Chapitre 8 : La guerre chez soi
p. 191-210
Texte intégral
1Le 22 août 1917, soit à peine deux mois après l’arrivée des premiers contingents de Doughboys à Saint-Nazaire, un incendie éclate sur le port. Il s’agit là indéniablement d’un événement d’une grande banalité et l’on comprend aisément que la rubrique des faits divers de L’Ouest-Éclair ne s’en fasse nullement l’écho. Néanmoins, le sinistre fait l’objet d’un rapport du commissaire spécial de Saint-Nazaire au sous-préfet, archive qui documente de manière particulièrement intéressante ce qui relève manifestement d’un vulgaire accident :
« […] Un incendie s’est déclaré, ce soir, à dix-sept heures dans les magasins en bois contigus à l’hôtel des PTT à Saint-Nazaire, édifiés par le service de l’Intendance et cédés depuis peu à la Base américaine.
Cet incendie, dont on ignore actuellement les causes, s’est éteint après la destruction complète des magasins et des objets qu’ils abritaient, machines, foin, voitures, provisions quelconques.
Sa courte durée, une demi-heure à peine, n’a pas permis de lutter efficacement contre les flammes.
Les dégâts ne peuvent être évalués à cette heure, même approximativement.
Le service d’ordre que s’étaient attribués les militaires américains a provoqué quelques incidents dus à la grossièreté, voire à la brutalité de certains de ces militaires vis-à-vis des autorités de la ville » 1.
2Un tel document est d’un strict point de vue historiographique très instructif. En ce qui concerne la Première Guerre mondiale, il est en effet d’usage de faire la distinction, d’une part, entre les espaces du front, sous-entendu où se déroule la guerre des tranchées, et ceux, d’autre part, de l’arrière. On a néanmoins vu plus haut que la région de Saint-Nazaire peine à s’insérer dans cette vision binaire puisqu’étant située sur un front, maritime certes, mais tout de même un front. Les études menées sur les régions occupées montrent par ailleurs que la présence du conflit se fait également sentir de l’autre côté des tranchées ennemies et l’historien P. Salson a pu, récemment, analyser comment les habitants du département de l’Aisne composent avec cette situation particulière 2.
3Or c’est précisément dans cette veine analytique que s’insère ce rapport de police. La réalité des archives ne nous permet en effet pas de mieux documenter cet incendie et, à notre connaissance, nulle autre source ne nous permet de savoir si effectivement quelques Doughboys se sont montrés à cette occasion « grossiers » voire même « brutaux ». Sans doute que l’excitation du moment, la chronologie très resserrée du sinistre et les différences culturelles contribuent à attiser les tensions mais rien ne nous permet pour l’heure d’aller plus loin dans l’enquête. Pour autant, si ce document est aussi intéressant c’est que, détaillant la réaction des membres du corps expéditionnaire, il révèle l’impact de leur présence et, par conséquent, le poids d’une guerre qui se déroule aussi « chez soi », sur les quais du port de Saint-Nazaire.
4Bien entendu, il ne s’agit pas d’ériger le port ligérien en « ville martyre » et de le mettre sur le même plan que des communes comme Reims ou Ypres qui ont à souffrir dans leurs murs des destructions de la Première Guerre mondiale 3. 14-18 n’est pas 39-45 et le 26 juin 1917 n’est pas le 9 novembre 1942, date d’un bombardement ayant causé la mort de mort de plus de 180 personnes et resté dans les mémoires nazairiennes comme étant le « massacre des apprentis » 4. Pour autant, il n’en demeure pas moins que la présence du corps expéditionnaire américain dans l’estuaire de la Loire entre 1917 et 1919 n’est pas neutre. Leur nombre mais également l’ensemble des représentations mentales qui sont associées aux Doughboys, que celles-ci soient positives ou non, contribuent à modifier le quotidien des Nazairiens. C’est bien là la réalité de la présence de cette guerre subie « chez soi », sentiment qui est l’origine de certaines conduites pouvant s’apparenter à un processus de dé-totalisation du conflit. Ajoutons du reste que semblable réflexion pourrait sans doute être menée à propos des réfugiés belges et du nord de la France qui, à l’été 1914, viennent se replier dans la région, fuyant l’avance allemande.
5Trois éléments permettent, plus particulièrement, d’étayer l’analyse et de détailler le poids de cette guerre que les États-Unis mènent, pour partie, de Saint-Nazaire. On l’a vu, la présence de ces milliers d’hommes nécessite des infrastructures et implique donc un certain nombre de réquisitions qui sont autant de contraintes qui s’exercent sur les populations locales. Celles-ci sont de surcroît confrontées à une hausse considérable du coût de la vue pendant le conflit et le fait que cette inflation soit unanimement attribuée aux Américains dit tout autant le poids de cette présence que les logiques de dé-totalisation à l’œuvre. Enfin, l’épineuse question de la prophylaxie des maladies vénériennes invite à interroger les différences culturelles dans un conflit qui place la pureté en vertu cardinale.
Face aux réquisitions
6Dès l’été 1914, la guerre occupe l’espace public. Mais à Saint-Nazaire cette pression est incontestablement plus importante à partir de l’été 1917, au moment de l’arrivée des Américains. Pour ne citer qu’un exemple, les côtes du département de Loire-Inférieure et l’estuaire de la Loire sont érigés, dès le 16 août 1917, en « zone spéciale » où s’exerce l’état de siège. La circulation des personnes ainsi que la correspondance s’en trouvent d’autant plus contrôlés 5, ce qui à n’en pas douter contribue à accréditer cette idée de guerre totale. En juin 1918, ce sont les communications téléphoniques privées qui sont restreintes, priorité étant donnée, compte tenu de la saturation du réseau, aux communications militaires 6.
Figure 18 : Géographie simplifiée des implantations du corps expéditionnaire américain en France

7Le secteur des transmissions, cette arme essentielle aux armées modernes, dit d’ailleurs bien les différentes forces de totalisation qui s’exercent entre 1917 et 1919 dans la région de Saint-Nazaire. Les éléments du corps expéditionnaire sont disséminés sur l’ensemble du territoire français et il importe de relier tous ces éléments afin qu’ils puissent communiquer : le Grand Quartier Général de Pershing à Chaumont, les troupes combattantes qui, progressivement, entrent en première ligne, les Services of Supply dans les ports de l’Atlantique et leur quartier général à Tours, l’immense gare de Gièvres… sans compter les officiels américains en poste à Londres. Aussi est-ce pourquoi les hommes du Signal Corps élaborent un immense réseau téléphonique et télégraphique dont la nécessité est vitale : c’est en effet par ces outils que peuvent être transmis rapidement les ordres. Or, sans ordres, une armée est inopérante et l’on sait que la Première Guerre mondiale, et encore plus pendant l’été 1918 lors du retour des opérations en terrain ouvert, nécessite des réactions extrêmement rapides, pour ne pas dire quasiment instantanées. C’est là une marque incontestable de la modernité de ce conflit. Un article du Evening Times-Republican, un journal publié dans l’Iowa, et daté du 26 septembre 1918 explique d’ailleurs bien tous les enjeux que cristallise ce Signal Corps :
« C’est une mise en réseau complète de l’armée, front et arrière, quartier général, état-major et tranchées, connectant en permanence les officiers généraux, leurs divisions et tous les éléments du corps expéditionnaire sur le gigantesque champ des opérations. Le mouvement des troupes et les combats actuels sont très largement dépendants de cette arme de la communication qui non seulement assure la cohésion du corps expéditionnaire mais maintient l’unité de commandement » 7.
8En connectant ainsi le monde et en faisant paraître les distances moins importantes du fait de communications toujours plus rapides, le conflit est assurément à la source d’un sentiment de grande modernité pour les contemporains. L’ouverture en août 1918 de la première liaison aérienne postale entre Paris et la base américaine de Saint-Nazaire, afin d’accélérer l’acheminement du courrier des Doughboys, est de ce point de vue particulièrement éclairante et participe sans aucun doute d’une idée de progrès technique mais aussi de guerre sans cesse plus totale, l’effort conduisant à la victoire parvenant même à modifier le rapport des contemporains à l’espace 8. L’établissement à l’été 1917 d’une ligne téléphonique reliant Saint-Nazaire à Saumur, Orléans, et Nevers est à cet égard hautement stratégique pour le corps expéditionnaire. Illustration concrète du processus de totalisation en cours, ce projet justifie même pour les autorités que l’on revienne sur une liberté individuelle fondamentale, le droit de propriété. C’est ainsi que le directeur des Postes et des Télégraphes de Loire-Inférieure, suivi du reste par le préfet de ce département, explique que pour mener à bien ce chantier
« il sera nécessaire de procéder d’office à des élagages d’arbres et arbustes appartenant à des particuliers ; on devra aussi vraisemblablement toucher notamment dans les traversées de bourgs à quelques immeubles privés pour y placer des appuis téléphoniques lorsque la plantation des poteaux sur la voie publique n’apparaîtra pas possible.
Il y a lieu d’espérer que dans la presque totalité des cas mon service et celui du Signal Corps américain obtiendront des particuliers les autorisations amiables nécessaires pour procéder aux travaux dont il s’agit, lesquels intéressent à un haut degré la Défense nationale. Mais, pour le cas où quelques difficultés seraient soulevées, il est indispensable que l’on puisse passer outre, l’établissement des circuits qui nous occupent ne comportant aucun retard » 9.
9Un an plus tard, l’administration des Postes et Télégraphes demande que de semblables mesures soient prises pour l’établissement d’une nouvelle ligne téléphonique, reliant cette fois-ci Saint-Nazaire à Brest par La Roche-Bernard 10. À dire vrai, ces réquisitions sont déjà connues et décrites dans leurs grandes lignes par Y.-H. Nouailhat dans les années 1970 11. Néanmoins, il importe de revenir sur cet objet car, au final, elles disent bien le poids de la guerre telle qu’elle est vécue « chez soi » et montrent que le processus de totalisation n’est pas sans limites, bien au contraire.
10Certes, la majorité des opérations s’effectue sans aucun problème et les paysans expropriés ne paraissent faire aucune difficulté face aux exigences qu’impose l’effort de guerre. Mais l’acceptation des réquisitions n’est pas sans révéler, dans le même temps, d’autres considérations. Propriétaire de terrains qui se situent exactement là où le corps expéditionnaire projette à l’automne 1917 de creuser l’étang du Bois Joalland afin de pourvoir à l’alimentation en eau de la ville de Saint-Nazaire 12, Nazaire Couronné rappelle que les intérêts particuliers et les calculs personnels ne disparaissent pas totalement derrière l’impératif de victoire. Ainsi, dans une lettre adressée le 13 décembre 1917 à son épouse, il confesse : « Puissent les Américains nous dédommager par une bonne indemnité » 13. Quelques jours plus tard, il explique que l’hectare de terre dans le secteur du Bois Joalland vaut 90 francs et qu’il souhaite en obtenir 100 14.
11Tous les dossiers ne sont toutefois pas aussi simples et certains paraissent pâtir des difficultés existant entre, d’une part, le corps expéditionnaire américain qui détermine les terrains dont il a besoin, d’autre part les services du génie de la 11e région militaire en charge de la procédure administrative de réquisition. C’est ainsi qu’à la faveur d’un dysfonctionnement un propriétaire de dunes sur la commune d’Escoublac est mis à l’automne 1917 devant le fait accompli et se plaint d’avoir « su par son régisseur que les Américains étaient en train, sans en avoir sollicité aucune autorisation préalable et sans même avoir avisé le propriétaire, d’installer une ligne de chemin de fer pour exploiter le sable de ces dunes et en retirer 100 000 mètres cubes pour des travaux à effectuer à la gare de Montoir ». Heureusement, la personne est de bonne composition et les services préfectoraux notent que :
« M. Baillergeau qui est un excellent Français, n’a pas, à proprement parler, protesté. Il est tout disposé à aider dans la mesure du possible les Américains, mais il voudrait pouvoir être consulté pour indiquer aux autorités chargées de l’exploitation en question, les endroits où il peut être pris du sable sans inconvénient » 15.
12Certaines conduites individuelles vont toutefois plus clairement à l’encontre des projets du corps expéditionnaire et, ce faisant, révèlent quelques logiques de dé-totalisation du conflit. À Campbon, le président du Syndicat des marais proteste auprès de l’autorité préfectorale contre un barrage établi en amont de Pontchâteau par le corps expéditionnaire pour assurer les réserves aquifères nécessaires à la ville de Saint-Nazaire. Il avance en effet que les fermiers des environs se retrouveraient dans l’impossibilité de faire paître leurs bêtes sur ces prairies inondées, sans compter que la récolte du foin serait grandement compromise. Ce sont donc deux intérêts divergents qui s’affrontent ici et c’est d’ailleurs sous l’angle d’un rapport de forces que les autorités civiles et militaires françaises et américaines envisagent la question : « la procédure de réquisition temporaire des terrains compris dans le périmètre inondé sera continuée par le Génie militaire français et […] l’armée américaine fera tout le nécessaire pour indemniser à l’amiable, aussi rapidement que possible, les propriétaires intéressés, réserve étant faite, au cas où les exigences de ces propriétaires seraient inadmissibles » 16. Ces exemples ne sont pas exceptionnels et ne sauraient être considérés comme des cas statistiquement marginaux. Le Service de santé de l’armée américaine rappelle ainsi dans les années 1920 que l’installation des hôpitaux du corps expéditionnaire dans des bâtiments cédés temporairement par l’armée française, comme c’est le cas par exemple au sein du collège de garçons de Saint-Nazaire ou de l’école normale de Savenay, ne se fait pas sans grandes difficultés : « les réclamations sans fin des propriétaires engendraient des correspondances quasiment illimitées et conduisaient à de gros retard dans la mise en service de ces infrastructures » 17. Ici, l’effet d’aubaine semble jouer à plein et rappelle non seulement le poids de la guerre « chez soi » mais que les intérêts particuliers ne disparaissent pas derrière l’Union sacrée pour la défense de la patrie.
13Dans les parages de Saint-Gildas-des-Bois, à la lisière entre les départements de Loire-Inférieure et du Morbihan, la situation est encore plus tendue. Des habitants pétitionnent en effet en février 1918 pour protester contre des projets américains de captation et d’adduction des eaux des étangs du Gué aux Biches et de la Roche Hervé, travaux pourtant sensibles puisque destinés, là encore, à assurer l’alimentation de Saint-Nazaire 18. À la base du contentieux, il y a un réel dysfonctionnement des autorités françaises et américaines puisque les propriétaires paraissent avoir été mis devant le fait accompli. Aidés d’huissiers, ils estent d’ailleurs près le tribunal civil de Saint-Nazaire qui leur donne raison et réclame que la procédure normale de réquisition soit suivie 19. Mais le vice de forme ne doit pas masquer l’essentiel : en plein hiver 1918, alors que le conflit est enlisé dans l’immobilisme de la guerre de positions et semble bien loin de trouver une quelconque issue, deux individus attaquent en justice pour faire valoir des droits qui s’opposent aux impératifs dictés par l’effort de guerre, et en l’occurrence aux besoins du corps expéditionnaire américain. Certes, au final, ils ne l’emportent pas puisque la décision rendue ne porte, on l’a vu, que sur la forme, pas le fond. Pour autant, cet exemple rappelle que les exigences dictées par la poursuite du conflit et la quête de la victoire ne priment pas tout. D’ailleurs, quelques jours plus tard, l’un des deux plaignants, constatant que les travaux américains se poursuivent sur ses terres sans qu’aucune procédure de réquisition n’ait été initiée, assigne en référé le préfet de Loire-Inférieure. Le jugement est particulièrement sévère et rappelle tout d’abord « que l’État français, intermédiaire entre les particuliers français et les autorités américaines, est responsable des agissements de celles-ci sur les propriétés particulières françaises ». Puis, enfonçant le clou, le magistrat juge que les travaux incriminés « constituent une violation pure et simple des droits de propriété » et condamne le corps expéditionnaire à rétablir les lieux dans leur ancien état, sanction assortie d’une amende de 5 000 francs majorée de 50 francs par jour de retard 20.
Figure 19 : La Roche Hervé, le Gué aux Biches et le réservoir de Vaud Casso pour alimenter en eau Saint-Nazaire

14L’exposé de la situation par le sous-préfet de Saint-Nazaire, s’il fait bien entendu la part belle au discours victimaire des plaignants, n’est pas sans révéler un certain immobilisme d’individus qui, comme hors du temps, paraissent échapper complètement à l’Histoire en cours : « Nos populations paysannes qui vivent depuis des siècles dans la plus parfaite quiétude en ce qui concerne l’intangibilité de leurs droits, ne comprennent pas que l’on puisse, sans les avertir, porter atteinte à des situations acquises qu’elles considèrent comme sacrées » 21. Il est vrai que les propriétés concernées sont vastes et que plusieurs fermes auraient à souffrir de tels travaux, ainsi que quelques moulins qui, privés du débit du Brivet, se retrouveraient au chômage 22. C’est d’ailleurs ce qu’explique le maire de Dréfféac, une commune voisine de Saint-Gildas-des-Bois :
« Les troupes américaines ont effectué à Pontchâteau sur la rivière du Brivet un barrage destiné à retenir l’eau qui doit, paraît-il, être envoyée à Saint-Nazaire au moyen de tuyaux. Or par suite de ce fait il se trouve que les prairies situées en amont sur la commune de Dréfféac sont complètement inondées au grand préjudice des cultivateurs riverains qui n’ont été informés absolument de rien. Si cet état persiste des cultivateurs et des fermiers vont se trouver ruinés n’ayant rien à donner à manger au bétail dès le mois de juillet prochain. L’émoi causé dans les campagnes est d’autant plus grand que le bruit se répand, à tort ou à raison, que les Américains ne paient aucune indemnité » 23.
15L’argent semble donc jouer un rôle essentiel et l’aura de richesse des Américains agir à la manière d’un effet d’aubaine. Mais, le discours du sous-préfet de Saint-Nazaire ne doit pas induire en erreur. Contrairement à ce que l’on pourrait de prime abord penser, ce ne sont pas les paysans lésés par la montée des eaux qui sont visés. Même si les marais briérons forment une région isolée, les familles qui l’habitent ne sont nullement épargnées par la guerre. Au contraire même, si l’on veut bien se rappeler que l’arme la plus mortifère, l’infanterie, recrute essentiellement en zone rurale. Ceux que visent les propos du haut-fonctionnaire sont en réalité les deux plaignants, propriétaires de ces terres immergées, à savoir Paul Pichelin mais surtout Joseph de Marcé des Louppes.
16Tous deux incarnent en effet deux logiques différentes mais qui, assurément, participent bien d’un processus de dé-totalisation du conflit. Pour Paul Pichelin, celui-ci constitue assurément une rupture en ce que les projets du corps expéditionnaire américain entravent directement son patrimoine. Directeur du Crédit nantais, il est l’illustration même de cette bourgeoisie d’affaire fidèle à la République et incarne ce poids d’un conflit qui se déroule aussi « chez soi » et qu’il ne souhaite pas supporter. S’il ne remet pas en cause les besoins des Américains et les impératifs de l’effort de guerre, il souhaite avant tout que celui-ci se fasse ressentir ailleurs que chez lui : « Je ne comprends pas comment au lieu d’un projet qui entraîne de si graves conséquences et de si grosses indemnités, l’état-major américain ne songe pas plutôt à amener l’eau de la Loire prise à Couëron, là où elle n’est plus salée, par tuyautage jusqu’à Saint-Nazaire ; la longueur du tuyautage est sensiblement la même (à 6 km près) et il semble qu’aucune indemnité importante et aucun travail d’art dispendieux ne seraient à envisager » 24.
17Les projets hydrauliques du corps expéditionnaire américain menacent également le patrimoine de Joseph de Marcé des Louppes, peut-être même plus que celui de Paul Pichelin d’ailleurs. Mais, la conduite de cet authentique aristocrate, produit d’un lignage remontant au XIVe siècle et dont la femme n’est nulle autre que la sœur du futur maréchal de Lattre de Tassigny, s’ancre probablement dans un rapport plus conflictuel avec la République et ses représentants. Propriétaire du château de Casso en Ponchâteau, ainsi que d’un certain nombre de terres aux alentours, ce comte est également maire, depuis 1911, de ce chef-lieu de canton du département de Loire-Inférieure 25. À l’instar de la famille de Montaigu qui règne sans partage sur la commune voisine de Missillac, il illustre cette petite noblesse bretonne qui non seulement règne sans partage sur des fiefs qui ne sont pas qu’électoraux mais n’hésite pas, à l’occasion, à s’opposer frontalement à la politique de l’État. On sait par exemple avec quelles difficultés les lois Ferry sur l’instruction publique peinent à y être appliquées et c’est bien la même logique qui, ici, semble de mise 26. Considérant manifestement ce territoire comme étant de son seul et unique ressort, le comte n’hésite pas à attaquer en justice l’État pour s’opposer à un projet du corps expéditionnaire américain, quand bien même celui-ci serait d’une grande importance pour l’effort de guerre. Ici, la situation est d’autant plus paradoxale que Joseph de Marcé des Louppes est lui-même mobilisé en tant que sous-lieutenant de réserve au 72e régiment d’infanterie et qu’il gère cette affaire depuis le front 27.
18Un cas tel que celui-ci est particulièrement intéressant. En effet, il rappelle tout d’abord combien les identités civiles et militaires sont au final beaucoup plus mêlées que ne le suggère la traditionnelle dichotomie entre arrière et front 28. Mais, pour ce qui nous intéresse ici, Joseph de Marcé des Louppes montre comment celles-ci peuvent entrer en confrontation directe et participer, au final, d’une sorte de schizophrénie qui, dans le cas présent, s’apparente pour une certaine part à une logique de dé-totalisation du confit en cours. Il n’est d’ailleurs pas certain que celle-ci soit consciente, autrement dit que le sujet comprenne parfaitement la portée de sa conduite. Il n’en demeure pas moins que, dans le cas présent, la logique de dé-totalisation semble prendre le pas sur les impératifs édictés par l’effort de guerre puisqu’au final le réservoir projeté au domaine de Casso n’est pas construit 29.
Inflation et augmentation du coût de la vie
19On pourra toujours argumenter que les réactions à ces réquisitions ne sont qu’un phénomène statistiquement marginal et que les logiques de dé-totalisation à l’œuvre, en conséquence, ne concernent que quelques individus. Il en va tout autrement de l’assertion selon laquelle ce sont les Américains qui sont responsables de l’inflation qui frappe Saint-Nazaire et sa région. Précisons du reste que celle-ci germe bien avant l’Armistice du 11 novembre 1918. Dès l’été 1917, le journaliste Edmond Lainé explique dans les colonnes du Gaulois que le soldat américain, « ne distinguant pas la valeur de l’argent et payant sans compter, il fait monter tous les prix » 30. Avant même que le premier Doughboy ne pose le pied en Basse-Loire, la perspective d’ériger Saint-Nazaire en base de débarquement du corps expéditionnaire suscite quelques craintes parmi la population locale et le président de la Chambre de commerce se fait l’écho, dans la séance tenue le 15 juin 1917, de propos faisant état d’une crainte de l’augmentation du coût de la vie qu’entraînerait une telle arrivée, perspective qu’il balaye tout naturellement d’un revers de main31.
20Il est d’ailleurs intéressant de constater que, dans les années 1970, Y.-H. Nouailhat s’attarde longuement sur ce point pour, finalement, en conclure que « l’augmentation des prix de la région a été provoquée avant tout par les mêmes causes générales dans toute la France » 32. Évoluant dans une perspective d’histoire sociale, il cherche à déterminer si oui ou non les Doughboys sont responsables de l’inflation et peine à donner une réponse claire. Montrant, indice des prix à l’appui, la hausse du coût de la vie, il semble néanmoins hésiter quant à la part prise par les Américains dans cet état de fait. 45 ans plus tard, la documentation ne nous permet toujours pas d’être définitif puisque si le phénomène est général, y compris dans des territoires où la présence américaine est relativement faible, on a vu que ces soldats constituent une clientèle prisée des commerçants, certains se montrant à l’occasion peu scrupuleux.
21Dans le cadre d’une réflexion sur la guerre totale, les apports de l’histoire culturelle s’avèrent ici décisifs. En effet, s’il semble à peu près impossible de statuer définitivement, du fait de l’état des archives, sur la responsabilité ou non des American Expeditionary Forces dans la flambée des prix qui frappe l’estuaire de la Loire, l’idée selon laquelle se sont bien les Sammies qui en sont la cause constitue un discours qui n’est pas neutre. Et c’est bien cette idée, cette subjectivité, qui interpelle l’historien et qu’il convient d’analyser. En d’autres termes, ce discours n’est ni plus ni moins qu’une matérialisation des tensions qui se font sans cesse plus importantes entre Français et Américains. Du point de vue des populations civiles, cette dénonciation de la responsabilité américaine s’apparente même à une logique de dé-totalisation puisqu’elle fait primer la défense d’un intérêt particulier – le pouvoir d’achat – sur la nécessaire concorde entre alliés, condition pourtant sine qua non de la victoire. Détail qui ne manque pas d’interpeller, lorsque les relations de la municipalité avec le corps expéditionnaire fraîchissent au début de l’année 1919, Louis Brichaux n’hésite pas à dénoncer « les surenchères pratiquées par les troupes américaines » 33. Dès lors, c’est aussi à une histoire politique de l’inflation qu’il convient de se livrer puisqu’en l’attribuant aux Doughboys, les autorités françaises désignent un coupable d’autant plus idéal qu’il les disculpe largement et masque leur incapacité à résoudre les problèmes liés à l’augmentation du coût de la vie.
22Ajoutons que si l’inflation est un dossier qui revient très régulièrement sur la table lorsqu’on évoque la question de la présence américaine à Saint-Nazaire entre 1917 et 1919, il est intéressant de constater qu’elle n’est la plupart du temps considérée que du point de vue de la hausse des prix des denrées de détail. Les salaires élevés accordés aux individus employés directement par le corps expéditionnaire sont, pour leur part, rarement évoqués. Pourtant, il s’agit là d’une question des plus intéressantes pour qui interroge le processus de totalisation en cours lors de la séquence 1914-1918. On a en effet vu précédemment que derrière ces conduites qui, à première vue, participent de la mobilisation de l’arrière au service de l’effort de guerre, existent d’autres logiques, plus individuelles. Celles-ci peuvent parfois aller à l’encontre de l’idée d’Union sacrée entre les deux nations alliées. L’exemple du 19th Engineers, l’unité qui construit dans des ateliers des Forges et Chantiers de la Loire des locomotives expédiées en pièces détachées des États-Unis, dit bien ces difficultés, qui, au quotidien, opposent Américains et Français, à mille lieues des mises en scène opérées par les autorités. En effet, pour pouvoir mener à bien la mission qui lui est confiée, cette unité est contrainte de se reposer sur une part de main-d’œuvre locale. On connaît grâce aux travaux pionniers d’Y.-H. Nouailhat l’empressement des ouvriers nazairiens à travailler à des conditions particulièrement favorables pour l’Oncle Sam. Pour autant, le son de cloche apporté par le lieutenant Frederic Todd est intéressant en ce qu’il permet d’explorer plus profondément la relation de travail entre Français et Américains, en tout cas au-delà de la signature du contrat de travail :
« Chaque compagnie lors de son arrivée fut accueillie avec enthousiasme par les autorités françaises, et fut regardée avec désapprobation par les ouvriers avec qui elles devaient être associées. Dans certains cas, cela était dû à l’idée que les Américains [en Français dans le texte, NDA] avaient les postes faciles, bien en arrière des premières lignes pendant que les ouvriers français, eux, étaient envoyées au front, dans les tranchées. Mais dans d’autres cas, les ouvriers français se plaignaient de ce que les standards de production américains étaient bien plus élevés que ceux auxquels ils pouvaient prétendre, même en travaillant plus longtemps pour un salaire moindre. C’est un fait que les Américains dans les ateliers ont plus produit en une journée de huit heures que les ouvriers français en dix ou douze heures, alors que les horaires étaient justement décalés pour éviter que des plaintes puissent être formulées à propos de ce score. Un cas tout-à-fait intéressant est d’ailleurs survenu à Saint-Nazaire. Les locomotives montées par les Français l’étaient habituellement en trois semaines. La première qui le fut par les Américains l’a été en trois jours, de surcroît uniquement avec l’outillage disponible sur place. Les ouvriers français affirmaient qu’elle ne marcherait pas et leur étonnement fut manifeste lorsqu’ils constatèrent le contraire » 34.
23Bien entendu, en tant qu’historien régimentaire, son propos n’est sans doute pas totalement neutre, sa fonction étant de glorifier l’action du 19th Engineers. Mais objectivée, cette subjectivité devient intéressante en ce qu’elle montre l’écart qui, concrètement, à l’atelier, sépare Français et Américains. Ce faisant c’est bien une limite essentielle du processus de totalisation du conflit qui ici se dévoile au sein de l’atelier alors que, précisément, ce lieu où sont construites les fameuses locomotives Baldwin paraît emblématique d’une guerre industrielle mobilisant l’ensemble des ressources des pays belligérants.
24De semblables biais peuvent également être observés à propos des soldes que touchent les militaires, le montant variant sensiblement suivant que l’on porte un uniforme de l’armée française ou du corps expéditionnaire américain. Il en résulte une certaine condescendance envers les habitants de l’hexagone, assimilée à une population pauvre. Les mémoires de Léonce Cubaynes en témoignent d’ailleurs parfaitement. Jeune appelé au bataillon du 147e RI tenant garnison à Saint-Nazaire pendant le conflit, il se souvient :
« Comme je parlais un peu l’anglais, je liais connaissance avec les sammies, d’autant mieux que ceux-ci avaient une grande admiration pour l’armée française en général et une certaine commisération pour nous, pauvres gosses mal vêtus et mal payés. Pensez qu’un simple soldat américain touchait 5 francs par jour, 20 fois plus que son camarade français ! Aussi se trouvait-il toujours un brave garçon d’Outre-Atlantique pour régler les consommations, nous offrir des cigarettes ou ces petits sacs de toile blanche qui contenaient un tabac blond brisé, qui permettait de rouler des cigarettes plus élégantes et agréables à fumer que le tabac de troupe français, noir et plein de bûches. »35
25Derrière l’apparence du partage conforme à l’idée de guerre totale se cachent donc d’autres réalités, plus asymétriques, qui soulignent au contraire les limites de ce processus. En lisant Léonce Cubaynes, on comprend d’ailleurs que cette aisance financière puisse être assimilée à de l’arrogance ou à de la suffisance et rajoute, au final, de la tension à un climat qui n’en manque pas. Sans doute certaines des rixes entre militaires français et américains abondamment relayées par la presse locale trouvent-elles leur source dans cette disparité des soldes et, de manière générale, dans ce double biais, les Français percevant les Américains comme immensément riches, les Américains considérant au contraire les Français comme une population pauvre.
Face à la « mitrailleuse à tréponème »
26En tout cas, pour le commissaire de police de Saint-Nazaire, ces sont bien ces lucratives perspectives qui conduisent vers le port ligérien de nombreuses prostituées, « alléchées par l’espoir d’un gain facile ». Il en résulte une situation d’autant plus critique que les services de police, et notamment ceux dévolus aux mœurs, sont complètement dépassés par la situation, les effectifs étant passablement amputés par les impératifs de la mobilisation. La situation est si grave que le commissaire central de Saint-Nazaire avoue, en octobre 1917, que « la débauche [s’y] est affichée sans pudeur sur la voie publique » 36.
27La presse locale regorge en effet d’affaires sordides qui, toutes, établissent un lien entre prostitution et soldats d’une part, militaires du corps expéditionnaire américain d’autre part, ces deux catégories se confondant la plupart du temps. C’est ainsi par exemple que dans son édition du 3 août 1918, L’Ouest-Éclair expose que « au cours d’une perquisition effectuée au débit Hervé, rue Petite Bretagne, actuellement fermé par ordre de l’autorité militaire, deux filles de mauvaise vie, Leray Marie, 26 ans et Labarre Léonie, 19 ans, ont été trouvées en compagnie de deux soldats alliés » et précise même que « procès-verbal a été dressé » 37. Le 17 février 1919, le même quotidien rapporte que
« Une instruction est ouverte contre la dame Lemaître Lucie, veuve Guilbaud, 62 ans, débitante au Pont-de-Paille en Trignac, pour excitation de mineures à la débauche. Plusieurs jeunes filles de 15 à 18 ans et même des fillettes de 12 à 13 ans auraient été attirées dans ce débit où elles se rencontraient avec des soldats et des noirs américains » 38.
28La rubrique des fait divers se révèle donc encore une fois être une archive précieuse en ce qu’elle offre au regard une société des bas-fonds qui, quoiqu’interlope, n’est pas sans se faire l’écho de logiques qui vont à l’encontre de la guerre totale et de la parfaite symbiose entre alliés. C’est ainsi que le 22 février 1919 la presse locale rapporte l’histoire d’un jeune martiniquais, présenté comme un « méchant nègre », qui « par pure jalousie […] a frappé à coups de couteau des marins américains, parce qu’ils étaient admis dans une maison close dont on venait de lui fermer la porte au nez » 39. Bien entendu, un tel fait divers ne saurait être généralisé à l’ensemble des relations franco-américaines dans l’embouchure de la Loire, même après l’Armistice du 11 novembre 1918. Pour autant, il est indéniable qu’il fait écho à de nombreuses rixes, agressions et autres affaires de coups et blessures qui mettent aux prises des ressortissants des deux pays et font les choux gras des gazettes locales. Il en résulte une présence de la guerre dans la région de Saint-Nazaire qui, bien entendu, n’est pas sans peser sur la population.
29La prostitution n’a pour autant rien de nouveau à Saint-Nazaire et ne naît ni avec la Première Guerre mondiale, ni avec l’arrivée du corps expéditionnaire. Ce qui l’est, en revanche, c’est la manière dont elle est considérée pendant ce conflit et, à partir de 1917, est diversement combattue par Marianne et l’Oncle Sam. L’affaire Margueritte Bouthors, jugée par le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire à la fin du mois de novembre 1917, rappelle ainsi combien surgissent de nombreux espaces de dé-totalisation du conflit révélant, au final, des failles, des ambiguïtés voire des rivalités entre services américains et français.
30La prophylaxie des maladies vénériennes est jusqu’en 1919 une question particulièrement sensible, Paris et Washington ayant à ce propos des vues singulièrement différentes 40. Menée au nom de la « civilisation » et du « droit », la Première Guerre mondiale est en effet indissociable d’un discours de la pureté qui postule une sorte de régénération par le feu et le sacrifice des tranchées. Dans ce schéma de pensée, c’est aussi sur le terrain des mœurs que doit se gagner le conflit et ces infections, comprises uniquement par l’intermédiaire du prisme prostitutionnel, sont rapidement érigées en véritables figures de l’ennemi intérieur. La note que produit le 11 octobre 1916 le sous-secrétaire d’État du service de santé militaire Justin Godard est à cet égard particulièrement révélatrice. Alors que les batailles de la Somme et de Verdun font rage, le ministre attire l’attention des généraux commandant les régions militaires de l’arrière sur « la progression constante » des maladies vénériennes. Pour la seule 11e région militaire, celle qui englobe les départements du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Inférieure et de la Vendée, ce ne sont ainsi pas moins de 202 mobilisés qui sont atteints au cours des mois de juillet et août 1916 de blennorragie, 29 de chancre simple et 101 de syphilis primaire 41. Ce sont autant de combattants potentiels qui devront bénéficier de plusieurs mois de convalescence et ne pourront, donc, rejoindre leurs compagnons d’armes aux tranchées. En d’autres termes, si ces maladies sexuellement transmissibles préoccupent autant les autorités civiles et militaires françaises, c’est qu’elles menacent le potentiel humain du pays. À une époque où la puissance d’une nation se mesure en nombre de soldats mobilisables, la menace n’est pas mince.
31Les États-Unis ne diffèrent sur ce point pas de la France et portent une même attention aux maladies vénériennes, et encore plus lorsqu’il s’agit de troupes noires. T. Saintourens rapporte ainsi que la moitié des communications que Pershing adresse au 369th Harlem Hellfighters, unité newyorkaise dont les rangs sont essentiellement composés d’afro-américains, porte sur cette question. Le colonel Hayward qui la commande est même obligé pendant l’hiver 1918, alors que le régiment se trouve à Saint-Nazaire, de se justifier en avançant que ses hommes sont « propres » et qu’aucun cas de maladie vénérienne n’a été à déplorer depuis trois mois 42. Notons qu’ici le stéréotype de la négritude associé à la sexualité prétendument débridée des populations issues des pays chauds joue à plein 43. Toutefois, cette peur partagée, tant de la part des autorités françaises qu’américaines, de la « mitrailleuse à tréponème » est bien caractéristique d’une guerre comprise comme étant totale, la victoire sur le champ de bataille ne pouvant être obtenue qu’au prix d’une morale sans faille.
32Sans surprise, les prostituées qui exercent à Saint-Nazaire ne tardent pas à susciter de vives réactions et c’est une célèbre abolitionniste, G. Avril de Sainte-Croix, présidente de la Commission internationale pour l’Unité de la Morale et contre la Traite des Femmes, qui la première, sonne la charge en septembre 1917 44. Affirmant notamment que le drapeau américain flotte sur trois maisons de tolérance du port ligérien, elle demande aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation et que cesse le commerce de la chair. L’affaire fait grand bruit car la féministe s’adresse directement au ministère de l’Intérieur et n’hésite pas à se montrer menaçante :
« Dès le début des hostilités, je me suis efforcée de gagner à la cause des Alliés les sympathies des milliers de femmes américaines affiliées à notre Conseil International. C’est avec joie qu’elles nous ont donné leurs fils. Il ne faut pas qu’elles puissent regretter aujourd’hui de les avoir envoyés en France. Cela serait d’autant plus désastreux que nos ennemis en profiteraient pour créer en Amérique où l’opinion féminine a une si grande importance, un mouvement anti-français » 45.
33De tels propos relèvent bien d’une logique de dé-totalisation du conflit puisque, à l’évidence, la guerre contre l’Allemagne ne prime pas tout pour G. Avril de Sainte-Croix. Pour elle, c’est bien l’abolition de la prostitution et non la défaite de l’Allemagne qui, plus que tout, marque le triomphe de la « civilisation » sur la « barbarie ».
34Il est néanmoins difficile de démêler le bon grain de l’ivraie dans la description véritablement apocalyptique que G. Avril de Sainte-Croix donne de la situation prostitutionnelle nazairienne. À en croire un rapport du service de vénérologie de la 11e région militaire, il existe en septembre 1917 plus de 240 filles encartées dans le port ligérien, c’est-à-dire qui bénéficient d’un strict encadrement médico-policier. Mais, bien entendu, ce chiffre ne tient pas compte de la prostitution clandestine, par définition plus difficile à évaluer 46. Visiblement piqué au vif, le sous-préfet de Saint-Nazaire se montre pour sa part très offensif et conteste au mot près le tableau dressé par la célèbre féministe :
« Qu’il me soit permis de dire que je suis de ceux qui personnellement et non pas seulement professionnellement, tiennent à la propreté de la rue. Si, aux moments où la police était la plus insuffisante, il y a eu des scènes scandaleuses, elles ont certainement été bien rares. Quant à écrire que les soldats Américains sont assaillis par des bandes de filles dont aucun agent n’a mission de réprimer l’impudence c’est de la littérature n’ayant jamais correspondu, même à la loupe, à la réalité.
Moi qui suis en contact permanent avec le Commandement américain, je puis me dire plus au courant de ses impressions qu’une dame qui passe, ou qui n’est peut-être jamais passée à Saint-Nazaire, mais s’est contentée de recueillir les dires d’autres voyageurs. Ce qui a ému le Commandement Américain, c’est la diffusion de la syphilis dans l’armée » 47.
35En effet, la réponse du sous-préfet Roland Gaignerot rappelle combien la prophylaxie des maladies vénériennes est envisagée différemment des deux côtés de l’Atlantique. Réglementariste, la France entend contrôler la propagation de l’épidémie de syphilis en encartant les prostituées et en les astreignant à une rigoureuse surveillance sanitaire. Bien que reléguée dans les plus basses profondeurs de l’estime sociale, la prostitution est considérée comme inévitable et est, en conséquence, « tolérée » dans des « maisons » spécialisées. Mais, pour les Américains, ces bordels sont inconcevables en ce qu’ils sont perçus comme étant de véritables foyers de contagion. Plutôt que d’agir sur les circonstances de l’acte sexuel, ils imposent donc aux Doughboys de passer dans une « station prophylactique » dans les trois heures suivant un rapport pour recevoir un traitement, sous peine d’être traduits devant un Conseil de guerre en cas d’inaptitude au combat pour cause de maladie vénérienne 48. Retraçant l’histoire de la Compagnie K d’un régiment de Marines, le romancier et ancien combattant William March rappelle toute la rigueur avec laquelle s’exercent ces mesures et fait dire au soldat Wilbur Hasley :
« On est rentrés à l’hôpital une heure avant le dîner. Miss Mattson, l’infirmière de jour, s’apprêtait à quitter son service.
– Alors, elle leur a plu, la rue Serpentine ? elle nous a demandé.
Herb a piqué un fard, moi aussi, et on a tous les deux regardé nos pieds.
– Descendez donc vous faire expliquer le traitement prophylactique, elle a dit d’une voix neutre. Prenez le couloir sur votre droite, ce sera la première porte ».
36Le soldat Philip Wadsworth est lui moins chanceux :
« Plus tard je me suis inquiété et je suis allé au poste de secours. Le médecin m’a regardé de la tête aux pieds, il a rigolé puis il a fait signe aux infirmiers militaires. On m’a déféré devant un Conseil de guerre parce que je n’étais pas passé au cabinet prophylactique et on m’a envoyé dans ce bataillon de travaux forcés » 49.
37Les photographies conservées par l’Écomusée de Saint-Nazaire attestent d’ailleurs de l’existence de ces stations prophylactiques dans les différents camps américains du port ligérien 50. Si ces clichés trahissent sans doute un regard associant la France à un pays de vices 51, ils disent aussi l’ampleur des moyens déployés pour traiter ces maladies vénériennes : matériel de prise de sang pour réaliser le test dit de Wassermann permettant le dépistage de la syphilis, salle d’opération qui, euphémisme symptomatique, est désignée comme étant dédiée aux problèmes urologiques, lits pour les malades…
Illustration 14 : Dans les locaux de l’hôpital n°11, prise de sang effectuée dans le but de réaliser le test de Wassermann, le 13 février 1919

National Archives at College Park, MD : 111-SC-155772
38Ce sont néanmoins ces divergences dans la manière d’envisager la prophylaxie des maladies vénériennes qui expliquent pourquoi le corps expéditionnaire demande dès l’automne 1917 aux autorités françaises de fermer tous les bordels de Saint-Nazaire, requête jugée irrecevable par le sous-préfet Gaignerot :
« Cette solution est radicalement impossible à envisager dans une ville de plus de 50 000 habitants comportant une garnison. La prostitution étant un mal nécessaire, nous admettons en France que la forme la moins dangereuse est celle des maisons de tolérance, et qu’il faut donc nécessairement la conserver. Je ne crois pas errer en affirmant qu’en l’espèce les autorités diverses sont d’accord avec le corps médical tout entier » 52.
39Corollaire de cette tolérance, la prostitution non encartée, non règlementée et donc non régulée sur le plan bactériologique, est sévèrement combattue. En témoignent du reste de nombreux articles publiés dans la rubrique des faits divers de la presse locale. Dès l’automne 1917 les autorités françaises affichent à ce propos la plus grande fermeté et, par la même occasion, tendent la main au corps expéditionnaire :
« Nous sommes tous bien d’accord sur ce point que la prostitution clandestine est la plus dangereuse et qu’il faut la poursuivre sans répit. La première chose est de la découvrir. Les indications de la police américaine seront à ce propos précieusement accueillies par la police française. Le résultat de la découverte est l’expulsion des femmes non domiciliées, et l’obligation de la visite pour les domiciliées avec cependant cette expresse réserve, touchant le point le plus délicat du service des mœurs, qu’il ne faut pas confondre la défaillance passagère avec la débauche professionnelle et que cette considération, se liant avec le souci de conserver la paix dans les familles, fait qu’il faut procéder en la matière avec la plus extrême prudence » 53.
40On comprend dès lors la nécessité qui conduit à l’instauration à Saint-Nazaire de patrouilles mixtes associant policiers français et MPs américains pour débusquer le racolage 54. Cette création est d’autant plus remarquable que les services de police, dans le port ligérien comme ailleurs, sont complètement désorganisés par la mobilisation d’une partie importante de leurs effectifs et, en conséquence, « ne s’occupent aucunement ni du contrôle des étrangers, ni de la répression des fraudes et de la surveillance des marchés ». À dire vrai, la situation est telle que le commissaire est submergé par les plaintes et qu’il « ne peut donner aux enquêtes tout le soin convenable » 55.
41Mais, indépendamment de ce qui s’apparente à un réel effort en termes de moyens humains, les patrouilles mixtes franco-américaines ne sont pas sans poser certains problèmes du point de vue juridique. C’est d’ailleurs ce que s’efforce de démontrer l’avocat de Margueritte Bouthors, « fille soumise » jugée en novembre 1917 pour avoir « insulté un policeman dans l’exercice de ses fonctions ». Dans sa plaidoirie, l’homme de loi affirme en effet « que les agents d’une puissance étrangère ne peuvent être considérés comme agents de la force publique », argument qui semble peser puisque le ministère public est obligé de se défendre en expliquant que « le législateur a voulu [….] protéger la fonction et non la personne des agents ». Si, au final, Margueritte Bouthors est condamnée à 8 jours de prison, le juge ayant à l’évidence mis de côté ces questions juridiques, on voit bien qu’une affaire telle que celle-ci montre que la coopération franco-américaine contre l’ennemi intérieur vénérien est moins complète que ce que peuvent suggérer les apparences et paraît même suggérer certaines forces de dé-totalisation du conflit 56. Les divergences de vues à propos des maisons de tolérance l’illustrent parfaitement.
42Quoique combattant conjointement l’Allemagne, Américains et Français sont différents et ce sont précisément ces divergences dans la manière d’appréhender certains problèmes et/ou de les traiter qui peuvent être la source de conduites s’apparentant à des logiques relevant d’un processus de dé-totalisation du conflit. Nécessité faisant loi, les Doughboys ne respectent pas nécessairement les procédures de réquisition qu’ils ne semblent par ailleurs pas toujours comprendre. Leur pouvoir d’achat est apprécié mais est, dans le même temps et ce de manière totalement paradoxale, accusé d’être la source de l’augmentation du coût de la vie. La question de la prophylaxie des maladies vénériennes, enfin, montre combien les autorités françaises et américaines peuvent avoir une approche radicalement différente d’un problème qui, pourtant, des deux côtés de l’Atlantique, est perçu comme étant un obstacle essentiel à la Victoire. L’histoire culturelle souligne en définitive combien l’hétérogénéité de cette coalition franco-américaine peut être à l’origine d’une dé-totalisation de ce conflit.
43Parfois, les incompréhensions entre services trouvent une issue dramatique comme à Savenay où, en septembre 1918, une sentinelle de l’hôpital américain tire sur un gendarme. N’étant manifestement pas au courant de l’emplacement de ce poste de garde et ne comprenant de surcroît pas les sommations du Doughboy, le militaire est tué 57. Ce fait divers est loin d’être un cas unique et, quelques jours plus tard, s’ouvre une « conférence » ayant pour but de « tâcher de coordonner l’action des différentes polices françaises et américaines ». L’ambiance est manifestement lourde et le général Dodelier commandant les subdivisions de Loire-Inférieure rappelle l’émotion soulevée par « les incidents qui se sont produits déjà plusieurs fois avec les hommes de la police américaine qui, pas au courant des règlements, font souvent des choses illégales et n’hésitent pas surtout à se servir du revolver ». Le représentant des troupes américaines semble alors faire amende honorable et annonce « que des instructions ont été demandées à Paris, au sujet du port des revolvers, et que l’on a demandé à ce qu’ils soient remplacés par le bâton comme cela existait au début, qu’en attendant, des ordres ont été donnés pour que les hommes de la military-police ne se servent plus du revolver dans la rue » 58. Ce faisant, c’est bien un autre aspect de la présence américaine dans l’estuaire de la Loire entre 1917 et 1919 qui se laisse appréhender : le poids de cette guerre qui se déroule aussi « chez soi ». Dans ce cadre, la répression des troubles à l’ordre public engendrés par l’arrivée massive des Doughboys se révèle au moins aussi pesante que les troubles eux-mêmes.
44Un autre facteur, essentiel, à prendre en compte est la durée de la guerre. Lorsque les premiers éléments du corps expéditionnaire débarquent à Saint-Nazaire en juin 1917, la France est en guerre depuis déjà presque trois ans. On comprend dès lors la lassitude de populations qui, malgré le deuil de proches tombés au champ d’honneur ou l’inquiétude ressentie pour d’autres envoyés au front, ont aussi envie de s’amuser pour échapper, l’espace de quelques instants, au conflit. On sait pour autant que ce désir heurte de plein fouet la morale publique qui, Union sacrée oblige, comme dans une parfaite illustration de la dimension totale du conflit en cours, ne peut tolérer que l’arrière se divertisse quand le poilu, lui, risque sa peau en première ligne. C’est donc sous couvert de philanthropie patriotique que, la plupart du temps, les représentations théâtrales, soirées dansantes et autres performances artistiques sont données dans les stations balnéaires. Le bal donné le 18 août 1918 à l’Hôtel Royal de La Baule ne fait de ce point de vue aucunement exception et c’est du reste ce qu’explique le maire de cette commune :
« Cette fête donnée en l’honneur des Américains était en effet au profit des Œuvres de guerre et les bénéfices, qui se sont élevés à 10 000 francs, ont été totalement répartis entre les œuvres suivantes :
Croix rouge française
Croix rouge américaine
Œuvres des veuves de la Guerre
Œuvre des mutilés
Œuvre des aveugles
Œuvres des rapatriés
Œuvre des réfugiés
Œuvre des orphelins
Le diner auquel ont assisté 70 officiers français et américains a été d’autre part offert par le Comité de la fête » 59.
45On voit donc tout le côté factice de la dimension totale de la guerre, réalité qui au contraire masque les limites de la mobilisation de sociétés plongées depuis trop longtemps dans ce conflit. Mais si cette soirée pose autant de problèmes aux autorités, c’est que l’orchestre invité ce soir-là joue jusqu’à trois heures du matin, ce qui contrevient grandement aux bonnes mœurs et à la sobriété qu’impose l’époque mais, plus encore, aux règles de sécurité découlant de la guerre sous-marine à outrance menée par l’Allemagne. La salle de bal de l’Hôtel Royal de La Baule donne en effet sur la mer et les lumières qui nécessairement s’échappent des rideaux constituent de redoutables amers pour les sous-marins qui peuvent dès lors tranquillement guetter le moindre transport tentant de rentrer dans le port de Saint-Nazaire 60. Ce faisant, c’est aussi le poids de la guerre vécue « chez soi », dans l’estuaire de la Loire, que cette soirée dansante souligne. Il en résulte un rapport complexe et paradoxal au processus de totalisation. Si la réaction en chaîne paraît de prime abord aller dans ce sens, le simple fait de s’amuser en constitue plutôt une limite tandis que l’heure tardive jusqu’à laquelle joue l’orchestre semble au contraire aller à l’encontre de l’effort de guerre.
Notes de bas de page
1 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 17, le commissaire spécial de Saint-Nazaire au sous-préfet de Saint-Nazaire, 22 août 1917.
2 Salson, Philippe, L’Aisne occupée. Les civils dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
3 Sur Reims se reporter à Cochet, François, 1914-1918, Rémois en guerre, l’héroïsation au quotidien, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1993.
4 Le nom de « massacre des apprentis » provient du fait que 134 apprentis du chantier de Penhoët trouvent la mort dans ce bombardement américain.
5 Nouailhat, Yves-Henri, « La Loire inférieure dans la Grande Guerre », in Abbad, Fabrice (dir.), La Loire-Atlantique des origines à nos jours, op. cit., p. 367.
6 « Le téléphone sur les côtes », L’Ouest-Éclair, 19e année, n°5 815, 26 juin 1918, p. 3.
7 « American Army, Front and Rear, Linked With Wire », Evening Times-Republican, Volume 44, n°238, 26 septembre 1918, p. 4.
8 Albaret, Laurent, La Poste pendant la Première Guerre mondiale, Paris, Yvert & Tellier, 2016, p. 52. Sur la poste comme indice de modernité d’une société se reporter à la lumineuse réflexion de Vincent, Johan, « Le réseau postal confronté au développement balnéaire breton (1940-1939) », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°9, hiver 2017. En ligne. [http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_9/jv/le_reseau_postal_fran%C3%A7ais_confronte_au_developpement_balneaire_breton_1840_1939.pdf].
9 Arch. dép. Loire-Atl.: 8 R 16, le directeur des Postes et des Télégraphes du département de la Loire-Inférieure au préfet de Loire-Inférieure, 31 juillet 1917 et arrêté préfectoral du 3 août 1917.
10 Arch. dép. Loire-Atl.: 8 R 16, le directeur des Postes et des Télégraphes du département de la Loire-Inférieure au préfet de Loire-Inférieure, 9 septembre 1918.
11 Nouailhat, Yves-Henri, Les Américains à Nantes et à Saint-Nazaire, 1917-1919, op. cit., p. 161-165.
12 Sur cette question se reporter à Ibid., p. 95 et suivantes.
13 Européana 1914-1918 : lettres de Nazaire Couronné, 13 décembre 1917.
14 Européana 1914-1918 : lettres de Nazaire Couronné, 27 décembre 1917.
15 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 16, création d’une voie ferrée entre Montoir et Méans, 1918.
16 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 16, rapport de l’ingénieur, 18 mars 1918.
17 Ireland, Maj. Gen. M. W. (prepared under the direction of), The Medical Department of the United States Army in The World War, Vol. II: Administration American Expeditionary Forces, Washington, United States Government Printing Office, 1927, p. 271.
18 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 16, le chef de la mission régionale française près la base américaine n°1 au général commandant la 11e région, 15 février 1918.
19 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 16, rapport de l’ingénieur, 25 février 1916.
20 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 16, jugement, 26 mars 1918.
21 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 16, le chef de la mission régionale française près la base américaine n°1 au commandant de la base américaine de Saint-Nazaire, 11 février 1918. Souligné dans le document original.
22 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 16, procès-verbal de conférence, 7 mars 1918.
23 Arch. dép. Loire-Atl.: 8 R 16, le maire de Dréfféac au préfet de Loire-Inférieure, 16 février 1918.
24 Arch. dép. Loire-Atl.: 8 R 16, Paul Pichelin au préfet de Loire-Inférieure, le 7 février 1918.
25 Arch. dép. Loire-Atl.: 8 R 16, lettre au préfet de Loire-Inférieure , 7 février 1918.
26 Geraud, Marie, « La difficile application des lois Ferry dans une commune où s’exerce encore le pouvoir aristocratique : l’exemple de Missilac », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°5, hiver 2015. En ligne. [http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_5/ecole/la_difficile_application_des_lois_ferry_dans_une_commune_ou_s_exerce_encore_le_pouvoir_aristocratique_l_exemple_de_missillac_1880_1914.pdf].
27 Arch. dép. Loire-Atl.: 8 R 16, lettre au préfet de Loire-Inférieure , 7 février 1918 et 1 R 1117.2301.
28 Sur cette question on renverra aux communications du colloque Au Cœur de la Grande Guerre : l’individu au croisement du civil et du militaire / In the Heart of the Great War : the Individual at the Crossroads between the Civilian and Military Worlds tenu à Mons du 26 au 28 octobre 2017 (actes à paraître).
29 Arch. dép. Loire-Atl.: 8 R 16, procès-verbal de conférence, 7 mars 1918.
30 Lainé, Edmond, « Les Américains chez eux en France », Le Gaulois, 52e année, 3e série, n°14658, 2 septembre 1917, p. 2.
31 Arch. dép. Loire-Atl. : Chambre de commerce de Saint-Nazaire, Compte-rendu des travaux de la Chambre pour l’année 1917. Renseignements généraux, statistiques commerciales et maritimes, XXIIe volume, Saint-Nazaire, Grande Imprimerie, 1919, p. 133.
32 Nouailhat, Yves-Henri, Les Américains à Nantes et à Saint-Nazaire…, op. cit., p. 102.
33 « Au Conseil municipal », L’Ouest-Éclair (édition Nantes), 20e année, n°7115, 26 janvier 1919, p. 4.
34 Frederic Todd, Lieutenant W., « 19th Engineers (Railway) », in The Philadelphia War History Comittee, Philadelphia in the World War, New York, Wynkoop Hallenbeck Crawford Co., 1922, p. 161.
35 Arch. Dép. Loire-Inf. : Souvenirs de Léonce Cubaynes.
36 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 17, le commissaire central de police au sous-préfet de Saint-Nazaire, 11 octobre 1917.
37 « Fait divers », L’Ouest-Éclair (édition de Nantes), 19e année, n°5852, 3 août 1918, p. 3.
38 « À l’instruction », L’Ouest-Éclair (édition de Nantes), 20e année, n°7137, 17 février 1919, p. 3.
39 « Tribunal correctionnel », L’Ouest-Éclair (édition de Nantes), 20e année, n°7142, 22 février 1919, p. 3.
40 Pour de plus amples développements sur la question Le Naour, Jean-Yves, « Le sexe et la guerre : divergences franco-américaines pendant la Grande Guerre (1914-1918) », Guerres mondiales et conflits contemporains, n°197, mars 2000, p. 103-116 et Le Gall, Erwan, « Syphiliser Saint-Malo ? Prophylaxie et tourisme sur la Côte d’Émeraude pendant la Grande Guerre », communication prononcée lors du colloque international « Les Fronts intérieurs européens : l’arrière en guerre 1914-1920 » organisé à Pau les 19 et 20 novembre 2015 par Dornel, Laurent, Jalabert, Laurent et Le Bras, Stéphane, actes à paraître.
41 Arch. dép. I&V : 5 M 120, note n°15.382.3/7 du sous-secrétaire d’État du service de santé militaire, 11 octobre 1916.
42 Saintourens, Thomas, Les Poilus de Harlem. L’épopée des Hellfighters dans la Grande Guerre, Paris, Tallandier, 2017, p. 62.
43 Sur cette question se reporter notamment à Ruscio, Alain, Le Credo de l’homme blanc. Regards coloniaux français XIXe-XXe siècles, Bruxelles, Complexe, 2002, p. 185 et suivantes.
44 Sur G. – initiale dont on ne sait au juste si elle est l’abréviation de Ghénia, diminutif d’Eugénie, son prénom à l’état-civil ou s’il se rapporte à son nom de jeune fille, Glaisette – Avril de Sainte-Croix se reporter à Offen, Karen (traduit par Buhat, Michèle), « La Plus grande féministe de France. Mais qui est donc bien Madame Avril de Sainte-Croix ? », Bulletin Archives du féminisme, n°9, décembre 2005. En ligne. [http://www.archivesdufeminisme.fr/ressources-en-ligne/articles-et-comptes-rendus/articles-historiques/offen-k-grande-feministe-france-mme-avril-sainte-croix].
45 Arch. dép. Loire-Atl. : G. Avril de Sainte-Croix au ministre de l’Intérieur, 12 septembre 1917.
46 Le Naour, Jean-Yves, « Le sexe et la guerre… », op. cit., p. 105.
47 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 17, le sous-préfet de Saint-Nazaire au préfet de Loire-Inférieure, 22 janvier 1918.
48 Le Naour, Jean-Yves, « Le sexe et la guerre… », op. cit., p. 103-116.
49 March, William, Company K., Paris, Gallmeister, 2013, p. 86 et 107.
50 Écomusée de Saint-Nazaire : NUM 804 à 812.
51 Pour de plus amples développements on se permettra de renvoyer à Le Gall, Erwan, « La section photographique du Signal Corps à Saint-Nazaire pendant la Première Guerre mondiale : source pour une histoire transnationale », op. cit..
52 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 17, le sous-préfet de Saint-Nazaire au commandant Appleton délégué à la base américaine de Saint-Nazaire, 9 novembre 1917.
53 Ibidem.
54 Il est à noter que Chathuant, Dominique, « Connexions et circulations : l’assimilationnisme dans un conflit mondialisé (1914-1918) », Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, n°168, 2014, p. 115 relie également la création de cette police mixte à la gestion de la question raciale.
55 « Au Conseil municipal », L’Ouest-Éclair (édition de Nantes), 19e année, n°5688, 19 février 1918, p. 3.
56 « Correctionnelle de Saint-Nazaire », Le Phare de la Loire, 32e année, n°32 025, 30 novembre 1917, p. 3.
57 Hussenot-Plaisance, Camille, 1917-1919. Savenay..., op. cit., p. 91.
58 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 17, Procès-verbal de la conférence du 28 septembre 1918. Les majuscules sont dans le document original.
59 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 17, le maire d’Escoublac La Baule au préfet de Loire-Inférieure, 14 septembre 1918.
60 Arch. dép. Loire-Atl. : 8 R 17, l’inspecteur auxiliaire de police spéciale Drogo au commissaire spécial de Saint-Nazaire, le 16 septembre 1918 indique de telles précautions sont imposées à cet hôtel dès avril 1918.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Combattre et informer
L’armée française et les médias pendant la Première Guerre mondiale
Jean-Louis Maurin
2009
Comprendre le monument aux morts
Lieu du souvenir, lieu de mémoire, lieu d’histoire
Franck David
2013
Une entrée en guerre
Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914-juillet 1915)
Erwan Le Gall
2014
Tourisme et Grande Guerre
Voyage(s) sur un front historique méconnu (1914-2019)
Yves-Marie Evanno et Johan Vincent (dir.)
2019
Des sources pour une Plus Grande Guerre
Damien Accoulon, Julia Ribeiro Thomaz et Aude-Marie Lalanne Berdouticq (dir.)
2021