Ibid., p. 54 : « Je crois que la vie est essentiellement non-intentionnelle » ; ibid., p. 58 : « Nous devons prendre le matériel intentionnel comme celui de Beethoven, et le transformer en non-intentionnel » ; ibid. 108-114 et passim.
6 Voir surtout Dahlhaus, C. : Die Idee der absoluten Musik, Kassel/Munich, 1978.
7 Formulé synthétiquement par Klaus Lankheit dans sa nouvelle édition documentée, Der Blaue Reiter, édité par Wassily Kandinsky et Franz Marc, Munich, 1965, p. 284.
8 D’après Kandinsky, le véritable but de toute forme d’art, cf. ibid., p. 190 sqq.
9 L. Sabanejev à propos de Prometheus de Scriabine, cf. ibid., p. 110. La Ire symphonie de Mahler avait aussi comme sous-titre Le Titan.
10 Haftmann, W. : Über die Funktion des Musikalischen in der Malerei des 20. Jahrhunderts, in Hommage à Schoeberg, catalogue d’exposition, Galerie Nationale, Berlin 1974, p. 10.
11 Cité d après Tomkins, C. : The Bride and the Bachelors. Five Masters of the Avantgarde. Duchamp, Tinguely, Cage, Rauschenberg, Cunningham, New York, 1976, p. 85.
12 Cage a appliqué ce terme aussi bien à ses conceptions fondamentales, qu’à sa manière de travailler et à certaines de ses compositions. Cf. Cage 1961 : op. cit. (note 1), pp. 35-40, 260-273 et Cage 1978 : op. cit. (note 1), pp. 22-25.
13 Cité d’après Kostelanetz, R. : op. cit. (note 1), p. 63.
14 Cité d’après le même, p. 174.
15 Voir surtout la conférence de Cage : Composition as Process, in Cage 1961 : op. cit. (note 1), pp. 18-56 ; et plus particulièrement p. 34, p. 270 sq.
16 Ces citations sont extraites de l’article de Cage : Zur Geschichte der experimentellen Musik in den Vereinigten Staaten, article qui fut publié pour la première fois en 1959 par Wolfgang Steinecke dans les Darmstädter Beiträge für Musik, pp. 46-53, version anglaise in Cage 1961 ; op. cit. (note 1), pp. 67-75.
17 Une exigence à propos de laquelle Stockhausen aussi, par exemple, a poursuivi la réflexion (cf. Stockhausen, Κ. : Texte zur elektronischen Musik Bd. I, Aufsätze 1952-1962, Cologne, 1963, Vol. I, pp. 152-173), et qui a acquis une importance de premier rang pour les représentants de la musique minimale.
18 Dépeint drastiquement par Dubermann, M. : op. cit. (note 1), pp. 372-383.
19 Cité par Kostelanetz, R. : op. cit. (note 1), p. 105.
20 Cf. Mc Luhans Einfluss, in Kostelanetz, R. : op. cit. (note 1), p. 231 sq.
21 Réédité in Boulez, P. : Relevés d’Apprenti, Paris, Les Editions du Seuil, 1966, pp. 41-55.
22 Il donne en outre un témoignage des plus pénétrants dans son livre Assemblage Environments and Happenings, New York, 1966, où, malgré un plaidoyer en faveur d’un art « sans théorie », on trouve à maintes reprises des schémas de composition (dignes d’être imités) ainsi que des pensées sur l’expansion successive d’assemblages dans les happenings.
23 Kaprow, A. : The Legacy of Jackson Pollock, in Art News Vol. 57, N° 6 octobre 1958 pp. 24-26, 55, 57. ‘
24 Mary Bauermeister me décrivait l’incident comme relativement déconcertant — cela aurait pu être pire.
25 Je dois ces détails à Mary Bauermeister.
26 Higgins, D. : Postface (Jefferson’s Birthday), New York/Nice/Cologne, 1964, p. 5.
27 Suivant la bibliographie inédite de La Monte Young, New York.
28 Schnebel, D. : Composition 1960 : La Monte Young, in Denkbare Musik. Schriften 1952-1972, Cologne, 1972, pp. 20-28.
29 Ibid., p. 21.
30 Ibid., p. 22.
31 Cité d’après Becker, J., Wolf Vostell : Happenings, Fluxus, Pop Art, Nouveau Réalisme Reinbeck, 1965, p. 164.
32 A l’occasion de l’exposition de Tinguely à la galerie Schmela de Düsseldorf en 1959, 150 000 tracts furent, paraît-il, largués d’un avion, cf. Hulten, P. : Jean Tinguely. « Méta, Berlin, 1972, pp. 77,79.
33 Cf. Piero Manzoni. Paintings, Reliefs and Objects, catalogue d’exposition, The Tate Gallery, London, 1974, p. 54.
34 Cf. Sohm, Hanns : Happenings and Fluxus, catalogue d’exposition, Kölnischer Kunstverein, Cologne, 1970 (pages non numérotées).
35 Cf. Restany, P. : Yves Klein, Munich, 1982, pp. 109-221.
36 Cité d’après : Texte zu einer Heterospektive von George Brecht, Kunsthalle, Berne, 1978, p. 7 2.
37 A propos des plagiats de Fluxus, René Block écrivit qu’on l’a « mis en scène de manière totalement factice et sans signaler l’emprunt, et (qu’) il a été présenté de manière affreusement artificielle par les gens de théâtre, y compris Pina Bausch et Robert Wilson », catalogue 1962 Wiesbaden Fluxus 1982, Eine kleine Geschichte von Fluxus in drei Teilen, Wiesbaden, 1982, p. 365.
38 De Homage de Tinguely au rapport de Maurice Tuchmann (Report on the Art and Technology Programm of the Los Angeles Country Museum of Art, 1967-1971, Los Angeles 1971) il y a, du point de vue de l’histoire de l’art, continuité du credo en la technologie, à laquelle peut être associée, surtout aux U.S.A., l’histoire du multimedia. Quant aux étapes de ce développement, c’est une autre histoire ; le multimedia avec les 9 Evenings : Theater and Engeneering de la fin 1966, promettait une production artistique à l’échelle industrielle, et ouvrait un des chapitres les plus fascinants de l’histoire de la concurrence artistique de l’après-guerre.
39 « Comme tu sais, le happening technologiste de Rauschenberg s’est terminé pour ma plus grande honte, un peu comme le combat entre Sonny Liston et Cassius Clay », écrivait triomphalement Paik à Mary Bauermeister quelques mois après les 9 Evenings, dans l’espoir que ses préférences artistiques zen s’imposeraient à l’ouest contre le « Texas Style Ambition » de Rauschenberg.
40 Cité d’après Duberman, M. : op. cit. (note 1), p. 379.
Notes de fin
* Paru pour la première fois sous le titre « Intermediäre Tendenzen nach 1945 » in catalogue de l’exposition VOM KLANG DER BILDER 6.VI-22.IX.1985, Staatsgalerie, Stuttgart 1985.
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