1 Conférence rédigée en hongrois, prononcée à Bratislava (4 mars 1931) et Budapest (10 mars 1931). Paru dans Új Idôk, XXXVII, n° 20 (10 mai 1931), n° 23 (31 mai 1931) et n° 26 (21 juin 1931). Nous suivons l’édition de Tibor Tallián (Bartók Béla basai, vol. 1, Zeneműkiadó, Budapest, 1989).
2 Une précision détaillée s’impose ici, dans la mesure où c’est à l’occasion de cette conférence que Bartók expose, pour la première fois de façon aussi raisonnée, le système des oppositions terminologiques qui articulent son discours sur ce qu’on appelle couramment, en français, « musique populaire » et « musique savante ».
Or, d’une part, les expressions correspondantes au sein des trois principales langues dans lesquelles Bartók écrit (le hongrois, l’allemand et, plus tard, l’anglais) ne s’équivalent pas exactement ; et, d’autre part, elles ne recouvrent pas tout à fait non plus les deux termes français consacrés par l’usage (« populaire » us « savant »). Nous avons donc pris les partis suivants dans la traduction.
En hongrois, le substantif ma a des valeurs multiples : isolément, il désigne l’œuvre (l’opus), tandis que, dans les mots composés (műzene, műdal...), il qualifie notamment ce qui est artistique (műalkotás, « création artistique ») ou artificiel (műanyag, « matière plastique » ou « synthétique », pour un tissu par exemple). Par ailleurs, Bartók distingue ce qui est népies, à savoir « d’allure populaire », et ce qui est « populaire » en un sens pour lui authentique (il emploie alors l’adjectif népi, ou encore le substantif nép, « peuple », dans des mots composés comme népzene, « musique populaire », ou népdal, « chant populaire »). Lorsque műzene s’oppose simplement à népzene, sans autres qualificatifs, nous traduisons respectivement par « musique savante » et « musique populaire ». En revanche, l’expression népies műzene est mieux rendue par « compositions (musicales) d’allure populaire » ; d’autant que, comme l’explique Bartók ici même, les auteurs de ces chansons hongroises (magyar nóták) n’ont rien de « savant » (souvent, selon lui, ils ne savent même pas réaliser un accompagnement). Quant à l’autre couple terminologique français : « musique écrite » us « de tradition orale », il ne convient pas non plus, car les nota existent généralement sous une forme imprimée, qui n’est pas l’œuvre d’un « folkloriste » ou ethnomusicologue venant les noter a posteriori.
En allemand, lorsque Bartók distingue simplement Volksmusik et Kunstmusik, nous traduisons par « musique populaire » et « musique savante », selon l’usage courant en français. En revanche, nous avons considéré l’expression volkstümliche Kunstmusik comme un calque du hongrois népies műzene.
De même, en anglais (une langue dans laquelle Bartók n’écrira qu’à la fin de sa vie, à partir de son émigration aux États-Unis en 1940), la distinction entre art music et folk music est rendue par « musique savante » us « musique populaire ». Quant à higher art music, nous traduisons par « musique savante de haute tradition ».
3 Úriosztály. Une autre précision, ici, dans cette conférence où le lexique Bartokien est décidément systématisé d’une manière qui permet de comprendre, en retour, certains usages apparemment plus cursifs des mêmes termes dans l’ensemble de ses autres textes. Ur, c’est en hongrois le « maître », le « seigneur ». Úriosztály, c’est donc, littéralement, la « classe des seigneurs », c’est-à-dire, historiquement, la « noblesse », l’« aristocratie ». À l’époque où Bartók écrit, le terme désigne toutefois, plus généralement, la « bonne société », la « classe dominante », la bourgeoisie respectable, ainsi que les valeurs de distinction, d’origine féodale, associées à ce que, en français, on pourrait nommer un « gentilhomme » (nous optons, selon le contexte, pour l’une ou l’autre de ces différentes traductions possibles). Dans l’édition anglaise de Benjamin Suchoff (Béla Bartók, Essays, Faber & Faber, 1976), úriosztály est même parfois rendu par upper middle class, expression qui paraît un peu trop sociologisante, et úriemberek par gentlemen. En allemand, Bartók utilise les mots, à peu près équivalents, de Herrenstande ou Herrenklasse (calques de úriosztàly), ainsi que Herrenleute (úriemberek).
4 Littéralement : « On a tué un jeune homme pour ses soixante florins ». Plus loin dans la phrase : « dans le Danube ».
5 Voir La relation entre la musique populaire et le développement de la musique savante d’aujourd’hui, supra.
6 Cité en français dans le texte.
7 En allemand dans le texte : « musique dodécaphonique ».
8 Nous n’avons pas réussi à identifier la source.
9 En français dans le texte.
10 « Zoltán Kodály : Magyar népzene » (1931), dans Kodály : Visszatekintés, Ferenc Bonis (ed.), vol. II, Budapest, Zeneműkiadó, 1982, p. 136.