Sur la manière dont le démon désire être honoré
p. 40-54
Texte intégral
1/Fol. 391 v/
Chapitre I : On y dira comment le diable désire ardemment être honoré
2Vous savez que cet homme-hibou on l'appelle, on le désigne vraiment par une multitude de noms : mauvais ange, Diable, Démon, Satan.
3Il vous a sans doute été souvent rapporté qu'il est tombé du ciel pour la très grande faute qu'il y commit car il était fier, orgueilleux, présomptueux : il ne voulait en aucune façon obéir au Seul, au vrai Dieu qui, dans les temps passés, le créa, le forma, le fit, l'engendra : seul, face à lui, contre lui il se dressa et il voulait être honoré, il voulait être estimé plus que lui. Il voulait s'égaler à celui de qui nous tenons la vie, au maître de la proximité.
4Il désirait avec force la divinité, la puissance, la gloire, la renommée. Tout près, tout à côté de Dieu aurait voulu se placer le Diable, sur sa natte, sur son trône, parce qu'il voulait rivaliser avec Lui. Bien que de nombreuses exhortations lui fussent adressées, lui fussent dites, il n'en arrêta point pour cela ses mensonges, ses faussetés. Une très grande irritation, une très grande colère, une très grande fureur le prirent, le gagnèrent. Comme tout était tout à fait serein, il provoqua là-haut une grande bataille, si bien qu'il sema le trouble, la discorde, la désunion. Il déchaîna une grande agitation, un grand tumulte. Ainsi il séduisit, il trompa quelques-uns de ceux qu'on appelle anges, et tous ensemble ils se révoltèrent, si bien que Dieu en chassa aussi beaucoup pour avoir désobéi.
5Vous avez sans doute souvent entendu raconter qu'ils tombèrent pour s'arrêter par ici seulement en trois endroits : /les uns s'arrêtèrent/ au-dessus de nous, dans l'air ; certains allèrent partout sur la terre. Les autres enfin se répandirent dans la région des morts, au centre de la terre : ils vivent dans les flammes, dans le tourment, dans la peine, dans le malheur. Jamais, jamais le Diable ne reconnaîtra sa faute, jamais il ne renoncera, jamais il ne s'arrêtera. Aussi deviendra-t-il de plus en plus méchant.
6Il est orgueilleux, présomptueux, très fanfaron, désireux d'être loué ; il cherche toujours à gagner des honneurs, à s'élever. Il veut être estimé, il veut qu'on parle de lui, il veut être appelé Dieu. Il désire avec force le grand pouvoir de Dieu /fol. 392 r/ . Alors, il humilie les hommes, il les captive par sa morsure, ses coups de dents, ses mensonges, sa bave ; de sorte qu'il se moque d'eux, qu'il les induit en erreur. Il dépose, il accumule des mensonges dans leur cœur, à leur oreille, pour les séduire, pour les troubler, pour leur nuire. Ainsi il les fait tomber dans un précipice, dans une fondrière. Comme le scorpion, l'araignée surveillent, épient sournoisement dans les orties, dans l'abîme, dans la rivière, ainsi, avec des paroles feintes, avec un ton suave, avec des conseils perfides, il envoûte les hommes pour les retenir, les garder, les séduire. Il est aussi méchant qu'une bête sauvage, sans aucun doute. C'est un très grand voleur qui veut prendre, saisir, dérober une Créature de Dieu. Tel un voleur, tel un bandit, tel un malfaiteur qui s'empare de tout sans distinction, inhumainement, sans trêve, il va d'un côté et d'autre : si on le voit, lui qui est si ingénieux, lui qui est très à craindre, personne ne doit s'aventurer à le suivre. Le Diable est repoussant. Il n'est pas bon, il n'est pas juste ; il est hideux, il est noir ; il s'introduit dans le cœur des hommes, il s'insinue dans le creux de leurs oreilles. Assurément, on verra bien et on se rendra compte qu'avec lui on erre. Mais, pour ne pas tomber dans le lacet, dans la corde que tend sa main, il faut aussitôt penser de tout son cœur au Seul Dieu et l'invoquer avec foi : Per Signum Pater Nostrum. Ave Maria Salve.
7Mais, pour ne pas se tromper, pour ne pas s'écarter du droit chemin, on s'abstiendra absolument de ce qui est appelé, de ce qui se nomme impiété. Alors ton cœur sera éclairé pour que tu ne t'abandonnes pas au Diable, pour que tu ne deviennes pas son adepte, pour qu'il ne te trompe pas, pour qu'il ne te fasse pas tomber dans le piège.
8Tu ne t'effraieras pas si tel est le Diable dans son cœur, dans sa vie. En effet, il voulut déjà tromper Notre Seigneur Jésus-Christ. Lorsqu'il habita sur la terre, le Diable voulut le tromper, l'abuser quand, sur la grande [ Math. 4] montagne, pour l'éprouver, il lui dit :
9"Je te donnerai tout cela si devant moi tu t'inclines humblement, si tu t'humilies sur le sol pour me saluer".
10A peine avait-il parlé qu'il s'en alla vite, qu'il partit. Et parce qu'ainsi il osa l'offenser, Notre Seigneur [Jo. 12] l'appela seigneur, dans le monde de tous ceux qui, pervers, désobéissent à Dieu, qui vit partout, pour toujours, de tous ceux qui l'accompagnent, de tous ceux qui ne croient pas en Dieu, de tous ceux qui sont du parti du Diable.
11Mais le Diable lutta contre Lui, il combattit Notre Seigneur /fol. 392 v/ Jésus-Christ pour tenter de le tromper, tout en sachant fort bien que sa vie, que son cœur étaient parfaits, tout en sachant que ce très grand Saint n'avait commis aucune faute, bien qu'il ne fût pas certain de Sa Divinité, bien qu'il ne fût pas certain que ce fût la divinité Dieu. Tu ne t'effraieras donc pas, alors, tu ne connaîtras pas de grande épouvante, lorsque tu apprendras, lorsque tu entendras dire que le Diable trompe, qu'il égare, qu'il trouble une grande quantité, un grand nombre d'hommes et de femmes. Car le Diable est aussi un homme très vieux, très âgé, et il met seulement à l'épreuve ceux dont il sait, dont il est sûr qu'ils ne sont pas courageux dans leur cœur, ceux voilà tout qui sont des pécheurs.
12Vous saurez qu'il y a déjà longtemps, du temps des ancêtres, le Diable pénétrait dans une pierre, dans un bâton, dans une personne qui servait d'intermédiaire, pour parler, pour tromper grandement les hommes. Mais maintenant, l'homme et la femme ne sont plus trompés, ne sont plus mis à l'épreuve par le Diable : ils ne se confient plus en lui, en ses mensonges, en sa bave ; ils se réfugient beaucoup en Dieu, ils le révèrent et ils s'apitoient sur ceux qui sont mis à l'épreuve par le Diable. Car ceux-là, la faute appelée tentation les vainc aisément par l'épreuve, les soumet grâce à elle.
13Elle prend, elle fait prisonniers dans son lacet, dans sa corde, elle précipite, elle renverse ceux qui estiment, ceux qui désirent sur terre la richesse, la fortune, ou ceux qui désirent la gloire, les honneurs ou la débauche avec les femmes.
14Et le Diable trompe beaucoup ceux qui veulent savoir, ceux qui veulent connaître les choses cachées ou ce qui se passe au loin ; il les trompe grandement, parce qu'il leur promet beaucoup de richesses, bien qu'il ne possède rien, et il leur promet aussi la luxure pour qu'ils soient de son parti.
15Alors, il trompe beaucoup l'homme, comme il trompa la première femme : il lui promit la connaissance cachée. La femme apprit les [Gen. 3] choses faites au loin, en secret, les choses qu'il est impossible de connaître normalement sur terre, les choses impossibles à connaître parfaitement dans le coeur.
16Tout homme veut connaître la perfection, et surtout connaître les choses faites en secret, inconnues, mystérieuses, incompréhensibles, jamais dites à personne, jamais enseignées nulle part. Alors à cause de lui /le Diable/ est trompé celui qui veut savoir les choses, il commet une faute dans son cœur avec lui /fol. 393 r/ il suit le Diable, il veut connaître les choses parfaitement, il désire ce qui ne lui convient pas, comme les aveugles, comme les méchants. En effet, comme l'homme sait qu'il lui est impossible de connaître parfaitement dans son cœur ce qu'il désire, il se livre au Diable, pour se vouer à lui, pour qu'il soit son dieu, son seigneur, son protecteur ; il l'estime, il est tout à fait de son parti, parce qu'il pense qu'il donnera ce qu'il promet.
17Le Diable met beaucoup à l'épreuve, subjugue beaucoup ceux qui l'estiment, ceux qui l'affectionnent, ceux qui apprécient sur terre la gloire, les honneurs, la noblesse, la grandeur, la dignité. C'est ainsi que le Diable a trompé un homme appelé Gilbert : il avait fui Dieu pour se consacrer au Diable ; il se voua à lui, il fit le serment d'être de son parti, s'il lui était favorable, pour lui permettre de faire tout ce qu'il voulait, tout ce qu'il désirait dans son cœur. Alors il se consacra à apprendre la tromperie appelée nécromancie ou art magique des paroles du Diable, de sorte qu'il obtint l'aide du Diable pour devenir évêque, puis archevêque. Finalement, il fut grand prêtre à Rome. Mais ensuite, Dieu lui apparut dans le ciel, à la fin de sa vie, il confessa sa faute, pleura abondamment, s'amenda, fit pénitence, si bien qu'il mourut en bon chrétien. Personne n'obtiendra la gloire ainsi, car c'est une épouvantable, une abominable faute : on se fâche avec Dieu et ainsi on n'apprend rien, on perd la vie. Il est malheureux, il connaît un triste sort, celui qui ainsi poursuit, recherche, désire la noblesse, le pouvoir ; il sera malheureux pour toujours, dans la demeure du Diable.
18Le Diable cherche également à tromper celui qui convoite la jupe, la camisole, celui qui, pour pécher, fréquente le fuseau, l'outil pour fouler la toile. Ainsi le Diable trompa un homme, [Reg. 11] un grand roi appelé Salomon, à cause de ces femmes vouées au Diable, qu’il désirait ; elles adoraient les idoles et il érigea en beaucoup d'endroits des temples consacrés au Diable, afin qu'il y eût là un lieu de réunion, et il fit, il écrivit de nombreuses invocations diaboliques. Ensuite, après sa mort, celles-ci servaient pour introduire les démons dans le corps des hommes. Et vraiment, le roi Salomon pécha grandement /fol. 393 v/. Il est dit, dans la vie de Saint Cyprien et de Sainte Justine, comment un homme, un étudiant appelé Agladio, était très épris d'une jeune fille nommée Justine :
19Alors, il alla trouver Cyprien pour qu'il prononce des paroles trompeuses, pour qu'il les fasse tomber dans le cœur de la noble jeune fille, pour pécher avec elle. Cyprien n'étant pas encore chrétien, s'entretint avec les Diables, pour que Justine, la noble jeune fille, tombe dans le péché, elle qui était bonne chrétienne dans son cœur, elle qu'il était impossible de tacher. En effet, lorsqu'il se montra à elle, qu'il lui rappela la méchanceté des Diables, aussitôt Justine fit le signe de la croix. Alors les Diables s'enfuirent, ils s'en allèrent, parce qu'elle n'avait pas été trompée. Et lorsque Cyprien sut qu'avec la Vertu, qu'avec les mérites de la croix on l'emporte avec beaucoup de force sur le Diable, aussitôt il se convertit, aussitôt il embrassa la croyance en Notre Seigneur Jésus-Christ, aussitôt il abandonna, méprisa, détesta le Diable et toute sa manière de vivre, sa méchanceté. Et puis, un jour couvert de nuages, Cyprien et Justine furent tués. Car les bons chrétiens, en l'honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ seulement, accepteront une mort appelée martyre. C'est pour cela qu'ils refusent d'adorer les idoles, qu'ils les méprisent alors ils meurent aux mains des méchants, des incroyants. Ils connaissent la faute, ils savent se moquer du mal, de la perversité, du péché, de l'erreur.
20Ne suis pas, ne désire pas sans discernement la robe, la chasuble, ne te soumets pas au Diable. Ne t’approche pas de lui, pour ne pas tomber dans ses mains, pour ne pas brûler à jamais avec lui.
21Enfin le Diable trompe beaucoup ceux qui veulent savoir comment sont faites les choses secrètes, ou connaître le secret de la vie ou les choses qui se produiront plus tard. Le Diable trompa également un homme, un roi appelé Saül [1 Reg. C 18] : il alla trouver une femme trompeuse pour qu'elle lui dise ce qui lui arriverait, là-bas, au combat, là-bas où il voulait aller. C'est pourquoi Dieu voulut que, là-bas, au combat, le roi fût tué, avec beaucoup de ses vassaux, et que les Juifs perdissent tous leurs biens.
22Dieu se fâche bien davantage si, tel une sarigue, tu vas trouver le médecin trompeur, ou le devin, pour qu'il te dise si tu guériras ou non, ou les choses qui t'arriveront /fol. 394 r/. C'est triste, affligeant, honteux, effrayant. Tu ne pleureras pas pour qu'on te dise si tu es né sous un bon signe, si tu dois lutter, si tu dois construire ta maison, ou ce que tu dois faire, car ainsi tu offenses grandement Dieu. Dieu créa tous les signes totalement bons, pour que nous vivions heureux. Tu ne t'effraieras pas non plus si, d'aventure surgit sur ton chemin un serpent, un lézard qui incline la tête, un oiseau qui chante ou une bête venimeuse. Tu ne croiras pas du tout le rêve, la parole trompeuse, les mauvaises choses dont ont laissé le souvenir tes pères, tes aïeux, aveugles qui ne croient pas au vrai Dieu, qui ne le connaissent pas ; à présent, révèle la faute, toi qui la connais.
23Et si le Diable voulut tromper Notre Seigneur Jésus-Christ, il ne souhaitait aucun bien à son royaume, et ainsi il trompera ceux qui convoitent beaucoup de choses ; et alors, ceux qui ne sortaient pas, sortent, ceux qui n'avançaient pas, avancent, ceux qui ne couraient pas, courent. Dès qu'ils meurent de faim, les affamés, les malheureux, il ne s'en occupe plus, lui qui leur avait dit des paroles trompeuses, qui leur avait dit qu'il y aurait de quoi manger, [Num.2 2] qu'ils vivraient dans l'oisiveté, qu'ils seraient respectés, célèbres en entrant dans sa maison. Ainsi, un homme trompeur, très désireux de s'entretenir avec le Diable, et appelé Balaam, appartenait au parti du Diable, et tous, sur lui prenaient exemple. Alors le Diable complote en secret, pour qu'ensuite ils soient étendus en enfer pour toujours.
24Mais nous, les chrétiens, nous sommes baptisés, si bien que nous cherchons à obéir à Dieu, à nous élever en dignité pour donner le bon exemple, pour être heureux, pour que le Diable reste seul. Mais ceux qui ne veulent pas se détourner de Dieu, le Diable en séduira sans nombre. Les trompeurs se détournent souvent de Dieu, à cause de leurs fautes, de leurs méchancetés. Ils veulent volontiers être du parti du Diable ; ils ne veulent s'occuper que de méchancetés pour faire, pour réaliser ce qu'ils désirent : leur propre faute. Et si rarement, le Diable dit des choses vraies, c'est très souvent parce qu'il veut faire disparaître les soupçons, c'est parce qu’il veut tromper, c'est seulement pour dissimuler ses mensonges, sa bave. Aussitôt on priera Dieu de très bon cœur, pour être délivré, pour être écarté du Diable. Mais si le méchant tourmente, entraîne une personne, il lui faut aussitôt dire : Père, pour être consolée en appelant Dieu.
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