Une épistémologie réaliste est-elle possible ?
Réflexions sur le réalisme structurel de Poincaré
Quand il se demande en quoi consiste en fin de compte la réalité objective, Poincaré donne à peu près toujours la même réponse : elle ne consiste pas dans le contenu, mais dans la structure et dans les relations. Il dit aussi « dans l’harmonie que découvre l’esprit humain dans la nature ». Et à la question de savoir si cette harmonie existe ou non en dehors de l’intelligence, il répond de la façon suivante : « Mais ce que nous appelons la réalité objective, c’est en dernière analyse ce qui est...
Note de l’éditeur
Ce livre a pour origine une conférence donnée lors du colloque annuel de rentrée du Collège de France d'octobre 2001. Le texte a été initialement publié, sous le même titre, dans Le vérité dans les sciences, sous la direction de Jean-Pierre Changeux (Paris, Odile Jacob, 2003, p. 15-47). Il est ici repris sans changement, sauf quelques corrections et ajustements typographiques.
Éditeur : Collège de France
Lieu d’édition : Paris
Publication sur OpenEdition Books : 4 novembre 2015
ISBN numérique : 978-2-7226-0418-6
DOI : 10.4000/books.cdf.4017
Collection : Philosophie de la connaissance
Année d’édition : 2015
Jacques Bouveresse
Une épistémologie réaliste est-elle possible ?Quand il se demande en quoi consiste en fin de compte la réalité objective, Poincaré donne à peu près toujours la même réponse : elle ne consiste pas dans le contenu, mais dans la structure et dans les relations. Il dit aussi « dans l’harmonie que découvre l’esprit humain dans la nature ». Et à la question de savoir si cette harmonie existe ou non en dehors de l’intelligence, il répond de la façon suivante : « Mais ce que nous appelons la réalité objective, c’est en dernière analyse ce qui est commun à plusieurs êtres pensants, et pourrait être commun à tous ; cette partie commune, nous le verrons, ce ne peut être que l’harmonie exprimée par des lois mathématiques. C’est donc cette harmonie qui est la seule réalité objective, la seule réalité que nous puissions atteindre ; et si j’ajoute que l’harmonie universelle du monde est la source de toute beauté, on comprendra quel prix nous devons attacher aux lents et pénibles progrès qui nous le font mieux connaître. » (La Valeur de la science).
Pour lui, ce qui est objectif est uniquement ce qui est ou peut être commun à tous les esprits connaissants et ce qui peut être commun à tous les esprits connaissants réside uniquement dans les rapports, et non dans le contenu. Et quand on se demande en quel sens une assertion scientifique peut être dite vraie, ce n’est pas tellement à son contenu, considéré en tant que tel, qu’il faut s’intéresser, ce qui ouvrirait probablement toute grande la porte au scepticisme, mais plutôt au nombre et à l’importance des rapports vrais qu’elle met en évidence. Prises en elles-mêmes, les deux assertions « La Terre tourne » et « La Terre ne tourne pas » sont, du point de vue cinématique, aussi vraies l’une que l’autre. Affirmer l’une et nier l’autre, au sens cinématique, reviendrait à admettre l’existence de l’espace absolu. « Mais, dit Poincaré, si l’une nous révèle des rapports vrais que l’autre nous dissimule, on pourra néanmoins la regarder comme physiquement plus vraie que l’autre, puisqu’elle a un contenu plus riche. Or à cet égard, aucun doute n’est possible. »
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Dans le labyrinthe : nécessité, contingence et liberté chez Leibniz
Cours 2009 et 2010
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