Chapitre V. La fin programmée des haruspices
p. 177-221
Texte intégral
1L’opposition entre chrétiens et haruspices passe après les Sévères de la joute intellectuelle à un affrontement politique, juridique et militaire qui se solde par la défaite du parti païen et par la disparition progressive des haruspices. Sous Dioclétien, ces derniers attaquent en effet les chrétiens sur le terrain politique, en accusant des serviteurs chrétiens présents à la cour d’empêcher le déroulement d’un sacrifice accompli par Dioclétien ; leur intervention a ainsi une part importante dans le déclenchement de la Grande Persécution contre les chrétiens. Cependant, Constantin se ralliant aux idées chrétiennes, les haruspices privés perdent l’appui princier et deviennent victimes de l’animosité des chrétiens à leur encontre puisque Constantin et Constance II mettent en place une législation qui tend à les faire disparaître. L’existence de procès dirigés contre quelques haruspices montre cependant que certains ont continué d’exercer, malgré de nouvelles interdictions visant aussi les haruspices publics, jusqu’à la Bataille de la Rivière froide où les chrétiens remportent une victoire militaire décisive sur les troupes du païen Eugène. Dès lors, les haruspices sont contraints de se réfugier dans la clandestinité, dans les campagnes surtout, puisqu’on semble refuser leur aide à Rome, même lorsque la Ville est assiégée par Alaric.
1. L’affrontement entre haruspices et chrétiens
2L’affrontement entre haruspices et chrétiens commence après le règne des Sévères, sous Dioclétien. Les haruspices qui ne connaissent plus alors, semble-t-il, de nouveau signe d’encouragement à l’haruspicine officielle pourraient avoir délibérément provoqué un incident parce qu’ils s’inquiétaient de ce que les chrétiens, violemment opposés aux sacrifices sanglants, eussent encore gagné du terrain.
1.1. L’arrière-plan théologique
3Les haruspices sont victimes des attaques de chrétiens dans la mesure où ces derniers, critiquant la pratique des sacrifices, les considèrent comme des charlatans. L’opposition des chrétiens à l’accomplissement des sacrifices s’appuie tant sur une doctrine païenne que sur l’enseignement des évangiles.
4Les néoplatoniciens Porphyre1 et Jamblique2 ont ainsi justifié par avance la prohibition chrétienne des pratiques sacrificielles3. Selon Apollonius de Tyane4, le dieu suprême ne reçoit d’honneur digne que par le logos, “en esprit”, ce qui rend vaine toute sorte de praxis, comme le sacrifice. Si les hermétistes de l’Asclepius5 admettent que les “dieux terrestres” prennent plaisir aux sacrifices qui leur sont souvent offerts, ils ne voient de plus belle offrande à Dieu que l’action de grâces. Jamblique exprime une opinion similaire, quand il affirme que les destinataires des sacrifices sont les dieux “matériels”, ceux qui dirigent directement le monde6. Cette conception dualiste du monde divin est aussi présente chez Porphyre : celui-ci identifie en effet ces dieux du monde terrestre, matériel, qui se satisfont des sacrifices animaux, avec les κακοδαίμονες, les “mauvais démons”7, ces sortes de numina mala qui, selon Cornelius Labeo, sont apaisées uictimis cruentis8. Il existerait ainsi deux sortes de démons, les bons et les mauvais, les premiers régissant de haut, depuis une région voisine de la lune, les saisons, les vies humaine, animale et végétale, et reliant le haut et le bas, le ciel et la terre, par la divination9, les seconds apportant tous les maux depuis une région voisine de la terre10. Profitant de ce pouvoir, ces derniers menacent les hommes : si les dieux ne reçoivent pas de victimes immolées, ils seront irrités11. En réalité, quand les hommes se mettent à sacrifier, ces démons détournent le fumet des victimes à leur profit et, nonobstant les dons sacrificiels dont ils se sont repus, sèment guerres, famines, sécheresses et tremblements de terre12. De cette manière, ils trompent les vrais fidèles ; pire, ils les poussent à provoquer de plus grandes catastrophes. En effet, plus nombreux sont les sacrifices offerts pour exorciser les malheurs, plus ces démons se trouvent revigorés par les offrandes sacrificielles13. Au lieu de les écarter, les sacrifices attirent les démons, les invitent à séjourner parmi les hommes et créent un lien solide entre hommes et démons14. Les démons profitent de cette situation où ils sont liés par les exhalaisons des sacrifices pour enchaîner les hommes au culte des idoles15. Aussi, Porphyre déconseille au sage de se livrer aux immolations δι’ ὧν ἐπισπάσεται πρòς ἑαυτòν τοὺς τοιούτους16. Ainsi, le vrai philosophe se sera exercé à se détacher des choses extérieures et, par conséquent, n’aura pas besoin des devins17. Il s’intéressera au contraire à ses propres entrailles et y trouvera Dieu18. Bien qu’il n’adopte pas cette dualité divine, Jamblique admet aussi que les sacrifices vont aux démons. La victime sacrifiée permet en effet de mettre en mouvement toutes les causes démiurgiques (συγκινεῖται), les démons comme les dieux19. Il faut commencer par toucher les dieux matériels pour atteindre les dieux immortels20. En effet, si le feu, en purifiant la victime de toute scorie matérielle, fait accéder les hommes aux puissances démiurgiques supérieures, l’écoulement du sang, puis la consommation des chairs, en somme l’offrande de la matière animale, plaisent en premier aux dieux matériels21. La communion avec les dieux procurée par le sacrifice nécessite donc le contact avec les démons.
5Ces théories néo-platoniciennes du sacrifice ont légitimé et renforcé une opposition chrétienne de principe à la divination, connue de longue date. S’appuyant sur les paroles de l’Apôtre dans la première lettre aux Corinthiens22, selon lesquelles il ne faut pas entrer en communication avec les démons, les philosophes chrétiens condamnent toute divination par les animaux au nom de l’action pratiquée par les démons. Pour Origène, les démons profitent de leur origine céleste qui leur confère la prescience des événements futurs, pour mener à l’impiété des esprits crédules23. Ainsi, les animaux ne sont pas capables de prédire par eux-mêmes : les oiseaux, par exemple, ne parviennent pas à prévoir l’emplacement des pièges et des filets qui leur sont tendus24. Ce sont les mauvais démons qui leur communiquent leur pouvoir de prédiction, pour tromper les hommes. On ne s’étonnera donc pas que les animaux propices à ce genre d’opérations divinatoires se révèlent comme les plus rapaces, les plus cruels ou dénués de raison25. Une “affinité de malice” (τò παραπλήσιον τῆς κακίας) rend de tels animaux sensibles au pouvoir des démons. La Bible avertit d’ailleurs les fidèles du caractère mensonger de la divination par les animaux. C’est pourquoi Moïse a tenu pour impurs les animaux que les Égyptiens et le reste des hommes considèrent comme aptes à la divination26. Seuls les plus saints des hommes ont la capacité de prophétiser : “La véritable divinité n’emploie, pour la connaissance de l’avenir, ni les animaux sans raison, ni les hommes quelconques, mais les plus saintes et les plus pures des âmes humaines qu’elle inspire et fait prophétiser. C’est pourquoi, entre autres admirables paroles contenues dans la Loi de Moïse, il faut placer celle-ci : “Gardez-vous de prendre des auspices et d’observer les oiseaux” ; et ailleurs : “Car les nations que le Seigneur ton Dieu anéantira devant toi écouteront présages et divinations ; mais tel n’a pas été pour toi le don du Seigneur ton Dieu”. Et il ajoute immédiatement : “Le Seigneur ton Dieu te suscitera un prophète parmi tes frères””27. Au nom du combat contre la puissance démoniaque, les chrétiens s’autorisent donc à toutes les attaques contre les devins païens et leurs clients.
6En théorie, ces philosophes chrétiens s’en prennent donc violemment à tous les devins et, surtout, à ceux qui incarnent les plus vieilles traditions païennes, les haruspices. Tertullien, ainsi, dans son Apologétique, englobe dans une même réprobation les astrologues, les haruspices, les augures et les mages qui sont consultés sur la vie de l’empereur. Pour lui, les pratiques de ces anges rebelles sont interdites par Dieu : eadem officia dependunt et qui astrologos et haruspices et magos de Caesarum capite consultant. Quas artes, ut ab angelis desertoribus proditas et a Deo interdictas, ne suis quidem causis adhibent Christiani28. Certes, les haruspices publics ne sont pas impliqués par cette condamnation des haruspices privés qu’il justifie par le souci de préserver le prince des complots et des conspirations29. Ils ne sont pas non plus visés directement dans l’amalgame qu’orchestre complaisamment Tertullien entre magiciens, fabricants de philtres, empoisonneurs et haruspices, pour se vanter de ne rien faire gagner à ces charlatans30. Cependant, toute l’Etrusca disciplina est disqualifiée par ces rapprochements honteux : qu’ils soient publics ou privés, les haruspices disposent d’un patrimoine commun de formules, de principes et de règles plus anciens que la ville de Rome et dont Romulus en personne s’est servi lors de la fondation de l’Vrbs. Tertullien, en plaçant ces spécialistes sur le même plan que des criminels, des proxénètes et des escrocs, dénie donc à cet héritage antique sa valeur scientifique et religieuse ; mieux, il ignore sa noblesse en mêlant ses praticiens aux bas-fonds de la société romaine. Tertullien a des arguments théologiques de poids pour appuyer ses coups. Selon lui, les démons interviennent lors des consultations divinatoires pour tromper les hommes grâce à des manœuvres perfides. Ainsi, il leur arrive d’offrir des prédictions exactes parce que leurs ailes leur permettent de se déplacer très facilement sur terre, de se tenir au courant des événements et de les annoncer ensuite où ils veulent et à qui ils le veulent31. Ainsi, les démons ont inspiré la réponse de la Pythie à l’envoyé de Crésus qui lui demandait à quoi s’occupait le roi de Lydie32. Ainsi aussi, ils ont ravi aux prophètes un peu de leur divination, en écoutant en cachette les paroles que Dieu leur adressait, qu’ils transmettaient au peuple ou qu’ils lisaient dans les Livres. Ce que les haruspices, entre autres, attribuent au caractère divin des dieux qu’ils interrogent tient donc en réalité à la rapidité des démons33. Cependant, même si les prodiges et les oracles servent aux démons à détourner les hommes de la recherche du vrai Dieu vers des idoles de pierre34, on ne saurait douter qu’il existe bel et bien une divination. D’autres théologiens chrétiens le reconnaissent avec Tertullien. Minucius Felix ne parle pas autrement, pour qui les démons “se trompent et trompent, vu qu’ils ignorent la vérité pure et que, ce qu’ils savent, ils ne veulent pas l’avouer pour leur perte”35. Et Minucius Felix de décrire, comme Tertullien, leurs différentes manières de tromper : “Tantôt ils s’insinuent dans l’âme des prophètes et séjournent dans les sanctuaires, quelquefois ils animent les fibres des entrailles, dirigent le vol des oiseaux, règlent les tirages aux sorts, produisent les oracles, où beaucoup de faux enveloppe le vrai”36. Dans tous les cas encore, les démons qu’il présente comme des “esprits impurs, errants, déchus de leur céleste vigueur sous le poids des souillures et des passions terrestres”37, sont accusés d’attirer les âmes vers des objets matériels plutôt que vers le vrai Dieu38. Minucius Felix convient, néanmoins, qu’il existe une part de vérité dans la divination pratiquée par la Pythie, par les mages ou par les haruspices39. Origène, qui se permet d’attaquer dans le Contre Celse40 le païen Celse sur sa méthode de réfutation des négateurs de la divination, ne prend même pas soin d’en démontrer l’existence, tant elle paraît aller de soi. Païens et chrétiens en ont fait, selon lui, l’expérience de bonne foi. Ainsi, contrairement à Tertullien, il ne voit pas de différences entre le prophétisme des Juifs de l’Ancien Testament et les divinations des augures, des présages, des auspices, des ventriloques, des haruspices et des Chaldéens tireurs d’horoscopes41. Cependant, il rejoint Tertullien et Minucius Felix sur le point essentiel qui motive leur animosité contre l’haruspicine : la divination païenne s’exerce avec la complicité des mauvais démons.
7Les haruspices ne sont donc pas visés individuellement et particulièrement par les attaques des chrétiens, mais leur pratique d’examen des victimes des sacrifices est mise en cause par les critiques chrétiennes des sacrifices. D’après les chrétiens, les haruspices sont complices des démons. Les haruspices semblent avoir répondu à ces charges, en ripostant sur le terrain même des sacrifices.
1.2. Le face à face
8Deux témoignages différents d’un même auteur, Lactance, peu prompt à travestir cette réalité historique42, rendent compte de l’événement, les Institutions divines, 4.27 à 3243 et De la mort des persécuteurs, 10.1 à 4. D’après ces deux textes, l’incident a éclaté lors d’un sacrifice effectué en présence de Dioclétien44, empereur très soucieux du futur45, lors d’un séjour en Orient46. Les haruspices, que Dioclétien avait probablement l’habitude de consulter47, ne décèlent alors aucun signe dans le foie de la victime offerte en sacrifice. Malgré la répétition de l’opération sacrificielle48, les entrailles demeurent muettes49. Les dieux refusent de parler ; ils rompent toute communication. Ils sont donc fâchés et leur colère pouvait se révéler lourde de conséquences. Le chef des haruspices, du nom de Tagis, trouve alors l’explication du silence des entrailles. Des serviteurs chrétiens de l’assistance auraient fait un signe de croix. Du coup, la cérémonie aurait été troublée et les dieux irrités par leur présence profane50. Le prince, furieux, ordonne alors à tous les assistants et à l’ensemble du personnel du palais de sacrifier sous peine d’être fouettés51. Puis, l’ensemble des soldats doit se soumettre à la même obligation52 et la Grande Persécution débute le jour des fêtes des Terminalia en 30353.
9En manifestant ouvertement leur opposition au christianisme, les haruspices jouent un rôle essentiel dans le déclenchement de la Grande Persécution. Comme les hauts dignitaires partagés sur la conduite à tenir, le prince lui-même était hésitant. Il envoya donc un haruspice consulter l’oracle de Didymes, que Dioclétien et Maximin tenaient en dévotion particulière54. L’oracle de Didymes se prononça lui aussi en faveur de la persécution55. Selon les mots de Lactance, Dioclétien ne pouvait ni résister à ses amis, ni à son César, ni à Apollon56.
1.3. La responsabilité des haruspices
10Dans cette affaire apparaissent quelques différences dans le rôle attribué aux haruspices. Selon Lactance, c’est un haruspice (Tagis lui-même ?), envoyé auprès d’Apollon Milésien en θεοπρόπος, en ambassadeur sacré, que le dieu répondit en ennemi de la religion divine. En revanche, chez Eusèbe de Césarée, l’haruspice n’intervient qu’à la cour de l’empereur pour déchiffrer le sens de l’oracle rendu par la prophétesse d’Apollon57. Si, dans les deux cas, les haruspices ont clairement orienté l’attitude du prince dans un sens antichrétien, la version d’Eusèbe rejette la responsabilité de la Grande Persécution qui suivra sur les haruspices. Selon lui, en effet, l’haruspice n’est pas dépêché par le prince pour servir d’intermédiaire entre lui et l’oracle, mais élucide lui-même (ἀποκριθείς) au palais le sens de l’oracle poussant Dioclétien à se décider pour la persécution.
11Des deux sources, il faut sans doute accorder le plus de crédit à la première. La Vie de Constantin, bien que fondée sur un document officiel, n’est pas exempte de toute visée apologétique. Dans cette œuvre, Eusèbe cherche à faire l’éloge de l’empereur qu’il a conseillé et qui a permis, du point de vue des chrétiens, le triomphe de la vraie foi58. Il est donc vraisemblable que l’histoire des entrailles muettes a été recomposée chez Eusèbe de manière à faire porter les torts de la persécution par les premières victimes des lois constantiniennes anti-païennes, les haruspices qui s’acoquinaient avec les démons59. Néanmoins, il ne faut pas mettre ces deux textes sur le compte d’un fantasme chrétien d’haruspices s’agitant, complotant contre les chrétiens à coups de sacrifices et de formules magiques. Les haruspices ont sans doute eu une importance décisive dans cet épisode. Dans la version le moins dure pour les haruspices, celle de Lactance, qui a l’avantage d’être chronologiquement plus proche des événements, c’est un haruspice qui décèle l’irritation divine et qui reçoit le secret d’Apollon. Le prince cherchait donc à obtenir l’avis des dieux grâce à un haruspice, alors que les haruspices ne sont habituellement pas chargés de cette fonction60. Sans doute Dioclétien avait-il toute confiance en ces devins et voyait-il en eux des hommes appropriés à cette situation d’interrogation61. Qui, mieux qu’un haruspice, pouvait se charger d’une affaire exigeant qu’on fît l’intermédiaire entre les intérêts de la res publica et le divin ? Pour autant, le texte de Lactance ne fait pas des haruspices les responsables directs de la persécution. Ce ne sont pas les haruspices, mais le dieu de Didymes qui a désigné les chrétiens comme des impies qu’il convenait de poursuivre ; les haruspices ne sont pas montrés non plus en train d’influencer la réponse du dieu Apollon. En même temps, le texte laisse la place au doute. La réponse apollinienne s’accorde parfaitement avec ce que pensaient les haruspices et les paroles du dieu venaient conforter les haruspices dans leur hostilité latente contre les chrétiens et révéler tout haut ce qu’ils soufflaient peut-être tout bas. En envoyant l’un des adversaires les plus acharnés des chrétiens, le prince montrait qu’il était prêt à prendre le risque d’aller encore plus loin que dans l’affaire du sacrifice. L’orientation antichrétienne des haruspices, déjà perceptible dans le premier épisode, se voit confirmer dans le deuxième, même si le rôle de l’haruspice s’y limite à celui d’un intermédiaire.
12Ils ont peut-être été poussés à s’en prendre de telle manière aux chrétiens par les chrétiens eux-mêmes. L’affaire des entrailles muettes intervient en effet dans un climat de provocations intervenues dans un cadre militaire62. A Nicomédie, un chrétien, imitant le geste d’un soldat lors de la persécution de Dèce, à Mélitène sur l’Euphrate, a arraché l’affiche du texte de l’édit de 303. Déjà, au début du règne de Dioclétien, en 295, le chrétien Maximilien de Théveste63, fils de militaire et donc tenu de s’engager dans l’armée, avait refusé le serment militaire sous prétexte qu’il avait reçu un autre sacramentum, le baptême, et, en 298, lors de la célébration du dies natalis, le 30 octobre, le centurion Marcel de Tanger s’était dépouillé en public de son équipement militaire parce qu’il estimait s’être mis au service du Christ ; le notaire Cassien, qui avait protesté contre la sentence infligée à celui-là, fut exécuté le 30 décembre de la même année64.
13On voit mal, néanmoins, l’intérêt d’un tel acte de provocation au moment où les chrétiens bénéficient d’une liberté de fait. Dans la période de “petite paix de l’église”, le personnel administratif chrétien est dispensé de sacrifices et peut s’exprimer à sa guise sur les questions religieuses. Il était donc prévisible que les païens répondraient à la perturbation d’une cérémonie religieuse. Une provocation gratuite n’aurait donc eu aucun intérêt : elle aurait mis fin à une tolérance qui ne pouvait que profiter aux chrétiens.
14Certains65 proposent donc d’expliquer l’incident par l’utilisation d’un topos de l’apologétique chrétienne. Les chrétiens se vantent en effet, dès Tertullien66 et Minucius Félix67, de faire fuir les puissances maléfiques par leur seule présence ou par l’invocation du nom de Jésus et le motif du signe de croix développé par Lactance68, empêchant les démons d’agir lors des cérémonies divinatoires pratiquées par les haruspices, est repris ensuite par Prudence69 et par Arnobe70 dans des récits hauts en couleurs. L’utilisation du nom de Tagis pour désigner le chef des haruspices invite à aller dans ce sens. Tagis n’est attesté ni comme gentilice ni comme cognomen dans l’onomastique latine courante. Le nom, en fait, renvoie à la figure bien connue de Tagès, le fondateur mythique de l’haruspicine étrusque, que Lactance a pu connaître grâce à la lecture du De diuinatione de Cicéron présentant Tagès comme l’ancêtre de tous les haruspices. Aucun autre haruspice connu par les sources n’ayant osé prendre le nom du prophète légendaire, on peut douter de la volonté d’un haruspice impérial de se rattacher au premier dépositaire de la tradition haruspicinale71. L’entreprise aurait été prétentieuse, puisque Tagis n’était pas un homme, mais un être divin, et inutile, puisque, depuis longtemps, les haruspices n’avaient plus besoin d’arguer d’une origine étrusque pour faire valoir leur qualité. Même le désir de retourner aux sources de l’haruspicine ne pourrait justifier une telle appellation. Il existait en effet suffisamment d’haruspices célèbres dans l’histoire romaine pour l’excellence de leurs interprétations pour qu’un haruspice de cette époque ne fût pas obligé de recourir à un homme dont la qualité et le savoir seraient forcément inégalés. De plus, le titre de magister aruspicum rapporté à Tagis semble trahir l’ignorance de Lactance en matière de hiérarchie des haruspices. Les sources littéraires et épigraphiques appellent magister (h)aruspicum le président de l’ordre des 60, qui, en principe, demeure à Rome, ou dans ses environs, pour les besoins de concertation et de décision propres à une organisation collégiale comme celle de l’ordre72. Les haruspices qui accompagnent les empereurs dans leurs déplacements font partie des haruspices personnels des empereurs qu’aucun chef ne dirige, si l’on en croit nos sources. Si un haruspice impérial avait eu la prééminence sur ses collègues haruspices impériaux, on ne saurait douter que cet haruspice aurait fait mentionner ce rang dans son inscription funéraire. Or, aucun haruspice n’est doté d’un tel statut, même sous les Sévères, quand l’haruspicine impériale devient centénaire ou ducénaire. On ne saurait donc attribuer à Lactance le souci de l’exactitude historique. Il paraît, de surcroît, étonnant que Lactance mentionne le nom de l’haruspice impérial. Seul un nom d’haruspice impérial est connu par les textes littéraires, C. Vmbricius Melior, pour avoir averti Galba du sort tragique qui l’attendait. En règle générale, les écrivains privilégient les consultations d’haruspices impériaux au détriment de leur personne : les haruspices interviennent anonymement et en arrière-plan. C’est pourquoi le soin du détail onomastique semble douteux. Le nom de Tagis a donc juste valeur de symbole. Il s’agit de s’en prendre doublement à la tradition haruspicinale, en faisant intervenir un haruspice et en évoquant Tagès à travers Tagis. Les lecteurs chrétiens de Lactance ne pouvaient donc se tromper sur l’identité des responsables de la Grande Persécution.
15Pour autant, il ne faut sans doute pas dénier aux haruspices la volonté de porter un coup d’arrêt à l’influence grandissante des chrétiens à la cour et à la politique de tolérance de Dioclétien. Si les chrétiens s’accommodaient bien de la petite paix de l’église, les haruspices jugeaient sûrement exagérée, voire scandaleuse, la faveur impériale. En accueillant les chrétiens au palais, dans l’armée et dans l’administration, Dioclétien tolérait, sinon cautionnait, leurs attaques contre les haruspices. Il se désolidarisait ainsi d’appuis sûrs de l’Empire. Il favorisait la perturbation des cérémonies religieuses, garantes de l’harmonie entre hommes et dieux. Il conduisait à une fin certaine l’Empire païen. Les haruspices, vigilants gardiens de la tradition, se devaient de remettre de l’ordre. Néanmoins, ils n’avaient pas les moyens d’agir seuls. Sans doute ont-ils profité du soutien de Galère, partisan de la violence contre les chrétiens73 et saisi l’occasion du silence des entrailles pour alerter le prince sur la nature du danger qui le menaçait, lui et tous ses sujets. L’ennemi se trouvait au sein de sa maison, à ses côtés, sans qu’il s’en rendît compte, qui plus est, avec son accord. Il ne pouvait donc se faire plus longtemps complice par sa politique tolérante des adversaires acharnés de la religion romaine. L’épisode des entrailles muettes révèle ainsi un comportement offensif de la part des haruspices. D’un effort de dissuasion conciliant, les haruspices sont passés à une attaque ad homines à la mesure de l’accroissement du danger. Même si les récits de Lactance pourraient avoir été arrangés de manière à rendre les haruspices responsables de la Grande Persécution, ils s’appuyaient en effet probablement sur des bases réelles, le mauvais déroulement d’une cérémonie74 et l’indication des coupables chrétiens par un ou plusieurs haruspices. Dans les conditions d’exécution comme dans les motifs de désignation75, l’événement s’avère parfaitement plausible.
2. La défaite juridique
16La victoire politique des haruspices publics contre les chrétiens s’avère de courte durée car les haruspices n’empêchent pas le christianisme de gagner les esprits, au sommet de l’État. L’empereur Constantin, s’imaginant avoir remporté une bataille grâce à l’aide du Christ, se convertit à la nouvelle religion et, suivi par ses successeurs, met en place un arsenal juridique qui impose le silence aux haruspices.
2.1. Interdiction de l’haruspicine privée par Constantin
17Avec Constantin, se met en effet en place une législation très défavorable à l’Etrusca disciplina. Les haruspices sont désormais vus comme des ennemis de l’intérieur qu’il convient d’éliminer légalement. Dans un premier temps, seuls les haruspices privés sont victimes d’une franche hostilité et leurs pratiques interdites, puis, avec la conversion des empereurs au christianisme76 et leur angoisse grandissante des complots et des retournements politiques, les haruspices publics ne sont plus distingués des haruspices privés, et tous les haruspices confondus, privés comme publics, deviennent la cible des interdictions impériales ; les haruspices disparaissent alors durablement des textes épigraphiques et littéraires pour ne plus apparaître que dans l’entourage de Julien lors de son règne éphémère ou dans les listes d’accusés des procès du règne de Valentinien Ier.
18La première étape de la disparition progressive des haruspices correspond au règne de Constantin. En l’espace de trois ans, trois constitutions77 sont édictées qui donnent aux haruspicines publique et privée des statuts radicalement différents78. L’haruspicine privée est totalement interdite, tandis que l’haruspicine publique se voit seulement tolérée79.
19La première constitution date du Ier février 319 (du 15 mai 319)80 et est adressée à Maxime, préfet de la Ville :
COD. Theod. 9.16.1 : IMP. CONSTANTINVS A. AD MAXIMVM. Nullus haruspex limen alterius accedat nec ob alteram causam, sed huiusmodi hominum quamuis uetus amicitia repellatur, concremando illo haruspice, qui ad domum alienam accesserit et illo, qui eum suasionibus uel praemiis euocauerit, post ademptionem bonorum in insulam detrudendo : superstitioni enim suae seruire cupientes poterunt publice ritum proprium exercere. Accusatorem autem huius criminis non delatorem esse, sed dignum magis praemio arbitramur. P(RO)P(OSITA) K AL. FEB. ROM(AE) CONSTANTINO A. V ET LICINIO CAES. CONSS.
“L’empereur Constantin à Maxime. Qu’aucun haruspice n’approche du seuil d’autrui, même pour une autre raison [qu’une consultation d’haruspicine], mais que l’amitié, aussi ancienne soit-elle, des gens de cette sorte soit repoussée. Sera brûlé vif l’haruspice qui se sera approché de la maison d’autrui et celui qui, par des invitations ou par des cadeaux, l’aura appelé, sera déporté dans une île après confiscation de ses biens. En effet, ceux qui désirent être esclaves de leur superstition pourront exercer en public leurs rites propres. Quant à l’accusateur de ce crime, nous pensons qu’il n’est pas un délateur, mais qu’il mérite plutôt une récompense. – Affiché aux calendes de février, à Rome, [après] le consulat de Constantin Auguste pour la cinquième fois et de Licinius César, le 15 mai 319”.
20Avec l’interdiction d’entrer dans la maison d’autrui – même pour des raisons autres qu’une consultation divinatoire –, c’est l’exercice de l’haruspicine privée qui est proscrit malgré l’ancienneté de cette pratique81 à Rome. Comme dans les mesures déjà prises, d’Auguste à Tibère, contre l’haruspicine privée82, les peines, d’une gravité exceptionnelle, s’appliquent aux haruspices comme à leurs clients : l’haruspice est brûlé, son client exilé et les biens de ce dernier confisqués. En somme, les haruspices privés ont deux solutions : partir de Rome (mais la mesure destinée au préfet de Rome concerne-t-elle Rome uniquement, l’Italie ou tout l’Empire ?) ou changer complètement d’activité en oubliant la précédente. L’haruspicine, désormais qualifiée de superstitio83, n’est autorisée que dans la mesure où son rite s’exerce publiquement. L’hostilité que lui marque l’empereur est franchement exprimée, puisque la dénonciation des pratiques haruspicinales, à titre privé, est encouragée par l’octroi de récompenses (praemia).
21Une loi similaire au COD. Theod. 9.16.1 est édictée, quelques mois plus tard, le 15 mai 319, à l’adresse du peuple84 :
COD. Theod. 9.16.2 : CONSTANTINVS A. AD POPVLVM. Haruspices et sacerdotes et eos, qui huic ritui adsolent ministrare, ad priuatam domum prohibemus accedere uel sub praetextu amicitiae limen alterius ingredi, poena contra eos proposita, si contempserint legem. Qui uero id uobis existimatis conducere, adite aras publicas atque delubra et consuetudinis uestrae celebrate sollemnia : nec enim prohibemus praeteritae usurpationis officia libera luce tractari. DAT. ID. MAI. CONSTANTINO A. V ET LICINIO CONSS.
“Constantin au peuple. Les haruspices, les prêtres et ceux qui ont l’habitude de servir ce rite, nous leur défendons d’approcher une maison privée ou de franchir le seuil d’autrui, même sous prétexte d’amitié ; un châtiment est proposé contre eux s’ils ont méprisé cette loi. Mais vous qui estimez que ce rite vous est utile, rendez-vous aux autels publics, dans les sanctuaires, et célébrez-y vos cérémonies habituelles ; nous ne défendons pas en effet de célébrer en plein jour les devoirs d’un usage passé. – Fait aux ides de mai, sous le consulat de Constantin Auguste pour la cinquième fois et de Licinius, le 15 mai 319”.
22Dans cette loi sont énoncés les mêmes principes que dans le COD. Theod. 9.16.1, à savoir l’interdiction de l’haruspicine privée et la tolérance de l’haruspicine publique. Quelques différences notables, peut-être dues au changement de destinataire, apparaissent cependant. La condamnation des haruspices est élargie aux prêtres et à tous ceux qui pratiquent l’haruspicine sans se présenter sous le nom d’haruspices, peut-être par prudence, à la suite de l’interdiction du COD. Theod. 9.16.1. Il n’est plus question de l’ancienneté de l’haruspicine à Rome, ni de l’amitié qui lie la Ville aux haruspices, mais du prétexte amical sous lequel s’abritent les haruspices qui souhaitent entrer dans une maison. Surtout, les peines encourues par les contrevenants ne sont plus mentionnées et les dénonciations ne sont plus encouragées.
23Pour marquer sa réprobation des pratiques haruspicinales publiques, Constantin utilise cette fois la deuxième personne du pluriel quand il veut désigner les adeptes de l’haruspicine publique et les mots consuetudo et praeterita usurpatio, quand il exprime son autorisation des pratiques haruspicinales libera luce.
24Malgré l’hostilité qu’il éprouve à l’égard de l’haruspicine, Constantin admet tout de même l’utilité de l’Etrusca disciplina en cas de foudroiement d’un édifice public85. Le Colisée ayant été frappé par la foudre86, il adresse en 320 une nouvelle constitution à Maxime87 :
COD. Theod. 16.10.1 : IMP. CONSTANTINVS A. AD MAXIMVM. Si quid de palatio nostro aut ceteris operibus publicis degustation fulgore esse constiterit, retento more ueteris obseruantiae quid portendat, ab haruspicibus requiratur et diligentissime scribtura collecta ad nostram scientiam referatur, ceteris etiam usurpandae huius consuetudinis licentia tribuenda, dummodo sacrifiais domesticis abstineant, quae specialiter prohibita sunt. Eam autem denuntiationem adque interpretationem, quae de tactu amphitheatri scribta est, de qua ad Heraclianum tribunum et mag(istrum) officiorum scribseras, ad nos scias esse perlatam. Dat XVI Kal. Ian. Serdicae. Acc(epta) VIII Id. Mar. Crispo II et Constantino II CC. Conss.
“L’empereur Constantin à Maxime. Si une partie de notre palais ou des autres monuments publics se trouve léchée par la foudre, que la mémoire de l’ancienne religion serve aux haruspices à rechercher ce que cela annonce, et qu’un écrit composé très soigneusement porte cela à notre connaissance, que la permission de pratiquer ces habitudes soit aussi accordée à tous les autres, pourvu qu’ils s’abstiennent des sacrifices domestiques, qui ont été spécialement interdits. Le rapport écrit de l’annonce et de l’explication du foudroiement de l’amphithéâtre au sujet duquel tu avais écrit à Héraclianus, tribun et maître des offices, nous est arrivé. – Fait le 16 des calendes de janvier à Sardique, reçu le 8 des ides de mars, sous le second consulat des Césars Crispus et Constantin, fait le 17 décembre 320, reçu le 8 mars 321”.
25Ainsi, dans le cas précis de foudroiement d’un bâtiment public, le recours aux haruspices et à leurs livres est autorisé à condition que le résultat des consultations soit reporté par écrit et adressé à l’empereur. Si l’intervention des haruspices correspond aux données traditionnelles de l’Etrusca disciplina – en cas de fulmina regalia88, il convient d’interroger les haruspices pour obtenir un responsum89 sur la valeur du présage-, la nouveauté réside dans le contrôle étroit exercé par l’empereur sur les consultations. On notera qu’en cas de foudroiements, C. Iulius Obsequens, à la fin du ive et au début du ve s. p.C., fait état d’expiations accomplies par des haruspices, non d’interprétations90. Ici, en revanche, les haruspices sont valorisés en tant qu’interpretes prodigiorum.
26Avec ces trois lois, séparées par deux ans à peine, le statut des haruspices change en profondeur. Les haruspices publics, qui, jusqu’à présent, avaient toujours bénéficié des faveurs impériales, sont à peine tolérés et leurs interventions limitées au cas de foudroiement des bâtiments publics. Les haruspices privés sont interdits d’exercer et sévèrement punis s’ils sont surpris à pratiquer leur activité ou à entrer chez autrui. Tout devin qui souhaite continuer à donner des consultations, à cette époque, doit en effet prendre un très grand nombre de précautions. Firmicus Maternus91, dans sa Mathesis écrite entre 335 et 337, bien qu’il s’intéresse surtout aux mathematici, nous instruit sur les conditions de vie de nombre d’haruspices après les lois de Constantin, car mathematici et haruspices sont victimes de la même législation. Il témoigne ainsi des inquiétudes éprouvées par les mathematici face aux constitutions édictées par Constantin, en consacrant un chapitre entier aux règles que les mathematici doivent respecter dans leur vie et dans leur formation pour vivre dans la société impériale de leur temps (Qualis uita et quale institution esse debet mathematicis).
27Le mathematicus doit se présenter à tous comme un modèle de vertu et de modestie et faire preuve de la plus grande prudence dans l’exercice de sa profession. Les réponses aux questions doivent être publiques92. Elles ne doivent jamais aborder la situation de l’État ou la vie de l’empereur93. L’auteur de la Mathesis semble d’ailleurs avoir si bien intégré les interdictions édictées par Constantin qu’une quelconque découverte sur la situation de l’État lui paraît improbable. Et Maternus de citer des faits pour appuyer ses propos : les haruspices consultés par les particuliers sur le destin de l’empereur se sont vus gênés par des viscères dotés d’un enchevêtrement inextricable dans la disposition des veines94. Puis de présenter des arguments politico-théologiques qui expliquent cette impossibilité : l’empereur, qui est la puissance divine la plus grande, n’est pas soumis au cours des astres et ne peut être dévoilé par des puissances divines inférieures. Toute consultation sur l’empereur ou l’État est donc à proscrire et il convient de démontrer cette impossibilité à quiconque viendra interroger le mathematicus à ce sujet.
28Si le destin de l’Empire et de son chef fait l’objet d’un tabou si fort, c’est que les raisons qui ont présidé en partie à la promulgation de ces constitutions relèvent de la sécurité et de l’ordre interne de l’empire95. L’aristocratie sénatoriale et la classe politique, qui n’ont jamais accepté la défaite de Maxence, constituent un terrain favorable aux intrigues de toutes sortes contre l’empereur et, pour peu que des haruspices spéculent sur la mort de l’empereur, auraient vite fait d’envisager une possible succession qui les avantagerait.
29En plus, beaucoup de ces sénateurs, de ces hauts fonctionnaires et de ces membres de la cour font obstruction aux lois pro-chrétiennes que Constantin cherche à mettre en place. Eux qui estiment incarner le mos maiorum et les plus anciennes traditions romaines verraient avec joie un renversement de l’ordre politique qui mettrait fin à la “christianisation” progressive de l’Empire en marche avec les mesures suivantes. En 316, la libération des esclaves est autorisée dans les églises96. A partir de 318, la juridiction épiscopale prévaut dans des domaines réservés jusque-là aux individus particuliers97. En 319, les clercs de l’Italie méridionale sont exemptés de toutes les charges publiques98. En 321, les clercs peuvent rédiger les actes d’affranchissement des esclaves par les patrons et l’Église peut recevoir donations et héritages99. En 323, une loi punit avec sévérité quiconque oblige les clercs chrétiens, qui sanctissimae legi seruiunt, à faire des sacrifices100. En 324, dans la Lettre aux Orientaux, Constantin affirme officiellement sa foi chrétienne. Chrétiens et païens campent sur leurs positions et se font face comme deux camps ennemis, irréconciliables dans une lutte où l’haruspicine constitue un enjeu de premier ordre. En effet, dans ces mêmes années, dans le De mortibus persecutorum101, écrit entre 318 et 321, Lactance accuse les haruspices d’avoir fourni à Dioclétien le prétexte de sa persécution contre les chrétiens102. Plus que jamais, l’haruspicine fait l’objet d’une vive répulsion de la part des chrétiens. Cyprien, comme Lactance, considère qu’elle est l’œuvre de démons et d’anges malveillants. En 314, le concile d’Ancyre a condamné les pratiques divinatoires et magiques et décidé de punir de cinq ans de pénitence à la fois les chrétiens qui prédisent l’avenir et les chrétiens qui suivent les pratiques magiques païennes103. Du côté païen, Zosime déplore qu’en raison de sa conversion, Constantin prenne le chemin de l’impiété, en abandonnant les rites ancestraux et en suspectant la divination104. Constantin, qui considère sans doute que les haruspices, dès lors, ont toutes les raisons de vouloir se venger, veut éviter avec ces trois constitutions toute menace de complot. De fait, les réactions se portent surtout sur le terrain politique105. En 318, le sénat aurait protesté contre une loi interdisant les sacrifices en la personne du préfet de la Ville Septimius Bassus qui serait allé à la cour de Nicomédie106. En 321, les relations entre l’aristocratie sénatoriale et Constantin auraient atteint une tournure conflictuelle quand Constantin abolit le vicariat de Maxime et divisa le diocèse italien en deux vicariats administratifs, dirigés chacun par un uicarius praefectorum praetorio107. Dans ces conditions, on peut penser que les constitutions prises de 319 à 321 étaient destinées à apaiser les esprits des deux côtés. Constantin calmait ainsi les hommes d’église, comme Osius, évêque de Cordoue, et Lactance, dont l’influence se faisait de plus en plus forte, et condamnait à l’avance toute tentative de déstabilisation108, tout en ménageant les milieux païens à qui il autorisait la pratique de l’haruspicine publique109.
2.2. Interdiction des haruspicines privée et publique par Constance II
30Le compromis constantinien éclate avec Constance II. Décidé à affronter de face les milieux païens, le fils de Constantin110, baptisé, accentue la politique de sévérité contre eux. En 341, une loi interdit les sacrifices (COD. Theod. 16.10.2), en 346, une autre (COD. Theod. 16.10.4111) ordonne la fermeture de tous les temples et en 353, une autre encore (COD. Theod. 16.10.5) interdit les sacrifices nocturnes rétablis par le tyran Magnence. Et quand il s’adoucit un peu en 357, il garde la même rigueur pour la magie et l’haruspicine, ainsi dans COD. Theod. 9.16.4, en 357,
IMP. CONSTANTIVS A. AD POPVLVM. Nemo haruspicem consulat aut mathematicum, nemo hariolum. Augurum et uatum praua confessio conticescat. Chaldei ac magi et ceteri, quos malefices ob facinorum magnitudinem uulgus appellat, nec ad hanc partem aliquid moliantur. Sileat omnibus perpetuo diuinandi curiositas. Etenim supplicium capitis feret gladio ultore prostratus, quicumque iussis obsequium denegauerit. DAT VIII KAL. FEB. MEDIOL(ANO) CONSTANTINO A. VIIII ET IVLIANO CAES. II CONSS.
“L’empereur Constance au peuple. Que personne ne consulte un haruspice, un astrologue ou un devin. Que les augures et les prophètes fassent taire leur confession dépravée. Que les Chaldéens, les mages et tous les autres que la foule appelle ‘sorciers’ à cause de la grandeur de leurs forfaits, n’ourdissent rien dans ce sens. Silence imposé à tous et à tout jamais quant à la curiosité de la divination. Et que soit frappé de la peine capitale, terrassé par un glaive vengeur, quiconque aura refusé d’obéir aux ordres. – Fait le 8 des calendes de février, à Milan, sous le consulat de Constance Auguste pour la neuvième fois et de Julien César pour la seconde”.
31L’interdiction s’étend en effet pour la première fois à toutes les formes d’haruspicine, privée et publique112, et la menace de mort aux clients comme aux devins. Le mot d’ordre qui revient à deux reprises est le silence (conticescat, silet).
32Malgré le caractère intraitable de la mesure, il semble qu’à la cour, certains aient fait acte de résistance et enfreint délibérément la loi. En 358, le COD. Theod. 9.16.6113, adressé cette fois au préfet du prétoire, se montre implacable :
IMP. CONSTANTIVS A. AD TAVRVM P(RAEFECTVM) P(RAETORIO). Etsi excerpta tormentis sunt corpora honoribus praeditorum, (...) tamen quoniam qui in comitatu nostro sunt ipsam pulsant propemodum maiestatem, si quis magus (...) aut haruspex aut hariolus aut certe augur uel etiam mathematicus aut narrandis somniis occultons artem aliquam diuinandi aut certe aliquid horum simile exercens in comitatu meo uel Caesaris fuerit deprehensus, praesidio dignitatis cruciatus et tormenta non fugiat. Si conuictus [ad] propium facinus detegentibus repugnauerit pernegando, sit eculeo deditus ungulisque sulcantibus latera perferat poenas proprio dignas facinore. DAT. III NON. IVL. ARIMINI DATIANO ET CEREALE CONSS.
“Même si les personnes dotées de charges officielles sont exemptées de tortures, sauf évidemment pour ces crimes qui sont mentionnés par les lois, même si tous les magiciens, dans quelque partie du monde qu’ils se trouvent, doivent être tenus pour des ennemis du genre humain, cependant, puisque ceux qui sont dans notre suite s’attaquent presque à notre majesté elle-même, si quelque magicien ou quelque habitué des souillures magiques – celui qu’on appelle sorcier dans la langue courante – ou quelque haruspice ou quelque charlatan ou du moins quelque augure ou quelque astrologue, ou quelque individu dissimulant une quelconque activité divinatoire sous prétexte d’expliquer les rêves ou du moins pratiquant quelque profession similaire, était arrêté dans ma suite ou celle du César, il n’échappera pas sous couvert de sa dignité à la question et aux tortures. Si, une fois convaincu de son propre forfait, il se défendait contre ceux qui l’ont découvert, en continuant de nier, qu’il soit livré au chevalet et que, les onglets lui labourant les flancs, il subisse des châtiments dignes de son forfait particulier
33Si des membres de la cour impériale sont surpris à pratiquer quelque forme de divination ou de magie114, ils seront torturés et crucifiés. On ignore si le net durcissement de cette mesure est lié à la découverte d’un complot115 ou si Constance craignait tout simplement un renversement provoqué par des membres de la cour. En tout cas, la vie de l’empereur continuait d’être l’objet de spéculations. Des raisons d’État, plus que des motifs religieux, nécessitaient l’instauration de lois draconiennes.
34Il n’est pas certain que le COD. Theod. 9.16.6 ait été appliqué avec toute la rigueur que Constance voulait voir imposer. Si l’haruspicine n’est pas mentionnée dans les inscriptions funéraires après 358, l’augurat apparaît dans une série de cursus sénatoriaux de cette époque116. De plus, dans les années qui suivent, Démétrius, philosophe païen, accusé au cours du procès de Scythopolis d’avoir sacrifié en plusieurs occasions, se justifie, en invoquant une visée propitiatoire117. Aristophanès, accusé d’avoir introduit un astrologue auprès de Parnassius, préfet d’Égypte, n’est pas condamné à mort parce que sa divination était destinée aux intérêts privés de Parnassius118. Il faut dire que les récits païens de cette époque foisonnent de présages funestes, attestant la colère des dieux. Un essaim d’abeilles qui s’est réfugié dans la maison de Barbation, comes domesticorum de Gallus, magister peditum praesentalis, est interprété par les haruspices consultés comme l’annonce d’un grand danger119. De même, quand un enfant bicéphale naît avec une double dentition, une barbe, quatre yeux et deux oreilles minuscules, Ammien Marcellin regrette amèrement que l’abandon du rituel de la procuratio prodigiorum empêche ses contemporains d’apaiser les dieux invités par les mesures de Constance II120. Pourtant, la simple mention d’une consultation d’haruspices dans le procès de Scythopolis et à propos du présage de l’essaim d’abeilles dans la maison de Barbation atteste que les haruspices ont continué, malgré l’interdiction formelle de COD. Theod. 9.16.4, d’interpréter les prodiges. Il est vraisemblable aussi qu’ils ont participé aux conspirations des hauts dignitaires de l’Empire, visant à établir un véritable païen au sommet de l’État.
35Les mesures de Constantin et de Constance II signent la fin d’une époque ; désormais, excepté pendant les règnes de Julien121 qui manifeste sa faveur aux haruspices, et de Valentinien Ier qui reprend la distinction constantinienne entre bonne et mauvaise haruspicine122, les haruspices exercent dans la clandestinité, à en croire la mention d’attestations nominales d’haruspices uniquement à l’occasion de procès.
3. Un répit sous julien
36Les haruspices, victimes des lois constantiniennes, interdisant successivement haruspicine publique et privée, semblent avoir profité du retour au pouvoir d’un empereur païen, Julien, très favorable à la divination, pour régler leurs comptes avec ceux dont les théories sur les sacrifices avaient étoffé les arguments de leurs adversaires chrétiens et justifié les lois anti-divinatoires de Constantin. Ils font ainsi valoir auprès de l’empereur leur supériorité pratique et détruisent à rebours les principes de base de leurs ennemis philosophes.
37Cette fois encore, les haruspices s’illustrent auprès d’un païen à l’ouverture d’esprit remarquable. Comme Sévère Alexandre et Dioclétien dans un premier temps, Julien semble accueillir avec une égale faveur païens et chrétiens. Il accomplit les rites païens, tout en assistant aux fêtes chrétiennes de l’Épiphanie123. La situation, pourtant, a changé : les païens sont désormais marginaux et la confession chrétienne est devenue le modèle dominant. Aussi, Julien n’adhère pas à la religion chrétienne par conviction personnelle, mais par souci de s’assurer l’appui des chrétiens, dont le nombre, déjà important, croît dans de fortes proportions en Gaule, dans l’armée et dans la population civile124. La prière chrétienne de Julien entre donc dans le cadre d’une stratégie politique : il s’agit de contrer l’influence de Constance, qui soutient les ariens, en prenant le parti opposé, celui de la réaction occidentale de l’orthodoxie nicéenne. Ainsi, dans la même optique, Julien laisse-t-il se tenir les conciles anti-ariens, tandis qu’il s’adonne en secret aux rites païens125.
38Les haruspices, peu sensibles aux arguments politiques de Julien, n’ont sûrement pas apprécié la tolérance affichée par le prince pour les autres formes de rapports avec les dieux que ceux de la religion romaine traditionnelle126. Néanmoins, à la différence de ce qui avait pu se passer sous le règne de Sévère Alexandre et de Dioclétien, une opposition directe aux chrétiens et, cette fois à leurs complices païens, les néoplatoniciens, s’avérait irréalisable. Les chrétiens sont devenus trop nombreux et trop puissants pour qu’une persécution en vienne à bout. La démarche des haruspices se transforme donc. Puisque Julien se doit de composer avec la majorité chrétienne, dont il ne partage pas la foi127, la dénonciation n’est plus de mise. Il n’est plus opportun de s’en prendre de front aux chrétiens. Les païens sont en situation de faiblesse et de minorité, c’est pourquoi les haruspices ne peuvent plus prendre l’initiative. Tout au plus ont-ils encore le loisir de démontrer leurs compétences en matière de divination et leur supériorité face aux philosophes.
3.1. Convaincre Julien
39Dans un premier temps, il faut convaincre Julien lui-même de la justesse des prédictions fournies par des spécialistes en haruspicine. Ignorant encore la mort de Constance, l’empereur Julien s’arrête en Dacie en hiver 361, hésitant sur la conduite à suivre. Les renseignements qu’il croit avoir tirés des entrailles des victimes et des vols d’oiseaux lui apparaissent incertains et obscurs. Un expert en haruspicine nommé Aprunculus intervient alors pour lui procurer la bonne interprétation128. Pour avoir observé un foie à double enveloppe, il lui fournit la juste explication de ce qui va lui arriver. L’empereur, sceptique cependant, a besoin d’un signe supplémentaire pour être convaincu129. Il semble qu’il faut lire l’anecdote sur deux plans différents. D’une part, Aprunculus fait une leçon d’haruspicine à Julien : il lui montre que l’haruspicine doit être pratiquée par des spécialistes, ayant consacré le temps et l’énergie nécessaires à l’acquisition de cette science. Ainsi les consultations d’Aprunculus, orateur, haruspice d’occasion peut-être, mais aruspicinae peritus, donnent-elles des résultats sûrs, tandis que ceux des inspections de Julien apparaissent confus130. Peut-être faut-il y voir en filigrane la revendication d’un rétablissement d’une véritable haruspicine officielle131. On ne s’improvise pas haruspice, même lorsque l’on est prince132. Si Aprunculus n’avait de lui-même133 cherché à connaître le sort qui attendait Julien, ce dernier n’aurait pas appris d’avance de manière certaine la mort de Constance. Or, le manque de formation en haruspicine qui caractérise les haruspices officiels du temps de Julien aurait pu conduire Aprunculus à formuler une interprétation faussée. Heureusement, ce dernier a peut-être reçu l’enseignement haruspicinal de la “belle époque” de l’haruspicine, avant les lois constantiniennes. De ce point de vue, l’abolition des catégories d’haruspices née de ces lois et le manque de sélection dans l’institution de nouveaux haruspices officiels pourraient se révéler dangereux. D’autre part, Aprunculus démontre à Julien la valeur scientifique des consultations haruspicinales, quand elles sont menées par des spécialistes. Ainsi, Julien devrait admettre que la chute d’un soldat confirme l’interprétation d’Aprunculus. Seule la faiblesse de caractère de l’empereur l’empêche de croire au message des signes divinatoires. La double démonstration de l’haruspice ne suffit donc pas.
3.2. Concurrencer les philosophes
40Les haruspices s’en prennent aussi aux philosophes néoplatoniciens que Julien a emmenés avec lui134. Avant d’arriver à Doura-Europos, d’abord, un groupe de soldats lui présente un lion énorme qu’ils ont criblé de traits pour se défendre de ses attaques135. Julien prend ce fait pour un présage mais demeure indécis sur le sens à lui accorder. Il n’accorde pas crédit aux haruspices qui montrent leurs libri exercituales pour prouver la valeur funeste du signe136. Il leur préfère l’interprétation favorable des philosophes137 qui s’appuient sur un rapprochement d’événements : un lion que l’on venait de tuer a été présenté à Maximien César avant de vaincre le roi perse Narsès138. Le lendemain, l’opposition entre haruspices et philosophes se renouvelle à propos du foudroiement d’un soldat nommé Jovien139. Les haruspices, se fiant cette fois à leurs livres fulguraux140, interprètent le phénomène comme un nouveau signe défavorable141, tandis que les philosophes y voient un présage de gloire, d’après le mouvement ascendant des flammes142. La suite des événements donne raison aux haruspices et montre l’aveuglement de Julien : quand, la veille de la mort de Julien, les haruspices interprètent un nouveau signe divin, le passage d’une étoile filante, comme une invitation à ne rien tenter143, l’empereur, conformément à ses habitudes, plus superstitieux que réellement pieux144, ne les écoute pas et marche vers son trépas. Les philosophes néoplatoniciens qui avaient fourni des armes théoriques aux chrétiens et qui entretenaient le scepticisme de certains païens, comme Julien, envers les vieilles méthodes de divination romaines sont décrédibilisés par l’anecdote.
41Évidemment, cette progression vers une mort par superstition est voulue par Ammien Marcellin, dont le goût pour l’haruspicine est patent. L’historien, qui soutient l’effort de l’opposition païenne145, cherche à ruiner les fondements théoriques de l’argumentation chrétienne. Il met donc les haruspices en situation de supériorité vis-à-vis des philosophes146. Cependant, comme ces faits de gloire des haruspices n’apparaissent chez aucun des autres historiens contemporains147, il est impossible de savoir dans quelle mesure ils relèvent de l’imagination d’Ammien Marcellin. Si la confrontation ne s’est peut-être pas réellement déroulée de la façon dont la présente l’écrivain latin, il paraît vraisemblable que l’influence des haruspices auprès de l’élite intellectuelle ait été concurrencée par celle des philosophes. Aucun haruspice n’est attesté dans les inscriptions contemporaines. Il est douteux que les accusations portées par certains chrétiens à propos de l’augmentation subite de nombre de devins correspondent à la réalité148. Tout au plus des devins qui exerçaient jusque-là à titre privé à cause des lois constantiniennes se sont-ils mis à pratiquer leur art publiquement. Sans doute ces devins ont-ils eu le sentiment d’une libération149. Surtout, la pensée païenne de cette époque est dominée par les néoplatoniciens. Si Julien, intéressé par toutes les formes de divination, était entouré d’haruspices et de philosophes, comme le montre Ammien Marcellin, les haruspices, victimes des lois constantiniennes anti-sacrificielles que les philosophes avait inspirées, n’ont sûrement pas laissé passer l’occasion d’affronter publiquement ceux qui les avaient fait condamner quelques années plus tôt. Pour autant, ils n’ont peut-être pas convaincu sur le moment le sceptique Julien, comme de nombreux païens, de la valeur de leurs consultations. L’ancienneté de la science haruspicinale et l’anonymat des haruspices pourraient avoir joué contre les haruspices. L’Etrusca disciplina, même si elle s’adaptait aux courants religieux en vogue, ne possédait pas l’attrait de la nouveauté : elle véhiculait des traditions séculaires, contrairement à la philosophie néo-platonicienne en constant renouvellement. De plus, elle ne comptait pas de grandes figures humaines fondatrices ou exemplaires : l’haruspicine, praxis plutôt que philosophie, ne possède pas de grands praticiens dont la réputation traverse les âges150, encore moins de théoriciens. Il est certes possible d’opposer Tagès à Jésus, mais qui opposer à Platon ou à Abraham ? L’hellénisme de Julien qui le tournait vers un syncrétisme philosophique et divinatoire mystique, est ainsi condamné par Ammien Marcellin, acteur et témoin d’une campagne perse dont il comprend peut-être mal les raisons. La valorisation de l’haruspicine intervient ainsi dans l’œuvre d’Ammien Marcellin comme une remise à l’honneur des traditions occidentales151 face à une vogue orientalisante152, susceptible de faire évoluer le paganisme survivant vers un nouveau monothéisme solaire153 et de prêter de nouvelles armes aux chrétiens154, mais cet effort de mise en valeur de l’haruspicine, sans doute exprimé aussi par Ammien en présence de Julien, n’a pas nécessairement convaincu le prince. Pour les chrétiens, l’intervention d’haruspices aux côtés de philosophes a aussi renforcé l’impression que le paganisme faisait corps contre les chrétiens. Rufin, par exemple, inclut devins et philosophes dans un même groupe de serpents hideux, faisant obstacle de toutes leurs forces à l’action d’Athanase155.
4. La répression des haruspices
42Après un répit provisoire pendant le règne de Julien, les haruspices subissent en effet une législation pire encore que celle de Constantin et Constance II. Dans cette deuxième étape de la répression de l’haruspicine, les haruspices sont d’abord menacés de persécutions par une sévère utilisation des lois constantiniennes, puis par de nouvelles mesures directement dirigées contre eux, prises par les successeurs de Valentinien le Jeune, Gratien et Théodose. Dans les procès qui leur ont été intentés, les haruspices semblent avoir servi de boucs émissaires à la politique anti-sénatoriale des hommes au pouvoir.
43L’interdiction des pratiques magiques et haruspicinales privées édictée par les lois constantiniennes est ainsi utilisée pour condamner à mort deux haruspices, dans la seconde moitié du ive s. p.C. Amantius156, l’haruspice le plus connu de cette époque, est arrêté en 360 p.C. sur une dénonciation anonyme et jugé pour avoir accompli un sacrifice pour le proconsul d’Afrique, Hymétius, qui voulait procéder à des pratiques occultes. Malgré ses dénégations, il est condamné et exécuté parce qu’on estima avoir trouvé chez lui des preuves de sa culpabilité. Dans des lettres manuscrites, Hymétius lui demandait en effet de supplier les puissances divines de favoriser la clémence des empereurs à son égard ; à la fin, il s’en prenait à Valentinien, l’accusant d’avidité et de cruauté157. De son côté, Campensis158 est brûlé vif en 369-370 p.C. après dénonciation de Chilon159 et de son épouse Maxima auprès d’Olybrius, le préfet de la Ville, puis auprès de Maximin, le préfet de l’annone, aidé du notaire Léon, pour tentative de meurtre par poison.
4.1. Répression antisénatoriale
44En fait, la condamnation d’Amantius, comme celle de son confrère Campensis, s’inscrit dans la ligne des grands procès pour pratiques magiques qui visent la noblesse romaine160. Sont ainsi successivement accusés, entre autres, le sénateur Céthégus, accusé d’adultère, le jeune noble Alypius pour une faute légère161, Hymétius, le commanditaire de l’haruspice Amantius162, le jeune Lollianus, fils de l’ancien préfet Lampadius, qui aurait retranscrit un traité de pratiques magiques163, deux sénateurs Paphius et Cornélius avouant avoir pratiqué la science maudite des poisons164 et Aginatius, aristocrate de vieille souche165. L’objectif de Valentinien et de ses acolytes semble avoir été de faire place nette166 à une nouvelle élite, débarrassée de préjugés religieux et politiques défavorables à la nouvelle dynastie et reconnaissante de l’ascension sociale qui lui est réservée. C’est ainsi que, pour symboliser cette politique de purge aristocratique167, Ammien Marcellin rapporte un prodige étrange à la fin de son long récit des procès menés par Maximien : on voit fleurir des balais, ceux-là mêmes qui servent à nettoyer la curie sénatoriale168. L’image des balais, employée à dessein par Ammien Marcellin, dénonce sûrement169 la mesure prise par Valentinien le 18 novembre 367170 d’accorder la dignité sénatoriale aux retraités les plus élevés en grade parmi les notarii, les agentes in rebus et autres personnels subalternes de la cour. La délégation de plusieurs aristocrates auprès de Valentinien pour demander le priuilegium dignitatis en dehors des cas de lèse-majesté171 s’est faite en pure perte, tant la noblesse est facile à viser à travers des attaques pour magie. Il suffit de pousser aux flancs quelques bonnes volontés et Maximin lance la machine judiciaire destructrice172.
45Dans la liste des aristocrates accusés de pratiques magiques, les haruspices font figure de redoutables inculpés. Alors que ses deux complices supposés semblent avoir livré les noms de leurs associés, ce qui leur permet d’éviter la mort par le feu ou par le fer, Campensis paraît avoir gardé le silence, puisqu’il ne profite d’aucun allègement de son sort173. Amantius continue de nier son implication dans l’affaire Hymétius malgré le supplice du chevalet174 et se voit condamné à l’exécution capitale, alors qu’Hymétius, qui lui a demandé d’accomplir des sacrifices solennels pour supplier les puissances divines, est seulement exilé dans l’île de Boa, en Dalmatie175. Surtout, dans les documents trouvés chez Amantius, on découvre des invectives adressées contre l’empereur, son avidité et sa cruauté. L’accusation première de magie176 se double donc d’une autre de crime de lèse-majesté177. L’empereur et ses acolytes voient assurément dans les haruspices des ennemis du régime, des suppôts du paganisme ; les haruspices sont aussi suspectés de tirer de leurs connaissances divinatoires des moyens destinés à menacer les personnes haut placées et à renverser le pouvoir178. Pourtant, les haruspices n’ont jamais prétendu au pouvoir, et les juges qui les condamnent le savent ; à travers les haruspices, ce sont les clients des haruspices qui sont visés, clients de l’ordre sénatorial auxquels il est plus difficile de s’attaquer directement mais qu’il convient d’effrayer en coupant court à toute spéculation sur le prince.
46Sans aller jusqu’à considérer les haruspices comme des boucs émissaires de l’opposition anti-sénatoriale, il faut bien admettre que les haruspices ont subi une répression qui ne les visait pas spécifiquement pour leurs conceptions religieuses, mais pour les espérances qu’ils pouvaient donner à leur clientèle sénatoriale. Ce lien entre haruspices et sénateurs qui, a priori, est de nature avant tout commerciale, a fait dire à l’auteur anonyme de l’Expositio totius mundi et gentium, rédigée justement en 355 environ, lorsqu’il décrit le mode de vie des sénateurs, qu’il est certain que les sénateurs ont des haruspices179. Il n’est pas prouvé que des haruspices aient fourni leurs consultations exclusivement à un public de sénateurs. Néanmoins, il est indéniable que les condamnations ont renforcé une solidarité de nature politique et religieuse qui pouvait déjà exister de fait entre haruspices et certains sénateurs. Haruspices comme sénateurs pourraient avoir en effet cherché à défendre le paganisme en adoptant un même type d’attitude, la multiplication des sacerdoces et des charges religieuses païennes. Une attestation d’haruspice, celle de M. Antonius Sotericus180, laisse ainsi penser qu’une stratégie de défense commune a pu être adoptée par les uns et les autres malgré leur différence de dignité, voire d’origine181. La liste des responsabilités religieuses assumées par l’haruspice M. Antonius Sotericus, malgré sa jeunesse, répond ainsi à celle d’un sénateur comme P. Vettius Agorius Praetextatus182 : à lire leurs inscriptions funéraires183, les deux hommes ont recherché la quantité des fonctions religieuses, tout en manifestant un goût pour des types de fonctions ou des divinités communs. M. Antonius Sotericus et Prétextat ont eu tous deux des activités divinatoires : le premier comme haruspice, le second comme augure, ce à quoi il faut ajouter qu’au titre de quindécemvir sacris faciundis, ce dernier a peut-être veillé au contenu de la discipline des haruspices des 60 et que Macrobe fait de lui dans ses Saturnales un excellent connaisseur de l’Etrusca disciplina184 ; tous deux ont peut-être appartenu au clergé mithriaque, le premier comme prêtre de Sol Inuictus deus, le second comme pater sacrorum ; tous deux se sont montrés attachés à Liber pater, le premier comme ministre du dieu, le second comme sacratus Libero ; enfin, tous deux ont voulu mettre l’accent sur leur dévotion à l’ensemble des dieux, le premier comme cultor deorum, le second comme idolorum cultor d’après l’un des ses adversaires chrétiens185 et comme sacrorum omnium praesul d’après l’un de ses partisans païens186.
47Le prince affiche sa tolérance à l’égard des païens ; en réalité, cependant, comme le suggère l’insistance avec laquelle l’édit de 371187 s’attarde sur le cas de l’haruspicine, l’accusation de pratiques magiques sert à éliminer les éventuels opposants politiques et les soutiens religieux de cette opposition. De fait, les haruspices ne commettent, d’après le texte d’Ammien, aucun acte interdit. Ils n’offrent pas de consultation sur le salut de l’empereur ou de l’État. S’ils sont accusés de magie188, c’est en raison des intentions de leurs consultants.
48Valentinien Ier qui accorde à tous la pleine liberté religieuse et tolère l’exercice d’une haruspicine exercée innocemment189 craint en effet par-dessus tout les pratiques magiques, destinées à nuire à des individus particuliers190, et particulièrement à des hommes de pouvoir.
4.2. Répression antimagique
49La plupart des haruspices se sont donc contentés de proposer des consultations sur des sujets anodins qui ne leur faisaient pas encourir de risques d’être emprisonnés ou exécutés. S’ils ont alors utilisé de fait la magie, il s’agissait en revanche dans la plupart des cas de magie blanche qui n’était pas destinée à nuire. Augustin lui-même reconnaît dans ses Confessions avoir rencontré un de ces haruspices aux pratiques finalement bien innocentes. Le jeune Augustin s’était alors présenté à un concours de poésie théâtrale à Carthage quand un haruspice lui avait proposé ses services contre rémunération s’il voulait obtenir la victoire. Augustin les aurait alors refusés, prétextant qu’il ne laisserait pas tuer même une mouche pour une victoire poétique191. L’intervention d’un haruspice dans une affaire de concours n’a rien de neuf. Juvénal, au début du iie s. p.C., s’attaquait à une matrone romaine qui consultait un haruspice pour savoir si le citharède Pollion remporterait les jeux Capitolins192. Au ive siècle, d’après le témoignage d’Augustin, les haruspices ont pu promettre plus encore qu’ils ne l’avaient fait au iie siècle, à savoir non une simple prédiction, mais la promesse d’une victoire grâce à l’action des démons. Il n’est pas sûr que les haruspices aient cherché à obtenir cette victoire, en nuisant aux concurrents de leurs clients, comme prétendaient le faire un certain nombre de magiciens de l’époque193. A cette époque, tous les devins étaient soupçonnés de recourir à la magie noire ; or, il est difficile de faire la part entre les accusations portées et les faits accomplis, entre les pratiques divinatoires courantes et les actes des haruspices.
50Il est incontestable en tout cas que la discipline des haruspices évolue au ive s. p.C.194, en se rapprochant de la magie plus encore qu’elle ne l’avait fait auparavant195. D’autres attestations montrent que les haruspices ont étendu leurs activités à des champs qui relevaient auparavant des simples uates en raison du crédit acquis à cette époque par les pratiques magiques et astrologiques ainsi que son corollaire, la confusion entre science et magie. Les haruspices ont emprunté certaines des techniques magiques qu’ils ont utilisées à des traditions totalement étrangères au paganisme, à savoir les religions iranienne et juive alexandrine196. La scholie anonyme des vers 516-517 du livre IV de la Thébaïde de Stace197 fait ainsi intervenir les Étrusques dans une anecdote où apparaît un motif magique qui provient d’une légende juive, devenu un topos de la littérature hagiographique : tuer un taureau par le seul nom de Dieu198. On y lit en effet qu’une nymphe qui n’était pas encore mariée avait prouvé qu’il n’était pas permis à l’homme d’entendre le nom du Dieu très grand, en abattant publiquement un taureau par le seul nom de Dieu qu’elle lui avait soufflé à l’oreille. F. Cumont a ainsi remonté le fil des emplois successifs de ce motif et établi un ordre des emprunts qui va d’abord de la tradition juive jusqu’à la tradition iranienne. Il est en effet parti, d’abord, du texte des Actes du martyre de saint Georges par Pseudo-Pasicratès, dont le noyau primitif a probablement été rédigé à la fin du ive s. ou au début du ve s. p.C. en Cappadoce et qui montre la mort et la résurrection d’un taureau par le mage Athanase, puis dans la légende de Saint Sylvestre rédigée à Rome au ve siècle où Sylvestre ressuscite un taureau qu’avait tué un rabbin nommé Zambi ou Zambrès en prononçant le nom de son dieu. Enfin, F. Cumont est arrivé à un fragment de l’Histoire des Juifs d’Artapanos du iie s. a.C. où ce dernier raconte un épisode de l’Exode. Dans ce passage, Moïse réussit à faire perdre la vie au Pharaon, en lui disant à l’oreille le nom du dieu qui l’a envoyé, et à le ressusciter aussitôt après. La passion de Saint Georges est donc née dans un milieu profondément “iranisé” et influencé par les conceptions juives. Le recours à un motif magique d’origine “orientale” n’a rien d’étonnant si l’on considère la connaissance de la doctrine juive par les haruspices, voire les contacts entre haruspices et théologiens juifs, que l’on peut déduire de l’article “Tyrrhénie” de la Souda199. On y lit en effet une présentation d’une cosmogonie attribuée à un “expert de la nation (étrusque)” qui reprend le premier chapitre de la Genèse. Cependant, cette fois, l’emprunt juif se double d’un autre, probablement d’origine iranienne, car la doctrine biblique comprend un cycle total de douze millénaires, six déjà écoulés, six à venir, qui rappelle ce que F. Cumont relève dans les livres mazdéens. Dans un chapitre du Boundahish, on trouve ainsi douze millénaires successifs, un par signe du zodiaque, soit 6 000 ans avant la création du premier couple humain et 6 000 autres occupés par la succession des rois et des générations. De ces deux textes, on peut donc inférer une attitude intellectuelle des haruspices. Ces devins se sont ouverts aux traditions étrangères pour y trouver de quoi renouveler leurs acquis religieux et mieux rivaliser avec le christianisme. Parmi ces apports, la magie a tenu une place essentielle.
51Les conséquences d’une telle ouverture à des savoirs étrangers par leur origine et par leurs techniques au fonds traditionnel de l’haruspicine ont sans doute eu pour effet de brouiller l’image de l’haruspice au sein des praticiens de la divination. Certains auteurs chrétiens ont ainsi saisi l’occasion qui leur était ainsi offerte pour reprendre l’accusation traditionnelle de charlatanerie qui visait les haruspices. Ausone se moque ainsi d’un haruspice nommé Diodore, qui, appelé au chevet d’un malade nommé Marcus, aurait justement prédit à celui-ci le nombre de jours qu’il lui restait à vivre si un médecin n’avait achevé le client souffrant, en lui prenant le pouls200. Le nom de l’haruspice, inconnu par ailleurs, vise peut-être à dévaloriser ses pratiques peu orthodoxes. L’Antiquité classique a connu de nombreux Diodore passés maîtres dans l’art de philosopher ou de soigner201. Ce nom était peut-être passé dans l’usage commun pour désigner un beau parleur. Les juges des haruspices Amantius et Campensis s’appuyaient donc sur la réalité d’une haruspicine élargie quand ils les condamnaient pour pratiques magiques.
4.3. Supplices pour les haruspices sous Théodose, Gratien et Valentinien II
52Sous l’influence d’Ambroise, évêque de Milan202, une politique de rupture entre l’État et le mos maiorum est mise en place, qui procède graduellement203 par interdictions des pratiques païennes et par persécutions des derniers païens pratiquants204. Les haruspices sont personnellement visés par une législation particulière destinée à interdire leur activité dans les cadres privé et public. En 381, un premier édit, promulgué en commun par Théodose, Gratien205 et Valentinien II, condamne à de lourdes peines celui qui sera convaincu d’avoir accompli des sacrifices diurnes ou nocturnes à des lins divinatoires :
COD. Theod. 16.10.7 : IMPP. GR(ATI)ANVS, VAL(ENTINI)ANVS ET THEOD(OSIVS) AAA. FLORO P(RAEFECTO) P(RAETORI)O. Si qui uetitis sacrifiais diurnis nocturnisque uelut uesanus ac sacrilegus, incertorum consultorem se immerserit fanumque sibi aut templum ad huiuscemodi sceleris executionem adsumendum crediderit uel putauerit adeundum, proscribtione se nouerit excolendum, non diris carminibus profanandum. DAT. XII KAL. IAN. CONSTANTINOP(OLI) EVCHERIO ET SYAGRIO CONSS.
“Les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose et Florus, préfet du prétoire. Si quelqu’un, par des sacrifices interdits, diurnes et nocturnes, s’est plongé, comme un forcené et un sacrilège, dans la consultation des événements incertains, et a cru ou imaginé qu’il devait aller dans un temple pour exécuter un crime de cette sorte, qu’il sache qu’il doit être amélioré par la proscription et ne pas commettre de profanation par des vers sinistres. Fait le douzième jour avant les calendes de juin, à Constantinople, sous les consulats d’Eucherius et de Syagrius”.
53Évidemment, à mots couverts, sans les nommer, l’interdiction vise en premier les haruspices, puisque c’est leur activité qui est condamnée, et reprend les condamnations antérieures de magie noire. Après un rappel de l’interdiction des sacrifices dans les temples qui sont délibérément laissés ouverts au public206, en mai 385, un second édit s’en prend à ceux qui sacrifient pour recevoir du foie et des entrailles d’une victime sacrifiée “l’espoir d’une vaine promesse” et pour connaître le futur par ce genre de consultation ; les contrevenants seront condamnés au supplice de la croix :
COD. Theod. 16.10.9. IMPP. GR(ATI)ANVS, VAL(ENTINI)ANVS ET THEOD(OSIVS) AAA. CYNEGIO P(RAEFECTO) P(RAETORI)O. Ne quis mortalium ita faciendi sacrifiai sumat audaciam, ut inspectione iecoris extorumque praesagio uanae spem promissionis accipiat uel, quod est deterius, futura sub execrabili consultatione cognoscat. Acerbioris etenim imminebit supplicii cruciatus eis, qui contra uetitum praesentium uel futurarum rerum explorare temptauerint ueritatem. DAT. VIII KAL. IVN. CONSTANT(INO)P(OLI) ARCADIO A.I. ET BAVTONE V.C. CONSS.
“Les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose à Cynegius, préfet du prétoire. Qu’aucun mortel ne prenne l’audace de faire un sacrifice qui lui fasse recevoir de l’inspection du foie et du présage des entrailles l’espoir d’une vaine promesse, ou, ce qui est pire, de connaître le futur au moment d’une consultation exécrable. De fait, la souffrance d’un supplice plus amer menacera ceux qui. contre mon interdiction, auront cherché à sonder la vérité du présent ou du futur. Fait le 8e jour avant les calendes de juin, à Constantinople, sous les consulats d’Arcadius A.I. et de Bauto V.C.”
54S’il demeurait encore des doutes sur l’identité des uesani et sacrilegi, concernés par le précédent édit, la deuxième constitution les écarte, en se montrant des plus explicites avec l’expression inspectione iecoris extorumque praesagio. Seuls les haruspices s’intéressent de près à ces organes, au iecus pour examiner s’il porte un caput et de quelle sorte207, aux exta, pour déceler éventuellement leur caractère de regalia208. En 388 p.C., un haruspice est victime de cette législation : Innocentius est jugé dans une affaire d’enchantements après la mort de Justine, l’épouse de Valentinien209. Il aurait avoué sous la torture avoir sacrifié au faîte du toit de l’église de Milan et envoyé des démons assassiner Ambroise.
55Un troisième édit210, en février 391, adressé par Théodose de Milan à Albinus, préfet de la ville de Rome211, réitère l’interdiction de sacrifice, en particulier des sacrifices animaux, et défend de s’approcher des autels et des temples, notamment aux indices, consulaires, correctores et praesides :
COD. Theod. 16.10.10. IMPP. GR(ATI)ANVS. VAL(ENTINI)ANVS ET THEOD(OSIVS) AAA. AD ALBINVM P(RAEFECTVM) P(RAETORI)O. Nemo se hostiis polluat, nemo insontem uictimam caedat, nemo delubra adeat, templa perlustret et mortali opere formata simulacra suspiciat, ne diuinis adepte humanis sanctionibus reus fiat. Iudices quoque haec forma contineat, ut, si quis profano ritui deditus templum uspiam uel in itinere uel in urbe adoratus intrauerit quindecim pono auri ipse protinus emere cogatur nec non officium eius parem summam simili maturitate dissoluat, si non et obstiterit iudici et confestim publica adtestatione rettulerit. Consulares senas, officia eorum simili modo, correctores et praesides quaternas, apparitiones illorum similem normam aequali sorte dissoluant. DAT. VI KAL. MART. MED(IOLANO) TATIANO ET SYMMACHO CONSS.
“Les empereurs [Valentinien, Théodose et Arcadius] Augustes à Albinus, préfet [de la Ville]. – Que personne ne se souille avec des victimes, que personne n’abatte un animal innocent, que personne n’entre dans les sanctuaires, n’examine les temples avec soin et n’admire des statues fabriquées par le travail de mortels, de manière à ce qu’il ne devienne pas accusé par des sanctions divines et humaines. Que les juges aussi soient soumis à ce règlement, de telle sorte que si quelque juge, dévoué à un rite profane, est entré quelque part dans un temple, soit au cours d’un voyage, soit dans la Ville, pour y faire des prières, qu’il soit aussitôt contraint de payer quinze livres d’or et que son bureau s’acquitte avec une semblable promptitude d’une somme égale s’il ne s’est pas opposé au juge et s’il n’a pas avoué immédiatement en produisant des preuves publiquement. Les consulaires devront payer six livres et leurs bureaux aussi d’une manière semblable, les correcteurs et les gouverneurs devront en payer quatre et leurs services une somme semblable selon un sort égal. – Fait le 6 des calendes de mars, à Milan, sous le consulat de Tatianus et de Symmaque, le 24 février 391”.
56La clientèle des haruspices, à qui s’appliquent de lourdes amendes proportionnelles au rang qu’elle occupe au sein de l’administration, est donc condamnée au même titre que ceux qu’elle consulte212.
57Enfin, après une interdiction des sacrifices et de l’accès aux temples destinée à l’Égypte213, un quatrième édit signe l’arrêt de mort du paganisme en novembre 392. Il est interdit à tous, sans distinction de condition, de sacrifier et de consulter des spirantia exta et, à l’instar de ce qui se passe pour le crime de lèse-majesté, celui qui sera dénoncé sera condamné, même si son implication dans un acte concernant la vie des princes n’est pas établie ; de plus, toute consultation en général sur la vie d’autrui est prohibée :
COD. Theod. 16.10.12. IMPPP. THEOD(OSIVS), ARCAD(IVS) ET HONOR(IVS) AAA. AD RUFINVM P(RAEFECTVM) P(RAETORI)O. (...) Quod si quispiam immolare hostiam sacrificaturus audebit aut spirantia exta consulere, ad exemplum maiestatis reus licita cunctis accusatione delatus excipiat sententiam competentem, etiamsi nihil contra salutem principum aut de salute quaesierit. (...). DAT. VIID. NOV. CONST(ANTINO)P(OLI) ARCAD(IO) A. II ET RVFINO CONSS.
“Les empereurs Théodose, Arcadius et Honorius à Rufinus, préfet du prétoire. Si quelqu’un ose immoler une victime dans l’intention de sacrifier ou consulter ses entrailles palpitantes, après avoir été dénoncé par une plainte permise à tous comme accusé de lèse-majesté pour l’exemple, qu’il reçoive la sentence appropriée, même s’il n’a pas posé de questions contre le salut du prince ou au sujet de celui-ci”.
58En fait, par ce biais, c’est toute la divination pratiquée par les haruspices, voire toute pratique religieuse païenne214, qui est devenue répréhensible. Des arguments moraux justifient dans des édits postérieurs la condamnation de la curiositas diuinandi. Dans l’un215, la victime destinée au sacrifice est qualifiée d’“innocente” ; dans un autre216, le sacrifice violerait “les lois de la nature”.
59A partir de tin 392, aucun haruspice n’est plus connu nommément. Les chrétiens, en obtenant de longue lutte la christianisation de l’empire, ont réussi à faire taire de redoutables adversaires, des païens fervents.
4.4. Les haruspices, grands perdants de la bataille de la Rivière Froide
60Le parti païen déjà considérablement affaibli par le gouvernement de l’empire par un chrétien perd toutes chances de restauration du paganisme au pouvoir avec sa défaite lors de la bataille de la Rivière Froide, les 5 et 6 septembre 394. Les haruspices qui n’interviennent pas directement dans le combat subissent les conséquences de ce revers dans la mesure où la bataille n’oppose pas seulement deux hommes, Eugène et Théodose, mais aussi deux religions, qui s’affrontent avec des armes autant militaires que religieuses.
61La bataille, connue uniquement par des sources chrétiennes217, semble être apparue aux yeux de tous, chrétiens et païens, comme une lutte avant tout religieuse. Il y a d’abord avant la bataille une rivalité entre divinations chrétienne et païenne. Du côté païen, on fait sacrifices sur sacrifices, on ensanglante Rome de victimes funestes, on examine les entrailles de moutons pour annoncer à Eugène que les foies garantissent la victoire218. Un personnage s’illustre peut-être tout particulièrement dans ce recours à la divination, Nicomaque Flavien. Ce gendre de Symmaque, décrit par Macrobe comme un expert en science du droit augural219, est accusé par Rufin d’Aquilée, dans son Histoire ecclésiastique reprenant peut-être l’Histoire ecclésiastique de Gelasius de Césarée220, d’animositas pour avoir causé la folie sacrificielle qui s’empara, au moment de la bataille, du camp de l’usurpateur Eugène. Il est aussi peut-être221 montré par le Carmen contra paganos222 comme l’élève du premier haruspice Numa Pompilius223 et comme un ami des Étrusques224. Peut-être est-ce à ce moment aussi que Nicomaque Flavien diffuse un oracle rédigé en vers grecs annonçant pour cette année-là la fin du christianisme225. Le temple d’Hercule à Ostie, où un haruspice avait fait ériger un relief décrivant une opération de sortitio en faveur d’un général romain, dans la première moitié du ier s. a.C., est restauré226. Du côté chrétien, un moine égyptien du nom de Jean promet deux fois la victoire à Théodose227 qui ne cède pas à la tentation de recourir à des sacrifices pour connaître l’avenir228. Il y a ensuite recours et utilisation de forces divines lors l’affrontement direct entre croyances. Théodose qui combat plus par la prière que par l’épée229 fait mettre une croix à la tête de ses troupes et recourt aux saints230, tandis que les soldats ennemis portent l’image d’Hercule et font élever et consacrer dans les Alpes des statues de Jupiter porteur de foudres d’or231. Théodose est également aidé par une vision de Jean l’Évangéliste et de Philippe l’Apôtre. Le vent se manifeste aussi en faveur des chrétiens et contre les païens puisqu’il détourne les javelots et les flèches des soldats d’Eugène loin de leur cible jusqu’à les diriger contre ceux qui les ont lancés232. Vaincu par l’alliance de ces forces divines, Eugène est fait prisonnier par Théodose.
62Le paganisme, alors moribond, est achevé par la législation anti-païenne des fils de Théodose. En août 395, Arcadius et Honorius renouvellent en Occident l’interdiction des sacrifices (COD. Theod. 16.10.13), puis, en 396, l’abolition des exemptions en faveur des prêtres païens (COD. Theod. 16.10.14) ; enfin, en 399, ils ordonnent la destruction des temples ruraux (COD. Theod. 16.10.16).
5. Méconnaissance et dérision des haruspices
63Les attaques des écrivains chrétiens à l’encontre des haruspices de la fin du ive siècle changent alors de nature. Le danger de l’haruspicine étant écarté et les haruspices se faisant moins visibles, les spécificités de l’Etrusca disciplina deviennent méconnues, bien que les anecdotes sur les interventions des haruspices de la République et du Haut-Empire soient reprises et commentées par des érudits chrétiens comme Augustin233. Quant aux païens, ils ironisent sur la victoire chrétienne qu’ils sont forcés d’accepter, en idéalisant un passé où les haruspices avaient une place reconnue et en pastichant les conceptions religieuses de leurs ennemis.
5.1. Méconnaissance du côté chrétien
64Les haruspices sont rangés dans des listes de devins de pratiques et d’origines différentes sans que cette accumulation ne vise à dévaloriser les haruspices, en les assimilant à d’autres types de praticiens. Jérôme commente ainsi la mention d’incantatores qu’il trouve chez Isaïe, en la développant par une série de synonymes applicables à la situation de Babylone et de la Chaldée, augures, harioli et Gazareni, qu’il considère comme les haruspices de son temps234. Or, augures et haruspices ont vu leur champ d’activités se différencier progressivement sous l’empire ; l’appellation d’harioli tend à désigner péjorativement toutes sortes de devins235 et aucun haruspice ou examinateur d’entrailles de victimes sacrifiées de Gadara ou à Gadara n’est attesté, seul un haruspice, peut-être d’origine syrienne, est connu236. Jérôme place aussi les haruspices parmi les Chaldéens, les harioli, les devins (diuini), les tireurs de sorts (sortilegi) et les oracles des démons qui trompent les hommes de leurs illusions237. Un problème de définition de ce qu’est un haruspice est peut-être à l’origine de la confusion de Rufin d’Aquilée dans sa traduction de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée : il prend les prophètes et les prêtres que Licinius fait arrêter et torturer à son arrivée à Antioche, en raison de leur complicité avec Théotecne, pour des haruspices alors qu’Eusèbe de Césarée n’emploie jamais les termes grecs correspondants238.
65Si l’on en croit la fausseté des descriptions d’haruspices, l’haruspice ne fait plus partie des figures familières. Le Gaulois Paulin de Nole confond les haruspices avec les prêtres isiaques. Il les présente en effet comme des hommes chauves, présents dans les bois de Péluse et se frappant la poitrine jusqu’à se faire mal pour déplorer la douleur d’autrui239.
66Paradoxalement, les écrivains païens dont on pourrait supposer qu’ils connaissent mieux l’haruspicine se réfèrent à des techniques qu’ils connaissent par les livres mais dont on ne perçoit pas la familiarité personnelle. En traitant des haruspices, ils évoquent davantage leurs lectures que les pratiques qu’ils pourraient avoir vu appliquer. Dans son In Eutropium dirigé contre le tuteur d’Arcadius, Claudien reprend, en les concentrant dans une accumulation érudite, tous les signes divins enregistrés par Tite-Live, à savoir monstres, présence de loups dans la ville, animaux parleurs, pluies de pierres et de sang, double lune et double soleil240. Comme Juvénal, trois siècles auparavant, à propos de cérémonies en l’honneur d’un mignon241, Claudien invite les haruspices à venir débarrasser Rome du pire prodige qui lui ait été donné de voir, Eutrope. mais c’est l’ingénieuse Étrurie qui est convoquée d’abord pour consulter les feux de la foudre, ensuite seulement l’haruspice pour chercher dans les libres les signes funestes. Tout comme l’origine, les domaines de compétences des haruspices sont donc parfaitement connus d’Eutrope. Claudien ne se contente pas d’une vague allusion aux sacrifices, puisqu’il distingue les sacrifices consultatoires pour deviner les dispositions des dieux à l’égard des hommes et les sacrifices expiatoires quand il suggère de sacrifier Eutrope pour apaiser le courroux divin ; il porte aussi l’accent sur la fulguration et sait reconnaître la faculté des haruspices à interpréter les prodiges242. Cependant, ce savoir relève d’une érudition littéraire convenue.
67Un seul auteur chrétien de cette fin de ive s., Augustin, s’en prend aux haruspices pour des pratiques qu’il connaît, à la fois pour les avoir lues chez les auteurs classiques et les avoir vu pratiquer en personne. La confrontation des traditions qu’il rapporte sur les haruspices et de ses propres expériences personnelles permet de comprendre la difficulté de certains auteurs chrétiens à identifier les haruspices. Augustin, qui a lu dans Tite-Live et Plutarque243 les interprétations fournies à Sylla par l’haruspice Postumius, sait sur quels types d’indices s’appuient les haruspices et comment ils élaborent leurs réponses. Quand Sylla s’apprête à marcher sur Rome, Augustin signale des entrailles de victime favorables et lors du séjour de Sylla à Tarente, indique la présence d’une couronne sur le foie du veau sacrifié244. Augustin connaît aussi, sans doute par Cicéron et incontestablement grâce à une référence du prêtre païen Longinien245 avec lequel il entretient une correspondance, la figure fondatrice de Tagès et les livres d’haruspicine qui portent son nom246. Pourtant, il ne saisit pas l’originalité de l’haruspicine étrusque, puis romaine. Il fait parler Postumius sous l’inspiration d’un esprit divin247, confondant ainsi l’enthousiasme des devins grecs et la technique des haruspices ; il parle d’haruspices à propos des devins de Cumes qui interprètent les pleurs de la statue d’Apollon248, alors qu’ils sont de tradition grecque. Ces flous dans la conception livresque qu’a Augustin de l’haruspicine tiennent peut-être à ce que sont devenus en réalité les haruspices pour beaucoup de ses contemporains, de simples devins auxquels on recourt ponctuellement pour connaître l’avenir. Aussi est-ce peut-être la réalité de l’expérience d’Augustin qui l’empêche de saisir toutes les nuances de ce qui lui est rapporté dans les livres. Il est peut-être contraint, en outre, par l’élargissement des compétences des haruspices privés contemporains recourant à des pratiques qui relevaient auparavant des magi et des mathematici. En plus, il doit s’adapter à ce que les chrétiens de son époque entendent par haruspices. Dans ses sermons, il se réfère ainsi à ce que ses coreligionnaires et lui connaissent, c’est-à-dire à une vague idée de l’haruspicine qui met les haruspices en lien avec le sacrifice ; Augustin applique donc le terme d’haruspices à tous les sacrificateurs.
68Contrairement à beaucoup d’écrivains de cette fin de ive s. p.C., Augustin considère que, malgré les interdictions qui pèsent sur leur activité, les haruspices continuent d’exercer et comptent parmi leurs clients des chrétiens à qui ils font encourir des dangers. Dans ses sermons, il ne cesse ainsi de mettre en garde les fidèles de Carthage contre les consultations d’haruspices249. Les arguments développés par l’apologiste chrétien pour détourner de cette divination sont les suivants. Parfois, Augustin accuse les clients chrétiens des haruspices d’infidélité : Dieu étant considéré comme l’époux de l’âme du chrétien, le chrétien commet l’adultère en faisant entrer chez lui des devins, des haruspices, des augures et des sorciers250. La curiosité excite le désir de consulter des magiciens, des haruspices, des sorciers et des augures, mais la légèreté de cette faute entraîne facilement sa répétition251. Surtout, il condamne l’utilisation que les haruspices font des démons. Reprenant une tradition déjà ancienne252, il considère en effet que les divinations des haruspices relèvent des démons253. Il dénonce donc l’infraction aux préceptes de la vraie religion qui condamne le recours aux démons parce qu’ils sont mus par la colère, les présents, les honneurs, les passions et les mouvements de l’âme et qu’ils ne constituent pas des exemples de comportement254. D’ailleurs, les démons se montrent uniquement préoccupés par leurs intérêts, c’est pourquoi ils donnent, par exemple, de l’espoir aux ambitions démesurées de Sylla sans le prévenir du désastre où le mènent finalement ses vices255. Par conséquent, il ne faut pas se tromper de solution ; recourir à un haruspice, quand on a une cause périlleuse à défendre, est contradictoire pour un chrétien car on ne peut rechercher l’aide des démons, alors qu’on les déteste. Or, les haruspices sont justement les réceptacles (uasa) des démons. Il faut donc les fuir pour devenir l’associé du Christ et son cohéritier256. Afin d’éviter la tentation de se rendre ainsi esclave des démons, Augustin incite donc les chrétiens à désapprouver les haruspices, sans crainte de se singulariser, pour éloigner leur cœur de ce mal et il range les clients d’haruspices parmi les avares, les parjures, les adultères, les frivoles, les clients des exaltés et des augures, les ivrognes et les luxurieux257. Pour relativiser le sentiment de minorité des chrétiens qui refusent de consulter ces sortes de devins, il compare les chrétiens à des grains qui ne se distinguent pas de la paille, mais qui au bout du compte forment une masse importante258. Il invite aussi les chrétiens à ne pas se laisser tromper non plus par les manœuvres des philosophes néo-platoniciens qui, par orgueil, dédaignent emprunter la “voie” de plaine qui mène à la “patrie” au profit d’une invitation à prendre le chemin vers un sommet, jalonné de sacrilèges comme la promesse d’une purification259 dans les temples et le recours à des cérémonies magiques et à des secrets détestables pour emmener d’orgueilleux crédules consulter des mathematici, tireurs de sorts, augures et haruspices260. En effet, cette erreur aurait pour conséquence de séparer le chrétien de ses parents à la fois mortels et immortels, son père, Dieu, et sa mère, l’Église261. La connaissance de Dieu ne suffit donc pas ; il faut encore veiller à garder l’humilité pour éviter une fausse médiation vers la divinité. De ce point de vue, la purification recommandée par ces philosophes équivaut à une faute d’orgueil qui mène à une souillure superstitieuse et sacrilège. En consultant mathematici, tireurs de sorts, haruspices et Chaldéens, les faibles préfèrent une iniquité qui les trompe262. Du coup, le sommet qu’ils atteignent se révèle enchevêtré et inextricable et ne leur permet pas de parvenir jusqu’à la patrie car le diable s’est interposé en médiateur pernicieux et fallacieux : la purification a tenu lieu d’obstacle263. C’est ainsi que la consultation d’un haruspice fait partie de la chaîne des péchés. Pour Augustin, en effet, on recourt à un haruspice parce qu’on a commis un péché auparavant. Il cite ainsi l’exemple de l’homme qui a perpétré un vol ; ce voleur voudra tuer celui qui l’a vu voler ; puis, il cherchera à tuer celui qui l’a vu tuer ; ensuite, il s’enquerra des réponses d’un mathematicus, de là de l’expiation d’un haruspice ; enfin, l’haruspice affirmant qu’il ne peut obtenir l’expiation, il recourra à un maleficus. Au total, il aura commis six péchés et la série n’est pas finie car les péchés se succèdent comme des chaînes ou s’entrelacent comme des cheveux264. Enfin, Augustin invite le chrétien et le païen à considérer les implications de la victoire du christianisme. Jamais la transformation du Dieu d’Israël en Dieu de toute la terre n’a été prédite par un devin païen. Jamais des avertissements n’ont été lancés par les oracles. Jamais le triomphe du christianisme n’a été annoncé dans les livres païens. Il faut nécessairement en conclure que les paroles des devins païens n’ont aucune valeur. D’ailleurs, ces devins, augures, auspices, haruspices et oracles des démons ont déserté265.
5.2. Dérision du côté païen
69Peu de païens s’expriment alors sur la défaite des valeurs païennes. On ne sait si l’auteur de l’Histoire Auguste est réellement représentatif quand il ironise sur les véritables vainqueurs du présent, en prêtant certaines de leurs armes idéologiques à leurs propres ennemis, les haruspices. En tout cas, il révèle l’effort d’intégration par les haruspices d’apports idéologiques étrangers, voire contraires à leur propre théorie du monde. Ainsi, selon lui, dans la Vie de Tacite, des haruspices, appelés à interpréter la destruction et l’éparpillement de deux statues en marbre, l’une de Florien, l’autre de Probus, auraient prédit que 1 000 ans plus tard, naîtrait de la famille des deux princes un empereur romain qui imposerait la domination aux barbares, rendrait le pouvoir au sénat et mourrait à l’âge de 120 ans sans héritier266.
70Ce genre de prédiction à long terme ne correspond pas aux habitudes des haruspices. Dans la religion étrusque, le prophétisme est “rejeté aux origines”, comme l’a exprimé D. Briquel267, et ne révèle pas d’événements, mais des savoirs techniques, philosophiques et religieux. Surtout, il est le fait d’êtres surnaturels, non de simples mortels comme les haruspices des anecdotes ci-dessus. L’enfant-vieillard Tagès268 et la nymphe Végoia269, enseignent ainsi les principes de l’haruspicine et non une vision précise de l’avenir. L’auteur attribue aux haruspices une portée et une précision de prophétie qu’ils ont empruntées ou qu’on leur fait emprunter ailleurs que dans leur propre fonds religieux. Les traces les plus visibles de cette prophétie sont ainsi à chercher chez les propres adversaires des haruspices, chez les chrétiens, qui condamnent leurs pratiques. Les prophéties sur 1 000 ans, en l’occurrence ici sur 1120 ans, ont été élaborées dans les milieux judéo-chrétiens et ont connu leur floraison du ier s. a.C. au iiie s. p.C.270. Seul en Occident, Lactance, au début du ive s. p.C., dans les livres VII et VIII des Institutions divines, accorde encore quelque crédibilité aux théories des grands prophètes chrétiens et juifs sur le futur règne du Christ271. S’appuyant sur le verset 4 du Psaume 89, selon lequel, aux yeux de Yahvé, 1 000 ans sont comme le jour qui n’est plus, Lactance applique le schéma de la semaine de la Genèse au monde depuis sa création272. Ainsi, selon lui, à son époque, les 6 000 ans du monde touchent à leur fin ; avant 200 ans, le monde connaîtra une issue fatale et Rome s’écroulera en ruines. Pour séduire les populations, l’Antéchrist fera alors descendre le feu du ciel, arrêtera le soleil et fera parler une idole. Effrayés, les justes s’enfuiront alors au désert poursuivis par l’Antéchrist, jusqu’à ce qu’une épée tombe du ciel et ranime la confiance des assiégés. Au milieu d’une nuit de Pâques, le Seigneur apparaîtra alors comme la foudre et descendra avec ses anges273, faisant fuir et périr l’Antéchrist. C’est alors que les chrétiens ressusciteront et que leurs actions seront pesées. Si les bonnes prédominent, ils passeront l’épreuve du feu purificateur et jouiront de la félicité. Suivra un règne de mille ans, souche d’une nouvelle et sainte humanité. Enfin, après mille ans, aura lieu une résurrection dernière et générale274.
71L’auteur de l’Histoire Auguste suit de près le texte de Lactance275, puisqu’on retrouve dans la prophétie des haruspices les 1 000 ans à venir276, un règne sans partage d’un sauveur sur le monde277, une résurrection d’un monde idyllique appartenant au passé278 et une vie humaine de 120 ans279. Dans le détail cependant, cette reprise d’éléments du chiliasme chrétien par l’auteur de l’Histoire Auguste tient moins de la volonté d’enrichir un patrimoine disciplinaire sans cesse en quête d’ouvertures théologiques et divinatoires280 que de l’intention de montrer l’inanité de telles conceptions. Ainsi, à faire correspondre élément par élément les deux passages prophétiques, on a le sentiment que l’auteur de l’Histoire Auguste a voulu réaliser un véritable pastiche du texte de Lactance. Les 1 000 ans d’intervalle, qui séparent dans l’Histoire Auguste la prophétie des haruspices de la naissance du brillant héritier de Probus et de Tacite, sont un moment de vacance, de vacuité complète ; les haruspices ne daignent même pas évoquer tout ce qui se passera pendant ce laps de temps, tant leur vision est dirigée vers les 120 ans de gloire du règne de l’homme providentiel. Or, ces années, mises en parallèle avec les durées décrites dans le texte de Lactance, correspondent aux temps les plus agités de la conception millénariste du monde. Pendant ce temps, Rome est détruite et l’Antéchrist règne. La superposition des deux passages fait donc des princes chrétiens qui interdisent l’haruspicine et la pratique des cultes païens, depuis le temps de la prophétie de l’Histoire Auguste jusqu’au règne du descendant de Tacite et de Probus, qui remet à l’honneur le sénat et ses traditions, des figures dignes de l’Antéchrist. De plus, les 120 ans de gloire du règne de cet héritier de Tacite et de Probus, restaurateur des antiques lois, correspondent au règne du Christ sur terre, règne vengeur281 inauguré par l’arrivée du Christ tamquam fulgur282 et poursuivi par la mise au feu de statues quand la défaite de l’Antéchrist sera avérée283. La foudre briseuse de statues qui annonce dans l’Histoire Auguste l’arrivée du sauveur païen signe dans le texte de Lactance la fin de l’Antéchrist, la mise au feu de ses statues et le règne victorieux du Christ. La symétrie des signes et des royaumes n’est évidemment pas fortuite ; l’auteur de l’Histoire Auguste pastiche bien sûr avec un plaisir non dissimulé le déroulement des derniers millénaires du monde du texte de Lactance. Il utilise un schéma à peu près identique, mais pratique l’inversion subtile des figures. L’Antéchrist est remplacé par les princes chrétiens et le Christ, par le prince païen. L’auteur de l’Histoire Auguste ne prend pas ce jeu d’inversion au sérieux. Il affirme, en effet, à la fin du passage que les prédictions de ces haruspices sur 1 000 ans ne sont pas risquées, tandis qu’elles le seraient pour 100 ans. Ce dernier trait vise évidemment les prophéties millénaristes des chrétiens et des juifs, qui ne sont nullement vérifiables, et non les prédictions des haruspices qui ne s’étendent pas sur plus de 100 ans.
72De fait, si les prophéties présentées par Lactance ont évidemment des sources païennes284, pour tous les contemporains de l’auteur de l’Histoire Auguste, le millénarisme évoquait davantage Lactance que les oracles sibyllins et le pseudo-Hystaspe285 qui constituent forcément des sources secondaires du texte de l’Histoire Auguste. En effet, les oracles sibyllins ne possédaient pas l’unité narrative du texte de Lactance. Lactance a beau truffer son texte de citations des oracles sibyllins, celles-ci sont tellement diverses et disparates qu’elles sont difficilement identifiables sans un recueil de ces vers sous les yeux. Le Pseudo-Hystaspe, de son côté, annonçait la destruction de Rome et la revanche de l’Orient vaincu, mais la révélation de la destinée de Rome y prenait la forme d’un songe étonnant qu’interprétait un enfant prophétique. Or, ni le songe ni l’enfant-prophète ne sont des éléments de la réponse des haruspices de l’Histoire Auguste.
73C’est donc dans un contexte chrétien, de défaite du parti païen, qu’il paraît bon de lire la prophétie de l’Histoire Auguste et de comprendre la dérision apparente des prophéties des haruspices. Au début du ve s. p.C., il ne restait plus à des païens fervents comme l’auteur de l’Histoire Auguste que l’écriture el l’humour pour prendre une revanche sur le christianisme.
6. La disparition des haruspices
74Le triomphe de Théodose et le suicide de Nicomaque Flavien signent la lente fin des haruspices. Il n’y a plus que l’érudition haruspicinale pour survivre encore durablement à la domination chrétienne et à la défaite militaire des païens.
6.1. Échec de l’haruspicine romaine
75Si les chrétiens ont voulu en finir avec la science de la divination haruspicinale, il n’est pas sûr, néanmoins, que toutes leurs tentatives aient en effet réussi. On peut ainsi soupçonner Stilicon d’avoir fait détruire les livres d’haruspicine en même temps que les livres sibyllins, pendant les derniers mois de sa régence, en 407, pour mettre fin aux prophéties catastrophiques qui couraient286. Le regroupement de tous les livres prophétiques païens, livres étrusques, comme les libri Fatales et les libri Vegoici, comme livres sibyllins, dans le temple d’Apollon287, facilitait, il est vrai, la tâche d’un incendiaire. Néanmoins, les haruspices n’avaient pas besoin de ces livres pour proposer des interprétations ou des prophéties. Des vulgates latines des traités étrusques s’étaient diffusées depuis longtemps dans les milieux cultivés et étaient encore consultées par les érudits contemporains et postérieurs. Le texte étrusque des livres d’haruspicine conservés dans le temple d’Apollon n’était d’ailleurs sans doute plus compris288.
76Cependant, l’action des chrétiens est efficace sur le plan de la pratique haruspicinale. Les haruspices, qui appartiennent au camp des vaincus, n’interviennent quasiment plus. Leurs dernières interventions s’accomplissent sans doute dans des situations désespérées. Les haruspices auraient sauvé d’abord la province de Tuscie-Ombrie, en repoussant Alaric de la ville de Narni grâce à des rites anciens consignés dans leurs livres sacrés289. Puis, ils auraient tenté de préserver la ville de Rome, peut-être290 à l’appel du préfet païen291 Gabinius Barbarus Pompeianius292. Le pape Innocent Ier293 aurait cependant refusé les cérémonies publiques que les haruspices jugeaient indispensables294 et n’aurait autorisé que des rites secrets295. De leur côté, les sénateurs auraient préféré courtiser Alaric, plutôt que de se livrer à des pratiques démoniaques296. Il est difficile de savoir ce qui s’est réellement passé. Nos deux seuls témoignages sur la question diffèrent297, sûrement parce qu’ils viennent des partis opposés et que l’haruspicine continuait d’être un enjeu religieux important. Zosime, le païen, présente la proposition des haruspices comme la dernière chance de sauver Rome, quand Sozomène, le chrétien, voit en Rome une ville qui doit de toute façon payer pour ses péchés, que des haruspices interviennent ou non à la demande de quelques païens. Dans les deux versions, en tout cas, les haruspices offrent un recours contre le long siège d’Alaric. Qu’ils aient été sollicités par les seuls païens ou par l’ensemble des Romains, les haruspices ont sûrement été des interlocuteurs des sénateurs. Ces derniers, en effet, affrontaient une situation militaire difficile. Abandonnés par leurs esclaves qui rejoignaient le camp barbare298 et exemptés du service militaire, ils ne pouvaient défendre en personne leur cité. Ils ont donc pu être poussés par les derniers païens d’entre eux299 à faire appel à des techniques haruspicinales éprouvées. Les haruspices, que la perte de leurs livres ancestraux dans l’incendie du temple d’Apollon handicapait sans doute moins que les pontifes ou les quindécemvirs300, savaient en effet provoquer la foudre ou les éclairs pour éloigner un danger menaçant. La tradition fulguratoire, incarnée peut-être au ier s. a.C. par L. Cafatius L. f. Stell., haruspex fulguriator301, et évoquée par Pline l’Ancien à la même époque à propos du règne de Porsenna302, avait sans doute été conservée par oral ou par écrit303 dans le milieu des haruspices. Ces derniers, que cette demande a mis en position de force, ont peut-être profité de l’occasion pour exiger de l’État la reconnaissance publique qui leur était refusée depuis longtemps304. C’est ainsi qu’ils sollicitent le financement public des cérémonies et la participation des sénateurs aux solennités305, comme aux beaux temps de l’Empire païen. Cette tentative de retour en arrière pouvait à juste titre passer pour une régression. Il est donc vraisemblable que la source chrétienne de l’événement ait tu la réaction du pape si elle a réellement eu lieu. Pour autant, nous ignorons si les haruspices ont accepté d’accomplir les rites nécessaires à la fulguration. Néanmoins, si Zosime laisse entendre qu’ils ont refusé, alors qu’il avait la possibilité de mettre en valeur leur action dans la sauvegarde de Rome, c’est que les haruspices ne sont pas allés jusqu’au bout de leur défi. Malgré la menace du danger barbare, les haruspices n’ont pas pu renverser le rapport de forces. Du moment que le sénat était gagné par la foi chrétienne, les haruspices avaient perdu leur principal appui306.
6.2. Refuge des haruspices dans les campagnes ?
77Après ces événements, les haruspices ne sont plus mentionnés qu’incidemment, on ne relève plus que quelques exemples de pratique d’haruspicine. Même si Cyrille prétend en 440 dans son Contre Julien, que la divination par les victimes de sacrifices se pratique autant que l’astrologie307, les attestations sont rares. En 439, le général romain Litorius accomplit en vain des rites d’haruspicine lors du siège de la ville de Toulouse308 et il faut attendre le milieu du vie s. p.C. pour trouver un événement mettant aux prises un haruspice avec un prodige. Dans le principe, le signe divin correspond à la tradition des ostenta publica. Quand un boeuf309 est monté sur un taureau en bronze du forum romain de la Paix, un haruspice d’origine étrusque déduit de la nature des animaux et du lieu de l’événement qu’un eunuque régnerait sur Rome310. L’interprétation s’avère juste puisque c’est un eunuque, Narsès, à qui l’empereur Justinien confie le commandement de la campagne contre les Ostrogoths de Totila. Le fait s’inscrit donc dans la lignée des prodiges républicains et impériaux classiques dont Julius Obsequens s’est fait le collecteur. Dans le détail cependant, l’on perçoit des changements notables dans la pratique de l’haruspicine. L’haruspice qui résout l’énigme du forum de la Paix est un modeste haruspice de campagne, “un rustre” d’apparence, alors qu’un ostentum publicum relève à l’époque classique de la compétence des haruspices des 60. La différence de condition révèle sans doute en partie la situation générale des haruspices et de l’haruspicine à cette époque. D’après le texte de Procope, l’haruspicine urbaine semble avoir disparu311 : c’est un paysan qui interprète un prodige survenu en pleine ville, comme quelqu’un d’arriéré qui a gardé de vieilles superstitions malgré l’évolution des idées et des mœurs. Il est probable qu’une pratique haruspicinale, restée fidèle à certaines traditions de l’Etrusca disciplina, s’est maintenue dans les campagnes par transmission familiale312, puisque l’haruspicine officielle, essentiellement urbaine313, avait été supprimée. Dès le début du ve siècle, Maxime de Turin s’en prend au rusticus aviné qui continue de sacrifier, à ce dianaticus ou à cet haruspice qui laisse derrière lui des traces de ses méfaits démoniaques, comme des mottes de terre et des charbons morts ; il critique le culte rendu sur ces autels de bois et à ces statues de pierre qu’on trouve dans les champs, tout en condamnant le laisser-faire qui consiste à laisser un rusticus sacrifier, sans participer au sacrifice314.
78Cependant, on doutera que l’haruspicine ait totalement quitté cette sphère urbaine. Le triomphalisme des sources chrétiennes ne doit pas faire illusion et il ne faut sans doute pas croire Théodose II quand, en 423, il affecte de douter qu’il existe encore des païens dans son Empire. Les textes chrétiens du ve siècle reflètent en réalité une “idéologie du silence”315, visant à masquer la survie du polythéisme par le “mirage d’un Empire totalement chrétien”. Certes, le christianisme est devenu la religion prédominante de l’Empire, par son établissement matériel, par le prestige de ses institutions et par le rayonnement social de ses divers porte-parole, mais ses fidèles n’ont pas pour autant constitué une écrasante majorité de la population de l’Empire. Au milieu du vie siècle, en effet, Martin de Braga, sollicité par l’évêque d’Astorga, Polémius, éprouve le besoin d’écrire un traité consacré à la catéchèse des ruraux, un sermo rusticus où il reprend les arguments traditionnels des chrétiens pour décourager toute tentative de consultation d’un devin : la divination n’est que vanité, tromperie et illusion. Il y ajoute néanmoins de nouvelles idées propres à effrayer les hésitants : non seulement cette tentation risque de faire perdre la foi, mais elle fait encourir la mort à ceux qui se laissent séduire car la connaissance du futur est interdite aux hommes et réservée à Dieu qui dirige tout316. En 589, le Concile provincial de Narbonne s’en prend aux magiciens et aux tireurs de sorts317. Un siècle après le prodige du forum de la Paix, en 633, le quatrième Concile de Tolède condamne quiconque, religieux ou laïc, consulte des haruspices318 et, dix ans plus tard, le roi Chisdavinte interdit de consulter les devins, y compris les haruspices, de salute uel morte principis uel cuiuscumque hominis319, haruspices et clients courant le risque de subir des coups de fouet, une confiscation des biens et de finir en servitude s’ils sont affranchis ou vendus outre-mer après avoir été torturés s’ils sont esclaves. La crainte des dirigeants wisigoths ne peut avoir tenu à de simples fantasmes : ils n’auraient pas fait figurer les haruspices parmi les devins incriminés par seule imitation des interdictions divinatoires promulguées par les empereurs romains. Au contraire, la mention des haruspices dans ces deux textes législatifs très tardifs indique que certains ont continué de se dire haruspices et de pratiquer l’haruspicine secrètement, dans un milieu urbain de responsables politiques et religieux. Les risques de renversement politique, visés par le code de Chisdavinte320, et de déviation théologique, notamment craints par le Concile de Tolède, ne se couraient pas dans les campagnes, parmi les « rustres », mais dans les milieux citadins cultivés de royaume321.
6.3. Persistance d’une culture de l’haruspicine
79La permanence d’une érudition étruscologique connue au vie s. p.C.322 confirme la possibilité de la poursuite d’une pratique de l’haruspicine, conforme aux canons de l’Etrusca disciplina, à cette époque et dans ces élites323. En même temps, il faut admettre que ces études savantes connaissent alors une certaine floraison car elles manifestent un intérêt avant tout intellectuel pour ces antiquités et se montrent détachées des contingences pratiques. Ceux qui s’y livrent s’intéressent au passé du christianisme et n’encourent donc pas de danger. Aucun des antiquaires du vie siècle n’est d’ailleurs soupçonné de passer de la théorie à la pratique de l’haruspicine. Sans risques pour leur personne, Fulgence, au début du vie s. p.C., utilise des expressions du vocabulaire haruspicinal324, Jean le Lydien écrit un traité De ostentis, fondé notamment sur les œuvres de Nigidius Figulus, de Cornelius Labéo, de Clodius Tuscus et de Vicellius325, et Isidore de Séville, au viie s. p.C. encore, utilise pour ses études étymologiques des notices érudites sur la culture étrusque326. Plus tard encore, Tzetzès et Hésychius327 compilent encore des gloses sur des mots d’origine étrusque qui, d’après leur thématique, atmosphérique, religieuse, instrumentale, herbes et classes d’âge, proviennent probablement des livres de la discipline étrusque. Néanmoins, la poursuite d’une pratique ou d’une connaissance de l’haruspicine ne va pas de pair, à cette époque, avec l’existence publique et visible d’haruspices. Si des sacrifices sanglants continuent de donner lieu à des examens d’entrailles de victimes, si des vols d’oiseaux, des passages de comètes ou la naissance d’androgynes suscitent des interprétations fondées sur les données de l’Etrusca disciplina, les auteurs de ces avis ne se présentent plus comme haruspices, ils exercent l’haruspicine en marge d’autres activités pour éviter la répression qui pourrait s’abattre sur eux. L’haruspicine, alors, n’est plus un enjeu de confrontations violentes entre polémistes chrétiens et apologistes païens. C’est dans ce cadre chronologique et dans ce milieu, à notre avis, qu’il faut placer aussi le noyau d’un texte qui présente d’étranges similitudes avec celui de l’Histoire Auguste, l’article “Tyrrhénie” de la Souda328. La proposition de G. Schmeisser329, qui fait d’Amelius Gentilianus Tuscus, l’élève de Plotin, l’auteur du récit de la Souda, ne nous paraît pas justifiée. Il faut attendre un à deux siècles, l’existence de princes chrétiens et la promulgation de lois explicitement dirigées contre les haruspices, pour qu’une telle élaboration d’une doctrine étrusque à partir d’un récit de création judéo-chrétien soit réalisée dans des milieux savants, non chez des praticiens. Les haruspices, confrontés sur le terrain à la lutte contre l’oppression chrétienne, n’auraient pas emprunté aux chrétiens leurs propres armes au risque de perdre ce qui faisait leur identité et leur culture et d’avouer leur défaite conceptuelle. Il en était sûrement de leur fierté, de leur dignité et de leur postérité. Il fallait que les haruspices eussent quasiment disparu pour que cette alliance d’idées se réalisât sans risque. Il fallait que l’haruspicine eût pris le pas sur les haruspices.
80Les haruspices ont disparu à la suite de la mise en place par des princes chrétiens d’un arsenal juridique qui a interdit successivement la pratique de l’haruspicine privée et publique. Les haruspices n’ont pas pu résister longtemps aux lois à leur encontre dans la mesure où l’élite sénatoriale s’est convertie dans le même temps aux idées des princes chrétiens. Le recrutement et la clientèle d’une haruspicine de prestige se sont donc rapidement taris. Une haruspicine plus populaire a pu trouver en Étrurie et dans les campagnes un vivier durable de praticiens et de clients mais la répression des consultations divinatoires a sûrement dissuadé plus d’un haruspice de se montrer à l’œuvre en public. Aussi les citoyens de l’Empire ont-ils rapidement méconnu les spécificités de la pratique des haruspices. L’haruspicine a donc survécu en tant que savoir élitiste, Etrusca disciplina, dans des cercles d’érudits qui voyaient un intérêt intellectuel à collecter cette tradition et n’avaient pas le souci religieux d’apaiser les dieux.
Notes de bas de page
1 Cf. Abst., 2 et 3. Sur la critique des cultes païens par Porphyre, cf. De Giovanni 1977, 51 sq. et 100 sq. Pour une bibliographie sur Porphyre, cf. Smith 1987, 717-773.
2 Cf. Myst. 5.10-14, une réponse d’Abammon à la lettre de Porphyre à Anébon. Sur la position religieuse de Jamblique, cf. Dalsgaard Larren 1987, 862-909. Porphyre, comme Jamblique, s’appuie sur une tradition de dénigrement de la divination inductive, qui remonte au Phèdre, 244b et au Banquet, 244a-244d de Platon.
3 Sur l’opposition des néoplatoniciens à l’haruspicine, on pourra consulter le point de vue de Montero Herrero 1988, 69-84.
4 Cf. Eus., PE., 4.13.
5 Cf. 41.
6 Cf. Myst., 5.14.
7 Cf. Abst., 2.42.3.
8 Cf. Aug., civ., 8.13 [= Mastandrea 1979, frg 16] : Qui Labeo numina mala uictimis cruentis atque huius modi supplicationibus placari existimat.
9 Cf. Abst., 2.38.2-3.
10 Cf. Abst., 2.38.4.
11 Cf. Abst., 2.40.2.
12 Cf. Abst., 2.40.3.
13 Cf. Abst., 2.40.3.
14 Cf. Porph., Epist. Aneb. ap. Aug., Civ., 10.11 ; Lact., Inst., 2.16.10 : ut illiciant facile, in templis se occulunt et sacrificiis omnibus praesto adsunt.
15 Cf. Lact., Inst., 2.17.
16 Cf. Abst., 2.43.1.
17 Cf. Abst., 2.52.2. Dans Epist. Aneb., 15, Porphyre justifie donc le succès de la divination par l’aliénation mentale et les fantasmes de ceux qui y ont recours.
18 Cf. Abst., 2.52.4.
19 Cf. Myst., 5.9.
20 Cf. Myst., 5.14.
21 Cf. Myst., 5.14.
22 Cf. Paul, Ep. Corinthiens. 10.20.
23 Cf. Cels., 4. 92.
24 Cf. Cels., 4.90, qui s’appuie sur Hom., Il., 2.308-321 et 12.200-209.
25 Cf. Cels., 4.92.8-16.
26 Cf. Cels., 4.93.
27 Cf. Cels., 4.95. Traduction de M. Borret, Paris, Sources chrétiennes, 1968.
28 Cf. Apol., 35.12.
29 Cf. Apol., 35.13.
30 Cf. Apol., 43.1.
31 Cf. Apol., 22.8.
32 Cf. Apol., 22.10.
33 Cf. Apol., 22.8.
34 Cf. Apol., 22.12.
35 Cf. 27.2. Traduction de J. Beaujeu, Paris, CUF, 1974.
36 Cf. 27.1. Traduction de J. Beaujeu, Paris, CUF, 1974.
37 Cf. 26.8. Traduction de J. Beaujeu, Paris, CUF, 1974.
38 Cf. 27.2.
39 Cf. 26.7 : Quamquam inter multa mendacia uideri possit industriam casus imitatus.
40 Cf. 4.89.3-10.
41 Cf. Cels., 1.36.10-15.
42 Sur la fiabilité du témoignage de Lactance, cf. Sordi 1984, 134 ; Montera Herrero 1991, 56 ; Uda 1999, 166-175. On mettra à part le témoignage d’Eusèbe de Césarée dans sa Vie de Constantin, 2.49-51, parce qu’il s’avère un éloge de Constantin, fondé sur des pièces d’archives douteuses. Sur la volonté de propagande d’Eusèbe, cf. Tartaglia 1984, 22.
43 Surtout, 4.27.4.
44 Dioclétien n’est pas nommé dans le texte des Institutions divines, puisqu’il est seulement question des princes (principes), mais l’épisode était tellement connu des contemporains de Lactance que l’identification ne faisait aucun doute. Dans le contexte des Institutions divines, l’anecdote vaut surtout pour sa qualité de preuve d’un argument théologique, le pouvoir de la croix sur les démons, et n’est pas développée d’un point de vue historique.
45 Cf. Lact., mort. pers., 10.1.
46 Cf. Lact., mort. pers., 10.1 : in partibus Orientis. D’après Moreau 1954, 263, entre 298 et 301, peut-être à Antioche, puisque des constitutions sont datées d’Antioche le 5 février 299, le 12 février, le 26 mars et le 25 juin 300, le 4 juillet 301. Cf. Mommsen 1905-1913, I, 289 sq. De plus, d’après Chron., Alex. Citron., 1.290.197, l’empereur se trouvait à Alexandrie en 302.
47 Cf. Aur. Vict., Caes., 39.48. Dioclétien aurait aussi pressenti le déclin de l’empire et préféré abdiquer pour cette raison après ses Vicennales. Cf. Zos. 2.10.5. Dioclétien, qui avait reçu d’après Hist. Aug., Car. Car Num., 13.1. de nombreux présages de l’Empire, avant d’être acclamé comme Auguste, semble avoir apprécié la compagnie des haruspices. Dans le cas de l’épisode des entrailles muettes, il ne faut sans doute pas douter que les haruspices assistant au sacrifice accompli par Dioclétien sont des haruspices impériaux.
48 On sacrifie donc usque ad litationem.
49 Le cas était répertorié dans les livres étrusques sous la rubrique des muta exta. Cf. Fest. 147 L. Sur ce cas, cf. Thulin 1905-1909, III, 46 sq. et Schilling 1962, 1371-1378.
50 Cf. Lact., mort. pers., 10.3.
51 Cf. Lact., mort. pers., 10.4. L’initiative des coups de fouet est attribuée à Galère par Eus., hist., 8, app. § 1, qui en fait un acte déshonorant. Séleucus, ancien officier haut-gradé, pourrait avoir été victime de la fustigation ordonnée, d’après Lactance, par Dioclétien.
52 Cf. Lact., mort. pers., 10.4. La mesure annule les privilèges consentis jusque-là aux chrétiens : exemption de l’obligation de sacrifier (Eus., hist., 8.1.2) et liberté de parole en matière de religion (Eus., hist., 8.1.3). Il faut sans doute placer dans ce contexte la décision de Veturius, le chef de l’armée, en 299 ou 301, d’épurer l’armée des chrétiens. Pour rester dans l’armée, les chrétiens doivent abjurer leur religion. Cf. Eus., hist., 8.4.3.
53 Sordi 1984, 137, estime que le choix de ce jour pour commencer la persécution révèle l’influence de l’aile la plus conservatrice du parti païen, influencée par les haruspices.
54 Cf. Rehm 1938, 74-78 ; Grégoire 1939, 321. Grégoire 1913, 81-91, a proposé de mettre en rapport CIG, I, add., 2883 avec la consultation par Dioclétien de l’oracle de Didymes.
55 A cette époque, les réponses des oracles sont souvent orientées contre les chrétiens. Cf. Liebeschuetz 1979, 246-247.
56 Cf. mort. pers., 11.8.
57 Cf. aussi Eus., Const., 2.51.1.
58 Cf. Barnes 1981 ; Tartaglia 1984, 21-23 et les nuances apportées par Cameron & Hall 1999, 30-34.
59 Sur l’utilisation du thème du defectus oraculi par Eusèbe et son emploi révélateur de la qualification de oἰ ἐπὶ τῆς γῆς δίκαιοι pour les chrétiens, cf. Briquel 1997b, 62.
60 Nous ne connaissons pas d’autres cas d’haruspice dépêché dans un sanctuaire oraculaire pour y recueillir sans artifice les paroles du dieu. Pour Moreau 1954, 271, qui attribue ce fait à l’influence de Tagès, l’haruspice fait figure ici de θεοπρόπος. Sur la distinction capitale pour les Anciens entre divination technique et divination naturelle, cf. Cic., Div., 1.11.
61 Peut-être choisit-il aussi un haruspice pour opposer la divination traditionnelle, officielle, donc de qualité, à celle, récente, privée, et de mauvaise foi pratiquée par les mathematici, contre lesquels il a fait promulguer en 296 une loi de maleficis et ceteris similibus. Cf. COD. Iust. 2.18.2 et COD. Theod. 9.16.
62 Liebeschuetz 1979, 249, estime d’ailleurs que ce sont des considérations militaires qui ont motivé la Grande Persécution.
63 Cf. Saxer 1979, 117-123.
64 Sur tous ces actes d’indiscipline, cf. Frend 1965, 487.
65 Cf. Fernandez 1983, 240 et Briquel 1997b, 92-93.
66 Cf. Apol., 23.15-16 et aussi 37.9 et 43.2.
67 Cf. 27. 7.
68 Cf. aussi Inst., 4.27.1.
69 Prudence reproduit l’épisode des entrailles muettes au temps de Julien. Le prince sacrifie, mais le spécialiste, chargé d’examiner les entrailles, uittatus de more senex, un haruspice à n’en pas douter, ne lit aucun signe, il en fait porter la responsabilité à la présence d’un jeune chrétien. Cf. apoth., 449-502, surtout 485-488
70 Cf. Nat., 1.46.9.
71 Pour Uda 1999, 169, l’emploi du nom Tagis répond à un jeu ironique de Lactance avec les propos de Cicéron sur Tagès dans le De diuinatione.
72 Sont appelés ainsi T. Flauius Clodianus (CIL, XIV, 164). L. Fonteius Flauianus (CIL, VI, 2161) et peut-être [-] (CIL, XI, 4194).
73 Eus., H.E., 8 app., désigne Galère comme l’auteur des mesures de persécution contre les chrétiens.
74 On notera, à la suite de Montera Herrero 1991, 59, qu’un texte de Porphyre., abst., 2.50, auteur qu’on ne peut soupçonner de complaisance pour les haruspices, souligne aussi, un an seulement avant les événements survenus en Orient, la perturbation provoquée par certaines personnes au bon déroulement d’un sacrifice.
75 Les motifs d’action des chrétiens, au contraire, paraissent beaucoup plus douteux, comme on l’a vu. L’affaire n’était peut-être qu’un prétexte pour les haruspices à prendre leur revanche et à rendre injustifiés les privilèges consentis aux chrétiens.
76 En 311, l’édit de Galère reconnaît officiellement la religion chrétienne, en mettant fin à la persécution contre les chrétiens ; cf. Joannou 1972, 19-20 sq.
Sur la conversion de Constantin, cf. Grégoire 1930, 231 sq. ; Hatt 1950. 427 sq. ; Palanque 1952, 132 sq. ; Alföldi 1969 ; Eadie 1971 ; Paschoud 1975, 24-62.
77 Sur ces lois, cf. les commentaires de Schultze 1886, 517-534 ; Karpp 1942, 145-151 ; Gaudemet 1947, 48-54 ; Alföldi 1948, 75-81 ; Joannou 1972, 31-33 ; Montera Herrero 1985, 1213-1223.
78 Cette distinction entre haruspicines publique et privée dans la législation appliquée à la divination n’est pas originale. Tibère faisait de même, en interdisant l’haruspicine pratiquée en secret et sans témoins. Cf. Suét., Tib., 63.
79 Sur l’ambivalence des sentiments de Constantin vis-à-vis de la divination, reconnaissance de la validité des consultations des devins et crainte de leur utilisation à des fins privées, on pourra comparer Zos. 2.29.1 et 2.29.4.
80 Sur les problèmes de datation, cf. De Giovanni 1977, 24. Alföldi 1948, 76, date l’interdiction de 318 p.C. d’après le voyage du gouverneur de Rome, Septimius Bassus à la cour, durant l’été de cette année (Mon. Ger. Hist., auct. ant. 9.67) et estime que l’interdiction aurait été reprise dans une constitution postérieure. Cependant, l’objet de la visite de Septimius Bassus n’est pas assez connu pour imaginer une interdiction visant spécifiquement l’haruspicine avant 319.
81 L’expression uetus amicitia fait vraisemblablement allusion aux services rendus par les haruspices à l’Etat romain de longue date. On pourra ainsi comparer l’expression de l’édit de 319 avec la définition que donne Claude de l’Etrusca disciplina, dans Tac., Ann., 11.15, uetustissima Italiae disciplina. On n’exclura pas l’hypothèse que l’expression s’en prenne aux relations personnelles nouées par quelques individus avec des haruspices.
82 Sur les mesures prises contre les haruspices privés, cf. supra p. 114-119.
83 Ce terme est justement celui qu’employait autrefois Claude, dans Tac., Ann., 11.15, pour désigner les religions étrangères contre lesquelles l’haruspicine était appelée à lutter avec un ordo restauré. Sur l’évolution de la notion de superstitio, cf. Calderone 1972, 377-396 ; Grodzynski 1974b ; Janssen 1975 ; 1979 ; Salzman 1987 ; Sachot 1991. Pour une interprétation ironique de l’emploi du mot dans cette constitution, cf. Schultze 1886, 20.
84 Pour Alföldi 1948, 76, note 5, l’allusion ironique à l’usurpation de Maxence déterminerait le cadre romain d’application de la constitution. Cependant, l’emploi de l’expression praeterita usurpatio ne nous paraît pas suffisant pour établir une telle visée.
85 Constantin aurait pu déjà recourir à l’haruspicine publique avant sa lutte contre Maxence. En 313, un panégyriste gaulois. Pan. Lut. 9.2.2, signale que des haruspices auraient déconseillé à l’empereur d’attaquer.
86 Sur ce foudroiement et son interprétation, en l’absence d’autre source, on restera réservé à l’égard de l’hypothèse de Kugener 1913, selon qui les haruspices auraient compris ce fulmen publicum comme un présage heureux de victoire de Constantin sur Licinius.
87 Sur cette loi, on pourra consulter les commentaires de Kugener 1913, 183-189 et Gaudemet 1947.
88 Sen., nat., 2.49.
89 Il est possible, comme le fait remarquer Montero Herrero 1991, 73, note 48, que l’usage d’écrire les responsa fût de règle dans l’Etrusca disciplina.
90 Cf. 44 ; 49 ; 52 ; 63.
91 Sur Firmicus Maternus, cf. MacMullen 1971, 105-116.
92 Cf. 2.30.3.
93 Cf. 2.30.4.
94 Cf. 2.30.4.
95 Ce souci tout politique d’ordre et de sécurité s’inscrit dans un mouvement de répression des consultations de salute principis uel summa rei publicae qui remonte au iiie s. p.C. Cf. Paul., sent., 5.21.3.
96 Cf. COD. Iust. 1.13.1.
97 Cf. COD. Theod. 1.27.1.
98 Cf. COD. Theod. 16.2.2.
99 Cf. COD. Theod. 4.7.1.
100 COD. Theod. 16.2.5.
101 Mort. pers., 10.1-4 ; voir aussi aussi Eus., Const., 2.50.
102 Un assistant aurait accompli un signe de croix, ce qui aurait empêché l’obtention de signes positifs.
103 Cf. canon 24 in Hefele et Leclercq 1907, 324-325 : “Ceux qui prédisent l’avenir, qui suivent les coutumes des païens, qui admettent dans leur maison des gens (des magiciens) pour leur découvrir des remèdes magiques ou pour accomplir des expiations, seront soumis à cinq ans de pénitence, savoir trois années de substratio et deux années de prière sans participer à l’offrande” (trad. de J. Hefele). Sur ce concile, voir aussi Karalevsky 1914, 1539.
104 cf 2.29.4. Traduction de F. Paschoud, Paris, CUF, 1971.
105 Pour le terrain religieux, on notera pour 319 la participation personnelle des quindecemuiri sacris faciendis à la cérémonie du taurobolium dans le temple du Vatican (CIL, VI, 315 ; CIL, VI, 508) et pour septembre 321, l’érection par Caesonius Nicomachus Anicius Faustus Paulinus, préteur urbain, d’un monument consacré à Hercule, près de l’ara maxima.
106 Cf. Chronogr. a. 354 ad a. 318 (Mon. Germ. Hist., auct. ant. 9.67).
107 Cf. Chastagnol 1960, 30 sq.
108 Pour une interprétation uniquement politique des constitutions de Constantin, cf. Gaudemet 1947, 53 surtout, qui n’y voit que des mesures de police. Vogt 1945, 128, posait déjà le principe d’une mise de côté par Constantin de ses convictions religieuses chrétiennes dans la législation antimagique et antidivinatoire.
109 Les auteurs chrétiens semblent avoir prêté à Constantin une rigueur beaucoup plus grande en matière de divination que ne le laisse transparaître le texte de ses constitutions. Pour Eusèbe de Césarée, Const., 2.19, sous le règne de Constantin, une loi aurait interdit la divination, l’érection de statues aux dieux et les sacrifices ; Sozomène, Hist. eccl, 1.8.5 ajoute à l’interdiction des sacrifices et de la consultation des devins, celle de l’initiation aux mystères et de la célébration des fêtes païennes. Cette discordance entre sources juridiques et histoire ecclésiastique s’explique sans doute par le souhait des auteurs chrétiens de faire de Constantin, “premier empereur chrétien”, le “père” de la législation anti-païenne. Ainsi Constance II, dans COD. Theod. 16.10 (contra legem diui principis parentis nostri), n’aurait-il fait que reprendre une interdiction générale voulue et légitimée par son père.
110 Sur la politique religieuse de Constance, cf. Ziegler 1970, 35 sq.
111 Sur ce décret, cf. Geffcken 1929, 97 sq.
112 Toutes les formes de divination et de magie sont même regroupées dans une même interdiction.
113 Sur cette loi, cf. Grodzynski 1974a, 274 sq.
114 Contrairement à COD. Theod. 16.10.4 qui s’attaquait aux devins et aux mages de toutes sortes, en s’en prenant à eux séparément (interdiction aux haruspices et aux astrologues de donner des consultations, aux augures et aux prophètes d’exercer leur profession et aux Chaldéens, aux magiciens et aux autres de tenter de l’exercer), le COD. Theod. 16.10.6 annule toutes les distinctions entre activités à but divinatoire, en assimilant dans une même phrase maleficii, haruspex, hariolus, augur, mathematicus, les interprètes des songes, les prophètes et les devins. Sur cette disparition des frontières entre magie et divination, comprise comme une conséquence de la rivalité avec Julien, cf. Maurice 1927, 113.
115 Pour Thulin 1905-1909, III, 141. l’expression in comitatu meo uel Caesaris désigne Julien.
116 Remarque de Grodzynski 1974a, 277, note 2, qui cite CIL, X, 1695 de Q. Flauius Mesius Egnatius Lollianus, CIL, VI, 1690 de L. Arcadius Valerius Procolus.
117 Cf. Amm. 19.12.12. Sur le procès, cf. Montera Herrero 1991.86-87.
118 Cf. Lib., orat., 14.16.
119 Cf. Amm. 18.3.1. Sur cet épisode, cf. Montera Herrero 1991, 88-89.
120 Cf. 19.12.20.
121 Julien, lui-même présenté par Amm. 21.2.4, comme haruspicinae auguriisque intentuis, se serait vu prédire le succès, avant son acclamation par les troupes, par Aprunculus, qui s’y connaissait en matière d’haruspicine (22.1.2).
122 Valentinien Ier condamne en 364 les divinations dangereuses, comme la sorcellerie, la magie, l’astrologie, à savoir les maleficia (COD. Theod. 9.16.7) et autorise au contraire en 371 la pratique innocente et antique de l’haruspicine (COD. Theod. 9.16.9).
123 Le jour de l’épiphanie 361, il prie le Christ à l’église de Vienne. Cf. Amm. 21.2.5.
124 D’après Renucci 2000, 282-286, Julien semble avoir voulu réaliser l’idéal du “bon roi hellénistique”, en rompant avec un système antérieur qui divisait la population. Sur l’importance de la population à Vienne, où Julien fait acte de chrétien pour l’Épiphanie, cf. Beaujard 1985.
125 Cf. Amm. 21.2.4.
126 Sur la philosophie religieuse de Julien, cf. Foussard 1978, 189-212.
127 Cf. Amm. 21.2.4.
128 Tel est peut-être le sens de l’expression d’Amm. 22.1.2 : aruspicinae peritus. Aprunculus Gallus orator.
129 Un soldat qui aidait Julien, de sa main droite, à monter sur son cheval tombe de tout son long. Cf. Amm. 22.1.2.
130 A cette condamnation des interprétations divinatoires de Julien s’ajoute ensuite une désapprobation de ses méthodes sacrificielles. L’empereur privilégie la quantité de victimes offertes à la qualité de l’acte sacrificiel. Ainsi, les Antiochéens, qui réprouvent les boucheries auxquelles donnent lieu ses fréquentes hécatombes, font-ils de Julien un uictimarius (Amm. 22.14.3). Sur les hécatombes de Julien, cf. Amm. 22.12.6. Sur l’attitude personnelle d’Ammien Marcellin à l’égard des sacrifices, cf. Camus 1967. 222-229 ; sur l’attitude d’Ammien à l’égard de la religion romaine traditionnelle d’après sa description du raz de marée de 365, cf. Lepelley 2001, 210-211.
131 Si les sacrifices ont été rétablis à l’avènement de Julien, on ne relève aucune trace formelle de la persistance d’une haruspicine officielle de qualité. Des temples sont rouverts, des victimes sont sacrifiées (Amm. 22.5.2), les rites sont accomplis (Amm. 22.12.7), mais les devins qui procèdent aux consultations sont admis dans le corps des fonctionnaires sans sélection au risque d’obtenir des signes divins des réponses erronées (Amm. 22.12.7). Pendant sa marche à travers l’Asie Mineure, Julien lui-même se plaint de l’incompétence des sacrificateurs de Cappadoce (ep., 4). De même, s’adressant à Arsace, grand prêtre de la Galatie, il regrette la fréquentation des théâtres et des tavernes par les prêtres, ainsi que leur exercice d’un métier ou d’un travail honteux et mal famé (ep., 7) ; il punit également un prêtre qui maltraite ses collègues et prend pour assesseurs des chrétiens (ep., 62).
132 Pourtant, Julien passait pour un excellent devin. Cf. Lib., Or., 17.180, qui rapporte que Julien surpassait ses devins personnels et qu’il examinait lui-même les entrailles sacrifiées. Les haruspices désapprouvent ainsi également l’attitude d’un prince comme Dioclétien qui examinait en personne les entrailles des victimes sacrifiées (Lact., mort. pers., 10.1).
133 Cf. Amm. 22.1.2.
134 Sur ces philosophes, cf. Geffcken 1963, 137 sq. ; Foussard 1978, 189-212.
135 Cf. Amm. 23.5.7-11. Sur ce passage, on pourra consulter Weiss 1978, 138-139 ; Montera Herrero 1988, 79-80 ; 1991, 105.
136 Pour les haruspices, ce lion appartient à la catégorie des signes prohibitoires pour les envahisseurs (Amm. 23.5.10).
137 Julien manifeste un goût ancien pour la pensée hellénique. Il a étudié la philosophie en Grèce et pris quelques-unes des habitudes vestimentaires et physiques des philosophes. Ainsi porte-t-il le pallium et les cheveux longs. Cf. Amm. 15.8.1 et 17.11.1. Une fois au pouvoir, il accueille à la cour son ancien maître Maxime d’Éphèse avec un enthousiasme débordant (Amm. 22.7.3). Le philosophe suivra le prince dans son expédition en Perse et compte sans doute parmi les adversaires philosophes des haruspices. Sur ce personnage, cf. PLRE, 1, Maximus, 21, 583 sq.
138 Cf. 23.5.11. Les philosophes ne remarquent pas que les situations de Julien et de Maximien César sont différentes : Julien envahit la Perse, tandis que Maximien César veut délivrer un protectorat romain.
139 Cf. 23.5.12-14. Sur cet épisode, cf. Montera Herrero 1988, 80-82 ; 1991, 106-110. Évidemment, le nom de Jovien, Iouianus, met l’accent à la fois sur l’origine et la destination du coup de foudre. C’est Jupiter qui envoie ici la foudre, conformément à la doctrine étrusque de la fulguration, selon laquelle ce dieu lance la première des manubiae, cf. Sén., nat., 2.41.1. De plus, c’est l’empereur, qui porte le titre de Iouius depuis le temps de Dioclétien, qui est visé.
140 Sur ces libri fulgurales, cf. Cic., Div., 1.33 ; Serv., ad Verg., Aen., 1.42 ; Weinstock 1951, 122-153. Il faut sûrement identifier les libri Tagetici et Vegoici, qui traitent des futures victimes de la foudre comme des libri fulgurales selon Amm. 17.10.2.
141 Cf. 23.5.13. Le signe appartient cette fois à la catégorie des foudres monitoires (fulmen consiliarium), celles qui déconseillent ou conseillent d’accomplir un acte. Sur cette catégorie de foudres, répertoriée par Sénèque d’après l’œuvre de Caecina, cf. Sen., Nat., 2.39.1.
142 Les philosophes donnent deux explications successives, l’une mécaniste, tirée de Sen., Nat., 2.18 qui est une théorie d’Anaximandre de Milet, l’autre divinatoire est basée sur une citation par Sen., Nat., 2.19, d’Anaxagore.
143 Cf. Amm. 25.2.4-7.
144 Cf. Amm. 25.4.17 et aussi Amm. 22.12.6 sq.
145 Ammien Marcellin écrit son Histoire trente ans après les événements, quand le christianisme est devenu sous Théodose une religion d’État persécutrice du paganisme.
146 On pourrait d’ailleurs aller plus loin et dire qu’Ammien ridiculise les philosophes qui ne semblent avoir aucune compétence en divination.
147 Certains ont proposé d’identifier les sources de certains épisodes de la campagne perse, ainsi les Mémoires personnels d’Oribase, médecin de Julien, Magnus de Carrhes ou un journal officiel de l’état-major de Julien, mais aucun des passages sur la double interprétation des présages reçus par l’empereur Julien n’a pu être rattaché à une autre source que le témoignage personnel oculaire d’Ammien Marcellin. Sur les sources de l’expédition perse chez Ammien Marcellin, voir l’édition par Paschoud 1971, XLIII-LVII et Sabbah 1978, 179-217, surtout 199-203 pour l’expédition contre la Perse.
148 Cf. Ioh. Chr., Discours sur Babylas, 77, qui accuse “des magiciens, des charlatans, des devins (μάντεις), des augures, des prêtres mendiants de Cybèle, des officines où se pratiquait toute sorte de magie" d’avoir profité de l’accession au trône de Julien pour être accourus de toute la terre au palais impérial, où l’on aurait vu “les uns épuisés depuis longtemps par la faim, les autres, pour cause d’empoisonnements et de méfaits, séjournant en prison et travaillant dans des mines, d’autres pouvant à peine survivre grâce à des occupations honteuses, (tous), proclamés soudain prêtres et hiérophantes”. Traduction de Μ. A. Schatkin, aidée de C. Blanc et B. Grillet, Cerf, Paris, 1990. Voir aussi Ephrem, Contra Iulianum, 4.26, qui s’en prend aux devins et astrologues revenus avec le règne de Julien. En revanche, Socrate, H.E., 3.1, passe sous silence la présence de devins dans l’entourage de Julien, alors qu’il mentionne celle de philosophes. L’apparition soudaine de devins chez certains auteurs chrétiens correspond sûrement à la transformation de statut de certains haruspices, jusque-là privés, en haruspices publics.
149 Cf. Ioh. Chr., or., 18.126.
150 On considèrera la faible proportion d’haruspices connus par la littérature, 13 sur 123.
151 Sur les opinions d’Ammien Marcellin en matière de religion, on pourra se référer à l’ouvrage de référence de Enβlin 1923.
152 Pour Conduché 1965, 370 et Weiss 1978, 124-140, les haruspices prennent la tête de l’opposition occidentale, à la fois politique et religieuse, composée d’aristocrates romains païens, contre le parti oriental, composé pour sa part de philosophes pénétrés de culture grecque. Pour les haruspices, Julien se présente comme le fer de lance et le complice de cette hellénisation du paganisme et de l’État romains. De fait, le prince semble parfois prendre parti pour la tradition grecque contre la tradition romaine : dans son discours sur Hélios-Roi, Julien fait des Romains une “race hellénique” (39.152d-153a), de Rome “une ville grecque” (39.153ab) et de la civilisation romaine la dépositaire et la conservatrice de l’héritage grec ; au début de son pamphlet Les Césars et dans son Hélios-Roi, la figure du fondateur de Rome, Romulus, disparaît au profit d’Hélios. Selon Amm. 21.10.7-8, les sénateurs païens réagissent mal à la lettre de Julien, alors parti en Illyrie pour faire échec à Constance, et cherchent à constituer un front de défense autour du mos maiorum.
153 Ammien Marcellin semble désapprouver l’orientation prise par un certain nombre de païens, qui se rapprochent d’un hénothéisme solaire. Ainsi. Julien est auteur d’un Discours sur Hélios Roi ; Firmicus Maternus adresse, à la fin de sa préface du Ve livre de la Mathesis, un hymne de louange au roi des deux et Macr., Sat., 1.17-23, attribue à Prétextat, pontifex Solis, un discours savant sur les noms de dieux et leur identification ave le soleil. Sur le développement de la théologie solaire à cette époque, cf. Cumont 1909. Sur l’attitude de Julien face à la théologie solaire, cf. Mau 1907, 3-89.
154 Il semble en effet qu’au ive s. p.C., la véritable division religieuse n’oppose pas chrétiens et païens, mais monothéistes ouverts, dont Prétextat est l’un des représentants, et polythéistes traditionnels. Pour la genèse de cette division, cf. Weiss 1978, 124-127, 139.
155 Cf. H.E., 1.34 à propos des mesures prises contre Athanase en octobre et novembre 362.
156 Cf. Amm. 28.1.19-21.
157 Cf. Amm. 28.1.20.
158 Cf. Amm. 28.1.8 et 29.
159 Sur ce Chilon. futur vicaire d’Afrique, PLRE, I, Chilo I, 201.
160 Sur tous ces procès pour magie et lèse-majesté, cf. Alföldi 1952, 72-81 ; Funke 1967, 165-175.
161 Cf. Amm. 28.1.16.
162 Cf. Amm. 28.1.17-18.
163 Cf. Amm. 28.1.26.
164 Cf. Amm. 28.1.29.
165 Cf. Amm. 28.1.30-35.
166 De tait, les mesures répressives de Maximin semblent avoir touché un nombre considérable de nobles. Cf. Hier., Chron. a. Abr. pour 371 p.C. (p. 246, 5 Helm) : Maximinuspraefectus annonae maleficos ab imperatore inuestigare iussus plurimos Romae nobilium occidit.
167 C’est l’interprétation de Meslin 1974, 357-358.
168 Cf. Amm. 28.1.42.
169 Cf. Meslin 1974, 358.
170 Cf. COD. Theod. 6.35.7.
171 Cl. Amm. 28.1.24-25. La délégation comprenait le célèbre Prétextat, Vénustus, ancien vice-préfet et Minervius, ancien gouverneur de rang consulaire.
172 Cf. Amm. 28.1.10.
173 Cf. Amm. 28.1.29.
174 Cf. Amm. 28.1.19.
175 Cf. Amm. 28.1.23.
176 Cf. Amm. 28.1.19 : ob praua quaedam implenda.
177 Cf. Funke 1967, 170.
178 La peur du pouvoir est telle qu’Amantius est exécuté alors qu’Hymétius lui avait seulement demandé d’obtenir, au moyen de sacrifices, la clémence du prince.
179 Cf. 55. 32-33.
180 Cf. AE, 1960, 365.
181 Le sacerdoce de Jupiter Hadaranès, rempli par M. Antonius Sotericus, peut faire penser que l’haruspice est d’origine syrienne.
182 Le personnage, présenté brièvement dans PLRE. I. 722-724, a suscité une abondante bibliographie. On citera seulement les ouvrages les plus importants : Nicolaas 1940 ; Chastagnol 1962, 171-178 ; Klein 1971,47-51 et tout récemment Kahlos 1998. Les cas d’autres sénateurs pourraient être aussi envisagés : Symmaque, Nicomaque Flavien (PLRE, I, Flauianus 14) et Rufius Albinus (PLRE, I, 38).
183 Pour Prétextat, voir CIL, VI, 1778 ; 1779 ; 32 040.
184 Dans Sat., 3.7.1 et 3.20.3, Prétextat fait un exposé érudit sur la religion de Virgile où il mentionne l’existence de livres de discipline étrusque, l’un sur les prodiges (ostentarium Tuscum), l’autre sur les arbres (ostentarium arborarium).
185 Cf. Jérôme, Contra Ioannem Hierosol., 8.
186 Cf. Macr., Sat., 1.17.1.
187 Cf. COD. Theod. 9.16.9.
188 Cf. Funke 1967, 170.
189 Cf. COD. Theod. 9.16.9 : IMPP VAL(ENTIN)ANVS, VALENS ET GRATIANVS AAA. AD SENATVM. Haruspicinam ego nullum maleficiorum cousis habere consortium iudico neque ipsam aut aliquam praetera concessam a maioribus religionem genus esse arbitror criminis. Testes sunt leges a me in exordio imperii mei datae, quibus unicuique quod animo inhibisset colendi libera facilitas tributa est. Nec haruspicinam reprehendimus, sed nocenter exerceri uetamus. Dat. IIII KAL. IVN. TREVIRIS GRATIANO A. II ET PROBO CONSS.
190 Cf. COD. Theod. 9.16.7.
191 Cf. Conf., 4.2.3. Sur cet épisode, voir Marasco 1998, 1554-1562.
192 Cf. Sat., 6.385-397.
193 Si Philostrate, V. Ap., 7.39.1-2, souligne seulement la dépendance psychologique des athlètes aux pratiques de type magique, d’autres auteurs comme Jérôme, V. Hilar., 11.3-13, Liban., Or., 36.15 et plus tard, Cassiod., Var., 3.51, mentionnent le recours de certains athlètes à la magie pour nuire à leurs concurrents.
194 Jusqu’alors, haruspicine et magie étaient distinguées assez clairement.
195 Sur ce thème, cf. Briquel 2000, 177-196.
196 Cf. Briquel 1997b ; 1999, 337-356.
197 Voir le texte dans Dale Sweeney 1997. Voir l’analyse de ce texte dans Briquel 1997b 143-149 ; 1999, 343-347.
198 Les origines du motif ont été dégagées par Cumont 1936, 5-4 ; 1938, 225-238.
199 Cf. Cumont 1938, 235-238 ; Briquel 1997b, 149-154 ; 1999, 347-351.
200 Ausone 80.
201 Pour un Diodoros médecin, cf. Wellmann 1903, no 50 ; pour des grammairiens, Cohn 1903, no 51 et no 52 ; pour des philosophes, Wellmann 1903, no 40 ; Martini 1903, no 44 : Brzoska 1903, no 45 ; Schmid 1903 no 47.
202 L’influence d’Ambroise sur Théodose se fait surtout sentir à partir du massacre de la population de Thessalonique et de la pénitence publique qui s’en suivit. Sur le poids d’Ambroise sur les édits visant les haruspices, cf. Palanque 1933, 251 sq. Sur le rôle et les motivations d’Ambroise dans l’affaire de l’autel de la Victoire, cf. Paschoud 1983, 197-206.
203 Au début de son règne, Théodose semble avoir fait preuve de tolérance à l’égard des païens. Pour Zosime, 4.29, en 379, les païens “avaient encore la liberté de fréquenter les temples et de se concilier les divinités selon les rites ancestraux”. Traduction de F. Paschoud, Paris, CUF, 1979. Libanios, or., 30 (pro templis), 7 et 8, reconnaît avoir joui de liberté religieuse, quand il ne s’agissait pas de faire de sacrifices sanglants. De fait. Théodose ne détruit pas les temples, n’interdit pas leur entrée. En fait, pour une interdiction, il autorise toutes les autres pratiques païennes (Lib., Or., 30.18). Libanios lui-même et Thémistius n’ont pas eu à subir de poursuites de la part du pouvoir impérial et des païens comme Tatien, préfet du prétoire d’Orient en 388, consul de 391, et son fils Proclus ont obtenu des postes haut placés. Les auteurs païens semblent avoir voulu souvent reporter des mesures de la fin du règne de Théodose sur leur vision de ses débuts. Zosime antidate de plus de 10 ans l’interdiction d’entrer dans les temples. Ainsi, en 380 encore, l’accès aux temples est autorisé, contrairement à ce qu’il affirme dans 4.33. De même, Sozomène, 7.20.1 fait interdire par Théodose l’accès aux temples païens dès le début de son règne. Sur l’évolution graduelle de Théodose vers une politique antipaïenne, cf. King 1961, 71-72. Sur les motivations de Théodose dans son évolution anti-païenne, voir la mise au point de Thrams 1992, 191-192, qui reprend toutes les opinions proposées : du manque de caractère de l’empereur, entre mollesse, négligence selon Zos. 4.27 et inconséquence, incertitude selon Geffcken 1929, 159, à la préoccupation toute politique de conserver un personnel administratif qualifié en attendant sa relève chrétienne selon von Haehling 1978, 614 sq.
204 Alors que Gratien s’était contenté de refuser, entre 379 et 383, la charge de grand pontife (Zos. 4.36), de supprimer, en 382, les privilèges des collèges sacerdotaux païens, de ne plus pourvoir progressivement leurs sièges vacants et de faire enlever la même année l’autel de la Victoire dans la curie malgré les protestations de Symmaque, Théodose interdit le culte privé et public, les sacrifices et ordonne la destruction des temples. D’abord, les célébrations sont interdites à Rome (COD. Theod. 16.10.10 du 24 février 391), puis en Égypte (COD. Theod. 16.10.11 du 16 juin 391), puis dans tout l’Empire (COD. Theod. 16.10.2 du 8 novembre 391). Sur la destruction des temples, cf. Lib. Or. 30.8 sq. Sur les mesures de Théodose contre le paganisme, cf. Enβlin 1953 ; King 1961 : Lippold 1968, 71-86 ; Mellon 1984.
205 Sur la politique anti-païenne de Gratien, notamment sur le plan fiscal, cf. Wytzes 1977, 177-197.
206 Cf. COD. Theod. 16.10.8 du 30 novembre 382.
207 Sur ce que révèle le caput iecoris. cf. Thulin 1905-1909, II, 30-33.
208 Sur les exta regalia, cf. Thulin 1905-1909, II, 47 sq.
209 Cf. Paul. Med., Vita Ambr., 20.
210 Sur cet édit, voir le commentaire de King 1961, 77-78 et de Gaudemet 1972, 597-602 ; Williams & Friell 1994, 119-120.
211 Il faut corriger l’erreur du code théodosien, qui attribue ce texte aux trois Augustes, Gratien, Valentinien II et Théodose, alors que Gratien est mort en 383, et fait d’Albinus, le préfet du prétoire, alors qu’il est alors préfet de la Ville.
212 Par conséquent, les sacrifices publics sont interdits à Rome.
213 Cf. COD. Theod. 16.10.11 du 16 juin 391 adressée par Théodose à Évagre, préfet augustal d’Égypte et à Romain, comte d’Égypte.
214 L’édit interdit aussi la vénération des lares, des génies et des pénates.
215 Cf. COD. Theod. 16.10.10.
216 Cf. COD. Theod. 16.10.12.
217 Cf. Theodoret, H.E. 5.24.
218 Cf. Rufin, H.E., 2.33. De fait, le préfet du prétoire Nicomaque Flavien, gendre de Symmaque, a fait rouvrir les temples, restaurer les cultes interdits et remettre à des sénateurs païens les biens confisqués aux temples de manière à ce que ces sénateurs subviennent à l’entretien des édifices et des prêtres. Cf. Ambroise, Ep. extra coll., 10.6.
219 1.24.17.
220 Cf. Winkelmann 1966 ; Cracco Ruggini 1979, 59, note 160.
221 Il faut sans doute identifier le mystérieux personnage visé comme sacratus (1. 34 : sed fuit in terris nullus sacratior illo) avec Nicomaque Flavien. Cf. Musso 1979, 185-240, qui fait le point sur les arguments en faveur de cette hypothèse.
222 Les problèmes d’interprétation de cet ouvrage anonyme ont suscité une bibliographie abondante, à la fois sur l’identité du rédacteur, du personnage sacratus attaqué, et sur les événements visés. On pourra consulter entre autres Manganaro 1960, 210-224 ; 1961, 23-45 ; Matthews 1970, 464-479 ; Mazzarino 1974 ; Lenaz, 1978, 541-572 ; Cracco-Ruggini 1979, 1-144 ; Musso 1979 ; Clover 1982/1983, 163-176 ; Shanzer 1986, 232-248 ; Perrelli 1987, 135-150.
223 Cf. 1. 34-37 : sed fuit in terris nullus sacratior illo, / quem Numa Pompilius, e multis primus aruspex,/ edocuit uno ritu p[a]ecudumque cruore / polluere insanum busti<s> putentibus aras.
224 Cf. 1. 50 : Sarapides cultor, Etruscis semper amicus. Les sénateurs sont accusés par le même anonyme de dévotion pour les divinités traditionnelles et de crédulité face à un uanus haruspex : 1. 1-8 : Dicite, qui colitis lucos antrumque Sibyllae / Id<a>eumque nemus, Capitolia celsa Tonantis, / Palladium Priamique Lares Vestaeque sacellum / Incestosque deos, nuptam cum fratre sororem, / Imitem puerum, Veneris, monumenta nefanda<e>, / Purpurea quos sola facit praetexta sacratos,/ Quis numquam uerum Phoebi cortina locuta est,/Etruscus ludit semper quos uanus aruspex.
225 Cf. Aug., ciu., 18.53.2 commenté par Bloch 1945, 199-200, Huhaux 1949, 143-158 et Cracco-Rugini 1979, 62. Selon cet oracle, le christianisme était destiné à disparaître 365 ans après la mort du Christ, soit en 394, si l’on date la crucifixion de 29.
226 Cette restauration est indiquée dans un document étudié par Bloch 1945, 199-202 ; 1963, 200. Il s’agit de fragments d’une inscription retrouvée tout près du temple d’Hercule et datable de 393 ou 394, où le préfet de l’annone Numerius Proiectus, sans doute un ami de Symmaque, se présente comme le restaurateur de la cella du temple. Sur ce retour en force du paganisme, cf. Williams & Friell 1994, 130-132.
227 Cf. Theodoret, ibid. ; Rufin, H.E., 2.33 ; Aug., ciu., 5.26.1. Sur ce moine, voir aussi Aug., de cura pro mortuis gerenda, 17.21.
228 C’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre l’expression d’Aug., ciu., 5.26.1 : non est lapsus ad curiositates sacrilegas atque inlicitas. Cf. Rufin, H.E., 2.33.
229 Cf. Aug., Ciu., 5.26.1. Voir aussi Rufin, H.E., 2.33, mentionnant des jeûnes et des prières destinés à préparer au combat et montrant l’effet d’une prière accomplie par Théodose au moment où le sort du combat est indécis.
230 Cf. Rufin, H.E., 2.33.
231 Cf. Aug., Ciu., 5.26.1.
232 Cf. Théodoret, HE 5.24 ; Aug. Ciu. 5.26.1 ; Claudien, De tertio consulato Honorii Augusti panegyris, 96-98 ; Orose, hist., 7.35.21. Pour Rufin, H.E., 2.33, l’action du vent est une réponse à la prière de Théodose.
233 Sur ce paradoxe, cf. Inglebert 1996, 407 sq. pour le cas d’Augustin.
234 Cf. 13.47.12.
235 Cf. supra p. 114 et l’article de Montero Herrero 1993a, 115-129.
236 Cf. M. Antonius Sotericus (AE, 1960 365).
237 Cf. In Hiezechielem, 6.20.
238 On pourra comparer la traduction de Rufin, H.E., 9.11.6 : sacerdotes illi atque haruspices nouelli simulacri horum uel socii uel etiam magistri deprehenduntur et le texte original d’Eusèbe de Césarée, H.E., 9.11.6 : τοὺς τοῦ νεοπαγοῦς ξοάνου προφήτας καὶ ἱερεῖς βασάνοις ᾑκίζετο. Pour d’autres modifications opérées par Rufin, cf. Inglebert 1996, 334-336.
239 Paul. Nol. 106. On pourra confronter sa description avec celle que fait Apulée, Met., 11.10.2, des prêtres isiaques qu’il présente comme ayant les cheveux rasés : hi capillem derasi funditus uerticem praenitentes. Pour Minucius Felix aussi, Octavius, 22.1, ces prêtres isiaques sont chauves, se frappent la poitrine et imitent la douleur d’Isis : Isis perditum filium cum Cynocephale suuo et caluis sacerdotibus luget plangit inquirit, et Isiaci miseri caedunt pectora et dolorem infelcissimae matris imitantur. Ce dernier passage semble avoir directement inspiré Paulin de Nole : Non Pelusiacis uaga saltibus Isis Osirim / Quaerit aruspicibus caluis, qui pectore tunso / Deplorant aliena suo lamenta dolore.
240 Cf. 1.1-7 et 2.41-45.
241 Cf. Sat., 2.121-123.
242 Cf. 1.8-25
243 Cf. Liv. 77 frg 19 d’après Civ. 2.24 : Plut., Syll., 9.6.
244 Cf. Civ., 2.24.
245 Sur ce personnage et son éventuelle identification à Fl. Macrobius Longinianus, préfet de la Ville en 400-402, voir PLRE, II, 686-687. Sur la correspondance entre Augustin et Longinien et la personnalité de Longinien, voir Mastandrea 1978, 523-540.
246 Cf. Cic., Div., 2.50 et Aug., Ép., 234.
247 Cf. Civ., 2.24.
248 Cf. Civ., 3.11.
249 En revanche. Augustin n’hésite pas à dialoguer avec un païen comme Longinien sur la façon dont, à son avis, il faut adorer Dieu et sur ce qu’il pense du Christ. Cf. Ép., 233 à 235. Mais il s’agit-là d’une conversation théologique et philosophique entre gens érudits.
250 Cf. Sermones, 9.3.
251 Cf. Sermones. 9.17.
252 Cf. supra p. 177-181.
253 Voir notamment Civ., 3.11. mais il s’agit d’un thème récurrent de l’argumentation augustinienne.
254 Cf. Anonymi contra philosophos, 4.280.
255 Cf. Civ., 2.24.
256 Cf. Nouveaux sermons, 6 D. 10, = de psalmo 91.
257 Cf. sermo 88.25.
258 Cf. Enarrationes in psalmos 93.20.
259 La purification constitue justement le noeud de l’entretien entre Augustin et Longinien. Dans Ép., 235, Augustin se demande ce qu’il faut entendre par le sacrifice purificatoire, en quoi repose, selon Longinien, la voie qui mène à Dieu. Il s’interroge sur ce qu’il y a à purifier chez un homme déjà pur.
260 Cf. Nouveaux sermons 26 D.41.
261 Cf. Nouveaux sermons 26 D.42.
262 Cf. Nouveaux sermons 26 D.58.
263 Cf. Nouveaux sermons 26 D.61.
264 Cf. enarrationes in psalmos 57.4.
265 Cf. L’autorité des évangiles 1.32.
266 Cf. V. Tac., 25.
267 Cf. Briquel 1997c.
268 Sur ce prophète étrusque et ses représentations, cf. Small 1994, 832-833.
269 Sur cette prophétesse et ses représentations, cf. la mise au point récente de Harari 1997, 183-184.
270 Sur le chiliasme, cf. Gry 1904. Sur les spéculations juives et chrétiennes sur la durée du monde, cf. Collins 1984, 1221-1287 pour les différents schémas numériques adoptés et 1988, 4665-4711 pour les textes paléochrétiens.
271 Ainsi, le millénarisme n’intéresse même pas Eusèbe de Césarée. Cf. Sirinelli 1961, 455-457. En Orient, la chronologie millénariste est absente de la conception de la semaine biblique. Cf. Greg. Nyss., de opificio hominis, 1, P.G., 44.132 B.
272 Cf. Lact. inst. 7.14.9. Sur l’interprétation faussée de Lactance de ce psaume, cf. Monat 1982, 261, qui compare avec Barn., Epist., 15.4 ; Iren., Adu. haer., 5.23.2 ; 5.28.3 ; Just., Dial., 81.3. Sur l’interprétation millénariste de la symbolique de la Semaine proposée par Lactance, cf. Daniélou 1948, 14-16.
273 Cf. inst., 7.19.
274 Cf. inst., 7.24.
275 Pour l’influence de Lactance sur l’auteur de l’Histoire Auguste, cf. Schwartz 1974, 158-163.
276 Cf. His. Aug., V.Tac., 15.3 : post annos mille et Lact., inst., 7.24.2 : mille annos inter homines uersabitur.
277 Cf. His. Aug., V.Tac. 15.2 et Lact. inst. 7.24.2 ; 7.24.5.
278 Cf. la vision utopique d’un empire romain jouissant d’une paix universelle et d’institutions républicaines de His. Aug., V.Tac., 15.2 et l’Eden retrouvé de Lact., inst., 7.24.7. On pourra mettre ce passage en rapport avec la description du Paradis par Lactance, inst., 2.12.15.
279 Cf. His. Aug., V.Tac., 15.2 et Lact., inst., 2.12.21.
280 Cf. Cic., Div., 2.50.
281 L’arrivée du Christ est précédée par la chute d’un glaive provenant du ciel pour avertir les justes de la descente du chef de la sainte milice (Lact., inst., 7.19.5) et prélude à la condamnation et au supplice des princes et des tyrans (Lact., inst., 2.19.8-9).
282 Cf. Lact., inst., 7.19.2.
283 Cf. Lact., inst., 7.19.9. La dévotion rendue aux statues fait justement l’objet des attaques de Lactance, inst., 2. 4.1-15.
284 Lactance cite d’ailleurs ses sources. Dans les chapitres cités, l’arrivée lumineuse du Christ pareille à une foudre est explicitement rattachée aux paroles de la Sibylle (Lact., inst., 7.19.2) ; dans les chapitres précédents, les révélations du Trismégiste, l’oracle de l’Apollon de Milet et les prophéties du mage Hystaspe sont utilisées. Sur le crédit apporté par Lactance à ces prophètes et oracles païens, cf. Monat 1982, 53-61.
285 Sur l’apocalypse du Pseudo-Hystaspe, cf. Cumont 1931,64-96.
286 Certes, les propos de Rutilius Numatianus, 2.52, accusant Stilicon d’avoir donné l’ordre de brûler les livres peuvent être taxés de paganisme antichrétien. Cf. Mommsen 1903, 101-115 ; Mazzarino 1938, 235-262 ; Varadi 1968, 413-432. Cependant, l’abondance de prophéties issues des milieux anti-chrétiens à cette période rend plausible une telle affirmation. Pour un point de vue similaire, cf. Thulin 1905-1909, IV, 142 ; De Palma 1983, 279 ; Montero Herrero 1991. 154.
287 Cf. Serv., ad Verg., Aen., 6.72.
288 Comme le fait remarquer Montera Herrero 1991, le contenu des livres est d’ailleurs défini comme des arcana imperii par Rut. Nam. 2.42 : Proditor arcani quod fuit imperii.
289 Cf. Zos. 5.41.1.
290 Les versions de Sozomène et de Zosime s’opposent sur ce point. Selon Soz. 9.6.3-6, c’est le préfet qui aurait pris l’initiative de consulter les haruspices ; en revanche, selon Zos. 5.41.1-2, le préfet s’entretient certes avec les haruspices, mais on ignore comment il les a rencontrés, à leur demande ou à la sienne.
291 Malgré quelques remises en cause, le paganisme de Gabinius Barbarus Pompeianius ne semble pas devoir être mis en doute en raison de son attitude pendant le siège de Rome. Cf. Paschoud 1986, 276, note 95.
292 Sur le personnage de Gabinius Barbarus Pompeianius. cf. Enβlin 1952, no 9 ; Chastagnol 1960 265-266 ; PLRE, II. 897-898 ; Flamant 1977, 101 et 121 ; Cracco Ruggini 1979, app. II.
293 Sur ce pape, cf. Schwaiger 1960, 685-686 ; Camelot 1967, 519-520. Sur son action politique, cf. Demougeot 1954, 23-38.
294 Zosime estime que le caractère public des sacrifices est indispensable pour qu’ils profitent à l’État. Cf. 4.18. 2 ; 5.38.2. Sur cette nécessité, cf. Paschoud 1979, 368 et 472.
295 Cf. Zos. 5.41.2-3. Sozomène ne mentionne pas le pape Innocent Ier dans son récit du siège de Rome, ce qui a conduit certains historiens à douter de la réalité de son intervention. Cf. Sirago 1961,90 ; Irvin Poost 1968, 90 ; Randars-Pehrson 1983, 111.
296 Cf. Zos. 5.41.3. Le texte de Sozomène ne permet pas de savoir si les cérémonies ont été célébrées ou non.
297 Cf. Soz. 9.6.3-6 ; Zos. 5.41.1-3. Sur ces différences de traitement, cf. Mazzarino 1974, passim.
298 Cf. Zos. 5.42.3.
299 Sur les derniers sénateurs païens, cf. Mazzarino 1980. 378-388.
300 Cf. Cic., Div., 2.50.
301 Cf. CIL., XI, 6363.
302 cf. Plin., Nat., 2.140. Sur le rapprochement de l’action du roi Porsenna avec celle de la proposition des haruspices au moment du siège de Rome par Alaric, cf. Montero Herrero 1991, 158.
303 Zos. 5.41.2 signale que les haruspices tirent leur secours ἐκ τῶν ἱερατικῶν, c’est-à-dire selon l’interprétation de Paschoud 1979. 276, de leurs livres d’Etrusca disciplina.
304 Le règne d’Eusèbe fait figure de courte parenthèse dans l’évolution générale de l’Empire.
305 Zos. 5.41.3.
306 L’action de Stilicon, de ce point de vue, s’est avérée décisive. Cf. Mazzarino 1980. 381.
307 Cf. 10 (1049 C 8-D 3).
308 Cf Prosperi Tironis Epitoma Chronicon in Mommsen 1892, 476, a. 439, 1335 : Litorius, qui secunda ab Aetio patricio potestate Chunis auxiliaribus praeerat, dum Aetii gloriam superare appétit dumque haruspicum responsis et daemonum significationibus fidit, pugnam cum Gothis inprudenter consentit (...). Voir aussi Salvien, gub. Dei, 7.44, précisant que le général s’est livré à des supplications avant la bataille. Sur ce siège de Toulouse, cf. Lécrivain 1891, 257-258 ; Loyen 1934, 406-416 ; Thomson 1948. 68 ; Rouche 1979, 31.
309 Procope, Guerre des Goths, 8.21.16, met l’accent sur le fait que l’animal soit castré, εὐνοῦχος. En fait, il existe un parallèle connu de cette anecdote dans Liv. 41.13.2-3, où des haruspices expliquent l’expiation à exécuter pour un prodige survenu en 177 a.C. à Syracuse, où une génisse d’airain a été montée et arrosée du sperme d’un taureau.
310 Cf. Procope, Guerre des Goths, 8.21.16-17.
311 Pourtant, l’haruspicine est presque inscrite dans le paysage urbain. L’anecdote du bœuf et du taureau se déroule en effet sur le Forum de la paix, à l’endroit où se dressait autrefois un temple de la Paix, qui avait été foudroyé.
312 Cet enseignement semble s’être accompli de manière orale. On notera en effet, comme Briquel 1997b, 191, que l’interprétation de l’haruspice rural ne s’appuie pas sur des livres d’haruspicine.
313 Le cas de l’haruspicine militaire est particulier.
314 Cf. Mutzenbecher 1962, sermo, 107,1. 14-21 et 30-40.
315 Cf. Brown 1992, 128-133.
316 Cf. De correctione rusticorum, 12. Pour l’édition du texte, voir Barlow 1950, 159-182 et les corrections de Kurfess 1955, 181-186. Sur cette œuvre, cf. Mac Kenna 1938, 88-107 ; Meslin 1969, 512-524.
317 Cf. Mansi 1902, 1018, canon XIV et Vives 1963, 149.
318 Cf. Mansi 1901, 627, canon 29 et Vives 1963, 203. Sur ce texte, cf. Geffcken 1963, 186, note 89 ; Homet 1980, 181 et 195. Sur la survivance de pratiques divinatoire de type païen à cette époque en Espagne, cf. Sanz Serrano 1989, spéc. 370.
319 On se référera au premier code territorial du royaume wisigoth, cf. Zeimer 1902, VI, 2, 1. Sur cette loi, cf. King 1972, 147 ; García Moreno 1975, 162 sq.
320 On notera que la mesure va de pair avec une réorganisation de la noblesse. Sur la création d’une noblesse fidèle à son roi, cf. García Moreno 1975, 166-169.
321 La condamnation de la divination par le code de Chisdavinte s’appuie évidemment aussi sur des arguments religieux. La divination est conçue comme un mendacium du diable. Ceux qui consultent des devins sont donc Dei spiritu uacui, erroris spiritu pleni. Cf. Lex Visig., 6.2.2.
322 Cf. Torelli 1976, 1001-1008.
323 La législation impériale de Justinien ne parvient pas à empêcher l’exécution de sacrifices secrets. Cf. Malalas, Chronographia, 18 ; Michel le Syrien, Chronicon, 9.33. Phocas lui-même se suicide, après avoir été accusé en 546 d’avoir sacrifié. Sur la vivacité du paganisme sous Justinien, voir Harl 1990, 23-24.
324 Il donne une définition des manales lapides dans serm. ant., 4, se sert d’une parole tagétique pour expliquer le terme de praesegmina et parle dans myth., 3.10, d’un Battiades, rédacteur d’un traité d’haruspicine. Sur ces passages, cf. Mastandrea 1979, 88-95.
325 Voir particulièrement ost., 11-15b ; 27-71. D’après l’analyse par Wood 1981, 94-125 de ost., 2 et 3, Jean le Lydien a même eu entre les mains un manuscrit bilingue étrusco-latin. Sur Jean le Lydien, cf. Torelli 1976, 1008 ; Mastandrea 1979, notamment 74-88.. Sur le sens de cet antiquariat, cf. Maas 1992, surtout 105-113, pour qui Jean le Lydien, dans son De Ostentis, montre la validité et l’utilité des principes scientifiques du passé ; ainsi, pour lui, les phénomènes célestes annoncent des événements politiques futurs.
326 Cf. Étym., 9.2.86 ; 14.4.20 ; 14.4.22. Voir l’analyse de Briquel 1991a, 289-298, qui explique par l’encens le lien étymologique posé entre Étrusques et sacrifices.
327 Cf. Latte 1953.
328 Sur ce texte, cf. supra p 203.
329 Cf. Schmeisser 1881. 31-32.
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