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    Plan détaillé Texte intégral Jean Janvier, une école de rééducation professionnelle « modèle »Un corpus de dossiers d’élèves : traitement quantitatif d’un échantillon représentatifLe détour par l’échelle individuelle : une microhistoire des mutilés en rééducation ? Notes de bas de page Auteur

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    Étudier des trajectoires collectives et individuelles de mutilés dans l’entre-deux-guerres

    Les archives de l’école de rééducation professionnelle Jean Janvier (Rennes)

    Clément Collard

    p. 125-143

    Texte intégral Jean Janvier, une école de rééducation professionnelle « modèle »Un corpus de dossiers d’élèves : traitement quantitatif d’un échantillon représentatifLe détour par l’échelle individuelle : une microhistoire des mutilés en rééducation ? Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1L’étude de la rééducation professionnelle des invalides dans l’entre-deux-guerres se heurte à un paradoxe. À l’inverse de la période 1914-1918, les années 1920 et 1930 sont celles de la rationalisation, de l’institutionnalisation et d’une certaine professionnalisation du processus visant à favoriser le retour au travail des mutilés de la Grande Guerre. Adossée à des dispositifs légaux complémentaires (loi sur les pensions enfin votée en 1919 et « droit au travail » décrété par la loi sur l’emploi obligatoire en 1924), chapeautée par l’Office national des mutilés, la rééducation professionnelle s’extrait, au moment de la sortie de guerre, de la phase d’atermoiements, d’indécision et de dispersion qui est celle des années de guerre. La période 1918-1919 est celle d’une mutation fondamentale : pendant la guerre, la rééducation professionnelle est une nébuleuse dont se saisissent d’innombrables œuvres de guerre, aux moyens divers et aux méthodes divergentes, et au sein de laquelle l’État joue un rôle indéfini, dans la mesure où il ne parvient qu’imparfaitement à contrôler et à diriger un processus pourtant défini comme un enjeu majeur de l’après-guerre. Ce faisant, il n’est pas en mesure d’imposer une ligne de conduite claire, alors même que les discours théoriques sur la rééducation professionnelle sont nombreux et permettent de dégager un consensus large entre experts quant aux principes qui doivent la guider1.

    2Cependant, c’est bien cette première phase de la rééducation professionnelle qui est la plus documentée. Nombre de sources imprimées, d’ouvrages contemporains de synthèse (notamment des thèses de droit) et d’archives locales permettent d’envisager l’histoire des institutions de rééducation des mutilés pendant la guerre. Cela s’explique probablement par une focalisation plus importante sur ce problème dans le contexte de la guerre et du retour presque ininterrompu de dizaines de milliers d’hommes lourdement atteints dans leurs corps, une situation propice à la « mobilisation émotionnelle2 », laquelle s’estompe dès la guerre terminée. Toutefois, la phase de la rééducation professionnelle qui débute en 1919 n’est pas la moins intéressante à étudier. D’une part, car elle est l’aboutissement des efforts esquissés pendant la guerre et, qu’à ce titre, elle permet de saisir non pas une manifestation de la sortie de guerre, mais la permanence des enjeux sociaux et politiques nés avec le conflit. D’autre part, elle témoigne de l’évolution du traitement des mutilés : de réponses d’urgence face à l’irruption d’une situation sanitaire exceptionnelle à la construction et la consolidation de politiques publiques ambitieuses en faveur du travail des invalides.

    3La période 1919-1940 offre nombre d’enseignements et mérite qu’on la considère, dans la perspective d’une histoire sociale du retour au civil des combattants de la Grande Guerre3. Pour mener cette entreprise à bien, une possibilité offerte à l’historien est la focalisation sur les institutions chargées de la rééducation professionnelle. C’est l’une d’elles que nous souhaitons présenter : l’école Jean Janvier de Rennes, créée en 1916 sous l’égide du service de santé des armées, et placée en 1919 sous la tutelle de l’Office national des mutilés. Plus précisément, ce sont les dossiers des quelque 3 500 élèves qui fréquentent l’école entre 1919 et 1940 qui constituent la base de notre étude. À travers cette étude, nous aimerions montrer que cette institution est une échelle pertinente pour envisager le phénomène de rééducation professionnelle de manière multiscalaire, grâce au souci constant de l’aller-retour entre le cas et le cadre général dans lequel celui-ci s’insère4.

    4Il s’agit ainsi de démontrer en quoi la démarche déductive, consistant à chercher dans l’étude d’un cas des illustrations vérifiant concrètement des réalités globales établies par ailleurs5, et le raisonnement inductif, qui fait reposer l’établissement de connaissances générales sur l’étude d’exemples particuliers, ne sont pas exclusifs mais se nourrissent mutuellement. Nous nous intéresserons particulièrement à une des sources disponibles sur l’école Jean Janvier : les dossiers des élèves6 entre 1919 et 1940, qui permettent de resserrer la focale, de l’institution vers les individus qui la composent. Il s’agit d’un type rare de documents concernant les invalides dans l’entre-deux-guerres. Ces dossiers contiennent notamment des extraits de la correspondance entretenue par le mutilé de guerre, après sa sortie de l’école, avec le personnel de direction de l’institution. Face à sa volonté d’aborder concrètement cette population, de réaliser une histoire from below, faisant place aux trajectoires individuelles, le chercheur se trouve bien souvent en panne de sources. Les multiples témoignages livrés par les soldats de la Grande Guerre se concentrent essentiellement sur l’expérience combattante et sur la période de la guerre, mais sont pour la plupart muets quant au défi du retour à la vie civile, a fortiori de la réinsertion professionnelle. Les sources émanant du « mouvement combattant » sont plus nombreuses, notamment par le biais des associations, où les mutilés tiennent une place fondatrice. Mais les sources que ces groupements livrent, par le biais des revues et bulletins, sont produites par des acteurs institués, correspondant à une élite. Ainsi, ces documents ne laissent que peu entrevoir la réalité des invalides « ordinaires », ou bien seulement à travers le prisme d’une rhétorique revendicatrice qui, si elle n’est pas à négliger, n’en est pas moins déformante et partielle. En outre, ces publications apportent peu de renseignements quant au devenir professionnel des invalides de la guerre.

    5Dès lors, comment les dossiers des élèves de l’école de rééducation Jean Janvier de Rennes permettent-ils d’approcher une réalité que les autres archives ne donnent pas à voir ? Notre ambition est de démontrer qu’elle permet une histoire au ras-du-sol des invalides dans l’entre-deux-guerres, en menant de front un traitement quantitatif et qualitatif de cette source ; le nombre relativement important de dossiers disponibles a permis de réaliser une base de données pouvant servir de support à un traitement statistique. Celui-ci repose sur l’hypothèse de la représentativité du cas d’étude, dans la mesure où l’école de rééducation rennaise exemplifie le modèle institutionnel développé en France durant l’entre-deux-guerres. Outre des données quantitatives, ces dossiers contiennent des documents plus originaux, disponibles de manière variable selon les individus ; en particulier, de nombreuses pièces de correspondance constituent des égodocuments qui permettent d’entrevoir le quotidien en école de rééducation, mais également de retracer des trajectoires d’élèves après leur sortie de l’institution. Cette approche qualitative complète un traitement sériel de ces sources et la combinaison des deux méthodes permet de poser les jalons d’une histoire sociale des mutilés de guerre rééduqués dans l’entre-deux-guerres.

    Jean Janvier, une école de rééducation professionnelle « modèle »7

    6L’école de rééducation professionnelle rennaise reflète le processus permettant le retour au travail des mutilés de guerre, en dépit d’une blessure invalidante, soit en pratiquant le réapprentissage de la profession exercée avant-guerre (ce que l’on nomme « réadaptation »), soit – et c’est la majorité des cas – en apprenant un nouveau métier, dont l’exercice est compatible avec l’atteinte corporelle. Créée en 1916, l’institution est d’abord emblématique de la volonté du service de santé des armées, dirigé par Justin Godart, d’opérer un maillage serré du territoire français en ce qui concerne les formations sanitaires, les institutions permettant aux blessés d’être soignés convenablement, puis de profiter d’une rééducation fonctionnelle – devant assurer une récupération optimale des capacités physiologiques – puis professionnelle8. Cette « mise en guerre de l’État »9 du point de vue du traitement des blessés s’effectue progressivement. Entre 1916 et 1919, l’école de Rennes fonctionne en collaboration avec l’hôpital complémentaire n° 115 et accueille quelques dizaines d’invalides. Cela correspond à la phase embryonnaire de la rééducation qui, si elle établit les fondements du processus, est encore sous-dimensionnée au regard des objectifs de l’après-guerre, comme l’écrit le ministre du Travail au maire de Rennes en octobre 191810. En 1919, s’opère une rupture sous l’impulsion de l’Office national des mutilés et réformés, qui devient le principal organisateur de la rééducation professionnelle française. L’objectif n’est plus la dispersion des efforts en vue de couvrir le territoire national de centres de rééducation modestes, mais la centralisation et la rationalisation. L’enjeu est de réduire drastiquement le nombre d’écoles, d’augmenter la taille de celles qui subsistent afin qu’elles puissent accueillir un grand nombre de mutilés, d’offrir à ceux-ci un large choix de métiers potentiels et d’unifier la rééducation professionnelle à l’aide de principes politiques et moraux11.

    7Cette nouvelle ère du traitement des mutilés, qui correspond à la période 1919-1940, permet à l’école Jean Janvier de s’établir comme un fleuron de la rééducation professionnelle française, comme l'un des centres satisfaisant aux conditions établies par l'Office national. Il s’agit notamment de réussir la sortie de guerre de la rééducation professionnelle, en pérennisant des efforts initiés pendant la guerre, sous l’impulsion de l’institution militaire. La transition de la guerre à la paix concerne également le traitement des invalides de guerre. Cela se traduit par une démilitarisation de l’encadrement : des instituteurs (Jean Le Lay puis Paul Boulanger) succèdent aux médecins militaires à la direction de l’établissement. La capacité d’accueil augmente largement : de quelques dizaines de mutilés entre 1916 et 1919, ils sont près de 300 par an à partir de 1920. Enfin, l’offre de formation s’étend : près de 15 professions sont proposées aux élèves. Dès 1920, un rapport d’inspection de l’Office national des mutilés se félicite de la profonde mutation que connaît l’école rennaise lors de la sortie de guerre12. Tout au long de l’entre-deux-guerres, l’école Jean Janvier est citée en exemple par l’Office national lorsqu’il s’agit d’évoquer la rééducation professionnelle française.

    8Cela tient à sa capacité d’accueil et au caractère pléthorique de son offre de formation, mais également à sa longévité ; quand certaines écoles ferment leurs portes dès la fin de la guerre, ou au milieu des années 1920 (l’école voisine de Nantes par exemple, dont l’œuvre s’achève en 192813), la fréquentation de l’école Jean Janvier, bien que fluctuante, demeure élevée14 tout au long de l’entre-deux-guerres. À ce titre, elle connaît les évolutions majeures de la rééducation professionnelle, en ce qui concerne l’accueil d’autres publics, tels que les invalides civils ou les « mutilés du travail15 », ce qui signale la mutation d’un processus pensé comme une réponse à une situation ponctuelle et exceptionnelle – le caractère massif de l’invalidité de guerre – vers une intégration professionnelle pérenne et plus importante des mutilés, nonobstant l’origine de leur invalidité16.

    9Enfin, l’école de Rennes est exemplaire de la rééducation professionnelle française car elle correspond aux exigences de l’Office national des mutilés, qui tente de les mettre en pratique à partir de 1919. Du point de vue de la localisation, l’école Jean Janvier est bien une structure qui cumule l’intérêt d’être située dans une grande ville – ce qui permet de drainer les mutilés de la région vers un centre unique – tout en demeurant en province, afin d’éviter la fuite des mutilés vers Paris et leur déracinement complet17. L’offre de rééducation correspond surtout à la volonté de l’Office de promouvoir les petits métiers artisanaux, particulièrement destinés aux mutilés ruraux, qu’ils exerçassent une activité agricole ou non avant la guerre. Ainsi, l’école Jean Janvier représente la rééducation française jusque dans ses contradictions. Certes, l’éloge permanent de la « petite affaire » artisanale et rurale se lit dans la présence dans l’école d’ateliers de cordonnerie, de ferblanterie, ou de vannerie. Mais c’est bien le cours destiné à préparer les mutilés aux emplois administratifs qui reste plébiscité par les élèves, ce qui traduit la tension entre une méfiance sans cesse réaffirmée des responsables de la rééducation professionnelle, notamment à l’Office national, envers le salariat et l’emploi de fonctionnaire d’une part et la législation sur les emplois réservés qui fait du reclassement des mutilés dans l’administration une voie privilégiée d’autre part.

    10Ce caractère exemplaire à plus d’un titre de l’école Jean Janvier constitue une plus-value à son étude. Les dossiers d’élèves de l’école Jean Janvier constituent une source exceptionnelle, du fait de leur rareté ; en l’état actuel de nos recherches, aucune documentation comparable n’a pu être trouvée pour une autre institution de rééducation professionnelle. De plus, ils sont produits par une école parmi les plus importantes de l’entre-deux-guerres, présentée comme un modèle par les autorités publiques. Il ne s’agit dès lors plus de s’intéresser à un terrain parmi d’autres, voire marginal, mais de procéder à ce que Pierre Livet a appelé un « raisonnement par prototype », qui repose sur l’étude d’un « cas particulier, mais central »18.

    Un corpus de dossiers d’élèves : traitement quantitatif d’un échantillon représentatif

    11En dehors de diverses sources plus traditionnelles – presse régionale, archives municipales et départementales, documents de l’Office national des mutilés19 – le cas de l’école Jean Janvier peut s’étudier à partir des archives de l’institution, qui n’ont été versées à aucun centre. Elles sont toujours conservées dans les locaux de l’école, rue Édouard Vaillant à Rennes, et ne font l’objet d’aucun référencement ; elles ne sont pas classées et contiennent des documents très divers : plusieurs dizaines de photographies, papiers relatifs aux programmes d’enseignement de l’école, correspondance (lacunaire) avec l’Office national. Mais surtout, sont présents les dossiers des 3 452 élèves ayant fréquenté l’école entre 1919 et 1940. Cette source permet d’approcher la rééducation professionnelle et les mutilés eux-mêmes dans leur dimension individuelle, dans l’entre-deux-guerres.

    12Matériellement, ces dossiers se présentent sous la forme d’une chemise cartonnée dont la couverture est standardisée. Les mêmes renseignements sont ainsi disponibles pour chaque élève. Quatre catégories d’informations peuvent être distinguées. Sont consignées des données relatives à l'état civil de l’élève et à sa situation familiale, qui se caractérisent par une exhaustivité commune à tous les dossiers. On trouve également des précisions médicales (renseignées de manière inégale selon les dossiers) quant à la nature de la ou des blessure(s) et au taux d'invalidité qui en résulte : pour la majorité des mutilés de guerre, ce taux, qui détermine le montant de la pension, est indiqué. Suivent des données sur la situation professionnelle (métier avant la guerre/avant l’entrée à l’école ; profession apprise à l’école ; situation professionnelle à la sortie de l’école), remplies là encore plutôt consciencieusement. Enfin, le dernier paragraphe, intitulé « Observations diverses », obéit à une forme moins standardisée, et est constitué de commentaires disparates : informations supplémentaires sur la situation à la sortie ; jugements sur le comportement – scolaire et disciplinaire – de l’élève lors de son passage à l’école ; mentions de ruptures dans le parcours de rééducation : changements de formation ou sorties prématurées de l’école, notamment. Le caractère uniforme de la présentation des dossiers permet d’établir un schéma-type, reproduit ci-après.

    Figure 1 : Schéma d’un dossier d’un élève de l’école de rééducation professionnelle Jean Janvier entre 1919 et 1940

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    13Dans ce schéma, nous avons indiqué par des encadrés grisés ce qui apparaît empiriquement comme les informations n’étant pas renseignées systématiquement : ainsi, la date de la blessure n’est connue que pour 1/5e des dossiers de mutilés, bien qu’il s’agisse d’une donnée qu’il est possible de retrouver, en croisant avec d’autres sources, comme les fiches matricules. Ces informations ne peuvent donc qu’être imparfaitement mobilisées en vue d’une étude quantitative car elles introduisent un biais, en attirant l’attention sur des éléments exceptionnels ou remarquables ; ainsi, la blessure est d’autant plus renseignée et datée si elle s’est produite au cours d’une bataille identifiée ; par exemple, lorsqu’un mutilé de guerre a été blessé à Verdun, il est rare que son dossier ne l’indique pas, ce qui correspond à une rigueur qu’on ne retrouve pas lorsque la blessure intervient en un lieu plus « anonyme ». De la même manière, les mentions relatives à la discipline ne sont présentes que dans les cas où l’élève a posé des problèmes graves et répétés à l’encadrement. À l’inverse les observations sur le comportement « scolaire » de l’élève, lorsqu’elles sont présentes, le sont car elles sont élogieuses : ou qu’elles témoignent d’un zèle particulier du mutilé, ou qu’elles signalent un parcours particulièrement exceptionnel : dépassement d’une grave blessure pour maîtriser la pratique d’une profession artisanale demandant une certaine dextérité ou témoignage d’une ascension sociale remarquable grâce à la rééducation professionnelle. Ces données peuvent être mobilisées dans la perspective d'une histoire individuelle, à défaut de se prêter de manière satisfaisante à un traitement quantitatif.

    14Celui-ci est néanmoins possible grâce à une source qui présente l’avantage d’avoir été produite par une seule institution, ce qui assure une cohérence dans le recueil des informations sur l’ensemble de la période. Un travail de saisie des données présentes dans la totalité, ou la grande majorité, des dossiers à l’aide d’un tableur est donc possible. Il est réalisé en reprenant le cadre de classement de l’école Jean Janvier. En effet, trois numéros présents sur le dossier (voir schéma) permettent de référencer chaque élève : celui de l’inscription à l’Office national, qui est l’autorité qui valide l’entrée en institution de rééducation, et celui de l’inscription à l’école correspondent probablement à des registres contemporains qui n’ont malheureusement pas été retrouvés. En revanche, le troisième numéro correspond à un classement ultérieur – à une date nécessairement postérieure à 1940 mais qu’on ne connaît pas précisément – réalisé par les archives de l’école ; les dossiers présents à Rennes sont ainsi numérotés de 1 à 3 452 selon une logique non pas chronologique mais alphabétique. Bien qu’il ait été réalisé a posteriori, ce classement est le plus maniable pour le chercheur, car il permet une identification rapide des dossiers dans la base de données.

    15La saisie de ces dossiers n’a pas été réalisée de manière exhaustive ; cette tâche exigeant un temps considérable, nous avons fait le choix de procéder à l’aide d’un échantillonnage20. Pour que celui-ci soit suffisamment représentatif, nous avons décidé de sélectionner un nombre de dossiers permettant de parvenir à un rapport d’environ 1 à 6 entre l’échantillon et l’effectif total. Un tirage aléatoire a permis d’isoler 550 dossiers ; parmi ceux-ci, 6 se sont révélés inexploitables, car illisibles ou trop endommagés. L’échantillon final se compose donc de 544 dossiers, à partir desquels a été constituée une base de données. Celle-ci se présente sous la forme d’un tableur Excel d’une trentaine de colonnes. Dans cette base, sont évidemment reportées les informations directement disponibles sur la couverture de chaque dossier individuel, mais y figurent également les résultats de codages, réalisés afin de « faire parler » plus explicitement les données brutes. Ainsi, et ce bien que la date de la blessure ne soit pas toujours renseignée, lorsque cela a été possible, nous avons calculé le temps s’écoulant entre celle-ci et l’entrée en rééducation ; ce codage pouvait également s’effectuer à l’intérieur de sous-groupes : parmi les mutilés rééduqués à une profession artisanale, il était intéressant de mesurer la proportion d’ « indépendants » parmi eux dans la mesure où, la « petite affaire » étant un objectif assigné à la rééducation professionnelle, il s’agit d’une mention fréquemment apposée sur les dossiers. Des codages plus simples ont été réalisés : le calcul des âges de l’élève, à l’entrée et à la sortie de l’école ou encore l’identification de l’origine géographique, selon une typologie multiscalaire : ville de Rennes, département d’Ille-et-Vilaine, départements limitrophes et/ou bretons, France entière. Grâce à la collecte de ces informations, la base de données des élèves de l’école Jean Janvier de Rennes permet de se livrer à de multiples analyses quantitatives, que l’on peut classer en trois catégories.

    16Premièrement, il s’agissait d’établir un panorama des effectifs d’une école de rééducation professionnelle dans l’entre-deux-guerres, selon des critères communs : répartition selon les âges, distribution des différentes situations familiales, types de blessés présents, origines géographiques et sociales, destins professionnels, etc. Cela donne lieu à des tableaux simples, qui révèlent des réalités statiques, prenant la période 1919-1940 dans sa globalité. On sait ainsi que 28 % des élèves sont originaires d’Ille-et-Vilaine et qu’ils sont 42 % à venir des départements limitrophes.

    17Toutefois, ces informations sont assez peu signifiantes ; il est alors nécessaire de recourir à des tableaux croisés dynamiques, soit de raisonner à partir de plusieurs variables afin d’établir des données plus intéressantes. Le choix des variables s’établit de deux manières différentes, qui déterminent les deux autres catégories de l’analyse quantitative. Ces deux méthodes témoignent de la place du « cas » dans le dialogue avec une étude plus globale, à une échelle plus petite21. D’une part, il est possible d’assigner à l’analyse quantitative la tâche de vérification d’une hypothèse formulée à partir du cadre général, voire d’observer la traduction d’une évolution légale au sein du processus. Nous pouvons illustrer cette dernière option à travers l’étude des « catégories » d’élèves et de leur évolution durant la période. En effet, depuis la loi du 2 janvier 1918, la rééducation professionnelle est un droit pour les mutilés de guerre (ainsi que pour les veuves de guerre), définis par leur droit à pension. Ils peuvent donc intégrer une école sur demande auprès de l’Office national et bénéficier de la gratuité totale lors de leur séjour à l’école. En 1924, la possibilité d’entrer en rééducation est offerte aux mutilés du travail et aux infirmes et en 1930 elle devient gratuite pour ces autres publics. Il était donc pertinent de constater si cette évolution en matière de droits trouvait une application pratique dans les écoles : en effet, jusqu’en 1924, seuls des mutilés et des veuves de guerre sont admis à l’école. En 1926, ces bénéficiaires originels de la rééducation ne représentent plus que 65 % de l’effectif total et cette proportion tombe à moins de 40 % en 1935. Le « cas » permet donc d’apprécier un phénomène jusqu’alors uniquement appréciable à travers la volonté sous-tendue par des politiques publiques, dont l’effectivité n’était pas établie.

    18Ainsi, le détour par l’histoire quantitative permet de vérifier des hypothèses solides, d’établir des faits que des discours généraux laissaient entrevoir. Réciproquement, l’analyse reposant sur une base de données permet une administration de la preuve fondée sur l'observation d’un exemple que l’on estime significatif et représentatif, que l’on peut ensuite subsumer en croisant avec d’autres sources. Le cas ne crée pas à proprement parler une connaissance qui serait restée cachée sans ce détour, mais il permet de mettre l’accent sur des phénomènes qui n’auraient pas recueilli l’attention immédiate du chercheur. Un exemple peut être mobilisé pour illustrer cette idée à partir des dossiers rennais. Il repose sur l’observation récurrente de ce que nous nommons les « rééducations tardives », soit des entrées en école plusieurs années après la blessure. C’est un phénomène inévitable dans la mesure où nous étudions l’entrée en rééducation de mutilés entre 1919 et 1940 alors qu’ils ont été évacués du front entre 1914 et 1918. Il s’agit donc, comme nous l’avons expliqué auparavant, d’une phase de la rééducation qui ne correspond pas au processus continu et linéaire que l’on observait pendant la guerre : blessure – évacuation du front – hôpital pour soins voire opération – convalescence et début de la rééducation fonctionnelle et professionnelle. Après la guerre, la rééducation s’effectue nécessairement après une rupture qu’est le retour à la vie civile. Il reste à en déterminer les raisons. L’étude quantitative permet de formuler des hypothèses. La première repose sur la présence importante des blessures dites « évolutives » parmi les mutilés de guerre entrant en rééducation dans l’entre-deux-guerres, soit des individus qui voient leurs blessures s’aggraver plusieurs années après la guerre. Cela est explicite lorsque le dossier mentionne une réévaluation à la hausse du taux d’invalidité. Cela peut être deviné à partir de certains types de blessures : sans qu’on puisse en être certain, il est probable que les mutilés souffrant de problèmes pulmonaires ou cardiaques présentent une invalidité croissante à mesure qu’ils vieillissent, a fortiori s’ils exercent une profession qui expose leurs organes meurtris à de nouvelles épreuves. Cependant, les rééducations tardives – jusqu’au milieu des années 1930 donc – concernent également un nombre non négligeable de blessés légers ou « définitifs », des amputés du pied sans aggravation de leur condition par exemple. Nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle la rééducation, en tant que droit à une formation professionnelle, à l’apprentissage d’un nouveau métier, pouvait être utilisée par les acteurs pour lutter contre l’inactivité, laquelle peut être conjoncturelle. Pour le dire simplement, dans des périodes de rétraction de l’emploi, les mutilés de guerre se servent-ils de la rééducation professionnelle comme moyen d’échapper au chômage ? En observant l’évolution du nombre de mutilés de guerre entrant en rééducation, une tendance nette se dégage : de 1919 à 1931, le nombre d’admissions ne cesse de décroître22. Mais il remonte nettement à partir de 1932, jusqu’à stagner à partir de 1936. Cette périodisation recoupe précisément celle des effets de la crise économique en France sur le marché de l’emploi23. L’hypothèse de la rééducation comme remède au chômage mérite donc d’être creusée ; une telle observation empirique rend, à tout le moins, le chercheur sensible à cette problématique et l’invite à en chercher des confirmations dans d’autres sources. Des documents plus généraux permettent en effet de corroborer cette idée. En décembre 1932, le secrétaire général de l’Office national des mutilés écrit ainsi aux préfets de France, afin de leur indiquer que les écoles de rééducation professionnelle sont touchées par une surcharge d’effectifs et qu’en conséquence, il est demandé de réserver les admissions en priorité aux mutilés de guerre24. Il s’agit d’un phénomène récurrent, qui n’est pas propre à la grande crise économique des années 1930. Ainsi, en 1927, le comité départemental des mutilés de la Seine écrit à la Chambre de commerce de Paris afin d’expliquer que la fréquentation des écoles de rééducation ayant décru depuis la fin de la guerre jusqu’en 1925, la décision a été prise de fermer certains centres de petite taille en 1926, mais qu’ « en raison de la crise économique, depuis le mois de décembre 1926 », les demandes d’admission sont à nouveau en augmentation ; le comité demande alors le concours de la Chambre, et des écoles des syndicats professionnels, afin d’accueillir ces mutilés cherchant à être rééduqués25. Cela confirme le lien étroit qui peut exister entre chômage, ou menace du chômage, et entrée en rééducation. Ainsi l’étude quantitative à partir d’un cas précis permet de faire émerger des réalités ou d’apporter des confirmations de phénomènes sur lesquels les sources institutionnelles sont peu disertes.

    Le détour par l’échelle individuelle : une microhistoire des mutilés en rééducation ?

    19Dans cette dernière partie, il s’agit de questionner la place de la dimension individuelle dans l’étude d’une école de rééducation et donc du statut des rensei-

    20gnements présents dans les dossiers qui n’ont pas de caractère sériel, et ne peuvent donc pas être saisis dans la base de données. Il s’agit premièrement des informations correspondant aux encadrés grisés (voir schéma), mais également du contenu à proprement parler du dossier, dont nous n’avons pas encore dit mot, puisque nous nous sommes concentrés sur les données mobilisables en vue d’une histoire quantitative, soit celles présentes pour tous les dossiers ou presque. À l’intérieur de la chemise cartonnée réservée à chaque élève, figurent en effet d’autres documents, de nature et en quantité très variables. Nous y trouvons des photographies, des renseignements médicaux plus précis – les certificats établis par le médecin de l’école au moment de l’entrée en rééducation –, des bulletins de notes, des exemples de travaux réalisés par les élèves et surtout des éléments de correspondance entre l’élève et la direction, après sa sortie de l’école. Comme souvent avec les correspondances, nous ne disposons, dans la plupart des cas, que des lettres envoyées par l’élève, et non des réponses de l’école, en l’occurrence du directeur à qui sont adressées la grande majorité des missives. À partir de ces éléments disparates, plusieurs pistes peuvent être avancées quant à leur utilisation.

    21Les informations présentes sur la couverture du dossier de manière non systématique ne se prêtent pas à une utilisation quantitative et à la réalisation de statistiques significatives. Pour autant, elles peuvent servir de point de départ à une réflexion plus globale sur la rééducation professionnelle, et particulièrement au dévoilement du quotidien dans une école. Ce sont ainsi ces mentions aléatoires qui nous ont conduit à nous interroger sur la dimension disciplinaire des institutions de rééducation professionnelle26. Les cas d’indiscipline apposés sur le dossier ne sont pas extrêmement nombreux (22 dossiers sur les 544 que compte l’échantillon) mais témoignent de l’existence de cette problématique. L’école de Rennes n’est pas un cas isolé ; les archives des institutions lyonnaises pendant la guerre font également état d’une préoccupation disciplinaire, matérialisée ici par un encart spécial lors de la rédaction de chaque rapport hebdomadaire des écoles Tourvielle et Joffre27. En dépit de la différence entre ces structures et de la période considérée (1914-1918 pour les écoles lyonnaises, l’après-guerre à Rennes), nous pouvons remarquer une focalisation particulière sur le rôle de l’alcool dans les manifestations de désordre, de désobéissance voire de violence entre élèves. Dans ce cadre, la consommation de boissons peut apparaître comme une circonstance atténuante, une manière d’exonérer en partie les mutilés de guerre. Ainsi de cette rixe entre deux élèves, en janvier 1916 à l’école Tourvielle de Lyon, dont « les principaux coupables sont, comme toujours, les marchands de vin » selon le rédacteur du rapport. Ce jugement correspond à une vision paternaliste des mutilés en rééducation, dominante parmi les encadrants des écoles, consistant à les présenter comme des héros de guerre, à l’honneur magnifié par la blessure, mais que l’oisiveté et les comportements immoraux – corollaires de l’inactivité qui guette chaque invalide – menacent de laisser choir dans l’indignité. Le maître ouvrage du docteur Maurice Bourrillon28 – médecin ayant produit une œuvre théorique importante sur la rééducation professionnelle en même temps qu’il en a été un acteur majeur en tant que directeur de l’Institut national de Saint-Maurice – consacre ainsi de longues pages au danger que l’alcool représente pour le mutilé de guerre29. Il s’ensuit un contrôle rigoureux des élèves-mutilés de ce point de vue, que les dossiers rennais illustrent bien. L’attention portée à l’ivresse s’exprime d’abord et de manière évidente lors des cours dispensés à l’école ; ainsi d’un élève retrouvé le 15 février 1939 « ivre à l’atelier de vannerie, ses effets souillés d’excréments ». Cette surveillance s’exerce dans l’ensemble des locaux et des heures consacrées à l’enseignement, l’école fonctionnant sur le régime de l’internat, comme en témoigne le cas d’un élève sanctionné en avril 1937, car il a été « retrouvé ivre dans le dortoir ». Mais l’autorité de l’école s’établit même en dehors de ses murs ; un mutilé est renvoyé en 1931 car il a, de manière répétée, « adressé dans la rue des propositions grossières aux femmes ». L’exclusion de cet individu – sanction d’une sévérité exceptionnelle – montre l’exigence de moralité attendue des élèves y compris à l’extérieur de l’établissement. Tous ces éléments permettent d’inscrire la rééducation professionnelle dans des questionnements classiques de l’histoire des institutions fermées. Du fait de l’identité des élèves, l’analogie avec les structures militaires telles que les dépôts de cantonnement, étudiés par Emmanuel Saint-Fuscien30, peut être convoquée pour analyser cet alliage entre une méfiance et une volonté de contrôle moral des populations en institutions et le rôle représentatif des soldats, actifs et en uniforme ou démobilisés depuis longtemps mais qui portent sur eux les stigmates de la guerre.

    22Outre ces éclairages sur la réalité de la rééducation professionnelle, les dossiers d’élèves, et particulièrement les correspondances, permettent d’envisager des trajectoires sur des périodes qui vont au-delà des quelques mois passés à l’école. C’est un problème souvent posé au chercheur par les sources institutionnelles : parfois extrêmement prolixes quant à la vie de l’individu au sein d’une structure, elles permettent difficilement d’appréhender la période précédant l’entrée et surtout suivant la sortie de l’institution. Les lettres envoyées par les élèves-mutilés à la direction de l’école après leur rééducation permettent en partie de combler ce vide : en effet, elles ne sont pas disponibles – ou qu’elles soient inexistantes, ce qui est le plus probable, ou qu’elles n’aient pas été conservées – pour tous les élèves. Pour une minorité d’entre eux, en revanche, cette source se révèle précieuse. Elle présente tout d’abord un intérêt intrinsèque, afin d’éclairer les rapports entre direction et élèves au sein de l’école de rééducation : les courriers témoignent en effet de la proximité et de la permanence du lien entre les mutilés rééduqués et le directeur, qui est l’unique destinataire des correspondances que nous avons retrouvées. Nombreuses sont les lettres envoyées durant les fêtes de fin d’année, qui n’ont pour autre objet qu’un témoignage d’amitié au directeur ; à ce titre, il n’y a pas de rupture entre le premier directeur de l’école durant l’entre-deux-guerres, Jean Le Lay et celui qui lui succède, Paul Boulanger, après avoir été son adjoint. Ces lettres en guise de cartes de vœux incluent fréquemment des amitiés à l’épouse du directeur, signe supplémentaire d’une certaine proximité. La connivence existe également entre élèves et traduit une solidarité qui naît au sein de l’école. On peut l’illustrer à partir de l’exemple du dossier de Pierre Guinguené31. Ce militaire de carrière, réformé à 25 % pendant la guerre pour une raideur articulaire au coude droit, est né en 1881. Il entre à l’école en février 1922 et en sort en janvier 1923, afin d’aller exercer un emploi administratif correspondant à son examen, à Paris. Cependant, une lettre datée du 23 février 1923, envoyée par un camarade dont le nom n'est pas lisible, nous apprend que Pierre Guinguené est décédé après avoir été renversé par un camion. Au-delà de l’événement exceptionnel qu’elle permet d’entrevoir, cette lettre témoigne de la perduration du lien entre mutilés rééduqués, après leur sortie de l’école. Le camarade de Guinguené qui écrit au directeur Jean Le Lay est en effet un ancien élève de l’école de Rennes qui a terminé sa rééducation mais poursuit une autre formation, à Paris, au milieu de « valides ». Il a semble-t-il reçu un télégramme de Jean Le Lay lui demandant des nouvelles de Guinguené, le directeur ayant eu vent de l’accident, sans en connaître la gravité. À la réception du télégramme, il se rend au comité départemental de l’Office national des mutilés de la Seine, afin d’avoir des renseignements. C’est ici qu’on lui annonce que le corps de Guinguené est en partance pour la morgue afin d’être autopsié et que les obsèques ont lieu dans les jours suivants. Le rédacteur de la lettre écrit alors qu’il s’occupe de réunir « 5 ou 6 camarades anciens élèves actuellement à Paris, de façon à ce que le pauvre vieux n’aille pas tout seul vers sa dernière demeure ». Il s’autorise quelques commentaires personnels, à destination du directeur, qui témoigne d’une complicité entre ces hommes puisqu’il écrit que lorsque son camarade est arrivé à Paris, « c’est un Guinguené complètement transformé que j’avais revu, élégant dans son costume neuf (avec pochette s’il vous plaît). » La présence de cette aimable raillerie dans la lettre adressée à Le Lay suggère la complicité du directeur dans cette mention du décalage dans l’apparence entre « l’ancien » et « le nouveau » Guinguené.

    23Au-delà de ces liens personnels, c’est le rôle de l’école quant au placement des élèves qui peut être étudié. Nombreuses sont les lettres qui sont écrites sur un registre élégiaque ; elles émanent de mutilés sortis de l’école depuis plusieurs mois voire années mais qui peinent à trouver une place et qui se tournent vers leur directeur afin d’être assistés dans leur recherche d’emploi. Ainsi ce mutilé qui écrit à Paul Boulanger en 1938 pour lui demander de lui « trouvez quelque chose comme concierge ou il n’y aurai pas trop a se deranger32 » (sic). De fait, l’école joue à plein son rôle consistant à favoriser le placement de ses élèves, y compris en en embauchant certains. C’est ainsi le cas de Jean Le Bras33, mutilé de guerre né dans le Finistère en 1894, qui entre à l’école en février 1921 pour être rééduqué comme chauffeur automobile. Il sort six mois plus tard, après avoir terminé son apprentissage, à la suite duquel il est placé à l’école Jean Janvier en qualité de chauffeur et de contremaître. C’est particulièrement vrai pour des élèves qui ont réussi des examens pour des emplois réservés mais qui doivent attendre leur classement avant de se voir attribuer une place. Afin de combler l’inactivité propre à cette période entre la sortie de l’école et la prise de fonction de l’élève rééduqué dans son nouvel emploi administratif, l’école l’emploie temporairement. Ainsi, Charles Fautrat34, mutilé de guerre né en 1891 et entré à l’école en 1924, reçu à l’examen de deuxième catégorie en avril 1925, est placé à l’école, au bureau des entrées. De la même manière, Guillaume Gestin35, mutilé de guerre né en 1890, réussit son examen de deuxième catégorie en mai 1925 mais est placé comme veilleur de nuit à l’école en attendant sa nomination.

    24Enfin, les dossiers individuels des élèves peuvent permettre de tracer des itinéraires professionnels, de montrer les visages du retour au travail des mutilés de guerre ; en faisant dialoguer les données systématiques qu’ils contiennent avec des éléments épars, parcellaires et propres à chaque individu. Cela conduit à exhumer le parcours de tel ou tel mutilé, de le dessiner plus précisément, en excédant la seule période de rééducation, mais également de dresser une typologie à partir de trajectoires-types. Là encore, il s’agit de corroborer des hypothèses qui ont pu être formulées à partir de sources plus générales sur la rééducation professionnelle. Ainsi, l’éloge constant qui est fait du nécessaire « retour à la terre » des paysans mutilés d’une part et la préférence marquée en faveur de la petite affaire artisanale aux dépens du salariat d’autre part, que l’on retrouve dans tous les textes programmatiques sur la rééducation, trouvent avec les dossiers individuels des illustrations de leur réalisation et même de leur combinaison. Nombreux sont les dossiers qui suggèrent voire explicitent la permanence d’une pluriactivité rurale, favorisée par la rééducation professionnelle, qui permet à un ancien cultivateur d’être formé à un « petit métier ». Ainsi, Joachim Le Bourgocq, mutilé de guerre né en 1885 dans le Morbihan, souffre d’affections mineures, qui le conduisent à n’être pensionné qu’à hauteur de 15 %. Son dossier indique qu’il obtenait régulièrement des permissions durant les périodes de moisson, lors de son séjour à l’école, afin de rentrer chez lui aider aux travaux agricoles. Tout laisse à penser que la rééducation professionnelle a été pour lui, non pas un moyen de changer de profession mais d’enrichir ses possibilités et de cumuler travail de la terre et activité artisanale. En effet, sa blessure ne semble pas l’obliger à un changement d’activité et sa démarche n’intervient qu’en 1934, alors qu’il continue de travailler comme cultivateur depuis seize ans.

    25Nous pourrions multiplier à l’envi les exemples qui prouvent que cette source est un moyen d’approcher la réalité post-rééducation, qu’il s’agisse d’échecs – à travers les plaintes et les requêtes – ou de réussites. Car les mutilés sont également enclins à témoigner de la situation professionnelle qui leur a été léguée – indirectement – par la rééducation professionnelle, lorsque celle-ci fait leur fierté. C’est là un ultime motif d’envoi de lettres à la direction. Le cas de Paul Ruel est à ce titre éclairant36. Ce mutilé de guerre, né en 1898 dans la Sarthe, est amputé de la cuisse droite et ne peut plus exercer sa profession de cultivateur. Il entre à l’école en août 1919 afin d’être rééduqué comme cordonnier et sort en juin 1921. La couverture de son dossier indique sobrement qu’il est « placé à son compte ». En réalité, sa correspondance avec le directeur Jean Le Lay témoigne du succès de ce mutilé, qui a obtenu un prêt de 1 200 francs de la part de l’Office national qui lui a permis de lancer sa petite affaire. En octobre 1921, il adresse à Jean Le Lay une lettre afin que celui-ci l’aide à régler un problème qu’il a avec les impôts et qui a à voir avec sa situation d’ancien élève de l’école, sans que l’on sache véritablement de quoi il retourne. Mais il ajoute dans son courrier de vifs remerciements à destination du directeur et de l’école en général, qui lui a permis, par la rééducation, de développer un commerce florissant. Il écrit ainsi : « tant qu’à mon commerce, ça marche à merveille, j’ai du travail en quantité ». Il prend d’ailleurs soin d’écrire sa lettre sur un papier à en-tête de son entreprise, joignant ainsi la preuve par l’image à la parole.

    26Les dossiers de l’école Jean Janvier de Rennes constituent donc une source précieuse permettant d’incarner l’histoire de la rééducation professionnelle, de doubler une histoire des politiques publiques et de l’assistance aux invalides de guerre, d’une histoire sociale des mutilés dans l’entre-deux-guerres. L’institution fermée que constitue l’école de rééducation est une instance de production documentaire qui la désigne comme une échelle appropriée pour aborder ce phénomène. À condition de montrer qu’elle peut être représentative de processus à l’œuvre sur l’ensemble du territoire, pendant toute la période, elle correspond à un terrain intermédiaire entre l’étude d’une politique globale, appréhendable par des sources administratives à l’échelle nationale, et la focalisation sur des trajectoires individuelles. Ce cadre doit donc être pris au sérieux et constituer le centre d’un corpus de sources qui viennent l’éclairer et susciter de nouvelles problématiques ; c’est ainsi que les dossiers individuels peuvent être étudiés en parallèle d’autres types de sources telles que les fiches matricules, qui permettent de compléter un parcours personnel par les états de service militaires nécessairement antérieurs à l’entrée en rééducation. Des documents moins systématiques peuvent également être convoqués : Des articles de la presse régionale, qui s’intéresse ponctuellement à ces hommes, ou des sources individuelles plus exceptionnelles, comme les dossiers de Légion d’honneur. Au total, les dossiers présents à l’école Jean Janvier ne constituent pas un corpus exclusif et fermé, mais bien un élément central de la reconstitution de la condition des mutilés de la Grande Guerre dans les années 1920 et 1930, en particulier du point de vue de leur retour au travail.

    Récapitulatif des archives utilisées

    Nom du fonds

    Localisation

    Type de documents

    Intérêt du fonds

    Archives départementales d’Ille-et-Vilaine

    Rennes

    Correspondance administrative

    Liens entre l’école Jean Janvier et les institutions étatiques

    Archives municipales de Rennes

    Rennes

    Correspondance administrative

    Liens entre l’école Jean Janvier et les institutions étatiques

    Archives de l’école Jean Janvier

    Rennes

    Dossiers personnels

    Fonctionnement de l’école ; trajectoires biographiques des élèves

    Archives de la Chambre de commerce de Paris

    Paris

    Correspondance administrative

    Relations entre le monde économique et la rééducation profession-

    nelle

    Archives municipales de Lyon

    Lyon

    Dossiers institutionnels

    Comparaison entre l’école Jean Janvier et une autre structure, pendant la

    guerre

    Notes de bas de page

    1 Pour une synthèse relativement précoce de ces principes, qui rassemble contributions de médecins et de responsables politiques, voir Camus Jean et al., Rééducation fonctionnelle et professionnelle des blessés, préface de Justin Godart, Paris, Librairie J.-B. Baillière, 1917.

    2 Mazurel Hervé, « “Nous sommes tous des Grecs”. Le moment philhellène de l’Occident romantique, 1821-1830 », Monde(s), n°1, 1/2012, pp. 71-88 ; Salaris Coline, « Mobiliser par émotions, mobiliser les émotions. Le cas des victimes du Distilbène », Revue française de science politique, vol.67, 5/2017, pp. 857-878.

    3 Le premier et important jalon d’une telle histoire demeure évidemment Prost Antoine, Les anciens combattants et la société française, 1914-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977. De nombreux travaux étrangers ont étudié plus spécifiquement le cas des invalides de la Grande Guerre : Cohen Deborah, The War Come Home, Disabled Veterans in Britain and Germany, 1914-1939, Berkeley, University of California Press 2001 ; Anderson Julie, War Disability and Rehabilitation in Britain, Manchester, Manchester University Press, 2016 ; Linker Beth, War’s waste. Rehabilitation in World War One America, Chicago, University of Chicago Press, 2011 ; Perry Heather, Recycling the disabled : army, medicine, and modernity in WWI Germany, Manchester, Manchester University Press, 2017. Pour une perspective chronologiquement plus étendue : Gerber David, Shay Jonathan (dir.), Disabled veterans in history, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2000.

    4 Sur ce sujet, la référence demeure Revel Jacques, Passeron Jean-Claude (dir.), Penser par cas, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005.

    5 Pour une étude générale sur la rééducation professionnelle, voir notamment Montès Jean-François, 1915-1939, (re)travailler ou le retour du mutilé : une histoire de l’entre-deux-guerres, Nantes, Association pour la réhabilitation professionnelle par le travail protégé, 1991.

    6 Sur l’utilisation des dossiers d’individus en institution, voir notamment : Derrien Marie, « “La tête en capilotade”. Les soldats de la Grande Guerre internés dans les hôpitaux psychiatriques français (1914-1980) », thèse de doctorat, Université Lumière (Lyon-II), 2015.

    7 Pour plus de développement à ce sujet, nous nous permettons de renvoyer à Collard Clément, « Une institution exemplaire de la rééducation professionnelle des mutilés de guerre : l’école Jean Janvier de Rennes dans l’entre-deux-guerres », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°12, été 2018 [http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_12/une_institution_exemplaire_de_la_reeducation_professionnelle_des_mutiles_de_guerre%20_l_ecole_jean_janvier_de_rennes_dans_l_entre_deux_guerres.html, 16/04/2020].

    8 Viet Vincent, La santé en guerre, 1914-1918. Une politique pionnière en univers incertain, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.

    9 Bertschy Sylvain, Salson Philippe (dir.), Les mises en guerre de l’État, 1914-1918 en perspective, Lyon, ENS Éditions, 2018.

    10 AM Rennes, 4Q31 : Lettre du ministre du Travail Pierre Colliard au maire de Rennes Jean Janvier, 22 octobre 1918.

    11 Pour plus de prévisions, voir Collard Clément, « Une institution exemplaire…, art. cit.

    12 AM Rennes, 4Q30 : Lettre du président de la commission de rééducation de l’Office national des mutilés et réformés à Jean Janvier, 26 août 1920.

    13 L’école municipale de rééducation professionnelle pour les mutilés et les réformés de la guerre, 1916-1918, Nantes, Imprimerie Armoricaine, 1918. Voir également : AM Nantes, R1C19 2 à 6.

    14 Soit un effectif constamment au-dessus de 100 élèves, quand d’autres structures peinent à dépasser la dizaine.

    15 Expression qui désigne les accidentés du travail à cette période. Pour une utilisation officielle de ce syntagme, voir la loi de 1924 qui inclut cette catégorie parmi les bénéficiaires de la rééducation professionnelle, Journal officiel de la République Française. Lois et décrets, 5 mai 1924, p. 4101.

    16 Bertschy Sylvain, « Grande Guerre et infirmité : la fin des inutiles au monde ? », in Bouloc François, Cazals Rémy, Loez André (dir.), Identités troublées, Les appartenances sociales et nationales à l’épreuve de la guerre, Toulouse, Privat, 2011, pp. 199-212.

    17 Tous ces principes sont ceux qui dominent le discours sur la rééducation professionnelle depuis qu’elle a été créée pendant la guerre et qui continuent d’être portés dans les années 1920 et 1930.

    18 Livet Pierre, « Les diverses formes de raisonnement par cas », in Revel Jacques, Passeron Jean-Claude (dir.), Penser par cas, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, pp. 229-254.

    19 Voir le versement 20050206 aux Archives nationales.

    20 Lemercier Claire, Zalc Claire, Méthodes quantitatives pour l’historien, coll. Repères, Paris, La Découverte, 2007.

    21 Voir Revel Jacques, Passeron Jean-Claude (dir.), op. cit. Pour une réflexion sur l’analyse sérielle de dossiers, voir Hess Volker, Mendelsohn J. Andrew, « Case and Series: Medical Knowledge and Paper Technology, 1600-1900 », History of Science, n°3-4, vol.48, 2010, pp. 287-314.

    22 Pour cette catégorie d’élèves que sont les mutilés de guerre ; au total, le nombre demeure croissant, grâce au renfort des accidentés du travail et des infirmes civils.

    23 Berstein Serge, Histoire générale politique et sociale : la crise économique et sociale en France de 1930 à 1935, Paris, FNSP, 1986.

    24 AD Ille-et-Vilaine, 10M35.

    25 AP, Fonds de la Chambre de Commerce de Paris, ETP 3/5/15 6, lettre du chef des services administratifs du comité départemental des mutilés de la Seine au président de la Chambre de Commerce de Paris, 21 février 1927.

    26 Pour des réflexions classiques sur la notion d’institution disciplinaire, voir Foucault Michel, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975 ; Goffman Erving, Asiles : études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Éditions de Minuit, 1968.

    27 AM Lyon, 112WP43.

    28 Bourrillon Maurice, Comment rééduquer nos invalides de la guerre, Paris, Berger-Levrault, 1916.

    29 Sur le contrôle de l’alcoolisme chez les vétérans de la Grande Guerre, voir Ridel Charles, L’ivresse du soldat : l’alcool dans les tranchées, 1914-1918, Paris, Vendémiaire, 2016.

    30 Saint-Fuscien Emmanuel, À vos ordres ? La relation d’autorité dans l’armée française de la Grande Guerre, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011. Sur la caserne, voir Roynette Odile, « Bon pour le service » : l’expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 2000.

    31 Archives de l’école Jean Janvier (AEJJ), dossier n°1168 : Pierre Guinguené.

    32 AEJJ, dossier n°24 : Joseph Accary.

    33 AEJJ, dossier n°1786 : Jean Le Bras.

    34 AEJJ, dossier n°975 : Charles Fautrat.

    35 AEJJ, dossier n°1142 : Guillaume Gestin.

    36 AEJJ, dossier n°3156 : Paul Ruel.

    Auteur

    Clément Collard

    Agrégé et doctorant au Centre d’Histoire de Sciences Po, ancien boursier de la fondation Thiers, il est actuellement ATER à l’Institut d’Études Politiques de Paris.

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    1 Pour une synthèse relativement précoce de ces principes, qui rassemble contributions de médecins et de responsables politiques, voir Camus Jean et al., Rééducation fonctionnelle et professionnelle des blessés, préface de Justin Godart, Paris, Librairie J.-B. Baillière, 1917.

    2 Mazurel Hervé, « “Nous sommes tous des Grecs”. Le moment philhellène de l’Occident romantique, 1821-1830 », Monde(s), n°1, 1/2012, pp. 71-88 ; Salaris Coline, « Mobiliser par émotions, mobiliser les émotions. Le cas des victimes du Distilbène », Revue française de science politique, vol.67, 5/2017, pp. 857-878.

    3 Le premier et important jalon d’une telle histoire demeure évidemment Prost Antoine, Les anciens combattants et la société française, 1914-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977. De nombreux travaux étrangers ont étudié plus spécifiquement le cas des invalides de la Grande Guerre : Cohen Deborah, The War Come Home, Disabled Veterans in Britain and Germany, 1914-1939, Berkeley, University of California Press 2001 ; Anderson Julie, War Disability and Rehabilitation in Britain, Manchester, Manchester University Press, 2016 ; Linker Beth, War’s waste. Rehabilitation in World War One America, Chicago, University of Chicago Press, 2011 ; Perry Heather, Recycling the disabled : army, medicine, and modernity in WWI Germany, Manchester, Manchester University Press, 2017. Pour une perspective chronologiquement plus étendue : Gerber David, Shay Jonathan (dir.), Disabled veterans in history, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2000.

    4 Sur ce sujet, la référence demeure Revel Jacques, Passeron Jean-Claude (dir.), Penser par cas, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005.

    5 Pour une étude générale sur la rééducation professionnelle, voir notamment Montès Jean-François, 1915-1939, (re)travailler ou le retour du mutilé : une histoire de l’entre-deux-guerres, Nantes, Association pour la réhabilitation professionnelle par le travail protégé, 1991.

    6 Sur l’utilisation des dossiers d’individus en institution, voir notamment : Derrien Marie, « “La tête en capilotade”. Les soldats de la Grande Guerre internés dans les hôpitaux psychiatriques français (1914-1980) », thèse de doctorat, Université Lumière (Lyon-II), 2015.

    7 Pour plus de développement à ce sujet, nous nous permettons de renvoyer à Collard Clément, « Une institution exemplaire de la rééducation professionnelle des mutilés de guerre : l’école Jean Janvier de Rennes dans l’entre-deux-guerres », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°12, été 2018 [http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_12/une_institution_exemplaire_de_la_reeducation_professionnelle_des_mutiles_de_guerre%20_l_ecole_jean_janvier_de_rennes_dans_l_entre_deux_guerres.html, 16/04/2020].

    8 Viet Vincent, La santé en guerre, 1914-1918. Une politique pionnière en univers incertain, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.

    9 Bertschy Sylvain, Salson Philippe (dir.), Les mises en guerre de l’État, 1914-1918 en perspective, Lyon, ENS Éditions, 2018.

    10 AM Rennes, 4Q31 : Lettre du ministre du Travail Pierre Colliard au maire de Rennes Jean Janvier, 22 octobre 1918.

    11 Pour plus de prévisions, voir Collard Clément, « Une institution exemplaire…, art. cit.

    12 AM Rennes, 4Q30 : Lettre du président de la commission de rééducation de l’Office national des mutilés et réformés à Jean Janvier, 26 août 1920.

    13 L’école municipale de rééducation professionnelle pour les mutilés et les réformés de la guerre, 1916-1918, Nantes, Imprimerie Armoricaine, 1918. Voir également : AM Nantes, R1C19 2 à 6.

    14 Soit un effectif constamment au-dessus de 100 élèves, quand d’autres structures peinent à dépasser la dizaine.

    15 Expression qui désigne les accidentés du travail à cette période. Pour une utilisation officielle de ce syntagme, voir la loi de 1924 qui inclut cette catégorie parmi les bénéficiaires de la rééducation professionnelle, Journal officiel de la République Française. Lois et décrets, 5 mai 1924, p. 4101.

    16 Bertschy Sylvain, « Grande Guerre et infirmité : la fin des inutiles au monde ? », in Bouloc François, Cazals Rémy, Loez André (dir.), Identités troublées, Les appartenances sociales et nationales à l’épreuve de la guerre, Toulouse, Privat, 2011, pp. 199-212.

    17 Tous ces principes sont ceux qui dominent le discours sur la rééducation professionnelle depuis qu’elle a été créée pendant la guerre et qui continuent d’être portés dans les années 1920 et 1930.

    18 Livet Pierre, « Les diverses formes de raisonnement par cas », in Revel Jacques, Passeron Jean-Claude (dir.), Penser par cas, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, pp. 229-254.

    19 Voir le versement 20050206 aux Archives nationales.

    20 Lemercier Claire, Zalc Claire, Méthodes quantitatives pour l’historien, coll. Repères, Paris, La Découverte, 2007.

    21 Voir Revel Jacques, Passeron Jean-Claude (dir.), op. cit. Pour une réflexion sur l’analyse sérielle de dossiers, voir Hess Volker, Mendelsohn J. Andrew, « Case and Series: Medical Knowledge and Paper Technology, 1600-1900 », History of Science, n°3-4, vol.48, 2010, pp. 287-314.

    22 Pour cette catégorie d’élèves que sont les mutilés de guerre ; au total, le nombre demeure croissant, grâce au renfort des accidentés du travail et des infirmes civils.

    23 Berstein Serge, Histoire générale politique et sociale : la crise économique et sociale en France de 1930 à 1935, Paris, FNSP, 1986.

    24 AD Ille-et-Vilaine, 10M35.

    25 AP, Fonds de la Chambre de Commerce de Paris, ETP 3/5/15 6, lettre du chef des services administratifs du comité départemental des mutilés de la Seine au président de la Chambre de Commerce de Paris, 21 février 1927.

    26 Pour des réflexions classiques sur la notion d’institution disciplinaire, voir Foucault Michel, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975 ; Goffman Erving, Asiles : études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Éditions de Minuit, 1968.

    27 AM Lyon, 112WP43.

    28 Bourrillon Maurice, Comment rééduquer nos invalides de la guerre, Paris, Berger-Levrault, 1916.

    29 Sur le contrôle de l’alcoolisme chez les vétérans de la Grande Guerre, voir Ridel Charles, L’ivresse du soldat : l’alcool dans les tranchées, 1914-1918, Paris, Vendémiaire, 2016.

    30 Saint-Fuscien Emmanuel, À vos ordres ? La relation d’autorité dans l’armée française de la Grande Guerre, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011. Sur la caserne, voir Roynette Odile, « Bon pour le service » : l’expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 2000.

    31 Archives de l’école Jean Janvier (AEJJ), dossier n°1168 : Pierre Guinguené.

    32 AEJJ, dossier n°24 : Joseph Accary.

    33 AEJJ, dossier n°1786 : Jean Le Bras.

    34 AEJJ, dossier n°975 : Charles Fautrat.

    35 AEJJ, dossier n°1142 : Guillaume Gestin.

    36 AEJJ, dossier n°3156 : Paul Ruel.

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    Collard, C. (2021). Étudier des trajectoires collectives et individuelles de mutilés dans l’entre-deux-guerres. In D. Accoulon, J. Ribeiro Thomaz, & A.-M. Lalanne Berdouticq (éds.), Des sources pour une Plus Grande Guerre (1‑). Éditions Codex. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.codex.2030
    Collard, Clément. « Étudier des trajectoires collectives et individuelles de mutilés dans l’entre-deux-guerres ». In Des sources pour une Plus Grande Guerre, édité par Damien Accoulon, Julia Ribeiro Thomaz, et Aude-Marie Lalanne Berdouticq. Ploemeur: Éditions Codex, 2021. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.codex.2030.
    Collard, Clément. « Étudier des trajectoires collectives et individuelles de mutilés dans l’entre-deux-guerres ». Des sources pour une Plus Grande Guerre, édité par Damien Accoulon et al., Éditions Codex, 2021, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.codex.2030.

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    Accoulon, D., Ribeiro Thomaz, J., & Lalanne Berdouticq, A.-M. (éds.). (2021). Des sources pour une Plus Grande Guerre (1‑). Éditions Codex. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.codex.1873
    Accoulon, Damien, Julia Ribeiro Thomaz, et Aude-Marie Lalanne Berdouticq, éd. Des sources pour une Plus Grande Guerre. Ploemeur: Éditions Codex, 2021. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.codex.1873.
    Accoulon, Damien, et al., éditeurs. Des sources pour une Plus Grande Guerre. Éditions Codex, 2021, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.codex.1873.
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