Bernd Alois Zimmermann
p. 287-305
Texte intégral
1La situation de Bernd Alois Zimmermann est paradoxale. On peut le considérer comme l’un des compositeurs les plus importants de l’après-guerre (c’est du moins notre point de vue), et pourtant, son œuvre reste très mal connue et trop rarement jouée en dehors de l’Allemagne. Certes, elle réclame souvent des effectifs considérables, des formations peu usuelles, et elle exige une virtuosité technique qui n’est pas destinée à « faire briller » l’interprète. Défendue en son temps par un groupe de musiciens engagés vis-à-vis d’elle – citons les frères Kontarsky, Siegfried Palm, Michael Gielen entre autres – elle est restée trop longtemps confinée à ce cercle restreint. En France, la réception de Zimmermann n’a pas été à la hauteur de son œuvre : le Requiem pour un jeune poete ou l’Action ecclésiastique Ich wandte mich... n’y ont toujours pas été jouées ; on attend que Les Soldats fassent leur entrée à l’Opéra de Paris (après leur création tardive à l’Opéra de Lyon en 1983) ; des œuvres aussi importantes que la Symphonie en un mouvement, Dialogues, Antiphonen, Photoptosis ou la Musique pour les Soupers du Roi Ubu ne sont pas entrées au répertoire des institutions symphoniques ; sans parler des nombreux concertos (pour violon, hautbois, trompette, violoncelle) que Zimmermann a écrits. Les textes mêmes du compositeur n’ont eu aucun écho en France, et l’on ne compte guère d’articles sur son œuvre ; il n’existe même aucun livre de caractère général sur lui (y compris en allemand)1.
2L’œuvre de Zimmermann est celle d’un indépendant : non par défaut, mais par force. Il n’y a pas trace chez lui du conservatisme souvent lié à ce mot. Né en 1918 entre deux générations de compositeurs (Dallapiccola, Messiaen : 1904-1908 ; Nono, Berio, Boulez, Stockhausen : 1924-1928), Zimmermann fait partie d’une génération à la fois isolée et sacrifiée. Le nazisme et la guerre ont gâché douze années décisives de sa vie, entre quinze et vingt-sept ans, et l’ont privé d’un héritage culturel devenu clandestin, ainsi que d’une formation normale et des contacts indispensables. Lorsque Zimmermann a rattrapé le temps perdu, à la fin des années quarante, il avait déjà élaboré un style musical personnel à travers ses premières compositions. Il a donc suivi l’évolution de la « nouvelle musique », notamment à Darmstadt, avec une certaine distance, et il a profondément ressenti son décalage vis-à-vis des jeunes compositeurs en vogue (il se désignait lui-même comme « le plus vieux des jeunes compositeurs »).
3Zimmermann n’a pas été à proprement parlé un novateur. Il voulait réaliser une vaste synthèse des différents moyens à sa disposition et des différents courants artistiques de ce siècle. Il ne s’est pas reconnu des influences seulement musicales (il en parle curieusement peu dans ses textes, bien que l’on puisse relever, chez lui, une filiation Debussy-Stravinski-Webern valable jusqu’à la fin des années cinquante), mais aussi littéraires (il désignait Joyce et Pound comme ses « pères ») et picturales (Klee, les surréalistes...). Contrairement à un compositeur comme Stockhausen, il n’a jamais tiré un trait sur le passé et rêvé d’un « degré zéro » de l’écriture musicale ; il n’a pas renié non plus ses premières œuvres, auxquelles il fait allusion par des citations dans ses compositions plus tardives. Zimmermann a intégré progressivement les techniques nouvelles aux couches plus anciennes, faisant de la diversité stylistique un principe qui dépasse la notion même de style. Pour lui, la dimension technique n’a pas de justification en elle-même : sa lucidité vis-à-vis de la complexité du phénomène musical, qui l’a rendu atypique dans le contexte de la « nouvelle musique », l’a prémuni contre certaines aberrations du sérialisme, notamment celles qui touchaient à la relation entre conception et perception : chez lui, le soin apporté à la dimension harmonique et à la question de la forme, souvent négligées dans la musique sérielle des années cinquante, ainsi que le souci de maintenir à la surface des œuvres des événements facilement identifiables, voire hétérogènes, en sont les signes les plus visibles. Ses œuvres, qui ne sont pas en rupture avec le passé, veulent sauvegarder la signification profonde de la musique du passé. Et c’est peut-être, curieusement, l’explication de certaines réticences à son égard.
4La musique de Zimmermann, qui vise au « rassemblement final et à la coordination spirituelle de tout ce qui a été produit de nouveau ces derniers temps2 », est fondée sur un engagement humaniste fondamental (que l’on pourrait rapprocher de l’œuvre de son contemporain de Cologne, Heinrich Böll). L’humanisme de Zimmermann est lié à sa foi catholique, ce qui l’amena à signer la quasi-totalité de ses œuvres des lettres O.A.M.D.G. (Œuvre à la plus grande gloire de Dieu). Son engagement dans l’histoire n’est pas politique, comme celui de Nono par exemple ; Zimmermann ne s’attache pas à des situations concrètes et actuelles (sauf dans le Requiem), il n’écrit pas une musique d’intervention directe liée à l’événement, mais travaille sur des catégories permanentes telles que l’injustice, l’oppression, la terreur, la liberté, etc. En ce sens, sa musique est profondément et violemment critique. De même, son engagement spirituel n’est pas lié à l’église, ou à la liturgie : lorsqu’il utilise des textes bibliques, ce sont les confessions de Job ou de l’Ecclésiaste, les visions de l’Apocalypse. Zimmermann dépeint l’homme isolé, dont la liberté est menacée par la terreur, feinte ou revendiquée, des systèmes idéologiques et des pouvoirs politiques. Toute son œuvre expose cette problématique, qui est aussi celle de Wozzeck et de Lulu. Dans Les Soldats, qui doivent quelque chose à Berg, Zimmermann l’objective à travers les différents personnages de l’opéra ; mais dans le Requiem ou l’Action ecclésiastique, le compositeur est le sujet même des œuvres. Elles sont écrites à la première personne. L’évolution de son style mène à cette symbiose : l’œuvre se confond avec le compositeur, et vice versa. La transparence autrefois prônée par les surréalistes, qui visait entre autre à sortir du domaine esthétique, atteint chez Zimmermann un point extrême : il compose sa propre mort avant de se suicider.
5En voulant que l’œuvre soit vérité et transparence, et en luttant par là contre la fausse apparence d’un système de valeurs dont il avait éprouvé concrètement les effets tragiques, Zimmermann a recherché un affranchissement auquel ceux qui se reconnaissent dans son œuvre peuvent accéder à leur tour. C’est dans cette optique qu’il faudrait envisager son obsession du temps comme temps de l’expérience intérieure, opposé au temps « mesuré » de la rationalité scientifique. Le caractère hétérogène de la musique de Zimmermann, qui met côte à côte des situations extrêmes et des éléments antagonistes, naît de là. On peut ramener sa musique au « modèle » du monologue intérieur joycien, celui par exemple de Molly Bloom en conclusion d’Ulysse, que Zimmermann a plusieurs fois utilisé dans ses œuvres : tout est dit, montré, révélé. L’apparente confusion renvoie à l’unité profonde, comme le « pluralisme » musical de Zimmermann est sous-tendu par une stricte organisation du matériau. L’œuvre est confession et construction. Elle excède le cadre de la musique pure tout en exigeant sa rigueur. On voudrait citer Michel Leiris : « ... Ce qui se passe dans le domaine de l’écriture n’est-il pas dénué de valeur si cela reste “esthétique”, anodin, dépourvu de sanction, s’il n’y a rien, dans le fait d’écrire une œuvre, qui soit un équivalent (et ici intervient l’une des images les plus chères à l’auteur) de ce qu’est pour le torero la corne acérée du taureau, qui seule – en raison de la menace matérielle qu’elle recèle-confère une réalité humaine à son art, l’empêche d’être autre chose que grâces vaines de ballerine ?3 » Le dévoilement de la vérité et l’utopie qui portaient ses œuvres en avant, les arrachaient au pessimisme, ne furent plus pour Zimmermann à la fin de sa vie que des chimères. Il est peut-être un moment où la rencontre de la « corne acérée du taureau » recèle plus de vérité que toutes les ruses faites pour l’éviter.
Notes biographiques
6Bernd Alois Zimmermann est né le 20 mars 1918 à Bliesheim, près de Cologne4. Il fut élevé au couvent très strict et sévère des Salvatoriens de Steinfeld. Il s’y passionna pour la philologie ancienne et la philosophie. Son éducation musicale, commencée avec sa mère, ne put se poursuivre que vers l’âge de dix-sept ans ; on lui permit alors de travailler sur le très bel orgue baroque du couvent, parce qu’il avait obtenu d’excellents résultats scolaires. Il y remplaça rapidement son martre durant les prières et la messe. Si, jusque-là, Zimmermann avait beaucoup peint et écrit (poésies, récits, romans), il décida alors de se consacrer à la musique. Mais le nazisme bouleversa ses années de formation : dès 1933, la censure s’était étendue sur l’art moderne, et en 1935, le couvent des Salvatoriens fut fermé. Zimmermann termina ses études dans le Gymnasium catholique de l’Église Apotel, à Cologne même. Après son baccalauréat, il désirait encore entreprendre des études de philologie, mais décida de se consacrer entièrement à la musique ; il entra à l’École de musique de Cologne pour des études interrompues par la guerre. Appelé sous les drapeaux, Zimmermann fut envoyé en France (où il découvrit les partitions de Stravinski et Milhaud, qui l’influencèrent profondément), puis, après un séjour en hôpital militaire, il fut envoyé près de Cologne, à Berlin, et enfin à Hambourg ainsi que sur le front de l’est. Il écrira plus tard à un ami qu’il n’avait jamais tiré sur quelqu’un durant son service. C’est pendant cette période, après avoir été soustrait à l’armée pour des raisons médicales, à partir de 1942, qu’il reprit ses études musicales auprès des compositeurs Philipp Jarnach et Heinrich Lemacher5, tout en gagnant sa vie avec des travaux divers.
7Après la guerre, sa situation financière ne sera guère plus brillante, comme il le rappelle en parlant de lui-même : « ses études, il les finança en travaillant dans les mines rhénanes de lignite, en collaborant avec différents ensembles musicaux d’étudiants, et en jouant des airs de danse dans les campagnes près de Cologne6 ». « À cause de la misère financière, je suis obligé de me nourrir avec des arrangements de musique de divertissement et des choses semblables7. » Zimmermann travaille avec Fortner et Leibowitz durant les cours d’été de Darmstadt (1948-1950), s’initiant à la technique sérielle. Il abandonne alors son travail de doctorat sur la fugue dans la musique moderne au profit de la seule composition. Parallèlement, il devient stagiaire à la Radio de Cologne, où il écrit des mélodies « populaires » et fait des arrangements de musique de variété. Il deviendra responsable du département des musiques de scène et de film, où il expérimentera concrètement les techniques de collage et de montage qui le fascinaient déjà durant ses années d’études : il veut « faire de la musique à base de collage et de montage, comme on en avait l’habitude en peinture8 ». Dans la musique qu’il écrit pour Sam Egom’s Haus de William Sarroyan, il introduit des extraits du Concerto pour piano de Schumann, des morceaux de jazz de Duke Ellington, et des bruits symbolisant l’explosion atomique. Une grande partie de sa vie sera consacrée à la composition de musiques de scène ou de films et à des musiques pour la radio dans lesquelles il expérimente des idées développées dans ses autres œuvres. Il y acquiert du « métier ». Cette activité alimentaire le conduit en tous cas à l’idée de pluralisme stylistique, qu’il applique à sa musique dans les années soixante de façon systématique, et le protège contre l’obsession stylistique des néoclassiques, qui masquait un appauvrissement de 1’« idée », selon le mot de Schoenberg : « L’espace stylistique de la musique pour des pièces radiophoniques va du grégorien à la musique sérielle, de la musique “primitive” à la musique électronique, du tam-tam à la musique concrète ! Ce n’est pas un cadeau pour les fanatiques du style !9 ».
8La situation de Zimmermann s’améliore toutefois au début des années cinquante ; il est nommé lecteur en théorie musicale à l’Université de Cologne en 1950. Son Concerto pour violon, qui date de cette même année, est joué au cours d’un important concert au festival de la SIMC à Salzbourg, en 1952, à côté d’œuvres de Boulez (Le Soleil des eaux), Perogallo et Harsany. En 1958, Zimmermann est nommé professeur de composition et d’analyse à la Musikhochschule de Cologne, succédant à Frank Martin ; parallèlement, il dirige des séminaires sur les musiques de film, de scène et de radio. Il conservera cette double fonction jusqu’à sa mort. Ces différentes charges limitent cependant son temps pour la composition ; à plusieurs reprises, il demandera d’en être déchargé pour mener à bien son travail personnel : en 1957 et en 1963, il pourra séjourner à la Villa Massimo à Rome ; mais les demandes ultérieures, qui devaient lui permettre de travailler sur son nouvel opéra (Medea, d’après Hans-Peterjahnn), lui seront refusées : Zimmermann ne laissera à sa mort aucune esquisse de cet opéra, sans que l’on puisse déterminer s’il détruisit ce qu’il avait écrit, ou s’il n’avait jamais commencé un travail de composition dont il parle à plusieurs reprises dans sa correspondance10.
9La présentation en concert de la Symphonie vocale tirée des Soldats (cinq scènes composées en 1958-60), en mai 1963, puis la création de l’opéra le 15 février 1965 à Cologne, apportèrent enfin une certaine notoriété à Zimmermann. L’œuvre ne s’imposa pas sans difficultés : jugée « injouable » par les responsables de l’Opéra de Cologne (O. F. Schuh et W. Sawallisch), elle fut terminée par Zimmermann après une interruption de trois ans (1960-1963) et grâce à la détermination du nouvel intendant de l’Opéra, Arno Assmann, qui désirait absolument créér l’ouvrage. Entre-temps, Hans Rosbaud, à qui l’œuvre est dédiée, puis Michael Gielen avaient donné un avis favorable sur l’œuvre. Les tensions réclamées par l’achèvement des Soldats, puis par les conditions de leur création (Michael Gielen dut lutter contre une opposition parfois radicale des musiciens de l’orchestre, qui s’ajoutait aux réelles difficultés de la partition), épuisèrent Zimmermann. Les cinq dernières années de sa vie furent marquées par des phases de dépression de plus en plus profondes. D’autre part, sa vue, qui n’avait jamais été bonne, s’altérait gravement. Après la composition du Requiem., projet monumental, Zimmermann eut une crise dépressive si violente qu’il ne put assister à la création de l’œuvre. Il semble qu’après ce combat avec l’idée de la mort et de la fin, qui le fascinait et qu’il exorcisait tout à la fois dans cette œuvre, Zimmermann ait senti l’impossibilité d’aller plus loin. Ses déclarations, à ce moment-là, témoignent d’une forme de résignation tendant au silence. Il programma lucidement sa propre mort, écrivant les deux œuvres qu’on lui avait commandées, ainsi que les brèves études pour violoncelle solo pour Siegfried Palm, et renonça à de nouvelles commandes. Il se donna la mort alors que sa famille était partie en vacances, le 10 août 1970. La Bible était, dit-on, ouverte sur les pages de l’Ecclésiaste qui l’avaient si souvent inspirées : « Vanité des vanités, tout n’est que vanités ».
10La vie de Zimmermann s’est donc déroulée presque exclusivement dans sa ville natale : Cologne. Deux autres compositeurs de renom y étaient établis : Stockhausen et Kagel. Les rapports conflictuels entre Zimmermann, né en 1918, et Stockhausen, né dix ans plus tard, tous deux élevés dans un milieu profondément catholique, pourraient faire l’objet d’une longue étude... Stockhausen s’est rarement prononcé sur son aîné ; il lui manifestait une relative indifférence : « Son œuvre n’était pas un modèle pour moi ». Sa célébrité rapide, alors qu’il hésitait encore au début des années cinquante à devenir compositeur, porta incontestablement ombrage à Zimmermann, qui avait atteint à ce moment-là l’âge de la maturité. Il existait entre les deux personnalités un conflit de génération exacerbé. Zimmermann voyait en Stockhausen un « constructeur » plus qu’un « compositeur », « un mélange de Siegfried et de Parsifal en même temps ». La modernité flamboyante de Stockhausen, sa détermination et son sens de la publicité, de l’événement, une certaine dose de dogmatisme et d’autoritarisme agaçaient Zimmermann et masquaient dans une certaine mesure son travail : celui d’un indépendant, d’un individualiste, d’un compositeur représentatif d’aucune tendance, d’aucun courant « à la mode ». Zimmermann a « introduit » Stockhausen à deux reprises dans sa musique, l’associant de façon sarcastique au monde d’Ubu : dans Présence, quelques mesures de Zeitmasse de Stockhausen sont suivies du mot « merdre » dit par le pianiste à voix basse. Dans la Musique pour les Soupers du Roi Ubu, l’accord répété 280 fois au début du Klavierstück IX de Stockhausen sert de trame au dernier mouvement (il est répété 631 fois au piano). Il est associé à des motifs morbides (marche au supplice de la Symphonie fantastique de Berlioz, Dies irae, Chevauchée des Walkyries de Wagner).
11Les deux compositeurs étaient engagés sur des voies parallèles : la problématique du temps musical est au centre de leurs réflexions et de leur travail ; ils publièrent simultanément leur position en 1957 (Zimmermann dans Intervall und Zeit, Stockhausen dans... wie die Zeit vergeht...) mais avec des conclusions divergentes. Ils cherchèrent à définir une nouvelle conception de l’espace musical, notamment dans l’écriture orchestrale (Stockhausen : Gruppen, 1955-1957, Carré, 1959-1960 ; Zimmermann : Dialoge, 1960), liée à l’idée du « pluralisme » musical, avec ses implications humanistes, spirituelles, théâtrales (Zimmermann : Les Soldats, 1958-1964, Requiem, 1968-1969 ; Stockhausen : Telemusik, 1966, Hymnen, 1966-1967). La démarche des deux compositeurs paraît ainsi converger, du moins superficiellement, en de nombreux points. Mais la stylistique des œuvres, ainsi que leurs finalités, sont radicalement différentes. Une étude approfondie permettrait d’en situer les enjeux théoriques et esthétiques.
Notes sur l’œuvre
12Les premières œuvres de Zimmermann, comme il l’a remarqué lui-même, sont influencées par le temps de la guerre et de l’après-guerre. Elles mêlent l’expressionnisme typique de la musique allemande des années quarante et une technique de composition héritée du néoclassicisme et du néobaroque de l’entre-deux-guerres. Elles équilibrent un caractère très subjectif, mettant en jeu des forces instinctives profondes (notamment par l’écriture harmonique et la couleur orchestrale), et un caractère plus objectivé, qui apparaît dans l’ordonnancement rythmique et formel, et qui est basé sur l’utilisation de formes anciennes (danses baroques, forme-sonate, rondo, etc.). Chez Zimmermann, peut-être sous l’influence de Stravinski et Milhaud, découverts au début des années quarante, mais aussi en raison de son expérience personnelle durant la guerre, les formes « nobles » de la tradition sont articulées aux formes « triviales » de la musique populaire ou de la musique extra-européenne (boléro, rumba, caboclo, saudade, jazz, negro spiritual, etc.). Ces éléments triviaux n’ont pas un caractère décoratif, mais sont à la base même des œuvres : Alagoana, « suite de cinq caprices brésiliens » composée en 1940-1950, n’est pas un pastiche du folklore sud-américain, mais s’attache à « la représentation qu’ont les Européens de ce folklore ». Une distanciation semblable apparaît dans le dernier mouvement du très expressionniste Concerto pour violon (1950), où la forme classique du rondo est liée au rythme omniprésent de la rumba. Le Concerto pour trompette (1954), lui, est basé musicalement et symboliquement sur une mélodie de jazz qui lui donne son titre : « Nobody knows de trouble I see » ; Zimmermann dit lui-même que le negro spiritual y fonctionne comme cantus firmus, comme thème, et comme « evergreen » : « L’œuvre fut écrite sous l’effet de la frénésie raciste (qui existe encore aujourd’hui, malheureusement) et veut, en amalgamant trois principes formels stylistiquement aussi clairement hétérogènes en apparence, illustrer en quelque sorte le chemin vers une communication fraternelle11 ».
13Ces éléments triviaux sont donc utilisés pour leur signification profonde et intégrés stylistiquement. Zimmermann réunit ce qui semble le plus éloigné : le style expressionniste, la technique dodécaphonique, l’utilisation des formes classiques ou baroques, les danses exotiques, le jazz. Dans ses premières œuvres, il tend déjà à une telle synthèse. La volonté d’unifier à travers l’œuvre les éléments dissociés de la culture restera une des préoccupations majeures chez lui, comme elle l’a été et l’est encore pour un autre compositeur : Luciano Berio. Chez l’un comme chez l’autre, l’expérience du fascisme semble avoir joué un rôle déterminant. Zimmermann, contrairement à Berio, n’en a jamais parlé clairement à travers ses écrits12.
14Dans le contexte de la « nouvelle musique », l’utilisation d’éléments empruntés à la tradition ou à la musique populaire a sans doute contribué au relatif isolement de Zimmermann. Non seulement parce que sa musique présentait une hétérogénéité de surface que les compositeurs sériels, ayant élu Webern comme modèle, avaient condamnée, mais aussi parce qu’elle renonçait à la seule spéculation technique, préservant ses dimensions expressive et symbolique vis-à-vis du réel. La synthèse opérée par Zimmermann couvre aussi bien le champ historique, en unifiant les catégories du passé et du futur, que le champ esthétique, par le dépassement de la notion même de style. Cette unité dans l’œuvre des différentes couches d’expériences apparaît dans la Symphonie en un mouvement (1947-1953) qui marque l’aboutissement de sa première période. L’œuvre exprime la tension dialectique entre l’angoisse de l’anéantissement et l’idée de transcendance, qui trouve sa source, vraisemblablement, dans l’expérience de la guerre : « ... le thématique se développe... en grands arcs, oscillant entre la menace apocalyptique et la plongée mystique...13 ». Le principe d’unité intérieure qui sous-tend le développement de la forme provient de « l’état amorphe de la cellule musicale germinative ». Dans Alagoana, Zimmermann dira que la composition « repose entièrement sur le traitement du timbre14 ». Il recourra pour la plupart de ses œuvres ultérieures à cette notion de « cellule germinative » (Keimzelle), sorte de réduction à l’idée de base.
15L’adoption de la technique sérielle correspond donc à une évolution logique : elle permet à Zimmermann de réaliser l’unité de la composition à partir de tels éléments fondamentaux, et de liquider progressivement les « restes » néoclassiques ou néobaroques, ainsi que toute trace de tonalité. La première œuvre qui en fait usage est la seconde partie des pièces pour piano intitulées Enchiridion ; cette seconde partie porte également le titre Exercitien, dans le triple sens d’exercices spirituels (auxquels se référent les titres de chaque pièce : « Vigil », « Hora », « Matutin », « Imagination »), compositionnels (expérience de la technique sérielle) et pianistiques (chaque pièce fait appel à des techniques de jeu différentes). Il est symbolique que chez Zimmermann l’apparition de la technique sérielle soit liée au monde religieux qui l’avait formé, comme si, par là, le compositeur voulait rattacher le moyen technique à sa signification spirituelle. Il est en effet critique vis-à-vis des compositeurs qui ont tendance à fétichiser la série (une attitude que Boulez ou Berio stigmatisèrent également) et il met en garde dès 1951 « contre la confusion entre style et moyens » : « C’est assurément une des fausses conclusions simplificatrices à la mode que de définir la valeur objective d’une œuvre en fonction des techniques et des moyens employés15 ».
16Chez Zimmermann, la série est un moyen de structuration, mais d’autres phénomènes musicaux entrent en jeu dans la composition. Elle organise avant tout les proportions de hauteurs et de durées à partir desquelles l’œuvre se développe. « La relation du sens et de la forme est réalisée en un point central qui est la relation la plus originelle entre intervalle et rythme16 ». Zimmermann développera cette réflexion, qui date de 1952, dans son article « Intervalle et Temps » (1957) et dans son article sur Frescobaldi. Un premier aboutissement de son assimilation de la technique sérielle apparaît dans un groupe de trois œuvres écrites entre 1955 et 1957, donc contemporaines de la rédaction d’« Intervalle et Temps » : il s’agit de Perspectiven pour deux pianos, de la Sonate pour alto solo, et du Canto di speranza pour violoncelle et ensemble. Ces trois œuvres sont liées au travail approfondi entrepris par Zimmermann sur la musique de Webern : on en perçoit la trace dans la concentration de l’écriture, qui tranche avec les œuvres du début des années cinquante, et dans la structuration interne et l’emploi rigoureux de la série : celle de Perspectives, par exemple, fait immédiatement penser à la série du Concerto opus 24 de Webern, qui fut l’objet de nombreuses analyses lors des cours de Darmstadt17. Elle est divisée en quatre groupes de trois notes qui ont les mêmes rapports d’intervalles (neuvième majeure/tierce majeure) ; elle évolue en fonction de l’organisation formelle en trois sections principales, et lie organiquement intervalles, durées, et sonorité. Il y a un rapport profond entre structuration sérielle et structuration formelle sans pour autant que la forme dérive de la série d’une manière purement analogique.
17La série elle-même n’est pas le seul matériau de base pour la composition : dans la Sonate pour alto solo (qui cite d’ailleurs des passages de Perspectiven), le choral « Gelobet seist Du Jesu Christ », énoncé à la fin de l’œuvre, sert de cantus firmus. Il induit la forme en douze sections liées structurellement, et une technique d’imitation inspirée de Pachelbel ; le caractère méditatif de l’œuvre est incarné techniquement par l’utilisation systématique de symétries (dans le rythme, dans les contours mélodiques, dans la forme). Dans Canto di speranza, que Zimmermann définit comme une « cantate instrumentale », la forme se déploie symétriquement autour d’un axe central, un interlude orchestral. L’usage de la symétrie est lié au fondement spirituel de ces deux œuvres : en fermant sur elles-mêmes le dynamisme des différentes parties, en annulant toute linéarité au profit d’un développement en spirale, il impose un caractère intérieur, méditatif, proche de la prière.
18On retrouve ces caractéristiques dans l’usage même de la série : jusqu’aux Soldats, Zimmermann renonce aux développements centrifuges par les transpositions. La série permute l’ordre des notes sans les transposer. Il s’en dégage une stabilité harmonique particulière, certaines configurations d’intervalles réapparaissant sans cesse. La série est ainsi à la fois l’élément générateur et elle définit l’enveloppe harmonique de l’œuvre. Elle est le moyen à partir duquel l’œuvre se développe, et elle fixe les limites spatiales de ce développement, imposant un retour perpétuel sur certaines caractéristiques fondamentales.
19Il y a un lien entre cette stabilité harmonique et l’utilisation des formes anciennes (le plus souvent, des formes préclassiques qui datent d’une époque où la tonalité est encore en gestation). Les Soldats constituent un aboutissement de ce point de vue, une synthèse de l’ensemble des tendances de la musique de Zimmermann jusque-là. La forme de l’opéra lui offre en effet la possibilité d’utiliser tous les moyens techniques et expressifs en sa possession. Les formes anciennes, articulées à la technique sérielle (comme dans Lulu de Berg), servent de moyens de structuration musicale et de caractérisation dramatique. La forme codée, dans son étape historique tardive, n’est plus directement liée aux fondements du langage musical, mais elle détermine le matériau par ses significations propres. L’opposition entre Stolzius et Desportes est ainsi réalisée musicalement par l’opposition entre chacone et ricercare, entre une forme fondée sur la variation à partir d’un élément de base persistant, et une forme fondée sur l’improvisation libre et virtuose, ou sur le développement en imitations. On retrouve cette opposition dans l’idée même de la forme générale de l’opéra : les correspondances musicales et dramaturgiques entre les actes I/III, qui comportent chacun cinq scènes, et les actes II/IV, plus courts (deux et trois scènes), donnent l’image d’une construction fermée sur elle-même, presque symétrique. Mais il faut aussi parler d’un développement en spirale (métaphore utilisée à quelques reprises par Zimmermann dans ses textes) qui d’un côté éclaire l’essence même des personnages et des situations, et de l’autre mène inexorablement au dénouement, à la catastrophe générale.
20La musique traduit cela. Elle ne s’attache pas aux événements extérieurs, mais à l’effet qu’ils provoquent intérieurement sur les individus. Elle condense le récit jusqu’à la simultanéité de scènes qui avaient, chez Lenz, un rapport de cause à effet (II, 2). Elle impose sa construction : une logique et une intensité qui proviennent du rêve. Chaque caractère, chaque situation apparaît dans son immédiateté, avec précision et avec force, presque sans progressions dramatiques. Les personnages correspondent d’emblée à une typologie un peu schématique, qui n’est jamais remise en question au cours de l’œuvre. Les situations, de même, sont quelque peu figées, les péripéties apparaissant comme parfaitement secondaires. Cela vient pour une part de ce que les figures principales, Stolzius et Marie, sont comme beaucoup de « héros » d’opéras au XXe siècle des figures de victimes. Ils subissent l’action plus qu’ils ne la déterminent, comme en une sorte d’initiation tragique au monde. Derrière l’apparence de l’ordre – social, militaire, familial, moral – ils découvrent la violence et l’hypocrisie. Les valeurs positives, qui ne sont plus incarnées par un quelconque pouvoir, sont défendues par des individus isolés dont on se moque, comme le capitaine Pirzel ou Stolzius. Il n’y a pas d’alternative possible que le compromis ou la déchéance. Stolzius, en planifiant le meurtre de Desportes qui entraîne sa propre mort, ne renverse pas un ordre injuste, mais venge l’honneur de Marie (l’usage du poison pour tuer Desportes est, symboliquement, un moyen d’action indirecte). C’est presque un acte de rédemption : « Tu es vengée, Marie, Dieu ne peut pas me damner ! ». La démonstration implaccable par laquelle Zimmermann transforme la comédie de Lenz en une véritable tragédie comporte ainsi une dimension « morale ». L’œuvre, à travers sa forme, son utilisation du verbe, ses techniques musicales, tend au rituel. Comme l’a remarqué Hans Zender, « la forme de l’opéra devient une sorte de liturgie... La fin n’est pas seulement fin du monde, catastrophe, mais apocalypse : toute la pièce prend ainsi un caractère eschatologique18 ». La problématique posée à travers Les Soldats – l’anéantissement de l’individu par rapport à la « machine sociale », « un jeu où l’Homme est toujours perdant19 » – sera pleinement développée à travers les œuvres postérieures à l’opéra, qu’elles soient vocales ou instrumentales, basées sur un argument et un texte, ou non. En ce sens, Les Soldats occupent une position centrale dans l’œuvre de Zimmermann : aboutissement grandiose de ce qui précède, ils ouvrent une nouvelle période créatrice. On ne peut pas, ici, détacher l’évolution proprement stylistique et technique de ses fondements et de ses enjeux expressifs et spirituels.
21On a dit que Les Soldats furent composés, initialement, pour plusieurs groupes orchestraux ayant chacun un chef, et qu’ils étaient destinés à plusieurs scènes simultanées. Zimmermann aurait détruit sa partition originale et l’aurait réécrite de façon traditionnelle en synchronisant toutes les parties orchestrales. Or, personne n’a vu cette partition originale, pas même Markus Lehmann, chargé en 1959 de réaliser la réduction pour piano de l’opéra, et qui dès lors fut en possession de la partition qu’écrivait Zimmermann20. Le style des premières scènes, d’ailleurs, permet de douter qu’une telle partition ait jamais existé. Mais les deux scènes du second acte, en revanche, ont dû orienter Zimmermann vers une écriture différente. Par une lettre à son éditeur, il parle de « musique de théâtre déchaînée comme tu n’en as encore jamais vue ! Et encore moins entendue ! » (lettre du 1er novembre 1959). L’éditeur, en réponse, critique précisément la notation de cette scène, à laquelle Zimmermann tient : Le 28 décembre 1959, il écrit à Markus Lehmann au sujet de sa seconde scène : « Il fallait résoudre des problèmes particulièrement difficiles. Mais la scène marche bien – et comment !21 ».
22Dans ces deux scènes, Zimmermann superpose différentes couches musicales ayant leurs configurations stylistiques et formelles propres, et ce en rapport avec la situation scénique : déchaînement sensuel dans une « boîte à soldats » pour la première scène, simultanéité des dialogues entre Stolzius et sa mère d’une part, entre Desportes et Marie d’autre part, et prédictions de la vieille mère Wesener. La condensation du successif en simultané conduit à un éclatement de l’espace traditionnel. C’est avec ce deuxième acte des Soldats que Zimmermann fait subir à son style une mutation qui apparaît clairement dans les œuvres qu’il va écrire par la suite. On peut penser qu’il y a là, chez lui, une convergence entre sa propre évolution, liée aux exigences des situations théâtrales de l’opéra, et les tendances de la nouvelle musique à l’orée des années soixante. Le concept d’« œuvre ouverte22 » apparaît alors, et de nombreuses œuvres orchestrales expérimentent de nouvelles dispositions spatiales (Gruppen pour trois orchestres, de Stockhausen, composé en 1955-1957, en est le point de départ). Chez Zimmermann, cet éclatement de l’écriture orchestrale traditionnelle apparaîtra dans Dialogues pour deux pianos et orchestre (la première version date de 1960). Dans cette œuvre, Zimmermann poursuit la démarche amorcée dans le deuxième acte des Soldats. Il bouleverse la hiérarchie et la disposition spatiale des instruments, qui ne sont plus regroupés par familles, et qui doivent être éloignés les uns des autres. Cette spatialisation n’est pas gratuite, elle provient de l’écriture elle-même, qui est désormais basée sur des textures complexes, sur des masses orchestrales en mouvements, sur des blocs de timbres et d’intensités à densité variable dans des registres fluctuants. On ne perçoit plus les intervalles et les durées dans des rapports simples ; la pulsation métrique fait place à un temps lisse, diversement modelé. L’auditeur n’a plus affaire à une polyphonie de notes individuelles, mais à des complexes sonores en perpétuelle mutation. « Les Dialogues, cependant, sont fondés sur le principe que j’appelle compositions de couches : couche sur couche. Omnia tempus habent : chaque chose en son temps, chaque être, chaque instrument, chaque son, chaque événement communiquent tous dans les mêmes secondes de l’éternité, reçoivent des appels en provenance de couches qui leurs sont inconnues, envoient des appels vers l’inconnu, échange continu de toutes les dimensions – énigme – secret – symbole – couche sur couche : dialogues, isolement absolument sans espoir, capté en une multiplication absolument sans espoir. Le son comme apparition, rotation, compression de processus pluralistes : la partition des Dialogues – et un nouveau concept de style concertant en plus ! » (lettre du 2 août 1960 à son éditeur Schott23).
23Dès lors, Zimmermann prend quelque distance avec le sérialisme : « la technique sérielle a été utilisée davantage comme squelette de la texture compositionnelle et tout un ensemble de procédés mis en œuvre ne sont plus explicables par elle seule », écrit-il à propos de Dialogues24. Le concept de « composition pluraliste » apparaît chez Zimmermann à ce moment-là. Il comporte un aspect de théâtralisation dans la musique qui, mis à jour dans Les Soldats, est pleinement développé dans toutes les œuvres des années soixante. Le titre même, Dialogues, l’évoque à l’intérieur de la forme purement musicale du concerto. L’unidimensionalité du discours musical, à partir d’une conception homogène de l’orchestre, laisse place à la multiplication des dialogues (entre les instruments de l’orchestre, entre ceux-ci et les solistes, entre les solistes eux-mêmes) qui modifie sans cesse la géographie et la hiérarchie de l’orchestre. Le dialogue en musique (il prend aussi la forme individualisée du monologue intérieur25), qui se souvient des fondements rhétoriques des musiques baroque et classique, amène l’idée de personnage, d’argument, de texte. Dans Antiphonen, pour alto et ensemble (1961-1962), les musiciens doivent réciter des textes littéraires dans leur langue originale (Joyce, Pound, Camus, Dostoïevski, Novalis, Job, Apocalypse, Vulgate). Une couche textuelle est donc superposée aux couches musicales, toujours dans la forme du concerto. Dans Présence pour violon, violoncelle et piano (1961), qui est aussi un ballet, chaque instrument est associé programmatiquement à une personnification littéraire : le violon à Don Quichotte, le violoncelle à Molly Bloom (Ulysse de Joyce), et le piano à Ubu. Les instruments sont relativement indépendants les uns des autres : ils superposent des monologues ou dialoguent ensemble brièvement. Les tensions entre indépendance et dépendance, isolement et réunion, concordance et opposition entre les trois instruments, constituent le principe dramatique de l’œuvre. La formation homogène du trio, ainsi que la conception traditionnelle du morceau de musique de chambre, sont ici disloqués. La forme elle-même est fondée sur la discontinuité : chaque « moment » est indépendant et ouvert à de multiples possibilités de développement, de relations (ce qui peut faire penser au concept de la « Momentform » chez Stockhausen, ou à la technique de composition de Boulez dans la Troisième Sonate pour piano, qui datent de la même époque). Zimmermann avait expérimenté cette écriture non linéaire dans une œuvre écrite au moment même où il interrompait la composition des Soldats, en 1959-1960 : la Sonate pour violoncelle solo. L’œuvre est divisée en cinq parties regroupant des séquences isolées, basées sur certaines caractéristiques musicales (note-pivot, configuration motivique, geste technique, type d’écriture, etc.). Elle donne parfaitement l’image du morcellement, dès la lecture de la partition, et le passage d’une séquence à l’autre relève davantage d’une technique d’associations libres que d’un développement progressif. « C’est ainsi que la voie était libre pour cela même qui, jusque-là (du moins avec les méthodes du sérialisme), semblait insaisissable, à savoir ce qui est spontané, associatif, ce qui relève du rêve et même de la transe26 ». Zimmermann développe le langage de la Sonate pour violoncelle solo dans une autre œuvre pour instrument seul, Tempus loquendi pour flûte solo (1963), où il laisse le choix du parcours formel à l’interprète. Mais cette brève concession à l’utilisation du hasard, alors à la mode dans la nouvelle musique, est aussitôt corrigée par Zimmermann lui-même : la pièce pour flûte est publiée dans une triple version qu’il a lui-même réalisée. Dans son texte de présentation de Monologues, il discute le problème de la musique aléatoire, qu’il rejette dans son principe même. L’ensemble de ces œuvres écrites au début des années soixante, qui forment un tout (elles utilisent pour la plupart la même série de base, tirée des Soldats), influencèrent le style des dernières parties des Soldats, composées à Rome en 1963-1964. Il s’agit des deux dernières scènes de l’acte III, de l’acte IV, du prélude, et des intermèdes orchestraux (nécessités par le remaniement de la forme générale de l’opéra en quatre actes ou lieu de trois). Ces intermèdes sont directement influencés par l’écriture orchestrale de Dialogues (et non l’inverse, comme on l’a dit souvent) : répartis dans l’opéra, ils témoignent du changement stylistique intervenu dans la musique de Zimmermann avec les années soixante.
24C’est dans ces œuvres du début des années soixante que, après la fameuse scène du deuxième acte des Soldats, Zimmermann utilise les citations en tant que telles. Dans ses premières œuvres, les éléments empruntés étaient, comme nous l’avons dit plus haut, intégrés stylistiquement. Ils étaient le plus souvent à la base même de la composition : notes B. A. C. H. de la Sonate pour violon solo, « Dies irae » du Concerto pour violon et orchestre, danses typées d’Alagoana ou d’Enchiridion, choral de la Sonate pour alto solo, etc. Même dans Les Soldats, les citations sont encore utilisées comme des éléments quasi thématiques. À partir des années soixante, les citations apparaissent au contraire comme des éléments de surprise, hétérogènes à la composition. Ils créent une rupture stylistique mais sont liés à la structuration musicale sous-jacente (généralement l’organisation des hauteurs et des durées) et aux significations symboliques de l’œuvre. Dans Photoptosis pour orchestre (1968), le processus musical dérive du titre même de l’œuvre, qui signifie « irruption de lumière », et s’inspire des toiles monochromes de Yves Klein, notamment celle exposée dans le théâtre de Gelsenkirchen, éclairée par la lumière du jour. La partie centrale est fondée sur un collage de citations musicales. La structure du triton et de la gamme par tons qui est à la base de la série utilisée pour cette œuvre constitue le point commun de la plupart des citations. Mais celles-ci sont aussi liées à l’idée d’irruption de lumière, au sens propre et au sens symbolique : extraits de l’« Hymne à la Joie » de Beethoven, de Parsifal de Wagner, du Poème de l’Extase de Scriabine, du Veni Creator Spiritus, etc. Les citations forment ainsi une couche supplémentaire dans l’œuvre, elles apportent un effet de perspective dans le temps et dans l’espace. Fragment d’une œuvre, la citation est en effet un signal pour son style et son époque, qui sont évoqués par elle. C’est une sorte de synecdoque musicale : elle condense dans une apparition éphémère un espace plus vaste. D’autre part, c’est une figure musicale qui se détache nettement de la texture dans laquelle elle apparaît. Dans les œuvres non sérielles de Zimmermann, comme Alagoana ou la Symphonie en un mouvement, les thèmes n’étaient pas à la base du processus de développement, mais ils en émanaient. De même, dans ses œuvres plus tardives, la figure musicale concentre les tendances du matériau, mais elle n’est pas l’élément originel de sa structuration. Le terme de figure musicale est d’ailleurs trop restrictif : dans la mesure où Zimmermann s’appuie à la fois sur des configurations « thématiques », des notes-pivots, des structures de timbre, etc., il faudrait parler plus généralement d’unités distinctives. Là encore, Zimmermann prend ses distances vis-à-vis du sérialisme des années cinquante, où l’extrême différenciation dans tous les paramètres et la suppression des éléments motiviques ou thématiques avaient conduit à un continuum indifférencié. Ces unités distinctives jouent un rôle essentiel dans la dramaturgie des œuvres. Elles ont d’ailleurs souvent un caractère gestuel très marqué. Zimmermann articule par exemple des structures complexes, où l’on est immergé dans l’entrelacs des voix égales, et des figures musicales parfois très simples, que l’auditeur distingue immédiatement. Le prélude des Soldats est significatif de ce point de vue : au cœur de la polyphonie complexe et saturée du tutti orchestral, les battements presque réguliers de la grosse caisse constituent un repère immédiat, un point de focalisation. Dans le Concerto en forme de pas de trois, cette opposition est réalisée dans la succession : après une introduction orchestrale raffinée, où le matériel de la série est exposé dans un espace divisé en quarts de tons, le violoncelle énonce une figure répétitive presque élémentaire, notée « quasi parlando ». Opposition symbolique, à l’intérieur de la forme du concerto, entre geste individuel et geste collectif. La structuration du matériau, dans sa manifestation même, est signifiante. Il y a ainsi une relation organique entre structuration musicale et situation « théâtrale », qu’il s’agisse de théâtre proprement dit, de ballet (beaucoup d’œuvres de Zimmermann des années soixante sont écrites pour le ballet), ou de formes musicales théâtralisées, comme le concerto. Zimmermann développe parallèlement des couches de significations autonomes, responsables les unes vis-à-vis des autres.
25Cette démarche aboutit à deux œuvres en apparence fort dissemblables : La Musique pour les Soupers du Roi Ubu (1968), et le Requiem pour un jeune poète (1967-1968). La première résulte d’une commande de l’Akademie der Künste de Berlin, où Zimmermann devait être reçu. Elle affiche un ton parodique et ironique : c’est un vaste collage de citations, qui reprend en partie le matériau d’une œuvre antérieure, Giostra Genovese (« danses anciennes de différents maîtres » pour petit orchestre, 1962). Mais Zimmermann compose ce matériau emprunté selon sa « méthode » habituelle : chaque citation, si courte soit-elle, est reliée à l’organisation sérielle de base, ainsi qu’à la signification programmatique et symbolique de l’œuvre ; elle est utilisée conformément à l’original, sans transposition. Dans l’ouverture, par exemple, les différents membres de l’Akademie sont représentés par des figures musicales spécifiques (citations littérales pour les compositeurs, figures anagrammatiques à partir des noms pour les autres). Zimmermann, le nouveau venu, est symbolisé par la figure tragique de quintolets liée à Stolzius dans Les Soldats, figure coordonnée à une citation des Canti di Liberazione de Dallapiccola (étranger à l’Akademie). Ces deux extraits d’œuvres sérielles s’opposent aux figures académiques qui accueillent Zimmermann, véritable mise en scène par la musique même. La signification du passage comporte un caractère tragique par la confrontation entre un esprit libre et les contraintes de l’académie ; elle nous rappelle l’entrée de Stolzius dans le monde violent des militaires, au deuxième acte des Soldats (celui-là même qui, par l’hétérogénéité de ses superpositions stylistiques, a conduit aux œuvres des années soixante). Le dernier mouvement de l’œuvre en précise le sens. Zimmermann y superpose le Dies irae, la Chevauchée des Walkyries, un extrait de la Marche au supplice tiré de la Symphonie fantastique de Berlioz, et le ressassement hébété de l’accord initial du Klavierstück IX de Stockhausen. Stockhausen fait ici figure de « nouvel académicien », dans le contexte de la « nouvelle musique ». La dimension tragique, voire morbide de l’œuvre, apparaît dans son sous-titre : ballet noir. Ici, Zimmermann porte le principe de condensation temporelle à son degré le plus extrême. Dans le Requiem, ce sont cinquante ans d’histoire et de culture européennes qui sont condensés dans un projet monumental faisant appel à toutes les ressources musicales possibles : solistes vocaux, récitant, orchestre, trois chœurs, groupe de jazz, bande magnétique. La superposition de couches de temps et de couches de matériaux indépendants atteint une complexité maximale : plus que jamais, le sens premier de chaque élément doit être envisagé dans le tissu des relations où il s’insère. Le parcours historique sur lequel l’œuvre repose – 1920-1970 -, qui correspond à la vie même de Zimmermann, est doublé d’un parcours spirituel. Les discours d’hommes politiques, les communiqués ou reportages sont articulés à des textes philosophiques ou religieux, le temporel à l’intemporel. L’auditeur traverse ces différents degrés de conscience, et les différents styles que la musique articule (musique triviale/musique « savante », musique du passé/musique inventée, voix parlée/voix chantée, soli/chœurs/orchestre, son direct/son enregistré). Les textes poétiques, dits à la première personne, nous renvoient au sujet de l’œuvre, au compositeur lui-même. Ses aspirations à l’extase et à la lumière sont contrebalancées par un pessimisme noir, un désespoir irrémédiable. Les poètes par lesquels Zimmermann s’exprime se sont tous suicidés : le compositeur joue ainsi sa propre mort.
26Les œuvres qui font suite au Requiem sont habitées par une sorte de renoncement. Le sujet ne condense plus des matériaux hétérogènes et des temps divergents dans un processus intérieur, mais il inscrit des gestes isolés, épurés, dans un espace temporel dilaté, où les frontières semblent dissoutes. Dans Intercommunicazione pour violoncelle et piano (1967), les deux instruments sont indépendants, ils jouent des structures musicales divergentes, sans qu’apparaisse un lien évident entre elles. Le temps n’offre plus de repère (la partition est écrite sans barres de mesures). L’œuvre porte à son ultime conséquence la conception du trio Présence. De même, dans Stille und Umkehr orchestre (1970), les gestes sont devenus fantomatiques : le ré tenu d’un bout à l’autre de l’œuvre rappelle le ré conclusif des Soldats, repris dans le Requiem ; les changements de timbre (par l’harmonie, par l’écriture orchestrale), peuvent être assimilés aux modifications d’un son vocal par le continuum des voyelles ; la subtilité de l’écriture orchestrale est comme le souvenir des œuvres au coloris magique composées jusque-là ; et le rythme de blues, à la caisse claire, évoque le jazz, cette musique des opprimés que Zimmermann a intégrée dans son œuvre à de très nombreuses reprises. L’œuvre est une sorte de variation infinie à l’intérieur de la répétition généralisée, liée au caractère obsessionnel de l’idée en soi, qui, abstraite du temps, devient un absolu. Le concept de « sphéricité du temps », que Zimmermann avait forgé dans les années cinquante et qu’il répète inlassablement dans ses textes, conduit à celui de « dilatation du temps », qui apparaît dans les dernières années. Stille und Umkehr, « esquisses symphoniques », apparaît comme une coda à l’œuvre de Zimmermann. Elle illustre la conception du temps du compositeur – et le processus de développement en spirale qui, partant d’une cellule génératrice, tourne constamment autour d’un centre. La dernière œuvre de Zimmermann, qu’il termina quelques jours seulement avant de mettre fin à sa vie, ranime la problématique qui est au centre de toute son œuvre : la confrontation de l’individu isolé, dont la foi est fondée sur la vérité, la justice et l’amour, au monde qui bafoue ces valeurs. Ich wandte mich und sah an alies Unrecht, das geschah unta da Sonne (Je me retournai et regardai toute l’injustice qui était sous le soleil) est, comme le Requiem, une forme intermédiaire entre la pièce parlée et la pièce chantée, une forme théâtrale non représentative. Elle est écrite pour deux récitants, basse solo, orchestre et trois trombones disséminés autour du public. Le texte, que Zimmermann rédigea lui-même, s’inspire de la parabole du « Grand Inquisiteur » dans les Frères Karamazov de Dostoïevski, et comporte des citations de l’Ecclésiaste et de la Bible de Luther. Le Grand Inquisiteur reproche au Christ d’avoir surestimé l’humanité, de lui avoir trop demandé (les deux récitants). La basse solo répond : « Malheur à celui qui est seul ! ». Le statisme des interventions orchestrales, avec les sonorités irréelles, dans ce contexte, de la guitare électrique, s’oppose aux déchirements des voix parlées et chantées. La percussion développe un rythme de blues, et l’œuvre s’achève sur la citation fortissimo aux cuivres du choral de Bach « Es ist genug » (C’est assez), brisé par une cadence brusque qui tombe comme un couperet. L’œuvre, dépouillée, violemment expressive, au bord du cri, est bien le testament musical de Zimmermann : révolte et résignation, élan et effondrement, aspiration à la vérité, à la délivrance, à la libération. « Il resterait, néanmoins, cet engagement essentiel qu’on est en droit d’exiger de l’écrivain, celui qui découle de la nature même de son art : ne pas mésuser du langage et faire par conséquent en sorte que sa parole, de quelque manière qu’il s’y prenne pour la transcrire sur le papier, soit toujours vérité. Il resterait qu’il lui faut, se situant sur le plan intellectuel ou passionnel, apporter des pièces à conviction au procès de notre actuel système de valeurs et peser, de tout le poids dont il est si souvent oppressé, dans le sens de l’affranchissement de tous les hommes, faute de quoi nul ne saurait parvenir à son affranchissement particulier. » (Michel Leiris) 27
27Paru dans Bernd Alois Zimmermann, Contrechamps, n° 5, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1985.
Notes de bas de page
1 Depuis l’époque où cet essai lut rédigé, la situation a changé : non seulement Les Soldats sont entrés à l’Opéra de Paris, après Lyon et Strasbourg, et le Requiem pour un jeune poète a été joué à Paris et à Strasbourg, mais la biographie de Wulf Konold sur le compositeur, publiée en Allemagne (Der Komponist und sein Werk, Cologne, DuMontr, 1986), traduite en français, a paru en 1998 (Paris, Michel De Maule/Octobre en Normandie).
2 « L’avenir de l’opéra », dans Contrechamps, n ° 4, 1985, p. 87.
3 Michel Leiris, « De la littérature considérée comme une tauromachie », 1945-1946, préface à L’Âge d’homme, Paris, Gallimard.
4 Ces notes biographiques sont notamment basées sur la compilation des sources suivantes : articles « Zimmermann » dans les encyclopédies The New Grove et Musik in Geschichte und Gegenwart ; chapitres sur les « influences de la biographie » et sur les rapports de Zimmermann et de Stockhausen dans le livre de Clemens Kühn, Die Orchesterwerke Β. A. Zimmermanns ; entretien de Ursula Stürzbecher avec Zimmermann, paru dans Werkstattgespräche mit Komponisten.
5 Philipp Jarnach : compositeur allemand d’origine espagnole né en France en 1892. Élève de Risler (piano) et Lavignac (composition), il se ha à Busoni en 1915 à Zurich et acheva, après sa mort, l’opéra Doktor Faust. H prit la nationalité allemande en 1931, et enseigna la compostition à Cologne jusqu’en 1949, dirigeant ensuite l’école supérieure de musique de Hambourg jusqu’en 1959. H eut notamment comme élève Kurt Weill. Son œuvre est dans l’esprit de la musique française et de la musique allemande de l’entre-deux-guerres. H a surtout écrit des œuvres instrumentales.
Heinrich Lemacher (1891-1966) : compositeur allemand. De 1911 à 1916, il étudia la composition, la direction et le piano au Conservatoire de Cologne, et la musicologie à l’Université de Bonn. De 1925 à 1956, il enseigna la composition, la théorie et l’histoire à la Musikhochschule de Cologne. Il fut cofondateur de la Société pour la Nouvelle Musique en 1921, et de la Société Internationale pour la Nouvelle Musique d’église catholique (1927). Son œuvre est influencée par la musique de Bruckner, dont il édita les messes et les motets, et par les techniques de la Renaissance (Palestrina, Lassus) : linéarité et utilisation de la parodie et du cantus firmus. Il a écrit essentiellement de la musique religieuse.
6 Biographische Notizen (non datées), citées par Clemens Kühn dans Die Orchesterwerke B. A. Zimmermanns, Schriftenreihe zur Musik, Hamburg, Κ. D. Wagner, 1978, p. 27-28.
7 Lettre à Wolfgang Steinecke du 21. 1.1950. Citée par Kühn, op. cit., p. 28.
8 Ursula Stürzbecher, Werkstattgespräche mit Komponisten, Cologne, Gerig, 1971, p. 152-160.
9 Cité par Kühn, op. cit., p. 29.
10 Voir l’article de Wulf Konold, « B. A. Zimmermanns zweites Opernprojekt », dans Fur und wider die Literaturoper, Thurnauer Schriften zum Musiktheater, Bd 6. Hrsg von S. Wiesmann, 1982, Laaber Verlag, p. 113-119.
11 Nobody knows trouble I see, dans Intervall und Zeit, B. A. Zimmermann Aufsätze und Schriften mm Werk, Christoph Bitter (éd.), Mayence, Schott, 1974, p. 90.
12 Luciano Berio, « Méditadon sur un cheval de douze sons », dans Contrechamps, n° 1, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1983, p. 46 sq.
13 « Sinfonie in einem Satz », dans Intervall und Zeit, op. cit., p. 88.
14 « Alagoana », dans Intervall und Zeit, op. cit., p. 84.
15 Bernd Alois Zimmermann, « Material und Geist », dans Melos, n° 18, 1951. Traduction française dans Contrechamps, n° 5, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1985.
16 Bernd Alois Zimmermann, « Unzeitgemasse Betrachtungen zur Musik der jungen Generation » [Considérations inactuelles sur la musique de la jeune génération], dans Melos, 19, 1952, p. 305-307.
17 Voir notamment Pierre Boulez, Penser la musique aujourd’hui, Paris, Gonthier, 1963, p. 77 sq., et Karlheinz Stockhausen, Texte, Bd 1, Cologne, DuMont, 1963.
18 Hans Zender, « Gedanken zu Zimmermanns Soldaten », dans Musik und Bildung, 10 (69), 1978 (p. 653-654). Traduction partielle en français dans le programme des Soldats, Opéra de Lyon 1983.
19 Bernd Alois Zimmermann, « Zu den Soldaten », dans Intervall und Zeit, op. cit., p. 95-97. Traduction française dans Contrechamps n° 5.
20 Communication personnelle. Voir aussi Wilfried Grühn, « B. A. Zimmennanns Oper Die Soldaten », dans Musikforschung, Jg. 38, Heft 1, 1985.
21 Cité par W. Grühn, dans op. cit.
22 Umberto Eco, Opera Aperta, Milan, 1962. Traduction française, Paris, Seuil 1965. À l’origine se trouve une conférence d’Eco sur « L’œuvre ouverte », datée de 1958.
23 Cité par W. Gruhn dans op. cit.
24 « Dialoge », dans Intervall und Zeit, op. cit (p. 98 sq.). Traduction française dans Contrechamps, n ° 5, op. cit.
25 La version pour deux pianos de Dialogues est intitulée significativement Monologues.
26 Bernd Alois Zimmernann, « Monologue », dans Intervall und Zeit op. cit., p. 102. Traduction française dans Contrechamps n ° 5.
27 Au sens joycien du terme : le geste comme « structural rythm » (dans Ulysses). Voir aussi Luciano Berio, « Du geste et de Piazza Carita », dans Contrechamps, n° 1 (p. 41 sq.).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un siècle de création musicale aux États-Unis
Histoire sociale des productions les plus originales du monde musical américain, de Charles Ives au minimalisme (1890-1990)
Laurent Denave
2012
Huit portraits de compositeurs sous le nazisme
Michael H. Kater Sook Ji et Martin Kaltenecker (trad.)
2011
Figures sonores
Écrits musicaux I
Theodor W. Adorno Marianne Rocher-Jacquin et Claude Maillard (trad.)
2006
L'idée de la musique absolue
Une esthétique de la musique romantique
Carl Dahlhaus Martin Kaltenecker (trad.)
2006