Dans la prison de la vie privée*
A propos du lien interne entre deux œuvres de György Kurtág1
p. 198-210
Texte intégral
1Les chefs-d’œuvre sont parfois impossibles à reconnaître en tant que tels. Certains annoncent leur arrivée à grand fracas : ils sapent les critères du bon goût et renversent les tabous. D’autres, au contraire, viennent au monde avec une modestie exemplaire, si calmement, si silencieusement qu’on les remarque à peine. Les deux œuvres de György Kurtág, Omaggio a Luigi Nono op. 16, et Poslania pokoïnoï R.V. Trusovoï [Les messages de feu R.V. Trousova] op. 17 relèvent de ce deuxième type. Apparemment, elles n’ont rien d’extraordinaire. Une œuvre chorale dans le premier cas (des centaines, des milliers d’œuvres semblables sont créées dans le monde ; mais c’est la première de ce genre composée à ce jour par Kurtág), et un cycle de Lieder accompagné par un orchestre de chambre, pour l’autre. En soi, rien de sensationnel.
2Et pourtant, ces deux œuvres représentent un défi, une profession de foi extraordinairement modeste et laconique, mais exprimée avec âpreté, sur les questions humaines et historiques les plus fondamentales de notre époque, celles des années soixante-dix et quatre-vingts. S’y ajoutent une force et une autorité artistiques qui dépassent largement les contingences de lieu et d’époque.
3Kurtág a fait lui-même le choix des textes pour ces deux œuvres, à partir de poèmes ou de cycles de poèmes d’une poétesse russe vivant en Hongrie, Rimma Dalos. (Dans Omaggio, Kurtág utilise également un fragment poétique et une petite scène d’Akhmatova). L’esprit de ces poèmes est très proche du comportement de Kurtág. Sans doute ont-ils su toucher, par les voies les plus diverses, un cercle restreint de lecteurs ; mais, par la force des choses, ils sont restés inédits jusqu’à nos jours2. Bien qu’ils rendent comptent d’une manière bouleversante de phénomènes profonds et importants, ils sont d’une très grande discrétion, refusant toute pose, et préférant mener le dur combat existentiel pour leur propre survie. Il est certain qu’ils seraient restés confidentiels si Kurtág ne leur avait prêté attention.
4Le trait le plus caractéristique de ces poèmes est leur extrême densité, laquelle est très rare dans la poésie russe. Ces textes ont un caractère typiquement intellectuel, ils s’écartent consciemment de la tradition russe, pour se rattacher à certaines traditions étrangères, telles que celle des haïku. Les poèmes de Rimma Dalos ne respectent cependant pas la forme stricte des poésies extrême-orientales, ils n’ont pas été conçus non plus pour le plaisir de l’invention ou du jeu formel. Malgré tout, on trouve dans tous ces poèmes, sans exception, les mots qui signalent une rupture et qui, scindant le poème en deux parties contrastées, acquièrent souvent une signification métaphysique. Chez Rimma Dalos, la concision va souvent de pair avec un caractère énigmatique. Les vers sont difficiles à interpréter, la trame fait l’effet d’un écheveau qu’on peine à démêler. De par leur caractère, ces poèmes sont fermés, introvertis. On y trouve pourtant quantité de repères émotionnels ou logiques, des mots-clefs caractéristiques, des réflexions qui dépassent largement leur signification littérale et qui aiguillonnent une intelligence avide d’analyse.
5La rencontre de Kurtág avec Rimma Dalos n’a rien de fortuit. Chez eux, le laconisme est érigé en un principe esthétique. Plus encore, c’est une exigence humaine. Dire le plus avec le moins : cette aspiration rappelle la musique de Webern ou la poésie de János Pilinszky. Et, naturellement, la prose d’István Orkény. C’est l’art du laisser-deviner, du passer-sous-silence, du non-exprimer. Comme le formulait István Orkeny lui-même à propos de ses mini-nouvelles (auxquelles on a donné dans l’espace francophone le nom de « mini-mythes »), les poèmes de Rimma Dalos engendrent un « état d’excitation », ils « secouent l’imagination » pour ne plus accorder ensuite un seul instant de répit à l’entendement humain bouleversé.
6Alors qu’en général la forme se développe à partir des préoccupations artistiques, chez Rimma Dalos, on assiste à un mouvement inverse : elle cherche à faire entrer de force ses idées et ses sensations dans un cadre formel déterminé. Il en résulte une tension interne terrifiante. Le matériau tiré de la vie, riche d’une connaissance et d’une expérience dignes d’un gros roman, se condense en de minuscules tercets. Dans quel but ? A notre avis, Rimma Dalos tente avant tout d’atteindre le plus haut degré possible de la souffrance. Mais elle s’éloigne de toute espèce d’autocompassion, évite le lieu commun de cet « épanchement de l’âme » typiquement russe dont le réalisme socialiste avait abusé ; ce qu’elle vise, c’est, par la seule force poétique, la possibilité d’un épanouissement, réprimé jusque-là. Ses poèmes sont parcourus par une contradiction interne féconde : leur forme volontairement figée, qui bride la personnalité, éclate sous le foisonnement et l’importance du vécu ; mais cette même forme libère aussi, par l’autodiscipline, de tout sentimentalisme. Quand tel ou tel poème dévie ne serait-ce qu’un peu de cette attitude, le ton, par la force des choses — et parfois d’une manière fort grotesque — tombe dans une exagération presque comique, ou en son contraire, la mélancolie. Kurtág utilise dans la sonorité et dans la forme les possibilités latentes d’une telle contradiction.
7Le rapport de Kurtág avec la poésie de Rimma Dalos n’est pas celui d’un compositeur qui « met en musique », mais d’un homme qui pense en toute souveraineté. En effet, l’emploi de la langue russe par un compositeur hongrois pourrait susciter moquerie et incompréhension. Or ces œuvres seraient à peine concevables dans une autre langue. La sonorité du langage fait indissociablement partie de l’essence même de leur structure esthétique. Kurtág, qui se livre peu, a refusé, fidèle à lui-même, l’interprétation de ses propres œuvres. Pourtant, à l’occasion d’une intervention publique à Londres, il tint à mentionner que le texte russe était « devenu pratiquement sacré à [ses] yeux, de la même manière que le latin pour Stravinsky ». Toutefois, ses œuvres semblent réfuter un tel propos. Tout en étant « tombé amoureux de la langue de Dostoïevski », comme il l’avoue lui-même, Kurtág entretient avec elle un rapport fondamentalement différent de celui que Stravinsky eut avec le latin. Ce dernier cherchait « une langue immuable, presque rituelle », dans laquelle « l’imagination du compositeur n’est pas liée aux mots pris au pied de la lettre ». Il voulait ainsi prendre ses distances, mais désirait d’autre part que « le texte, entre les mains du compositeur, devienne un matériau exclusivement phonétique »3. Il n’existe pratiquement rien de plus éloigné de Kurtág qu’un tel parti-pris. On aurait du mal à citer un autre compositeur (Nono, peut-être) capable de pénétrer plus profondément que lui dans la structure, le mode de pensée, les impulsions émotionnelles d’une langue vivante, et de la transformer, d’une façon valable, en une musique, en un chant contemporains.
8Bien que Kurtág, en employant tous les moyens dont il dispose, s’efforce de préserver la signification verbale du texte, et même de l’augmenter, l’éthos de la sonorité de la langue dépasse largement celle-ci. Cette musique transmet au monde les messages de l’Europe de l’Est, son propre point de vue sur les perspectives de l’évolution humaine et les obstacles qu’elle doit surmonter. Le russe n’est pas seulement la langue de Dostoïevski ; c’est aussi celle de Lénine et d’un système qui a figé les aspirations les plus nobles. Que la mise en évidence des tensions et des contradictions de l’actualité historique, prise au sens le plus strict du terme, et de sa restitution dans le chant aient lieu précisément dans cette langue a une portée quasi symbolique.
9Par son emploi de la langue russe, Kurtág apparaît comme le véritable continuateur de Moussorgsky. Chez l’un comme chez l’autre, la structure de la langue parlée est déterminante. On a peine à croire qu’une prosodie russe authentique dans le chant moderne ait précisément vu le jour dans les ateliers d’un compositeur hongrois — alors que Kurtág vise manifestement à s’arracher à toute espèce d’intonation traditionnelle de la musique russe, et bien qu’il n’ait rien non plus en commun avec le patrimoine des chansons du folklore russe — à l’exception d’un passage où cette relation apparaît tout de même indirectement, lorsqu’il fait appel à des sonorités typiques de Stravinsky. Malgré tout, il ne laisse pas l’expression tomber dans les généralités creuses d’une « langue commune moderne » qui serait construite à partir d’échantillons, même si, dans certains passages, comme dans les moments de nostalgie démesurée, de refus total, ou dans les instants de « méditation » mélodramatique et rêveuse, on entend résonner jusqu’au Sprechgesang du Pierrot lunaire de Schoenberg. Kurtág, en faisant renaître les « proportions justes »4 du cantare senza battuta de Monteverdi, et en les transplantant dans la trame de la langue russe, a réussi à tirer d’inépuisables sources d’énergie, grâce auxquelles il peut donner à ses deux œuvres une portée universelle. Et c’est là que sa dédicace à Luigi Nono prend un sens plus profond ; elle relève de la philosophie de l’Histoire : à quel point sommes-nous parvenus ici même ?
10Les textes critiques écrits sur ces deux œuvres de Kurtág ont clairement mis en évidence le lien étroit qui existait entre elles ; mais ils n’ont pas pour autant cerné de près leur contenu. Or le cycle Trousova n’est qu’une réponse aux questions posées dans Omaggio. Bien sûr, nous nous approchons encore plus de la réalité si nous y décelons un affinement, un déploiement, un approfondissement supplémentaires de la problématique. Sans aucun doute, on trouve d’innombrables points communs qui rendent plus vraisemblable ce sentiment vague et tâtonnant. Et ce ne sont pas seulement la langue russe et la poétique de Rimma Dalos. Prenons, par exemple, les épigraphes. Sans doute ne s’agit-il pas de composantes musico-acoustiques au sens strict, mais elles sont pourtant d’une importance non négligeable. Elles peuvent déterminer l’interprétation ; elles peuvent même l’influencer sur le plan de la musique et du chant, dès lors qu’elles entourent l’œuvre d’une « aura intellectuelle ». Les noms d’Alexander Blok, et plus encore celui d’Anna Akhmatova, soulignent un trait extrêmement important de la poésie russe longtemps refoulé de façon arbitraire, et qui était officiellement condamné comme « problématique ». Cette poésie qui a pris naissance sur un terrain intellectuel et bourgeois, est caractérisée par le malaise vis-à-vis de l’immobilisme, des déformations subies par la révolution, et des contradictions d’un pouvoir consolidé. Mais la petite scène avec laquelle débute Omaggio nous met en contact avec des sphères intellectuelles du même ordre ; on ne peut pratiquement pas l’interpréter autrement, finalement, que comme une révérence respectueuse au futurisme russe. S’y éveille le souvenir d’une grande époque de l’art soviétique des années vingt, oubliée avec légèreté. Le « pathos » et le « burlesque » s’interpénètrent dans ce morceau d’une manière aussi extrême que dans les poèmes de Maïakovski.
11Mais il existe également, dans les cellules les plus vivantes de la trame musicale, des points de repère décelables, depuis les simples « résonnances » (comme des réminiscences de valses, ou la mise en relief de « l’aiguille », ce symbole acoustique simple de la cruauté, issu du gigantesque édifice acoustique de « Nazidanie Lioubov » [Edifice Amour], etc.) jusqu’aux liens plus complexes. Le début du morceau final d’Omaggio évoque une « bylina » [poème héroïque] de la vieille Russie, dont le ton narratif correspond à un aspect important de la disposition spirituelle de Trousova (traitons désormais le personnage qui se déploie dans le cycle comme une figure féminine imaginaire) : un moi éminemment personnel mais capable d’un effet de distanciation qui, dans une certaine mesure, confère au visage de la personnalité lyrique une dimension épique. On trouve aussi dans Omaggio la même incertitude vécue tragiquement par Trousova et liée à la double question : « Puis-je te rendre heureux ? » — « Peux-tu me rendre heureux ? » (dans Trousova : « Je cherche en toi la délivrance... ») — question posée parfois en des termes métaphysiques. Avec sa dureté, sa froideur et son caractère fondamentalement non terminable, ce morceau anticipe sur le caractère insoluble des conflits que connaît Trousova dans le domaine purement privé. (Pourtant, le quasi-canon qui crée l’unité interne de la forme est disposé de telle sorte qu’il se laisse en principe répéter sans fin ; seule l’insistance de la question met un terme à sa course). Dans l’attitude du « da nie smieiou » [Mais je n’ose pas], « passage-clé » de l’ensemble de l’œuvre, se cachent encore à l’état de germe, du point de vue acoustique et intellectuel, le conflit fondamental et l’ensemble des attitudes du cycle Trousova. Les mouvements ascendants, prudents et tâtonnants du chœur de femmes qui est séparé de l’ensemble, et le quasi-canon des quatre voix solistes — là encore des voix de femmes —, suivant un mouvement descendant à petits pas (le plus souvent sous forme de secondes), créent une structure acoustique flageolante et tremblante ; on peut y voir un symbole de l’effroi et de l’hésitation désespérée qui laisse déjà pressentir le second moi de Trousova.
12Il existe un autre lien idéel entre les deux œuvres, ainsi qu’un autre niveau de l’hommage à Nono : je veux parler de la sonorité du chœur, qui rappelle parfois la trame transparente et fine comme de la musique de chambre des œuvres de ce compositeur. Par endroits, « le texte s’articule » — pour reprendre les termes de Konrad Boehmer5 — comme « à travers des groupes intimement liés les uns aux autres », référence aux célèbres œuvres chorales de Nono du début des années soixante. L’interaction fréquente de la sonorité du chœur et du son solo rappelle également Nono, surtout l’« Azione scenica » Al gran sole carico d’amore. Mais en utilisant cette « image » sonore, Kurtág intègre en même temps son œuvre dans un autre contexte important. Il reprend le genre du chant orthodoxe et inclut la tradition des « concerts spirituels » qui s’est développée à partir de lui6 ; ces concerts sont bâtis, d’une part, sur l’alternance contrastée de plusieurs chœurs, et d’autre part sur la séparation des voix solos du chœur et sur leur retour en son sein. Il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de sonorités typiquement orthodoxes : le mouvement harmonique peu mobile, psalmodiant sur une note (par exemple « dano ti vsiem » [toi qui es donné à tous]) et l’interaction déjà mentionnée du chœur et du chant solo n’indiquent pourtant absolument pas une quelconque transcendance. Ils sont à la fois profondément contemporains et historiques. Tout comme le cycle de poèmes de Rimma Dalos dont ils sont issus : « Poslania apostola mavla k nieï » [Epître de St-Paul qui s’adresse à elle (R. Dalos)]. Avec ses tournures logiques et émotionnelles, ce cycle confère au texte biblique une dimension hautement profane et, naturellement, y ajoute de façon expressive le caractère personnel de la confrontation avec les questions actuelles. Le rapport avec la Bible n’est pas superficiel ou seulement thématique, mais c’est un moyen d’approfondissement, la recherche de points d’appui dans le domaine des valeurs historiques, l’expression du besoin de leur continuité historique. Tout comme Kurtág, Rimma Dalos se sent profondément concernée, face à la désolation des « relations humaines conçues comme une fin en soi », par le manque de ce « luxe indispensable » comme Saint-Exupéry nomme les véritables contacts humains ; leur absence, dans un monde cupide et avide de profit, « défigure comme le scorbut le visage de l’être humain »7.
13On pourrait difficilement s’imaginer quelque chose de plus épouvantable que le moment où le chœur chante, justement, sur le thème de la solitude. C’est la manière dont Nono, dans ses œuvres, a fait entendre l’anticipation d’un monde nouveau, la voix d’un nouvel être humain, où l’individualité accomplie, par un besoin vital, est inséparablement liée à la communauté. Le ton propre à la musique de Nono résonne dans les moments-clefs d’Omaggio ; mais Kurtág fait surgir le négatif de tout ce qui, chez ce dernier, relève du domaine de l’« utopie concrète » : il le fait apparaître comme un manque, comme quelque chose d’irréalisé. A travers le son collectif transparaît, douloureusement, la solitude de l’être humain.
14Le cycle Trousova commence là où s’achève Omaggio. L’œuvre chorale avait pratiquement cerné l’« état du monde sans amour », le cycle de Lieder explore le même problème, mais en adoptant cette fois clairement le point de vue de l’individu. Qui est au juste cette R. V. Trousova ? Il n’existe pratiquement aucun point de repère8. Laissons le nom de « l’héroïne » agir sur nous comme un appel. « Trousova » est la forme féminine d’un nom de famille formé sur un mot russe « Tpyc », qui signifie approximativement « lâche ». Comment définir plus précisément la notion de lâcheté ? L’épigraphe du cycle choral, emprunté à Lermontov, et tout particulièrement l’importance nettement soulignée, y compris sur le plan musical, du poème « Jouet », rendent vraisemblable l’interprétation selon laquelle c’est ici la physiognomonie intellectuelle et émotionnelle du « héros de notre temps » qui est cernée, d’une « héroïne », donc, qui ne peut exister désormais que sous une forme négative, en tant que « manque ». Sa volonté d’améliorer le monde s’est toujours heurtée à une âpre résistance, et derrière ses gestes héroïques apparaissaient, tandis qu’elle était elle-même ravalée à l’état de « jouet », sa petitesse, son impuissance. Jusqu’à maintenant, cela a totalement pénétré ses entrailles, autant comme une expérience de la vie que comme une conscience du « superflu » faisant office de mensonge sur la vie. Apparemment, se déroule devant nous « l’histoire » des conflits purement amoureux. L’héroïne ne peut plus échapper à la contrainte de la vie privée et n’ose plus le faire, bien que la musique ne laisse aucun doute sur le fait que cette femme serait capable de plus. Des énergies incommensurables se déploient et sont étouffées en elle.
15Des conflits amoureux apparemment simples, disais-je à l’instant. Depuis Monteverdi ou Mozart, nous savons qu’il est possible de retrouver toute la vie dans l’amour, comme en un miroir. Le caractère non résolu de l’amour comme problème actuel est lié de la manière la plus intime qui soit avec le caractère insoluble des destins9. Dans la lutte torturée de cette personnalité peu commune qu’est Trousova réapparaît sans aucun doute le visage d’Ariane. En témoigne notamment le style monodique souligné qui, à travers l’« âpre réalisme » de la musique de Kurtág, écarte toute cette emphase romantique, tout ce « bel esprit » qui ont entouré le personnage d’Ariane au fil des siècles ; à partir de ce style dramatique de Monteverdi, avec une simplicité et une pureté reconquises, la douleur refoulée explose sous forme d’accusation. Mais toute l’organisation de l’œuvre en témoigne aussi : Monteverdi est présent dans ses phrases montantes et descendantes, dans le système de coordination émotionnel de la résignation et de la rébellion10, du désespoir et de l’accusation, dans la représentation de la volonté d’évasion, de l’effondrement, dans les motifs tout comme dans le domaine de la forme globale. Et voici le sens de la résurrection d’Ariane chez Kurtág : faire apparaître dans le destin de la femme, dans l’amour qui fait défaut, devenu impossible, l’image d’une situation sociale. Cette attitude de l’« ecce femina », brisée par la douleur, explique aussi, après coup, la strate profonde de l’œuvre chorale dédiée à Nono : en tant qu’omaggio aussi bien que comme disputado avec Nono, elle prend la signification d’un « ecce revolutio ».
16Déjà, Bornemisza Péter mondasai [les Dits de Péter Bornemisza|, composée entre 1963 et 1968, était une œuvre représentative de son époque ! c’est-à-dire de la musique hongroise des années soixante. Cette musique puisait dans une vie publique intense les énergies qui lui permettaient un soulèvement passionné. Qu’on ne l’oublie pas : cette œuvre est le fruit des années du grand élan, d’une fermentation intellectuelle, de l’époque où les perspectives, y compris dans le sens subjectif, c’est-à-dire pour l’individu, paraissaient aussi à portée de la main, susceptibles d’être vécues. Le retour à l’époque de la Réforme, la représentation symbolique du monde de Schütz et de Bach s explique par l’espoir de voir se créer un espace communautaire. La position de Bornemisza est, considérée d’un point de vue éthique et artistique, sans équivoque : se placer devant le monde, évaluer, juger, exiger des comptes et... transformer. De là son ordre de valeurs établi, son attitude confiante.
17Par rapport à la rigueur et au caractère du cycle Bornemisza, qui pourrait être comparé aux statues de Michel-Ange sculptées dans un seul bloc de marbre, la succession des Lieder du cycle Trousova est plus douce. Ils n’ont pas un caractère monolithique, ils ne reviennent pas par nécessité à l’intériorité. Leur sonorité nuancée de musique de chambre est elle aussi liée à cet état de fait. L’œuvre jaillit du caractère de « l’héroïne » et non de la stabilité d’un ordre de valeurs. Cette musique, qui se situe déjà dans l’esprit de la seconde moitié des années soixante-dix, avance sur le sol incertain d’une crise des valeurs, elle transmet la voix d’une puissante incertitude. Mais ce serait une grande erreur de croire que la vie ne se laisse circonscrire que par les interdits. Il existe une autre force restrictive, tout aussi puissante, qui a pour effet de mutiler l’être humain : celle d’un épanouissement unilatéral, où l’homme peut se sentir libre seulement comme personne privée, alors que la société présente « une déficience chronique, celle de toute collectivité humaine viable »11. La décomposition de la conscience sociale des valeurs dans la réflexion publique et dans la vie quotidienne va inévitablement de pair avec l’augmentation du sentiment de solitude. Ce processus peut être vécu comme un sentiment de manque, comme non-réalisation, non-accomplissement. Trousova fait partie de ces personnes dont tout l’être se hérisse — bien que cela ne soit pratiquement plus conscient en elle sous cette forme — contre l’idée d’être ramenée de force à la vie privée ; pourtant, livrée à elle-même, elle ne peut pratiquement rien faire pour s’en défendre. Sinon supporter, souffrir et s’exténuer. Et échouer aussi dans le domaine privé.
18C’est pour cela que la musique de Kurtág ne connaît pas de solution, et qu’aucun compromis ne peut avoir lieu dans l’œuvre. Si l’on voit apparaître un équilibre, c’est uniquement dans le refus, dans ce pendant moderne du Lamento d’Arianna, dans ce glissando et dans ce thème du cor dévalant vers le néant. Ces éléments, dans un cycle s’achevant les bras écartés, ne peuvent signifier autre chose que ceci : così va chi tropp’ama e troppo crede [ainsi va celui qui aime et qui croit trop]. Ce changement d’époque a pénétré profondément les cellules les plus intimes de la musique, et c’est là qu’on peut le retrouver ; on pourrait difficilement en apporter de meilleure preuve qu’avec la forme caractéristique de la série, qui s’ouvre comme un éventail : en tant qu’image inversée du péché, il représentait « la voix du printemps » dans le cycle Bornemisza, une solution, une perspective ; il est chargé d’une signification centrale et contraire dans Trousova : c’est la représentation musicale d’un combat sans espoir.
19L’ordre cyclique obéit à une logique rigoureuse, ce qui est d’autant plus ahurissant que la surface de l’œuvre donne l’impression d’un vagabondage extrêmement inégal. Si l’on considère cet ordre à partir du contenu, on perçoit la forme comme l’expression d’un désir d’évasion. Le premier groupe de Lieder est une sorte de « chronique ». Non pas une chronique impassible et convenable, naturellement, mais la description d’une situation sociale dont la caractéristique essentielle est l’effondrement des valeurs et la solitude de l’être humain. « Le jour tombe comme une guillotine... » rappelle, en quelques brefs instants, l’écriture de Bornemisza. Le Lied prend parfois le ton de l’indignation morale. Le chant évalue, prononce une sentence. Pourtant, cette musique ne fait que rappeler l’ancienne attitude de Bornemisza. La voix chantée dépend de l’Idée, l’indignation débouche sur l’étourderie. Les accents s’emmêlent, la parole raisonnable, dont le ton monte progressivement, s’embrouille. Ce passage désire-t-il laisser deviner un état d’âme tellement typique des intellectuels de la fin des années soixante-dix, état d’âme où l’insatisfaction, dans le meilleur des cas, s’exprima sous la forme anodine de l’insubordination ou d’un comportement colérique ? En tout cas, c’est un moment important du cycle Trousova, le seul où l’espace d’un instant, on parvienne à ouvrir une brèche dans l’horizon introverti de la personnalité lyrique afin d’apercevoir le monde extérieur. D’autre part, Kurtág illustre avec une sincérité absolue le fait que ce jugement moral n’ait pratiquement pas de fondement de valeurs établi (ou plutôt : qu’il a exclusivement un fondement de valeurs moral, mais sans doute pas de possibilités de réalisation). L’indignation, après qu’elle ait atteint le plus haut niveau de l’excitation émotionnelle, plonge aussitôt dans le néant. La ligne du chant mène — comme chez Ariane autrefois — à l’effondrement complet.
20Le deuxième groupe de Lieder abandonne ce domaine des « constatations de faits » et met sous sa loupe les effets déformants qu’a sur l’être humain une vie solitaire, l’absence de contact, l’impossibilité d’une action collective rationnelle, d’une vie humaine pleine et entière : consomption hystérico-névrotique, désir stupide et dément d’amour, vaines tentatives d’évasion, expérience tragique, schizophrénique, de l’union charnelle, grimace crispée et rétive du « malgré tout », et en dernier lieu le désespoir du « tout est égal ». Fait étrange, c’est précisément à cet endroit qu’est réservée, dans le processus « dramaturgique », une place à trois matériaux musicaux qui — dans leur caractère, dans leur intonation — divergent considérablement par rapport à toutes les autres strates de Trousova. On trouve un passage de ce genre dans le deuxième morceau, juste après la section aléatoire qui succède au mot-clé « Jelanie » [Désir], une image acoustique qui se raidit jusqu’à devenir une consomption convulsive. C’est une sinfonia détachée du reste de l’œuvre, une musique en mouvement perpétuel, inquiète et pourtant incapable d’avancer, qui tourne en rond. Je parle d’impossibilité physique, mais cette musique éveille pourtant en moi l’image d’une flamme qu’on ne pourrait éteindre et que des glaçons devraient transformer en un bloc immuable. Comme on peut difficilement se libérer de l’analogie avec Bornemisza, je donnerais à cette musique répétitive le titre « La somme des messages de feu R. V. Trousova »12. Par son caractère affirmé de chant solo, le morceau « Pourquoi ne dois-je pas crier... » s’élève comme un sommet au-dessus du cycle (ou, négativement : s’en détache humainement comme un gouffre). On peut difficilement se défendre contre une nouvelle comparaison avec Bornemisza, et plus précisément avec le premier mouvement de la quatrième partie, « Printemps »13, où le chant se détache de la même manière, mais dans un sens contraire. Retentit également, dans ces « cris », la voix de Djamila Boupachà, la résistante algérienne des Canti di vita e d’amore de Nono, et celles de Tania ou de Deola dans Al gran sole. L’intention me paraît manifeste. Qu’on en juge : privées de toute possibilité réelle d’action, ces anciennes révolutionnaires, ces héroïnes, ces personnages de compagna apparaissent désormais comme des épaves ! Il est vrai que le monde, la structure du quotidien se sont transformés du tout au tout. Pourtant, on trouvait aussi dans Trousova ce désir de mener une vie active, de conserver son droit d’influencer le cours des choses. Mais, entre-temps, la société s’est à telle point consolidée, elle s’est tellement fortifiée de toute part, que ces énergies, dans le meilleur des cas, ne peuvent produire qu’un « cri » impuissant et désespéré. Ou, ce qui est encore plus grave : la voix qu’on élève sonne comme un couinement de porc. Et tout cela, d’une manière franchement piquante, sous le titre : « Un petit érotisme ». De quoi peut-il s’agir, sinon du revers du monde mental de Nono, une réalisation déformée de cette interpénétration tant recherchée de « la liberté et de l’amour » ? Le fait de présenter l’œuvre de Kurtág comme un Al gran sole privo d’amore ne me paraît donc pas une interprétation abusive. Et pour finir, cette situation du « tout est égal ». Bien que le titre induise en erreur en promettant une « chanson satirique », une plaisanterie inoffensive et mignonne, ce dont on traite ici est parfaitement sérieux. L’inaccomplissement perpétuel, le désespoir, l’insatisfaction humaine et physique mènent nécessairement au nihilisme. A un état d’âme qui conduit, dans certaines circonstances, à figer le cours de la vie. Quand on le ressent, on jette sans frein son propre corps à n’importe quel être, au premier venu, comme ultime possibilité de fuite. La nudité devient symbole que l’on est à la merci de tout. Le ton est exhibitionniste, obscène, d’une rudesse et d’une grossièreté barbares. Il est bien connu : c’est le primitivisme du Stravinsky de la période russe. « Ce n’est pas la peur de l’être solitaire qui constitue ici le phénomène originel de la forme musicale, mais l’orgue de Barbarie, dont le ton de foire grotesque symbolise un fait de la vie : le sujet se débarrasse de son propre ego et devient identique à la foule inarticulée »14. Sous le grand soleil sans amour, pourrait-on ajouter.
21Dans la troisième partie, « expérience amère... », la dramaturgie se ramifie. L’une des branches relève du « souvenir » : des conflits revécus, de la révolte, de l’accusation et des petites joies fugitives ; l’autre branche est celle de « l’évaluation », d’une réflexion temporelle. Kurtág nous remet pratiquement dès les premières notes de la troisième partie la clé de l’interprétation : une sorte de « mot d’appel » musical. Les passages de clarinettes (ainsi que de cymbales et de vibraphone), dans « tu as posé... », déclenchent une chaîne d’associations d’idées. On pense ici, involontairement, à la scène de « l’étang de larmes » du Château de Barbe-Bleue. Dès cet instant, presque chaque moment rétrospectif — cette fois, ce n’est plus sous forme d’allusion musicale, mais sur le plan du contenu — peut être mis en rapport avec n’importe quelle scène de l’œuvre de Bartók. « Cailloux » chambre au trésor. « L’aiguille fine... » — chambre de tortures. « La fanaison des fleurs d’automne... » — jardin enchanté. « Comment as-tu pu… » _ « Silence, silence, Barbe-Bleue ». « Sous la grêle des visages avides » — « Les premières femmes », etc. Entre-temps, l’éventail du souvenir, passant par une douleur atrocement silencieuse, par une expérience de la transcendance transmise par la nature inanimée et indifférente, par le combat avec le temps et la peur déclenchée par la solitude, et par la torture voluptueuse d’un réglement de compte autodestructeur’, aboutit à l’accusation, à un état désespéré où l’on est à la merci de tout. Le conflit s’enflamme ainsi jusqu’à devenir insupportable. Mais d’un autre côté — celui de la réflexivité —, Kurtág interprète le conflit avec plus de lucidité, même s’il ne peut le résoudre, et il lui donne un contrepoint musico-dramatique. Chez Bartók, la solitude insoluble de l’homme, chez Kurtág, celle de la femme. Ici encore, on voit s’ouvrir un grand éventail ; ensuite, comme chez Bartók, on retombe dans l’irrévocable solitude. Mais avec une différence : cette musique, si cela est possible, est encore plus cruelle, plus dépourvue de pitié que ne l’était autrefois celle de Bartók. Elle ne comporte aucune scène en do majeur. Elle ne peut se le permettre sans courir le risque de sonner faux. Elle ne peut plus se bomber que dans un arc concave : dans la nostalgie figée, dans l’état d’âme du « malgré tout » et du « tout est égal ». Et la ligne réflexive mène directement au refus, à la réconciliation silencieuse avec la réalité. La signification de cette réconciliation pour une « héroïne » hors du commun, condamnée à mener jusqu’à sa mort une existence privée, ne fait aucun doute. Elle n’est pas moins univoque, dans ce contexte, que celle du célèbre accord de si majeur avec lequel s’achève Tristan et Isolde : c’est la mort. A quel stade élevé de la consumation cette réconciliation accède-t-elle toujours ! Qu’on ne l’oublie pas : nous écoutons les messages de feu Trousova !
22Il me faut, pour mener ma réflexion à son terme, expliquer comment, en dernière instance, la conception devient un genre. La première constatation est nécessairement négative : Trousova n’est pas un cycle de Lieder. L’œuvre n’a rien de commun avec les Lieder romantiques, mais elle n’a aucun rapport non plus avec les Lieder modernes. Je l’interpréterais comme un monodrame. Un parallèle manifeste s’établit avec Erwartung de Schoenberg. Le lien est évident, bien que l’expressivité qui fait éclater les formes de l’œuvre de Schoenberg soit totalement absente ici. L’affirmation d’Adorno ne s’applique pas à lui : « Elle [la femme] est pratiquement livrée à la musique comme une patiente à l’analyse »15. Par sa discipline formelle, la musique de Kurtág est une musique expressive, mais non expressionniste. Subtil, Adorno remarquait que la simple collectivité d’êtres solitaires, à laquelle on prête voix dans l’œuvre musicale fonctionnant comme une monade absolue, est à la fois l’un et l’autre : « Une résistance à la mauvaise socialisation et une disposition à en accepter une plus mauvaise16 ». C’est précisément ce dont Kurtág ne veut pas entendre parler. Dans la logique de son comportement d’artiste, la mise en évidence des effets dévastateurs sur l’individu d’une évolution sociale qui ne s’accomplit qu’à moitié ne peut pas déboucher sur une réconciliation, bien que « l’héroïne » elle-même doive, selon la logique de la représentation artistique, être victime du conflit. Kurtág ne dissout pas l’absence de communauté de l’être humain « moderne » pour en faire un « état de fait » ontologique immuable ; mais il sait qu’elle résulte d’une évolution sociale et croit par conséquent à la possibilité de la transformer. L’attitude personnelle du refus doit changer, chez lui et chez l’auditeur, en un nouveau questionnement : comment créer des états sociaux dans lesquels la liberté de mouvement de l’être humain pourra être mise en œuvre ailleurs que dans la seule sphère de l’existence privée ?
23Et nous revenons ici au problème du genre. Car l’œuvre de Kurtág, même dans son appartenance à un genre, est un signal d’alarme. Nous avons déjà parlé des parallèles entre Ariane et Trousova. Mais même sous sa forme fragmentaire, la musique de Monteverdi conservait un caractère scénique ; la scène, le caractère public, constituaient son médium naturel. Chez Kurtág, ce caractère scénique est présent sous forme virtuelle : les attitudes, les souvenirs, les situations imaginaires, etc., s’assemblent pour former des moments dramatiques, mais ils ne restent que des moments. Ainsi, la forme — en accord avec ses ultimes conséquences — n’existe que pour la contemplation intérieure. Elle aspire au caractère public de la scène, mais par son impossibilité d’être présentée comme une pièce de théâtre, elle exprime précisément cette absence de caractère public. On peut répondre ici sans aucune équivoque à la question que le bateleur de Béla Balázs pouvait encore formuler comme telle dans le prélude de Barbe-Bleue : « Où est la scène, dehors ou dedans ? » Chez Kurtág, elle est à l’intérieur, sans aucun doute. Et malgré tout, cette musique n’est pas une musique lyrique, car l’autre est toujours, soit virtuellement, soit en tant que solitude, représenté comme le besoin de l’autre. C’est un opéra contemporain, un psychodrame si l’on veut ; il exprime, par sa « dramaturgie » pudiquement introvertie, le retour obligatoire dans l’intériorité et la détermination négative de son appartenance à un genre. L’amertume de cette situation historique prend en elle sa forme concrète : l’homme, « dans son existence la plus individuelle », ne peut pas encore être « une créature sociale »17, même s’il le veut. Pourtant, les dernières notes de la musique de Kurtág ne traduisent pas l’obstination, ni la voix de « l’espoir au-delà de l’absence d’espoir »18. Résistant au commandement moderne du « Ta vie doit être froide »19, il tente de recomposer la Neuvième Symphonie. A partir de petits morceaux, de petits fragments. Rétif, tenace et persévérant. Et même si cette entreprise échoue — qui pourrait y réussir de nos jours ? —, il n’en crée pas moins le besoin radical d’une nouvelle Neuvième Symphonie. Et c’est sur ce point — malgré la discussion, le point de départ différent, le jugement divergent sur les perspectives, les différences dans la conception du monde — que convergent les efforts de Nono et de Kurtág. Dans le combat pour des rapports plus humains, pour qu’existent les possibilités d’une vie humaine plus intègre dans un monde divisé et qui tourne en rond.
Notes de bas de page
1 Omaggio a Luigi Nono, op. 16, Edition Musica, Budapest ; Les messages de feu R. W. Trousova, op. 17, Budapest, Editio Musica.
2 Depuis la rédaction de cet article en 1983, un recueil bilingue (russe/hongrois) de poésie de Rimma Dalos a paru chez Mavetö Kiadó à Budapest. Toutefois, Rimma Dalos reste quasiment inconnue dans son propre pays.
3 Cf. ses Gespräche mit Robert Craft (Entretiens avec Robert Craft), Mainz-Zürich, 1961.
4 Sur le problème d'une nouvelle relation des tonalités entre elles, cf. la brochure accompagnant les morceaux pour piano de Kurtág, Jatékok I — V [Jeux] : « Et attaquons-nous avec confiance... au plus difficile : créons, à partir des valeurs longues et courtes, des proportions justes, une unité, un déroulement... » Budapest, Editio Musica, 1979, p. 5.
5 Brochure du disque WERGO 60038, p. 7.
6 Keldysch, Juri : Geschichte der russischen Musik [Histoire de la musique russe], Leipzig, 1956, pp. 107-135.
7 Cf. le livre de la philosophe hongroise Eva Ancsel : Töredékek az emberi teljességröl [Fragments sur l'intégrité humaine], Budapest, Magvetö, 1982, notamment pp. 17 et sq.
8 L'interprétation qui suit peut induire en erreur dans la mesure où le personnage de R.V. Trousova, considéré comme imaginaire, recouvre en réalité celui de la poétesse russe. Cela, je ne l'ai appris que plus tard. Ce fait n'invalide pourtant pas mon analyse.
9 Cf. Ancsel, Eva : op. cit., p. 140.
10 Cf. Hirsch, Hans-Ludwig : Claudio Monteverdis « Lamento d'Arianna », in Oper Heute 1, Berlin, 1978, pp. 9-47.
11 Sur les valeurs présidant à l'analyse, cf. les textes de débat sociologiques d'Elemér Hankiss : Diagnozisok [Diagnostics], Magvetö, Budapest, 1982, notamment pp. 63-140.
12 Editio Musica, Budapest et Universal Edition, Vienne, 1973, pp. 65 et sq.
13 Ibid., pp. 58-59.
14 Adorno, Theodor W. : Philosophie der neuen Musik, Frankfurt/M, Suhrkamp, 1949, p. 134.
15 Ibid., p. 145.
16 Ibid., p. 51.
17 Cf. Marx, Karl : Ökonomisch-philosophische Manuscripte [Manuscrits économico-philosophiques], Reclam, Leipzig, 1974, p. 183.
18 Mann, Thomas : Doktor Faustus, Fischer, Frankfurt/Main, 1965, p. 651.
19 Ibid., p. 332.
Notes de fin
* Paru pour la première fois sous le titre « Im Gefängnis des Privatlebens », in SMZ 5, septembre/octobre 1983.
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