Les Gendarmes, soldats de la paix ?
La sortie de la Grande Guerre au prisme d’une institution militaire originale (1918-1925)
p. 103-122
Texte intégral
1Ainsi le colonel Debeugny, commandant la gendarmerie française auprès des troupes américaines, s’adresse-t-il à ses subordonnés, encore détachés aux armées à la date du 24 décembre 1918. Pour les gendarmes, les opérations sont loin d’être terminées, et les épreuves qu’annonce l’armistice du 11 novembre 1918 dépassent en ampleur la mobilisation de l’été 1914.
2Le processus de sortie de la Grande Guerre est désormais mieux connu, notamment grâce aux travaux de Nicolas Beaupré et de Bruno Cabanes, qui ont relié l’histoire de cette période à celle des années suivantes2. Mais si les aléas de la réinsertion économique et sociale des anciens combattants ont fait l’objet de nombreux travaux, le destin des gendarmes à la même époque est longtemps resté dans l’ombre. Il est vrai que ces militaires particuliers ne retiennent vraiment l’attention des chercheurs que depuis peu3. Dès lors, rien d’étonnant si les diverses contributions des gendarmes à la Grande Guerre, et même leurs archives4, ont été longtemps négligées par les spécialistes reconnus du conflit. Cette situation a changé depuis quelques années grâce à des travaux préparés, pour la plupart, au sein du chantier de la Sorbonne, ainsi qu’aux publications de Louis Panel sur la Gendarmerie dans la Grande Guerre5 et au colloque international consacré en 2016 au rôle des forces de l’ordre européennes durant la Grande Guerre et la sortie de ce conflit6. Ces travaux ont permis une meilleure compréhension de l’institution gendarmique, qui peut être définie selon plusieurs modalités7. Elle appartient à l’armée, tout en disposant d’un statut particulier au sein de l’appareil d’État, et se répartit dans des casernes. Ses fonctions militaires et civiles relèvent du maintien de l’ordre, de la surveillance, du respect des lois et de la police judiciaire. La prévôté constitue une branche de la gendarmerie chargée de suivre les forces armées en campagne pour y appliquer ses fonctions de police.
3Les informations trouvées dans les archives sont variables, parfois riches, parfois lapidaires, car la production écrite de l’arme conservée jusqu’à nos jours est bien plus importante à propos de la période du conflit. Cette contrainte impose un travail de recomposition proche de la mosaïque, s’il souhaite rendre compte de la complexité du travail des gendarmes dans la sortie de guerre. Si les archives de la gendarmerie aux armées dans la période étudiée sont aisément accessibles, elles restent dispersées parmi les fonds des grandes unités combattantes, rendant la compréhension de leur rôle particulièrement complexe. Les décrets, les circulaires, les ordres de mission, doivent être recoupés avec le nombre important de sources produites par l’arme, le plus souvent sous la forme de procès-verbaux. La gendarmerie française intervient également à l’échelle internationale, à travers ses prévôtés et d’autres unités spéciales, dans un contexte où la France victorieuse se pose en arbitre de la politique européenne aux côtés de la Grande-Bretagne, renforce ses relations militaires avec d’autres États et participe à l’occupation des pays vaincus et de leurs colonies. Les correspondances administratives conservées aux Archives Diplomatiques et aux Archives départementales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin constituent la plus importante masse de données pour l’étude de la gendarmerie en Alsace-Moselle, en Allemagne, en Syrie-Liban et en Cilicie. Quant aux procès-verbaux, ils ont pu être massivement collectés aux Archives départementales de la Marne ainsi qu’au Service Historique de la Défense. L’analyse n’aurait toutefois pu être complète sans une réflexion sur le regard porté par les membres de l’arme, par rapport à leur action dans la Première Guerre mondiale et la sortie de conflit, mais aussi la perception des civils et des militaires des autres armes sur ce rôle. La presse corporative de la gendarmerie et certains mémoires rédigés par des membres de l’institution tendent à nous éclairer sur le sentiment d’incompréhension qui étreint une grande partie des « planqués ».
4Autrement dit, la production documentaire de la gendarmerie, ainsi que les documents militaires et diplomatiques la mentionnant durant la sortie de guerre, embrassent une diversité de champs qui ne se réduisent pas au strict domaine militaire, car ils intègrent également des considérations économiques et des enjeux de mémoire. Comment les rôles officiels ou, de façon plus surprenante, officieux, de la gendarmerie ont-ils fait de cette institution un témoin du processus de sortie de guerre en France et dans les territoires occupés ? Étudier l’action des gendarmes dans les mois qui suivent les armistices de l’automne 1918, au travers de ces sources, permet d’ouvrir un peu plus l’histoire militaire sur l’histoire de la société et de la sécurité. Car si l’héritière de la maréchaussée a toujours constitué une force militaire, parfois engagée dans des opérations, elle n’a pas vocation à participer aux combats8. Son rôle complexe d’encadrement des civils, mais aussi des militaires par le biais de la prévôté, en fait une institution hors-norme, avec une organisation et des valeurs qu’il convient de distinguer de celles des autres forces armées.
Les archives de la gendarmerie : une inflation de sources encore mal connues ?
Les registres de correspondance de la gendarmerie, une source sur l’état d’esprit des soldats et des civils observable sur plusieurs mois
5Conscients des risques d’un relâchement de la discipline au cours de la sortie de guerre, les responsables militaires multiplient, auprès des soldats encore mobilisés, les rappels au respect des règlements. Pour encadrer les troupes, mais également les populations civiles, les autorités disposent, notamment, des formations prévôtales détachées aux armées et des brigades de gendarmerie de l’intérieur, en particulier celles qui doivent se réinstaller dans les régions libérées. De ce fait, les registres de correspondance tenus par les brigades de gendarmerie et les prévôtés constituent une source précieuse sur l’état d’esprit des soldats surveillés. Si les registres de 1914 à 1918 des compagnies du nord-est de la France, touchées par l’occupation allemande, ont disparu avec la Seconde Guerre mondiale, plusieurs de ces documents se rapportant aux années 1918 à 1921, ont pu être consultés avec intérêt9. Majoritairement constituées de registres de correspondance courante, ces archives apportent ponctuellement un regard « au ras du terrain » des brigades des régions alors libérées. Elles éclairent sur leurs missions, leurs actions, les conditions de leur travail, mais également sur la vie quotidienne de la brigade concernée, au travers de rapports manuscrits parfois fort longs et détaillés. L’état de conservation de ces documents, disponibles au Service Historique de la Défense, reste toutefois préoccupant. Plusieurs registres se sont révélés dans un état de dégradation avancé, et il est à craindre que ces sources particulièrement riches finissent à terme par ne plus être consultables, voire par disparaître.
6Le registre de correspondance de la brigade de Raon-l’Étape, secteur situé dans les régions libérées, offre l’exemple du suivi sur plusieurs mois de l’état d’esprit des combattants. La tenue et la discipline des militaires et des permissionnaires se présentant à la brigade sont très bonnes jusqu’en mai 1919, puis elles se dégradent brusquement10. Sans doute ce changement coïncide-t-il avec l’interruption, en avril 1919, de la première phase de démobilisation11. En juin, quelques infractions sont relevées occasionnellement, mais, en septembre 1919, alors que la démobilisation a repris depuis juillet, l’indiscipline des militaires de l’arrondissement est à son comble. D’autres registres indiquent cependant une détente après octobre 1919, plus particulièrement au cours de l’année 192012. Les documents consultés ne donnent pas d’informations sur le sort réservé aux soldats coupables d’indiscipline à l’égard des gendarmes, alors que les punitions diffèrent en fonction de la gravité de l’offense. Les incidents décrits avec le plus de détails sont en général les plus spectaculaires.
7S’ils sont également les plus rares, ils n’en témoignent pas moins de la violence de certains militaires envers les prévôts ou les membres des brigades territoriales. Les documents offrent également des cas de militaires ne laissant aucune trace : ils rappellent alors ponctuellement, parfois plusieurs années après l’armistice, la disparition de tel ou tel militaire dont la famille reste sans nouvelles.
Le renseignement sur la situation des militaires et des civils, une tâche laborieuse multipliant inutilement les échanges de documents
8Gestion administrative des démobilisés et demandes d’enquêtes sur des points très particuliers : autant de tâches qui occupent un temps considérable du service des brigades et qui gonflent leur correspondance. Les brigades de gendarmerie doivent transmettre régulièrement aux autorités militaires des informations très diverses, allant du nombre de détachements présents dans leur circonscription à la position des sursitaires, en passant par le nombre de sous-officiers classés par grade… Les renseignements récoltés dans les registres sont d’une extrême diversité, puisqu’ils peuvent concerner des formations particulières, des militaires ayant bénéficié de décorations, des associations de militaires en retraite, voire des individus particuliers comme les élèves reçus à l’École polytechnique. Des rapports secrets témoignent même de demandes d’enquêtes discrètes sur la conduite et les relations de certains officiers. Cette vaste collecte d’informations permet cependant de régler certains cas particuliers au cours du processus de démobilisation. Les agents de l’arme doivent par exemple être en mesure de renseigner la hiérarchie sur l’évolution du statut d’un conscrit, une information essentielle dans un système où la libération du service se fait par classe.
9En parallèle, l’allongement du conflit et l’aggravation des pénuries ont poussé le gouvernement à mettre en place une surveillance approfondie de l’état d’esprit des populations, un programme dont la gendarmerie constitue un élément clé. À partir du printemps 1917, le 25 de chaque mois, toutes les brigades métropolitaines doivent transmettre un rapport sur l’état d’esprit des populations dans leur circonscription. La majorité des textes consultés assurent que les populations demeurent optimistes à la fin de l’année 1918 et tout au long de l’année 1919. C’est le cas notamment à Vic-sur-Aisne, à Montmirail ou encore à Clermont13. Il faut cependant rester prudent à propos de ce constat. De nombreux registres ne fournissent pas de rapports réguliers. Ceux des brigades de Saint-Omer et de Rue se concentrent ainsi sur le début de l’année 191914. D’autres n’ont pu être consultés à cause de leur dégradation plus ou moins avancée. Enfin, une note discordante vient obscurcir la tonalité générale des rapports. Quelques jours après l’armistice, le capitaine Renaud, de la section de Soissons, juge critique la situation de sa circonscription. De décembre 1918 à mai 1919, la loi sur les dommages de guerre reste l’obsession des habitants, dont le mot d’ordre est simple : « assez de discours, des actes ». Plusieurs rapports de gendarmes indiquent que le moral ne commence à s’améliorer qu’à partir du mois de juin 1919, et il ne redevient bon qu’à partir d’octobre, au prix d’importants efforts de reconstruction de la part des populations15.
10Les registres révèlent toutefois certains abus de la part des autorités militaires ou des municipalités quant à cette tâche de renseignement des brigades de l’intérieur. Un général demande au commandant de la gendarmerie de Bourges une enquête sur « l’honorabilité » d’une femme recherchée en mariage par un chef de bataillon de son corps d’armée16. Or, non seulement ce type de tâche ne peut pas être une priorité pour l’arme, mais le requérant réclame, en plus, une réponse très rapide. Les demandes de renseignements émanent également des communes, soucieuses de s’informer sur l’état des voies de chemin de fer ou sur le destin de certaines personnes en vue d’une succession. Face à ces requêtes, l’arme s’appuie, dans certains cas, sur la circulaire ministérielle du 17 décembre 1918, prescrivant que tout appel à la gendarmerie doit indiquer en vertu de quel règlement, instruction ou circulaire son concours est demandé. Le document est complété par une circulaire du 5 août 1919, émanant de Georges Clemenceau, où le président du Conseil affirme qu’en cas de désaccord sur une mission jugée abusive par la gendarmerie, le différend lui serait soumis pour décision17.
Les procès-verbaux de gendarmerie, un observatoire des exhumations clandestines
11Les procès-verbaux, que Chatelard qualifie de « forme de témoignage brut », offrent sur le vif les descriptions parfois très détaillées des enquêtes menées par les gendarmes18. L’expression « témoignage brut » peut être questionnée, dans la mesure où elle présente les procès-verbaux comme des textes relatant objectivement des évènements. Dans les faits, le gendarme qui rédige ce type de document sélectionne les données et les évènements qu’il juge pertinents. Le procès-verbal est donc une synthèse écrite de la procédure qui s’est déroulée, le fruit d’une élaboration intellectuelle. Il est nécessaire de garder à l’esprit, au cours de l’analyse d’un tel document, que le gendarme peut ne pas être exempt de partialité et d’oublis dans son récit. Les procès-verbaux n’en demeurent pas moins une source d’informations non négligeable. Ils donnent la parole à tous les protagonistes de l’affaire, dans la mesure où les enquêteurs peuvent les identifier et les interroger. Ils informent sur la scène du crime ou du délit, les preuves, les étapes de l’investigation des gendarmes. Les documents de ce type consultables notamment aux Archives départementales de la Marne fournissent ainsi de précieux renseignements sur la lutte contre les exhumations clandestines.
12Dès les premiers mois du conflit et les premières pertes militaires, certains préfets de la zone des combats sont assaillis de lettres par des familles de soldats morts qui demandent l’autorisation de faire rapatrier les corps retrouvés. Autant de demandes auxquelles l’État répond, dès le 19 novembre 1914, par l’interdiction de l’exhumation et de la restitution des corps. Comme plusieurs familles ne renoncent pas à leur projet, l’État rappelle, au printemps 1915, la nécessité de respecter l’intégrité des tombes. Il demande aux maires, aux gendarmes et aux gardes champêtres d’y veiller. L’intervention de la gendarmerie dans la lutte contre les exhumations clandestines vient de commencer. Si le phénomène des exhumations clandestines au cours de la sortie de guerre a déjà fait l’objet de recherches approfondies de la part de Béatrix Pau19, l’action des gendarmes n’a pas été étudiée à sa juste valeur. Elle ne prend toute son ampleur qu’au lendemain du conflit. Des messages alarmants sur les pratiques illégales parviennent au ministère de l’Intérieur dès les premiers mois de l’année 1919. Les forces de l’ordre des territoires touchés par le phénomène s’efforcent de faire comprendre sa gravité aux autorités centrales. Les rapports préfectoraux et les procès-verbaux de gendarmerie soulignent que les cimetières militaires situés dans la zone des armées ne font alors l’objet d’aucune surveillance particulière, et ce malgré l’arrêté de 1915. Constatant la surreprésentation de cette infraction dans les procès-verbaux qui lui sont communiqués, le colonel Bonnet, commandant le 6e secteur de gendarmerie, se fait envoyer tous les documents sur ce sujet. Son rapport de synthèse est le résultat de l’analyse de 171 procès-verbaux de gendarmes20. Il montre que l’organisation des « mercantis de la mort » ne se limite pas à une ou deux agences, et cite des exemples sinistres, allant de la violation de cinq sépultures pour trouver un seul cadavre à l’abandon d’un morceau de corps sur une tombe !
13Ce n’est que durant les mois de septembre et octobre 1919, au moment où les exhumations sont de plus en plus nombreuses, que la gendarmerie de la zone des armées reçoit enfin des instructions claires du ministre de l’Intérieur sur la marche à suivre. La gendarmerie doit faire face, sur le terrain, à de nombreuses difficultés, causées par le désordre régnant dans les territoires et les limites du soutien des populations. La lenteur du repérage des exhumations clandestines est visible dans les statistiques établies par le colonel Bonnet, dans le rapport déjà cité. Il ne faut pas non plus oublier que certains représentants de l’autorité, maires, policiers ou gardes champêtres, sont plus ou moins complices des opérations. Un fossé se creuse entre les forces de l’ordre et une forme de communauté en deuil, liant les familles des soldats morts à ceux qui les aident, par sympathie pour leur douleur ou simple appât du gain. Dans la Marne, un pic apparaît nettement en octobre 191921. On peut supposer qu’avant la première Toussaint depuis l’armistice, l’afflux des familles venues se recueillir a augmenté proportionnellement le nombre d’individus ayant rapatrié un corps. Les autorités avaient déjà réfléchi à ce risque, puisqu’elles avaient demandé aux responsables militaires, en octobre 1918, de se concerter avec les pouvoirs civils pour renforcer la surveillance des tombes. Malgré l’organisation d’embuscades par les gendarmes, à la fin de l’année 1919, puis tout au long de l’année 1920, et la multiplication des consignes données aux agents de l’État pour qu’ils redoublent de vigilance, les exhumations clandestines se poursuivent au moins jusqu’au 15 septembre 1921, date du dernier acte repéré dans le corpus d’archives étudiées22.
Les archives de la gendarmerie au croisement de problématiques d’histoire militaire, économique et internationale
Les gendarmes au cœur des dispositifs de traque des déserteurs
14Les phénomènes de l’insoumission et de la désertion restent encore méconnus, bien que ces problématiques aient déjà été abordées par plusieurs ouvrages23. Au sein de l’histoire de la gendarmerie, l’étude de cette pratique est rendue plus difficile encore, car l’action de ce corps contre les déserteurs est largement occultée dans sa mémoire24. Pour autant, les gendarmes n’ont pas moins agi.
15Pour l’ensemble des régions, les renseignements à propos des déserteurs sont généralement fournis aux gendarmes par les mairies, les gardes champêtres, les cantonniers, les gardes-chasses, les facteurs, les percepteurs et par d’autres citoyens. Lorsque la surveillance est effectuée près de la frontière ou dans les ports, la gendarmerie s’adjoint le concours du service des douanes. Mais en parcourant les premiers comptes-rendus sur la recherche des déserteurs, imposés par une circulaire du 12 septembre 1918, Clemenceau estime, le 8 novembre 1918, que l’attention portée à ce sujet n’est pas suffisante. Furieux de ne pas voir mentionnées les opérations de police et la collaboration avec les autorités civiles, le président du Conseil exige que des comptes-rendus lui soient désormais adressés le premier jour de chaque mois, « prouvant que la question a été suivie avec tout le soin qu’elle comporte »25.
16C’est le commencement de la « grande traque » organisée en 1919, qui donne une nouvelle impulsion répressive à la lutte contre ce phénomène. Si les résultats sont jugés positifs, entre autres dans le repérage des déserteurs réfugiés dans les centres-villes, des listes d’insoumis non-retrouvés continuent de s’étendre sur les pages des registres de gendarmerie. Les pressions du président du Conseil poussent les départements de la 20e région, sous l’impulsion du général de division de Buyer, à créer, dans le département de l’Aube, une nouvelle commission spéciale sur la traque des déserteurs26. Outre le préfet ou son représentant, un officier désigné par le général et le colonel commandant la subdivision de Troyes, cette structure accueille des représentants de la police et de la gendarmerie. Pourtant, si la première réunion est l’occasion d’améliorer l’organisation de ce dispositif, les séances suivantes n’apportent guère de résultats27. La commission de la 20e région est-elle arrivée trop tard pour devenir réellement utile ? Les sources, qui ne dépassent pas le mois de février 1919, n’apportent guère de réponse claire sur une expérience qui a au moins le mérite d’être originale.
Les gendarmes, des témoins de la précarité des conditions de vie et de travail dans les régions dévastées
17Les réinstallations des brigades de gendarmerie dans les régions du Nord-Est se sont faites au gré de la progression ou du recul des armées françaises. L’armistice du 11 novembre 1918 permet d’envisager une réoccupation accélérée et intégrale de ces territoires à mesure que les armées françaises pénètrent en Alsace et en Moselle. Mais ces gendarmes affectés dans les régions dévastées subissent eux-mêmes les conséquences des destructions en termes d’économie et de conditions de vie et de travail.
18L’état des casernes est majoritairement déplorable : les bâtiments sont presque systématiquement dégradés, voire pillés. Les listes exhaustives de tous les équipements à rénover ou remplacer s’étendent, dans les registres, à la peinture, au papier des murs et aux poignées de porte ! Quand la caserne se révèle trop vétuste ou inutilisable, les personnels préfèrent encore se contenter de baraques en planches, ou vivre avec leurs familles dans des logements difficiles à trouver. Plusieurs photographies conservées au Service historique de la Défense viennent témoigner du dénuement des conditions de vie et de travail des gendarmes28.
Figure 1 : Brigade de gendarmerie de Villers-Bretonneux, département de la Somme

SHD 2008 PA 65 2775
19La photographie 2008 PA 65 2775, issue du Fonds photographique du Service Historique de la Défense, témoigne de l’usage d’une baraque en planches comme caserne provisoire par la brigade de gendarmerie de Villers-Bretonneux, dans le département de la Somme. Ces casernes de fortune peuvent être identifiées par une pancarte « Gendarmerie nationale », un drapeau, l’emblème « RF » (République française). Elles disposent de quelques fleurs et d’un jardin, indispensables pour améliorer l’ordinaire. Certaines réparations, nécessaires à la bonne marche du service, ne sont effectuées que plusieurs mois – si ce n’est plusieurs années – après la réoccupation des lieux. Quand les archives des brigades ne disparaissent pas en 1914, durant la première invasion allemande, elles connaissent souvent ce sort au cours des autres offensives. À leur retour, de nombreux gendarmes découvrent l’absence de toute documentation. Ceux de la section de Montdidier ont ainsi la mauvaise surprise, en arrivant dans leur ancienne caserne, de constater la destruction de toutes leurs archives antérieures à 191929. Les brigades participent également à la reconstitution de fonds documentaires d’autres administrations. Le 26 août 1919, la reconstitution des actes de l’État-civil par les gendarmes de Raon-l’Étape, demandée par le Parquet, mobilise les agents sur près de soixante enquêtes dans deux communes30. Enfin, les gendarmes des brigades des régions dévastées ne bénéficient de certaines indemnités spécifiques qu’à partir de l’année 1920. Ces indemnités sont souvent jugées dérisoires en comparaison des aides accordées aux fonctionnaires civils, d’autant plus que la guerre a provoqué, dans les zones dévastées, une augmentation sensible des prix de toutes les denrées. Les registres de gendarmerie des territoires dévastés multiplient les comparaisons avec la situation des ouvriers, des fonctionnaires et des particuliers, et les officiers, qui n’ignorent pas ces problèmes, tentent de proposer des solutions31.
20Les difficultés matérielles rencontrées par les gendarmes s’inscrivent dans un contexte de dénuement qui frappe l’ensemble des populations réinstallées dans les régions dévastées. Ces militaires profitent de leurs tournées pour vérifier l’affichage des prix, afin de prévenir les hausses illicites. Le rationnement ne disparaît pas avec l’armistice, et l’achat de certains produits, comme le sucre, nécessite encore des tickets en 1921. En outre, la liberté du commerce des céréales est rétablie dans certaines circonscriptions, alors même que la récolte de 1919 est considérée comme mauvaise, ce qui a un impact néfaste sur les prix. Mais si les brigades repèrent occasionnellement des transports d’aliments sans permis de circulation et quelques opérations illicites, aucune spéculation de grande ampleur n’est relevée. Le manque de denrées rend d’autant plus enviables les indemnités et allocations. Les requérants font l’objet d’une enquête de la part des gendarmes, qui vérifient leur situation économique ainsi que leur moralité et réputation. Les agents indiquent si la demande est digne d’être prise en considération. Le renseignement économique s’étend aux entreprises, ainsi qu’aux indemnités, aux ressources et à la main-d’œuvre qui leur seraient utiles. Les gendarmes doivent recenser celles qui fabriquent ou qui conservent encore du matériel de guerre après l’armistice, ainsi que le type de matériel produit.
Entre Strasbourg, Wiesbaden, Adana et Damas : la poursuite de l’action et des enquêtes des gendarmes dans les territoires réintégrés ou occupés par la France
21« Nous allons, demain, pour mieux dicter la paix, porter nos armes jusqu’au Rhin. Sur cette terre d’Alsace-Lorraine qui nous est chère, vous pénétrerez en libérateurs32 ». Dans cet ordre général adressé aux troupes, le 12 novembre 1918, le général en chef des armées françaises, Philippe Pétain, rappelle la dureté du conflit et les souffrances endurées avant la libération enfin acquise des « provinces perdues ». Enfin acquise ? Les sources apportées par la gendarmerie tendent à nuancer une vision restée longtemps trop positive de la réintégration de l’Alsace et de la Moselle. Au 10 novembre 1918, les formations prévôtales de la IVe armée sont dispersées dans les départements de la Marne et des Ardennes33. Avec la mise en place de l’armistice, la progression des gendarmes vers les territoires d’Alsace et de Moselle s’accélère. Pour relayer les prévôtés et encadrer les habitants sur le terrain, un nouveau corps, initié dès 1915, est organisé officiellement en décembre 1918 : la légion de gendarmerie d’Alsace-Lorraine34. Dans plusieurs domaines, la sortie de guerre en Alsace et en Moselle reste un quasi-bis repetita des rôles joués dans les autres départements par les gendarmes. La mission prioritaire de la gendarmerie est de contrôler les populations locales, et ses agents sont présents dans les gares pour surveiller le départ des Allemands expulsés. Elle doit assurer le désarmement des civils, et lutter contre les exhumations clandestines qui s’étendent à l’Alsace-Moselle.
22Le croisement des sources des Archives Diplomatiques et des Archives départementales des régions de l’Est de la France permet également de mieux comprendre l’action des gendarmes dans les territoires rhénans et leur contact avec les populations locales. Débutée le 1er décembre 1918, l’occupation des régions rhénanes est prévue pour durer cinq, dix ou quinze ans, selon le territoire concerné, dans le but d’assurer l’exécution par l’Allemagne des clauses financières et militaires du traité de paix. Le dispositif légal de sécurité mis en place par les occupants leur donne un très grand pouvoir, et plus particulièrement à la France, qui joue un rôle déterminant à la Haute-Commission Interalliée des Territoires Rhénans (HCITR), créée en 1920. Dans ce cadre, pour assurer les missions prévôtales, une gendarmerie de l’Armée française du Rhin a été créée, le 12 octobre 1919, et divisée en quatre compagnies, basées à Wiesbaden, Neustadt, Aix-la-Chapelle et Sarrebruck. La décision ministérielle du 10 octobre 1922 transforme cette gendarmerie de l’Armée française du Rhin en corps autonome, appelé « légion de l’Armée du Rhin » à partir du 1er janvier 1923. Dans ce dispositif, la Sarre reste un cas particulier, et le traité de Versailles précise que seule une gendarmerie locale peut être organisée dans ce territoire pour y maintenir l’ordre. Recrutée par les autorités françaises parmi les habitants, cette force est composée d’Allemands, tous sélectionnés par les occupants, ce qui pousse les autorités autochtones à jouer sur les mots et à qualifier cette formation de « gendarmerie française ».
23Les gendarmes français sont enfin présents sur un théâtre d’opérations trop souvent oublié : le Front d’Orient. L’étude du Front occidental bénéficie de quantité de documents administratifs, de registres et de procès-verbaux issus des Archives Nationales, des Archives Diplomatiques de Paris, du Service Historique de la Défense ou encore des diverses Archives départementales. En comparaison, l’analyse des gendarmes français et de leurs recrues locales sur le Front d’Orient a mobilisé un nombre plus réduit de cartons de la série 1SL/1 aux Archives Diplomatiques de Nantes. Complétés par des témoignages de la presse corporative de la gendarmerie, ces documents offrent le point de vue des diplomates sur une institution qui a bien du mal à assurer ses missions, dans un espace où les combats ne sont pas encore terminés. Il ne s’agit plus seulement d’étudier les gendarmes « vus d’en bas », mais d’atteindre une nouvelle échelle en soulignant la place occupée par l’institution dans les enjeux diplomatiques du Front d’Orient. De fait, après la signature de l’armistice de Salonique le 29 septembre 1918, la France maintient la majorité de ses troupes en Orient afin de poursuivre l’offensive dans les Balkans, mais également de préserver l’équilibre politique en Macédoine. La force publique de Salonique doit alors assurer l’encadrement des soldats en cours de démobilisation dans un contexte tendu, car les alliés grecs cherchent de plus en plus à marquer leur indépendance35. L’armistice signé à Moudros le 30 octobre 1918 suspend quant à lui les hostilités avec l’Empire ottoman. Entre 1918 et 1922, la Turquie fait l’objet d’occupations en plusieurs points de son territoire, dont une occupation française en Cilicie. Le mandat français sur la Syrie et le Liban, officiellement institué par la Société des Nations le 25 avril 1920, doit quant à lui permettre aux États arabes concernés d’accéder à la souveraineté et à l’indépendance. Mais des cendres de l’Empire ottoman naissent deux mouvements : les nationalismes arabe et turc36. Pour faire face aux Turcs en Cilicie et aux nationalistes arabes en Syrie et au Liban, la France ne peut pas compter sur ses seules prévôtés : elle doit trouver sur place les éléments indigènes nécessaires à la création de forces locales de gendarmerie. Si la gendarmerie française arrive en Orient aux côtés de l’armée française en 1918, l’absence, encore en 1919, d’une véritable administration policière en Syrie-Liban oblige les gendarmes français à intervenir dans un trop grand nombre d’affaires courantes. La prévôté française de l’armée du Levant doit alors assurer, dès 1920, la réorganisation de la gendarmerie libanaise et, plus globalement, la constitution de gendarmeries dites locales dans chacun des États de la Syrie-Liban37. Pour faire face au mouvement kémaliste qui s’étend en Cilicie, la France doit dans un premier temps compter sur sa seule prévôté38, puis sur l’appui de forces de gendarmerie mêlant éléments français et locaux. Son règlement provisoire de 1919 révèle à quel point son modèle est très proche de celui en vigueur en métropole39. La présence de la France en Cilicie ne peut toutefois être maintenue, et les derniers gendarmes quittent définitivement la région en 1922.
Des sources littéraires et corporatives sur l’expérience de sortie de guerre de la gendarmerie
Le témoignage des mémoires de gendarmes sur l’ambigüité des relations entre prévôtaux et soldats
Jusqu’alors, j’avais vécu en contact direct et permanent avec les gradés et gendarmes ; j’avais partagé leurs dangers en même temps que leurs soucis. Il ne faut pas croire que l’existence de ces hommes soit facile. En état constant d’alerte, ils ne savent jamais ce que leur réserve le lendemain. Opérant souvent isolément et à l’improviste, non pas dans un bureau bien organisé, mais au dehors, sans possibilité, en cas de doute, de consulter des textes de plus [en plus] nombreux et contradictoires, ils doivent agir immédiatement et ils savent que leurs actes, jugés après coup par des spécialistes, ne sont pas toujours appréciés dans un esprit de pure justice, mais bien d’après certaines circonstances politiques ou autres40.
24Extraite des Mémoires de Julien Duhamel, un ancien officier de la prévôté, cette réflexion résume le problème posé, dès la sortie du conflit, par la question du bilan de l’action de la gendarmerie. Comment cette institution, ou plutôt les hommes qui la composent, ont-ils été perçus ? Et comment ont-ils réagi à des jugements souvent hostiles et parfois humiliants, inspirés par une méconnaissance de leur corps, de son fonctionnement et de ses buts ? Au cours des décennies suivantes, les trop rares mémoires publiés par des gendarmes nourrissent le débat ouvert par les journaux des retraités de la gendarmerie.
On a laissé s’accréditer cette légende que les gendarmes étaient des « embusqués » venus au front spécialement pour tracasser les troupes au repos et que certains avaient été pendus à Verdun. Camarades des autres armes, je peux bien vous l’avouer aujourd’hui : parfois, nous avons fait preuve, à votre égard, d’une tolérance presque coupable, à vos risques et périls. […] Comme beaucoup d’autres, même plus jeunes, les militaires de la gendarmerie n’ont pas choisi leur poste au cours de cette première guerre. Ils ont exécuté des ordres et fait leur devoir là où le sort les avait placés41.
25Dans ses Mémoires, Julien Duhamel juge nécessaire de rappeler que les gendarmes prévôtaux et territoriaux sont avant tout des militaires : ils tiennent officiellement un rôle spécifique dans l’armée et ils obéissent eux aussi à des ordres. Cela ne va pas de soi dans la sortie de guerre, car, pour de nombreux soldats des autres troupes et une partie de leurs officiers, les membres de l’arme sont jugés indignes de ce statut militaire. Partagée par les civils, cette hostilité vise également les policiers, traités d’embusqués par des citadins. Ces derniers n’hésitent pas à les prendre à partie quand ils interpellent des poilus42. Alors qu’il doit enquêter sur des cas d’insubordination dans la 70e DI, en juin 1917, le lieutenant Forestier constate, en passant parmi les soldats, qu’ils le saluent correctement, en précisant tout de même « qu’avec ma tenue et mon képi bleu horizon, je ne ressemblais guère à un officier de gendarmerie. En un mot, l’attitude de ces soldats ne dénotait pas l’existence d’un mauvais esprit »43.
26Les mémoires de la gendarmerie peuvent également témoigner du comportement des soldats à l’égard des civils. Incorporé dans la gendarmerie prévôtale dès le déclenchement du conflit, le lieutenant Forestier garde un souvenir variable de la campagne, en particulier de ses contacts avec les troupes. Il ne se fait ensuite guère d’illusions sur le comportement de certains soldats français envers les populations des territoires rhénans.
De Saint-Flour, j’appris que mon fils aîné, qui s’était engagé entretemps, s’apprêtait à rejoindre son régiment aux Éparges. […] Il allait certainement faire de l’occupation en Rhénanie, qui devait être occupée jusqu’au Rhin ; c’était au tour de nos troupes de fouler le sol allemand ! Arrivé à Kreuznach, après avoir traversé toute la Rhénanie, mon fils m’écrivit que son régiment avait trouvé des populations hostiles. Les officiers du 6e colonial avaient dû recommander à leurs hommes de ne pas sortir sans être armés et de ne pas hésiter à tirer au moindre geste hostile. Mon fils ajoutait : « Nos soldats se conduisent à leur tour en vainqueur, mais ne commettent pas de dégâts… » Connaissant le tempérament du soldat français en général, et d’après ce que j’avais vu au cours de la campagne, je n’en étais pas très sûr44…
27Les relations des gendarmes entre eux sont elles-mêmes très variables dans ces différents écrits. Si tous les hommes du lieutenant Forestier viennent spontanément lui faire leurs adieux et lui offrent un cadeau « en souvenir des vingt-deux mois que nous venions de passer ensemble à Villers-Cotterêts, à Nîmes et à Lyon »45, Julien Duhamel se sépare des autres prévôtaux dans une ambiance bien moins chaleureuse, puisqu’il les quitte « presque dans l’indifférence ; chacun déjà pensait à autre chose, notamment à organiser l’avenir au mieux de ses intérêts »46. Les expériences des gendarmes durant la Grande Guerre se révèlent donc diverses, souvent ambigües, ce qui est confirmé par les contributions de ces militaires dans leur presse corporative.
La presse corporative, lieu d’expression rétrospectif du ressenti des gendarmes au cours de la Grande Guerre
28Les gendarmes ne peuvent pas exposer leur sentiment durant le conflit, faute d’un organe d’expression et parce que les règlements leur interdisent toute publication sur leurs activités professionnelles. Après la fin de la guerre, la presse corporative, qui avait cessé de paraître à partir de l’été 1914, joue à nouveau son rôle d’exutoire. Appartenant aux principaux interprètes du corps avant la guerre, Le Progrès de la Gendarmerie, fondé en 1911, base sa légitimité sur un discours libre et revendicatif47. Les rédacteurs sont d’anciens gendarmes ou des collègues encore en service, qui témoignent sous des pseudonymes plus ou moins transparents. La presse des retraités impose une voix originale au milieu de plusieurs journaux qui se partagent déjà le marché. Dans son premier numéro, le 9 mars 1919, L’Écho de la Gendarmerie précise qu’il « recevra, avec reconnaissance, toutes les communications que voudront bien lui faire ses lecteurs » pour améliorer le service de l’arme, mais également pour apprécier sa situation morale. Au même moment, Le Progrès de la Gendarmerie dresse un premier bilan sur l’action de cette institution pendant la guerre48. L’après-conflit est donc la période du débat entre contributeurs et lecteurs des deux presses.
29À mesure que s’éloigne l’armistice, et face à l’antipathie de nombreux autres militaires, Le Progrès organise entre 1920 et 1921 un appel à témoignages sur les abus subis par les gendarmes durant les hostilités49. Une enquête à laquelle participe indirectement L’Écho, en publiant ses propres informations. Elle permet à l’arme de développer un discours contre ce qu’elle considère comme des brimades et des injustices, au cours du conflit et depuis l’armistice. Et les témoignages ne manquent pas ! Parmi les remarques, on peut noter une critique des officiers prévôtaux, jugés trop « esclaves » de la lettre du règlement et compliquant ainsi leurs relations avec l’armée50. Pour L’Écho, l’erreur déterminante fut de ne pas avoir étudié suffisamment, en temps de paix, les meilleurs moyens d’utiliser la gendarmerie aux armées, que ce soit sur le territoire national ou en territoire occupé. Certains témoins relativisent toutefois l’attitude générale d’irrespect prêtée aux poilus et à leurs officiers. Les contributeurs des journaux corporatistes multiplient également les hypothèses pour comprendre les causes de la dégradation de l’image de l’arme auprès des populations civiles et militaires. La réponse la plus souvent proposée par Le Progrès et L’Écho est une meilleure connaissance de la gendarmerie grâce à ce que nous appellerions, en termes anachroniques, une stratégie de communication. Les membres de l’arme ne sont donc pas en manque d’idées.
Au revoir là-haut : la sortie de guerre des gendarmes au prisme d’un romancier du XXIe siècle
Ici régnait déjà une certaine effervescence, des centaines de types excités comme des puces, leur bagage rassemblé depuis des heures, criaient, chantaient, hurlaient, se tapaient dans le dos. Les gradés, inquiets, se demandaient ce qu’ils feraient si le convoi annoncé n’arrivait pas, comme c’était le cas une fois sur trois51…
30Lauréat du Prix Goncourt 2013, le roman Au revoir là-haut de Pierre Lemaître raconte, un siècle plus tard, la sortie de la Première Guerre mondiale. Cette fiction évoque notamment, avec talent, les différentes étapes d’une démobilisation longue et compliquée. Ainsi, les gendarmes, déployés en permanence dans les gares principales ou de passage dans les gares moins importantes, doivent faire face au chaos indescriptible du départ des démobilisés, accompagné des incidents provoqués par certains permissionnaires. Une indiscipline à laquelle les brigades de police parisiennes devaient déjà faire face durant le conflit, avec la concentration des permissionnaires52. Albert Maillard, le personnage principal de ce roman, simple comptable dans le civil et poilu en cours de démobilisation, comparaît devant un gendarme. Ce dernier est décrit comme ayant « la quarantaine satisfaite (ventre rond, presque gras, à se demander comment il était parvenu à se nourrir ainsi pendant quatre ans) et suspicieuse. Le genre d’homme qui a le sens du devoir53 ». Le ton sarcastique traduit la défiance et l’hostilité des troupes envers l’héritière de la maréchaussée et ses représentants. Les soldats se gardent toutefois de trop les exprimer, quand ils sont confrontés aux gendarmes qui vérifient les documents de leur démobilisation. Le roman offre également le point de vue d’un auteur du XXIe siècle sur les exhumations clandestines et les abus des sociétés privées chargées du rapatriement des corps de soldats et de leur inhumation. Il peut décrire l’impatience des familles souhaitant recueillir les corps de leurs proches décédés, puis la dispersion et le chaos des cimetières militaires qui a tant gêné l’action des gendarmes contre les exhumations clandestines. En cela, la lucidité de Pierre Lemaître ne peut qu’être confirmée a posteriori par l’analyse de l’historien. L’œuvre littéraire offre à ce dernier une illustration commode des évènements et des rapports entre les acteurs historiques, sans toutefois abandonner son esprit critique à l’égard de ce qui demeure une source.
Conclusions
31L’un des paradoxes de la fin d’un conflit reste que, pour parvenir à l’arrêt définitif des combats, d’autres formes de violence et d’autres morts sont nécessaires. L’État et les populations au lendemain de la cessation des combats souhaitent la réduction rapide, puis la disparition des troubles, des incidents et des pertes. C’est l’une des missions des forces de sécurité. Si le soldat combattant est le militaire de la guerre, le gendarme constitue son pendant, le militaire de la paix. Toutefois, ce panorama des sources disponibles sur la Grande Guerre et sa sortie au travers des gendarmes souligne que leur rôle dépasse largement le maintien de la discipline dans la troupe et la préservation, ailleurs, de l’ordre public.
32Les interventions multiples de ces « soldats de la loi54 » éclairent autrement le processus de sortie d’une guerre totale. Les policiers polyvalents que sont les gendarmes ont assumé autant qu’ils le pouvaient, et avec les moyens du bord, des missions mêlant le contrôle des militaires, la gestion des populations sinistrées, le renseignement économique, la surveillance politique et le maintien de l’ordre. La « maturité bureaucratique » de la France, expression employée par Bruno Cabanes, se mesure par ce rôle incontournable des gendarmes dans la sortie de conflit, ainsi que par la prodigieuse quantité de documents produits et échangés à cette fin. Pour ne rappeler que cet exemple, l’étude inédite des registres des départements libérés, ainsi que celle des procès-verbaux concernant les exhumations clandestines, ont révélé le fossé qui se creuse parfois entre les brigades et une partie de leurs administrés.
33Il serait vain d’espérer comprendre le rôle des gendarmes dans la sortie de guerre sans la mobilisation d’une quantité considérable de sources diverses, éparpillées dans plusieurs centres d’archives. La question du déficit de reconnaissance que ressentiraient les gendarmes au début de l’Entre-deux-guerres est ainsi enrichie par les mémoires publiés à l’initiative de certains agents, mais également par sa presse corporative et par de trop rares œuvres littéraires contemporaines les mentionnant. L’exemple du roman de Pierre Lemaître a ainsi montré que la gendarmerie de la Première Guerre mondiale fait toujours écho. Il serait pertinent d’analyser comment les gendarmes ayant participé à la sortie de guerre ont été perçus dans les différents médias de la fin de la Grande Guerre à nos jours.
34La grande diversité des sources étudiées offre le point de vue de l’arme sur de très nombreux acteurs de la Grande Guerre. Ces individus, tant militaires que civils, sont tous partie intégrante d’un processus de sortie de guerre qui doit être analysé à plusieurs échelles. Les sources étudiées révèlent ainsi les collaborations fructueuses des gendarmes avec d’autres institutions : policiers français ou étrangers, douaniers, gardes champêtres, gendarmes allemands ou turcs. À l’inverse, l’étude des missions des gendarmes sur les théâtres d’opération étrangers ouvre une perspective à plus petite échelle. Si ce point de vue permet de prendre un recul relatif sur les actions de l’arme dans ces espaces, il est bien moins riche en ce qui concerne le quotidien des gendarmes sur le terrain. Autrement dit, la nature même des sources identifiées focalise différemment le regard de l’historien en fonction de l’espace géographique concerné. La vie quotidienne apparaît plus nettement dans les documents concernant la France et l’Alsace-Moselle, tandis qu’une approche diplomatique plus large domine dans les sources sur les théâtres d’opération étrangers.
35Le chantier qui tend à explorer toutes les sources que peut offrir la gendarmerie, dans la période qui nous intéresse, a donc sa pleine légitimité. Il mobilise des champs historiques aussi divers que l’histoire diplomatique, l’histoire institutionnelle ou l’histoire des représentations et de la mémoire. Cette histoire de la gendarmerie qui s’écrit ne se contente pas de relater le rapport de l’institution à la sortie de la Grande Guerre. Elle offre un point de vue sur la période qui dépasse les frontières des États et les limites entre le militaire et le civil. La diversité des sources offertes par la gendarmerie et la diplomatie sur cette période, en termes de nature des documents, de date, de sujet abordé, justifie un travail de longue haleine et appelle une étude plus générale sur les forces de l’ordre dans la sortie de la Grande Guerre55.
36
Centres d’archives | Cotes des fonds principaux | Contenu des fonds |
Archives Nationales (site de Pierrefitte-sur-Seine). | F2 F7 AJ9 | Exhumations, transports de corps, inhumations. Actes de sabotage antimilitaristes. Haute commission interalliée des territoires rhénans, dits « papiers Tirard » (1919-1929). |
Archives Diplomatiques (site de La Courneuve). | Série Z 109CPCOM Série Z 113CPCOM | Europe – Rive gauche du Rhin. Europe – Sarre. |
Archives Diplomatiques (site de Nantes). | 1SL/1/V | Syrie-Liban et Cilicie. |
Service Historique de la Défense. | 2 E, 8 E, 51 E, 54 E, 60 E, 62 E, 80 E, 88 E. Sous-série 16 N Sous-série 17 N Sous-série 18 N Sous-série 19 N Sous-série GR 19 NN | Registres de correspondance des brigades de gendarmerie de l’Aisne, des Ardennes, de la Marne, de la Meurthe-et-Moselle, de l’Oise, du Pas-de-Calais, de la Somme et des Vosges. Grands commandements. Missions militaires françaises auprès des armées alliées. Groupes d’armées. Armées. Armées françaises du Rhin (archives rapatriées de Russie). |
Archives départementales de l’Aube. | 8 R72 17 R | Commission spéciale pour la recherche des déserteurs. Cartes, exhumations clandestines. |
Archives départementales de la Marne. | 2 R210-215 | Exhumations et transports de corps des militaires « morts pour la France », exhumations clandestines. |
Archives départementales du Bas-Rhin. | 121 AL 421-425 | Gendarmerie d’Alsace-Lorraine. |
Archives départementales du Haut-Rhin. | 3 AL 2 AL 200111 | Armes et munitions, désobusage, exhumations clandestines. Rapports de gendarmerie. |
Bibliothèque Nationale de France. | L’Écho de la Gendarmerie (1919-1925). Le Progrès de la Gendarmerie (1919-1925). |
Notes de bas de page
2 Par exemple : Beaupré Nicolas, Le Traumatisme de la Grande guerre, 1918-1933, Villeneuve d’Ascq, PUS, 2012 ; Cabanes Bruno, La Victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Seuil, 2014.
3 Depuis l’ouverture à Sorbonne Université, en 2000, d’un chantier de recherche appuyé sur le séminaire « Acteurs, pratiques et représentations de la sécurité. Gendarmes, policiers, douaniers, pompiers et société (XIXe-XXIe siècles) ».
4 Conservées en grande partie au SHD, les archives des gendarmes font l’objet, depuis 1995, d’un programme de classement et de publication de répertoires. Il est donc étonnant que ces sources, et l’action des militaires qui les ont produites, soient totalement passées sous silence dans l’ouvrage de Nivet Philippe, Coutant-Daydé Coraline et Stoll Mathieu (dir.), Archives de la Grande Guerre. Des sources pour l’histoire, Rennes, PUR-Archives de France, 2014.
5 Panel Louis, La Grande Guerre des gendarmes. « Forcer, au besoin, leur obéissance ? », Paris, Nouveau Monde-DMPA, 2013.
6 Campion Jonas, López Laurent, Payen Guillaume (dir.), European Police Forces and Law Enforcement in the First World War, coll. World Histories of Crime, Culture and Violence, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2019.
7 Houte Arnaud-Dominique et Luc Jean-Noël (dir.), Les gendarmeries dans le monde de la Révolution française à nos jours, Paris, PUPS, 2016, p. 11.
8 Luc Jean-Noël (dir.), Histoire des gendarmes, de la maréchaussée à nos jours, Paris, NME, 2016, p. 221.
9 Panel Louis, La Grande Guerre des gendarmes…, op. cit., p. 13.
10 SHD, Vincennes, 88 E 543 : Brigade de Raon-l’Étape, R2, 18 mai, 17 juin et 19 septembre 1919.
11 Cabanes Bruno, La Victoire endeuillée…, op. cit., p. 336.
12 SHD, Vincennes, 80 E 57 : Section de Montdidier, R2, 19 janvier 1920 ; 2 E 56 : Section de Soissons, R2, 14 mars et 14 avril 1920.
13 SHD, Vincennes, 2 E 73 : Brigade territoriale de Vic-sur-Aisne, R2 ; 51 E 692 : Brigade territoriale de Montmirail, R4 ; 80 E 225 : Poste du Crotoy, R2 ; 60 E 18 : Section de Clermont, R2.
14 SHD, Vincennes, 62 E 451 : Brigade territoriale de Saint-Omer, R2 ; 80 E 337 : Brigade territoriale de Rue, R2.
15 SHD, Vincennes, 2 E 73 : Section de Soissons, R4, 20 novembre et 21 décembre 1918, 22 juin et octobre 1919.
16 SHD, Vincennes, 18 N 298 : Lettre confidentielle du général de brigade Margot, au lieutenant-colonel commandant la 8e légion de gendarmerie à Bourges, QG, 16 décembre 1918.
17 AD Bas-Rhin, 121 AL 424 : Circulaire du président du Conseil aux sous-secrétariats d’État, à l’état-major de l’armée et aux directions et services de l’administration centrale, Paris, 5 août 1919.
18 Chatelard A., « Le procès-verbal de gendarmerie : une source pour l’histoire des crimes et délits en Gironde au XIXe siècle », in Guillaume Pierre (dir.), Les sociétés militaires en Aquitaine de l’Antiquité à nos jours, Pessac, FHSO, 2007, pp. 339-354.
19 Pau Béatrix, « Des familles divisées dans le deuil : laisser les corps dans les cimetières militaires ou demander leur restitution », in Becker Annette et Tison Stéphane (dir.), Un siècle de sites funéraires de la Grande Guerre, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018 ; Pau Béatrix, Le Ballet des morts – État, armée, familles : s’occuper des corps de la Grande Guerre, Paris, Librairie Vuibert, 2016 ; Pau Béatrix, « La violation des sépultures militaires, 1919-1920 », RHA, n°259, 2010, pp. 33-43.
20 AN, La Courneuve, F/2/2536 : Rapport du colonel Bonnet, commandant le 6e secteur de gendarmerie, sur des exhumations clandestines, Nancy, 27 septembre 1919.
21 AD Marne, 2 R 210-215 : Étude de 91 procès-verbaux des brigades de gendarmerie des arrondissements de Châlons-sur-Marne, Épernay, Reims et Vitry-le-François, département de la Marne, d’août 1919 à septembre 1921.
22 AD Marne, 2 R 215 : Brigade de Châlons, procès-verbal du 15 septembre 1921.
23 Pour ne citer que ces exemples : Boulanger Philippe, La France devant la conscription : géographie historique d’une institution républicaine, Paris, Economica, 2001 ; Haddad Galit, 1914-1919. Ceux qui protestaient, Paris, Les Belles Lettres, 2012 ; Saint-Fuscien Emmanuel, À vos ordres ? La relation d’autorité dans l’armée française de la Grande Guerre, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011. Sur la traque des déserteurs par les gendarmes entre 1914 et 1918, on consultera avec profit l’ouvrage de Panel Louis, La Grande Guerre des gendarmes…, op. cit., pp. 47-53 et 210-232.
24 Panel Louis, La Grande Guerre des gendarmes…, op. cit., p. 210.
25 AD Aube, 8 R 72 : Le président du Conseil aux généraux gouverneurs militaires de Paris, de Lyon, et aux généraux commandant les régions, Paris, 8 novembre 1918.
26 AD Aube, 8 R 72 : Lettre du général de division de Buyer, Troyes, 18 novembre 1918.
27 AD Aube, 8 R 72 : Compte rendu de la commission spéciale pour la recherche des déserteurs, 27 décembre 1918.
28 SHD, Vincennes : 2008 PA 65 2775 ; 2008 PA 65 2863 ; 2008 PA 65 2946.
29 SHD, Vincennes, 80 E 58 : Section de Montdidier, R2, 26 novembre 1920.
30 SHD, Vincennes, 88 E 543 : Brigade de Raon-l’Étape, R2, 26 août 1919.
31 SHD, Vincennes, 2 E 56 : Section de Soissons, R2, 2 avril 1920.
32 SHD, Vincennes, 18 N 387 : Ordre général n°124 de Pétain aux armées françaises, GQG, 12 novembre 1918.
33 SHD, Vincennes, 19 N 823 : La progression des formations prévôtales de la IVe armée a pu être suivie grâce aux rapports journaliers qu’elles ont établis entre le 10 novembre 1918 et le 10 août 1919.
34 Philippot Georges, Gendarmerie et identité nationale en Alsace et Lorraine (1914-1939), thèse d’histoire sous la direction de Wahl Alfred, université de Metz, 2008.
35 Roy Isabelle, La Gendarmerie française en Macédoine (1915-1920), Maisons-Alfort, SHGN, 2004.
36 Tachjian Vahé, La France en Cilicie et en Haute-Mésopotamie. Aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak (1919-1933), Paris, Karthala, 2004, pp. 13-14.
37 De Champchesnel Hélène, La déchirure : guerre fratricide en gendarmeries, Levant 1939-1945, Paris, SHD, 2014.
38 Le Lannou Yves, « Gendarmes français en Cilicie (1918-1922) », Cahiers d’étude sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, n°28, 1999, pp. 187-206.
39 Archives Diplomatiques, Nantes, 1SL/1/V210 : « Règlement (provisoire) sur l’Organisation et l’Administration de la Gendarmerie Cilicienne », 1919.
40 Duhamel Julien, Mémoires d’un officier de gendarmerie, s.l., 1953, p. 38.
41 Ibidem, p. 23.
42 Chevandier Christian, Policiers dans la ville. Une histoire des gardiens de la paix, Paris, Folio Histoire, 2012, pp. 773-775.
43 Forestier Ignace-Émile, Gendarmes à la Belle Époque. Souvenirs recueillis par le colonel Jacques Forestier, Paris, France-Empire, 1983, p. 238.
44 Ibidem, p. 252.
45 Ibid., p. 253.
46 Duhamel Julien, Mémoires d’un officier…, op. cit., p. 28.
47 Houte Arnaud-Dominique, « Un métier en crise ? La gendarmerie de la Belle Époque d’après ses retraités », Sociétés & Représentations, n°16, 2/2003, pp. 153-165.
48 « À nos abonnés, à nos lecteurs », L’Écho de la Gendarmerie, 9 mars 1919 ; « Resurrexit », Le Progrès de la Gendarmerie, 5 juin 1919.
49 « Aux camarades qui ont fait partie des Prévôtés », Le Progrès de la Gendarmerie, 5 mars 1920.
50 « Officiers prévôtaux », L’Écho de la gendarmerie, 16 octobre 1921.
51 Lemaître Pierre, Au revoir là-haut, Paris, Albin Michel, 2013, p. 118.
52 Chevandier Christian, Policiers dans la ville…, op. cit., pp. 771-777.
53 Lemaître Pierre, Au revoir…, op. cit., p. 118.
54 Une formule employée par des prévôtaux au cours du conflit. Panel Louis, La Grande Guerre…, op. cit., p. 303.
55 Ce projet s’inscrit dans la continuité de notre mémoire publié dans la revue Force publique. Pécout Romain, « Finir la guerre, gagner la paix ? Les gendarmes dans l’interminable sortie de la Première Guerre mondiale (1918–1925) », Force publique, n°12, 2019.
Auteur
Diplômé de Sorbonne Université depuis 2016, il enseigne l’Histoire-Géographie-EMC dans le Secondaire. Éclairant le rôle des gendarmes dans la sortie de la Grande Guerre, son mémoire de recherche a été publié en 2019 dans la revue Force Publique.
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