Localisation incertaine (à proximité de la Gola di S. Andrea). Mercurius Inuictus
p. 36-38
Texte intégral
1À quelque distance de la uia Appia, à mi-chemin entre Fondi et Itri (donc près des gorges de S. Andrea), fut observé un bloc de marbre, aujourd’hui perdu, portant une inscription témoignant d’un culte à Mercurius Inuictus1. C’est I. Gruter2 qui, le premier, le signala. Le bloc, nous apprend-il, se trouvait sur un mont rocailleux, parmi des blocs de marbre identifiés comme les restes d’un temple qui, sur la foi de cette inscription, aurait été dédié à Mercurius. La localisation de ces ruines demeure très périlleuse.
Sources épigraphiques
2Pratilli 1745, 136 ; CIL X, 6219 ; ILS, 5187 ; Pesiri 1978a, 171 ; De’ Spagnolis, Conticello 1986-1988, 91, n. 21 ; Forte 1998, 70 nt 35 ; Evangelisti 2004-2005, 661-662 ; Di Fazio 2006, 89.
L(ucius) Aurelius
A[p]olaustus
pantomimus
Mem[f]ius
Mercurio Inuicto
uotum soluit
« Lucius Aurelius Apolaustus, pantomime (au surnom de) Memfius, s’acquitta de (son) vœu à Mercurius Inuictus. »
3Cette dédicace honorifique, que G. Pesiri propose de dater de l’époque des Antonins3, a trait au pantomime L. Aurelius Apolaustus, artiste itinérant affranchi qui n’était pas originaire de la cité et que l’on identifie communément avec un favori de Lucius Verus, qui l’aurait ramené de Syrie4 (S.H.A., Ver. 8, 10). Ce personnage nous est connu par de nombreuses inscriptions provenant de cités d’Italie du Sud5 ; peut-être une autre inscription retrouvée dans le centre de Fondi (AE 1978, 84) renvoie-t-elle aussi à lui. Jouissant d’une belle réputation à l’époque antonine, il se vit confier des charges municipales dans plusieurs de ces cités : à Canosa, il fut quinquennalis Augustalis (CIL IX, 344), à Capoue Augustalis maximus (CIL X, 3716) ; à Tivoli, il fut honoré, sous le règne de Commode, de la dignité d’Augustalis Herculanus et des insignes des décurions (CIL XIV, 4254). Dans les inscriptions de Capoue et de Tivoli, il est mentionné, enfin, comme un sacerdos Apollinis. Les cités italiennes avaient ainsi coutume d’honorer les acteurs en vogue par des charges civiles ou même religieuses. Cependant ce pantomime tomba par la suite en disgrâce et fut condamné à mort par l’empereur Commode (S.H.A., Vita Comm. 7, 2).
4Si la dédicace témoigne expressément d’un culte rendu à Mercurius Inuictus, il est évidemment impossible de savoir si le vœu dont s’acquitta Apolaustus avait quelque rapport (restauration, embellissement, ...) avec l’édifice dans lequel le dieu était honoré. On peut simplement mettre en relation l’activité de pantomime itinérant de ce personnage avec la protection que Mercurius était supposé accorder aux voyageurs.
Sources archéologiques
5L’inscription fut découverte par I. Gruter parmi les vestiges d’un édifice romain, qui pourrait être celui de Mercurius Inuictus, mais l’identification en est délicate, car I. Gruter ne fournit que de vagues indications sur leur localisation (inter Fundus et Itrium, media uia ad montem saxosum, ubi ruinae ueteris sacellis6). F.M. Pratilli, qui prétend avoir vu lui-même l’inscription ce dont doute L. Quilici7, les situe à cinq milles romains de Formies8, là où se trouveraient des ruines dites « Le Anticaglie ». Il fournit à cet égard un croquis9 de cette portion de la uia Appia avec indication du temple supposé, mais le plan, très schématique, ne permet pas une localisation précise : L. Quilici semble y reconnaître les ruines situées sur le site du couvent S. Donato, ruines qu’il a lui-même identifiées, non comme celles d’un sanctuaire, mais comme celles d’un mausolée et d’une uilla10. Le site du temple de Mercurius Inuictus demeure donc bien mal connu.
6Plusieurs hypothèses ont ainsi été formulées. F.A. Notarianni11, suivi par M. De’ Spagnolis, G. Pesiri et A. Saccoccio12, propose d’identifier les ruines vues par I. Gruter avec des vestiges situés sur une petite éminence, le Mole Perito, au lieu-dit Mura Paritì (ou Mura Perite), au km 126 de l’actuelle via Appia (site dit Muracci), localisation qui concorde à peu près avec la distance signalée par F.M. Pratilli. Sont encore visibles des fragments de tuiles et ceux d’un pavement de terre cuite orné de mosaïque13. M. De’ Spagnolis suppose qu’un bois sacré et divers bâtiments en lien avec le culte du dieu devaient entourer le temple14. En réalité, si l’on en croit L. Quilici15, ces vestiges ne sont pas ceux d’un sanctuaire, mais ceux d’un relais de poste, comme il en existait plusieurs le long de la uia Appia entre Fondi et Formies. Du reste, le lieu semble situé trop en contrebas par rapport aux indications de I. Gruter.
7B. Amante et R. Bianchi16 situent pour leur part le temple sur une colline distante de 3 km de la Colle delle Monachelle, entre le pont de l’Epitaffio et le fortin de S. Andrea ; mais les ruines qui subsistent en ce lieu (confondues par d’autres avec un sanctuaire d’Apollo17) ont pu être identifiées aussi comme celles d’un petit relais de poste18. D’ailleurs, comme le note L. Quilici19, le site est tout à fait secondaire pour avoir pu représenter un quelconque intérêt pour un personnage tel que Memfius. En outre, comme c’est le cas pour l’hypothèse précédente, le lieu est situé au pied de la montagne, ce qui entre en contradiction avec les indications de I. Gruter.
8Plus satisfaisante de ce point de vue serait la proposition de M. Forte20 qui suggère de reconnaître le temple dans les ruines que l’on peut apercevoir à gauche de la uia Appia en venant de Fondi, environ 4 km avant Itri (site dit Le Grotte). Mais il n’y a là encore aucune certitude puisque L. Quilici interprète ces ruines comme celles d’une villa et d’un sépulcre21. Deux autres hypothèses respectant les indications topographiques de I. Gruter peuvent être envisagées : le temple de Mercurius Inuictus pourrait se situer au sommet du col, là où se trouvent les ruines de La Forcella, mais L. Quilici les a aussi interprétées comme celles d’un relais de poste22 ; ou il s’agirait des vestiges du sanctuaire surplombant les gorges de S. Andrea, couramment identifiées à celles d’un temple d’Apollo (cf. fiche Itri. Gola di S. Andrea, Apollinis (?) templum / oratorium). C’est à cette dernière hypothèse que souscrit V. Fiocchi Nicolai23 : il propose d’identifier l’inscription de Memfius avec la petra scripta à laquelle fait allusion le pape Adrien IV dans une bulle adressée en 1158 à l’évêque de Gaète pour lui spécifier les limites de son diocèse et que le texte permet de situer en surplomb des gorges de S. Andrea, dans la zone du fortin napoléonien qui les domine (cf. fiche Itri. Gola di S. Andrea. Apollinis (?) templum / oratorium). Si cette identification est exacte, on peut supposer que le bloc de marbre supportant l’inscription était de taille remarquable puisqu’il pouvait faire usage de borne. V. Fiocchi Nicolai en déduit que le temple couramment attribué à Apollo a en réalité été consacré à Mercurius. L. Quilici24 revient sur cette localisation, qu’il considère comme plausible, du lieu de découverte de l’inscription signalé par I. Gruter, mais affirme qu’il n’est pas besoin pour autant de considérer qu’il y a eu confusion dans l’identification de la divinité honorée dans le sanctuaire des gorges de S. Andrea : selon lui, la dédicace de Memfius pourrait avoir été placée dans le temple d’Apollo qui aurait abrité d’autres cultes mineurs25. Pour autant, L. Quilici rappelle que le lieu de découverte de l’inscription peut être un autre site de cette zone où subsistaient encore au xviie s. des ruines aujourd’hui disparues. C’est aussi à cette probable disparition de toute trace archéologique que conclut M. Di Fazio26.
Bibliographie
Amante, Bianchi 1903: B. Amante, R. Bianchi, Memorie storiche e statutarie del ducato, della contea e dell’episcopato di Fondi in Campania dalle origini fino ai tempi più remoti, Rome, 1903.
Amante 1924: B. Amante, Fra Diavolo e il suo tempo, Naples, 1924.
Caldelli 1993: M.L. Caldelli, «Ancora su L. Aurelius Augg. Lib. Apolaustus Memphius Senior», Epigraphica, 55, 1993, 45-57.
Conte-Colino 1901: G. Conte-Colino, Storia di Fondi. Cenni dei paesi formanti il suo ex-stato e delle città limitrofe Enola, Gaeta, Formia e Terracina, Naples, 1901.
De’ Spagnolis 1977: M. De’ Spagnolis, Itri, Itri, 1977.
Di Fazio 2006: M. Di Fazio, Fondi ed il suo territorio in età romana. Profilo di storia economica e sociale, British Archeological Reports. International series, 1481, Oxford, 2006.
Fiocchi Nicolai 2002: V. Fiocchi Nicolai, «I monumenti paleocristiani di Fondi attraverso gli scritti di Gregorio Magno», in Piscitelli Carpino 2002a, 165-191.
Forte 1992: M. Forte, Statuti medioevali e rinascimentali della città di Fondi, Fondi, 1992.
Gruter 1616: I. Gruter, Inscriptionum romanarum corpus absolutissimum, Heidelberg, 1616.
Notarianni 1814: F.A. Notarianni, Viaggio per l’Ausonia, Giornale enciclopedico di Napoli, 7, 11, Naples, 1814.
Pesiri 1978a: G. Pesiri, «Iscrizioni di Fondi e del circondario», Epigraphica, 40, 1978, 162-184.
Pratilli 1745: F.M. Pratilli, Della via Appia riconosciuta e descritta da Roma a Brindisi, IV, Naples, 1745.
Quilici 2004b: L. Quilici, «Santuari, ville e mausolei sul percorso della via Appia al valico degli Aurunci», in L. Quilici, S. Quilici Gigli (éd.), Viabilità e insediamenti nell’Italia antica, Atlante tematico di topografia antica, 13, Rome, 2004, 441-543.
Quilici 2011: L. Quilici, «Il parco della Via Appia nella valle di Sant’Andrea tra Fondi e Itri. Scavi e restauri 2006-2010», Atlante tematico di topografia antica, 21, Rome, 2011, 81-102.
Saccoccio 2002: A. Saccoccio, Itri nei tempi, Fondi, 2002.
Solin 1996: H. Solin, «Appunti sulla produzione epigrafica di Formiae», Studi storico-epigrafici sul Lazio antico, Acta Instituti Romani Finlandiae, 15, Rome, 1996, 155-186.
Storchi Marino 2002: A. Storchi Marino, «Fondi romana: società ed economia», in Piscitelli Carpino 2002a, 19-70.
Notes de fin
1 Solin 1996, 155-156 ; Quilici 2004b, 469-471.
2 Gruter 1616, 1016.
3 Pesiri 1978a, 171.
4 cf. Storchi Marino 2002, 64-65.
5 Caldelli 1993
6 Fiocchi Nicolai 2002, 186-187.
7 Quilici 2004b, 471.
8 Pratilli 1745, 136-137.
9 Pratilli 1745, pl. 2a.
10 Quilici 2004b, 476-477.
11 Notarianni 1814, 77.
12 De’ Spagnolis 1977, 55-57 ; Pesiri 1978a, 171 ; Saccoccio 2002, 88.
13 De’ Spagnolis 1977, 57 ; Pesiri 1978a, 171.
14 De’ Spagnolis 1977, 57-58.
15 Quilici 2004b, 463.
16 Amante, Bianchi 1903, 17 ; Amante 1924, 64.
17 Conte-Colino 1901, 25-26 ; De’ Spagnolis 1977, 56.
18 Quilici 2004b, 467.
19 Quilici 2004b, 470.
20 Forte 1992, 56-57.
21 Quilici 2004b, 472-476.
22 Quilici 2004b, 471-472.
23 Fiocchi Nicolai 2002, 186.
24 Quilici 2004b, 471.
25 Quilici 2011, 82.
26 Di Fazio 2006, 88.
Auteur
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