Chapitre 1 : Le temps accéléré
p. 31-50
Texte intégral
1La Baïonnette est l’un des plus célèbres hebdomadaires satiriques publiés pendant la Première Guerre mondiale 1. Chaque numéro est consacré à un thème particulier et, le 6 septembre 1917, quelques semaines après l’arrivée des premiers contingents du corps expéditionnaire américain à Saint-Nazaire, c’est un Doughboy sur fond de bannière étoilée qui fait la une. Preuve sans doute de l’immense espoir suscité par l’entrée dans le conflit des États-Unis, une nouvelle « moralement salvatrice » pour reprendre la jolie expression de l’historien M. Bourlet 2, le ton de ce numéro peine à se faire caustique, comme si l’assurance de victoire apportée par l’Oncle Sam empêchait que ne s’exprime l’humour. Même les calembours d’Hugues Delorme ne parviennent que difficilement à masquer la fébrilité qui règne en cette mi-1917 :
« Qu’est-ce qu’un Oncle d’Amérique,
Sinon l’être providentiel
Hypothétique et chimérique
Semblant envoyé par le ciel
Pour rendre le destin prospère ?…
Ce vieillard en qui l’on espère,
Qu’on appelle à cris et cor,
Il vient vers nous. On le surnomme
Uncle Sam. Robuste bonhomme
De l’or il détient le record.
C’est comm’ les ch’veux d’éléonore :
Quand y en a plus, y en a encor !…’
De cet or brillant et sonore
Sam verse à pleins sacs le trésor
Dans une bizarre machine
Passant ce que Wells imagine ;
Car elle produit des millions
D’hommes aux âmes raffermies…
Ceci prouve qu’avec les bons
Comptes, on fait les bons Sammies » 3.
2Comment ne pas rapprocher l’incertitude qui caractérise cette année cruciale du choc de l’été 1914 ? Contrairement à ce que l’on a pu longtemps écrire, ce n’est pas « la fleur au fusil » qu’est accueillie la nouvelle de la mobilisation générale, mais avec stupeur et résignation 4. À Saint-Nazaire et dans l’estuaire de la Loire, comme partout ailleurs en France, la nouvelle surprend puisque les précédentes crises avec l’Allemagne, de Tanger en 1905 à Agadir en 1911, se résolvent pacifiquement. Maintes fois anticipée, la guerre ne prend toutefois pas de court 5. Sitôt la nouvelle connue, les hommes vérifient dans leur fascicule de mobilisation la date et le lieu de leur convocation sous les drapeaux, puisque dans quelques heures ils devront rejoindre leur caserne 6. Les pouvoirs publics savent précisément ce qu’ils doivent faire et, à Pornichet, le Conseil municipal se réunit en urgence le 2 août 1914 : « Par suite de la mobilisation générale ordonnée par le Gouvernement à la date du 1er août courant en vue de la guerre imminente entre la France et l’Allemagne, le Conseil va avoir à s’occuper presque au jour le jour des questions multiples qui seront les conséquences de cet état de guerre, notamment en ce qui concerne l’alimentation publique et les secours à donner aux personnes nécessiteuses […] » 7. À La Baule, c’est sous la houlette d’André Pavie, adjoint, que le Conseil municipal se réunit, le 4 août 1914, le maire étant mobilisé. Là aussi l’urgence est de mise et l’assemblée vote un crédit 3 664,79 francs « pour assurer à chaque famille se trouvant dans le besoin, le pain qui lui est indispensable »8.
3L’entrée en guerre est donc indissociable d’une accélération du temps 9. À n’en pas douter, la rapidité avec laquelle s’enchaînent les événements contribue à assimiler cette période à un moment total. En quelques heures le conflit prime tout et bouleverse la région de Saint-Nazaire. Au départ des hommes pour le front succède bientôt l’arrivée d’un corps expéditionnaire britannique. Mais loin de se décider en quelques semaines, au terme d’une bataille décisive, le conflit s’enlise dans les tranchées à partir de l’automne 1914, obligeant l’estuaire de la Loire à se convertir à une nouvelle réalité économique.
Apprendre la nouvelle
4En vacances à l’été 1914 à La Baule, dans la villa de famille, Raymonde Moussat laisse des carnets qui, en quelques lignes, disent avec quelle rapidité la guerre s’empare de Saint-Nazaire et des environs. Apprise à neuf heures du matin, la mort du grand tribun socialiste Jean Jaurès, assassiné la veille au Café du croissant, à Paris, n’empêche pas une partie de tennis, âprement disputée en double mixte. Mais en début d’après-midi, le programme est soudainement bouleversé. D’abord apportée par la rumeur du bouche à oreille, puis par des affiches venues de la gare d’Escoublac et, enfin, par le garde champêtre, la nouvelle de la mobilisation générale interrompt brusquement la « partie de villégiature », pour employer les termes de l’époque. Le lendemain matin, 2 août 1914, le mari de Raymonde, émile Moussat, quitte la villa et s’en va rejoindre son régiment, le 220e RI dont le dépôt se trouve à Marmande, en Lot-et-Garonne. Fait prisonnier lors de la bataille des frontières, il ne retrouve les siens qu’après l’Armistice, à la fin de l’année 1918 10.
5Certes, il s’agit là du témoignage d’une femme issue d’un milieu particulièrement privilégié, épouse d’un normalien enseignant à Bordeaux. Pour autant, comme un indice de la violence inouïe du conflit qui est en train de se déclencher, le choc de la mobilisation générale fait fi des différences sociales et frappe avec autant de force tous les milieux. Coiffeur à Saint-Nazaire, Paul Coëdel a 26 ans en cette fin juillet 1914. Dans ses « souvenirs de la Campagne 1914 », il revient sur ces heures funestes et montre bien combien toute la ville est surprise par le déclanchement du conflit :
6« Il faut d’abord que je vous dise que j’étais très incrédule et ne croyait pas à la guerre du XXe siècle ; croyant toujours à une diplomatie en mesure d’empêcher une catastrophe semblable ; quoique les bruits pessimistes ne cessaient de courirs durant la semaine précédent la mobilisation, je gardais le calme absolu et tâchais de reconsoler ma jeune femme qui se désolait. Aussi quel ne fut pas ma stupéfaction lorsque le samedi 1er août vers 4 heures et demie du soir j’entends battre la générale par le tambour de la ville, ensuite ce fut le tocsin, après deux clairons du 64e d’infanterie qui parcourent les rues de la ville pour nous annoncer la triste nouvelle, suivis par nombreux habitants et une bande de gamins qui ne cessent de criés vive la France les clairons ont peine à jouer troublés par leur émotion sans doute » 11.
7Maire de Saint-Nazaire, Louis Brichaux fait apposer une affiche sur les murs de sa ville, court texte incitant ses administrés à l’entraide et l’union pour la défense de la patrie :
« Mes chers concitoyens,
Le décret de mobilisation générale de l’armée française vient de paraître. Tous les hommes susceptibles de rejoindre leur corps sont priés de prendre connaissance des affiches qui sont apposées sur les murs. À l’heure où chacun tient à remplir son devoir civique, le calme et le sang-froid s’imposent.
La municipalité prendra toutes les dispositions utiles pour mettre à l’abri du besoin les femmes, les enfants et les familles nécessiteuses.
Le bureau de bienfaisance, les cantines scolaires, les fourneaux municipaux vont fonctionner dans des conditions qui seront indiquées à la population. Que durant les premiers jours, les familles s’aident entre elles, et nous signalent les situations auxquelles il est urgent de remédier.
Haut les cœurs ! Mes chers concitoyens.
Vive la France ! » 12
8Certes, ce texte ne brille pas par son originalité. Nombreux sont en effet les maires qui, en Bretagne comme partout ailleurs en France, font apposer de semblables affiches sur les murs des villes et villages qu’ils dirigent. Pour autant, ces quelques lignes ont l’immense mérite de souligner combien, et ce dès les toutes premières heures du conflit, arrière et front sont irrémédiablement liés, soulignant par la même occasion le processus de totalisation à l’œuvre au cours de la séquence 1914-1918. Celui-ci est par ailleurs indissociable de logiques qui englobent dans la figure de l’ennemi intérieur tout un ensemble d’individus, et les condamnent de facto à des mesures spécifiques. C’est ainsi par exemple que les ressortissants allemands et austro-hongrois de la région de Saint-Nazaire sont internés dans un « dépôt d’indésirables » situé à Guérande 13. Le processus de totalisation fonctionne ici à plein puisque de la nationalité découle mécaniquement une logique d’assignation à résidence.
Des Britanniques, des chevaux et du charbon
9La période britannique du port de Saint-Nazaire n’est que très peu connue et mériterait, assurément, un véritable travail de recherche. Aussi ne pouvons-nous, pour l’heure, que nous en tenir à des considérations générales : en l’espace de cinq semaines, du 1er septembre au 5 octobre 1914, c’est-à-dire des prémices de la bataille de la Marne à la Course à la mer et à l’enlisement progressif dans les tranchées, une partie du corps expéditionnaire envoyé par Londres transite par le port ligérien. Il s’agit là d’un mouvement d’ampleur même si, dans les mémoires, il se trouve écrasé par le passage des Américains : 154 navires transportant 12 000 Tommies et leur matériel ainsi que 12 000 chevaux. Comme en 1917-1919, ces soldats cantonnent dans des camps situés à l’extérieur de la ville et l’essentiel des installations portuaires est accaparé par le corps expéditionnaire 14. Ajoutons enfin qu’à cette première expérience britannique doit être ajoutée une seconde, de bien moindre ampleur toutefois : le débarquement d’une division canadienne au cours de l’année 1915 15, moment qui là encore mériterait une étude à part entière mais dont on ne sait pour l’heure quasiment rien.
Illustration 3 : Débarquement d’un cheval des troupes anglaises.

Carte postale. Collection particulière
10Les témoignages photographiques du passage des Britanniques dans l’estuaire de la Loire sont à notre connaissance rares 16. Exception notable, une carte postale estampillée « Saint-Nazaire – Débarquement d’un cheval des troupes anglaises » montre un animal transbordé du pont d’un cargo 17. Incongrue, la scène n’en est pas moins très intéressante pour l’historien. Comme souvent, il s’agit en réalité de la réédition d’un cliché d’avant-guerre et seule la légende a été modifiée par l’éditeur 18, vraisemblablement pour coller à l’actualité du moment et ainsi conforter le potentiel commercial de l’objet. Rien ne permet du reste de garantir que cette photographie immortalise bien une scène ayant réellement eu lieu à Saint-Nazaire. Tout juste pouvons-nous avancer que si cette carte postale est commercialisée avec une telle légende, c’est qu’elle doit correspondre, a minima au moins, à une réalité vécue et que de tels déchargements équins se sont bien produits sur les quais du port ligérien. Ajoutons d’ailleurs que Saint-Nazaire ne constitue pas de ce point de vue une exception puisque le Musée d’histoire de Nantes conserve une carte postale présentant une scène analogue, mais immortalisée dans le chef-lieu du département de Loire-Inférieure 19. Aussi cet objet a-t-il, au final, l’immense intérêt de rappeler combien les armées de 1914-1918 sont dépendantes de la traction animale. Lorsqu’il quitte Nantes quelques jours après le premier jour de la mobilisation générale, le 11e corps d’armée ne dispose que d’une poignée de véhicules automobiles, réservés au général commandant les troupes et au service du « Trésor et Poste », ainsi que d’une série de camions de ravitaillement en viandes fraîches 20. L’essentiel des déplacements des soldats se fait encore à pied et les pièces d’artillerie sont pour leur part tractées par la force animale. Comme souvent en Grande Guerre, les chiffres donnent d’ailleurs le tournis. Chacun des 66 régiments d’artillerie de campagne que compte l’armée française de 1914-1918 mobilise 2 900 chevaux. L’infanterie n’est pas plus économe puisque chacune des 173 unités d’active mises sur le pied de guerre en 1914 regroupe 300 chevaux et mulets 21. Les troupes de Sa Majesté ne diffèrent de ce point de vue pas de celles aux ordres de Joseph Joffre. Le débarquement britannique à Saint-Nazaire de septembre 1914 implique donc l’arrivée de milliers de bêtes. Or, avec le cheval se joue la mobilité des armées et lorsque la traction animale vient à manquer du fait des terribles pertes de l’été 1914, c’est ni plus ni moins la capacité de manœuvre des troupes qui est menacée. On voit donc l’importance, du point de vue militaire, du déchargement que montre cette carte postale.
11La guerre se prolongeant au-delà de toute attente, le cheval se retrouve au croisement de logiques qui disent bien le processus de totalisation du conflit. À l’automne 1914, les tensions sur le cheptel national sont déjà fortes. D’une part, les états-majors ne cessent de réclamer de nouvelles bêtes, jugées indispensables pour pouvoir percer le front et revenir à la guerre de mouvement. D’autre part, ces animaux sont nécessaires à la vie agricole. Or on sait combien le niveau des rendements conditionne la poursuite du conflit, sans même parler des conséquences socio-économiques qu’entraîne pour de nombreuses familles la perte d’une bête. Qu’on imagine quelques secondes la situation d’une épouse de mobilisé devant labourer ses quelques ares de terre sans l’unique animal de la ferme, celui-ci ayant été réquisitionné par l’autorité militaire au nom de l’effort de guerre, et l’on mesurera alors ce qu’implique une telle réquisition. L’on comprend d’ailleurs aisément pourquoi le ministère de la Guerre les suspend en mars 1915, à l’exception toutefois de celles relatives aux chevaux de trait lourd. C’est donc pour partie par l’intermédiaire d’achats à l’étranger que s’effectue l’approvisionnement en chevaux de l’armée française 22.
12L’un des principaux partenaires de cette relation commerciale de guerre sont les États-Unis, ce qui du reste en dit long sur la nature de la neutralité qui est la leur entre 1915 et 1917. C’est à Saint-Nazaire, où est installé un dépôt de remonte, que débarque une partie des 502 375 chevaux et mulets achetés à l’Oncle Sam 23. Un vétérinaire de Louisiane, le docteur Maylie, raconte en mars 1915 le voyage qu’il fait depuis La Nouvelle-Orléans à bord du Rembrand, un vapeur chargé de 1 100 chevaux. Signe de la grande pénibilité du trajet, de nombreuses bêtes meurent en mer. À l’arrivée, les survivantes sont confiées aux soins de prisonniers allemands qui, sous la direction de gardes français, les prennent en charge 24. Cela n’est pas une situation exceptionnelle. En novembre 1914, ce même Rembrand est victime d’un incendie au large de la Virginie et les 800 chevaux américains devant être débarqués à Saint-Nazaire périssent dans les flammes 25. Les pertes s’expliquent pour une large part par le fait que les navires chargés de transporter ces animaux ne sont, la plupart du temps, aucunement conçus pour une cargaison aussi fragile. Pour ne citer qu’un exemple, le vapeur Columbian qui achemine 1 500 chevaux à Saint-Nazaire est également affecté au transport d’avoine 26. Bien souvent, les bêtes sont chargées dans des cargos polyvalents et voyagent à fond de cale, quand ce n’est pas dans les coursives ou parfois à même le pont, à la merci des intempéries et des paquets de mer. On comprend dès lors combien il est difficile de les nourrir dans ces conditions, de les abreuver et de les soigner correctement, surtout quand les éléments ne sont pas de la partie 27.
13D’un point de vue militaire, le cheval doit donc moins être envisagé sous l’angle d’une certaine forme d’archaïsme que sous celui de la question, aigüe, des ressources nécessaires à la mobilité des armées. La motorisation de la guerre, et donc les besoins sans cesse plus importants des belligérants en énergie, contribue par ailleurs à rendre encore plus sensible cette question, ce qu’illustre pleinement dans l’estuaire de la Loire la problématique du charbon 28. En 1914, ce commerce est déjà une tradition ancienne même si l’activité n’est pas toujours très constante, passant de 966 131 tonnes déchargées en 1901 à 682 688 en 1905 puis 950 000 en 1910 29. On peut toutefois parler à propos de Saint-Nazaire d’une certaine forme de spécialisation dans le commerce charbonnier puisqu’en 1907 le trafic s’élève à 811 000 tonnes, ce qui représente 58% de l’activité du port et environ 7% des importations françaises 30. Il est vrai que le pays est alors dans une situation de véritable dépendance, puisque le charbon est sa principale source d’énergie. En 1913, 65 millions de tonnes sont consommées dans l’hexagone, dont plus de 20 millions sont importées. Ce produit est employé dans tous les secteurs : chemins de fer, marine, industrie, production d’électricité et de gaz…, ce sans compter l’utilisation domestique 31.
14La Grande Guerre ne fait que confirmer cette tendance. En avril 1917, au moment de l’entrée en guerre des États-Unis, le département de Loire-Inférieure et son industrie lourde fleurissante comptent ainsi parmi les plus gros consommateurs de France avec plus d’un million de tonnes par an 32. Or, non seulement les besoins augmentent singulièrement mais la ressource, elle, se raréfie. En effet, en engageant le combat dans le nord et le Pas-de-Calais, régions qui assurent les deux tiers de la production française, l’Allemagne occupe une grande part du bassin minier et prive, par la même occasion, la France d’une quantité importante de ressources charbonnières 33. Pour autant, les travaux de l’historien P. Chancerel, qui a consacré sa thèse de doctorat au marché français du charbon entre 1914-1921, rappellent qu’à bien y réfléchir la période 1914-1918 ne constitue pas une situation totalement exceptionnelle pour qui adopte un point de vue strictement nazairien. On l’a dit, jamais la France ne parvient avant Sarajevo à être autosuffisante en charbon. Ceci s’explique du reste aussi bien par des considérations géologiques, les gisements étant moins riches qu’en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Belgique, qu’économiques, l’extraction y étant plus chère qu’à l’étranger. En conséquence, avant la guerre, Paris se tourne vers Londres, et tout particulièrement vers le Pays de Galles, mais également Berlin et Bruxelles pour importer la houille qui lui est nécessaire, et ce dans des proportions non négligeables. En 1913, le charbon constitue ainsi au plan national le troisième poste d’importation, grevant d’autant la balance commerciale française 34.
15Avec la déclaration de guerre allemande, la France ne peut bien entendu plus se ravitailler outre-Rhin et est donc privée d’une source essentielle d’approvisionnement. Le déroulement des premières semaines de la campagne et l’occupation de la Belgique ne fait qu’empirer la situation et reporte donc les capacités françaises d’importation de charbon sur la seule Grande-Bretagne. Loin de se rétablir, la tendance ne fait au cours des mois que s’accentuer à la faveur d’évènements n’ayant pas nécessairement de rapports entre eux – besoins à la hausse du corps expéditionnaire britannique qui lui aussi doit faire face à une guerre sans cesse plus industrielle et mécanisée, déclenchement de la guerre sous-marine, limitation des capacités de transport, conditions climatiques ne faisant qu’accentuer la demande domestique… – mais qui contribuent à rendre l’acheminement du charbon plus difficile et la demande plus importante 35.
Figure 3 : Importations française de charbon en 1913

Chancerel, Pierre, Le marché du charbon en France…, op. cit., p. 26.
16De cette situation résultent deux conséquences. La première est une hausse importante des prix, sous l’effet conjugué d’une raréfaction de l’approvisionnement et d’une demande en hausse. La seconde est que si, à Saint-Nazaire, le commerce charbonnier avec la Grande-Bretagne n’est pas chose nouvelle, jamais la houille déchargée sur les quais du port ligérien n’a eu une importance aussi vitale. Véritable interface franco-britannique, liaison intermodale pour user du vocabulaire des géographes, la sous-préfecture de Loire-Inférieure est la matérialisation concrète de l’Entente cordiale entre Londres et Paris, capitales unies dans un même effort de guerre contre Berlin. Il s’agit assurément d’un signe du processus de totalisation du cours du conflit en cours puisque tout paraît lié. Ajoutons d’ailleurs que la réalité du marché est à l’origine d’un cercle vicieux qui ne fait qu’accentuer ce mouvement. P. Chancerel note ainsi que les forges de Trignac s’approvisionnent en charbon à Nœux, dans le Pas-de-Calais, tandis que des importateurs de Saint-Nazaire livrent jusqu’à Saint-Étienne 36, accentuant d’autant la question du transport ferroviaire, déjà grandement mobilisé par l’effort de guerre. On voit dès lors combien les vases communiquent, comment les sphères civiles et militaires sont interdépendantes.
Figure 4 : évolution du trafic de marchandises du port de Saint-Nazaire de 1913 à 1916 selon les travaux de P. Chancerel et M. Barbance

Chancerel, Pierre, Le marché du charbon en France…, op. cit., p. 71 et Barbance, Marthe, Saint-Nazaire…, op. cit., p. 139 et 147.
17Nonobstant ces difficultés, la houille prend, à Saint-Nazaire, lors des 30 premiers mois du conflit, une part toujours plus importante. Si les chiffres peuvent varier d’un auteur à l’autre, tant les travaux récents de P. Chancerel que ceux classiques de M. Barbance mettent en évidence la hausse de trafic que connait le port ligérien pendant la première partie de la Grande Guerre, le charbon comptant pour une large part dans ce regain d’activité. La houille est en effet essentielle à l’activité industrielle et à Trignac, les forges reconverties à l’effort de guerre en consomment en 1916 environ 1 200 tonnes par jour 37. Ajoutons du reste que Saint-Nazaire n’est pas le seul bénéficiaire de cette augmentation engendrée, pour une large part, par la crise charbonnière. Partout en Bretagne de nombreux petits ports voient leur trafic augmenter à la faveur d’une réactivation du cabotage transmanche, la houille constituant une part importante de ces échanges supplémentaires. À Saint-Malo, le commerce charbonnier compte pour plus de 730 000 tonnes en 1918, contre moins de 425 000 en 1913 38. En réalité, seules les petites installations portuaires, à l’instar de Pontrieux par exemple, ne parviennent pas à tirer profit de l’effort de guerre 39. Rien ne serait donc plus faux que d’imaginer Saint-Nazaire, septième port français en 1913 40, comme une ville vide et désœuvrée au cours de la période allant d’août 1914 à juin 1917. Certes la plupart des hommes est sous les drapeaux. Mais, conséquence directe d’une guerre totale liant l’arrière au front, l’activité portuaire est, paradoxalement, plus importante qu’avant l’explosion de la poudrière diplomatique européenne. Ainsi, le 8 octobre 1915, 8 vapeurs et 2 quatre-mâts mouillent dans le bassin de Saint-Nazaire tandis que 15 vapeurs et deux cuirassés en attente d’achèvement sont dans celui de Penhoët 41.
La conversion à l’économie de guerre
18Sur le plan économique, le déclenchement du conflit entraîne à Saint-Nazaire, comme partout ailleurs du reste, des difficultés considérables. La mobilisation impliquant le départ des hommes en âge de porter les armes vers les casernes, puis le front, l’activité se trouve dans un premier temps comme paralysée, faute de main d’œuvre. De nombreuses institutions sont touchées et ferment, provisoirement. À la chambre de commerce, deux membres sont par exemple excusés et ne peuvent assister à la réunion du 16 septembre 1914, car mobilisés. Lors de la séance suivante, le 5 novembre 1914, ils sont trois à être ainsi absents, de même que le secrétaire et le caissier 42. La situation est encore plus critique aux chantiers de Penhoët dont la main d’œuvre est massivement mobilisée. En quelques mois, les effectifs sont réduits de moitié, passant de 4 755 ouvriers en août 1914 à 2 399 trois mois plus tard 43.
19Néanmoins, ville de l’arrière, Saint-Nazaire ne tarde pas à gagner en importance stratégique pour la poursuite de la guerre. On l’a dit, la géographie du front qui finit par s’enliser dans les tranchées à l’automne 1914 ampute la France de plusieurs départements des régions du nord et de l’est, espaces d’autant plus importants qu’ils sont le lieu d’une certaine excellence industrielle tricolore : nombreux sont en effet les mines mais aussi les hauts-fourneaux désormais aux mains des Allemands. Mais à cette réalité s’ajoute également le contexte de la crise des munitions. Prévue en effet pour être courte, réglée au terme d’une bataille décisive, la guerre est anticipée sur des stocks restreints d’obus, de balles et, de manière plus générale, d’armes. Aussi, l’émergence de la guerre de tranchées doit-elle sans doute autant à l’épuisement des troupes, exténuées par trois mois de marches incessantes et des combats effroyablement meurtriers, qu’à un manque de projectiles à envoyer sur les lignes adverses 44.
20Pour l’historien R. Porte, la nomination le 18 mai 1915 d’Albert Thomas à la tête du sous-secrétariat d’État à l’artillerie et aux munitions, institution justement chargée d’organiser la production française, est d’ailleurs caractéristique de cette « mobilisation totale de l’industrie française » 45. On comprend dès lors pourquoi la conversion de Saint-Nazaire à l’économie de guerre est aussi rapide. Tant la géographie du front que la nécessité du moment invitent à une reconfiguration de l’appareil industriel. En d’autres termes, faute de nouveaux navires à lancer – la construction du transatlantique Paris est interrompue avec la mobilisation générale 46 – ce sont désormais des obus qui sont tournés dans les chantiers navals du port de basse-Loire, activité qui nécessite de la main d’œuvre. Manifestation certaine d’un processus de totalisation du conflit découlant directement de son industrialisation, même les personnes déclarées par les conseils de révision inaptes au port des armes sont dorénavant mobilisées au service de l’effort de guerre, pour être employées à Saint-Nazaire et dans les usines des environs. Roulier originaire de Questembert, dans le Morbihan, Pierre Payen est atteint d’une sévère cataracte traumatique à l’œil gauche, pathologie qui lui vaut d’être exempté de service militaire en 1904. Récupéré 47, il est néanmoins versé, le 18 décembre 1914, dans le service auxiliaire par le conseil de révision de Saint-Nazaire qui l’examine à nouveau puis, après avoir été affecté administrativement à une compagnie de commis ouvriers d’administration est détaché, à partir d’août 1915, aux chantiers de Penhoët 48. Réformé pour cause de tuberculose en 1912, Alexis Halgand est versé dans le service auxiliaire au mois d’octobre 1915 pour être affecté à différentes usines puis à un « atelier de construction » de Paimboeuf 49. On pourrait ainsi multiplier les exemples.
21Mais à ce changement de production répond, comme en écho, une modification des méthodes de travail. En effet, l’impératif absolu que constitue alors la défense nationale permet l’adoption progressive en France de l’organisation scientifique du travail (OST), taylorisme dont on sait les apports en termes d’augmentation des cadences de production mais qui, pour des motifs bien compréhensibles, était combattu par les organisations syndicales 50. À partir de 1915, le paiement aux pièces devient néanmoins systématique, participant de fait d’une augmentation sensible de la productivité 51. D’après l’ingénieur du chantier de Penhoët, Lavallée, les difficultés rencontrées avec le passage à l’OST sont moins d’ordre social que technique 52. En effet, la grande disparité des tâches exercées au sein de cette entreprise – 55 spécialités sont référencées par ce cadre – rend tout processus de standardisation des actes particulièrement délicat 53. Pour autant, à l’en croire, les résultats sont spectaculaires :
« Avant d’entrer dans le détail du calcul des temps, je vous donnerai, dès maintenant, un exemple frappant de gain de temps par l’application des nouvelles méthodes. Je suis persuadé qu’il retiendra votre attention.
Il s’agit de la réparation de l’avant du transport X avarié à la suite d’un torpillage. La réparation doit être menée très rapidement et la coque affecte des formes des plus étranges. La direction du chantier veut se rendre compte tout de suite de l’ordre de grandeur de la durée du travail à effectuer.
Le contremaître principal, chargé de la réparation de ce bâtiment, étudie la question avec les chefs de travaux pendant une matinée et déclare qu’il lui faut 12 000 heures au minimum pour mener à bien la réparation (dans son esprit, les équipes de riveurs et de tôliers devaient réaliser ainsi une bonification permettant d’augmenter leur salaire de 30% environ).
La direction, confiante dans l’évaluation de son contremaître qui avait acquis avant la guerre une expérience notoire dans ce genre de détermination de temps, prend ses dispositions en conséquence.
Pendant les premiers jours de la réparation, la Section des Temps calcule à son tour, avec les méthodes nouvelles, les différentes phases de la réparation, travail qui est pourtant loin de pouvoir être rangé dans les travaux dits en série. En intégrant les temps unitaires des diverses corporations : rivetage, perçage, tôlerie, formage, matage, etc., la Section des Temps arrivait à un total de 46 000 heures au lieu des 12 000 prévues par le contremaître. On tarifa le travail sur cette évaluation et on donna des instructions en conséquence » 54.
22On comprend par ce témoignage avec quelle rapidité l’OST peut s’imposer en Basse-Loire lorsqu’il s’agit de l’appliquer à des processus aussi standardisés que la production d’obus. L’entrée en guerre modifie en effet profondément le rapport des forces au sein du bassin industriel nazairien. Si les premières années du XXe siècle sont celles, dans l’estuaire de la Loire, d’un renforcement syndical et d’une lente progression des résultats de la SFIO aux élections, la dynamique se rompt avec l’été 1914 55. En effet, les organisations ouvrières « cessent toute activité » avec la mobilisation générale, arrêt d’autant plus remarquable qu’il intervient après un hiver 1913-1914 marqué par une grève très dure de 117 jours des dockers nazairiens 56. De surcroît, on se rappelle que l’opposition syndicale à la loi portant à trois ans la durée du service militaire est particulièrement forte et la CGT ne craint d’ailleurs pas à ce propos d’affirmer que la journée de mobilisation du 16 décembre 1912 « contre la guerre » est dans l’estuaire de la Loire un succès : « À Saint-Nazaire la grève fut générale sur le port et chez les marins ; elle fut presque complète dans la métallurgie » 57. On mesure dès lors combien le ralliement à l’Union sacrée est soudain, dimension qui en ce qu’elle devait être imprévisible aux yeux des contemporains participe certainement de cette impression de guerre totale 58.
23En définitive, c’est toute la structure de l’économie industrielle nazairienne qui est bouleversée, et qui témoigne par la même occasion du processus de totalisation à l’œuvre au cours de la Première Guerre mondiale. L’historienne M. Barbance résume d’ailleurs brillamment, en quelques mots, la situation dans ses notes de travail. Avec la guerre, la puissance publique devient la pièce non seulement maîtresse mais quasi unique du tissu industriel local. L’État est en effet à la fois le client exclusif, le fournisseur de main d’œuvre par l’intermédiaire des affectations spéciales, mais aussi d’une certaine manière le patron puisque son arbitrage devient obligatoire à partir de 1917 pour les établissements travaillant pour la défense nationale 59. C’est ainsi qu’à la suite d’une réunion tenue le 3 mars 1917 à Nantes entre les « représentants des industries et [des] ouvriers », le ministère de l’Armement et des fabrications de guerre décide de nouvelles conditions de rémunération. Une prime de vie chère est instaurée, de même qu’une hausse du salaire horaire, de manière à augmenter d’environ 30% les rémunérations. Ces mesures sont applicables en Basse-Loire aux ouvriers et ouvrières travaillant dans les établissements placés sous contrôle du dit ministère 60.
Tableau 1 : Effectifs et activités de quelques poids lourds du secteur industriel nazairien en mai 1917
Nom de l’entreprise | Nombres d’ouvriers | Fabrications |
Chantiers de l’Atlantique | 2 000 | Obus de 320, 120 et 75 |
Chantiers de la Loire | 1 700 | Obus de 120, 75 et de mortier |
Fonderies de Saint-Nazaire | 300 | Obus de 320 et 120 |
Forges de Trignac | 3 000 | Travail par intermittence par faute de charbon |
Clément, Jean-Yves, Le Mouvement ouvrier nazairien des origines à 1918, Mémoire de maîtrise sous la direction de Fiérain, Jacques, Nantes, Université de Nantes, 1980, p. 80.
24Union sacrée oblige, mais aussi sans doute conscients de ce nouveau rapport de force, les syndicats adoptent une attitude nouvelle et collaborent avec la puissance publique 61. Sans doute faut-il y voir une conséquence directe du dialogue établi par Albert Thomas 62. Mais peut-être peut-on également y déceler une certaine part de stratégie, les organisations ouvrières tentant de récupérer en salaire et autres avantages ce qu’elles ont perdu sur le taylorisme. C’est d’ailleurs ce que suggère l’édition spéciale publiée le 24 juin 1919 du Travailleur de l’Ouest. Si ce journal « socialiste, syndicaliste et coopératif » rappelle le concours apporté par les ouvriers « aux industriels » pour la mise en place de « méthodes nouvelles au travail », il en profite pour insister sur les « repos intercalaires » qui « peuvent améliorer le rendement » et demande, notamment, que soient construites des maisons ouvrières 63. En tout état de cause, à Penhoët désormais largement reconverti en atelier de tournage d’obus, le quotidien est grandement modifié, rompant diamétralement avec la situation qui pouvait prévaloir avant la guerre :
« Le métier, la profession en cette fin du XIXe siècle dans la construction navale à Saint-Nazaire, c’était plus qu’un savoir technique appliqué au fonctionnement d’une machine. Les outils de production étaient très peu spécialisés. Il fallait tout l’art de l’ouvrier pour utiliser les machines les plus rudimentaires à l’usinage des pièces complexes. Moins l’outil est perfectionné, plus la fabrication d’un objet requiert connaissance et habileté. Le tour de main, voilà bien la force de cette classe ouvrière des chantiers navals : elle maîtrise le processus de travail (organisation, temps, conception), se rapprochant ainsi plus de l’artisan exploité par un patron que de l’OS des temps modernes » 64.
25Parallèlement, la vie quotidienne se caractérise à Saint-Nazaire, comme partout ailleurs en France du reste, par une hausse spectaculaire des prix. Celle-ci n’est d’ailleurs pas sans initier certains mouvements de grogne dans la population et, en août 1916, le maire Louis Brichaux est contraint de se défendre et d’expliquer « qu’au point de vue de la vie chère, il a tout fait, particulièrement au point de vue de la boucherie pour enrayer le mouvement de la hausse, malheureusement il se trouve désarmé pour les autres denrées qui subissent une hausse scandaleuse » 65. Pour enrayer cette inflation galopante, on tente bien d’augmenter les salaires. En mai 1916, le Conseil municipal du port ligérien décide par exemple d’accorder une mensualité supplémentaire de 10 francs au personnel de la commune dont le traitement annuel n’excède pas 3 500 francs. Une telle mesure est loin d’être unique puisqu’elle s’inspire « de ce qui est fait dans de nombreuses industries de la ville » 66. D’autres initiatives tentent d’agir sur la structure même du marché, afin de faire baisser les prix. C’est ainsi que Louis Brichaux intègre, aux côtés de Georges Garreau, maire de Vitré, Paul Bellamy, maire de Nantes, Jean Janvier, maire de Rennes et Pierre-Louis Esvelin, maire de Lorient, un « syndicat conseil » visant à faire pression sur les compagnies « qui se sont manifestement syndiquées pour attaquer les villes et agir en relèvement du prix du gaz »67.
26En définitive rien n’y fait. Alors que les poilus défendent Verdun et attaquent, aux côtés des Tommies, sur la Somme, les prix ne cessent de monter en flèche. Nombreux sont les auteurs à avoir souligné l’importance du marché noir. Y. Guin rappelle par exemple qu’en 1916 « le lait, le beurre, le fromage, le chocolat, le pétrole sont presque introuvables ou se vendent au marché noir » au double du prix normal, sans compter que le poisson et même les pommes de terre deviennent rares 68.
Tableau 2 : Nombre de grèves répertoriées à Saint-Nazaire entre le 1er août 1914 et le 11 novembre 1918
Professions | Dates de grève | Nombre… | Motifs | |
d’établissements | de grévistes | |||
Charpentiers de navire | Du 05/08 au 05/09 1916 | 1 | 60 | Demande de hausse de salaire |
Mécaniciens constructeurs et métallurgistes | Du 24/07 au 26/07 1917 | 10 | 6 221 | Non-application des nouveaux tarifs dans un établissement |
République Française, Ministère du Travail, Direction du Travail, Statistique des Grèves et des recours à la conciliation et à l’arbitrage survenus pendant l’année 1914, Paris, Imprimerie nationale, 1919 et République Française, Ministère du Travail, Direction du Travail, Statistique des Grèves survenues pendant les années 1915-1916-1917-1918, Paris, Imprimerie nationale, 1921.
27Aussi, dans la seconde moitié de l’année 1916, plusieurs conflits sociaux éclatent à Saint-Nazaire et dans les environs pour demander des augmentations de salaires. En août, des charpentiers de marine réclament une prime de 20% en contrepartie d’une hausse des cadences visant à hâter le lancement d’un navire. En octobre, plusieurs grèves éclatent, y compris aux Chantiers et ateliers de la Loire, pour réclamer une augmentation de salaire 69. À contrario, les 10 et 11 novembre 1916, c’est pour protester contre une réduction de revenus que les ouvriers agricoles et viticoles de 42 établissements débrayent et obtiennent gain de cause. En juillet 1917, plus de 5 000 ouvriers de 10 établissements de Saint-Nazaire se mettent en grève pour l’application de nouveaux barèmes salariaux décidés lors d’une concertation, évoquée plus haut, ayant eu lieu au mois de mars précédant 70. Pour autant, non seulement l’inflation ne cesse pas mais le ravitaillement commence à manquer. En janvier 1918, le maire est obligé d’en appeler à ses administrés, rappelant au passage combien, en cette période, tout est lié :
« Mes chers Concitoyens,
Si chacun d’entre nous veut réduire d’un quart la quantité de pain qui jusqu’ici lui était nécessaire.
Si nous supprimons tout gaspillage. Si nous voulons nous habituer à consommer, à chaque repas, quelques pommes de terre, et à manger un peu plus souvent du riz nous éviterons la carte de pain.
En diminuant les importations de blé, nous sauverons le tonnage nécessaire à la défense nationale.
Par patriotisme, par amour de nos chers ‘poilus’ sachons remplir nos devoirs.
Le maire, Louis Brichaux » 71
28Pour autant, le vibrant appel ne produit aucun effet et, quelques jours plus tard, est institué un système que l’on pourrait qualifier de « boulanger référent » :
« D’accord avec la boulangerie locale, le maire de Saint-Nazaire a l’honneur d’informer la population que chaque habitant doit se faire inscrire, d’urgence, chez le boulanger où il a coutume de s’approvisionner.
Les inscriptions seront reçues jusqu’au 15 janvier courant, dernier délai.
Ces inscriptions comporteront le nombre de personnes adultes et celui des enfants vivant au foyer de chaque client.
Nul ne peut se faire inscrire chez plusieurs boulangers.
Les boulangers ne délivreront du pain qu’aux personnes portées sur leurs listes.
Les clients ayant coutume de se fournir chez plusieurs boulangers pourront se faire inscrire chez ceux-ci, mais les boulangers livreront à tour de rôle et par semaine.
L’inscription a pour but de faciliter, à la Commission de répartition, l’attribution des farines aux boulangers, dans la mesure des quantités disponibles et suivant l’importance de la clientèle.
Tout habitant de Saint-Nazaire, qui, dans le délai imparti ci-dessus, ne se sera pas fait inscrire chez un fournisseur court le risque de se trouver sans pain.
Il en serait de même du client qui frauduleusement aurait provoqué son inscription chez plusieurs boulangers.
Saint-Nazaire-sur-Loire, le 10 janvier 1918
Le maire, Louis Brichaux » 72.
29C’est dans ce contexte de pénurie, alimentaire mais aussi, on l’a vu, énergétique, que les Américains commencent à massivement débarquer dans l’estuaire de la Loire, au cours du premier semestre 1918.
30Formidable accélération du temps, l’entrée en guerre se traduit à l’été 1914 par une succession, à un rythme échevelé, de nouvelles qui assurément contribuent à faire de cette période un moment total. En quelques heures s’enchainent l’annonce de la mort de Jean Jaurès puis la mobilisation générale, la déclaration de guerre et le départ des hommes, concomitant à celui des chevaux, pour le front. Après quelques jours d’expectative, l’opinion publique prend connaissance de la réalité des premières opérations qui sont loin d’être aussi brillantes que prévues. Non seulement les « pantalons rouges » ne sont pas en Allemagne mais ils reculent, fort dangereusement, jusqu’au « miracle » de la bataille de la Marne, en septembre 1914. C’est à ce moment que débute le débarquement du corps expéditionnaire britannique, événement qui rétrospectivement peut être vu comme l’amorce de l’immense activité qui caractérise Saint-Nazaire pendant tout le conflit. En effet, si l’enlisement dans les tranchées peut être perçu comme un ralentissement du rythme des offensives qui scandent le champ de bataille, le tempo s’accélère au contraire dans le port ligérien afin d’alimenter l’effort de guerre en équidés et en houille. Le passage à l’économie de guerre se traduit pour sa part par une double évolution avec, d’une part, l’imposition de l’organisation scientifique du travail dans le secteur industriel, d’autre part l’émergence progressive d’une consommation de pénurie symbolisée par les cartes de ravitaillement. Assurément, cette incapacité à lutter contre la hausse du coût de la vie puis à empêcher le rationnement doit peser sur les opinions au moment où la ville accueille de plus en plus d’Américains qui, non seulement du fait de leur fort pouvoir d’achat paraissent pouvoir tout acheter, mais de surcroît ne semblent manquer de rien au niveau alimentaire. Nous y reviendrons.
31Il n’en demeure pas moins qu’après la confiance des premiers jours d’août 1914 – la campagne serait courte, s’achèverait à Berlin et avant Noël – succèdent rapidement l’angoisse et l’incertitude face à un conflit qui ne semble pouvoir trouver d’issue tant le front ennemi semble impossible à rompre 73. Après l’échec de l’offensive Nivelle sur le Chemin des Dames, le 16 avril 1917, le moral semble à son plus bas, mutineries et grèves paraissant gangréner l’effort de guerre français. On voit donc dans quel contexte intervient l’entrée en guerre des États-Unis.
32La région de Saint-Nazaire ne fait nullement exception à la morosité ambiante. Le 18 juin 1917, soit dix jours seulement avant l’arrivée des premiers Doughboys sur le sol français, les inspecteurs Lansade et Lory rendent compte au commissaire de la police spéciale de Saint-Nazaire d’une « excursion » faite quelques jours auparavant sur l’île Dumet, minuscule caillou plongé dans l’océan atlantique, au large de Piriac, entre Hoëdic et Pénestin. Leur mission est de s’assurer que rien de suspect ne se produit sur cet îlot. Le rapport qu’ils rédigent dit toutefois parfaitement le climat du moment, entre suspicion permanente et résignation face à une guerre qui, débutée depuis presque trois ans, n’en finit plus de finir. À en croire quelques témoignages recueillis sur place par les deux fonctionnaires de police, plus personne ne pratique la pêche hauturière par crainte des mines et des sous-marins et les navires préfèrent longer les côtes. Pire, la rumeur locale fait de l’île Dumet une base secrète de ravitaillement des U-boots allemands 74. Loin d’être anecdotiques, ces bruits disent bien combien la guerre est proche d’une ville comme Saint-Nazaire, pourtant située à l’arrière, mais sur un front maritime. D’ailleurs, les deux policiers préconisent l’établissement sur l’île Dumet d’une piste d’aviation par l’autorité militaire, ne serait-ce que pour « calmer l’opinion publique » 75. C’est cette globalité du conflit qui, à n’en pas douter, contribue à forger son image de guerre totale.
Notes de bas de page
1 Pour une présentation de ce titre se reporter à Bihl, Laurent, « Panorama de la presse satirique », Ridiculosa, n°18, 4e trimestre 2011, p. 275-278.
2 Bourlet, Michaël, L’Armée américaine dans la Grande Guerre 1917-1919, Rennes, éditions Ouest-France, 2017, p. 53.
3 Delorme, Hugues, « Uncle Sam », La Baïonnette, 3e année, n°114, 6 septembre 1917, p. 570.
4 Becker, Jean-Jacques, 1914, Comment les Français sont entrés dans la guerre, op. cit..
5 Cochet, François et Sauvage, Jean-Christophe (dir.), 1914. La Guerre avant la guerre. Regards sur un conflit à venir, Paris, Riveneuve, 2015.
6 Pour de plus amples développements Le Gall, Erwan, La Courte Grande Guerre de Jean Morin, Spézet, Coop Breizh, 2014, p. 95-123.
7 Arch. dép. Loire-Inf. : Délibérations du Conseil municipal de Pornichet, 2 août 1914.
8 Arch. dép. Loire-Inf. : Délibérations du Conseil municipal de La Baule-Escoublac, 4 août 1914.
9 Le Gall, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914-juillet 1915), éditions Codex, 2014.
10 Moussat, Alain, « Une journée particulière. La Baule, 1er août 1914 », Histoire & Patrimoine. L’histoire locale de la région nazairienne et de la presqu’île guérandaise, n°87, juillet 2016, p. 49-55.
11 Arch. mun. Saint-Nazaire: transcription des souvenirs de campagne de Paul Couëdel, en ligne. L’orthographe des documents originaux est systématiquement respectée dans cette étude.
12 Cité in Pauvert, Patrick, « Images de Saint-Nazaire pendant la Grande Guerre », Histoire & Patrimoine, Hors-Série n°4, octobre 2015, p. 5.
13 Chatrain, O., « Les indésirables au travail », Le Phare de la Loire, 102e année, n°31 807, 22 avril 1917, p. 2. Pour de plus amples développements se reporter aux travaux de Richard, Ronan et notamment « Un directeur modèle au camp d’internement de Guérande en 1914-1918 », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, Tome 135, juin 2000, p. 311-325 et La nation, la guerre et l’exilé : représentations, politiques et pratiques à l’égard des réfugiés, des internés et des prisonniers de guerre dans l’Ouest de la France durant la Première Guerre mondiale, Thèse de doctorat sous la direction de Sainclivier, Jacqueline, Rennes, Université Rennes 2, 2004.
14 Barbance, Marthe, Saint-Nazaire, le port, la ville, le travail, op. cit., p. 148.
15 Ibidem.
16 Pauvert, Patrick, « Images de Saint-Nazaire pendant la Grande Guerre », Histoire & Patrimoine, Hors-Série n°4, octobre 2015 en présente quelques-unes p. 8-9.
17 [www.collection-jfm.fr/p/cpa-france-44-saint-nazaire-debarquement-d-un-cheval-des-troupes-anglaises-82117]. Page consultée le 18 mai 2017.
18 Écomusée de Saint-Nazaire : CP 1808.
19 Gualde, Krystel, En Guerres 1914-1918 1939-1945 Nantes & Saint-Nazaire, Nantes, Éditions du château des ducs de Bretagne, 2013, p. 75.
20 Le Gall, Erwan, « La guerre comme série de mouvements ? Analyse à partir du 14-18 », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°3, hiver 2014, en ligne.
21 Milhaud, Claude, 1914-1918 L’autre hécatombe. Enquête sur la perte de 1 140 000 chevaux et mulets, Paris, Belin, 2017, p. 16 et 25.
22 Pour une approche globale de la question, se rapporter au remarquable Milhaud, Claude, 1914-1918 L’autre hécatombe…, op. cit..
23 Ibid., p. 41.
24 « Dr. Maylie Returns From Service in French Corps », The Saint Tammany Farmer, Vol XLI, n°15, 6 mars 1915, p. 1.
25 « Horses on board ship are burned to death », El Paso Herald, November 11, 1914, p. 6.
26 « Skipper denounces submarine warfare », The Bisby Daily Review, Vol 19, n°138, 16 novembre 1916, p. 6.
27 Milhaud, Claude, 1914-1918 L’autre hécatombe…, op. cit, p. 47.
28 Par commodité nous employons ici le terme générique de « charbon » sans toutefois nous méprendre sur ce que peut avoir de factice ce terme tant il recouvre une grande variété de combustibles aux implications énergétiques et économiques différentes. En ce qui concerne la houille anglaise, principal objet du commerce nazairien, il convient de garder à l’esprit que celle-ci se caractérise par un bon rendement en goudron ainsi que de forts pouvoirs éclairants et calorifiques. Ce produit a bien entendu un usage domestique mais est également employé pour les locomotives.
29 Barbance, Marthe, Saint-Nazaire, le port, la ville, le travail, op. cit., p. 141-142.
30 Chancerel, Pierre, Le marché du charbon en France pendant la Première Guerre mondiale (1914-1921), Thèse de doctorat, Paris, Université Paris Ouest, 2012, p. 27-28.
31 Chancerel, Pierre, « Le rôle du charbon dans l’économie de guerre entre 1914 et 1918 » et Beltran, Alain, « Les enjeux énergétiques dans le plan de mobilisation industrielle pendant la Grande Guerre », La Grande Guerre et les travaux publics, Pour Mémoire. Revue des ministères de l’environnement, de l’énergie et de la mer du logement et l’habitat durable, n°HS, hiver 2015-2016, p. 43 et 53.
32 Chancerel, Pierre, Le marché du charbon en France…, op. cit., p. 221.
33 Wonoroff, Denis, Histoire de l’industrie en France du XVIe siècle à nos jours, Paris, Seuil, 1998, p. 369 rappelle que ces départements hautement industrialisés représentent 74% de la houille et 81% de la fonte produites dans l’hexagone.
34 Chancerel, Pierre, Le marché du charbon en France…, op. cit., p. 19-35.
35 Ibid., p. 61-108. Fernandez, Alexandre, « Le charbon et la production de gaz et d’électricité : de la querelle des tarifs à l’arrêt gaz de Bordeaux », La Grande Guerre et les travaux publics, Pour Mémoire. Revue des ministères de l’environnement, de l’énergie et de la mer du logement et l’habitat durable, n°HS, hiver 2015-2016, p. 56 rappelle qu’en 1916 la Grande-Bretagne réduit de 28% ses exportations de charbon.
36 Chancerel, Pierre, Le marché du charbon en France…, op. cit., p. 88.
37 Hazo, Bernard, Le mouvement ouvrier à Trignac. Réflexions sur l’hégémonie sociale-démocrate. 1914-1940, Nantes, Université de Nantes / Centre de recherche politique, 1978, p. 47.
38 Robert-Muller, Charles, « Saint-Malo-Saint-Servan : un port charbonnier », Annales de Bretagne, Vol 35, n°3, 1921, p. 404.
39 Lejeune, J., « Le port de Pontrieux », Annales de Bretagne, Vol 40, n°3, 1932, p. 443-456.
40 Nouailhat, Yves-Henri, Les Américains à Nantes et à Saint-Nazaire, 1917-1919, Paris, Les Belles Lettres, 1972, p. 62.
41 « Notre port », L’Ouest-Éclair (édition de Nantes), 19e année, n°5927, 9 octobre 1915, p. 3.
42 Arch. Dép. Loire-Atl. : 8 ET 6, Compte rendu des travaux de la chambre de commerce de Saint-Nazaire, séance extraordinaire du 16 septembre 1914 et 5 novembre 1914, p. 199 et 206.
43 Nouailhat, Yves-Henri, « La Loire inférieure dans la Grande Guerre », in Abbad, Fabrice (dir.), La Loire-Atlantique des origines à nos jours, Saint-Jean d’Angély, Éditions Bordessoules, 1984, p. 363.
44 Pour un résumé synthétique de cette affaire qui mériterait du reste d’être réexaminée se rapporter à Ministère de la Guerre, État-Major de l’Armée, Service historique, Les Armées françaises dans la Grande Guerre, Paris, Imprimerie nationale, 1931, Tome 2, 1er volume, La Stabilisation du front, les attaques locales, 14 novembre 1914-1er mai 1915, p. 51-70.
45 Porte, Rémy, « Mobilisation industrielle et guerre totale : 1916, année charnière », Revue historique des Armées, n°242, 2006, p. 26-35.
46 Codet, François, Le Grand dictionnaire des transatlantiques. Du Titanic au France, Paris, Little Big Man, 2011, p. 250-251 et sans auteur, « Le Paris », La Lettre des Paquebots, n°36, 4e trimestre 2000, p. 21-23.
47 La politique dite de récupération est le rappel massif de personnes exemptées, ajournées ou affectées aux services auxiliaires par les Conseils de révision afin de les verser dans des unités combattantes, de manière à combler les trous dans les rangs résultant des immenses pertes de l’été 1914. Boulanger, Philippe, La France devant la conscription. Géographie historique d’une institution républicaine, 1914-1922, Paris, Economica, 2001, p. 118.
48 Arch. dép. Loire-Atl. : 1 R 1163.3584.
49 Arch. dép. Loire-Atl. : 1 R 1061.1636.
50 Fridenson, Patrick, « Un tournant taylorien de la société française (1904-1918) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 42e année, n°5, 1987, p. 1031-1060.
51 Guin, Yannick, Le Mouvement ouvrier nantais. Essai sur le syndicalisme d’action directe à Nantes et Saint-Nazaire, Paris, Maspéro, 1976, p. 382.
52 Nous ne connaissons pas le prénom de cet ingénieur, ce qui n’est d’ailleurs pas sans révéler un certain angle mort historiographique. En effet, les travaux concernant les différents chantiers navals de Saint-Nazaire se sont avant tout focalisés sur la genèse du mouvement ouvrier et les conflictualités sociales pour finalement peu investir le champ des méthodes de travail. Sans doute y a-t-il là un chantier à mener pour l’avenir ?
53 Lavallée, « Résultats obtenus par l’application des nouvelles méthodes de travail dans un chantier de 3 000 ouvriers », Bulletin de la société d’encouragement pour l’industrie nationale, 118e année, 1er semestre, mai-juin 1919, p. 446. L’auteur note, non sans paternalisme, que « les ouvriers se prêtèrent très loyalement aux diverses expériences et c’est grâce à leur bonne volonté et à leur confiance dans la direction que des résultats inespérés s’obtinrent rapidement » et d’ajouter : « Il faut leur en être reconnaissant » (p. 444).
54 Ibid., p. 452-453.
55 Hazo, Bernard, Les Anarchistes bleus 1880-1914. Le mouvement ouvrier à Saint-Nazaire et en Loire-Inférieure, La Baule, Édition des Paludiers, 1980, p. 109-118 n’hésite pas à propos de cette période à parler d’un « renouveau socialiste » en Basse-Loire.
56 Écomusée de Saint-Nazaire : BA 63, chemise 2 ; Geslin, Claude, Le syndicalisme ouvrier en Bretagne jusqu’à la Première Guerre mondiale, Tome 2, Saint-Hippolyte-du-Fort, Espace-Écrits, 1990, p. 500.
57 Le Prolétariat contre la guerre et les trois ans, Paris, Maison des fédérations, sans date, p. 90.
58 Cette conversion à l’Union sacrée ne doit pour autant pas surprendre en ce qu’elle découle de la modification, en l’espace de quelques heures, de la signification prise par la notion d’antimilitarisme. Sur la question se reporter à Le Gall, Erwan, « Le Ralliement à la guerre de 1914 de deux figures de la gauche bretonne : digressions sur la notion d’antimilitarisme », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°5, hiver 2015, en ligne.
59 Écomusée de Saint-Nazaire : BA 63, chemise 2. Ces « profondes modifications dans les relations capital-travail » sont également soulignées par Guin, Yannick, Le Mouvement ouvrier nantais…, op. cit., p. 182. Précisons toutefois que la part importante occupée par l’État au sein du bassin industriel nazairien ne saurait pour autant constituer une totale nouveauté. Boulo, Daniel, Le mouvement ouvrier à Saint-Nazaire : 1919-1939, Mémoire de maîtrise sous la direction de Fiérain, Jacques, Nantes, Université de Nantes, 1984, p. 20 note que « L’activité des chantiers de Penhoët et de la Loire comme l’ensemble des chantiers navals nazairiens est liée à la politique définie par l’État. La construction navale à Saint-Nazaire a subsisté alors grâce aux aides multiples versées par l’État. Les chantiers de Penhoët et de la Loire dépendant de l’État à deux titres : par les commandes de l’État et par les primes accordées par le gouvernement par les lois d’aide de 1881, 1893, 1902 et enfin 1906 ».
60 Écomusée de Saint-Nazaire : BA 63, chemise 2.
61 Écomusée de Saint-Nazaire : BA 63, chemise 2.
62 À ce propos, on pourra se reporter au récent et stimulant Blaszkiewicz-Maison, Adeline, Albert Thomas. Le socialisme en guerre 1914-1918, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.
63 Écomusée de Saint-Nazaire : BA 65, 22 FÀ 7, chemise 8.
64 Ouvrage collectif, Études et documents sur Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier de 1848 à 1920, Saint-Nazaire, Association de recherches et d’études du mouvement ouvrier de la région de Saint-Nazaire, 1980, p. 279.
65 « Au Conseil municipal », L’Ouest-Éclair, 18e année, n°6239, 1er septembre 1916, p. 3.
66 « Conseil municipal », L’Ouest-Éclair, 17e année, n°6204, 8 mai 1916, p. 3.
67 « La question du gaz au Congrès des Maires de l’Ouest », L’Ouest-Éclair, 18e année, n°6 253, 15 septembre 1916, p. 3.
68 Guin, Yannick, Le Mouvement ouvrier nantais…, op. cit., p. 384-385.
69 Celles-ci ne figurent pas dans République Française, Ministère du Travail, Direction du Travail, Statistique des Grèves survenues pendant les années 1915-1916-1917-1918, Paris, Imprimerie nationale, 1921 ce qui n’est pas un cas unique. Barzman, John, « Militaires, pouvoirs publics et syndicats de dockers au Havre, 1914-1918 », in Robert, Jean-Louis (dir. en collaboration avec Chaurand, David), Le Syndicalisme à l’épreuve de la Première Guerre mondiale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 137.
70 Écomusée de Saint-Nazaire : BA 63, chemise 2.
71 « Un appel de la Mairie », L’Ouest-Éclair, 19e année, n°5642, 4 janvier 1918, p. 3.
72 « Plus de clientèle volante », L’Ouest-Éclair, 19e année, n°5651, 13 janvier 1918, p. 4.
73 Porte, Rémy, Rompre le front ? Novembre 1914-mars 1918. Comment percer les lignes ennemies et retrouver la liberté de manœuvres, Saint-Cloud, Soteca, 2016.
74 Sur le fonctionnement de la rumeur se reporter à Bloch, Marc, Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre, Paris, Éditions Allia, 1999 et Walmer Smith, Helmut, La Rumeur de Konitz. Une affaire d’antisémitisme dans l’Allemagne 1900, Paris, Éditions Phebus, 2003.
75 Arch. Nat. : Rapports des préfets et des commissaires spéciaux au ministère de l’Intérieur pendant la Première Guerre mondiale. En ligne. [https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/IR/FRAN_IR_053748].
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