Le Collège de France et l’École pratique des hautes études vus et vécus par Gaston Paris
p. 57-81
Texte intégral
Fig. 1 — Gaston Paris vers la fin de sa vie.

Y arriver
1Quand Victor Duruy lance les cours libres de la rue Gerson, en 1866, Gaston Paris est prêt. Après deux années universitaires passées en Allemagne, la première à Bonn (1856-1857), la deuxième à Goettingue (1857-1858), sans qu’il y ait pour autant poursuivi des études bien ciblées, il était entré à l’École nationale des chartes et avait commencé en même temps, comme c’était fréquent à l’époque, des études de droit. Sorti de l’École en 1862, avec une thèse d’archiviste-paléographe intitulée Étude sur le rôle de l’accent latin, il avait soutenu, la même année, sa thèse de droit De tutela / De la tutelle. En 1865, il avait achevé ses deux thèses de doctorat : l’une, en latin, consacrée au Pseudo-Turpin1, l’autre, en français, intitulée Histoire poétique de Charlemagne, couronnée par le prix Gobert de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (AIBL), grâce, notamment, au soutien d’Ernest Renan2. Très tôt, Gaston Paris joue dans la cour des grands. Le fait que son père Paulin Paris occupait, depuis 1852, la première chaire de Langue et littérature françaises au Moyen Âge, créée à sa propre requête, n’y est sans doute pas totalement étranger3.
2Disposant d’un bagage intellectuel et d’un réseau scientifique déjà impressionnants pour son âge, Gaston Paris, en 1866, comme plusieurs fois auparavant, a pourtant la bourse vide. Et c’est ainsi qu’il saisit l’occasion qui lui est offerte d’enseigner la grammaire historique de la langue française aux cours publics libres de la rue Gerson, où il a entre autres comme élève le futur historien Gabriel Monod, qui deviendra l’un de ses amis les plus proches. Quand l’École pratique des hautes études (EPHE) est fondée deux ans après, il y est appelé comme répétiteur, puis, très vite, comme directeur adjoint des conférences de langues romanes4. Pendant l’année universitaire 1868-1869, il enseigne à la fois à l’EPHE et aux cours libres, qui cesseront d’exister en 18705.
3Les soucis financiers, cependant, ne s’arrangent pas tout de suite. Gaston Paris se plaint à plusieurs reprises auprès de son grand ami de jeunesse, Amédée Durande, du fait que son salaire à l’EPHE ne correspond pas à celui des autres répétiteurs. Il a dû en parler à Michel Bréal aussi, premier directeur de la IVe section « sciences historiques et philologiques », qui, le 13 janvier 1869, informe Victor Duruy de cette situation. Nous citons cette lettre dans son intégralité, car, dans son argumentation, Bréal ne fait pas seulement l’éloge des titres et mérites de Gaston Paris, mais met l’accent aussi sur le rôle d’« intermédiaire » que celui-ci est appelé à jouer entre la science allemande et le public français, rappelant ainsi l’une des motivations premières de la fondation de l’EPHE, celle, précisément, d’aligner les recherches en France sur le modèle d’outre-Rhin qui avait été vanté dans les différents rapports remis à Duruy6 :
Les traitements des répétiteurs à l’École des hautes études viennent d’être fixés. D’après les renseignements qui me sont donnés, on n’a attribué aucun traitement à l’un des répétiteurs de la section de grammaire comparée7, à M. Gaston Paris. Je crois qu’il y a là un oubli plutôt qu’une décision formelle. On peut, il est vrai, alléguer que M. Gaston Paris touche déjà une indemnité de 1 500 francs pour le cours qu’il fait à la rue Gerson. Mais cette indemnité est inférieure au traitement des autres répétiteurs, et il serait singulier que M. Paris, parce qu’en dehors de ses fonctions à l’École des hautes études, il fait deux leçons publiques par semaine, fût moins payé en tout que ses collègues qui n’ont pas d’occupation en dehors de l’École. Parmi les répétiteurs, M. Paris me paraît celui de tous que recommandent les titres les plus nombreux. Le mérite de ses travaux antérieurs, sa connaissance approfondie des méthodes et des publications allemandes, la critique et l’esprit scientifique dont il a donné ses preuves, le désignent tout spécialement pour remplir à l’École le rôle d’un intermédiaire compétent entre la science allemande et l’esprit français. Joignant d’ailleurs aux titres d’archiviste-paléographe et de docteur ès lettres l’honneur d’une des plus hautes récompenses académiques (prix Gobert), il ne pourrait guère se trouver vis-à-vis de ses collègues de l’École dans une situation inférieure.
Si la réunion du traitement de répétiteur et de l’indemnité qu’il reçoit paraissait excessive (ce serait 3 500 francs), on pourrait au moins lui attribuer la moitié du traitement de ses collègues ; au pis aller, serait-ce le traitement le plus élevé des deux qu’il conviendrait de lui attribuer. Je ne sais si M. Gaston Paris accepterait, dans le cas contraire, la place de répétiteur, et je puis affirmer à votre excellence que sa retraite serait une perte pour l’École. Il a déjà huit élèves inscrits pour ses conférences, qui doivent commencer mardi prochain. Tous ses élèves ont déjà reçu des travaux (collations de textes etc.) à faire, qu’ils exécutent dans les Bibliothèques. Il a donc pris la nouvelle fondation fort à cœur, et serait d’autant plus péniblement surpris de la position exceptionnelle où il se trouverait.
Veuillez m’excuser, Monsieur le Ministre, d’avoir présenté à Votre Excellence ces observations sur une mesure qui, n’étant pas encore publique, peut facilement être modifiée. J’ai cru remplir mon devoir de directeur de la section de grammaire comparée et rendre service à l’École, aux destinées de laquelle Votre Excellence prend un si vif et si légitime intérêt.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur le Ministre, de Votre Excellence, le très obéissant et très dévoué serviteur8.
4Dès le lendemain, Duruy répond positivement à la requête de Bréal9 :
Le caractère essentiel des cours faits à la rue Gerson est la gratuité. Quelques dérogations ont eu lieu, et des indemnités littéraires et temporaires ont été accordées.
Mais l’allocation de 2 000 f pour les répétiteurs est de droit et j’ai depuis longtemps donné l’ordre que celle de Mr Gaston Paris fût portée au chiffre réglementaire, dès que l’école serait constituée, c’est-à-dire depuis le 1er janvier. Cet ordre s’exécutera.
5En 1872, Gaston Paris est nommé directeur d’études des conférences de langues romanes et enseignera dans cette fonction à l’EPHE jusqu’à sa mort ; entre 1885 et 1895, il est, en plus, président de la IVe section. La même année 1872, il prend également la succession de son père au Collège de France, qu’il avait remplacé et suppléé à plusieurs reprises à partir de 1867. Il sera administrateur du Collège de France de 1895 à sa mort. À partir de la première année d’après-guerre, Gaston Paris enseigne donc, en parallèle, dans deux institutions à caractère en principe très différent : le Collège de France, d’une part, où les cours étaient destinés au grand public, en partie mondain et aussi féminin, et l’EPHE, d’autre part, haut lieu s’il en fut d’un enseignement spécialisé destiné à un nombre restreint d’étudiants, dont l’écrasante majorité était, faut-il le souligner, masculine.
Deux enseignements – une visée
6L’enseignement de Gaston Paris, tant au Collège de France qu’à l’EPHE, s’inscrit dans le cadre général d’un programme philologique à deux volets, un volet méthodologique et un volet médiéviste.
7Du point de vue méthodologique, il s’agissait de propager les méthodes historico-comparatives développées en Allemagne dans le domaine des études linguistiques : dans celui du sanscrit et des langues indo-européennes en général par Franz Bopp, dans celui les langues germaniques par Jacob Grimm. Ces principes méthodologiques se virent appliqués par Friedrich Diez aux langues romanes dans sa Grammatik der Romanischen Sprachen (1836-1843, 51882). La Grammatik de Diez accéda très vite au statut d’ouvrage de référence pour tous les philologues romanistes de la « nouvelle école » et sera traduite entre 1862 et 1876 par Gaston Paris lui-même (en collaboration, pour le premier tome, avec Auguste Brachet, et pour les tomes II et III, avec Alfred Morel-Fatio). Cette traduction – et ce fait est significatif pour l’histoire du transfert franco-allemand dans le domaine des sciences philologiques – fut effectuée en même temps, pratiquement, que celle d’un autre ouvrage fondateur, Die Vergleichende Grammatik de Franz Bopp, par Michel Bréal (1866-1872, 5 vol.) L’approche historico-comparative constitue, au niveau épistémologique, une matrice disciplinaire, qui se caractérise par quelques hypothèses fortes concernant les méthodes, les objets auxquels on les applique et le but de leur application. À travers un relevé aussi complet que possible des faits linguistiques et leur comparaison tant diachronique que synchronique, elle vise à rendre compte de l’évolution ininterrompue des mots et des structures grammaticales et syntaxiques au moyen de la formulation de lois. La nouvelle approche était censée promouvoir la philologie romane au rang de discipline scientifique à part entière, jouissant du même statut et du même prestige que les sciences dites « naturelles ».
8Pour ce qui est du volet médiéviste, le but explicite était de faire connaître et de faire accepter la littérature du Moyen Âge comme un objet digne d’être étudié et de figurer dans le canon littéraire national, qui, jusque-là, l’avait tenue prudemment à l’écart, tant par ignorance que par mépris. Dans la tradition belles-lettriste qui dominait alors en France – on peut citer ici à titre d’exemple Ferdinand Brunetière et, avant lui, Désiré Nisard – l’histoire de la littérature française ne commençait véritablement qu’avec la littérature classique du xviie siècle, et la littérature médiévale se voyait rejetée en raison, principalement, de ce que l’on considérait, dans la perspective classiciste et moderniste, comme des insuffisances esthétiques, mais aussi morales (obscénités, violences, etc.). Face à ce mépris issu de conceptions normatives, Gaston Paris a tout au long de sa carrière défendu l’idée que la littérature médiévale était indispensable à la construction de l’identité nationale sur la longue durée, mettant à profit l’idée aristotélicienne selon laquelle la littérature est une forme de discours irréductible, donnant seule accès à l’essentiel, c’est-à-dire, dans son discours, à « l’âme » de la nation. Dans une telle perspective, la philologie romane devenait une discipline phare pour la consolidation de la cohésion nationale, et cette idée rencontra un terrain fertile après la défaite de 1871, qui vit s’ébranler durablement les convictions universalistes et normatives en France10.
9Le projet global visé par les philologues de la génération de Gaston Paris était bel et bien celui d’établir une discipline scientifique nouvelle et moderne à travers la définition des méthodes et des objets de recherche et également à travers l’adoption d’un certain style d’argumentation, plus objectif et sobre que celui des devanciers. Pour la première fois dans l’histoire des philologies modernes en France, on assista ainsi à l’établissement d’un paradigme scientifique cohérent dans le sens de Thomas S. Kuhn, avec tous les mécanismes d’inclusion et d’exclusion qui en font nécessairement partie et en constituent à la fois la force et la faiblesse11.
10La création de l’EPHE, et plus spécifiquement, la IVe section de l’EPHE, offrait la chance inédite de réunir sous un même toit un groupe de chercheurs se réclamant du même paradigme, lui donnant ainsi une assise institutionnelle et, par là même, une autorité officielle. Un certain nombre des « nouveaux philologues12 » de l’EPHE enseignaient également au Collège de France, comme ce fut le cas de Gaston Paris, de Michel Bréal et de Louis Havet. D’autres philologues adhérant aux nouveaux principes enseignaient à l’École des chartes, comme Paul Meyer, qu’on retrouve également au Collège de France. On remarque que toutes les institutions qu’on vient de nommer – le Collège de France, l’École des chartes, l’EPHE – se situent en dehors des Facultés des lettres, dont le système et l’enseignement se voyaient de plus en plus critiqués à partir du milieu du xixe siècle.
11À l’EPHE, l’enseignement de Gaston Paris était essentiellement focalisé sur l’application des méthodes historico-comparatives à l’étude des textes littéraires du Moyen Âge13. En une trentaine d’années, avec, en moyenne, quatre conférences par an, Gaston Paris a abordé une douzaine de sujets différents. Cela peut paraître peu, mais cela montre surtout à quel point la nouvelle façon de travailler allait en profondeur, où tout restait à faire, plutôt qu’en largeur. Six objets de recherches prédominent très nettement : Joinville dans les premières années, les gloses de Reichenau et la poésie lyrique française du xiie et du xiiie siècles dans les dernières années ; la chanson de geste Fierabras ainsi que la grammaire comparée des langues romanes reviennent de façon régulière tout au long de la carrière de Gaston Paris ; à partir de 1882-1883, très souvent, au moins une des quatre conférences était réservée à la présentation critique, par les étudiants, de nouvelles parutions dans le domaine de la philologie romane.
12Les conférences fonctionnaient sur le modèle allemand, dans ce sens que les étudiants présentaient et soumettaient à la discussion un travail préalablement préparé sur un sujet déterminé par le directeur d’études ou par eux-mêmes. Les meilleurs de ces travaux, qui étaient modifiés et complétés en fonction des critiques et des commentaires issus de la discussion en plenum, étaient souvent publiés dans la Romania. Au sujet de ces conférences, le philologue et militant socialiste Charles Bonnier nota dans ses Souvenirs : « Toute cette section [i. e. la IVe] de l’École des Hautes Études vibrait réellement d’ardeur scientifique, l’idée des séminaires allemands y était plus que réalisée, car ce n’étaient pas que des cours d’enseignement supérieur, mais une collaboration active entre professeurs et élèves14. »
13Très rarement, Gaston Paris proposait un cours magistral, qu’il appelait alors leçon, en l’opposant, justement, aux conférences telles qu’elles étaient habituellement pratiquées à l’EPHE. Dans un des rapports, il explicite la différence entre ces deux formes d’enseignement15 :
Les conférences du second semestre, en première année, ont été plutôt des leçons que des conférences, au sens ordinaire du mot à l’École des Hautes Études. Sur la demande des élèves de l’École normale, le directeur d’études a fait un exposé de la grammaire de l’ancien français qui, vu la brièveté du temps qu’il pouvait lui consacrer, l’a forcé de garder presque seul la parole. […] Les auditeurs ont cependant, dans une conférence, expliqué, au point de vue de la déclinaison, un texte d’ancien français et ont montré qu’ils avaient profité de l’enseignement reçu.
Fig. 2 — Début du cours à l’École pratique des hautes études pour l’année 1880-1881.

© Archives de l’École pratique des hautes études.
14À partir de 1879-1880, Gaston Paris donnait l’une des deux conférences semestrielles à son domicile. C’étaient les fameuses « réunions de dimanche ». Alors que les dimanches après-midi voyaient affluer chez lui des sommités du monde intellectuel, scientifique et artistique comme Taine, Renan, Pasteur, Sully Prudhomme ou Heredia, les dimanches matin étaient réservés à un cercle restreint d’étudiants avancés que le savant tenait pour particulièrement doués et auxquels il dispensait un enseignement supplémentaire censé les aider dans leur formation et certainement aussi dans leur carrière ultérieure. Il s’agissait d’un traitement de faveur. Cet enseignement de dimanche faisait partie intégrante de l’enseignement de Gaston Paris à l’EPHE. Donnons encore la parole à Bonnier16 :
Il [Gaston Paris] occupait le rez-de-chaussée d’un grand hôtel. On était introduit par un domestique et l’on se réunissait dans la bibliothèque. […] Il me reste de ces matinées un grand charme recueilli de souvenirs ; la sagacité des remarques de Gaston Paris, sa figure aimable et fine avec les yeux brillants sous le double binocle, la cordialité des discussions, c’est ce que je n’ai plus jamais retrouvé ! On se sentait soulevé à une grande hauteur intellectuelle dans cette collaboration avec ce grand esprit critique […]. Sa critique avait le don d’admettre la discussion et de la favoriser même, il était bien, comme l’a dit Bédier, « Paris sans pair », il avait sur lui le reflet de toute une méthode scientifique et de toute une littérature […].
15Dans mes publications antérieures, il m’est arrivé de formuler l’idée que Gaston Paris aurait réparti les deux volets de son programme scientifique sur les deux institutions dans lesquelles il enseignait parallèlement – alors que le volet philologique stricto sensu aurait fait l’objet de son enseignement à l’EPHE, le volet littéraire aurait fourni les sujets des cours au Collège de France –, en raison, principalement, des deux publics en principe très différents quant à leur taille, leur composition et leurs intérêts spécifiques qu’elles attiraient. Les cours au Collège de France auraient ainsi eu pour vocation la divulgation d’un savoir fondé sur les nouvelles méthodes, tandis que les cours à l’EPHE auraient initié les élèves au maniement même de ces méthodes, au savoir-faire. Sans être complètement fausse, cette vision a besoin d’être nuancée, c’est ce que j’ai constaté en relisant la liste des cours dispensés par Gaston Paris au Collège de France entre 1867 (premier remplacement de son père) et 190217.
16Ces cours étaient le plus souvent bipartites, comme le suggère la formule type qu’on trouve dans la liste évoquée :
Premier semestre 1877-1878 : l’Histoire de la littérature française au xive siècle. – Exposition de la grammaire de la langue d’oïl.
Second semestre 1878 : l’Histoire de la littérature française au xive siècle. – Exposition de la grammaire de la langue d’oïl18.
17Étant donné que la charge habituelle d’un professeur au Collège de France à l’époque était de deux heures hebdomadaires, on est amené à conclure que les deux sujets indiqués occupaient chacun une heure de cours, qui avaient lieu le même jour ou sur deux jours. Alors que la première heure semble, en principe, avoir été consacrée à la littérature médiévale, la deuxième portait sur un sujet philologique, voire purement linguistique. Sur les 60 semestres répertoriés dans la liste des cours de Gaston Paris, 25, pourtant, n’étaient consacrés qu’à un seul sujet, qui en 5 cas seulement était de nature littéraire. Ceci nous conduit à un premier constat plutôt étonnant, à savoir que la grande majorité des cours donnés par Gaston Paris au Collège de France ne portaient pas sur la littérature médiévale proprement dite, mais sur des sujets philologiques et linguistiques en rapport avec les textes médiévaux – tout comme à l’EPHE donc.
18Ces sujets eux-mêmes n’étaient pas très variés, pas plus qu’à l’EPHE. On en compte 8, au total : « Exposition de la grammaire de l’ancien français » (20 fois, avec quelques variantes dans le titre), « Explication de la Vie de saint Alexis » (16 fois), « Explication des textes choisis » (10 fois), « Explication de la Chanson de Roland » (4 fois), « Poème du Couronnement de Louis » (2 fois), « Lecture du Chevalier du lion de Chrétien de Troyes » (1 fois), « Les poésies de Villon » (1 fois), « Chanson de geste d’Aliscans » (1 fois).
19Quant à la partie littéraire proprement dite, celle-ci est, en revanche, beaucoup plus riche : chronologiquement, elle va des « plus anciens textes » à l’« Histoire du roman français au xve siècle » et, thématiquement, elle couvre tous les genres majeurs : chansons de geste, romans de la Table Ronde, romans d’aventure, poésie lyrique, Roman de Renard, textes relatifs aux Croisades, théâtre, contes orientaux. Ces cours semblent bel et bien avoir été destinés à répandre parmi un public plus vaste la connaissance de la littérature médiévale dans toute sa richesse et toute sa diversité.
20Il se peut donc, c’est du moins l’hypothèse que je dégagerais de ce qui précède, que les deux heures de cours ne se soient pas tout à fait adressées au même public, qui a probablement varié dans sa composition et dans sa taille dans les enceintes du Collège même. Tout semble ainsi nous indiquer que les deux types d’enseignement n’ont finalement pas été aussi différents qu’on pourrait le croire à première vue, ce qui rapproche les deux institutions dans leurs efforts de renouveler la science française19.
Réflexions et rêves institutionnels
21Lors de l’exposition universelle de Vienne en 1873, l’une des nombreuses exhibitions était vouée à l’organisation, aux méthodes et aux résultats de l’enseignement supérieur dans les différents pays invités. Rendant compte d’un rapport, par ailleurs assez sévère, de cette manifestation par le philologue classique Wilhelm von Hartel, Gaston Paris écrit :
M. Hartel […] adresse notamment à l’École des Hautes Études beaucoup d’éloges et quelques critiques : ni les uns ni les autres ne portent très-juste, parce que M. H[artel] juge surtout cette institution d’après les décrets de la fondation, qui n’ont jamais été exécutés. L’École des Hautes Études, le meilleur fruit et le plus durable, si fata sinunt, de l’activité de M. Duruy, s’est peu à peu, au moins dans la section des sciences historiques et philologiques, développée et façonnée elle-même. Sortie d’une pensée éminemment élevée et bien intentionnée, elle s’est efforcée de la réaliser d’après les données de l’expérience de chaque jour. Après six ans d’existence, elle commence à avoir trouvé sa forme et à être en état de rendre de grands services. Il faut maintenant qu’on les lui demande20.
22On apprend par la même occasion que le jury de Vienne avait décerné un diplôme d’honneur à l’École des hautes études21, distinction tout à fait remarquable même si l’on sait que lors de l’exposition universelle de 1873, non moins de 10’066 Anerkennungspreise sur un ensemble de 25’572 distinctions furent discernés dans les domaines les plus variés22.
23Vingt ans plus tard, à l’occasion de la parution du livre de Ferdinand Lot, L’enseignement supérieur en France, ce qu’il est, ce qu’il devrait être, paru en 1892, Gaston Paris revient longuement sur les problèmes de l’enseignement supérieur dans l’hexagone. Dans Le haut enseignement historique et philologique en France, publié sous forme de brochure en 189423, il fait part des « réflexions attristantes que [lui] suggère le livre de M. Lot24 » ; ce texte présente une vision personnelle de l’histoire et des résultats de la politique française dans le domaine de l’enseignement supérieur, notamment en ce qui concerne les disciplines historiques et philologiques.
24Au cours de son argumentation, Gaston Paris évoque quatre entreprises lancées à des moments différents de l’histoire récente pour modifier le système français de l’enseignement supérieur. La première est une « vive campagne » qu’il aurait menée lui-même à son retour d’Allemagne, face à la faiblesse de l’enseignement dispensé dans les Facultés de lettres, avec d’autres chercheurs qui auraient fait la même « douloureuse expérience25 ». Dans cette « campagne », la Revue critique aurait été « le principal corps d’armée », « bien petit ! quatre hommes, sans caporal26 ! », mais néanmoins efficace, car conduisant finalement à la création de l’EPHE, ou du moins à celle de la IVe section. Les « quatre hommes » sont Gaston Paris, Paul Meyer, Charles Morel et Hermann Zotenberg, fondateurs de la Revue critique d’histoire et de littérature en 1865. Si Patrick Henriet taxe cet organe, exclusivement consacré à des comptes rendus et essentiellement focalisé sur la propagation des nouvelles méthodes, d’« une sorte d’appendice officieux de la IVe section27 », Gaston Paris semble en faire le cœur, le principal moteur de la fondation de celle-ci. Dans le contexte de cette première « campagne », le philologue nomme également Ernest Renan, mais seulement en tant qu’« illustre auxiliaire28 ». Il souligne, en revanche, le rôle décisif de Michel Bréal, ainsi que – et surtout – celui de Léon Renier :
Celui qu’il faut surtout mentionner, et dont on ne louera jamais assez, en cette occasion, le discernement et l’initiative, c’est le vénéré Léon Renier. Ce savant éminent, qui était autodidacte, comprit mieux que personne l’utilité de l’enseignement des méthodes ; cet ancien professeur de collège, qui ne savait pas l’allemand, fut le plus décidé à faire d’une connaissance sérieuse de l’allemand la condition indispensable de l’admission à l’École. L’École profita de l’amitié qu’avait pour lui l’empereur Napoléon III, qu’il avait beaucoup aidé pour sa Vie de César. Sa bonhomie paternelle et familière, sa joie de se voir entouré d’une jeunesse studieuse et passionnée, sa douce malice à l’endroit de l’ignorance et de la routine, ont donné aux premières années de l’École, dont il fut quinze ans le président, un caractère inoubliable pour ceux qui l’ont connu29.
25La deuxième entreprise lancée dans le but de réorganiser l’enseignement supérieur que mentionne Gaston Paris est une « grande commission extra-parlementaire » formée en 1870 par Napoléon III et présidée par François Guizot. Avortées par la guerre, les délibérations de cette commission n’auraient produit aucun résultat concret30.
26La troisième démarche évoquée se serait située dans le « grand mouvement de réforme pédagogique qui suivit le mémorable livre de Bréal », Quelques pages sur l’instruction publique en France (1872). Plus précisément, il s’agit de la mise en place, en 1877, par William Henry Waddington, d’une « commission tout officieuse, – et fort peu nombreuse », chargée de « préparer un projet de loi dont le premier article aurait été la constitution d’universités31 ». Les rencontres de cette commission auraient eu lieu chez Ernest Renan. « Nous eûmes alors, écrit Gaston Paris, comme tant d’autres en d’autres sphères, un beau moment d’espérance », et il continue32 :
Je vois toujours ces réunions, qui avaient lieu rue Vaneau, dans le petit appartement que M. Renan occupait au quatrième étage, avec l’assistance de l’homme si distingué et si zélé pour le bien public qui dirigeait alors l’enseignement supérieur au ministère, M. Armand du Mesnil, et comprenaient, si j’ai bonne mémoire, M. Taine, M. Joseph Bertrand, M. Berthelot, M. Boissier, M. Bréal, M. Boutmy, M. Monod, M. F. Hérold, M. Henri Liouville.
27La lueur d’espoir fut de courte durée : après la fin du gouvernement Jules Simon, le 16 mai 1877, ce projet, « autographié à vingt exemplaires », aurait fini, comme tant d’autres, dans les « cartons bureaucratiques » (Gaston Paris en reproduit le texte dans l’annexe de sa brochure).
28La quatrième tentative de réforme, finalement, aurait été celle entreprise sous l’égide de Louis Liard, directeur de l’enseignement supérieur au ministère de l’Instruction publique de 1884 à 1902, et d’Ernest Lavisse, ancien secrétaire de Duruy au ministère de l’Instruction publique et, depuis 1883, professeur d’histoire en Sorbonne. Le dernier élément mentionné par Gaston Paris dans ce contexte est le rapport fait au nom de la « Commission chargée d’examiner le projet de loi ayant pour objet la constitution des Universités » par le sénateur Agénor Bardoux, le 19 janvier 1892, projet de loi qui, âprement critiqué – et, selon le philologue, toutes les critiques ne manquaient pas de fondement, tout au contraire –, fut renvoyé à la Commission. La « loi relative à la constitution des universités » sera finalement adoptée, on le sait, le 10 juillet 1896.
29Gaston Paris est resté fidèle tout au long de sa carrière à ses idées sur l’organisation de l’enseignement supérieur en France. En voici les plus importantes concernant les deux institutions qui nous intéressent ici – le Collège de France et l’EPHE – telles qu’elles ressortissent de la brochure de 1894.
30Primo. La fondation de l’EPHE a été, dans la deuxième moitié des années 1860, la meilleure solution possible, elle ne correspond pourtant pas à ce qu’il aurait souhaité lui-même, à savoir : « […] la création d’universités où seraient rassemblées toutes les variétés de l’enseignement supérieur, et où la science pure, la préparation aux carrières libérales, la haute culture de l’esprit, seraient intimement unies, les deux dernières d’ailleurs dominées et dirigées par la première33. »
31Ce n’est pas par la création d’une école spéciale qu’on aurait dû remédier à la situation insatisfaisante de l’enseignement supérieur, mais en fondant des universités sur le modèle germanique. Telle qu’elle est, déplore Gaston Paris, la situation concurrentielle entre les écoles spéciales et les facultés persiste et nuit aux unes comme aux autres.
32Secundo. Dans les faits, ni l’EPHE ni le Collège de France ne sont, au fond, des écoles spéciales. Ne préparant à aucune carrière et n’ayant aucun programme fixe, ces deux institutions sont les seules en France à poursuivre l’idéal de la recherche désintéressée de la vérité scientifique :
Le Collège de France et l’École des hautes Études ne sont pas des écoles spéciales, puisqu’ils n’ont ni spécialité ni pratique. Ils présentent l’un et l’autre l’immense avantage qu’ils se recrutent avec une liberté à peu près complète, et qu’ils n’exigent des maîtres qu’ils appellent à eux aucune condition de grade ou de diplôme, formant ainsi un heureux contrepoids à la tyrannie des examens et des concours universitaires. Ils sont seuls à représenter, dans l’ordre des études historiques et philologiques, la science pure34.
33Tertio. Malgré cette haute vocation, la situation du Collège de France et de l’EPHE est insatisfaisante ; il y a notamment un décalage flagrant entre l’offre, de qualité, des professeurs, et la demande, très modeste, de la part des étudiants français : « Ils [le Collège de France et l’EPHE] offrent des cours excellents, dont certains peuvent souffrir la comparaison avec les meilleurs qui se fassent en Europe ; mais ils ont peu d’élèves, et ces élèves sont, au moins à certains cours, des étrangers plus souvent que des Français35. »
34C’est sur la base de ces réflexions que Gaston Paris formule une proposition tout à fait audacieuse concernant l’EPHE, et qui ferait d’une pierre deux coups, permettant à la fois d’augmenter le nombre d’élèves dans cette école et de répandre l’esprit scientifique dans l’enseignement supérieur. Il s’agirait de n’appeler aux Facultés des lettres « que des élèves diplômés de l’École des Hautes Études » et de faire ainsi de l’EPHE le lieu de passage obligatoire pour tout futur professeur de lettres :
Le diplôme de cette École, qui n’est décerné qu’avec les plus grandes garanties et à la suite d’un travail scientifique imprimé, n’atteste pas seulement que celui qui le reçoit est bien au courant de la science, et même qu’il l’a déjà fait progresser ; il prouve que, pendant des années, il a pris part aux exercices pratiques qui forment l’enseignement de l’École, et qu’en y apprenant les méthodes de critique et de recherche il a appris comment on les enseigne aux autres. Qu’on ne dise pas qu’il s’agit ici d’un nouveau monopole à introduire : l’École des Hautes Études est largement ouverte ; tous ses élèves le sont en même temps de la Faculté des lettres, du Collège de France, de l’École des langues nationales, de l’École normale, de l’École des chartes, de l’École du Louvre ; elle ne forme en réalité qu’une série de « séminaires » qui se rattachent aux divers enseignements donnés ailleurs36.
35C’est probablement cette idée, précisément, qu’il avait déjà en tête en 1874, quand il écrivait qu’« [a]près six ans d’existence, [l’EPHE] commence à avoir trouvé sa forme et à être en état de rendre de grands services. Il faut maintenant qu’on les lui demande37 ».
36Dans sa réponse au texte de Gaston Paris, également reproduite dans la brochure de 1894, Ernest Lavisse réagit à cette proposition. Tout en partageant certaines critiques formulées par son « confrère et ami38 », il prend la défense des Facultés des lettres et s’oppose de manière résolue au rôle que Gaston Paris destine à l’EPHE dans la formation et le recrutement des enseignants du supérieur39 :
M. G. Paris souhaite à l’École des Hautes-Études un énorme et singulier privilège : nul n’entrerait dans l’enseignement supérieur sans avoir été diplômé par cette École. Et je ne pourrais me retenir de rappeler ici le cas de l’orfèvre qui voulait guérir une fille muette en lui vendant des bijoux, si M. Paris n’avait spirituellement avoué sa prédilection pour les deux maisons où il occupe une si grande place, pour le Collège de France et l’École des Hautes-Études, sa « grande église, comme il dit, et sa petite chapelle ». L’École des Hautes-Études a rendu les plus grands services à la science française et au haut enseignement, mais elle a été instituée pour donner un exemple et pour répandre la contagion de cet exemple, non pour recevoir le monopole de l’éducation scientifique.
37Répondant à son tour à la critique de Lavisse, Gaston Paris souligne le fait que les élèves de l’EPHE sont tous également étudiants d’autres institutions supérieures et qu’on ne saurait donc parler de « monopole de l’éducation scientifique ». Ce faisant, il esquive le vrai problème soulevé par Lavisse, car il est clair que l’EPHE a bel et bien un monopole dans le scénario du philologue, celui de délivrer le « certificat didactique », exigé pour toute candidature à un poste dans l’enseignement supérieur :
Cela ne pourrait être choquant que si elle était un établissement fermé, recrutant ses élèves au sortir du lycée et leur donnant un enseignement exclusif et complet. Mais, comme je l’ai fait remarquer, il n’en est nullement ainsi : nos élèves le sont tous en même temps des Facultés ou des Écoles spéciales ; dès lors, en reconnaissant au diplôme de l’École une valeur particulière comme preuve d’aptitude au haut enseignement historique et philologique, on ne créerait aucun privilège on ne ferait tort à aucun droit40.
38Gaston Paris pousse son argumentation plus loin encore, faisant de la résistance à son projet le signe du manque persistant d’esprit scientifique en France :
Il suffit, dit-on, d’une petite quantité d’un ferment bien choisi pour transformer toute une cuvée de vin : on désire cette transformation, on a le ferment sous la main ; pourquoi s’obstinerait-on à ne pas s’en servir, surtout quand le ferment provient des mêmes grappes et n’a été obtenu que par une sélection dans la cuvée ? Au fond, la résistance que rencontre la proposition dont il s’agit à sa cause dans la persistance, inconsciente peut-être, du vieil esprit de l’Université ; elle ne se produirait pas s’il avait fait définitivement place à l’esprit nouveau qui peut seul nous donner des universités41.
39On peut rêver un instant à ce que serait devenue l’EPHE si la proposition de Gaston Paris avait trouvé un écho favorable dans le monde politique de l’époque !
40C’est dans le texte que nous sommes en train d’analyser qu’on trouve également la citation qui a fourni le titre au présent ouvrage. Au moment de développer ses propres idées sur l’enseignement supérieur en France, Gaston Paris a soin de souligner qu’il ne parle pas au nom des deux institutions dans lesquelles il enseigne et exerce des fonctions administratives importantes ni, encore, au nom de ses collègues :
J’ai l’honneur d’être le président de la section d’histoire et de philologie à l’École pratique des Hautes Études, le vice-président du conseil des professeurs du Collège de France : je crains, en écrivant en toute liberté ce que je pense, d’une part de sembler trop prêcher pour ma grande église et ma petite chapelle, d’autre part de paraître parler au nom de mes collègues, qui ne pensent sans doute pas tous de même42.
41Cette citation mobilise le vocabulaire religieux qui caractérise le discours scientifique de l’époque dans son ensemble et fait de la science la « nouvelle religion de l’humanité43 », religion tout immanente, faut-il le souligner (mis à part pour les adeptes, plutôt rares cependant, des idées philosophiques dans la stricte lignée d’Auguste Comte)44. Dans ce scénario religieux – teinté, cependant, d’une touche auto-ironique à travers la référence à l’expression « prêcher pour sa chapelle » – qui réalise un transfert des valeurs de la vérité et de la véridiction de la sphère du croire à celle du savoir, la « grande église » est donc à la « petite chapelle » ce que le Collège de France est à l’EPHE45, ce qui correspond aux vocations respectives des deux institutions, l’une dirigée vers un public plus large, l’autre vers un public d’initiés plus petit, avec les modifications que nous avons apportées à cette vision finalement trop schématique. Ces métaphores religieuses prennent tout leur sens dans le contexte de l’argumentation du texte quand on les met en rapport avec la déclaration suivante : « [L’EPHE] a exercé une influence considérable sur la Sorbonne elle-même, dans le palais de laquelle on l’avait (dirai-je malicieusement ?) installée46. » Le terme palais fait de la Sorbonne et, en l’occurrence, de la Faculté des lettres, un lieu luxueux qui exhibe son prestige, mais également, et avant tout, un lieu païen, intellectuellement vain, dans lequel l’EPHE, telle une mission, a été installée pour y apporter le nouvel évangile de l’esprit scientifique. Bien malicieux, en effet.
Fig. 3 — Gaston Paris en 1895 (détail d’une photo de la IVe section).

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Paradoxes nationaux
42L’ancrage de l’EPHE dans un climat d’émulation nationale entre la France et l’Allemagne – jugé fertile par les uns, nuisible par les autres – ne saurait être remis en question, pas plus que le fait que cette institution a pris modèle sur l’université allemande et plus spécifiquement sur l’institution des « séminaires ». Le rapport « à l’appui de deux projets de décret relatifs aux laboratoires d’enseignement et de recherches et à la création d’une école pratique de hautes études » que V. Duruy adressa à l’empereur en 1867 est on ne peut plus clair là-dessus :
Dans l’ordre de l’érudition et des sciences, la France, depuis nos grands critiques du xvie siècle et les illustres savants du xviie, a donné l’impulsion à l’Europe savante plus souvent qu’elle ne l’a reçue. Elle la donne encore aujourd’hui dans certaines directions. Toutefois, les efforts accomplis à l’étranger pour renouveler les études d’histoire et de philologie, ceux qu’on fait partout, à cette heure, en Amérique comme en Allemagne, en Russie comme en Angleterre, pour constituer, à grands frais, ces arsenaux de la science qu’on appelle des laboratoires, les écoles enfin qui se forment autour des maîtres renommés et qui assurent la perpétuité du progrès scientifique, sont une sérieuse menace contre une de nos ambitions les plus légitimes. […] nos maîtres, trop souvent dépourvus des instruments et des appareils qui sont devenus de si puissants moyens de découvertes ou d’enseignement, se trouvent comme désarmés en face de leurs rivaux […]. Or il est de l’intérêt aussi bien que de la gloire de la France de susciter le progrès dans toutes les branches des hautes études, comme elle le fait pour les plus humbles. […] Du jour où nos professeurs auront, comme ceux des universités allemandes, de véritables disciples, tout en gardant les précieuses qualités de notre esprit national et sans renoncer à cet art de bien dire, inséparable de l’art de bien penser, ils consacreront plus de temps au labeur de l’érudition littéraire ou historique*, trop peu en honneur aujourd’hui parmi nous. [*en marge : si fort en honneur de l’autre côté du Rhin]47.
43À partir de 1873, l’une des conditions d’admission comme élève titulaire à la IVe section de l’EPHE était la maîtrise de la langue allemande, condition voulue, semble-t-il, par Léon Renier (qui lui-même ne maîtrisait pas cet idiome, comme le rappellera Gaston Paris en 1894 dans la citation reproduite plus haut). Dès 1868, le « Règlement intérieur de la section d’histoire et de philologie annexé au décret de fondation » prévoyait la connaissance de l’allemand comme condition d’accès pour l’inscription à la « philologie comparée », c’est-à-dire, probablement, toutes les philologies modernes (ou s’agissait-il de la seule « grammaire comparée » ?) : « Art. 13 / Nul ne sera admis dans la catégorie des élèves qui se destinent aux études de la philologie comparée, s’il ne justifie de la connaissance de la langue allemande dans son examen d’entrée à l’École48. » Le modèle allemand pour la création de l’EPHE ne fait donc pas de doute et il s’agissait bel et bien de rattraper par ce moyen le retard pris par la France dans le domaine des disciplines philologiques49.
44Or, dès le départ, il y avait plus d’Allemands que de Français dans les cours de philologie romane à l’EPHE. Cela avait déjà été le cas dans les cours libres de la rue Gerson. Le 15 avril 1868, Gaston Paris écrit à ce sujet à Amédée Durand : « Mon cours va assez bien. Nos compatriotes sont en général du même avis que toi sur le divertissement que procure mon éloquence, car sauf un, mes auditeurs sont tous Allemands. Mais en revanche ils sont assidus, laborieux et intelligents, faut-il le dire ? comme des Allemands50. »
45S’est-on suffisamment interrogé sur le rapport exact du transfert philologique entre la France et l’Allemagne à ce moment précis de l’histoire ? Comment se fait-il que, dès 1866, des Allemands vinssent à Paris pour écouter Gaston Paris – dont la réputation internationale était, malgré tous ses mérites, encore bien limitée –, au moment même où on ne cessait de vanter la supériorité des universités allemandes dans le domaine qu’il enseignait ?
46Il est vrai que quelques années plus tard, et en tout cas dans ce que j’ai appelé ailleurs les « années de gloire » de la section des « Langues romanes », c’est-à-dire entre 1878 et 1886, Paris était devenu un lieu aussi incontournable que l’avaient été Bonn ou Berlin dans les années 1850 et 186051. Après ces années fastes, qui ont vu affluer des élèves de tous les coins du monde et accroître jusqu’à 85 leur effectif total, il y a eu une chute brutale à partir de 1882-1883, probablement liée à une modification des statuts de l’EPHE, qui, à partir de ce moment, prévoyaient une inscription régulière pour une durée d’au moins trois ans. Ce changement avait d’ailleurs été compris outre-Rhin comme une manifestation anti-allemande, ainsi que le montre cet extrait d’une missive d’Adolf Tobler, romaniste suisse enseignant à Berlin, à Gaston Paris, datée du 3 mars 188352 :
Ein Punkt sodann, über den ich schon lange mir Auskunft zu erbitten die Absicht habe, ist die Veränderung die eingetreten sein soll bezüglich der Bedingungen der Aufnahme unserer jungen Leute in die Éc[ole] des H[autes] Ét[udes]. — Der hier herumgetragenen Neuigkeit daß Sie durch Ausschliessung der Deutschen entweder Ihrem eigenen Hasse gegen uns oder doch dem Ihrer Landsleute eine Befriedigung hätten gewähren wollen, bin ich natürlich überall wo sie mir begegnete, mit aller Entschiedenheit entgegen getreten und habe behauptet, daß nichts anderes als das Interesse der École Sie habe bestimmen können, Aenderungen in der Ordnung derselben einzuführen. Ich kann mir sehr gut denken, daß der dummen Jungen aus Deutschland, die eintraten um französisch sprechen zu lernen, zu viel geworden sind, daß bei zu großer Zahl es nicht mehr möglich gewesen ist die Uebungen in der zweckmäßigen Weise fortzuführen u.s.w.; aber gern möchte ich doch von Ihnen selbst erfahren, ob in der That ein junger Romanist in Paris jetzt zur Förderung seiner Studien auf die paar Vorlesungen an der Sorb[onne] u[nd] dem Coll[ège] de Fr[ance] angewiesen ist, wenn er nicht auf 3 Jahre der Éc[ole] d[es] h[autes] ét[udes] angehören zu wollen sich verpflichtet. Es versteht sich, daß ich dies zwar für unsere jungen Leute beklagen, aber in keiner Weise tadeln würde, denn es ist nur in Ordnung, wenn Sie die Éc[ole] d[es] h[autes] ét[udes] den französischen Bedürfnissen gemäß einrichten, ob dies den Wünschen deutscher Studenten entspricht oder nicht. Wenn die Sache aber wirklich so steht wie man mir wiederholt mitgeteilt hat, dann muß ich sehn, daß auf irgend e[ine] andere Weise für das Bedürfnis der jungen Deutschen gesorgt wird.
47La réponse de Gaston Paris ne nous est pas parvenue, mais rien n’indique que les rumeurs rapportées par Tobler aient eu un fondement réel. Ce que cette lettre montre à l’évidence, en revanche, est la persistance du climat de méfiance nationale qui s’était installé en 1870-1871.
48Après la chute du nombre d’étudiants en 1882-1883, l’effectif est compris, de 1883-1884 à 1888-1889, entre une vingtaine et une trentaine, à une exception près : en 1884-1885, il n’y a que 11 élèves. À partir de 1893, après l’interruption de l’Annuaire de l’EPHE entre 1889 et 1892 et le passage à une nouvelle formule de présentation et de recensement, il est très difficile, d’arriver à un chiffrage tant soit peu exact. Selon nos estimations, le nombre d’élèves semble s’être stabilisé autour d’une vingtaine, un peu plus vers la fin, ce qui rapproche, sous cet angle, les dernières années de l’enseignement de Gaston Paris des premières. Quant au nombre d’Allemands, rien de précis ne peut être dit non plus, étant donné que la nouvelle formule ne précise plus la nationalité des élèves. Toujours est-il qu’en 1894, dans Le haut enseignement historique et philologique en France, le philologue déplore, tout comme en 1866, l’absence d’étudiants français53 :
Qu’il me soit permis de rappeler ici un très pénible souvenir personnel. Il y a quelques années, à l’ouverture d’une de mes conférences à l’École des hautes Études, je me trouvai en présence d’une vingtaine d’étudiants. J’interrogeai chacun d’eux, suivant l’usage, sur sa provenance et sa préparation ; je trouvai des Suisses, des Allemands, des Suédois, des Roumains, des Américains, et pas un Français. J’en fus tellement attristé que je quittai la salle, me demandant si je devais continuer, et si l’École avait été créée uniquement pour compléter l’instruction des jeunes savants étrangers. Je me remis pourtant, et je fis la conférence – qui portait, notez-le bien, sur un sujet de philologie française, – mais avec un serrement de cœur qui ne me quitta pas. Depuis lors, je suis content lorsqu’à mes conférences je vois deux ou trois de mes compatriotes mêlés aux étudiants exotiques. Plusieurs de mes collègues à l’École des hautes Études pourraient citer des faits analogues.
49On aurait donc créé une institution pour les Français, sur le modèle allemand, et ce sont les Allemands – ainsi que des étudiants d’autres nations, bien sûr – qui seraient venus !
50Ce qui est sûr, c’est que la capitale française était effectivement devenue, grâce à Gaston Paris et à ses collègues, un centre d’attraction pour les étudiants allemands en philologie romane – surtout dans les années 1879-1880 à 1881-1882 – et que le transfert culturel cessa définitivement d’être à sens unique. Ne citons que quelques-uns des très grands noms parmi les étudiants étrangers de Gaston Paris : Philipp August Becker, Heinrich Morf, Anton Gerard Van Hamel, Maurice Wilmotte, Jules Gilliéron, Arthur Piaget, Wilhelm Meyer-Lübke, Ernest Muret…
Fig. 4 — La IVe section de l’EPHE à Ville d’Avray en juin 1896. Gaston Paris est le deuxième professeur assis en partant de la droite, rangée du devant.

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Cohérence – forme de vie
51Les valeurs morales que Gaston Paris puise dans son credo scientifique sont, à mon avis, la clef de voûte de son activité professionnelle, et également de son comportement civique. Pendant l’affaire Dreyfus, le savant, à l’instar d’autres philologues, prend position pour la révision du procès, en raison, précisément, de ses convictions scientifiques. À titre d’exemple, relisons un extrait de la lettre ouverte qu’il adresse à l’historien Albert Sorel, professeur d’histoire diplomatique à l’École des sciences politiques, dans Le Figaro du 3 janvier 1899. Dans ce texte, le philologue réagit à la fondation de la Ligue de la patrie française, le 31 décembre 1898, par Maurice Barrès, Ferdinand Brunetière, François Coppée et Jules Lemaitre. La Ligue de la patrie française était, on le sait, un véritable « melting pot » des nationalistes antidreyfusards et se voulait une réponse à la Ligue des droits de l’homme, fondée en 1898. Albert Sorel avait porté sa signature au manifeste de la nouvelle Ligue, ce qui poussa Gaston Paris, révolté, à écrire, entre autres, les lignes que voici54 :
Mon cher ami,
J’éprouve le besoin de vous exprimer en toute sincérité mes sentiments au sujet du manifeste de la Ligue de la Patrie française, au bas duquel votre nom figure avec celui de plusieurs membres de l’Académie française et de l’Institut. Quelques-uns d’entre eux sont, comme vous, de mes plus anciens et plus chers amis ; d’autres sont des confrères avec lesquels j’ai toujours eu les relations les plus courtoises. Je tiens à dire pourquoi, dans le cas actuel, je ne puis me ranger avec eux.
[…]
L’amour de la justice est le signe à la fois le plus noble et le plus essentiel de la civilisation. Nous avons toujours, mon cher ami, été d’accord sur ce point.
Nous étions aussi d’accord sur l’autre, qu’on s’étonne de ne pas voir touché dans une déclaration où figurent tant de membres de l’Institut. Je veux parler de la valeur de l’esprit critique, ou scientifique, et de l’application qu’on en peut faire à toutes choses. Vous pensiez avec moi que le plus grand bienfait de l’esprit scientifique est de développer l’amour de la vérité et l’aptitude à la discerner, et je me rappelle avec joie la pleine approbation que vous donniez, il y a deux ans, au passage de mon discours de réception à l’Académie55 où je développais cette idée en l’appliquant à la France. […]
Ces idées, qui étaient, qui, certainement, sont encore les vôtres, sont aussi celles qui ont dirigé, dans les circonstances présentes, la conduite de ceux qu’on a appelés les « intellectuels ». Je regrette de ne pas en trouver trace dans le manifeste. Il est vrai qu’une des premières signatures est celle d’un de nos plus éminents confrères56, qui a déclaré, on le sait, la guerre à l’esprit scientifique.
52Le même raisonnement se retrouve sous la plume d’autres philologues de la IVe section de l’EPHE qui se sont engagés pour la révision du procès : Michel Bréal, Arthur Giry, Louis Havet, Gabriel Monod, Jean Psichari. On ne peut que souscrire aux affirmations de Patrick Henriet57 :
Le rôle des grandes institutions telles que l’École des chartes (Paul Meyer, Auguste Molinier) ou l’École normale supérieure (Lucien Herr, Lucien Lévy-Bruhl, Charles Seignobos, etc.) comme pourvoyeuses de grands intellectuels dreyfusards est désormais bien connu. Celui de l’École pratique des Hautes Études est moins souvent cité, mais il n’apparaît pas moins important.
53Comme je l’écrivais en 1999, sur la base de la correspondance de Gaston Paris pendant l’Affaire, il me semble hors de doute qu’un des éléments déterminants dans la prise de position de ces savants en faveur de la révision du procès a été leur participation commune au programme réformateur des sciences historiques et philologiques qui, on l’a dit, avait trouvé sa forme institutionnelle avant tout dans l’EPHE58. Un programme qui, pour eux, n’était pas uniquement professionnel et scientifiquement autoréférentiel, mais dont ils faisaient, bien au-delà, une véritable forme de vie, marquée, certes, par des doutes et des failles, mais dotée, à tout bien considéré, d’une très belle cohérence pour plus d’un parmi eux. C’est ce que Charles Morel, dès 1869, au moment où il quittait la Revue critique pour se consacrer au journalisme appela une « communion d’esprit59 » : « Donc je me fais journaliste : je vais apporter dans la politique les principes de la Revue critique, juger les choses et non les hommes, comme cela je continuerai la tradition et serai avec vous en communion d’esprit. »
54Dans une lettre du 23 janvier 1898 à Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, chartiste et ancien élève de G. Monod, Gaston Paris associe le Collège de France et l’EPHE dans leur commun effort d’appliquer et de répandre l’esprit critique, l’esprit scientifique60 :
[…] Vous ne savez peut-être pas, mon cher ami, à quel point toute la France intellectuelle est aujourd’hui du côté de ceux qui réclament la révision ; mais vous ne pouvez ignorer quel est sur ce point l’avis unanime de l’Europe. Les faits sont d’ailleurs si évidents qu’il faut pour ne pas les voir être aveugle ou se fermer les yeux. Je suis très malheureux, croyez-le, et beaucoup d’autres le sont avec moi. Si je vous l’écris, ce n’est pas pour vous demander une réponse que vous ne pouvez sans doute pas me donner, c’est pour vous faire connaître ce qu’on pense dans le milieu auquel vous appartenez et que nous étions heureux de voir représenté par vous au pouvoir, le milieu des hommes désintéressés et sincères qui recherchent la vérité et ont l’habitude de la critique, le milieu de l’École des Hautes Études et du Collège de France.
55Dès janvier 1898, le philologue était convaincu de l’erreur judiciaire et de la nécessité de procéder à la révision du procès. En tant qu’administrateur du Collège de France, dépendant ainsi du ministère de l’Éducation et représentant ex officio les autres professeurs, qui l’avaient élu, il ne se croyait pas en droit, une fois n’est pas coutume, de se prononcer publiquement pour une cause politique. Gaston Paris fut un « dreyfusard modéré », certes, mais il a joué un rôle important dans les coulisses61.
Y demeurer
56Après la mort de Gaston Paris, Alfred Morel-Fatio, Antoine Thomas et Anton Gerard Van Hamel fondèrent la « Société amicale Gaston Paris ». Le premier but de la société était de garder intacte et, si possible, d’enrichir la bibliothèque du maître et de la rendre accessible aux chercheurs. Elle fut alors transportée à l’EPHE, dans la salle qui porte depuis le nom du philologue. Le tout fut financé par la marquise Marie Arconati-Visconti, qui avait acheté l’ensemble des livres ayant appartenu à Gaston Paris pour les léguer à l’État. En mémoire du père de la marquise, le journaliste et politicien Alphonse Peyrat, chaque livre de la bibliothèque porte depuis l’ex-dono suivant : « Ce livre a appartenu à Gaston Paris […]. Don de la marquise Arconati Visconti, en souvenir de son père Alphonse Peyrat62. » La « Société amicale Gaston Paris » eut la vie courte. On n’en trouve plus aucune trace à partir de 1914, l’année qui mit fin à l’équilibre européen qui présida également à sa fondation. Mais la « salle Gaston Paris », avec le buste du savant, existe toujours à l’EPHE.
Fig. 5 — Ex-dono d’un livre de Gaston Paris (Albert Réville, Prolégomènes de l’histoire des religions, Paris, 1881).

Notes de bas de page
1 Les références exactes de tous ces titres se retrouvent facilement dans la Bibliographie des travaux de Gaston Paris établie en 1904 par Joseph Bédier et Mario Roques (Paris, Société amicale Gaston Paris), bibliographie réimprimée dans U. Bähler, Gaston Paris et la philologie romane, Paris, Droz, 2004.
2 Pour les détails de la biographie de Gaston Paris et des légendes qui s’y sont nouées dès son vivant, voir U. Bähler, ibid.
3 Voir M. Zink, « Introduction », dans Moyen Âge et Renaissance au Collège de France. Leçons inaugurales, textes rassemblés par P. Toubert et M. Zink, avec la collaboration de O. Bombarde, Paris, Fayard, 2009, p. 8-9, qui reproduit la « lettre de candidature » adressée par Paulin Paris à Napoléon III le 20 mars 1852, et, pour l’analyse de ce document, U. Bähler, « Paulin Paris. Langue et littérature françaises du Moyen Âge (1853-1872) », ibid., p. 55-57.
4 Dès le premier volume de l’Annuaire de l’EPHE, qui comprend les années 1868 à 1872 (Annuaire 1868-1872. École pratique des hautes études, section des sciences historiques et philologiques), Gaston Paris figure non pas comme répétiteur mais comme directeur adjoint, et les conférences de « Langues romanes » dont il est responsable sont séparées de celles de « Grammaire comparée » dont le directeur d’études est Michel Bréal. À partir de 1872-1873, Gaston Paris apparaît dans l’Annuaire comme directeur d’études de « Langues romanes ».
5 C’est du moins ce que laisse deviner le Bulletin administratif de l’Instruction publique, qui ne mentionne plus ces cours au-delà de l’année universitaire 1869-1870 (je remercie Patrick Henriet de cette indication).
6 Aux rapports mentionnés par Patrick Henriet (« Les Origines », dans P. Henriet [dir.], L’École pratique des hautes études. Invention, érudition, innovation, de 1868 à nos jours, Paris, Somogy, 2018, p. 28 sq.), il convient d’ajouter, pour le domaine des lettres, celui de Karl Hillebrand, dont on trouvera les éléments essentiels dans De la réforme de l’enseignement supérieur (1868), résultat d’une mission en Allemagne qui lui avait été confiée par Duruy (W. Mauser, « Karl Hillebrand, Revolutionär, Grenzgänger, Europäer », Germanica, t. 7, 1990, p. 3 [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/germanica/2485 ; DOI : 10.4000/germanica.2485].
7 Voir n. 4.
8 Lettre du 13 janvier 1869, citée dans U. Bähler, Gaston Paris et la philologie romane, op. cit., p. 126.
9 Lettre citée dans ibid.
10 Quant à ce deuxième volet du programme philologique, voir « Universalisme universel ou universalisme particulariste ? », dans P. Casanova (dir.), Des littératures combatives. L’internationale des nationalismes littéraires, avec un inédit de F. Jameson, Paris, Raisons d’agir, 2011, p. 147-171.
11 Pour une discussion de la pertinence du concept de paradigme dans le domaine qui nous intéresse, voir U. Bähler, Gaston Paris et la philologie romane, op. cit., p. 325-343.
12 Quant à cette expression, voir U. Bähler, ibid., p. 15.
13 Les passages suivants sur l’enseignement de G. Paris à l’EPHE reprennent une partie de notre article « Gaston Paris et l’École Pratique des Hautes Études », dans C. Trautmann-Waller (dir.), De la philologie allemande à l’anthropologie française. Les sciences humaines à l’EPHE (1868-1945), Paris, Champion, 2017, p. 259-284.
14 Cité dans B. Cerquiglini, « En guise de postface. Un philologue à l’International », dans À la quête du sens. Études littéraires, historiques et linguistiques en hommage à Christiane Marchello-Nizia, textes réunis par C. Guillot, S. Heiden et S. Prévost, Paris, ENS Éditions, 2006, p. 351.
15 Annuaire 1868-1872. École pratique des hautes études, section des sciences historiques et philologiques, p. 65 ; notre mise en évidence.
16 Cité dans B. Cerquiglini, « En guise de postface. Un philologue à l’International », op. cit., p. 351.
17 La liste est publiée dans la Revue internationale de l’enseignement, t. 44, 2019, p. 200-202.
18 Ibid., p. 201.
19 C’est certainement le cas aussi de l’enseignement de Paul Meyer dispensé au Collège de France et à l’École nationale des chartes.
20 G. Paris, « L’enseignement supérieur français à l’exposition de Vienne », Revue critique, t. 8, 1er sem., 1874, p. 380-382.
21 Ibid., p. 382, n. 1.
22 http://wiener-weltausstellung.at/jury.html, 12-10-2019.
23 G. Paris, Le haut enseignement historique et philologique en France, Paris, Welter, 1894 (cette brochure reprend trois articles écrits en 1892, à la publication du livre de Lot, et publiés dans le Journal des Débats en 1893).
24 Ibid., p. 43.
25 Ibid., p. 10.
26 Ibid., p. 13.
27 P. Henriet, « La section des sciences historiques et philologiques. Construction d’une identité », dans P. Henriet (dir.), L’École pratique des hautes études, op. cit., p. 81.
28 G. Paris, Le haut enseignement historique et philologique en France, op. cit., p. 10.
29 Ibid., p. 10-11, n. 1.
30 Ibid., p. 13.
31 Ibid.
32 Ibid.
33 Ibid., p. 11.
34 Ibid., p. 34.
35 Ibid., p. 34-35.
36 Ibid., p. 29.
37 Passage cité plus haut ; notre mise en évidence. Je vois aussi une trace de cette réflexion dans le discours de G. Paris tenu lors d’un banquet de l’EPHE organisé à l’occasion du 25e anniversaire de l’EPHE, le 28 avril 1894 : « S’est-on préoccupé, se préoccupe-t-on suffisamment de fortifier cet édifice [l’EPHE] construit en “porte-à-faux”, d’aider cette institution “irrégulière” à rendre tous les services qu’elle ne demande qu’à rendre ? » (P. Henriet, « Banquets et discours de la IVe section [avec un texte inédit de Gaston Paris] », dans P. Henriet [dir.], L’École pratique des hautes études, op. cit., p. 98).
38 Lettre d’Ernest Lavisse à Gaston Paris, parue dans le Journal des Débats du 26 octobre 1893 et reproduite dans G. Paris, Le haut enseignement historique et philologique en France, op. cit., p. [45]-50, ici p. [45].
39 Ibid., p. 49.
40 Ibid., p. 51-52.
41 Ibid., p. 52.
42 Ibid., p. 17.
43 P. Henriet, « Les origines », dans P. Henriet (dir.), L’École pratique des hautes études, op. cit., p. 42.
44 Voir U. Bähler, Gaston Paris et la philologie romane, op. cit., p. 214-246.
45 Il faut corriger dans ce sens ce que j’avais écrit dans Gaston Paris et la philologie romane, op. cit., p. 245.
46 Ibid., p. 12.
47 Lettre citée dans U. Bähler, Gaston Paris et la philologie romane, op. cit., p. 403.
48 Cité dans Annuaire 1868-1872. École pratique des hautes études, section des sciences historiques et philologiques, p. 17.
49 Voir aussi C. Trautmann-Waller, « L’EPHE et l’Allemagne », dans P. Henriet (dir.), L’École pratique des hautes études, op. cit., p. 114-115.
50 Lettre citée dans U. Bähler, Gaston Paris et la philologie romane, op. cit., p. 125.
51 Voir, pour ce qui suit, U. Bähler, « Gaston Paris et l’École Pratique des Hautes Études », dans C. Trautmann-Waller (dir.), De la philologie allemande à l’anthropologie française. Les sciences humaines à l’EPHE (1868-1945), op. cit.
52 Cité dans U. Bähler, « Adolf Tobler (1835-1910), II. La Philologie en contexte », dans U. Bähler et R. Trachsler (dir.), Portraits de médiévistes suisses (1850-2000), Genève, Droz, 2009, p. 120-121.
53 G. Paris, Le haut enseignement historique et philologique en France, op. cit., p. 35.
54 La lettre est reproduite dans U. Bähler, Gaston Paris dreyfusard. Le savant dans la cité, avec une préface de M. Zink, Paris, CNRS Éditions, 1999/2001, p. 119-122.
55 G. Paris, Séance de l’Académie française du 28 janvier 1897. Discours de réception de Gaston Paris, Paris, Calmann-Lévy, 1897.
56 Il s’agit de Ferdinand Brunetière.
57 P. Henriet, « L’EPHE et l’Affaire Dreyfus », dans P. Henriet (dir.), L’École pratique des hautes études, op. cit., p. 618.
58 Pour ce que j’ai appelé les « vertus des méthodes historico-comparatives », voir U. Bähler, Gaston Paris dreyfusard, op. cit., p. 168-175.
59 Cité ibid., p. 168.
60 Cité ibid., p. 38-39.
61 Pour une analyse détaillée de la position « modérée » de G. Paris, voir ibid., p. 162-165.
62 La bibliothèque de Gaston Paris avait été transférée dans les collections de l’EPHE rue Valette (Bibliothèque Sainte-Barbe) ; elle se trouve désormais au GED (Grand équipement documentaire), sur le Campus Condorcet à Aubervilliers (je remercie Patrick Henriet pour cette information).
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2020