Chapitre 4 – La garde et l’intérêt de l’enfant devant les tribunaux égyptiens
p. 59-75
Texte intégral
1En 2008, la loi égyptienne sur l’enfant a été amendée pour exiger que l’intérêt supérieur de l’enfant (maslaha al-tifl al-fadla) prévale « dans toutes les décisions et mesures relatives à l’enfance, quelle que soit la partie qui en est à l’origine ou qui les applique ». Cet amendement, destiné à mettre en œuvre la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant1 ratifiée par l’Égypte en 1990, a été salué comme une avancée fondamentale vers la protection des droits de l’enfant2. Dans son rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention sur les droits de l’enfant, l’Égypte a ainsi affirmé que le Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant, à l’origine des amendements de 2008, avait :
« […] dûment pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant au cours de la promotion relative aux modifications apportées au Code sur certains aspects sensibles tels que le relèvement de l’âge du mariage, l’incrimination de la mutilation génitale féminine, les droits de l’enfant né hors mariage, le droit de tutelle accordé à la femme qui a la garde légale de l’enfant et le relèvement de l’âge minimum de la responsabilité pénale. On peut dire que le Conseil a su faire admettre la primauté du principe de prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant » (Comité des droits de l’enfant, 2010, p. 35).
2La Constitution de 2014 a également fait référence pour la première fois à l’intérêt de l’enfant dans son article 803.
3La prise en compte de l’intérêt de l’enfant dans la dévolution de la garde était toutefois déjà connue du droit égyptien. La loi sur l’enfant de 1996 elle-même, avant son amendement de 2008, prévoyait dans son article 3 que toutes les décisions et mesures relatives à l’enfance, quelle que soit la partie qui en était à l’origine ou qui les appliquait, devaient accorder la priorité à la protection de l’enfant et de ses intérêts (masâlihihi). La loi sur le statut personnel de 19294 demandait également au juge de prendre en compte l’intérêt de l’enfant dans toute demande de prolongation de l’attribution de sa garde à la mère5. Les juges en charge du statut personnel ainsi que la Cour de cassation en tenaient déjà compte dans leurs décisions d’attribution de la garde en cas de divorce ou de séparation des parents. Quant à la Haute Cour constitutionnelle, elle avait déjà invoqué à plusieurs reprises l’intérêt de l’enfant pour valider des lois relatives à la prolongation de la durée de la garde des enfants en cas de divorce.
4Le concept d’intérêt supérieur de l’enfant est une notion très difficile à définir. Ni la Convention internationale des droits de l’enfant ni le droit égyptien n’en proposent de définition. Tous deux renvoient à l’interprétation qui en sera donnée par les autorités en charge de la mettre en œuvre, et notamment par les juges. Le but étant de renforcer la protection de l’enfant, on peut raisonnablement s’attendre à ce que toute décision officielle le concernant doive préserver son bien-être et son droit à se développer dans un environnement favorable. De plus, c’est un concept qui ne doit pas être figé ni statique. Pour le Comité des droits de l’enfant, l’intérêt de l’enfant est un concept dynamique, qui suppose un développement continu (Comité des droits de l’enfant, 2013)6. Il ne peut être défini qu’au cas par cas, en fonction de la situation et à un moment donné (id.).
5Le législateur égyptien n’a pas désigné d’autorité compétente chargée de définir l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est donc à travers la jurisprudence que l’on peut appréhender la signification qui a été donnée à ce concept en droit égyptien. Parmi les différentes juridictions égyptiennes, la Haute Cour constitutionnelle est la mieux placée pour en donner une interprétation authentique. En effet, elle est chargée de veiller à la constitutionnalité des lois, mais aussi à leur interprétation7. La Cour a été amenée à se prononcer sur les réformes successives de la loi du statut personnel qui ont repoussé l’échéance du droit de garde, ainsi que sur la loi de 2008 qui a amendé la loi sur l’enfant en confiant à la gardienne un pouvoir de décision en matière d’éducation des enfants. Elle a validé toutes ces réformes en invoquant à chaque fois l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutefois, l’utilisation de ce concept dans la jurisprudence égyptienne soulève des problèmes de conformité avec les standards internationaux en ce domaine. Si, pour le juge égyptien, la garde est d’abord un droit de l’enfant avant d’être un droit de son gardien, il adopte toutefois une conception bien tranchée de son intérêt : c’est de rester avec sa mère dans les premières années de sa vie et que son père couvre toutes ses dépenses et prenne les décisions les plus importantes le concernant. Cette conception repose sur une dichotomie très marquée entre les responsabilités du père et celles de la mère que les réformes successives du droit de la famille n’ont pas réussi à effacer.
6Cette contribution s’intéressera à l’interprétation donnée à ce concept d’intérêt de l’enfant par les tribunaux égyptiens – juges du fond, Cour de cassation et Haute Cour constitutionnelle8 – dans des affaires relatives au droit de garde de l’enfant en cas de séparation de ses parents. L’argumentation des décisions par les juges sera analysée pour évaluer dans quelle mesure la justice égyptienne prend en compte l’intérêt de l’enfant et quel contenu elle donne à ce concept. La première partie sera ainsi consacrée à l’évolution du droit de garde en droit égyptien et aux décisions de justice relatives à ces réformes et la seconde partie traitera de la perte du droit de garde dans le droit et dans la jurisprudence égyptienne.
L’évolution du droit de garde et la prise en compte de l’intérêt de l’enfant
7La garde (hadâna)9 de l’enfant en cas de séparation de ses parents est réglementée par la loi n° 25 de 1929 telle qu’amendée en 1985 et 200510. La loi de 1996 sur l’enfant amendée en 2008 contient également des dispositions réglementant la garde des enfants. Les juges égyptiens, tant la Cour constitutionnelle que les tribunaux ordinaires, ont été amenés à se prononcer sur la portée ou la constitutionnalité de ces dispositions.
L’amendement de la garde des enfants par la loi n° 100 de 1985
8La loi de 1929 opérait une distinction en fonction du sexe des enfants : elle fixait à sept ans pour le garçon et à neuf ans pour la fille l’âge auquel l’enfant devait être retiré à sa mère pour être confié à son père en cas de séparation11. Le juge avait toutefois la faculté de prolonger la garde jusqu’à neuf ans pour le garçon et onze ans pour la fille, quand l’intérêt de l’enfant le commandait (izâ tabayyana an maslahathum taqtadî dhâlika). En 1985, la loi de 1929 a été amendée12 pour reculer l’échéance de la garde des filles à douze ans et des garçons à dix ans, avec possibilité pour le juge de la prolonger jusqu’à quinze ans pour le garçon et jusqu’à son mariage pour la fille, s’il apparaissait que leur intérêt le nécessitait. La loi de 1929, même amendée en 1985, reprenait donc la solution traditionnelle en droit hanafite où la mère se voit confier la garde des enfants en bas âge avant de les remettre à leur père, et où la durée de la garde maternelle de la fille est plus longue que celle du garçon. On constate aussi que si l’article 20 prenait bien en considération l’intérêt de l’enfant, ce n’était que dans le cadre de la prolongation éventuelle de la garde maternelle et non dès la décision initiale consécutive à la séparation ou au divorce des parents13.
9La requête relative à la garde est distincte de la requête en divorce. Elle est examinée depuis 2004 par le tribunal de la famille. Depuis 2000, le parquet général peut mener une enquête et confier de façon temporaire la garde à l’une ou l’autre des parties en fonction de l’intérêt de l’enfant, jusqu’à ce que le juge ait statué14.
10Pendant toute la durée de la garde, le père doit verser une pension à la gardienne (ajr al-hadâna) pour la compenser des soins prodigués aux enfants. Cette pension s’ajoute à celle qu’il doit lui verser pendant une durée d’un an après le divorce (nafaqa al-‘idda) et à celle qui est versée pour l’entretien des enfants (nafaqa al-awlâd). En cas de prolongation de la garde par le juge, seule la pension des enfants continue à être versée15. La Cour de cassation a justifié l’abandon de la pension pour les frais de garde par le fait qu’en cas de prolongation, la gardienne n’exerce alors plus une garde (hadâna), mais une simple protection (hafz)16.
11Si la mère se voit confier la garde, c’est toutefois au père que la loi attribue la tutelle (wilâya) sur la personne et sur les biens de l’enfant17. C’est donc lui qui est chargé de gérer ses biens jusqu’à sa majorité et de prendre les décisions les plus importantes le concernant. Le droit égyptien repose donc sur la distribution traditionnelle des responsabilités entre le père qui exerce la tutelle sur la personne et sur les biens de l’enfant tandis que la mère se voit confier sa garde dans ses jeunes années.
12La question de la durée de la garde est importante dans le contexte égyptien de crise du logement, car pendant toute la durée fixée par la loi, la gardienne peut continuer à occuper le domicile conjugal18. Cela constitue donc une raison supplémentaire pour que les pères tentent d’obtenir la garde de leurs enfants. À l’expiration du délai légal, même si le juge estime que l’intérêt de l’enfant est de rester avec sa mère, la gardienne ne pourra toutefois demeurer dans le domicile conjugal. La Cour de cassation considère que les jugements en matière de garde ont une autorité temporaire et peuvent être modifiés si les circonstances qui ont poussé à leur adoption évoluent19.
13La Haute Cour constitutionnelle a été amenée à se prononcer sur l’amendement du droit de garde de 1985. Elle a validé la réforme en estimant qu’elle était dans l’intérêt de l’enfant et en a même étendu la portée aux citoyens chrétiens coptes et arméniens orthodoxes.
Le droit de garde des musulmans
14La Haute Cour constitutionnelle fut saisie par un père qui contestait la constitutionnalité de l’article 20 alinéa 1 du décret-loi n° 25 de 1929 tel qu’amendé par la loi n° 100 de 1985. L’épouse divorcée du requérant avait déposé une requête en 1985 afin d’obtenir la garde de son fils et le droit de rester avec lui dans le domicile conjugal. L’ex-mari refusa d’accéder aux demandes de son ex-épouse et, arguant de la non-conformité de cette disposition à l’article 2 de la Constitution selon lequel les principes de la charia islamique sont la source principale de la législation20, en saisit la Haute Cour constitutionnelle21.
15Dans sa décision, le juge constitutionnel établit une distinction au sein des principes de la charia qu’elle reprendra systématiquement par la suite : l’article 2 tel qu’amendé en 1980 signifie qu’aucun texte législatif ne doit contredire les règles dont l’origine et la signification sont authentiques (ahkâm al-shar‘iyya al-qat‘iyya fî thubûtihâ wa dalâlatihâ), car elles sont les seules à ne pouvoir donner lieu à raisonnement interprétatif (ijtihâd). Incarnant les principes absolus (al-mabâdi’ al-kulliyya) et les fondements fixes (al-usûl al-thâbita) de la charia islamique, elles sont immuables et n’admettent aucune exégèse (ta’wîl). Elles doivent être respectées et prévaloir sur toute disposition juridique qui les contredirait. À ce corps de principes authentiques, la Haute Cour oppose un ensemble de règles qu’elle qualifie de flexibles (ahkâm zanniyya), dans leur origine (thubût), dans leur signification (dalâla), ou dans les deux. Elles seules peuvent donner lieu à un effort interprétatif (ijtihâd). Elles changent en fonction du temps et du lieu, afin de garantir leur souplesse et leur vitalité et de faire face à tous les événements, en organisant les affaires des hommes (‘ibâd) de manière à satisfaire leurs intérêts (masâlih) légitimes. Cet effort interprétatif doit toutefois se dérouler dans le cadre des fondements absolus (al-usûl al-kulliyya)22 de la charia islamique et chercher à réaliser ses finalités générales (al-maqâsid al-‘âmma li-l-shari’a) que sont la préservation de la religion (dîn), de la vie (nafs), de la raison (‘aql), de la dignité (‘ird) et des biens (mâl).
16La Cour estima qu’en prenant en considération l’intérêt de l’enfant, le législateur avait bien respecté les finalités de la charia. En effet, la garde est une tutelle éducative (wilâya li-l-tarbiyya) qui vise à prendre soin (ihtimâm) de l’enfant, le protéger (ri‘âya) et s’occuper de tout ce qui le concerne durant les premières années de sa vie. Elle repose sur l’intérêt (maslaha) de l’enfant et c’est la raison pour laquelle la charia la confie à la gardienne (hâdina), qui a le droit légitime de l’éduquer, car elle est la plus à même de veiller sur lui et la plus soucieuse de le guider et de le protéger. Elle est plus affectueuse, plus proche de lui, connaît mieux ses besoins et est plus patiente. L’arracher à sa gardienne pendant cette période où il n’est pas indépendant lui serait donc préjudiciable, précise la Cour.
17La Cour constitutionnelle ajouta que la charia islamique ne compte pas parmi ses principes absolus, authentiques dans leur source et leur signification, de durée maximale de garde. Certains parmi les fuqahâ’ avaient choisi de fixer un âge limite de fin de garde, d’autres avaient préféré prendre en considération le moment à partir duquel l’enfant peut subvenir à ses besoins. Tous étaient cependant unanimes pour accorder la priorité à l’intérêt de l’enfant. En l’absence de consensus au sein des jurisconsultes, précise la Cour, l’ijtihâd était donc autorisé, à condition que le détenteur de l’autorité (wali al-amr) prenne en considération l’intérêt de l’enfant, et que sa protection prime sur les intérêts de toutes les autres parties impliquées. La durée de la garde ne devait pas être fixée de façon rigide, mais devait prendre en compte les changements de circonstances, la différence de nature entre garçons et filles et leurs besoins éducatifs respectifs. En décidant de prolonger la garde de l’enfant par sa mère, conclut la Cour, le détenteur de l’autorité avait bien pris en considération l’intérêt de l’enfant. L’amendement était donc conforme à l’article 2 de la Constitution23.
18On constate que la Haute Cour constitutionnelle opère un rapprochement entre la notion moderne d’intérêt supérieur de l’enfant et la normativité islamique, affirmant que la recherche de l’intérêt de l’enfant fait partie des objectifs (maqâsid) de la charia. Mais elle part toutefois du principe que son intérêt est d’être confié à sa mère, car elle est la plus qualifiée pour veiller sur lui, le guider et le protéger. La Cour prend pour acquis le fait que toute mère est affectueuse, proche de son enfant, le comprend et cherche à le protéger et que, à contrario, le père ne présente pas les mêmes qualités. Remarquons également qu’elle affirme que filles et garçons ont des besoins éducatifs différents en raison de leur différence de nature.
La Cour étend l’âge de la garde aux non-musulmans
19Un père copte orthodoxe introduisit un recours devant le tribunal pour les affaires personnelles (section des affaires communautaires) pour obtenir la garde de son fils âgé de sept ans, conformément à l’article 139 du Règlement du statut personnel des coptes orthodoxes de 193824 qui confiait la garde des filles à leur mère jusqu’à neuf ans et jusqu’à sept ans pour les garçons, sans possibilité pour le juge de la prolonger25.
20Lors de l’examen de cette affaire, l’ex-épouse, copte orthodoxe elle aussi, souleva l’inconstitutionnalité de cette disposition, en invoquant sa contradiction avec l’article 2 de la Constitution, ainsi qu’avec l’article 10 (l’État protège la mère et l’enfant) et l’article 40 (principe d’égalité). Pour elle, il y avait rupture du principe d’égalité entre les citoyens, la durée de la garde de la mère orthodoxe étant trop courte par rapport à celle fixée pour la mère musulmane. La loi des musulmans ne vient contredire aucun principe fondamental de la loi chrétienne (al-shari‘a al-masîhiyya) et vise la protection et le bonheur des jeunes générations. Elle devait donc être étendue aux citoyens non musulmans, affirmait cette mère copte orthodoxe.
21La Haute Cour constitutionnelle lui donna raison et estima que l’article 139 du Règlement des coptes orthodoxes établissait effectivement une discrimination arbitraire entre les citoyens d’un même pays en traitant mieux l’enfant musulman que l’enfant chrétien. Elle adopta un raisonnement très proche de celui qu’elle avait suivi dans sa décision de 1993, s’assurant tout d’abord qu’aucun texte impératif ne fixe la durée de la garde des enfants dans la religion copte orthodoxe, puis affirmant qu’il s’agit d’une question d’ordre social, qui concerne tous les citoyens de façon identique et qui doit être résolue dans l’intérêt de l’enfant. Le jeune musulman et le jeune chrétien se trouvent dans une situation juridique similaire en ce qui concerne la garde, dont le but est de protéger l’enfant dans ses jeunes années. La Cour rappela que la durée de la garde est une question soumise à interprétation, car les avis divergent en ce qui la concerne. En l’espèce, l’intérêt de l’enfant, musulman ou chrétien, était de rester le plus longtemps possible sous la garde de sa mère.
22La Cour ajouta que la discrimination entre enfants musulmans et chrétiens ne reposait pas sur des fondements objectifs qui, émanant de la nature même du droit objet de la disposition, fondée sur une éventuelle différence entre les religions, l’aurait justifiée. Il n’y avait donc pas lieu d’établir de distinction. Il y avait discrimination arbitraire entre les fils d’une même patrie, puisque l’enfant mâle chrétien était arraché à sa mère à l’âge de sept ans, même si son intérêt exigeait qu’il demeure avec elle, alors que l’enfant mâle musulman pouvait rester avec elle jusqu’à l’âge de quinze ans. La Cour ajouta que cette distinction arbitraire pourrait laisser penser aux enfants chrétiens qu’ils avaient une valeur moindre dans la société.
23De plus, elle ajouta que le texte établissait également une discrimination entre la mère chrétienne et la mère musulmane, cette dernière pouvant garder ses enfants auprès d’elle plus longtemps. Certes, la garde doit protéger en premier lieu l’intérêt de l’enfant, mais cela ne signifie pas que les droits de la mère ne doivent pas pour autant être pris en considération. Or, là également, la discrimination établie par l’article 139 ne reposait pas sur des fondements objectifs, conclut le juge constitutionnel26.
24Un an plus tard, la Haute Cour déclara inconstitutionnel l’article 109 de la loi du statut personnel des arméniens orthodoxes de 1946, qui prévoyait également la fin de la garde par la mère lorsque le garçon atteignait l’âge de sept ans et la fille neuf ans, le juge ayant la possibilité de prolonger la garde du garçon jusqu’à neuf ans et onze ans pour la fille. Là aussi, la Cour estima que le principe d’égalité entre enfants d’une même nation avait été violé27.
25Dans ces deux décisions, la Haute Cour constitutionnelle affirma donc à nouveau que l’intérêt de l’enfant, chrétien comme musulman, était d’être confié à sa mère le plus longtemps possible.
L’ordre de succession dans la garde, HCC 3 juillet 1999
26En 1999, c’est l’alinéa 5 de l’article 20 de la loi n° 25/1929, tel qu’amendé par la loi n° 100/1985, qui fut attaqué pour inconstitutionnalité. Cet article précise l’ordre dans lequel la garde doit être distribuée entre les proches de l’enfant : elle est confiée en priorité à la mère, puis (si cette dernière décède, est déchue de son droit ou y a renoncé) aux personnes de sexe féminin qui lui sont apparentées puis aux femmes apparentées au père. Le degré de parenté, par ordre décroissant, est le suivant : la mère, la grand-mère maternelle, la grand-mère paternelle, les sœurs, les tantes du côté maternel, les tantes du côté paternel, les nièces, les cousines, les tantes de la mère, les tantes du père. S’il n’y a pas de gardien possible parmi ces femmes, ajoute le législateur, ou si aucune n’est à même d’assurer la garde, ou si leur temps de garde est venu à expiration, le droit de garde est transféré aux parents de sexe masculin suivant leur place dans l’héritage, priorité étant donnée au grand-père sur les frères, si celui-ci est sain d’esprit. Enfin, si ces personnes ne peuvent être mises à contribution, ou n’existent pas, le droit de garde est transféré aux parents éloignés de la mère, non apparentés, selon l’ordre suivant : le grand-père maternel, le frère de la mère, un cousin du côté maternel, un parent mâle du côté maternel, un oncle du côté paternel, un oncle du côté maternel. On remarque que la garde est donc confiée aux femmes, et que priorité est donnée à la lignée maternelle sur la lignée paternelle. Quant au père, il est totalement exclu de cette liste.
27En pratique, les tribunaux égyptiens respectent cette hiérarchie. Ainsi, le tribunal de la famille de Maadi a accepté de transférer à la grand-mère maternelle la garde de son petit-fils, au motif que la mère s’était remariée avec un homme qui n’était pas à un degré prohibé avec ses enfants28 (voir infra).
28Dans l’affaire soumise à la Haute Cour constitutionnelle, le requérant estimait que l’article 20 alinéa 5 avait violé les principes de la charia islamique selon lesquels la garde est un droit de l’enfant et non du gardien. Le juge devait donc rechercher à chaque fois l’intérêt de l’enfant, sans être lié par une liste de dévolutaires. Dans sa décision, la Haute Cour souligna que le fait de confier la garde de l’enfant à sa mère n’enlevait rien à l’exercice par le père de sa tutelle (wilâya) sur eux. C’est lui qui veille sur leurs intérêts (marâ‘a ahwâlihim), s’occupe de la gestion de leurs affaires (tadbîr umûrihim) et qui exerce sur eux une tutelle globale (wilâya kâmila). Alors que la mère doit seulement protéger (hafz), éduquer (tarbîyya) et s’occuper des obligations (darûrât) qui ne tolèrent pas de retard comme les soins médicaux ou l’inscription à l’école, en prenant en compte les capacités du père. La Cour ajouta que la hiérarchie des gardiens et gardiennes était reprise du fiqh hanafite.
29Elle opéra ensuite une distinction entre trois types de tutelles qui s’exercent sur l’enfant depuis sa naissance : la tutelle éducative (wilâyat al-tarbîyya), la tutelle sur la personne (wilâyat ‘ala-l-nafs) et la tutelle sur les biens (wilâya ‘ala-l-mâl). Si les deux dernières reviennent aux hommes, la première, qui est en fait la garde (hadâna), doit revenir aux femmes, précisa la Cour. Elle évoqua ensuite le hadith où le prophète, consulté par une femme répudiée dont le mari entendait garder leur enfant, aurait jugé qu’elle était la plus apte (ahaqq) à exercer le droit de garde pendant cette période de la vie de son enfant. Enfin, reprenant sa distinction entre principes authentiques et flexibles, elle souligna qu’il n’existe pas de texte authentique réglementant l’ordre des dévolutaires de la garde d’un enfant après sa mère et que les écoles divergent sur ce point. L’ijithâd était donc autorisé et le législateur n’avait pas violé la charia islamique29.
30On constate que la Haute Cour constitutionnelle ne remet pas en question la hiérarchie des dévolutaires du droit de garde, alors même que le requérant affirmait que le juge ne devait pas être lié par une liste, mais devait rechercher à chaque fois l’intérêt de l’enfant, au cas par cas. Dans cette affaire, la Cour cherche surtout à démontrer que l’intérêt du père n’est pas remis en question par cette liste de dévolutaires et expose également sa conception du rôle qu’il doit jouer : veiller aux intérêts supérieurs de l’enfant et s’occuper de la gestion de ses biens. Alors que la mère, elle, doit se contenter de prendre les décisions au jour le jour, qui ne souffrent pas de retard. Le juge constitutionnel valide donc la différence entre garde et tutelle. Il reprend également la classification entre les trois types de tutelles, et affirme que la tutelle sur les biens et la tutelle sur la personne doivent être exercées par le père, la mère n’exerçant que la tutelle éducative, que la Cour assimile à la garde30.
31Si les amendements successifs de la législation relative à la garde ont fait l’objet de décisions multiples des tribunaux égyptiens, les conditions d’aptitude à l’exercice de cette garde, non réglées par la loi, ont également suscité une jurisprudence abondante, dans laquelle la notion d’intérêt de l’enfant occupe une place centrale.
Le retrait ou le partage du droit de garde dans l’intérêt de l’enfant
32Si la garde repose sur la présomption selon laquelle l’intérêt de l’enfant est de rester le plus longtemps possible avec sa mère, le droit égyptien prévoit toutefois des hypothèses où son intérêt est d’être retiré à sa mère. Le Code de Qadri Pasha31 (art. 382) précisait que pour pouvoir exercer le droit de garde, la femme devait remplir les conditions suivantes : « être libre, majeure, saine d’esprit, digne de confiance, d’une conduite irréprochable et en état de veiller à la protection et à l’éducation de l’enfant ». En l’absence de femmes pouvant exercer la garde de l’enfant, ce droit était attribué à un homme qui devait être de la même religion que l’enfant, donc musulman. L’homme et la femme apostates ne pouvaient dans ce cas avoir la garde de leurs enfants (art. 385).
33La loi égyptienne ne détermine pas les conditions à remplir pour pouvoir exercer le droit de garde. La loi de 1929 est muette à ce sujet. Quant à celle de 2000, elle limite la possibilité pour la mère de renoncer volontairement à son droit de garde. Elle interdit que la perte du droit de garde constitue une contrepartie à l’exercice par la mère de son droit de divorcer par khul‘ car il s’agit d’un droit de l’enfant et non de la mère32.
34Dans le silence de la loi, c’est aux juges qu’il est revenu de définir les conditions que doit respecter la gardienne sous peine de se voir retirer la garde de ses enfants. Conformément à l’article 3 de la loi de promulgation de la loi n° 1 de 2000, chaque juridiction recherche au sein de l’école hanafite la liste de ces conditions. La plupart des juges se réfèrent à des ouvrages de doctrine contemporains qui exposent les règles du droit hanafite en parallèle à la législation égyptienne, mais ces conditions diffèrent légèrement d’un auteur à l’autre.
35Le tribunal de la famille de Maadi, ainsi, se référant à l’ouvrage d’un magistrat publié par le Club des juges33, affirma que la mère devait remplir les conditions suivantes pour être jugée apte à fournir une garde de qualité à son enfant : être saine de corps et d’esprit, majeure, ne pas être apostate, être attentionnée avec l’enfant, ne pas être mariée à un étranger et ne pas habiter avec des personnes qui veulent du mal à l’enfant34. Le tribunal de la famille de Shubra35, quant à lui, se référa à un autre ouvrage publié également par le Club des juges36 pour dresser la liste des critères à remplir par la gardienne. On y retrouve des conditions similaires, mais énoncées de façon légèrement différente : la gardienne doit être libre, saine de corps et d’esprit, majeure sauf s’il s’agit de la mère, elle doit être digne de confiance et ne pas multiplier les sorties à l’extérieur pour des raisons futiles, ne pas avoir apostasié, ne pas s’être remariée ou alors (dans un souci de protection de l’enfant) avec un homme parent de l’enfant à un degré prohibé comme son oncle et ne pas vivre dans un lieu où se trouveraient des personnes hostiles à l’enfant. La Cour de cassation estime que le juge du fond dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation des faits de chaque espèce37. En pratique toutefois, les juges font un usage très modéré de cette liberté d’appréciation des faits et sont plutôt enclins à suivre la distribution traditionnelle des rôles entre le père et la mère.
36Dans un arrêt de 2000 concernant le statut personnel des coptes orthodoxes, la Haute Cour constitutionnelle estima inconstitutionnelle l’attribution de la garde des enfants à l’époux dans l’intérêt duquel avait été rendu le jugement de divorce, comme le prévoyait l’article 72 alinéa 1 de la loi sur le statut personnel des coptes orthodoxes. Elle rappela que l’opinion prédominante au sein de l’école hanafite, applicable aux musulmans dans le silence de la loi, posait certes un certain nombre de conditions en ce qui concerne la gardienne des enfants, mais que le fait que la femme soit à l’origine du divorce ne devait pas entraîner son incapacité d’office à obtenir la garde des enfants. Les règles applicables aux musulmans et aux coptes orthodoxes n’étaient pas les mêmes, sans que rien ne justifie une telle différence entre enfants d’une même nation, ajouta la Cour. Cette disposition fut donc déclarée inconstitutionnelle pour violation du principe d’égalité38.
37D’autres questions relatives à la dévolution et à l’exercice de la garde soulevèrent des controverses, dont certaines n’ont pas encore été totalement résolues. C’est le cas de la condition d’unité de religion, du non-remariage de l’épouse divorcée ou du droit de visite du parent non gardien.
Le remariage de la femme divorcée
38Le Code de Qadri Pasha (art. 383) prévoyait que la gardienne serait déchue de son droit de garde si elle contractait ensuite un mariage avec un homme qui n’était pas parent avec l’enfant à un degré prohibé. La garde passait alors à celle de ses parentes qui se trouvait immédiatement après elle dans la liste des dévolutaires du droit de garde. En leur absence, le père pouvait réclamer l’enfant. Bien qu’aucun texte actuellement en vigueur en droit égyptien ne prévoit la déchéance de la mère en cas de remariage avec un homme qui n’est pas parent de l’enfant à un degré prohibé, elle est toutefois prononcée par les juges en application de l’opinion prédominante au sein de l’école hanafite, conformément à l’article 3 des dispositions préliminaires à la promulgation de la loi n° 1 de 2000. Cette mesure serait justifiée par le fait que la mère va être accaparée par son nouveau mari et n’aura donc plus le loisir d’apporter à son enfant les soins nécessaires (Abou Ramadan, 2009, p. 73). De plus, ce dernier doit être protégé du nouvel époux de sa mère qui risque de ne lui accorder que peu de subsides ou même de le maltraiter (ibid., p. 74). S’ils sont proches parents, toutefois, l’attachement naturel du mari à l’enfant fera qu’il sera plus facile à la mère de s’en occuper sans qu’il y voie d’inconvénients. En pratique, cette perte de la garde en cas de remariage dissuaderait la plupart des femmes de se remarier39. En cas de perte de la garde, l’enfant est confié à la personne la plus proche dans la hiérarchie des dévolutaires fixée par l’article 20 de la loi de 1929 (voir supra), en général la grand-mère maternelle ou paternelle, et pourra être confié à son père lorsqu’il aura atteint l’âge légal.
39La Cour de cassation a toutefois décidé en 1985 que le remariage de la mère-gardienne n’entraînait pas automatiquement la perte de la garde de ses enfants, mais que le juge du fond jouissait d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation et pouvait décider de laisser l’enfant à la garde de sa mère dans son intérêt supérieur40.
40En décembre 2016, un projet de réforme fut présenté par une députée soutenue par une soixantaine de parlementaires (Sayed Ahmed, 2016). Il prévoyait que la mère divorcée qui se remariait perdrait son droit de garde au profit de la nouvelle épouse du père si ce dernier s’était remarié. Cette proposition fut vivement critiquée, notamment par le Conseil national de la femme ainsi que par des ONG féministes (ibid.), et la disposition fut retirée du projet de loi. Elle fut toutefois reprise par une autre proposition, émanant cette fois-ci du parti d’opposition al-Wafd, qui transférait la garde au père en cas de remariage de la mère, à condition qu’il puisse offrir une présence féminine pour s’occuper des enfants, par exemple celle de sa nouvelle épouse. Dans le cas contraire, la garde passerait à ses frères. Ce texte souleva également de fortes oppositions et aucune suite ne lui avait été donnée au 1er octobre 2020.
La garde de l’enfant musulman par sa mère chrétienne
41Remarquons que parmi les critères de capacité fixés par la jurisprudence égyptienne sur la base des principes de l’école hanafite, ne figure pas l’exigence que la mère soit musulmane. Les hanafites, à la différence des autres écoles sunnites, acceptent en effet que la mère non musulmane se voie confier la garde de ses enfants, à condition qu’elle ne tente pas de les détourner de leur religion. Le Code de Qadri Pasha (art. 81) prévoyait ainsi que « La mère ou toute autre gardienne chrétienne ou juive a le droit de garder l’enfant jusqu’à ce qu’il soit capable de discernement en matière de religion, à moins que le père ou le tuteur ne craigne qu’elle n’inspire à l’enfant une autre foi que la foi musulmane ». Les tribunaux sont toutefois généralement réticents pour laisser les enfants à la garde de leur mère chrétienne au-delà de l’âge de sept ans, considéré en droit hanafite comme l’âge du discernement religieux.
42La cour d’appel du Caire a ainsi déchu en 2008 une mère chrétienne de son droit de garde de ses deux enfants, Nancy et Andrew, à la demande de leur père41. Ce dernier, après s’être converti à l’islam et remarié à une musulmane, réclamait la garde de sa fille Nancy, âgée de huit ans, au motif qu’elle avait atteint l’âge de discernement de la religion (sinn ya‘qal fihi al-saghîr al-adyân). Quant à son fils Andrew, bien qu’âgé de moins de sept ans, il devait être retiré à sa mère, car cette dernière représentait un danger pour sa religion. En effet, selon des témoins, elle élevait ses enfants dans la foi copte orthodoxe et les emmenait à l’église. Le père affirmait également qu’elle leur faisait manger des aliments interdits par la religion musulmane. Dans son arrêt, la cour invoqua une fatwa de dâr al-ifta’ d’al-Azhar, selon laquelle les fuqahâ’ n’ont pas exigé l’unité de religion entre le titulaire de la garde et l’enfant (ittimâm al-dîn), car la garde repose sur l’affection, laquelle ne change pas en fonction de la religion, mais que deux cas de déchéance sont prévus : lorsque l’enfant atteint l’âge de sept ans, pour qu’il ne soit pas porté préjudice (darâr) à sa religion ou s’il court le risque d’embrasser une religion autre que l’islam ou d’adopter des habitudes non musulmanes (ya’laf ‘âdât ghayr al-muslimîn). La cour décida de retirer la garde des deux enfants à leur mère, car chacun répondait à l’une de ces deux exceptions. Comme aucune femme dans la famille n’était qualifiée pour exercer la garde des enfants42, le juge décida de les confier à leur père.
43En juin 200943, la Cour de cassation cassa toutefois un arrêt de la cour d’appel d’Alexandrie de septembre 2008, qui avait confié la garde de jumeaux de quatorze ans, Mario et Andrew, à leur père et décida d’en attribuer la garde à la mère jusqu’à l’âge de quinze ans, bien qu’elle soit de religion chrétienne44. Là aussi, le père s’était converti à l’islam après la naissance de ses enfants et, conformément au droit égyptien, ces derniers étaient considérés par les autorités comme l’ayant suivi dans sa nouvelle religion. La mère, elle, était restée chrétienne. Le juge affirma qu’il était dans l’intérêt supérieur des enfants de demeurer avec leur mère (EIPR, 2009). En effet, le seul fait qu’elle soit chrétienne n’était pas suffisant pour la priver de son droit de garde avant l’âge de quinze ans, en l’absence de crainte légitime pour la foi de l’enfant. Par cette décision, la Cour affirmait pour la première fois le droit de la mère non musulmane d’obtenir la garde de ses enfants au-delà de l’âge de sept ans45.
L’hébergement de l’enfant par son père
44La question du droit de visite du parent non gardien suscite également des débats houleux au sein de la société égyptienne depuis plusieurs années. L’article 20 de la loi de 1929, tel qu’amendé en 1985, attribue aux deux parents et, en leur absence ou en cas de décès, aux grands-parents, un droit de « voir » (haqq al-ru’ya) leurs enfants ou petits-enfants mineurs. Si la rencontre ne peut se dérouler sur la base d’un accord avec la gardienne, le juge doit se charger de l’organiser. La loi de 2000 précise (art. 5) que le parent non-gardien peut voir son enfant au maximum trois heures par semaine entre 9 heures du matin et 19 heures, si possible un jour de congé afin de ne pas perturber l’emploi du temps scolaire de l’enfant. Selon le décret ministériel n° 1087 de 2000 (art. 4) pris en application de la loi, la rencontre peut avoir lieu dans un club sportif ou social, un centre de protection de la jeunesse ou une maison de protection de l’enfance et de la maternité à condition que s’y trouve un jardin, ou dans un parc public.
45Le père ne peut donc recevoir ses enfants chez lui sans l’accord de la mère et rien n’est prévu pour les grands-parents, sauf en cas d’absence du père du pays ou s’ils l’accompagnent lors de la visite. Plusieurs projets ont été élaborés, tant avant qu’après 2011, pour réformer le droit de visite. En 2009, une proposition de loi déposée par une députée, Zeinab Radwan (Leila, 2009), avec le soutien de l’Académie de recherche islamique, fut discutée par la Commission législative de l’Assemblée du peuple. Le projet renforçait l’accès des pères à leurs enfants, à condition qu’ils respectent leurs obligations financières à leur égard. Les enfants âgés de plus de dix ans pouvaient ainsi être hébergés la nuit par leur père, avec l’accord des deux parents. Les proches du parent non gardien – grands-parents, oncles et tantes – se voyaient également reconnaître un droit de visite. Les pères qui ne remplissaient pas leurs obligations financières étaient privés du droit de visite. La Commission des affaires législatives de l’Assemblée du peuple ne donna toutefois pas suite à ce projet.
46Après 2011, profitant de l’onde de liberté entraînée par la chute de Moubarak, des pères divorcés se constituèrent en associations46 pour exiger l’amendement des conditions d’exercice du droit de visite, lui reprochant de s’opérer dans un climat d’hostilité et de manque d’intimité, peu propice à l’établissement d’un lien affectif avec leurs enfants. L’une de ces associations, Saving the Egyptian Family Movement, demanda ainsi le droit pour les pères d’héberger leurs enfants pendant un ou deux jours (Daily News Egypt, 2011). Ils obtinrent le soutien de groupes islamistes, salafistes et Frères musulmans, qui virent dans ce débat l’occasion de remettre en cause les amendements adoptés par voie autoritaire par le régime précédent et qu’ils jugeaient contraires à la charia et à la culture égyptienne47. Pour faire pression sur l’opinion publique et sur les institutions, les groupes protestataires allèrent jusqu’à organiser des sit-in devant al-Azhar, le ministère de la Justice puis devant le Parlement nouvellement élu. Ils réclamèrent la démission du mufti et du cheikh d’al-Azhar, leur reprochant d’avoir approuvé les lois actuellement en vigueur, contraires à la charia (Al-Ahram Hebdo, 2011).
47En face, les groupes féministes répliquèrent que, le plus souvent, les pères ne versent pas la pension alimentaire à leurs enfants, n’utilisent pas leur droit de visite, et que leur donner un droit d’hébergement risquerait de multiplier les cas d’enlèvement d’enfants, les pères refusant de les rendre à leurs gardiennes (Daily News Egypt, 2011). Elles ajoutèrent que les lois existantes ne reposent pas sur des concepts importés de l’Occident, mais sont conformes aux principes de la charia et que les réformes invoquées par les groupes de pères auraient un impact négatif sur le bien-être de leurs enfants (Sonneveld et Lindbekk, 2015). L’Assemblée du peuple fut dissoute en juin 2012 sans qu’aucun des projets n’ait été adopté ou même discuté en plénière48.
48Le débat surgit à nouveau à la fin 2016. Un projet de réforme proposa que les pères puissent héberger leurs enfants deux jours par semaine ainsi qu’un mois pendant les vacances d’été (Sayed Ahmed, 2016). Il fut repris par le parti d’opposition al-Wafd, qui proposa que le père puisse héberger ses enfants un à deux jours par semaine, ainsi qu’une semaine pendant les vacances de mi-année et trois semaines pendant les vacances d’été. S’il résidait à l’étranger, il aurait droit à dix jours pendant les vacances de mi- année et cinq semaines pendant les vacances d’été. S’il refusait de ramener l’enfant, il risquait une peine de trois à douze mois d’emprisonnement (Geddah, 2017). Ces projets furent rejetés comme portant atteinte aux droits des femmes, sans qu’aucune réflexion sur l’intérêt de l’enfant ne soit au centre des discussions. Au 1er octobre 2020, aucune suite n’avait été donnée à ces différentes propositions de lois. On peut constater que les différentes parties en cause défendent chacune les intérêts du père ou de la mère, mais que l’intérêt supérieur de l’enfant est rarement au cœur des discussions. Il en avait été de même lors des réformes successives du droit de la garde en faveur de la mère, où les groupes féministes prenaient davantage en considération l’intérêt des femmes que celui des enfants49.
49En pratique, il n’est pas rare que les juges acceptent d’octroyer un droit d’hébergement à des pères séparés ou divorcés. Dans un jugement de 2011, le tribunal de la famille de Shubra a ainsi accepté la requête d’un père, qui demandait de pouvoir recevoir ses deux filles âgées de moins de quinze ans chez lui deux fois par mois50. Ce jugement est d’autant plus intéressant que pour fonder sa décision, le juge invoqua diverses conventions internationales ratifiées par l’Égypte. Il se référa ainsi à la Convention des droits de l’enfant et en particulier à son article 3, selon lequel dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ; à son article 9, par lequel les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et à l’article 18, par lequel les États s’engagent à assurer de leur mieux la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. Le juge invoqua également la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ratifiée par l’Égypte en 1990, selon laquelle tout enfant a droit à la protection et aux soins de ses parents et, si possible, réside avec ces derniers. Aucun enfant ne peut être séparé de ses parents contre son gré, sauf si 1’autorité judiciaire décide, conformément aux lois applicables en la matière, que cette séparation est dans 1’intérêt même de 1’enfant. Tout enfant qui est séparé de 1’un de ses parents ou des deux a le droit de maintenir des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents régulièrement, affirme également la Charte.
50Le juge rappela ensuite que tant la charia que le fiqh et la loi interdisent de priver un père du droit de protéger ses enfants, d’autant plus que c’est lui qui couvre leurs dépenses en matière de nourriture, de vêtements, de logement, de soins médicaux et de scolarité. La cour ajouta qu’elle ne voyait aucun empêchement légal à ce qu’un père puisse héberger ses enfants et décida donc d’autoriser le requérant à recevoir ses filles chez lui le premier jeudi de chaque mois, pour 24 heures, du jeudi soir 19 heures jusqu’au lendemain 19 heures.
51Dans une autre affaire, la cour d’appel de Mansoura cassa un jugement du tribunal de la famille qui avait refusé à un père divorcé le droit d’héberger son fils pendant deux jours pendant les jours de congés et les vacances51. La cour affirma que puisqu’il n’existait pas en droit égyptien de texte de loi réglementant l’hébergement d’un enfant par son père, le juge devait appliquer l’opinion prédominante au sein de l’école hanafite, conformément à l’article 3 de la loi de promulgation de la loi n° 1 de 2000. Elle ajouta que l’hébergement (istidâfa) devait être distingué de la simple visite (ru’ya), car il implique un transfert temporaire de la garde de la mère vers le père, alors que la visite s’opère dans un lieu public quelques heures par semaine en présence de la gardienne. Pour l’école hanafite, la garde consiste en l’éducation de l’enfant à partir du jour de sa naissance jusqu’à l’âge où il pourra se nourrir et se vêtir seul et faire ses ablutions. Dans l’étape de l’enfance, précisa la cour, l’enfant a besoin de sa mère, alors que par la suite il a besoin de se former intellectuellement (tathqîfa) et d’apprendre la discipline (ta’dîbiyya). La cour ajouta que pour l’école hanafite, cette deuxième étape débute lorsque l’enfant atteint l’âge de sept ans. Alors même que la garde est souvent considérée comme un droit du père ou de la mère, ajouta le juge, il faut la considérer avant tout comme un droit de l’enfant et c’est l’intérêt de ce dernier qui doit prévaloir et que le juge doit prendre en considération.
52En l’espèce, la cour d’appel jugea que puisque l’enfant avait plus de sept ans et était capable de s’habiller et de se nourrir seul, rien ne s’opposait à ce que son père l’héberge deux jours par semaine ainsi que les jours de congés et pendant les vacances. Cet hébergement était dans son intérêt, car il lui permettait de se rapprocher de son père et de mieux le connaître, de renforcer leur proximité et leurs sentiments, de le rendre plus obéissant et de se forger un caractère plus viril tout en gardant le contact avec ses proches. Le juge ajouta que la mère ne subissait aucun préjudice du fait de cet hébergement temporaire de courte durée.
Conclusion
53On constate que les tribunaux égyptiens attachent une importance primordiale à la protection de l’intérêt de l’enfant dans les affaires de garde. Comme le souligne la cour d’appel de Mansoura, son intérêt doit prévaloir sur ceux du père et de la mère. Les tribunaux s’appuient pour cela tant sur les conventions internationales, que sur la loi de 2008 sur les droits de l’enfant ou sur l’article 20 de la loi de 1929 que sur le fiqh. La Haute Cour constitutionnelle intègre la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la tradition islamique en affirmant qu’elle fait partie des objectifs (maqâsid) de la charia52.
54Toutefois, on remarque également que la jurisprudence égyptienne repose sur une conception bien précise de ce qui constitue l’intérêt de l’enfant : c’est d’être élevé par sa mère pendant ses plus jeunes années puis par son père qui va le former intellectuellement et lui inculquer la discipline et la virilité. Pour les tribunaux égyptiens, il va de soi que la mère est la mieux placée pour aider l’enfant dans ses premières années. C’est d’ailleurs seulement après avoir constaté que l’enfant était autonome que la cour d’appel de Mansoura accepta que son père puisse l’héberger de temps en temps, sous-entendant qu’il n’était pas capable de s’occuper seul de son enfant en bas âge. Le juge égyptien estime que la mère est mieux placée que le père pour exercer la garde, car elle consiste à élever l’enfant, le nourrir, le vêtir et prendre soin de sa personne pendant ses jeunes années où il est incapable d’accomplir ces actes seuls. L’arracher à sa gardienne pendant cette période où il n’est pas indépendant lui serait donc préjudiciable.
55Si la loi attribue des pouvoirs très importants au juge dans la détermination de l’intérêt de l’enfant, concept qu’il est invité à appliquer au cas par cas en priorisant les conflits d’intérêts différents, en pratique le juge recherche toutefois rarement l’intérêt de l’enfant dans les circonstances de fait de l’espèce qui lui sont soumises, partant systématiquement du principe que son intérêt est de rester avec sa mère pendant ses plus jeunes années, reprenant ainsi le principe de complémentarité entre le père et la mère du droit islamique pré-moderne. On remarque aussi que si les tribunaux expliquent pourquoi la mère bénéficie de ce privilège et est la mieux placée pour exercer la tutelle éducative, ils n’expliquent toutefois pas pourquoi le père est le mieux placé pour exercer la tutelle sur la personne et sur les biens de l’enfant. Le juge ne remet pas non plus en question l’ordre de succession des gardiennes dans chaque situation précise.
56C’est sans doute dans ce sens qu’il faut interpréter les remarques faites par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies dans ses observations finales lors de l’examen du rapport périodique présenté par l’Égypte en 2011. Saluant les efforts entrepris par ce pays pour prendre en considération l’intérêt de l’enfant :
« Le Comité se félicite que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ait été introduit à l’article 3 de la loi relative à l’enfance (2008), en vertu duquel il est désormais le premier critère à prendre en compte lors de l’adoption ou de l’application de toutes les décisions et mesures relatives aux enfants ».
57Le comité constata toutefois avec préoccupation que :
« […] le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est mal compris et peu connu des autorités publiques et de leurs représentants et qu’il n’est toujours pas pris en compte comme il se doit dans les politiques, les programmes et les processus décisionnels. En ce qui concerne les questions relatives à la garde des enfants, le Comité note une nouvelle fois avec préoccupation (CRC/C/15/Add.145, par. 33) que si l’âge est le premier critère pris en compte, les dossiers des enfants risquent de ne pas être traités au cas par cas » (Comité des droits de l’enfant, 2011).
58Le fait que la loi de 2005 invite désormais le juge à prendre l’avis de l’enfant âgé de plus de quinze ans pour la prolongation de sa garde pourrait entraîner une évolution dans la perception que le juge peut avoir des rapports familiaux et de la place que chacun doit y occuper. L’Égypte avait ainsi affirmé dans son rapport périodique au Comité des droits de l’enfant que :
« Comme signalé auparavant, les amendements apportés au Code de l’enfance sont en harmonie totale avec la Convention, ils énoncent entre autres le droit d’accès de l’enfant à l’information lui permettant de formuler ses opinions et le droit de les exprimer et d’être entendu sur toute question l’intéressant, y compris dans les procédures judiciaires. Cet amendement incite à garantir le droit de l’enfant à la participation telle qu’elle est citée dans la Convention, bien qu’elle soit encore à ses débuts ».
59Le Comité des droits de l’enfant nota avec satisfaction dans ses observations finales que :
« […] la loi relative à l’enfance (2008) protège notamment le droit de l’enfant à se forger une opinion, à l’exprimer et à être entendu sur toutes les questions l’intéressant, et que la loi sur les tribunaux des affaires familiales reconnaît le droit de l’enfant à être entendu dans le cadre des procédures juridiques et administratives » (Comité des droits de l’enfant, 2011).
60Toutefois, le comité ajouta qu’il restait :
« […] extrêmement préoccupé de constater que le droit de l’enfant à être entendu est peu respecté dans la pratique et qu’il n’est systématiquement pris en compte ni lors de l’élaboration des politiques et programmes publics ni dans le cadre des procédures judiciaires et administratives. Il est particulièrement préoccupé d’apprendre que les établissements éducatifs et les centres pour les jeunes n’encouragent toujours pas beaucoup la participation des enfants, et constate avec inquiétude que, au sein de la société, les enfants sont considérés comme des bénéficiaires de prestations et non comme des individus titulaires de droits, notamment du droit de s’exprimer librement » (ibid.).
61Si l’Égypte a bien une tradition de prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, bien antérieure à la réforme de la loi sur l’enfant de 2008, il demeure toutefois que la détermination de cet intérêt reste soumise à l’appréciation discrétionnaire du juge, et que ce dernier partage la division traditionnelle en droit islamique des responsabilités, droits et obligations entre les deux parents vis-à-vis de leurs enfants. L’intérêt de l’enfant n’est donc que très rarement pris en compte au cas par cas dans l’attribution du droit de garde, contrairement aux recommandations du Comité des droits de l’enfant, mais est attribué de façon abstraite en fonction de l’âge de l’enfant. La mère continue d’exercer la garde et le père la tutelle.
62Les réformes législatives successives ont toutefois atténué la solution traditionnelle en repoussant la durée de la garde, en unifiant entre fille et garçon et en décidant de donner la possibilité à l’enfant d’exprimer sa préférence avec un pouvoir d’appréciation du juge. De plus, on constate également quelques fissures dans la dichotomie garde/tutelle puisque la gardienne se voit confier la tutelle sur l’instruction, qui relevait jusque-là du tuteur. Et inversement, un mouvement de plus en plus puissant revendique le droit pour les tuteurs d’exercer un droit d’hébergement de leurs enfants, considéré par la Haute Cour constitutionnelle comme un transfert temporaire de la garde de l’enfant de la gardienne au tuteur. On peut noter également que le juge est allé plus loin que le législateur, puisqu’il accorde assez volontiers au père le droit d’héberger ses enfants, alors même que le législateur est divisé sur cette question et qu’aucun projet de loi réformant le droit de visite n’a encore pu être adopté. Quant à la Cour de cassation, elle s’est prononcée contre la suppression automatique du droit de garde de la mère en cas de remariage de la gardienne ou si elle est de confession différente de celle de son enfant musulman. Le droit de garde est donc en pleine évolution, même si les résistances sociales restent fortes et que la recherche de l’intérêt de l’enfant est encore rarement au centre des débats.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Abdoun Safaa, « MB: New child law follows Western agenda, says Brotherhood », Daily News Egypt, 4 juin 2008, https://dailynewsegypt.com/2008/06/04/mb-new-child-law-follows-western-agenda-says-brotherhood/ [consulté le 9 octobre 2017].
Abou Ramadan Moussa, « Transformations du droit de garde dans les pays arabes : l’émergence d’un “libéralisme patriarcal” », Annuaire droit et religions, vol. 4, 2009-2010, p. 69-81.
Al-Ahram Hebdo, 1-7 juin 2011.
Büchler Andrea, Latiff Amira, Kutliev Firdavs, « Supreme Constitutional Court of Egypt: a commented translation of Egypt’s supreme constitutional decision in case no. 125 of judicial year 27 on child custody », Gesellschaft für Arabisches und Islamisches Recht, n° 2, 2010, p. 79-93, http://www.zora.uzh.ch/id/eprint/47316/1/Buechler_GAIR-Mitteilungen_2010.pdf [consulté le 9 octobre 2017].
Cherif Feller Dina, La garde (Hadanah) en droit musulman et dans les droits égyptien, syrien et tunisien, Genève, Librairie Droz, 1996.
Comité des droits de l’enfant, Nations unies, Observation générale n° 14 sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art. 3, par. 1), CRC/C/GC/14, Genève, Comité des droits de l’enfant, 2013.
Comité des droits de l’enfant, Observations finales : Égypte, CRC/C/EGY/CO/3-4, 15 juillet 2011.
Comité des droits de l’enfant, Nations unies, Troisièmes et quatrièmes rapports périodiques de l’Égypte, CRC/C/EGY/3-4, 3 septembre 2010.
Comité des droits de l’enfant, Nations unies, Observations générales, Deuxième rapport périodique de l’Égypte, CRC/C/15/Add.145, 21 février 2001.
Daily News Egypt, « Single fathers call for amending custody law », 4 juin 2011, https://dailynewsegypt.com/2011/05/24/single-fathers-call-for-amending-custody-law/ [consulté le 9 octobre 2017].
Egyptian Initiative for Personal Rights (=EIPR), « Court decision grants long-awaited custody of twins to Christian Mother: the decision is a welcome step forward but also a missed opportunity », communiqué de presse, Le Caire, EIPR, 21 juin 2009.
Engelcke Dörthe, « Jordan », dans Parental Care and the Best Interests of the Child in Muslim Countries, sous la dir. de N. Yassari, L.-M. Möller, I. Gallala-Arndt, The Hague, Asser Press, 2017, p. 121-143.
Geddah Rasha, « The dilemma of child custody », Al-Ahram Weekly, 20-26 avril 2017, http://weekly.ahram.org.eg/News/20255.aspx [consulté le 9 octobre 2017].
Hopeand Kristen, Colliou Yann, « Situating the best interests of the child in community-based arbitration of marriage disputes: Reflections from a pilot intervention of Terre des Hommes Foundation in Assiut, Egypt », DIFI Family Research and Proceedings, n° 1, 2015, http://www.qscience.com/doi/full/10.5339/difi.2015.5 [consulté le 9 octobre 2017].
10.5339/difi.2015.5 :Ibrahim Ahmed F., « The Best Interests of the Child in Pre-Modern Islamic Juristic Discourse and Practice », American Journal of Comparative Law, n° 63, 2015, p. 859-891.
10.5131/AJCL.2015.0026 :Moussa Jasmine, « Egypt », dans Parental Care and the Best Interests of the Child in Muslim Countries, sous la dir. de N. Yassari, L.-M. Möller, I. Gallala-Arndt, The Hague, Asser Press, 2017, p. 1-28.
Leila Reem, « Egypt: When and where? Changes to the law governing access to children following divorce are causing controversy », Al-Ahram Weekly,18 février 2009.
Leila Reem, « Opposed but not opposed », Al-Ahram weekly, 22-28 mai 2008.
Sayed Ahmed Amira, « Egypt’s parliament under fire for controversial child custody bill », Al-Monitor, 16 décembre 2016, http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2016/12/egypt-child-custody-bill-controversy-parliament.html#ixzz4rXckwphI [consulté le 9 octobre 2017].
Sonneveld Nadia, « Rethinking the Difference Between Formal and Informal Marriages in Egypt », dans Family Law in Islam: Divorce, Marriage and Women in the Muslim World, sous la dir. de Maaike Voorhoeve, Londres-New York, I.B. Tauris, 2012, p. 77-107.
10.1163/22112987-90000005 :Sonneveld Nadia, Lindbekk Monika, « A Revolution in Muslim Family Law? Egypt’s Pre and Post-Revolutionary Period (2011-2013) Compared », New Middle Eastern Studies, n° 5, 2015, http://www.brismes.ac.uk/nmes/wp- content/uploads/2015/05/NMES2015SonneveldLindbekk.pdf [consulté le 9 octobre 2017].
10.29311/nmes.v5i0.2666 :Yassari Nadjma, Möller Lena-Maria, Gallala-Arndt Imen (dir.), Parental Care and the Best Interests of the Child in Muslim Countries, The Hague, Asser Press, 2017.
Zahraa Mahdi, Malek Normi A., « The Concept of Custody in Islamic Law », Arab Law Quarterly, vol. 13, n° 2, 1998, p. 155-177.
10.1163/026805598125826076 :Zermatten Jean, L’intérêt supérieur de l’enfant. De l’analyse littérale à la portée philosophique. Working report n° 3, Sion, Institut international des droits de l’enfant, 2005.
Notes de bas de page
1 La Convention sur les droits de l’enfant demande aux États membres d’accorder à l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs » (art. 3).
2 La loi de 2008 a toutefois également fait l’objet de critiques, notamment pour ne pas avoir condamné l’usage de la violence physique par le responsable de l’enfant à son égard (art. 7 bis A). Plusieurs dispositions de cette loi ont aussi été condamnées, tant par des députés Frères musulmans que par des membres du Parti national démocratique au pouvoir ainsi que par des élus indépendants. C’est le cas tout particulièrement des articles relatifs à l’âge minimum du mariage fixé à 18 ans pour la fille au lieu de 16, à l’incrimination de l’excision ou à l’attribution du nom de la mère à l’enfant né de père inconnu (Abdoun, 2008 ; Leila, 2008).
3 Article 80 alinéa 6 de la Constitution de 2014 : « L’État œuvre à réaliser l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les mesures qu’il prend le concernant ».
4 Décret-loi n° 25 de 1929 relatif à certaines questions se rattachant au statut personnel.
5 Cet article a été amendé en 1985 puis en 2005, mais les amendements ont conservé cette exigence de prise en compte de l’intérêt de l’enfant par le juge dans la prolongation de la garde.
6 Le concept d’intérêt supérieur de l’enfant avait donné lieu jusque-là à de nombreuses interprétations (Zermatten, 2005).
7 Article 192 de la Constitution égyptienne de 2014.
8 Pour une analyse de la mise en œuvre de ce concept dans une communauté de Haute-Égypte, voir Kristen Hopeand et Yann Colliou (2015).
9 Pour la nature juridique de la garde, voir Dina Cherif Feller (1996).
10 Article 20 du décret-loi n° 25 de 1929 tel qu’amendé par la loi n° 100 de 1985 modifiant certaines dispositions de la loi sur le statut personnel et par la loi n° 4 de 2005 sur l’âge de la garde de l’enfant.
11 La loi de 1929 ne faisait que reprendre la solution hanafite traditionnelle, telle que codifiée dans l’article 391 du Code de Qadri Pasha.
12 Par la loi 100 de 1985, article 18 bis 2.
13 Le Comité des droits de l’enfant, lors de l’examen du deuxième rapport périodique de l’Égypte en 2001, avait jugé que la décision concernant la garde de l’enfant après séparation des parents était prise en fonction de l’âge de l’enfant plutôt qu’en fonction de son intérêt supérieur et était donc discriminatoire (Comité des droits de l’enfant, 2001, p. 7).
14 Article 70 de la loi n° 1 de 2000.
15 La note explicative de la loi n° 100 de 1985 rattache cette solution à l’école malikite.
16 Cour de cassation, n° 75/53, 19 mars 1985.
17 La tutelle sur l’enfant est régie par le décret-loi n° 118 de 1952 tel qu’amendé.
18 Article 18 bis 2 de la loi n° 100 de 1985.
19 Cour de cassation, n° 69/49, 30 avril 1980.
20 Avant son amendement en 1980, l’article 2 faisait des principes de la charia « une » source principale de la législation.
21 HCC, 15 mai 1993, n° 7/8e, Recueil des décisions de la Haute Cour constitutionnelle (Rec.), vol. 5, part. 2, p. 290 sq.
22 Les fondements absolus sont ses sources : le Coran, la Sunna, le consensus et le raisonnement par analogie.
23 La Haute Cour constitutionnelle a également validé sur des fondements similaires le nouvel amendement de cet article 20 alinéa 1 en 2005 qui porta l’âge de la garde à 15 ans pour les filles et les garçons sans distinction. Voir HCC, n° 125/27, Journal officiel n° 20, 19 mai 2008. Pour une traduction en anglais de la décision, voir Andrea Büchler, Amira Latiff, Firdavs Kutliev (2010). La loi n’exige plus explicitement que le juge prenne en compte l’intérêt supérieur de l’enfant mais il doit l’auditionner s’il a plus de quinze ans pour connaître ses préférences.
24 Le droit de la famille en Égypte repose sur le principe de la personnalité des lois. Les non-musulmans de même communauté et de même rite sont soumis à leur propre loi du statut personnel.
25 Ce que prévoyait la loi sur le statut personnel des musulmans de 1929, avant son amendement en 1985. D’après ce règlement, la garde des enfants est confiée en priorité à la mère (art. 127) et aux femmes de sa famille. En leur absence, elle est confiée au père ou aux hommes de sa famille (art. 128). Le règlement précise également que la gardienne ou le gardien doivent être chrétiens (art. 129).
26 HCC, 1er mars 1997, n° 74/17e, Rec., vol. 8, p. 437 sq.
27 HCC, 4 avril 1998, n° 81/18e, Rec., vol. 8, p. 1273 sq.
28 Tribunal de la famille de Maadi, affaire n° 1757/2007, 9 septembre 2008.
29 HCC, n° 164/19e, 3 juillet 1999, Rec. vol. 9, p. 328 sq.
30 Dans une décision de 2016, la Haute Cour constitutionnelle a également validé l’amendement en 2008 de l’article 54 de la loi n° 12 de 1996 sur l’enfant qui avait attribué la responsabilité en matière d’instruction (wilâya ta‘lîmiyya) de l’enfant au parent qui en a la garde. HCC, affaire n° 6/34, 5 mars 2016, Journal officiel, 14 mars 2016, n° 10 bis. En l’absence de consensus des fuqahâ’ déterminant de façon tranchée à qui doit revenir la tutelle éducative (wilâya li-l-tarbîyya) de l’enfant gardé, la Cour estima que le législateur avait choisi de confier la tutelle à la mère qui était la mieux placée pour connaître les goûts (muyulihi) et les aptitudes (isti’dâdihi) de son enfant et que cette solution correspondait à l’intérêt supérieur de l’enfant à être instruit, qui fait partie des finalités (maqâsid) de la charia islamique, puisqu’elle recouvre la protection de la raison (‘aql) et de la vie (nafs) de l’enfant ainsi que ses biens (mâl).
31 Rédigé en 1875 à l’initiative du ministre de la Justice de l’époque, ce Code représente la première compilation du droit hanafite de la famille. Bien que jamais officiellement promulgué par les autorités égyptiennes, il a acquis valeur de référence auprès des juristes égyptiens.
32 Article 20 alinéa 3 de la loi n° 1 de 2000. Le khul‘ est un mode de dissolution unilatérale de la femme qui lui permet d’obtenir automatiquement le divorce en échange de sa renonciation à ses droits financiers.
33 Conseiller Ashraf Mustafa Kamal, Analyse des dispositions du droit du statut personnel, Le Caire, Club des juges, 2007.
34 Tribunal de la famille de Maadi, affaire n° 1757/2007, 9 septembre 2008.
35 Tribunal de la famille de Shubra, n° 394/2008, 29 juillet 2008.
36 Sheikh Ahmed Ibrahim Bik, conseiller Wasil Alaa Eddin, Commentaire des règles du statut personnel dans la sharia islamique et le droit, 5e édition, Le Caire, Club des juges, 2003.
37 Cour de cassation, affaire n° 314/56, 20 février 1992.
38 HCC, 3 juin 2000, n° 151/20e, Rec., vol. 9, p. 619 sq.
39 Selon une enquête publiée en juillet 2013 par l’Association for the Development and Enhancement of Women (ADEW), plus de 90 % des femmes choisiraient de ne pas se remarier pour éviter de perdre la garde de leurs enfants, May Shams El-Din, « Egypt’s Child Custody Laws : How to Reform ? », Mada Masr, 29 décembre 2016, https://www.madamasr.com/en/2016/12/28/feature/society/egypts-child-custody-laws-how-to-reform/ [consulté le 5 octobre 2020].
40 Cour de cassation, affaire n° 75/53 du 19 mars 1985, cité dans Jasmine Moussa (2017, p. 19).
41 Cour d’appel du Caire, affaire n° 8866/124, 9 mars 2008.
42 Sans doute parce qu’elles étaient toutes de religion copte orthodoxe, comme la mère et comme le père jusqu’à sa conversion.
43 Cour de cassation, affaire n° 5277, 15 juin 2009.
44 Bien que, depuis 2004, les parties ne puissent plus saisir la Cour de cassation de recours dans les affaires de statut personnel, l’appel avait été formé par le procureur général, sur sollicitation de la mère soutenue par une ONG, l’Egyptian Initiative for Personal Rights. Le procureur général demandait également que l’enfant, dont l’un des parents s’était converti à l’islam, puisse garder sa religion, mais la Cour suivit la jurisprudence antérieure, selon laquelle l’enfant suit l’islam parce qu’il s’agit de la meilleure des religions (EIPR, 2009).
45 Pour une analyse de cette décision, voir Jasmine Moussa (2017, p. 19).
46 Pour une étude des arguments avancés par ces associations, voir Nadia Sonneveld (2012).
47 En particulier la loi n° 1 de 2000 qui a donné la possibilité aux femmes d’obtenir un divorce sans faute « khul’« moyennant renonciation de leur part à leurs droits financiers, et les amendements à la loi sur l’enfant de 2008.
48 En novembre 2014, al-Azhar a publié une fatwa dans laquelle elle affirme que l’âge de la garde tel qu’il est fixé par la loi ne doit pas être modifié et que le père ne doit pouvoir voir ses enfants qu’avec l’accord de la mère.
49 Pour un processus similaire en Jordanie, voir Dörthe Engelcke (2017, p. 142).
50 Tribunal de la famille de Shubra, tutelle sur la personne, affaire n° 841/2010, 30 avril 2011.
51 Cour d’appel de Mansoura, affaire n° 280/60, 10 février 2009.
52 Pour un phénomène similaire dans d’autres pays musulmans, voir Nadjma Yassari, Lena-Maria Möller, Imen Gallala-Arndt (2017, p. 325 sq.). L’intérêt de l’enfant était déjà au centre des opinions des juristes pré-modernes et était pris en compte par les juges des tribunaux ottomans, voir Ahmed Ibrahim (2015). Voir aussi Dina Cherif Feller (1996, p. 58 sq.).
Auteur
Juriste et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Elle est chercheure associée à la Faculté de droit de l’Université de Paris et chargée de cours à l’École de droit de la Sorbonne et à Sciences Po. Ses travaux de recherche portent sur les transformations du droit dans le monde arabo-musulman ainsi que sur les réformes constitutionnelles et les processus de transition post-révolutionnaires dans les pays arabes.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fils de saints contre fils d’esclaves
Les pèlerinages de la Zawya d’Imi n’Tatelt (Anti-Atlas et Maroc présaharien)
Salima Naji
2011
La bienvenue et l’adieu | 1
Migrants juifs et musulmans au Maghreb (XVe-XXe siècle)
Frédéric Abécassis, Karima Dirèche et Rita Aouad (dir.)
2012
La bienvenue et l’adieu | 2
Migrants juifs et musulmans au Maghreb (XVe-XXe siècle)
Frédéric Abécassis, Karima Dirèche et Rita Aouad (dir.)
2012
La bienvenue et l’adieu | 3
Migrants juifs et musulmans au Maghreb (XVe-XXe siècle)
Frédéric Abécassis, Karima Dirèche et Rita Aouad (dir.)
2012
Médinas immuables ?
Gentrification et changement dans les villes historiques marocaines (1996-2010)
Elsa Coslado, Justin McGuinness et Catherine Miller (dir.)
2013
Surnaturel et société
L'explication magique de la maladie et du malheur à Khénifra, Maroc
Saâdia Radi
2013
Fès et sainteté, de la fondation à l’avènement du Protectorat (808-1912)
Hagiographie, tradition spirituelle et héritage prophétique dans la ville de Mawlāy Idrīs
Ruggero Vimercati Sanseverino
2014
Les ambitions d’une capitale
Les projets d’aménagement des fronts d’eau de Rabat
Hicham Mouloudi
2015
Pratiquer les sciences sociales au Maghreb
Textes pour Driss Mansouri avec un choix de ses articles
Mohamed Almoubaker et François Pouillon (dir.)
2014