Chapitre IV. L’apogée de l’haruspicine publique sous les Sévères
p. 137-176
Texte intégral
1Devant l’essor des religions monothéistes et des conflits aux frontières qui menacent à la fois le mos maiorum et la toute-puissance de l’empereur, les Sévères recourent aux haruspices pour renouveler la religion romaine publique et légitimer leur pouvoir. L’haruspicine officielle connaît ainsi un apogée : une haruspicine de légion et de légat de légion est créée, l’haruspicine impériale, rémunérée désormais par un salaire d’au moins 100 000 sesterces à l’année, s’applique à déceler les signes d’élection divine des empereurs, enfin des haruspicines coloniaux et municipaux répandent dans des provinces les principes de la religion romaine. L’origine des haruspices continuant de se diversifier et la diffusion de l’haruspicine de s’accroître, l’Etrusca disciplina perd aux yeux de beaucoup son épithète étrusque pour devenir une discipline romaine ; les haruspices publics prennent même en charge des sacerdoces incarnant les plus vieilles traditions latines. En revanche, l’haruspicine privée, concurrencée par d’autres cultes, semble connaître un déclin auprès du grand public. Plus qu’auparavant encore, le fossé entre les deux types d’haruspicine se creuse.
1. Le soutien des princes aux haruspices publics
1.1. Un prestige accru
2Alors que Claude avait, semble-t-il, échoué dans sa tentative d’accroître le prestige de certains haruspices publics, ceux des 60, à cause de la résistance du sénat, les Sévères pourraient avoir mené avec succès une entreprise de développement de l’haruspicine qui vise surtout l’haruspicine militaire et l’haruspicine impériale. Ils créent une nouvelle fonction d’haruspice et attribuent une rémunération fixe aux haruspices impériaux. Cette revalorisation du statut des haruspices publics se manifeste aussi par une confiance accrue dans les haruspices publics qui assument désormais l’exercice de prêtrises latines.
1.1.1. Création de l’haruspicine de légion
3Sous le règne des Sévères, apparaît pour la première fois dans les sources un haruspice qui a exercé son activité divinatoire dans le cadre unique de la légion et au profit de la seule légion. En effet, dans une inscription de Lambèse1, un haruspice, L. Antonius Saturus, est présenté sous une expression, haruspex legionis, qui limite étroitement son champ d’action à la legio. Il constitue donc une catégorie particulière d’haruspice : la présence dans la légion est explicitement liée à son savoir divinatoire et à son utilisation2.
4Cet haruspice a vécu à Lambèse dans la première moitié du iiie s. p.C. Comme aucun témoignage littéraire ne fait explicitement référence à un autre haruspice de cette sorte, il paraît difficile d’inférer d’une unique inscription la création d’une fonction officielle d’haruspice décidée pour l’ensemble des légions ou seulement pour la troisième légion Auguste et par les Sévères ou l’un de leurs prédécesseurs. Cependant un certain nombre d’indices suggère qu’il s’agit d’une création sévérienne destinée à la troisième légion Auguste.
5On pourrait d’abord s’étonner que la troisième légion Auguste ait bénéficié seule de la présence d’haruspices officiels. En effet, dans la première moitié du IIIe s. p.C., d’autres légions que la troisième Auguste avaient sans doute besoin d’assistance divinatoire : il serait surprenant, par exemple, que les haruspices de Germanie Supérieure de la même époque3 qui partageaient avec les soldats des légions qui y étaient stationnés un même culte de Mithra n’aient pas eu, pour premiers clients, les légionnaires qu’ils fréquentaient dans les mithraea. Cependant, il est indéniable que la troisième légion Auguste a occupé une place particulière au sein des légions au IIIe s. p.C. D’abord, Lambèse concentre à elle seule, dans un espace réduit, un nombre important de légionnaires4, sans leur offrir la possibilité de recourir à un haruspice de qualité : la troisième légion Auguste, stationnée à Lambèse, ne peut, comme l’ont peut-être fait d’autres légions5, faire appel facilement à des haruspices officiels, comme des haruspices municipaux ou coloniaux, en dehors du camp, puisque le réseau de municipes et de colonies est assez lâche en Numidie6. Ensuite, l’armée africaine est portée à cette époque à un degré d’organisation jamais vu auparavant. D’un point de vue tactique, la troisième légion Auguste est émiettée en de nombreuses uexillationes établies dans des petits postes dans toute l’Afrique utile et au-delà, selon quatre système défensifs7 qui sont peut-être destinés à contrecarrer le brigandage et les attaques de nations belliqueuses8. Pour protéger le moral des troupes et obtenir la faveur des dieux, Lambèse a peut-être bénéficié d’une officialisation de l’haruspicine pratiquée au sein de la légion9. Une autre inscription de Lambèse où un haruspice, nommé Heluius Caluus, figure sous le titre d’haruspex dans une liste de 61 légionnaires pourrait d’ailleurs en témoigner10.
6Ensuite, la date de la seule inscription d’un individu se disant haruspex legionis est peut-être significative de la création d’une charge d’haruspice de légion à l’époque du règne des Sévères. Deux empereurs11 pourraient être à l’initiative de l’existence d’une telle fonction militaire : Septime Sévère pour avoir encouragé de profondes réformes dans le domaine militaire. Sévère Alexandre pour avoir manifesté un vif intérêt pour la religion en général et l’haruspicine en particulier12. Septime Sévère13 améliore d’une part les conditions de vie des soldats, en augmentant les salaires, en organisant l’annone militaire, en autorisant les soldats à vivre avec des femmes hors du camp14 et en donnant aussi le droit aux gradés encore en activité de se réunir en collèges, afin de s’assurer des revenus pour leur retraite15. Il flatte l’orgueil des soldats en accordant sans doute aux principales le port de l’anneau d’or et aux centurions le droit de défiler en blanc et en faisant frapper des monnaies à la gloire de certaines légions. Il modifie d’autre part la stratégie, en accroissant les effectifs, en confiant à des préfets équestres le commandement de nouvelles légions parthiques, en multipliant les postes de duces ou de praepositi, les chefs des uexillationes16, et en privilégiant la cavalerie cuirassée et l’archerie au détriment de l’infanterie légionnaire17. Dans le souci d’améliorer l’efficacité des légions ou de la IIIe légion seulement et de satisfaire la demande religieuse des soldats, Septime Sévère a donc peut-être encouragé l’officialisation de postes d’haruspices de légion. On observera, néanmoins, que l’attention portée par Septime Sévère à l’armée concerne apparemment peu le domaine religieux18 et que Septime Sévère, contrairement à Sévère Alexandre, n’a pas montré pour l’haruspicine une prédilection particulière. L’Histoire Auguste insiste ainsi beaucoup, dans la Vie de Sévère Alexandre, sur le goût de cet empereur pour une discipline étrusque qu’il aurait lui-même pratiquée19 et sur une éventuelle tentative de sa part de financer l’enseignement de l’haruspicine20. Néanmoins, l’haruspicine de légion peut difficilement avoir été créée par Sévère Alexandre car l’haruspice de légion, formellement identifié, L. Antonius Saturus, est attesté dans une inscription qui remonte à une époque qui va exactement de Septime Sévère au règne de Caracalla au plus tard21. Plus précisément, c’est sous Septime Sévère, lui aussi attaché à l’haruspicine22, que cette création pourrait avoir été effectuée. L’art enregistre en effet à ce moment une modification de la représentation des actes religieux. Sur les monnaies, les sacrifices sont désormais réalisés par des hommes en cuirasse, en l’occurrence d’abord Septime Sévère en personne23, puis Caracalla24, ce qui n’était pas le cas auparavant où ceux qui exécutaient les rituels portaient la toge25. Au contraire, Sévère Alexandre n’est jamais décrit comme l’auteur de réformes sur le plan militaire ; tout au plus réprime-t-il la rébellion ou l’indiscipline de certains légionnaires26. L’époque connaît d’ailleurs une floraison de cultes et de sacerdoces, dont certains sont officialisés. Ainsi, à Lambèse, dans la première moitié du iiie s. p.C., sont attestés un sacerdos Mineruae27 et un autistes Aescidapii28. En 217 p.C., apparaît un (antistes) aedis sacrae29. Le règne des Sévères a donc peut-être favorisé la création d’une charge officielle d’haruspice de légion.
7Nous ignorons en quoi consistait précisément cette haruspicine de légion. La présence d’un seul haruspice dans une liste des légionnaires de six cohortes et l’utilisation du génitif singulier pour legionis laissent penser qu’il n’y avait qu’un seul haruspice par légion30. Cependant, le génitif singulier n’indique que le champ d’exercice de l’haruspice et toute la troisième légion Auguste ne se résume pas à six cohortes, mais à dix. Aussi ne faut-il pas exclure que plusieurs haruspices se soient occupés d’une seule légion ; si les haruspices s’occupaient autant des problèmes individuels que collectifs des légionnaires, un seul haruspice pour 5 000 hommes environ ne devait pas suffire pour l’ensemble de ces tâches.
8En revanche, il ne semble pas faire de doute que la charge d’haruspice ait eu un caractère officiel. Dans les inscriptions d’une époque antérieure, les haruspices semblent passer sous silence leur possession d’un savoir divinatoire au moment où ils exercent des fonctions légionnaires. C’est pourquoi l’on connaît des haruspices qui ont occupé la fonction de tribun militaire, mais non d’haruspices légionnaires31. Les inscriptions d’haruspices privés, elles, se contentent de mentionner l’activité d’haruspice sans préciser leur domaine d’application.
9Dans la pratique, les haruspices participaient sûrement aux cérémonies officielles de la légion puisque l’inscription où Heluius Caluus est nommé a été découverte dans le praetorium, où se déroulaient les événements publics de la vie religieuse de la légion. On y trouvait en effet une aedes, où les imagines sacrae imperatorum et les signa legionis étaient conservés, où se pratiquait le culte du numen et du genius de l’empereur et où étaient proscrits les cultes privés. L’haruspice de la légion devait par conséquent interpréter les présages envoyés par les dieux pour répondre aux interrogations de la légion sur le destin de l’empereur, de l’Empire et de la légion. Dans la pratique, l’haruspex de légion était sûrement assisté pour les sacrifices d’un uictimarius32, qui se chargeait de préparer les victimes et, éventuellement, d’un pullarius33, qui gardait les poulets sacrés, que l’haruspice examinait aussi. La présence d’une inscription d’haruspice sans dénomination officielle dans le praetorium de Lambèse n’exclut pas la possibilité que ces haruspices soient intervenus aussi pour les problèmes privés des légionnaires. Comme les aumôniers militaires de l’armée française contemporaine, ils servaient peut-être autant les intérêts collectifs que privés34.
10Les haruspices de légion disposaient sans doute de livres d’haruspicine spécialement conçus pour leur usage. Ammien Marcellin montre en effet des haruspices de l’entourage de Julien produire des libri exercituales pour interpréter la mort étrange d’un lion35. Si les haruspices ainsi présentés ne sont pas des haruspices de légion36, l’emploi de l’adjectif exercituales dérivé d’exercitus, “l’armée”, pour désigner probablement des résumés des principes nécessaires à l’exercice d’une haruspicine de terrain37, suggère leur destination commune à tous les haruspices militaires, qu’ils soient attachés à un gouverneur, à un empereur en expédition ou à une légion.
11D’après les seuls témoignages que nous possédons, il est difficile de déterminer si une quelconque différence de rang distingue les haruspices de légion des autres légionnaires. La liste où figure Heluius Caluus en vingtième position ne range pas les légionnaires de la première cohorte dans un ordre hiérarchique : y entrent des simples légionnaires comme des sous-officiers sans qu’une logique de progression ascendante ou descendante ne soit décelable. De plus, l’inscription de L. Antonius Saturus, en raison de son caractère privé et de l’imprécision de son support, ne permet pas de déduire la moindre indication de rang. Les deux haruspices, enfin, ne sont pas connus par ailleurs pour avoir occupé d’autres postes dans la légion. Tout ce que l’on peut supposer de leur position hiérarchique est construit soit en négatif, de ce qu’ils ne sont pas, soit en parallèle de ce que sont supposés être leurs collègues des cohortes. Ainsi, s’il existait effectivement des haruspices de gouverneur militaire38, il est probable que les haruspices de leur légion leur étaient inférieurs. De même, si Heluius Caluus, haruspice de légion, est mentionné dans une liste de soldats d’une cohorte, il n’est pas à assimiler aux haruspices qui sont passés par le tribunat de légion. Par conséquent, il est à exclure que ces haruspices aient obtenu la dignité équestre. Il est possible en revanche qu’ils aient fait fonction de sous-officiers dans leur légion, s’ils assistaient les tribuns de légion dans les cérémonies officielles. Peut-être étaient-ils rangés parmi les immunes comme les titulaires d’emplois techniques des cohortes sans place fixe dans la hiérarchie. Dans toutes les hypothèses, leur place dans la hiérarchie militaire restait donc modeste : au pire simples légionnaires, au mieux sous-officiers, ils partageaient sans mal le quotidien des soldats qui les consultaient individuellement.
12Par manque de sources épigraphiques et littéraires39, il est impossible de savoir si les haruspices de légion combattaient effectivement auprès des soldats de leur légion ou s’ils étaient cantonnés à des fonctions divinatoires. La nécessité d’obtenir des consultations avant ou après une attaque et le besoin en combattants nous paraît écarter une position marginale des haruspices à l’intérieur de la légion. En se tenant aux côtés des soldats jusqu’au combat, ils se montraient au contraire solidaires de ceux qu’ils conseillaient. Le moral des troupes ne risquait donc pas d’être entamé par des charlatans qui exploitaient la crédulité des recrues ; au contraire, les haruspices étaient eux aussi soumis à la hiérarchie militaire.
1.1.2. Création d’une haruspicine pour les légats de légion
13La création d’une haruspicine de légion dans la troisième légion Auguste s’est peut-être accomplie en lien avec celle d’une fonction d’haruspice attaché à la personne du gouverneur d’une province militarisée. On voit en effet apparaître à la même époque et dans les mêmes lieux, dans un cadre militaire aussi, des haruspices d’un rang plus élevé qui font partie de l’état-major du gouverneur40.
14Dans le texte de sa première édition de Die Rangordnung des romischen Heeres, parue à Bonn en 1908, A. von Domaszewski a relevé, dans une inscription de Lambèse du début du iiie s. p.C. recensant une série d’immunes ayant contribué à une souscription pour des portraits impériaux41, la présence d’un haruspice nommé S. Iulius Felix qui lui semblait avoir fait office d’haruspice de gouverneur de province impériale42. Les légionnaires, parmi lesquels figure l’haruspice – en fait les légionnaires qu’il suit dans l’ordre de la liste43 – semblent en effet tous avoir appartenu à l’état-major du gouverneur de Numidie. Ainsi, des deux cornicularii nommés ici, l’un, L. Considius Paulus, est présenté ailleurs44 comme le cornicularius du légat M. Valerius Senecio45 et l’autre, C. Caluentius Ianuarius, au titre de centurion de la leg. III Alexandrina, s’adresse ailleurs46 au légat P. Iul. Iunianus Martialianus47. Les commentarii sont explicitement rattachés soit au légat48, soit au tribun49. Un speculator, comme ceux nommés ici, est signalé dans l’état-major du légat M. Valerius Senecio à Lambèse50. A. Dobson51 a rapproché de cette inscription d’haruspice de gouverneur de Lambèse une autre inscription de l’haruspice Antonius December de Lambèse52. Les deux inscriptions, gravées sur des pierres hautes d’un peu plus d’un mètre, retrouvées en effet au même endroit, près du temple d’Esculape, remontent au début du iiie s. p.C. et énoncent une liste de soldats rangés selon le même ordre : speculatores, bénéficiarii cos., candidati, ex frumentario, quaestionarii, bénéficiarii sexmestris et enfin haruspex. La seule différence notable entre les deux inscriptions est l’absence de formule introductrice, telle que celle que l’on trouve dans l’inscription CIL, VIII, 2751 qui imagines sacras aureas fecerunt, pour indiquer la destination de l’inscription, mais qui s’explique facilement par une cassure de la pierre de haut en bas. Pour B. Dobson, les ressemblances observées entre les deux inscriptions font d’Antonius December, l’haruspice de cette inscription, un haruspice de gouverneur.
15Ces deux haruspices, sous-officiers (immunes), sont des Africains. En se présentant comme Theueste S. Iulius Felix ne dissimule pas une origine numidienne que pourrait partager Antonius December, puisque son gentilice est particulièrement courant dans la province. Leur rang, leur origine, au contraire, semblent faire d’eux d’anciens haruspices de légion, promus pour leurs qualités divinatoires auprès des gouverneurs militaires de leur province et destinés à assister le gouverneur dans les cérémonies religieuses officielles de la province et au cours des combats.
16Il paraît incontestable en effet, comme l’a fait remarquer W. Eck53, que tous les gouverneurs de provinces ont suivi un calendrier festif qui présentait de grandes similitudes avec le Feriale Duranum de la cohors XX Palmyrenorum : ils ont sûrement accompli leurs uota solemnia pour les nouvelles années et fêté les dies imperii des empereurs qu’ils servaient, à l’image de Pline le Jeune quand il est gouverneur en Pont-Bilhynie54. Les haruspices offraient certainement avant et après les combats des consultations répondant à des impératifs de rapidité et d’efficacité, avant pour obtenir l’accord des dieux, après éventuellement pour connaître les sentiments de ces mêmes dieux. En temps de combat, l’existence du danger limitait forcément davantage encore le ritualisme formel qu’exigeait l’Etrusca disciplina à quelques grands principes. Dans la précipitation, les haruspices ne s’embarrassaient pas de formules inutiles, eux-mêmes auraient risqué leur vie à retarder les opérations.
1.1.3. Rémunération ducénaire de l’haruspicine impériale
17La réorganisation de l’haruspicine publique entreprise, semble-t-il, par les Sévères, a concerné aussi l’haruspicine impériale. Contrairement à l’haruspicine de légion, attestée seulement sous le règne des Sévères, l’haruspicine impériale n’a pas été créée à l’initiative d’un Sévère puisqu’un haruspice des Césars est connu au milieu du ier s. p.C.55, mais il est possible qu’elle ait obtenu un prestige jamais atteint jusqu’alors grâce à l’établissement d’une rémunération pour cette fonction.
18Les sources ne permettent pas non plus de déterminer l’action des empereurs sur la fonction d’haruspice impérial. Pour ce qui est, par exemple, du nombre d’haruspices impériaux, on ignore si, du ier au iiie s. p.C., voire jusqu’au ive s. p.C., la présence et le nombre de ces haruspices ont connu des variations importantes. Quelques empereurs de cette période ont peut-être préféré l’assistance d’un astrologue personnel56, mais les textes n’indiquent pas les conséquences des goûts personnels des empereurs en matière de divination sur la situation de l’haruspicine.
19Il est difficile de savoir sur quels critères s’effectuait jusqu’aux Sévères la nomination d’un haruspice à un poste d’haruspice impérial. Certains haruspices, particulièrement renommés, comme C. Vmbricius C. f. Melior, ont pu passer du service d’un prince à un autre en raison de leurs compétences exceptionnelles. Il n’est pas exclu que d’autres, comme Larginus Proculus peut-être57, aient été choisis pour service rendu. Le mode de rémunération des conseils délivrés par ces haruspices jusqu’à cette époque est aussi inconnu. On ne sait s’ils étaient payés à la consultation comme les haruspices privés ou à l’année comme les membres de l’administration impériale, en tout cas davantage que les haruspices coloniaux ou municipaux58 et que les haruspices des 6059, et sans doute moins de 200 000 sesterces60. C’est seulement à la fin du iie siècle ou au début du iiie s. p.C. que l’haruspicine impériale est présentée comme une fonction dotée d’un salaire ducénaire qui en fait un échelon de la carrière équestre : L. Fonteius Flauianus est ainsi dit haruspex Augg(ustorum) ducenarius61. On peut se demander si l’un des Sévères favorables à l’haruspicine, Septime Sévère ou Sévère Alexandre par exemple62, n’aurait pas remédié à une éventuelle instabilité de la situation des haruspices impériaux63, en établissant le premier un salaire annuel fixe, ou augmenté considérablement le montant de leur rémunération à l’année, pour rendre la fonction plus attractive et lui conférer plus d’importance. La mise en avant dans une inscription romaine d’une indication de rémunération ducénaire64 atteste la fierté de son titulaire d’être parvenu à un sommet.
20Ce changement de rémunération s’est peut-être accompagné d’une modification du recrutement des haruspices impériaux. Les haruspices qui arrivaient à être rémunérés pour le service du prince ne mentionnent jamais et ne font jamais mentionner dans leurs inscriptions leur mode de recrutement. Il faut néanmoins remarquer que la plupart des haruspices impériaux, à partir du début du règne des Sévères, comme L. Fonteius Flauianus et un anonyme (CIL, VI, 2163), sont passés par la présidence de l’ordre des 60, ce qui n’est pas le cas auparavant. Il est donc possible qu’un parcours d’haruspice public, menant le spécialiste de l’haruspicine des 60 à l’haruspicine impériale, via l’haruspicine de gouverneur, ait été mis en place par l’un des Sévères. Si cette hypothèse est juste, l’étape ultime du parcours avant l’haruspicine impériale pour ces techniciens chevronnés de l’haruspicine était constituée par l’adiutio des haruspices impériaux, qui constituait une étape sélective de plus dans la carrière d’haruspice. Le chevalier Cn. Iulius Cn. f. Domatius Priscus65 a ainsi réussi à devenir l’assistant des haruspices de l’empereur sans pour autant recevoir, faute de temps peut-être, le titre d’haruspice impérial.
21La fixation d’un montant ducénaire de rémunération va aussi de pair peut-être avec l’attribution de la dignité équestre. Cn. Iulius Cn. f. Domatius Priscus, assistant des haruspices impériaux, est explicitement présenté comme chevalier dans son inscription et certains haruspices impériaux sont titulaires de fonctions équestres : L. Vibius Fortunatus, au iiie s. p.C., est proc(urator) (ducenarius) stationis hereditatium66, C. Nonius L. f.67 hérite, comme son frère C. Nonius C. f. Ursus68, curion et sacerdos Cabensis, de la fortune de son père, C. Nonius Iustinus, sacerdos Cabensis. Pour autant, il est impossible de savoir si les haruspices impériaux sévériens possèdent systématiquement le rang équestre.
22L’origine étrusque des haruspices, même lointaine, semble avoir joué un rôle capital dans le choix d’un haruspice impérial, contrairement à ce qui se passait à la même époque pour les haruspices municipaux et coloniaux, ainsi que pour les haruspices des 60. L. Fonteius Flauianus a sans doute des liens avec la gens Fonteia de Chiusi, tandis que L. Vibius Fortunatus peut prétendre descendre des vipi, C. Nonius L. f. des nune ou nuni. Seul l’adiutor haruspicum imperatoris du iie s. p.C., Cn. Iulius Cn. f. Domatius Priscus, porte un gentilice qui ne laisse apparaître aucune ascendance étrusque. Les haruspices impériaux n’ont donc pas connu la même évolution que les haruspices des 60, dont l’ordre accueille un nombre croissant d’Italiens à partir du ier s. p.C.69. Sous les Sévères, même si la pratique et les relations comptent encore70, la qualité d’un impétrant au poste d’haruspice impérial se juge aussi à son origine. Cette situation paraît étonnante si l’on constate avec M. Torelli l’extinction des grandes familles sénatoriales étrusques après le règne des Flaviens71. Certes, il n’est pas certain que les membres étrusques du sénat puissent faire pression auprès de l’ordre des 60 pour que des Étrusques y soient nommés, le président, puis apparaissent comme de bons candidats à l’haruspicine impériale, mais en même temps un certain nombre d’Étrusques ont bénéficié d’un renouveau de l’économie et de l’ouverture de l’administration publique après le règne d’Hadrien pour obtenir la dignité équestre. Il existait donc un vivier d’Étrusques susceptibles de remplir des postes d’haruspices publics du peuple romain.
23Quelques haruspices des empereurs, à la différence des haruspices des 60, ont parfois profité de leur situation privilégiée de proximité avec l’empereur pour représenter des cités qui voulaient obtenir quelque avantage de la cour. Plusieurs haruspices ont ainsi reçu le titre de patron de cités en quête de protecteur, comme L. Vibius Fortunatus de sa cité d’origine, Forum Popilii. La délégation de cette responsabilité dénote le pouvoir d’influence des haruspices impériaux et l’énorme différence de statut qui séparait haruspices des empereurs et haruspices des 60. Il était bon de passer par un haruspice impérial pour s’attirer une faveur de l’empereur.
1.1.4. Une rémunération des enseignants et des étudiants en haruspicine ?
24L’attention réelle portée par les Sévères, Sévère Alexandre peut-être particulièrement, à l’haruspicine publique a probablement tant marqué les esprits que l’auteur de l’Histoire Auguste a fait de Sévère Alexandre un des bienfaiteurs de l’haruspicine publique. A le suivre, en effet, le prince aurait parrainé financièrement l’enseignement de l’haruspicine, en salariant les professeurs d’haruspicine et en attribuant des bourses aux élèves. Une telle mesure témoignerait d’une utilité manifeste reconnue de l’haruspicine.
25L’auteur de l’Histoire Auguste affirme dans sa biographie de Sévère Alexandre que le prince aurait attribué un salaire et des salles de cours aux haruspices pour qu’ils enseignent à de jeunes boursiers72, ce qui revient à dire que, sous le règne de cet empereur, l’enseignement de l’haruspicine aurait été pris en charge par l’État. En soi, l’intérêt du prince pour l’Etrusca disciplina n’est pas étonnant. Le parrainage sévérien de l’haruspicine reprend en effet une vieille tradition romaine, remontant peut-être au iiie s. a.C., qui consistait à organiser l’enseignement de la discipline étrusque73. A cette époque, la motivation avouée de l’initiative romaine consistait dans la crainte d’un dévoiement par l’argent d’un savoir traditionnel. En somme, aux yeux des Romains, le développement d’une haruspicine privée, proposant ses consultations contre rémunération, risquait de mettre en péril la qualité des réponses offertes par les haruspices. Il est donc possible que l’apprentissage d’enfants d’Étrurie ait alors été financé par Rome, soit directement par l’attribution d’une somme destinée à payer leurs études, soit indirectement par l’engagement de l’État romain à employer les jeunes haruspices une fois formés. Néanmoins, au iiie s. p.C., l’haruspicine privée ne fait plus courir de danger à l’haruspicine publique ; le financement de cet enseignement divinatoire ne se conçoit plus donc de la même façon. A la rigueur, c’est la crainte d’un désintérêt pour l’haruspicine en général qui pourrait le justifier, mais le nombre d’attestations d’haruspices publics pour cette époque ne montre pas de déclin de l’haruspicine74. Certes, les Romains ont bien créé aussi un ordre des 60 qui pourrait, si l’on suit l’hypothèse de M. Torelli dans ses Elogia Tarquiniensia75, avoir financé la construction d’édifices destinés à servir de scholae, mais il s’agit là d’une hypothèse qu’aucune source n’était solidement. Aucune trace d’école d’haruspicine n’a en effet pu être trouvée. Une inscription de Trèves du iiie s. p.C. (CIL, XIII, 3694) pourrait également confirmer l’institution d’un tel salariat. Dans ce texte, en effet, deux haruspices publics, Concordius et Hemerius, dédient un autel à leurs maîtres et à des pères (magistri et parentes), en qui il est tentant de voir une évocation des enseignants en haruspicine salariés sur l’initiative de Sévère Alexandre. S’il s’agit bien pourtant de professeurs d’Etrusca disciplina, et non de présidents du collège local d’haruspices, comme il est vraisemblable, il n’est pas précisé s’ils recevaient une rémunération officielle de la cité de Trèves. Or, d’après les sources, les professeurs salariés par les municipes et les colonies exerçaient des arts nobles, comme la rhétorique, la grammaire, la médecine, l’ingénierie et l’architecture, en fait tous les spécialistes qui sont précisément associés dans le passage de l’Histoire Auguste aux haruspices et aux astrologues. L’édit de pretiis rerum uenalium de Dioclétien mentionne ainsi des rémunérations de 250 deniers pour le professeur de rhétorique, 200 pour le professeur de grammaire et le professeur de géométrie, de 75 pour le professeur de calcul et celui de sténographie, de 50 pour le maître d’écriture et de 100 pour le professeur d’architecture sans faire allusion à des professeurs d’haruspicine76. Un passage du Digeste77 exige aussi que seuls les gens pratiquant un art libéral ou la médecine bénéficient des salaires des municipes et des colonies. L’haruspicine est, semble-t-il, exclue des spécialités qui garantissent un salaire aux enseignants des municipes et des colonies. A Rome même, aucun haruspice n’est présenté explicitement comme enseignant sous le règne de Sévère Alexandre. A fortiori, des élèves de condition modeste ne sont pas connus pour s’être adonnés, frais payés, à l’apprentissage de cette ars diuinandi.
26Les conséquences d’une telle mesure ne sont pas non plus perceptibles sur le nombre des inscriptions d’haruspices de l’époque des Sévères. Les haruspices municipaux et coloniaux sont certes relativement nombreux dans la période, mais l’augmentation de leur nombre par rapport à ce que l’on perçoit de leur quantité au iie s. p.C. concerne surtout les provinces et non l’Italie78. Il existe moins d’attestations d’haruspices des 60 pour le règne des Sévères que pour le ier s. p.C. Il convient donc de rester réservé à l’égard de l’affirmation de l’auteur de l’Histoire Auguste79.
1.2. Une activité mieux reconnue
1.2.1. Une activité à la fois impériale et populaire ?
27On peut se demander si l’encouragement d’une haruspicine publique, soit par le biais de création d’une fonction d’haruspice, soit par le biais d’une rémunération fixe d’une haruspicine impériale, pour recruter les meilleurs des haruspices des 60, a eu des conséquences sur les pratiques des haruspices. Les besoins en réponses divinatoires différant probablement selon le cadre d’activité et le statut, voire la personnalité des consultants, la prise en charge publique de l’haruspicine a infléchi non seulement la condition des haruspices, mais aussi les signes auxquels ils étaient attentifs et leurs techniques d’interprétation.
28Les haruspices publics qui pourraient avoir été soumis à la pression la plus forte sont sans aucun doute les haruspices impériaux. Les témoignages littéraires en font en effet les gardiens de la bienveillance des dieux : ils sont chargés d’alerter, de rassurer, parfois de conseiller les princes. L’Histoire Auguste, tout particulièrement, enregistre ainsi une profusion des signes divins remarqués et expliqués par les haruspices pour la naissance et le règne des princes. Les témoignages de la sollicitude et du mécontentement divins à l’égard des princes étudiés, à vrai dire, s’accumulent ; rangés par listes, au début ou à la fin de chaque Vie, selon les species, les “catégories” dont l’auteur se sert pour organiser le portrait de l’intéressé. A l’examen, beaucoup des présages présentés offrent d’étonnants points communs, comme si les enjeux de pouvoir, identiques d’un règne à l’autre, avaient suscité seulement les mêmes formes de communication divine et d’interprétation divinatoire, ces dernières s’étant peut-être parfois vulgarisées.
29La similitude la plus marquante tient à la prédominance du critère de couleur. La pourpre est ainsi le présage royal le plus courant de l’Histoire Auguste. Ainsi, pour ne prendre l’exemple que d’une Vie, celle de Tacite, de tous les omina imperii80 qui lui sont rapportés par l’Histoire Auguste, il n’en est pas un qui ne soit pas marqué par la couleur pourpre : ainsi, un illuminé dans le temple de Silvain se serait écrié : tacita purpura, tacita purpura81 ; le vin que Tacite avait l’intention d’offrir en libation dans le temple d’Hercule à Fundi devint soudain pourpre82. A Aminea, une vigne qui produisait habituellement des raisins blancs, donna exceptionnellement des fruits pourpre l’année où Tacite obtint le pouvoir impérial83.
30A l’origine de l’interprétation de la couleur pourpre comme signe royal, il y a bien sûr l’usage de cette couleur par les princes orientaux pour leur tenue d’apparat. Les princes romains du Haut-Empire, suivant l’exemple de César84, se drapent dans des vêtements de pourpre. Tibère en aurait lancé la mode85 et Néron se serait présenté en Grèce, couvert d’une toga picta86. Cependant, aucun biographe de cette époque, Suétone en particulier, ne fait intervenir la pourpre dans les présages impériaux87. Il est possible qu’il faille mettre le lien maintes fois répété dans l’Histoire Auguste entre pourpre et pouvoir impérial88 sur le compte du contrôle étroit du commerce de la pourpre à partir du iiie s. p.C.89, de l’exclusivité du port de vêtements pourpre par ces princes90 et de la pratique au ive s. p.C. de cérémonies officielles d’adoratio purpurae91. A la fin du ive et au début du ve s. p.C., plus que jamais, la pourpre devient synonyme de pouvoir impérial : elle est de fait le privilège exclusif du prince et finit par faire l’objet d’une adoration telle qu’on en porte à l’empereur92. La pourpre désigne par métonymie le pouvoir impérial, quand il ne s’agit pas du prince luimême93. Cependant, on ne relève pas chez les autres historiens de l’Antiquité tardive d’utilisation récurrente de la pourpre comme principe d’interprétation des présages. Si la pourpre est alors véritablement impériale, elle ne sert pas de clef de déchiffrement des événements accompagnant la vie des gouvernants.
31En fait, c’est l’haruspicine qui permet de comprendre la profusion de présages impériaux purpuréens. Le récit par l’auteur de l’Histoire Auguste d’un omen imperii dont bénéficia Sévère Alexandre en livre peut-être les raisons. Selon ce présage, une vieille femme offrit à la mère de Sévère Alexandre un œuf de colombe de couleur pourpre, pondu le jour même de sa naissance94. Les haruspices consultés sur le sens à accorder à ce phénomène jugèrent qu’Alexandre accéderait au trône impérial, mais le conserverait peu de temps95. S’il est facile de voir à première vue sur quoi s’appuient leurs conclusions, la fragilité de l’œuf suggérant la brièveté du pouvoir96 et la pourpre évoquant le pouvoir impérial, on s’étonne que la pourpre, et non un serpent, intervienne dans un présage impérial. Qui plus est, la pourpre entache un animal et non, ce qui paraîtrait plus naturel pour un futur prince, ses langes ou l’un de ses vêtements. Il est possible que l’auteur de l’Histoire Auguste tire sa conception d’un animal porteur de pourpre impériale d’un texte de Tarquitius Priscus ou d’un de ses commentateurs qui constitue aussi l’une des sources de Macrobe97 et de Servius98.
32Macrobe rapporte en effet qu’une tache de couleur inhabituelle dans la toison d’un bélier vaut, pour celui qui détient le pouvoir, un présage de félicité l’accompagnant dans toutes ses entreprises99. Macrobe appuie ses propos par un extrait d’un livre étrusque, celui de Tarquitius, portant le titre de Traité étrusque des prodiges, où les teintes de cette couleur inhabituelle, à savoir pourpre ou or, sont cette fois indiquées. Servius pourrait avoir puisé à la même source. Dans son commentaire des vers 43-46 des Bucoliques de Virgile, Servius s’appuie en effet sur les livres des Étrusques pour interpréter la couleur pourpre du bélier comme un présage de félicité pour le chef de la nation. L’auteur de l’Histoire Auguste ne citant pas ses sources, surtout lorsque leur utilisation n’est pas directe, voire les travestissant, il faut s’en tenir à des conjectures. L’existence d’autres parallélismes dans l’Histoire Auguste avec le commentaire de Virgile par Servius100 et avec les Saturnales de Macrobe101 invite à penser que l’historien avait eu en main une source commune au scoliaste et à l’écrivain. Peut-être avait-il eu à sa disposition les livres mêmes de Tarquitius. Le traducteur des livres étrusques en latin, dont un texte est cité par Macrobe comme sa source de l’interprétation de la couleur pourpre ou or d’une toison de bélier, pourrait en effet avoir été lu par l’auteur de l’Histoire Auguste. L’utilisation des textes de Tarquitius s’est en effet maintenue du ier s. p.C. jusqu’au ve s. au moins. C’est ainsi qu’outre Macrobe, Lactance102 et Ammien Marcellin103 citent ou mentionnent encore Tarquitius ou ses œuvres, plusieurs siècles après sa disparition. L’idée d’un omen imperii fondé sur un animal purpuréen a donc sûrement été trouvée par l’auteur de l’Histoire Auguste dans le texte de Tarquitius ou chez l’un de ses commentateurs.
33Il semble donc raisonnable de mettre le présage décrit en rapport avec la divination d’origine étrusque104. Ce sont en effet des haruspices qui délivrent l’interprétation du signe divin et Macrobe ainsi que Servius se réfèrent à une source étrusque. Le lien dégagé entre le passage cité de l’Histoire Auguste et les textes de Macrobe et de Servius paraît d’ailleurs confirmé par l’emploi que font les haruspices accompagnant Julien dans son expédition en Perse des livres de Tarquitius pour interpréter l’apparition d’une comète105. Il existe de plus à la fois dans le monde étrusque une tradition de pourpre royale et dans l’Etrusca disciplina une tradition d’animaux porteurs de présages impériaux. L’interprétation des haruspices de l’Histoire Auguste, en superposant deux principes de la discipline étrusque, se conforme donc ainsi aux canons de la vieille divination toscane.
34Dans d’autres passages de l’Histoire Auguste, l’explication du critère de couleur par des spécialistes de divination étrusque semble avoir paru superflue à l’auteur puisqu’il groupe des faits dans les omina imperii sans en proposer d’interprétation. Ainsi, peu de temps avant la naissance de Sévère Alexandre, la mère du futur prince aurait donné naissance à un petit serpent de couleur pourpre106 et Géta serait aussi né peu de temps avant qu’une poule eût pondu un œuf de couleur pourpre107. Pour être présentés de manière brute, sans le recours à une exégèse, les deux phénomènes sont supposés lisibles et compréhensibles par le lecteur et par les personnages évoqués. La présence de pourpre sur un animal est censée apparaître à tous comme un signe impérial. Dans le cas du rêve de serpent pourpre annonciateur de la naissance de Sévère Alexandre, cette capacité interprétative du lecteur est facilitée par la mention du signe onirique après l’explication de la ponte de l’œuf de colombe, le jour de la naissance du futur prince. Dans le cas de Julia, mère de Géta, qui interprète seule l’acte criminel de son fils Bassianus jetant un oeuf pourpre à terre, le jour de la naissance de Géta, l’auteur laisse penser que les témoins de la scène y voient la trace d’une inspiration divine. Cependant, il ne faut pas écarter l’idée que l’auteur de l’Histoire Auguste admette et valorise le déchiffrement spontané du signe par le lecteur et les personnages.
35Tous, lettrés et hommes du peuple, pourraient avoir en effet adopté cette interprétation impériale de la couleur pourpre qui était peut-être d’abord propre aux haruspices impériaux. Un simple plébéien nommé Antoninus qui avait vu naître chez lui un agneau doté d’une touffe de pourpre, né le jour et l’heure de la naissance de Géta, aurait ainsi estimé de lui-même qu’un grand destin lui était annoncé108. Il aurait été d’ailleurs conforté dans cette idée par une prophétie antérieure d’un haruspice, selon qui un Antonin succéderait à Sévère. A en croire l’auteur de l’Histoire Auguste, l’idée de pourpre impériale était donc si bien ancrée dans les esprits qu’un homme du peuple associait spontanément cette couleur aux fonctions impériales, sans même faire appel aux haruspices impériaux.
36Il paraît difficile d’imputer la lecture d’Antoninus à la seule vogue de la pourpre impériale. Le présage qu’il interprète réunit en effet tous les éléments du signe de félicité indiqué par Macrobe et par Servius : on y trouve pour la seule fois de l’Histoire Auguste autant la couleur pourpre que l’animal mentionné par les livres étrusques, un jeune bélier. Tout se passe donc comme si l’enseignement des livres étrusques avait obtenu un retentissement si considérable que même les gens simples savaient appliquer les principes de l’Etrusca disciplina. La lecture de Macrobe, Servius ou Tarquitius, ou la médiation des haruspices impériaux n’est apparemment même pas nécessaire.
37A l’inverse, quand Septime Sévère, de séjour en Bretagne, reçoit pour un sacrifice des victimes de couleur noire qui le suivent jusqu’au seuil de son palais, il considère évidemment, qu’il s’agit d’un présage funeste109, confirmant ce que laissait envisager la rencontre antérieure d’un Éthiopien portant une couronne de cyprès110 : il doit bientôt mourir. Septime Sévère qui, comme Antoninus, n’a pas besoin de recourir aux haruspices pour proposer une interprétation du phénomène, applique à rebours le principe étrusque de l’animal pourpre porteur de felicitas pour le dirigeant de la nation. Puisqu’ils sont noirs, les animaux destinés aux sacrifices sont compris comme porteurs d’infelicitas. Il semble que la généralisation du critère de couleur pour expliquer les présages soit devenue si courante qu’elle est passée pour ainsi dire dans le domaine public. Les haruspices impériaux ne sont même plus indispensables à son interprétation. En quelque sorte, tous les sujets de l’Empire et leur chef sont devenus à leur façon un peu haruspices impériaux et capables de poser à partir de principes établis une grille d’interprétation des présages offerts par des ovins.
38Le parti-pris anti-chrétien de l’auteur de l’Histoire Auguste le conduit sûrement à attribuer à la discipline étrusque une popularité qu’elle n’a jamais eue. Aucune autre source ne fait état d’explication spontanée de tels signes divins applicables aux princes par des gens du peuple. En revanche, il est possible que l’activité des haruspices impériaux se soit concentrée autour de présages de couleur qui annonçaient la fin ou la prédestination d’un prince à régner. Cette grille d’interprétation est en effet décelable dans des sources postérieures111.
1.3. Des haruspices, spécialistes des sacrifices
39Plusieurs indices laissent penser que, loin d’être devenus des exégètes des signes colorés, les haruspices publics, à partir du règne des Sévères ont gagné une réputation d’excellence en matière de sacrifices qui ne se limitait pas à leur examen. Ainsi, le bon accomplissement de sacrifices n’entrant pas dans les compétences normales des haruspices a pu se faire sous la surveillance de certains d’entre eux. Au iiie s. p.C., Flauius Liberalis112, président d’un collège d’haruspices publics de Bénévent, sert de caution “scientifique” à l’accomplissement d’un taurobole en l’honneur de Cybèle. En principe, pourtant, le culte de Cybèle se suffit de l’acte de sacrifice et ne requiert pas d’examen approfondi des entrailles. Les fidèles font don de l’animal et de son sang sans scruter les dispositions de la déesse. Un clergé particulier est d’ailleurs chargé d’accomplir le sacrifice selon les volontés de la Grande Mère. Il n’est pas absolument certain qu’une tâche supplémentaire d’extispicine ait été confiée à l’haruspice : cette inspection ne semble pas avoir compté parmi les étapes obligées de la cérémonie et, surtout, l’haruspice est appelé pour praeire, en somme il fait office de président du taurobole113. En tant que tel, il surveille l’ensemble des opérations accomplies mais n’agit pas : il laisse faire L. Sontius Pineius et Cosina Celsina, les deux sacerdotes du taurobole évoqué dans l’inscription. La garantie qu’il offre par sa présence ne s’applique donc pas à l’examen des entrailles, mais au sacrifice tout entier.
40Cet élargissement des compétences de l’haruspice, depuis l’extispicine jusqu’à l’ensemble du sacrifice, se lit peut-être en grec dans la traduction que propose au iiie s. p.C. l’inscription de Stertinius Maximus Eutyches114 de l’appellation haruspex de sexaginta115. Si Stertinius Maximus, le titulaire de cette inscription dédicatoire, avait voulu traduire littéralement le mot haruspex, il aurait utilisé ἱεροσκόπος, qui signifie à proprement parler celui qui inspecte les entrailles, tout en sachant que le terme grec devait, comme le terme latin, s’appliquer à un spécialiste de la foudre et de l’interprétation des prodiges. Or, plutôt que d’utiliser un terme si technique, Stertinius Maximus présente le nom θύτης, construit sur le verbe θύειν, sacrifier. La première des spécialités de l’haruspice, celle qui sert de base à sa nomination, est donc devenue le sacrifice.
41La présence d’haruspices, dont un au moins exerce dans un cadre public116, parmi les fidèles de Mithra, est peut-être également significative d’un changement dans les qualités sacrificielles reconnues aux haruspices. Certains haruspices ont pu en effet participer aux sacrifices mithriaques en tuant la victime, voire en en découpant les chairs. Certes, le sacrifice n’a pas la même valeur pour l’haruspice et dans l’acte mithriaque : pour les haruspices, il répond à un souci unique d’examen, tandis que le mithriaste a pour principale préoccupation de réactualiser le geste du dieu tauroctone. Cependant, les deux opérations, mise à mort et examen, peuvent se succéder sans contrevenir au bon déroulement de la cérémonie et jusqu’à se compléter. Dans un premier temps, le prêtre reproduit le geste salvateur de Mithra ; dans un second, un haruspice, prêtre aussi de Mithra, appelé spécialement pour son savoir en matière d’entrailles de victimes, a pu observer les bonnes ou les mauvaises dispositions de l’ensemble des dieux envers le sacrifiant ou le commanditaire de la cérémonie. L’affirmation de F. Cumont117, selon laquelle “les prêtres de Mithra pratiquaient certainement, comme leurs ancêtres perses, la divination... par l’extispicine”, paraît néanmoins exagérée : le seul témoignage qui pourrait le faire croire est une allusion obscure de Théophane qui ne fait pas référence à Mithra118. On peut aussi objecter, comme le fait R. Turcan119, que le sacrifice mithriaque procédait d’une visée différente, non divinatoire. Comme le dieu Mithra est à la fois juste et bon, les adeptes de Mithra n’ont pas le souci de la pax deorum, qui préside dans le sacrifice romain traditionnel à l’examen des exta. On sacrifie pour se revigorer, soi et les dieux, en même temps, et non pour détourner la colère ou attirer la bienveillance des dieux. Dans les représentations figurées des sacrifices mithriaques, les dieux ne s’effacent pas devant le prêtre ou le magistrat, comme c’est le cas dans les sacrifices romains120. Au contraire, Mithra occupe seul, en général, le premier plan. L’acte du sacrificateur mithriaste qui cherche à vider le taureau de son sang pour en imprégner le taurobolié intéresse le salut du monde, tandis que le sacrificateur de la religion traditionnelle romaine se préoccupe seulement de sa communauté, restreinte à sa famille, à sa cité ou élargie à l’armée ou à l’Empire121. De toute façon, matériellement aussi, le sacrifice mithriaque se déroule de façon différente du sacrifice nécessaire à l’inspection haruspicinale des entrailles. Quand le sacrificateur mithriaque contraint par la force la victime à recevoir le coup de couteau mortel, le sacrificateur romain se soucie avant tout de la docilité de la bête destinée au sacrifice. Ainsi l’haruspice se préoccupe-t-il que la victime aille d’elle-même au sacrifice, tout mouvement de refus étant considéré comme un signe de refus des dieux122, alors que le sacrificateur mithriaste a peut-être utilisé des chaînes pour immobiliser l’animal123. Ensuite, le sacrificateur mithriaste n’égorge pas la victime, comme le fait le uictimarius avant de présenter l’animal à l’haruspice, mais le vide de son sang de manière à ce qu’il coule dans une fosse rituelle124 et. peut-être, dans des cratères125. De plus, le mithriaste sacrifie en cachette, le soir ou la nuit, enfermé dans la grotte ou dans la crypte qui sert de sanctuaire aux adeptes, sans doute au cœur même du centre cultuel126, tandis que l’haruspice procède à l’inspection des entrailles à la vue de tous, en plein air, sur l’autel du sacrifice ou à sa proximité, à l’extérieur de la cella du temple. L’animal du sacrifice mithriaque n’a pas besoin d’agrément : il est de toute façon destiné au sacrifice ; l’animal du sacrifice romain, quand il s’est prêté volontiers à son égorgement, doit présenter des exta sans défauts et la divinité, destinataire du sacrifice, doit manifester son acceptation de la victime. Sans cet accord, la victime est refusée au profit d’une autre, jusqu’à ce qu’enfin le dieu soit satisfait de l’animal offert. La victime du sacrifice mithriaque n’est pas partagée ensuite entre les hommes et les dieux, les hommes mangeant les chairs et les dieux se repaissant des fumées des exta brûlés sur l’autel127. Au contraire, les mithriastes s’attablent avec le dieu, dans un acte de régénération collective128, une solidarité vitale unissant tous les mithriastes de celte cellule religieuse et leur dieu129, quand l’idée de communion sacrificielle est étrangère aux rites romains130. Le choix des animaux offerts dans les sacrifices mithriaques est très restreint. En principe, c’est un taureau qui est sacrifié, à la rigueur, un porc131, jamais, semble-t-il, un mouton, comme c’était le cas dans les sacrifices traditionnels romains qui donnaient lieu à l’examen des haruspices. Il est donc possible que des haruspices aient plutôt mis leurs qualités de sacrificateurs plutôt que d’examinateurs des entrailles au profit du culte de Mithra.
42Cette transformation progressive des compétences des haruspices est confirmée par les analyses étymologiques tardives du nom des Étrusques. Certains auteurs tardifs comme Servius132 et Isidore de Séville133, font en effet dériver les mots Tusci et Tuscia de l’habitude des Étrusques à pratiquer des sacrifices, soit du verbe grec θύειν. Cette idée d’une familiarité naturelle des Étrusques, et par conséquent des haruspices, avec les sacrifices134 n’est certes pas nouvelle, puisque D. Briquel la fait remonter à Varron135, mais sa reprise par des spécialistes de la fin du ive et de la fin du vie s. p.C., après quelques siècles d’oubli apparent136, est significative. Sans doute ces derniers y trouvaient-ils un écho de leurs propres conceptions contemporaines sur la pratique de l’haruspicine au sens étroit du terme, non plus spécialement considérée sous l’angle de l’extispicine, mais comprise comme la connaissance des règles des sacrifices. En même temps, ce constat de la qualité des haruspices en matière de sacrifices signifiait à rebours que l’extispicine, qui en était l’origine, constituait une science authentiquement étrusque, dont le fondateur était Tagès lui-même. C’est ainsi que la mention de l’extispicine apparaît parmi les révélations de Tagès sous la plume des écrivains de cette époque137. Cette maîtrise supposée des sacrifices s’est donc imposée dans l’esprit de tous au point qu’à partir du ive s. p.C., les ennemis des haruspices, qui souhaitent mettre fin à l’exercice de la divination, concentrent leurs attaques sur la pratique sacrificielle et négligent les autres domaines d’activité des haruspices. Évidemment, c’est la conception chrétienne du sacrifice qui impose un tel combat. De fait, les sacrifices constituent sans doute à cette époque la base de la discipline des haruspices, puisqu’on ne recense quasiment pas d’inscriptions d’haruspices contemporaines ou postérieures au moment où Constantin interdit de pratiquer les sacrifices publics le 31 mai 319138. La tentative de Constantin de récupérer l’art haruspicinal des foudres, en autorisant son utilisation le 13 mars 321139, s’avère logiquement une erreur. La fulguration est indissociable de l’inspection des entrailles. Il est donc logique que les haruspices aient résisté à cette entreprise de séduction, si l’on en croit l’annonce à Barbation en 359 p.C. par des “connaisseurs en prodiges” qu’un essaim d’abeilles posé dans sa maison lui présageait l’empire140.
1.4. La faveur impériale
43Si ces modifications dans le statut et dans la carrière des haruspices publics sont incontestablement imputables au règne des Sévères, il est difficile d’en attribuer l’initiative à l’un ou l’autre des princes de la dynastie. L’Histoire Auguste présente Sévère Alexandre comme l’auteur d’une décision qui n’est pas attestée par ailleurs, tandis que les inscriptions d’haruspices de légion semblent plutôt remonter à Septime Sévère qu’à Sévère Alexandre. Quel est donc le prince qui a donné à l’haruspicine publique un statut qu’aucun prince n’avait réussi à lui conférer ?
44On peut s’étonner qu’aucun témoignage contemporain ou postérieur à l’Histoire Auguste ne fasse état d’un attachement à la discipline étrusque par Sévère Alexandre, alors que le règne de ce prince apparaît, dans l’Histoire Auguste, comme l’Age d’or des haruspices. Du point de vue de l’économie interne du récit, les mesures s’expliquent par la personnalité de Sévère Alexandre. Le prince aurait en effet manifesté un goût et un intérêt particuliers pour la discipline étrusque : sa connaissance de l’haruspicine et de l’ornithomancie lui aurait même permis de surpasser les Vascons d’Espagne et les augures de Pannonie141. Mais ce point non plus ne peut être appuyé d’aucune preuve. Il s’agit donc sans doute de fictions historiques qui sont probablement à replacer dans le cadre général de la vie de ce prince telle qu’elle est racontée par l’Histoire Auguste.
45Sévère Alexandre, qui bénéficie d’une des biographies les plus importantes de toute l’Histoire Auguste, y apparaît en effet comme l’héritier naturel d’Alexandre. Il naît dans un temple qui lui est dédié, porte le même nom que lui ; sa mère qui reçoit juste avant sa naissance un présage digne du roman d’Alexandre142, le met au monde le jour de sa fête143. Il est ensuite élevé par une nourrice qui porte le nom de la mère d’Alexandre et instruit par un pédagogue qui porte le nom du père d’Alexandre144. Lui-même se serait d’ailleurs identifié au Grand Alexandre : on le lui reproche145 et lui-même avoue s’inspirer de la lecture du Roman d’Alexandre146. Il est le prince-modèle de cette série de biographies, doté de toutes les qualités morales, pourvu de tous les dons intellectuels et artistiques et présenté comme le protecteur de la religion et des traditions ; en somme, une figure renversée de Constantin, dont la législation a porté le premier coup fatal aux haruspices147.
46Ainsi, quand, par excessive tolérance, le prince Sévère Alexandre menace de mettre en danger le vieux paganisme romain, il est montré en train de corriger son erreur grâce aux conseils vigilants des haruspices. Victime de son aveuglement syncrétiste, il aurait placé le Christ et Abraham aux côtés d’Orphée et d’Apollonius de Tyane dans le laraire où il aurait gardé les portraits de ses ancêtres, des empereurs divinisés et des âmes saintes148, et il serait allé jusqu’à envisager d’élever un temple en l’honneur du Christ et de le ranger au nombre des divinités149. Avertis du projet, des consulentes sacra, selon toute vraisemblance150, en réalité des gens qui consultent les victimes sacrées, c’est-à-dire des haruspices, et non des gens qui consultent des oracles151, prévoyant la christianisation de l’Empire et l’abandon de la religion traditionnelle, auraient mis en garde l’empereur qui les aurait écoutés, puisque le fameux projet aurait été abandonné152.
47A la lumière des événements contemporains de la rédaction de l’Histoire Auguste, le geste de Sévère Alexandre incarne l’ouverture d’un pan du parti païen au monothéisme. Pour avoir cru à une conciliation des différents cultes, païens et chrétiens, sans écouter les appels à la vigilance des haruspices, quelques figures marquantes du paganisme ont mené une tradition séculaire à sa perte153. A leur différence, Sévère Alexandre aurait gardé la raison et retardé la chute du vieux paganisme romain. Évidemment, l’historicité des faits rapportés par l’Histoire Auguste est discutable. Faute de confirmation par une autre source, nous ignorons si les haruspices sont réellement intervenus pour empêcher Sévère Alexandre d’élever un temple à Jésus. Il est probable que les haruspices ont manifesté leur inquiétude et leur agacement à voir dans l’entourage des courtisans et des conseillers adeptes d’une foi chrétienne qui condamnait leurs pratiques. Eusèbe de Césarée attribue ainsi la persécution de Maximien César au ressentiment du nouvel empereur contre la présence d’une majorité de chrétiens au sein de la maison de Sévère Alexandre154. Le même auteur, comparant son époque avec celle qui précède155, regrette la considération et la liberté dont jouissaient alors les fidèles du Christ156. A cette époque, les chrétiens, à qui les princes auraient confié des gouvernements de provinces, auraient été dispensés de sacrifices157. Avant Sévère Alexandre, Septime Sévère, qui protège des chrétiens de famille sénatoriale contre la fureur populaire158, se fait soigner par le chrétien Eutychius Proculus159 qui utilise de l’huile sacrée, emploie une nourrice chrétienne pour s’occuper de Caracalla160, confie ce même Caracalla à un pédagogue chrétien161 et garde Prosénès dans sa charge. Pour autant, Sévère Alexandre a-t-il voulu ranger le Christ parmi les divinités officielles de l’Empire ? Rien n’est moins sûr ; les auteurs chrétiens auraient eu beau jeu de transformer cet acte d’ouverture en victoire. Or, aucun ne s’en est vanté. Il est donc très incertain que les haruspices aient réagi en dissuadant Sévère Alexandre d’un tel acte. La mention de ces risques encourus par la religion païenne semble au contraire exagérée et destinée à valoriser le revirement du prince et la justesse de conseil des haruspices.
48Sévère Alexandre a donc été érigé en protecteur des veilleurs d’un paganisme menacé par un auteur qui cherchait une incarnation de l’ouverture et de la vigilance païenne. Les assertions sur la collaboration du prince avec les haruspices sont donc à écarter.
49Si Sévère Alexandre ne semble pas avoir été l’auteur des principales innovations qui concernent l’haruspicine à l’époque des Sévères, c’est peut-être Septime Sévère ou son fils aîné, Caracalla, qui en est l’initiateur. Ainsi faut-il sans doute attribuer la création d’une haruspicine de légion à Septime Sévère plutôt qu’à Sévère Alexandre162. De même, c’est Septime Sévère ou Caracalla plutôt que Sévère Alexandre qui a sans doute créé pour les haruspices impériaux une rémunération équivalente à celle d’une procuratèle équestre. En effet, L. Fonteius Flauianus, le seul haruspice impérial à mentionner explicitement une telle somme dans sa carrière163, a probablement vécu à la fin du iie s. p.C.164. Peut-être comptait-il d’ailleurs parmi les haruspices de l’entourage de Septime Sévère qui l’ont décidé à ne marcher sur Rome qu’après avoir reçu des présages favorables lors d’un sacrifice165 et qui ont prédit la divinisation du prince en 208 lorsque l’inscription d’une de ses statues a été effacée par la foudre, réduisant la qualification grecque appliquée à Septime Sévère, de ΣΕΒΗΡΩ en ΗΡΩ166. En même temps, Septime Sévère se méfie, comme nombre de ses prédécesseurs, des usurpateurs qui exploitent des consultations privées sur la durée de son existence. C’est pourquoi, après la mort de Pescennius Niger et d’Albinus, il aurait ordonné l’exécution de plusieurs personnes accusées d’avoir demandé l’avis d’astrologues et de devins (uates), parmi lesquels sans doute des haruspices167. En revanche, aucune réforme de l’haruspicine officielle n’est attestée sous le règne de Sévère Alexandre.
50Caracalla, de son côté, a prêté une grande attention aux haruspices pour affermir son pouvoir. Il est en effet montré par Hérodien comme un prince inquiet de son avenir, s’informant des dispositions des hommes comme celles des divinités168 et se déclarant le plus pieux de tous les hommes169. Il aurait ainsi cherché à consulter personnellement tous les devins de son époque, quelle qu’ait été leur spécialité, magie, astrologie et sacrifice, quelle qu’ait été leur origine, dans l’intention de déjouer les complots intentés contre lui170. Il est donc possible, même s’il n’en est pas fait mention, qu’il ait promu un système de sélection destiné à assurer des postes d’haruspices impériaux et un salaire intéressant aux meilleurs des haruspices. On sait par Hérodien qu’il a voulu s’enquérir, par le biais de Flauius Maternianus, son plus fidèle ami, du jour de sa propre mort et de l’éventuelle existence d’un complot contre l’Empire auprès des meilleurs mages de son temps. En 217, un devin africain (μάντις) aurait ainsi renouvelé devant Flavius Maternianus la prédiction qu’il avait faite en Afrique à savoir que Macrin et Diadumène étaient destinés à prendre la succession impériale171. Le jour de son décès, des haruspices l’avertissent aussi d’un danger qui le menace car les portes du foie d’une victime de sacrifice sont demeurées fermées172.
51Il est possible que l’éloge d’un prince cruel, accusé d’avoir sacrifié des hommes à lui-même tandis que c’étaient des animaux qu’il offrait aux dieux173, ait paru impossible à l’auteur de l’Histoire Auguste et qu’ait été attribué à Sévère Alexandre ce qu’avait mis en place son prédécesseur Caracalla174.
2. Le soutien des haruspices a la religion romaine impériale
2.1. Des rénovateurs des traditions religieuses latines
52Les haruspices se sont montrés de si loyaux fidèles serviteurs de l’État et des empereurs qu’ils en sont venus à assumer des charges religieuses complètement étrangères à l’haruspicine. C’est ainsi que certains haruspices publics romains, à partir du iie s. p.C., sont présentés comme sacerdotes Cabenses, Laurentes Lauinates, pontifex Albanus, alors qu’ils n’entretiennent aucun lien familial ou géographique avec Cabum, Lavinium et Albe. La nécessité manifestée par les haruspices d’observer fidèlement les rites pour entretenir le dialogue avec les dieux explique l’octroi de telles fonctions. Les haruspices apparaissent solidaires d’une religion romaine traditionnelle en difficulté face au développement de religions étrangères, ralliant de nombreux fidèles autour de l’idée de salut individuel. Ils sont donc amenés tout naturellement à incarner la continuité et la force de renouvellement du mos maiorum.
53La situation est évidemment paradoxale, dans la mesure où des haruspices, dont la discipline a été adoptée récemment, sont choisis pour devenir les représentants des plus anciennes traditions romaines. Cependant, la réussite de leur intégration et la loyauté de leur comportement justifient sûrement l’attribution aux haruspices de sacerdoces censés incarner la latinité la plus ancienne et la plus pure175.
54Les fonctions religieuses octroyées à des haruspices publics sont de trois sortes différentes. On trouve des haruspices sacerdotes Cabenses, pontifices Albani et Laurentes Lauinates. Toutes ces fonctions, néanmoins, ont en commun de se référer à une communauté religieuse passée ou renaissante, groupée autour d’une ville, Cabum, Albae et Lavinium.
2.1.1. Les haruspices, prêtres de Cabum
55Cabum n’existe plus au moment où un haruspice connu par les sources, C. Nonius [---f.] Iustinus176, en assume un sacerdoce. La ville pourrait d’ailleurs n’avoir été qu’un simple oppidum, disparu à des temps reculés, celui qu’évoquent Denys d’Halicarnasse177 et Pline l’Ancien178 rapidement, situé sur le Mont Albain. Les fonctions des sacerdotes Cabenses, créées après la disparition de la ville179, n’engageaient donc aucune tâche pratique, sinon celle toute symbolique de représenter la ville aux feriae Latinae180, une fois par an. Il faut donc considérer que les titulaires de ce sacerdoce recevaient surtout la fonction à titre honorifique.
56Nous ignorons comment ce seul haruspice, sacerdos Cabensis181, a obtenu ce sacerdoce. Peut-être est-ce seulement par ses activités divinatoires. En effet, l’inscription funéraire de C. Nonius [---f.] Iustinus182, ne mentionne pas d’autre fonction que celle d’haruspex. Les lacunes de l’inscription, impossibles à restituer de façon satisfaisante par les seules lettres restantes, ont peut-être été occupées par la mention de l’appartenance à l’ordre des 60 haruspices ou par celle de l’haruspicine impériale. Des deux fils de C. Nonius [---f.] Iustinus, l’un, C. Nonius C. f. Ursus est en effet curion183, l’autre, C. Nonius L. f. [---]184, peut-être haruspice impérial. Il est donc possible que le père ait reçu le sacerdoce de Cabum pour avoir exercé à Rome l’haruspicine à titre public, dans une fonction que remplissaient des hommes proches de la dignité équestre. Il est cependant difficile de s’appuyer sur les autres inscriptions des sacerdotes Cabenses pour inférer quelque règle que ce soit sur leur mode de recrutement. Seules trois autres inscriptions de tels prêtres sont connues, qui sont remarquables de concision ou de lacunes185. On notera simplement que l’haruspice appartient à la première génération attestée de sacerdotes Cabenses et que, des trois sacerdotes Cabenses connus épigraphiquement, deux sont liés à l’haruspicine, l’un C. Nonius [---f.] Iustinus, pour être lui-même haruspice, l’autre C. Nonius L. f. [---], pour être fils et peut-être frère d’haruspice. Si les candidats requis pour cette fonction devaient attester de connaissances et d’expériences en religion, il semble que les haruspices ou leurs proches étaient bien placés pour obtenir un tel poste. La reconnaissance du sérieux des haruspices en matière de religion paraît cependant relativement précoce. Après tout, l’haruspicine n’est réellement adoptée par les Romains qu’entre la deuxième moitié du ier s. a.C. et la première moitié du ier s. p.C. et le choix d’un haruspice au nom d’origine étrusque, à la carrière très limitée186, pour représenter un peuple latin aux Féries pourrait paraître étonnant. Au contraire, il prouve que l’haruspicine était conçue à cette époque comme une discipline italienne et que sa naissance étrusque n’était plus entachée de suspicion. La seule pratique de l’haruspicine suffisait donc : les aspects étrusques de l’haruspicine s’étaient fondus dans le fonds religieux romain au point que la tradition séculaire étrusque de divination finissait par s’associer avec une autre tradition, celle des feriae Latinae.
57La prêtrise de Cabum, à la fin du ier s. p.C., n’est cependant pas d’un grand prestige. Si C. Nonius C. f. Ursus est de rang équestre, son père, sacerdos Cabensis lui aussi, ne l’est peut-être pas. La charge semble avoir d’ailleurs rencontré peu de succès, puisque seules quatre attestations épigraphiques en sont connues. L’aura de la ville de Cabum n’était peut-être pas suffisamment développée pour attirer des candidats à de tels postes et les haruspices étaient en mesure d’espérer à cette époque d’autres charges plus gratifiantes, puisqu’ils incarnaient désormais les traditions latines.
58La création du sacerdoce de Cabum a peut-être constitué un premier essai de revalorisation des cultes traditionnels par la reconstitution d’une communauté latine mythique soudée autour de ses dieux. Cependant, cette tentative semble s’être soldée par un demi-échec : le sacerdoce a sans doute trouvé peu de titulaires. Surtout, on peut s’interroger sur les effets de cette mesure. Certes, l’ensemble de la communauté latine a été réuni, mais la relative modestie des titulaires du sacerdoce de Cabum rejaillissait sûrement sur son prestige auprès des fidèles.
2.1.2. Les haruspices, prêtres albains
59Pour parer à cet échec ou développer de nouvelles voies de revalorisation de la religion romaine traditionnelle, d’autres charges religieuses ont fait l’objet de restauration. La ville d’Albe187 qui semble avoir gardé, malgré sa disparition, un pontifex188, des salii189 et un magister saliorum, des Vestales190 et un rex sacrorum, à l’époque d’Auguste, possède après cette période des pontifes et des dictateurs de rang équestre dépourvus de toute attache dans l’ager Albanus191. C’est ainsi que deux des haruspices, Cn. Iulius Cn. fil. Domatius Priscus192 et L. Fonteius Flauianus193, ont été choisis pour devenir pontifes albains.
60Comme c’est le cas pour les prêtres de Cabum, les haruspices sont majoritaires parmi les pontifices Albani. Sur cinq pontifes de cette sorte connus de nous, deux sont haruspices et la proportion d’haruspices est encore plus forte, si l’on considère les pontifes Albains postérieurs à l’époque augustéenne, quand l’institution semble avoir été transformée de manière à lui donner plus de prestige. On notera d’ailleurs que le titre de pontifex s’y prêtait davantage qu’un éventuel titre de sacerdos, comme il existe pour Cabum, et qu’Albe surpassait de loin Cabum en aura. Recevoir la qualification d’Albanus, c’était donc un peu récupérer le prestige qui entourait la ville d’Albe. La fonction semble avoir connu sa période d’apogée aux iie et iiie s. p.C., au moment où exerçaient Cn. Iulius Cn. fil. Domatius Priscus et L. Fonteius Flauianus. Tous ces pontifes albains ont en effet pratiqué l’haruspicine à la cour à un moment de leur carrière. Apparemment, si l’on suit bien l’ordre des carrières des haruspices connues par l’épigraphie, le pontificat albain a précédé la fonction d’haruspice impérial. L. Fonteius Flavianus fait figurer le pontificat albain entre la présidence de l’ordre des 60 et l’haruspicine impériale et Cn. Iulius Cn. fil. Domatius Priscus, aurait sans doute réussi à devenir lui aussi haruspice impérial, après avoir été pontife albain, si la mort ne l’avait emporté alors qu’il assistait les haruspices impériaux. En somme, puisque tous les haruspices impériaux connus de cette époque sont passés par le pontificat albain194, cette charge religieuse semble avoir joué le rôle d’étape préliminaire à un poste d’haruspice impérial. Le pontificat albain apparaît ainsi plus souvent dans les inscriptions d’haruspices impériaux de cette époque que la présidence de l’ordre des 60 haruspices. Sur les deux haruspices impériaux connus des iie et iiie s., Cn. Iulius Cn. fil. Domatius Priscus et L. Fonteius Flauianus, l’un seulement, L. Fonteius Flauianus, dit être passé par la présidence de l’ordre, alors que tous les trois mentionnent le pontificat albain dans leur carrière. Certes, le pontificat albain n’est pas réservé aux impétrants de la fonction d’haruspice impérial. A l’époque d’Auguste, avant qu’une réforme du pontificat albain, visant à accroître son prestige, ne soit prise, semble-t-il, L. Memmius C. f. Gal.195 est seulement présenté par sa fille comme quaestor, tribunus plebis, praetor frumenti, curator ex senatus consulto, praefectus legionum XXVI et VII Lucae ad agros diuidandos. Au iiie ou au ive s. p.C., un pontife albain anonyme196 est mis en relation avec la préfecture des vigiles sans l’être aussi avec l’haruspicine impériale197. La fonction de pontife albain a donc été accordée en priorité à des haruspices se destinant au service impérial.
61Si l’ordre des carrières des haruspices impériaux n’est pas entièrement chronologique, mais aussi hiérarchique, on ne négligera pourtant pas l’hypothèse que le pontificat albain ait joué aussi le rôle de récompense pour les services rendus à l’empereur. Ainsi, même si Cn. Iulius Cn. Fil. Domatius Priscus n’est qu’assistant des empereurs impériaux, il a pu obtenir pour des tâches bien accomplies le titre de pontife albain et ses proches, comme l’haruspice impérial L. Fonteius Flauianus lui-même, préféré mettre en avant le titre d’assistant des haruspices impériaux plutôt que celui de pontife albain, moins prestigieux.
62Dans ce cas, si le pontificat albain est une récompense plutôt qu’une étape, la mention du pontificat albain dans des carrières d’haruspices impériaux confirme l’impression que l’haruspicine publique a connu une période d’apogée aux iie et iiie s. p.C.
63Le titre de pontife est en effet inhabituel dans les parcours d’haruspices. Aucun haruspice n’est devenu pontife du peuple romain. Même si le pontificat albain n’exigeait de son titulaire qu’une tâche de représentation aux feriae Latinae, le titre même de pontife faisait des futurs haruspices impériaux des experts du droit religieux romain. Le fait révèle à quel point l’haruspicine faisait alors partie intégrante de la religion romaine : des techniciens d’une divination aux origines étrangères à Rome sont devenus, aux iie et iiie s., des théologiens de la religion romaine, des spécialistes des traditions du Latium.
64On ne saurait en effet nommer quelqu’un pontife d’Albe sans lui accorder grand crédit sur ce plan. Dans les faits, cependant, nous ignorons quelles tâches incombaient précisément au pontife albain. La fonction dont le siège pourrait avoir été situé à Bovillae198 couronnait-elle ou encourageait-elle une carrière équestre d’haruspice par un titre honorifique plus que par une réelle activité ? Les textes épigraphiques et littéraires sont muets sur ce point. Tout au plus sait-on que les prêtres albains avaient la charge de veiller sur les sacra de la ville. Le pontife était-il soumis à des devoirs religieux particuliers astreignants ? Si tel était le cas, la fonction de pontife albain constituait une épreuve probatoire pour accéder à l’haruspicine impériale. En l’occurrence, comme aucune source ne fait état de tâches accomplies dans le cadre du pontificat albain, nous préférons voir dans cette fonction un titre honorifique décerné en priorité à des spécialistes chevronnés de religion romaine. Un test n’aurait eu de raison d’être que s’il avait consisté dans la réalisation de travaux précis.
65Dans ces conditions, la place occupée par le pontificat albain dans les carrières des haruspices montre que l’honneur conféré par le pontificat albain n’égalait pas celui d’être choisi pour haruspice impérial. La représentation d’une communauté latine, en effet, ne mettait pas en contact direct avec le prince et les institutions n’encourageaient peut-être pas la conservation des sacra d’Albae de façon aussi rémunératrice qu’elles gratifiaient les consultations des haruspices impériaux.
66Nous ignorons ce qui séparait dans les faits la fonction de pontife albain de celle de dictateur de la même ville exercée aussi par des haruspices. La dictature albaine pourrait avoir été accordée à des pontifes albains199 et avoir servi, comme le pontificat, la perpétuation des cultes d’Albe. Tout d’abord, la dictature, fonction d’ordinaire principalement administrative200, est exercée ici au profit d’une ville qui ne dispose plus que de fonctionnaires religieux201. Surtout, cette ville disparue survit artificiellement à travers ses sacra. Le dictateur assume donc la direction théorique de la ville dans le cadre d’un service religieux. On ne s’étonnera donc pas que les haruspices impériaux constituent l’une des deux sources de recrutement des dictateurs albains. Les sources ne font pas connaître d’autres dictateurs albains que P. Flauius P. f. Pal. Priscus202 et L. Fonteius Flauianus et l’on notera que ce dernier est aussi pontife albain, soit le fonctionnaire religieux le plus prestigieux de la ville. Ces haruspices impériaux pouvaient ainsi faire valoir leurs connaissances en divination et leur expérience auprès des princes, si la dictature, comme le pontificat, était réellement décernée pour récompenser des services rendus.
67Dans l’ordre hiérarchique des fonctions albaines, le pontificat semble l’emporter sur la dictature. Les deux seuls dictateurs albains connus sont présentés dans des carrières en ordre hiérarchique descendant comme pontifex (et)203 dictator Albanus. La durée et le contenu des fonctions peuvent expliquer que le pontificat soit privilégié au détriment de la dictature. Celle-ci est toujours annuelle204, tandis que le pontificat peut être attribué à vie. En principe, la dictature n’est pas conférée à une autorité religieuse, à un docte juriste, à un érudit des traditions, mais à un bon administrateur, à un gestionnaire attentionné. Le dictateur d’Albe, plus encore que le pontife, exerçait donc probablement des fonctions toutes théoriques, symboliques plus que pratiques. La dictature destinait d’ailleurs ses titulaires au poste de pontife albain, puisque les deux dictateurs albains connus sont devenus aussi et, semble-t-il, ensuite, pontifes albains. Nous ne savons pas qui conférait la fonction de dictateur albain. La décision dépendait-elle directement de l’empereur, qui favorisait ainsi des devins qu’il avait vus à l’œuvre, ou d’un collège religieux tel que celui des pontifes ou des décemvirs, apte à juger des compétences des haruspices ? Aucun indice ne permet d’en décider. Nous ignorons aussi si la charge de dictateur albain a existé dans les mêmes limites chronologiques que le pontificat albain, au moins du règne d’Auguste jusqu’au ive s. p.C., ou si son exercice par deux haruspices au iie s. p.C. peut-être, au iiie s. p.C. révèle la brièveté de son existence. Les témoignages littéraires ne sont d’aucun secours sur ce point. Si la dictature albaine a été réformée de la même façon que le pontificat albain, nous n’en savons rien. L’on peut juste relever la coïncidence chronologique entre l’époque des attestations de la dictature albaine et la période de meilleure reconnaissance sociale des haruspices publics205.
68Il est douteux qu’il ait existé une hiérarchie interne entre dictateurs albains. Tous les dictateurs que nous connaissons ailleurs, qu’ils soient romains ou italiens, ont exercé seuls et pour un temps déterminé. On ne suivra donc pas J. Carcopino206, quand il fait de P. Flauius P. f. Pal. Priscus207 le président d’un collège de dictateurs albains, parce qu’il est présenté comme dictator Albanus priants annos uiginti octo agens208. Un président de collège est appelé beaucoup plus souvent magister ou maximus, à la rigueur primarius plutôt que primus. Il paraît donc préférable de faire porter primus, comme le fait M.G. Granino Cerere209, sur l’âge indiqué dans la suite de l’expression. L’accent est mis sur la précocité de l’exercice de la fonction de dictateur albain. Il est exceptionnel de parvenir à ce poste si tôt, à 28 ans. Ce caractère extraordinaire de la carrière de P. Flauius P. f. Pal. Priscus appuie donc la thèse selon laquelle la dictature et le pontificat albains couronnent une carrière plutôt qu’ils ne la promeuvent. En principe, la dictature était conférée à des hommes beaucoup plus âgés, qui avaient accompli une carrière avancée. Il est possible qu’avec le temps, par manque de candidats peut-être, le recrutement des dictateurs albains ait différé. S’il en a été ainsi, les haruspices impériaux constituaient des candidats idéaux d’après leur forte présence dans les rangs des Albani. Les qualités propres aux haruspices et le succès de l’haruspicine aux iie et iiie s. p.C. expliquent cette proportion, mais on ne peut négliger non plus l’effacement des piliers traditionnels de la religion romaine. Faute d’autres candidats jugés suffisamment experts ou prestigieux, on nomme à ce poste des hommes qui symbolisent les forces de renouveau de la religion romaine. Les haruspices impériaux, de ce point de vue, présentaient toutes les garanties nécessaires à l’exercice de cette charge. Ils avaient la confiance du prince, les relations bien placées à la cour, l’expérience des cérémonies religieuses et surtout une discipline susceptible de rallier aux cultes traditionnels les Romains tentés par des religions révélées et prophétiques. Ils étaient donc en mesure d’assurer la relève des antiques traditions latines. Le recours massif à ces spécialistes de la divination marque seulement la désaffection des titulaires des sacerdoces romains traditionnels pour certaines fonctions religieuses.
69La modestie des fonctions albaines n’engageait peut-être pas ces prêtres à les briguer, s’il fallait les demander pour les obtenir. Ils leur préféraient d’autres fonctions mieux rémunérées et plus gratifiantes.
2.1.2. Les haruspices, prêtres de Lavinium
70Des haruspices sont recensés également parmi les titulaires d’un sacerdoce un peu différent de ceux de Cabum et d’Albe, les Laurentes Lauinates210. Ces derniers se distinguent de leurs confrères haruspices sacerdotes Cabenses, pontifices et dictatores Albani, en ce qu’ils maintiennent la fiction d’une vie religieuse locale par un rôle de représentation d’une communauté, disparue à une date reculée, lors d’une fête, une fois par an. Comme Lavinium a retrouvé une vie municipale à l’époque des Antonins211, les haruspices qui ont fait office de prêtres de la communauté des Laurentes Lauinates ont exercé des fonctions religieuses spécifiques, à la fois symboliques et pratiques. Le choix d’haruspices, apparemment étrangers à la ville, pour remplir de tels sacerdoces, a donc revêtu un sens différent de celui qu’a pu prendre leur exercice de fonctions de villes fictives.
71Les haruspices apparaissent parmi les Laurentes Lauinates à une époque où des prêtres de Lavinium existent depuis longtemps déjà. Un pontifex Lauinatium et un Pater Patratus Laurentium Lauinatium sont connus avant la deuxième moitié du iie s. p.C.212. Ainsi, alors que C. Saulnier propose d’attribuer la réorganisation des sacerdoces de Lavinium au règne de Claude213, L. Vibius Fortunatus214 est Laurens Lauinas au milieu du iiie s. p.C. de même qu’un haruspice anonyme, au iie ou iiie s. p.C. Il n’est pas sûr pourtant que les haruspices n’aient pas compté parmi les premiers titulaires de la fonction. Les tableaux prosopographiques des Laurentes Lauinates établis par C. Saulnier215 et par M.G. Granino Cecere216 recensent peu de tels prêtres avant le iie s. p.C. Il se pourrait donc que la création de Laurentes Lauinates ait suivi celle de pontifices Laurentium Lauinatium et de Patres Patrati Laurentium Lauinatium, à un moment où un nouvel élan a été donné aux sacerdoces de la ville. L’initiative de Claude semble en effet avoir rencontré un succès modeste avant cette période, puisque seul un prêtre de Lavinium est attesté avant la deuxième moitié du iie siècle pour avoir une carrière religieuse. Le fait pourrait paraître étonnant si l’on considère le souci de Claude de renforcer la religion romaine traditionnelle par la mise en valeur de spécialistes des rites comme les haruspices217. Néanmoins, il correspond peut-être à un phénomène plus vaste, temporaire, d’échec ou de semi-échec de la restauration ou de la création de prêtrises latines. Au ier s. p.C., le sentiment d’un danger religieux218 est donc certes ressenti au sommet du pouvoir, mais n’est pas partagé par les élites romaines religieuses ou bien n’est pas suivi par le pouvoir d’encouragements continus, puisque, dans tous les cas, les titulaires de ces prêtrises sont surtout connus à partir du iie s. p.C.
72Les Laurentes Lauinates constituent un cas à part parmi les prêtrises latines qu’ont revêtues les haruspices. Les haruspices constituent en effet une proportion minime de ces prêtres connus au ier s. p.C. et jusqu’au milieu du iiie s. p.C. Il existe deux haruspices Laurentes Lauinates seulement219 pour un total de 71 Laurentes Lauinates220 entre la deuxième moitié du ier s. p.C. et le milieu du iiie s. p.C.221, soit l’inverse de ce qui semble s’être passé pour les sacerdoces d’Albe et de Cabum, et le nombre total de Laurentes Lauinates est presque dix fois supérieur à la somme des sacerdotes Cabenses et Albani connus. On ignore pourquoi le pouvoir d’attraction du sacerdoce de Lavinium semble avoir été si fort que les haruspices y affrontaient une vive concurrence, quand ils étaient apparemment presque seuls à remplir les sacerdoces de Cabum et d’Albe. Le mythe de la fondation troyenne de Lavinium222 a peut-être rendu les sacerdoces de Lavinium plus prestigieux que d’autres : les Laurentes Lauinates participaient au renouvellement du traité initial conclu entre Énée et le roi aborigène Latinus223. Ainsi, les Laurentes Lauinates comptent dans leurs rangs des individus aux responsabilités importantes : L. Baebius Aurelius Iuncinus224, préfet d’Égypte en 213 p.C., Ti. Claudius Claudianus225, clarissime qui gère les faisceaux consulaires en 199 p.C., L. Mussius Aemilianus226, préfet des véhicules dans les Gaules, procurateur d’Alexandrie, puis des Deux Ports, enfin préfet d’Égypte au début du iiie s. p.C., L. Petronius Taurus Volusianus227, préfet des vigiles, préfet du prétoire, consul ordinaire en 261 et préfet de la Ville en 267-268 p.C, T. Vennonius Aebutianus228, préfet du prétoire de Commode. Seulement, cette interprétation ne saurait faire comprendre pourquoi l’aura de la légende troyenne semble avoir surtout eu prise à partir de la deuxième moitié du iie s. p.C. La simultanéité du renouveau des vieilles prêtrises latines à ce moment nous inviterait à formuler une explication commune : un empereur (un Sévère ?) aurait décidé d’encourager l’exercice de sacerdoces latins peu courus. Évidemment, il est impossible sans autre source de déterminer qui, comment et surtout pourquoi, en général, de telles différences d’effectifs entre un sacerdoce et tous les autres, quand les haruspices sont représentés à peu près également dans tous. En l’absence de nouveau texte, l’initiative et ses modalités demeurent inconnues. Pour la répartition des effectifs, le relevé des inscriptions d’haruspices indique que les haruspices ne sont ni moins ni plus représentés parmi les Laurentes Lauinates que parmi les sacerdoces de Cabum ou d’Albe et que les haruspices Laurentes Lauinates n’ont pas une carrière sensiblement différente de celle de leurs confrères haruspices de la même époque, prêtres de Cabum ou d’Albe. A cette époque, tous les haruspices Laurentes Lauinates, c’est-à-dire deux, sont parvenus, d’après les sources, au sommet de la carrière d’haruspice officiel. L’un, L. Vibius Fortunatus229, est devenu haruspice impérial, magister a studiis, procurator ducenarius stationis hereditatium Romae ; l’autre, anonyme230, est présenté comme sacerdos Romae, haruspex de LX et haruspex Augg(ustorum). Ces haruspices comptent donc parmi les plus prestigieux. Ils n’ont donc rien à envier, par exemple, à C. Nonius Iustinus231, sacerdos Cabensis, et à Cn. Iulius Cn. fil. Domatius Priscus232, pontifex Albanus. Leur environnement de Laurentes Lauinates, néanmoins, diffère complètement de celui de leurs confrères. D’après le nombre et la carrière des titulaires connus pour une même période, les Laurentes Lauinates ont formé un collège nombreux et prestigieux. Certes, les haruspices choisis pour devenir Laurentes Lauinates ne déparent pas par rapport aux préfets d’Égypte, L. Baebius Aurelius Iuncinus et L. Mussius Aemilianus, pour le nombre et le niveau de leurs relations. Par leur fonction d’haruspice impérial, L. Vibius Fortunatus et l’anonyme romain de l’inscription CIL, VI, 2163 ont été en contact personnel avec l’empereur et ont évolué à la cour ; l’un des deux, au moins, est ducénaire et a dirigé des bureaux palatins ; l’autre bénéficie du prestige qui entoure ceux qui se sont consacrés au sacerdoce de Rome. Cependant, ces haruspices impériaux sont isolés parmi l’ensemble des Laurentes Lauinates, puisque le recrutement de ces prêtres ne semble pas s’être effectué sur des critères d’expérience ou de connaissances religieuses. Le titre est accordé à des proches de la cour influents qui n’ont pas forcément rempli des charges religieuses auparavant. Quand elles faisaient appel à des haruspices impériaux, les instances municipales de Lavinium recherchaient donc l’appui d’une partie du personnel impérial.
73A Lavinium, nombreux sont les membres de ce personnel à avoir répondu à cet appel. Pourquoi ne les retrouve-t-on pas aussi parmi les prêtres de Cabum et d’Albe ? L’attrait de la légende troyenne n’explique sans doute pas tout. D’autres raisons sont peut-être à chercher ailleurs : le manque d’instances municipales, prêtes à solliciter à la cour des candidats à la prêtrise, et la minceur des fonctions à jouer ont peut-être rendu les sacerdoces de Cabum et d’Albe moins attractifs que ceux de Lavinium. Dans ce cas, les haruspices impériaux apparaissaient comme les hommes de toutes les situations. Leur place à la cour les rendait aptes à promouvoir la cité de Lavinium auprès du prince et leurs connaissances religieuses les disposaient à représenter Cabum et Albe au sacrifice des Fériés latines. Les haruspices sont donc les véritables soutiens de la religion romaine. Dans une certaine mesure, ils perpétuent les traditions latines aux postes les plus enviés comme aux moins courus. Ils sont même devenus un recours indispensable de la religion romaine aux iie et iiie s. p.C., puisqu’on fait appel à eux à Cabum et à Albe, peut-être faute d’autres candidats, pour perpétuer la cérémonie matérialisant l’union religieuse du Latium archaïque. Ainsi, l’origine de leur discipline ne constitue en rien un obstacle : l’Étrurie, regio de l’Italie, sert à revivifier les traditions archaïques d’un Latium dont elle a été longtemps l’ennemie. Les haruspices ne sont évidemment plus conçus comme des spécialistes d’une divination étrangère, mais sont considérés non seulement comme des experts d’une divination italienne, mais surtout comme des connaisseurs de la religion romaine. En situation de danger pour la religion romaine, on confie ainsi les sacerdoces de Cabum et d’Albe en priorité à ces maîtres de la science religieuse, parce qu’ils prouvent par leur présence la faculté d’adaptation de la religion romaine et qu’ils lui apportent des espoirs de renouveau. Peut-être les haruspices impériaux avaient-ils aussi plus que d’autres besoin de reconnaissance233 et le sentiment aigu des conséquences qu’entraînait le succès de religions étrangères.
2.2. Des conservateurs des valeurs impériales
74L’attention accordée par les princes aux haruspices et l’exercice de vieilles prêtrises latines par des haruspices publics témoignent d’une véritable confiance dans l’action de l’haruspicine officielle de la part des pouvoirs publics. Les princes ne sont pas cependant seuls à croire en l’action de tels intermédiaires entre hommes et dieux. A se fier aux attestations d’haruspices connues pour cette époque, ces mesures ont en effet rencontré un assentiment populaire, au moins de la part de certaines parties de l’empire et de certaines couches de la population qui ont consulté les haruspices ou fourni quelques-uns des contingents des haruspices de cette époque. Ces populations qui ont souvent reçu la citoyenneté romaine de fraîche date associent alors des pratiques haruspicinales au culte impérial.
75Sous le règne des Sévères, l’haruspicine publique et privée séduit de nouvelles populations, jusque-là peu ou pas du tout touchées par ce type de divination. Le nombre d’haruspices attestés pendant la période en Germanie Supérieure, en Numidie, en Dacie et dans le Norique rivalise ainsi avec le nombre d’haruspices connus au même moment en Italie. Cet élargissement de la diffusion de l’Etrusca disciplina ne touche pas de la même façon toutes ces provinces, mais la pratique de l’haruspicine va souvent de pair avec le culte de divinités ou l’exercice de fonctions qui témoignent d’une solidarité des haruspices avec les valeurs impériales.
76Les nouvelles zones d’attestations d’haruspices à l’époque sévérienne sont principalement des lieux de stationnement des légions. Ce sont en effet la Germanie Supérieure et la Numidie, provinces militarisées, qui concentrent alors parmi les provinces la plus forte quantité d’haruspices. Chacune d’entre elles abrite cinq haruspices pour la période, alors qu’aucun haruspice n’y avait été recensé jusque-là, au moins pour un séjour durable234. La Dacie et le Norique présentent au contraire des provinces où l’attachement à l’Empire, par le biais de l’haruspicine, se manifeste par des civils.
77En Germanie Supérieure, c’est le limes qui conditionne le plus souvent la pratique de l’haruspicine. Les haruspices sont ainsi tous localisés à proximité des fortins légionnaires qui scandent le limes, à savoir à Mayence. Bad Wimpfen im Tal, Stockstadt et Spire235. Aucun d’entre eux n’est présenté comme légionnaire, néanmoins à l’exception de deux haruspices, de la cité de Mayence, presque tous se font connaître grâce à des inscriptions votives ou dédicatoires, et non funéraires comme c’est le cas le plus fréquent en Italie, dénotant une proximité culturelle et religieuse avec les légionnaires.
78A analyser d’abord les formules onomastiques de la plupart des haruspices de cette province, ces devins appartenaient au même milieu socio-géographique que les légionnaires en poste sur place. Paternius Perpetuus et Pompeianius portent, comme beaucoup de légionnaires de leur entourage, des noms individuels germaniques ou gaulois. Le nom de l’haruspice, Pompeianius, est un gentilice formé d’après le nom du père, selon un procédé rare en Germanie236, mais courant en territoire gaulois237. Un homonyme de Paternius, appelé T. Paternius Perpetuus, de Vetera, à faible distance de Stockstadt, qu’il est tentant d’identifier avec l’haruspice, sert même comme cornicularius legati legionis238.
79Ensuite, certains de ces haruspices ont rendu un culte au dieu Mithra, très prisé des légionnaires de cette province. Deux haruspices de Germanie Supérieure affichent ainsi ouvertement leur dévotion pour le dieu perse. L’un lui dédie simplement une inscription239, l’autre lui offre un bas-relief240 à l’intérieur d’un mithraeum que pouvaient fréquenter les nombreux légionnaires en poste au castellum de Stockstadt tout proche. D’après le témoignage des inscriptions, beaucoup de légionnaires se livraient en effet au culte mithriaque en Germanie supérieure241. Le sanctuaire du dieu iranien que Paternius Perpetuus a fait décorer d’un bas-relief a fait d’ailleurs l’objet de nombreuses offrandes242 qui pourraient avoir été données par des soldats postés sur le limes. L’haruspice Paternius Perpetuus comptait donc dans sa clientèle nombre de soldats et, par la force des choses, nombre de mithriastes. L’haruspice Pompeianius a aussi peut-être partagé la dédicace qu’il adresse dans l’inscription AE, 1990, 756 et 757 à Deo inuicto Mytre avec des légionnaires habitués du mithraeum de St German d’où l’inscription provient probablement. Certains des soldats de la garnison de Spire ont sûrement fréquenté le temple ; l’un d’eux, peut-être, est allé jusqu’à offrir la seule inscription de Spire qui existe avec une référence au culte de Mithra, H. Finke, Neue Inschriften, BRGK, 17, 1927 (1929), p. 51, no 58, adressée [In] ho(norem) d(omus) d(iuinae), [Deo] Soli [Mi]thr(ae). Les soldats, particulièrement sur le limes germanique, appréciaient en effet le dieu Mithra243. Non seulement, les chiffres font état d’une forte proportion de soldats parmi les adeptes, mais les principes éthiques et étiologiques diffusés par le mithriacisme s’accordaient parfaitement avec ce que les sources nous permettent de connaître de l’état d’esprit de ces hommes. R. Merkelbach244 a mis l’accent sur ce qui attirait les fidèles de Mithra, les soldats notamment, dans la théologie proposée par le culte iranien, la loyauté à l’Empire. Selon lui, le mithriacisme offrait une religion du groupe qui ne pouvait manquer de réunir des hommes désireux de trouver une famille de substitution alors qu’il leur arrivait d’être éloignés de leur terre natale. Poussés par le besoin de créer des liens nouveaux, fondés sur une solidarité virile, ils s’assemblaient en une communauté où ils reproduisaient la structure hiérarchique qui leur servait de cadre quotidien. Bien sûr, l’ordre qui fait passer le “Corbeau”, puis le “Fiancé” ou “Jeune époux”, au “Soldat”, “Lion”, “Perse” et “Courrier du Soleil”, enfin au “Père”245, ne suit pas les étapes de l’avancement qui menait un simple légionnaire au rang envié de tribun de légion. Néanmoins, l’organisation d’ensemble s’apparente bel et bien à une militia. Surtout, les soldats retrouvaient au sein de cette hiérarchie l’obéissance et le respect exigés des subalternes pour les gradés et, plus généralement, des sujets de l’Empire pour le prince. Aussi des inscriptions de mithriastes contiennent-elles fréquemment des signes d’une allégeance respectueuse au pouvoir impérial. Même quand ils ne sont pas soldats, les adeptes de Mithra manifestent le souci de s’inscrire dans une hiérarchie impériale.
80Pourtant, à l’époque où ces inscriptions ont été gravées, aucune initiative publique ne pousse les soldats à s’engager de la sorte au service du dieu iranien246. Certes, avant le règne des Sévères, l’empereur Commode a compté parmi les fidèles de Mithra. Un passage de l’Histoire Auguste247, énumérant les débauches et les excentricités de l’empereur, le montre souillant une cérémonie mithriaque par un sacrifice humain. Cependant, ni les monnaies ni les documents publics ne donnent confirmation de cette dévotion que cette source présente comme dévoyée. Seule une inscription, CIL, XIV, 66, atteste que l’empereur, peut-être poussé par plusieurs membres de son entourage248, a concédé aux mithriastes un local dans la résidence impériale d’Ostie. Les Sévères n’ont pas manifesté plus de faveur au dieu perse. Le sacerdos Inuicti Mithrae domus Augustanae, connu sur le Palatin par une inscription du règne de Septime Sévère249, servait probablement des membres de la cour, mais non l’empereur en personne, qui n’a donné apparemment aucune marque d’affection particulière pour le dieu. S’il a compté des mithriastes dans sa garde personnelle250, il n’a fait de lui-même aucun geste particulier en leur faveur251. Même la monnaie de Tarse, frappée pour Gordien III et portant le Tauroctone au revers, ne révèle pas de foi personnelle. Au contraire, les intentions de ce monnayage relèvent de la pure politique extérieure : il s’agit de montrer aux compatriotes de Mithra que Gordien allait combattre, que le dieu, connu et apprécié des Romains, avait choisi le camp du plus fort.
81En Numidie, en revanche, c’est le camp légionnaire qui explique la présence d’haruspices. Presque tous les haruspices sont en effet attestés à l’intérieur d’un camp. Quatre des cinq haruspices de Numidie ont ainsi exercé des fonctions militaires au sein du camp de Lambèse où leur inscription a été retrouvée. Deux d’entre eux, L. Antonius Saturus et C. Heluius Caluus, constituent les seuls exemples d’haruspices de légion. Il est possible que ces haruspices aient manifesté ou ressenti une reconnaissance individuelle pour le Sévère, auteur de la mesure qui leur permettait d’acquérir un véritable statut au sein de la légion, sans recourir à une offre ponctuelle de consultations. Les sources, en tout cas, n’en font pas mention. Une au moins pourtant atteste que ce type d’haruspice participait sûrement aux cérémonies en l’honneur du prince et de la famille impériale : C. Heluius Caluus, haruspex, a ses noms associés à ceux de 61 légionnaires dans une liste déjà évoquée, retrouvée dans le praetorium, c’est-à-dire dans un endroit qui abritait les cérémonies de la religion officielle, particulièrement dans une aedes où l’on conservait les imagines sacrae imperatorum et les signa legionis. Deux autres haruspices, Antonius December et S. Iulius Felix, attachés à l’officium du légat, font partie d’une liste de sous-officiers sans doute réunis par une offrande commune à la famille impériale. S. Iulius Felix, notamment, a contribué avec d’autres légionnaires à une souscription pour des portraits impériaux252. Contrairement à ceux de Germanie Supérieure, dont la dévotion impériale s’exprime indirectement, par l’entremise de Mithra, les haruspices de Numidie, en tant que militaires, rendent directement un culte à l’empereur.
82La Dacie et le Norique offrent deux autres cas de manifestation de l’attachement des haruspices à l’Empire. On n’y trouve en effet plus tant exprimée la subordination militaire cette fois, directe ou indirecte, au prince que l’affection personnelle pour sa personne et sa famille.
83En Dacie, un haruspice se déclare membre du clergé mithriaque sans pour autant laisser entrevoir clairement des liens avec les légionnaires. C. Iulius Valens se dit en effet autistes huius templi dans des inscriptions qui ne proviennent pas d’un mithraeum et se présente comme un notable de la colonie d’Apulum. Néanmoins, il est possible que l’haruspice se soit pris de dévotion pour Mithra après avoir connu l’action d’un grand chef militaire, M. Valerius Maximianus. Cet homme253, qui a sans doute implanté le plus durablement le culte de Mithra à Apulum, incarne à lui seul le double aspect, conservateur et hiérarchique de l’idéologie mithriaque. Ce fils d’un notable de Poetovio254 est en effet connu pour avoir mené parallèlement une carrière dans l’armée et au Sénat. Entré dans la légion comme chevalier, il est d’abord préfet de la cahors I Thracum255, puis tribunus coh. I Hamiorum c(iuium) R(omanorum) en Syrie256, ensuite renvoyé sur le front germanique pour veiller au ravitaillement, sur le Danube, des armées des deux Pannonies257. Cette charge accomplie, il part en Pannonie supérieure pour y exercer les fonctions de praef. alae I Arauacorum, puis, à Arrabona, il devient préfet de l’ala contariorum258. Après le bellum Germanicum Sarmaticum, il est promu procurateur de Mésie Inférieure, fonction centénaire, puis procurateur de Mésie Supérieure après une victoire sur les brigands briséens, aux confins de la Macédoine et de la Thrace et occupe les mêmes fonctions en Dacie Porolissensis259. Sur le front du Danube, il commande ensuite différentes légions, la legio I adiutrix à Brigetio, la legio II adiutrix à Aquincum260, la legio V Macedonica à Potaissa comme légat, la legio I Italica à Nouae et, enfin, avant de partir pour la Numidie en tant que leg. Aug. pro praetore legionis III Aug.261, la legio XIII gemina basée à Apulum262. Là, à la suite d’un voeu, il dédicace à Mithra, Sol Inuictus, un autel263 qui constitue, en l’état actuel des découvertes archéologiques, le plus ancien monument mithriaque de la ville. L’haruspice C. Iulius Valens, qui dédie probablement ses inscriptions aux alentours de 192, appartient sûrement à cette génération qui a connu M. Valerius Maximianus et s’est initié au mithriacisme grâce à lui. Il a sûrement retenu de cet enseignement des valeurs qui ne tiennent pas spécifiquement de l’esprit militaire, mais qui valent aussi pour tout citoyen romain, dévotion à l’empereur et respect de l’Empire.
84La variété des dédicaces adressées par l’haruspice C. Iulius Valens atteste l’allégeance respectueuse au pouvoir impérial. C. Iulius Valens observe ainsi les traditions religieuses romaines solidaires de l’Empire. L’homme fait bénéficier de ses dons tant des dieux étrangers intégrés au patrimoine romain de longue date, comme Nemesis Regina264 dans l’inscription AE, 1930, 6, que des dieux traditionnels romains, comme Venus Victrix265 dans l’inscription CIL, III, 1115. Aucune incompatibilité n’est admise entre le culte de Mithra et de l’Empire, fût-il conçu comme le culte des dieux de l’Empire. Au contraire, il est même naturel qu’un haruspice comme C. Iulius Valens, censé représenter une uetustissima disciplina Italiae266 et protéger le mos maiorum contre l’invasion d’externae superstitiones267, trouve dans le mithriacisme des aspirations qui lui plaisent. Haruspices, comme mithriastes, sont attachés à la défense de l’Empire et, de surcroît, utilisent des moyens similaires pour entrer en contact avec le divin, qui garantiront l’unité de l’Empire et, parmi eux, le sacrifice.
85De plus, C. Iulius Valens adresse deux des trois inscriptions que nous possédons de lui pour le salut de l’Empire (pro salute imperii)268, Empire auquel il joint le peuple romain dans l’une269 et le sénat et le peuple romain dans l’autre270. L’haruspice mithriaste qui appartient à l’administration de la cité, au moins au titre d’haruspex coloniae, se considère comme l’un des maillons de l’immense chaîne qui tient et organise l’Empire. C’est pourquoi il n’oublie pas également d’associer l’ordo de la colonie au salut de l’Empire271 et du Sénat romain272.
86Dans le Norique, si des haruspices sont aussi attestés uniquement sous les Sévères, ils présentent néanmoins des caractéristiques totalement différentes des haruspices des autres provinces connus à cette époque. Contrairement à leurs confrères, ils paraissent en effet d’origine étrangère à la province où les inscriptions les montrent exerçant l’haruspicine. Tous en effet sont dotés de gentilices italiens. A. Vederna Maximus, Vibius Primigenius et Primus possèdent ainsi chacun un gentilice d’apparence étrusque, l’un en raison de sa terminaison en -na typique des noms de famille d’Étrurie273, les autres en raison de l’équivalence entre le nom étrusque vipi et le nom romain Vibius, si souvent soulignée274. L. Tuccius L. f. Campanus arbore un gentilice dont l’origine campanienne275 est soulignée par le cognomen Campanus. Cette origine italienne, exceptionnelle pour des haruspices qui résident dans une province, va de pair avec une endogamie entre résidents du Norique d’origine italienne. La compagne de L. Tuccius L. f. Pol. Campanus porte ainsi un gentilice du Nord de l’Italie276. Le couple formé par L. Tuccius L. f. Pol. Campanus et Sollonia P. f. Sabina a marié l’un de ses enfants, Tuccia Secundina, à A. Vederna Maximinus, fils d’un autre haruspice du Norique, A. Vederna Maximus277. Les inscriptions de ces haruspices ne permettent pas d’expliquer la raison de leur présence dans le Norique : ces hommes sont appelés haruspex sans précision de leur cadre d’activité. Tout au plus L. Tuccius L. f. Pol. Campanus remercie-t-il la cité de Virunum pour un service qui n’est pas indiqué. Il est difficile de voir en eux des haruspices publics des cités où ils sont attestés puisque l’haruspicine municipale et coloniale paraît exercée dans les provinces par des élites locales d’origine indigène. Ils ne font pas non plus figure d’haruspices de légion puisqu’il n’en est pas fait mention dans leurs inscriptions. Peut-être ont-ils tout simplement accompagné le légat de la province pour l’assister dans les cérémonies officielles. Dans ce cas, ils attestent une diffusion de l’haruspicine indirecte, venue d’en haut, du pouvoir romain, et non adoptée et pratiquée par les provinciaux d’origine indigène.
87L’apogée de l’haruspicine publique sous le règne des Sévères s’est traduit par la création d’une haruspicine militaire, destinée à favoriser la bienveillance des dieux envers l’armée dans la zone du limes numidien, et par l’amélioration du financement de l’haruspicine publique impériale, conçue désormais comme un instrument de légitimation des empereurs. Tout l’Empire est invité à suivre les avis des haruspices dont les principes d’explication des prodiges se répandent parmi les populations. Aucun empereur pourtant n’est identifié avec certitude comme l’initiateur de cette valorisation de l’haruspicine publique. Sans doute cette réorganisation de l’haruspicine publique correspond-elle à une volonté commune à plusieurs Sévères de voir l’haruspicine servir de ferment à une religion publique renouvelée et suffisamment attrayante pour ralentir l’essor du christianisme. Les haruspices publics, d’ailleurs, se prêtent volontiers à cet intérêt : ils s’engagent au sein de la religion publique pour assumer des prêtrises incarnant des traditions latines auxquelles leur discipline est étrangère. La plupart des haruspices affirment en outre leur loyauté aux valeurs de l’Empire : ils adhèrent en nombre au culte de Mithra qui véhicule une idéologie de soutien à l’Empire et multiplient les dédicaces à l’empereur. Dans cette solidarité entre Empire et haruspicine, les haruspices privés passent presque inaperçus : les sources les mentionnent rarement et leurs pratiques ne suscitent plus ni l’intérêt ni la critique des écrivains. Dans les modes de vie populaires, l’haruspicine est déjà concurrencée par d’autres traditions. L’inclination des Sévères pour l’haruspicine n’est pas non plus exclusive. Les Sévères s’intéressent aussi à un christianisme alors en pleine vogue qui apporte de nouvelles idées sur l’existence et l’au-delà. Les Sévères enrôlent et invitent ainsi des chrétiens à discuter avec eux de cette nouvelle superstition. Or, les chrétiens s’en prennent violemment aux sacrifices animaux qui constituent l’un des supports essentiels de la divination païenne. Les haruspices côtoient donc à la cour des Sévères des ennemis de leur doctrine. Sous les Sévères, cette cohabitation forcée ne provoque pas d’opposition frontale entre les uns et les autres, peut-être parce que les haruspices bénéficient alors grâce aux Sévères d’un prestige jamais connu auparavant et parce que les Sévères se contentent de manifester une curiosité intellectuelle pour le christianisme. La diffusion du christianisme dans l’empire et auprès de l’aristocratie romaine suscite pourtant une radicalisation de l’attitude des haruspices. Ces derniers passent à l’offensive mais sortent perdants de l’affrontement entre haruspices et chrétiens.
Notes de bas de page
1 Cf. CIL, VIII, 2809.
2 Sur l’haruspicine de légion, cf. Perea Yébenes 1991, 175-193, dont nous nous écartons sur un certain nombre de points.
3 Cf. Paternius Perpetuus (CIL, XIII. 11 788) et Pompeianius (AE, 1990, 756 et 757).
4 Sous le règne de Septime Sévère, la troisième légion Auguste reçoit le renfort de la troisième légion Gallica stationnée en Syrie. Cf. Picard 1944, 12 et Le Bohec 1989, 392.
5 Pour les cérémonies officielles, les légions de Germanie Supérieure recouraient peut-être aux services d’haruspices municipaux comme Tib. Adnamatius Sequens et T. Saturninius Aurelius, haruspices de Mayence (CIL, XIII, 6765).
6 Cf. Gascou 1972, 167-198. De plus, on ne relève aucun haruspice colonial ou municipal en Numidie.
7 Ces systèmes sont les suivants : celui de l’Aurès, celui du Sahara, celui de Tripolitaine occidentale et celui de Tripolitaine orientale. Cf. Le Bohec 1989, 393.
8 S’appuyant sur Tert., Apol., 2.8 ; orat., 19 (statio) ; coron., 11 (id.) ; ieiun., 10 (id.), certains, comme Townsend 1938, 52 et Benabou 1976, 170-171 et 176-177, ont cru à une vague d’agitation indigène.
9 Il paraît invraisemblable que des haruspices ne soient pas intervenus au profit des légionnaires et de la légion. Des haruspices privés se sont peut-être chargés des cas individuels et des soldats, dotés de connaissances haruspicinales, voire des tribuns militaires experts en Etrusca disciplina, ont peut-être pourvu aux préoccupations collectives de la légion.
10 Cf. CIL, VIII, 2567 = VIII, 18 054.
11 Les autres, comme Caracalla et Élagabal, ont réalisé peu de réformes militaires. Cf. Le Bohec 1989, 402-403 et 1998, 206-207.
12 A la différence de Septime Sévère, Sévère Alexandre n’est pas l’auteur de grandes réformes militaires. Il s’est surtout préoccupé des conditions de vie des soldats malades. Cf. Hist. Aug., Seu. Alex., 17.2-3.
13 Sur les réformes militaires de Septime Sévère, cf. Grosse 1920, 1. 2. 4. 8 et 12 ; Birley 1969. 63-82 ; Smith 1972. 481-500 ; Le Bohec 1989, 391-397 ; 1998, 203-207.
14 Cf. Hdn. 3.8.5 ; D.C. 78.34 ; Hist. Aug., Seu. Alex., 45.2 et 47.1 ; Delbrück 1901, 225-226 ; Amit 1965. 211 ; Develin 1971, 687-695 ; Davies 1971, 124.
15 Cf. CIL, VIII, 2553 = 18 047 et p. 954 (AE, 1906, 9) de Lambèse ; CIL, VIII. 2554 = 18 048 et p. 954 de Lambèse ; AE. 1899, 60 de Lambèse ; AE. 1902, 11 et 11 bis de Lambèse ; BCTH, 1893, 153 de Lambèse. Cf. aussi Le Bohec 1998, 205.
16 Cf. Lopuszanski 1938. 158 ; Saxer 1967. 122.
17 Cf. Picard 1944, 174.
18 Septime Sévère intervient seulement dans ce domaine à propos de la question chrétienne. Comme le nombre de chrétiens en Afrique croît dans des proportions importantes et que ces fidèles apparaissent bien organisés, l’empereur les fait espionner, arrêter, interroger et exécuter par des soldats. Cf. Tert., fug., 13 ; Lopuszanski 1951, 5-46 ; Mac Mullen 1966, 259. A Carthage en 203 et à Lambèse, au début du règne de Caracalla. notamment, des chrétiens sont mis à mort. Cf. Passio Perp. 9, 16. 18 et 21 et Leone 1980, 1317-1328. Pour un examen des sources sur l’attitude de Septime Sévère face aux chrétiens, cf. Dal Covolo 1989, 29-37 ; Daguet-Gagey 2000, 402-410 et ead., 2001, qui explique en partie la précarité des conditions de vie des chrétiens par la remise en vigueur de la législation sur les associations. La mesure de création d’une haruspicine de légion, néanmoins, était peut-être plus motivée par un souci d’ordre public que par une préoccupation proprement religieuse. Le danger que représentent les devins privés pour une armée en campagne ou stationnée dans un camp est un thème d’inquiétude continu chez les chefs militaires. En 134 a.C., la première mesure de Scipion l’Africain pour rétablir l’ordre chez les soldats romains abandonnés à l’oisiveté à Numance est de chasser les devins et les sacrificateurs qui offrent leurs services aux soldats. Cf. Appien, Hisp., 6.85. Dans le portrait de bon tribun de légion qu’il présente de l’empereur Aurélien. l’auteur de l’Histoire Auguste ne manque pas de taire figurer un passage d’une lettre à son remplaçant, où il l’engage à ne rien donner aux haruspices. Cf. Hist. Aug., Aurel., 7.8. Ce passage est d’autant plus étonnant que l’auteur de l’Histoire Auguste donne en général une image très favorable de l’haruspicine.
19 Cf. Hist. Aug., Alex., 27. 6.
20 Cf. Hist. Aug., Alex., 44.4.
21 CIL. VIII, 2809.
22 Les actes des jeux séculaires de 204 p.C., contrairement au Chant séculaire d’Horace pour l’époque d’Auguste qui leur sert de modèle, indiquent explicitement le recours à l’haruspicine. Un néologisme haruspicatio est utilisé pour désigner l’inspection des entrailles. Cf. CIL, VI, 32 328, 1. 78. Pour un commentaire de ce passage, cf. Pighi 1965, 317-318. Sur ces jeux séculaires, voir Hülsen 1932, 366-394 ; Gagé 1935, 33-78.
23 Cf. BMC, Empire, V, 189, no 178 ; 193-194, no 200 sq. ; 222, no 362 ; pl. 31.8, 32. 1-2 ; 36. 13.
24 Cf. Gnecchi 1912, 77, no 2, pl. 95. 3 et BMC, Empire, V, 391, no 178, pl. 57. 2 ; 450, no 101-102 ; 458, no 148 ; pl. 70. 5-6, 71.8 ; Babelon 1897, 157, no 301, pl. 34 ; MacCann 1968, 182, gem h, pl. 92.
25 Cf. Kleiner 1983, 300-301.
26 Cf. Hdn, 6.1.10 ; 6.2.3 ; 6.3.1 ; 6.4.2 ; 6.5.8-9 ; 6.6.1 ; 6.6.6 ; 6.7.2-3 ; 6.7.5 ; 6.7.9-10 ; 6.8.3 ; 6.9.1-3 ; 6.9.5-6 ; 6.52.3-4 ; 6.53 et 54.
27 Cf. Leglay 1971, 126.
28 CIL, VIII, 3304 de Lambèse.
29 CIL, IX, 1609 de Bénévent.
30 Cf. Le Bohec 1989. 54.
31 Cf. P. Coelius Etruscus (CIL. XI, 3370 + CIL, XI, 7566) ; M’. Valerius M’. f. Quir. Bassus (CIL, VI, 2165) ; M’. Valerius M’. f. Quir. Saturninus (CIL, VI, 2164) et [-] (CIL, XI, 4194).
32 Cf. von Domaszewski et Dobson 1967, 37.
33 Cf. Cic., Div., 2.72 ; Liv. 8.30 ; von Domaszewski et Dobson 1967. 13.
34 Il nous semble néanmoins inadéquat de ranger les haruspices de légion parmi les prêtres, comme le font Webster 1969, 122 et Le Bohec 1989, 192.
35 Cf. 23.5.10.
36 Ils ne sont pas définis comme tels dans le texte d’Ammien Marcellin et paraissent plus liés à la personne de Julien qu’à une légion précise.
37 Sur ces “manuels à l’usage des haruspices militaires en campagne”, cf. Thulin 1905-1909, I, 11 et le commentaire de J. Fontaine dans l’édition CUF, Paris, 1977, note 110.
38 Cf. p. 142-144.
39 A notre connaissance, aucune œuvre littéraire antique ne fait clairement allusion à ces sortes d’haruspices.
40 On restera réservé à l’égard de l’interprétation de Beard, North et Price 1998, 330, note 51, qui font d’un personnage représenté, sur une borne de Bridgeness en Écosse commémorant la construction de la section orientale de la muraille antonine par la seconde légion Auguste, un haruspice ou un uictimarius de gouverneur. Pour eux, cet homme en position assise, une tablette entre les mains, au premier plan d’une scène de libation, précédant un suouetaurile consulterait des livres religieux. Le critère du livre ne nous semble pas suffisant pour identifier un haruspice et le personnage semble figuré en scribe puisqu’il écrit plutôt qu’il ne lit, étant donné qu’il a la main droite sur la face de la tablette. Voir la photographie de ce monument dans Henig 1984, 87, fig. 32 et dans Keppie 1998, 61, fig. 25 ; voir aussi les commentaires historiques de Toynbee 1963, no 97, 166 et pl. 102 et de Phillips 1972-1974, 176-182, iconographiques de Toynbee 1964, 148-149 ; archéologiques de Close-Brooks 1981, 519-521. Pour une comparaison avec les autres monuments du même type de la muraille antonine, cf. Keppie 1975, 57-66.
41 CIL, VIII, 2586.
42 Position suivie par Haensch 1997. 722.
43 L’haruspice est ainsi placé après deux cornicularii. deux commentarienses, quatre speculatores, trente beneficiarii consularis, cinq quaestionarii et cinq beneficiarii tribuni sexmestris.
44 CIL, VIII, 2750.
45 Sur ce leg. Aug. pr. pr. de Numidie du règne de Caracalla, cf. Pallu de Lessert 1896-1901, I, 425 sq. ; PIR, V, 130 ; Lambertz 1955, 221, no 337 ; Birley 1950, no 8 (avec bibliographie).
46 CIL, VIII, 2742.
47 Sur ce leg. Aug. pr. pr. de Numidie du règne de Sévère Alexandre, Pallu de Lessert 1896-1901, I, 430 sq ; RE, X, I. 1917, s. u. Iulius, col. 656, no 302, Riba ; PIR 2, I, 369 ; Birley 1950, no 12 (avec bibliographie).
48 Cf. ligne 7 : Aufidius Rufus.
49 Ligne 8 : L. Orbius Felix trib(unorum) leg(ionis).
50 CIL, VIII, 2751.
51 Cf. von Domaszewski & Dobson 1967, 37.
52 AE, 1917-1918, 57.
53 Cf. 1998, 203-217.
54 Cf.ep., 10.35 et 52.
55 C. Vmbricius C. f. Melior (AE, 1930, 52).
56 Bien que les témoignages littéraires ne fassent ni mention ni allusion à la présence exclusive d’un astrologue auprès d’un empereur, l’accent porté par les auteurs anciens à la relation personnelle unissant certains empereurs à leur astrologue, à leur goût prononcé pour l’astrologie et, surtout, le silence corollaire de ces Anciens sur la présence et sur l’intervention d’haruspices auprès de ces mêmes empereurs peuvent faire douter du recours systématique à des haruspices impériaux.
57 Sur lui, cf. p. 120-122.
58 C’est-à-dire plus que 500 sesterces, rémunération prévue pour les haruspices d’Urso par CIL, II, 5439.
59 Deux arguments peuvent être avancés en ce sens : les fonctions des haruspices des 60, qui ne sont que des appariteurs de magistrats du peuple romain et la place de l’haruspicine des 60 dans la hiérarchie des fonctions haruspicinales, d’après les inscriptions CIL, VI, 2161 (L. Fonteius Flauianus) et CIL, VI, 2163 (-).
60 L’indication du ducénariat dans CIL, VI, 2161 n’a de sens dans une inscription funéraire que s’il est un titre de fierté.
61 Cf. CIL, VI, 2161.
62 Sur les éventuelles interventions de ces princes en matière d’haruspicine. cf. p. 156-159.
63 La situation financière des haruspices impériaux a pu dépendre du bon-vouloir de l’empereur régnant.
64 Pack 1988, 43 et fig. 15 bis et Granino Cecere 1996, tav. VII, 294-296, lisent CC sur l’inscription mais il existe à cet endroit une fracture de l’inscription qui rend la lecture difficile.
65 Cf. CIL, VI, 2168.
66 Cf. CIL, X, 4721 et 4722 (D. 1458).
67 Cf. CIL. VI, 2175.
68 Cf. CIL, VI, 2174.
69 Cf. T. Flauius Clodianus (CIL, XIV, 164) ; M. Oppius Placidus (CIL, XIII, 1821 ; M’. Valerius M’. f. Quir. Bassus (CIL, VI, 2165) et M’. Valerius M’. f. Quir. Saturninus (CIL, VI, 2164).
70 Ainsi, C. Nonius L. f., haruspice impérial, bénéficie des relations de son père, C. Nonius lustinus, sacerdos Cabensis.
71 Cf. 1982b, 285-286, mais ces chiffres sont à revoir à la lumière de la thèse de C. Berrendonner.
72 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 44.4.
73 Cf. Cic., Div., 1.92 ; Val. Max. 1.1 b. Voir nos analyses de ces textes, supra p. 41-44.
74 Cf. par exemple, supra p. 144-146.
75 Cf. 1975, 139-141.
76 Cf. Giacchero 1974, 7, 65-71 et 74. Sur ces salaires, voir Chastagnol 1980, 217 ; Polichetti 2001, 25-26.
77 Cf 50.9.4.2.
78 Cf. infra p. 169-175. Sur la pratique de l’haruspicine publique dans les provinces, voir notamment Scheid 1999b, 390 ; van Andringa 1999. 436 ; 2002. 105.
79 Une telle réserve est aussi adoptée par Villacampa Rubio 1998, 289.
80 Sur les omina imperii de l’Histoire Auguste, cf. Mouchova 1968-1969, 136-137.
81 Cf. Tac., 17.1.
82 Cf. Tac., 17.2.
83 Cf. Tac., 17.3.
84 Cf. Div., 1. 119.
85 Cf. D.C. 57.13.5.
86 Cf. D.C. 63.20.3
87 D’après Blackman & Betts 1986. 1402. Tacite n’emploie le nom purpura que dans Ger., 17.4 pour parler des vêtements des femmes de Germanie. D’après Howard et Jackson 1922, 199, Suétone présente la pourpre comme le privilège des grands généraux et des princes. César dont la rumeur dit que, jeune homme, il aurait couché dans la chambre de Nicomède de Bithynie sur un lit revêtu de pourpre (Iul., 49.3) est couché à sa mort sur un lit tendu de pourpre (Iul. 84.1) ; Caligula aurait fait preuve de largesse pour son second consulat, en faisant distribuer aux femmes et aux enfants des bandelettes de pourpre (Cal., 17.2) et aurait mis à mort Ptolémée, le fils du roi Juba, parce qu’il avait attiré tous les regards par l’éclat de son vêtement de pourpre (Cal., 35, 1), tandis qu’il aurait donné des housses de pourpre à son cheval nommé Incitatus (Cal., 55.3) ; Néron, à retour de Grèce, serait arrivé à Rome en triomphateur vêtu de pourpre (Ner., 25.1), se serait adonné à la pêche avec un filet retenu par des cordes tressées de pourpre (Ner., 30.3) et aurait interdit l’usage des teintures pourpre (Ner., 32.3). Enfin, Domitien aurait présidé un concours musical, équestre et gymnique vêtu d’une toge de pourpre (Dom., 4.4).
88 Sur ce lien, cf. Besnier 1927, pour purpura ; Schneider 1959, 2011-2016 ; Avery 1940, 66-80 ; Reinhold 1970, 48-70, et surtout p. 62-70 pour l’Antiquité tardive ; Alföldi 1970, 167-169.
89 Cf. COD. Iust. 50.2.11 et 11.8 ; COD. Iust. 4.40.1 promulgué entre 383 et 392 p.C.
90 Cf. Lact., inst., 4.7.6 ; Joh. Chrys., anath., 3 ; COD Iust. 1 1.8.4 pour 424 p.C. Les sujets suspectés de posséder même un vêtement de pourpre faisaient l’objet d’une accusation de laesa maiestas. Cf. Amm. 14.7.20 ; 14.9.7 ; 16.8.3-6 ; 16.8.8
91 Sur cette cérémonie introduite par Dioclétien, cf. Avery 1940.
92 Cf. purpuram adorare ou quelque expression semblable dans COD. Theod. 8.7.4 pour 354 p.C. ; 6. 24.3 pour 364 peut-être p.C. ; 8.7.8 ; 7.1.7 ; 12.1.70 pour 365 p.C. ; 8.7.9 pour 366 p.C. ; muricem adorare, uenerari purpuram (Cod. Iust. 12.53.1) ; adorare purpuram (Cod. Iust. 12.33.7 pour 531 p.C. ; Amm. 15.5.8) ; adoranda purpura (Cod. Iust. 12.3 ; Amm. 21.9.8) ; πατρικὴ ἁλουργίς (Euseb., Constantin., 1.22) ; βασιλικὴ άλουργίς (Euseb. pour la 30e année 5 p. 204, 25. 205, 15 Heikel ; Joh. Chrys., anath., 3) ; sacer murex (COD. Iust. 11.9.3).
93 Sur l’emploi métonymique de purpuratus dans l’Histoire Auguste, cf. Rosger 1980, 186-190.
94 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 13.1.
95 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 13.2.
96 On notera que le présage de l’Histoire Auguste, probablement inspiré du Roman d’Alexandre du Pseudo-Callisthène (1.11), est interprété par les haruspices d’une manière différente de celle de l’interprète des signes du texte grec (ὁ δὲ σημειολύτης) qui voit dans l’œuf une image de l’univers.
97 Cf. Sat., 3.7.2.
98 Cf. ad Virg., Buc., 4.43.
99 Traduction de Ch. Guittard, Paris, Les Belles Lettres, La Roue à livres, 1997.
100 Cf. Hist. Aug., Max. duo, 33.2 : l’utilisation des cheveux des femmes d’Aquilée pour équiper les arcs est mentionnée par Servius, ad Verg., Aen., 1.720, à propos du début du IVe s. a.C. Cf. His. Aug. tyr. tr., 29.4 : la fin de Celsus d’abord jeté aux chiens, puis son portrait crucifié sous les applaudissements du public rappelle le sort réservé par Tarquin le Superbe aux plébéiens qui avaient refusé de lui obéir lors de la construction de la cloaca maxima selon Servius. ad Verg., Aen., 12.603.
101 Cf. Hist. Aug., tyr. tr., 6.5-6 : le nom de l’auteur Julius Athérianus paraît forgé sur le nom de l’érudit Atérianus mentionné par Macr., Sat. 3.8.2. Cf. His. Aug. Car., 4.4 : l’érudit Sammonicus Sérénus n’est connu ailleurs que par Macrobe, Sat., 2.9.6.
102 Cf. Inst., 1.10.2.
103 Cf. 25.2.7.
104 On verra l’analyse par Briquel 1999b, 185-204, de ce type de signes.
105 Cf. Amm. 25.2.7.
106 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 14.1.
107 Cf. Hist. Aug., Get., 3.2.
108 Cf. Hist. Aug., Get., 2.5.
109 Cf. Hist. Aug., Sept. Seu., 22.6.
110 Cf. Hist. Aug., Sept. Seu., 22.4.
111 Cf. supra p. 149.
112 CIL, IX, 1540.
113 Cf. Duthoy 1969, 86.
114 IK, 15-Ephesos, 1540.
115 Cf. Scheid 1999, 96, qui voit au contraire dans l’appellation de l’haruspice une marque de limitation du champ de compétences des haruspices des 60.
116 Cf. C. Iulius Valens (CIL, III, 1114 ; 11 15 ; AE, 1930, 6).
117 Cf. 1896-1899, I, 70 et cité par Turcan 1981, 358.
118 Cf. Chron., Alex. Chron., 5794.9.30 ; Cumont 1896-1899, II, 51.
119 Cf. Turcan 1981, 358.
120 Cf. Ryberg 1955.
121 Sur toutes ces différences entre sacrifice romain traditionnel et sacrifice mithriaque, cf. Turcan 1981, passim.
122 Cf. Latte 1960, 388.
123 Cf. Cumont 1896-1899, I, 68. De fait, le sacrificateur est représenté le pied droit sur le paturon du taureau, le genou sur son garrot et les mains saisissant fermement corne ou naseaux.
124 Une telle fosse a été reconnue par F. Cumont dans le mithraeum ostien des Sept Sphères. Cf. Cumont 1896-1899, I, 63.
125 Telle est peut-être l’utilité de cratères qu’on trouve dans des scènes de tauroctonie ou de procession. Cf. Cumont 1896-1899, I, 101 ; Vermaseren 1956, I, 246, no 670, fig. 191 ; 197, no 481, fig. 134 et 137.
126 Cf. l’analyse de l’architecture des mithraea par Turcan 1989, 214-215. Les mithriastes se définissent eux-mêmes comme des cryphii. Cf. Vermaseren 1956, I, 172, no 402 et 173, no 405. La loi romaine interdisait au contraire les cultes nocturnes, qu’on soupçonnait de magie et de superstitio. Cf. Liv. 39.14 ; Cic., Leg., 2.21 et 35-37.
127 Cf. Latte 1960, 389 sq. ; Dumézil 1966, 534.
128 Certains mithraea offrent de tables et des comptoirs en-dessous ou devant l’image du dieu. Cf. Turcan 1991. Des reliefs bifaces représentant Mithra et le Soleil attablés permettent aux mystes de banqueter avec les dieux. Cf. Turcan 1978, 147 sq.
129 Ce banquet reproduit celui de Mithra et du Soleil, après le sacrifice du taureau. Des représentations de ce banquet divin sont figurées sur des reliefs d’Heddernheim (Vermaseren 1956, II, no 1083 b, fig. 275), de Rückingen (Vermaseren 1956, II, no 1137 b, fig. 297), d’Osterburken (Vermaseren 1956, II. no 1292, 4 g. fig. 340), de Dieburg (Vermaseren 1956, II, no 1247, A 11. fig. 323) et de Konjic (Vermaseren 1956, II. no 1896, 3, fig. 491).
130 La religion romaine n’a jamais vraiment fait sienne la θυσία grecque. Cf. Yerkes 1955. 80.
131 Cf. la procession de S. Prisca dans Vermaseren 1956, I. 197, no 481, fig. 134 et 137.
132 Cf. ad Verg., Aen., 2.781 : Tusci autem a frequentia sacrificiis dicti sunt, hoc est ἀπò τοῦ θύειν. Cf. ad Verg., Aen., 8.479 : sane illo tempore Tyrrheni dicti sunt, post Tusci. Cf. ad Verg., A, 10.164 : Tusci a frequenti sacrificio sunt dicti ἀπò τοῦ θύειν.
133 Cf. Étym., 9.2.86 : Tusci Italiae gens a frequentia sacrorum et turis uocata, id est ἀπò τοῦ θυσιάζειν. Cf. aussi Étym., 14.4.20 : Tuscia a frequentia sacrificii et thuris dicta ἀπò τοῦ θύσαι.
134 Nous ne reviendrons pas ici sur le problème de l’encens, tus. bien étudié par Briquel 1991a, 289-298.
135 Cf. 1991a, 291. L’idée a été reprise par Cicéron pour expliquer la supériorité des haruspices en matière d’examen des entrailles, cf. Div., 1.93 : Etrusci autem, quod religione imbuti studiosius et crebrius hostias immolabant, extorum cognitioni se maxime dederunt. On observera cependant que. pour Cicéron, l’habitude des sacrifices intervient pour expliquer les connaissances des Étrusques en extispicine, alors que pour les auteurs plus tardifs, l’extispicine a totalement disparu au profit d’une mise en rapport étymologique directe Tusci-θύειν. L’étymologie proposée par Dion. H., 1.30.3, dérive aussi probablement de la source varronienne.
136 L’étymologie varronienne apparaît à une époque haute pour la dernière fois au 1er s. p.C. avec Plin., Nat., 3.5.50 : a sacrificio ritu lingua Graecorum sunt cognominati.
137 Cf. Cens., die natal., 4.13 : puer (...) nomine Tages, qui disciplinam cecinerit extispicii ; Amm. 21.1.10 : Extis (...), cuius disciplinae Tages nomine quidem monstrator est. Cf. aussi Mart. Cap. 2.157.
138 Cf. COD. Theod. 9. 16.2.
139 Cf. COD. Theod. 16.10.1.
140 Cf.Amm. 18.3.1-4.
141 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 27.6. Sur ces devins vascons, cf. Sayas 1985, 593-606. Sur les augures de Pannonie, cf. Alföldy 1960, 145-164.
142 Elle rêve de donner naissance à un petit serpent de couleur pourpre. Cf. Alex. Seu., 14.1.
143 Contre toute vraisemblance historique, cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 5.1-2 et 13.1. Sévère Alexandre est né un ier octobre, quand Alexandre le Grand est un mort un 10 juin et Sévère Alexandre reçut le nom d’Alexandre seulement quand il devint César.
144 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 16.3-4 et 13.3.
145 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 64.3.
146 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 13.3.
147 Cf. COD. Theod. 9.16.1 ; 9.16.2.
148 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 29.2, où l’auteur de l’Histoire Auguste allègue l’affirmation d’un écrivain contemporain des événements sans le nommer.
149 Cf. Hist. Aug., Alex. Seu., 43.6. L’auteur de l’Histoire Auguste semble excuser l’attitude de Sévère Alexandre par la tentative d’une entreprise de ce genre par l’empereur Hadrien.
150 Cf. Briquel 1997b, 73.
151 Cf. Chastagnol 1994, 611.
152 Cf. Hist. Aug. Alex. Seu., 43. 6-7.
153 On pensera bien sûr à l’empereur Julien.
154 Cf. H.E., 6.28.
155 Ces temps de faveur pour le christianisme remontent sûrement aux Sévères, et non à l’anarchie militaire et au règne de Dioclétien, qui n’a jamais manifesté de sympathie pour les chrétiens. Cf. Besnier 1937, 317 sq ; Seston 1948.
156 Cf. H.E., 8.1.1. Sur l’attitude de Sèvère Alexandre face au christianisme, voir l’analyse historiographique de Dal Covolo 1989, spéc. 83-90.
157 Cf. H.E., 8.1.2.
158 Cf. Tertullien, Scap., 4.7. L’attitude de Septime Sévère semble relever davantage du réalisme politique que de la conviction religieuse : le prince ménage les chrétiens, parce qu’ils l’ont appuyé en Asie dans sa lutte contre Pescennius Niger.
159 Cf. Tert., Scap., 4.
160 Cf. Tert., ibid., Caracalla aurait été lacte Christiano educatus.
161 Il se pourrait que ce tuteur, appelé Torpaeion (= τροφεύς) par Tertullien, Scap., 4, soit à identifier avec le procurateur Euodus, impliqué dans le complot contre Plautianus (D.C. 76.3.2). Sur cet homme, voir Babelon 1957, 42 et Platnauer 1965, 154.
162 Pour une attribution à Septime Sévère, cf. von Domaszewski 1895, 111, suivi par Montero Herrero 1991, 19-20.
163 CIL, VI, 2161.
164 Cette datation s’appuie sur la parenté de l’haruspice avec les Fonteii de l’aristocratie municipale de Chiusi.
165 Cf. Hdn, 2.11.6.
166 Cf. D.C. 77, 11, 1-2. L’anecdote reprend un épisode de latin de la vie d’Auguste rapporté aussi par D.C. (56.29.4), quand l’inscription de la statue d’Auguste est effacée par la foudre, transformant CAESAR en AESAR et indiquant par là qu’il ne reste plus que cent jours à vivre au prince.
167 Cf. Hist. Aug., Sept. Seu., 15.5. Sur l’attention portée par Septime Sévère à l’astrologie et à la divination, cf. Cramer 1954, 213.
168 Cf. Hdn, 4.12.3. Sur cette attention, cf. Cramer 1954, 214-216, qui explique l’hostilité de Caracalla aux Péripatéticiens par leur scepticisme vis-à-vis de la divination.
169 Cf. D.C. 78.16.1.
170 Cf. Hdn 4.12.3. C’est ainsi que Caracalla, admirateur d’Apollonius de Tyane, a érigé un temple en son nom. Cf. D.C. 78.18.4.
171 Cf. D.C. 79.4. Hdn 4.12.5, fournit un récit flou de ces événements.
172 Cf. D.C. 79.7.1-2. Le texte grec fait mention de μάντεις mais l’identification de ces devins avec des haruspices ne fait aucun doute en raison de l’expression technique utilisée. Voir la critique par Freyburger 1999, 27, de la thèse d’A. Bouché-Leclercq pour qui il s’agirait d’hépatoscopie grecque.
173 Cf. D.C. 78.23.2.
174 L’exemple d’Alexandre est aussi revendiqué par Caracalla. Cf. D.C. 78.7-9.
175 D’un point de vue théorique, le recours aux haruspices pour renouveler les traditions italiennes les plus anciennes est justifié par quelqu’un comme Cornélius Labéo. érudit de la seconde moitié du iiie s. p.C. qui s’est servi de l’Etrusca disciplina pour rénover la religion romaine. Il aurait ainsi composé un ouvrage de quinze livres sur la discipline étrusque où il exposait notamment les révélations de Tagès et abordait des problèmes techniques tels que les lapides manales. Il faisait de cette tradition étrusque la parole divine représentatrice du patrimoine italien, l’enrichissait d’emprunts aux religions dites orientales et du monde iranien et l’adaptait aux exigences morales de l’époque. Voir les études de Briquel 1997b, 119-137 (avec la bibliographie précédente) et 1998b, 345-356 sur l’œuvre de Cornelius Labéo. Sur le problème particulier des dii animales, voir Briquel 1987, 263-277.
176 CIL, VI, 2175.
177 Cf. 5.61.3.
178 Cf. Nat., 3.64.
179 Les plus anciennes inscriptions de sacerdotes Cabenses, CIL. VI, 2175 et Buonocore 1989, 219, de Monte Cavo remontent au ier s. p.C.
180 cf CIL, VI, 2021 (= 2173), où sont mentionnés des [s]acerdot[es] [feria]rum Latinarum montis Albani. Comme la seule inscription de sacerdos Cabensis dont nous connaissons le lieu de découverte avec précision. Buonocore 1989, 219, a été trouvée au sommet du Monte Cavo (nom moderne du mont Albanus), à proximité de l’endroit où se trouvait le sanctuaire fédéral de Jupiter Latiaris, Granino Cecere 1996, 277, a supposé que les sacerdotes Cabenses s’occupaient aussi de l’administration du temple et y résidaient. Faute d’autres arguments pour appuyer cette hypothèse, nous sommes réservée à l’égard de cette proposition.
181 Sur les sacerdotes Cabenses, on pourra consulter la bibliographie suivante, assez ancienne, Mommsen 1861, 205-207 ; De Rossi 1873, 168 sq. ; Mommsen 1887-1891, III. 567-579 ; Wissowa 1914, 448 ; 1915, 3-5 ; Marquardt 1885, 459 ; Latte 1960, § 105 et 159, mais on se référera surtout aux mises au point récentes de Granino Cecere 1996, 276 sq. et 1999, 98-99, 107 et tableau 151.
182 CIL, VI, 2175.
183 CIL, VI, 2174.
184 CIL, VI, 2175.
185 CIL, VI, 2021 (=2173), inscription anonyme de l’époque de Dèce et Buonocore 1989, 219, inscription de C. Antistius, sacerdos Cabensis montis Albani.
186 D’après le texte de l’inscription, l’haruspice ne semble pas avoir assumé de charges financières, militaires et administratives avant son sacerdoce de Cabum.
187 Sur les charges albaines, cf. Marquardt 1885, 459-460 ; Mommsen 1887-1891, III, 567-579 ; Bruno 1910. 1756 sq. ; Wissowa 1914, 448 ; 1915, 3-5 ; Latte 1960, § 105 et 159 ; Alföldi 1976, 131 sq., mais, comme pour les sacerdotes Cabenses, on se référera surtout à la mise au point récente de Granino Cecere 1996, 280 sq. et 1999, 97-98, 107 et tableau 148-150.
188 Cf. L. Memmius C. f. Gal. (CIL, VI, 1460 = XIV, 2264).
189 Cf. CIL, VI, 2170 sq. ; CIL, XIV, 2947 de Préneste.
190 Cf. CIL, VI, 2172 ; CIL, XIV, 2410 de Bovillae ; Asc. 35 ; Symm., Ep., 9.147 sq.
191 Auparavant, les prêtres albains semblent avoir eu des attaches familiales ou des intérêts économiques dans le territoire albain. L. Memmius C. f. Gal. (CIL, VI, 1460 = XIV, 2264) pourrait ainsi avoir été enterré par sa fille Memmia dans l’ager Albanus, où il avait une propriété. Une villa de P. Memmius Regulus (PIR2, M, 468). peut-être parent du pontife albain, est d’ailleurs attestée dans les environs d’Ariciae, près de l’ager Albanus. Sur ce possible ancrage albain de L. Memmius C. f. Gal., cf. Granino Cerere 1996. 285 sq.
192 CIL, VI, 2168.
193 CIL, VI, 2161
194 On notera que C. Vmbricius C. f. Scapt. Melior, dans la deuxième moitié du ier s. p.C., est devenu haruspex Caesarum, sans passer par le pontificat albain.
195 Cf. CIL, VI, 1460 = XIV, 2264.
196 Cf. CIL, IX, 1595 de Bénévent.
197 L’inscription est cependant très lacunaire. On ne peut donc exclure l’idée que le pontife albain ait exercé l’haruspicine au profit de l’empereur ou des empereurs.
198 Cf. Granino Cecere 1999, 106.
199 Ibid.
200 Cf. Liebenam 1900, 254 ; 1903, 388-390.
201 Cf. supra p. 162.
202 Cf. CIL, XIV, 4452 d’Ostie.
203 La conjonction de coordination n’est notée que dans l’inscription CIL, XIV, 4452 de P. Flauius P. f. Pal. Priscus.
204 On notera l’absence d’itération dans les inscriptions des dictateurs albains.
205 Cf. supra p. 137-159.
206 Cf. 1968, 44-46.
207 Cf. CIL. XIV, 4452 d’Ostie. Sur ce personnage, cf. aussi CIL, XIV, 5335 et 5340 d’Ostie.
208 Cf. CIL, XIV, 4452.
209 Cf. Granino Cecere 1996, 296.
210 On pourra consulter les analyses déjà anciennes de Zumpt 1845 ; Wilmanns 1867 ; Beloch 1880 ; Marquardt 1885, 457-468 ; Howe 1904 ; Wissowa 1914, 447-449 ; Rosenberg 1914, 253-272 ; 1915, 416-426 ; Wissowa 1915, 21-33 ; Mommsen 1887-1891, III, 556-569, 579-581 ; Latte 1960, § 105, note 5 et § 159. Les analyses ont été renouvelées depuis qu’on s’est rendu compte grâce à Castagnoli 1972, 85-90, que le site de Lavinium avait été réoccupé dès le début du iie s. a.C., cf. Alföldi 1976, 133 sq. ; Saulnier 1984, 517-533 ; Dubourdieu 1989 ; Thomas 1990, surtout 163 sq. ; Mrozewicz 1993, 217-225 et Granino Cecere 1996, 275-316 ; 1999, 101-104, 109-112 et tableau 155-180.
211 Cf. Saulnier 1984, 532.
212 Cf. L. Dudistius Nouanus, pontifex Laurentium (CIL, XII, 408 de Marseille), Sp. Turranius Proculus Gellianus, Pater Patratus Laurentium Lauinatium (CIL, X, 797 de Pompéi).
213 Cf. Saulnier 1984, 519 et 525, où l’auteur s’appuie sur la célébration des Jeux séculaires en 47 et sur l’absence d’attestations épigraphiques de Laurentes Lauinates avant les Julio-Claudiens.
214 Cf. CIL, X, 4721 et 4722.
215 Saulnier 1984, 517-533, en recense trois, M. Servilius Eunicus ; C. Julius Laetitius et C. Flavius Celer.
216 Cf. Granino Cecere 1999, tableau 155-180.
217 Cf. Tac., Ann., 11.15.
218 Ce sentiment se manifeste autour de la nécessité de rassembler la communauté des fidèles autour du foyer géographique de la religion nationale.
219 Cf L. Vibius Fortunatus (CIL, X, 4721 et 4722) et [-] (CIL, VI, 2163).
220 Cf. Granino Cerere 1999.
221 Nous avons laissé de côté tous les Laurentes Lauinates dont la vie n’est pas datable.
222 Sur l’élaboration de la légende d’Énée, cf. Castagnoli 1972, 94-100 ; 1982, 1-15.
223 Sur ce traité, cf. Saulnier 1984, 522-523, qui s’appuie sur Liv. 8.11.15 et sur l’inscription CIL, X, 797 (Pompéi) de Sp. Turranius Proculus Gellianus.
224 CIL, X, 7580 de Carales en Sardaigne.
225 CIL, VIII, 5439 de Calama ; 7977 et 7979 de Rusicade.
226 CIL, VI, 2164 ; CIL, XIV, 170 d’Ostie.
227 CIL, XI, 1836 ; 5749 d’Arezzo.
228 CIL, VI, 1635 ; Hist. Aug., Comm., 6.12.
229 CIL, X, 4721.
230 CIL, VI, 2163.
231 CIL, VI. 2175.
232 CIL, VI, 2168.
233 Même si, dans les faits, à cette époque, les haruspices sont romains, leur discipline ne l’est pas et il existe toujours des réticences à l’égard de l’haruspicine ; accumuler les fonctions de prestige, surtout lorsqu’elles ont trait à la plus ancienne histoire de Rome, permettait donc aux haruspices de quitter définitivement le rôle d’appariteurs, de subalternes réservé à la plupart des haruspices officiels.
234 C’est le cas, par exemple, de Larginus Proculus (Suét., Domitien 16.1 et D.C. 67.16.2).
235 Cf. T. Saturninius Aurelius et Tib. Adnamatius Sequens (CIL, XIII, 6765 de Mayence), M. Ianuarinius Secundinus (AE, 1990, 762 de Bad Wimpfen im Tal), Paternius Perpetuus (CIL, XIII, 11 788) et Pompeianius (AE, 1990, 756 et 757 de Spire).
236 Pompeianius est attesté à cette époque comme gentilice dans une autre inscription seulement de cette partie de l’Empire, Pompeianius Siluinus et Pomp(eianius) Victor dans l’inscription AE, 1980, 660 (Augusta Vindelicorum en Rhétie). Le cas est rare car le cognomen Pompeianus n’est pas très répandu à l’Ouest et au Nord de l’Empire romain. On en compte seulement sept exemples dans le CIL, XIII et ses suppléments ; deux proviennent de Belgique et trois de Germanie supérieure. Cf. Mocsy & Feldmann & Marton & Szilagyi 1983, 1928 et Kajanto 1965, 153, 191.
237 Cf. Keune 1897, 155 et 179. A Nouiomagus, Veccinius de CIL, XIII, 6100 présente un autre nom formé de cette façon, mais le cas y est relativement rare.
238 Cf. CIL, XIII, 8634 de Birten.
239 Pompeianius dans l’inscription AE, 1990, 756 et 757.
240 Paternius Perpetuus dans l’inscription CIL, XIII, 11 788.
241 Cf. Vermaseren 1974 ; Beck 1984, 2033 sq.
242 Cf. Schwertheim 1975, 136-145.
243 Cf. Vermaseren 1974, passim : le culte de Mithra est ainsi particulièrement attesté dans deux zones proches du limes, en Rhénanie-Palatinat et, en Bade-Wurtemberg, dans les vallées du Main et du Neckar. Des stèles monumentales sont consacrées à Mithra à Heddernheim (Schwertheim 1975, 270-272), Rückingen (Schwertheim 1975. 101-106), Groβ-Krotzenburg (Schwertheim 1975, 130-134), Osterburken (Schwertheim 1975. 192-195). On se référera aussi aux cartes des mithraea sur le limes germanique ou à sa proximité de Merkelbach 1984. 152 et de Schwertheim 1975, Karte I.
244 Cf. Merkelbach 1984, 153 sq. Voir aussi Liertz 1998, 182-185.
245 Sur ces étapes de l’initiation mithriaque, cf. XXXX.
246 Cf. Simon 1979, 412-413 ; Merkelbach 1984, 177-180.
247 Cf. Hist. Aug., Comm., 9.4.
248 Le nom d’A. Caecidius Priscianus, sacerdos domus Augustae, est présent sur l’une des inscriptions trouvées dans le mithraeum de S. Stefano Rotondo à Rome. Cl. Panciera 1979, 87-96. Sur cet homme, PIR2, C, 115.
249 CIL, VI, 2271.
250 Cf. le relief (Vermaseren 1956, V 397) et la statue (Vermaseren 1956, V 398) des castra praetoria.
251 On pourra interpréter néanmoins, à la suite de Merkelbach 1984, 180-183, la pratique de suouetaurilia dans les cérémonies mithriaques comme le signe de leur admission dans la religion romaine officielle.
252 Les imagines sacrae dont il est question à la ligne 2 désignent sans aucun doute les imagines de la domus diuina. A Lambèse, en effet, la domus diuina a fait l’objet d’un culte dont témoignent les dédicaces collectives des inscriptions CIL, VIII, 2554 = 18 048 = D. 2445 ; D. 9098 ; D. 9099 ; CIL, VIII, 2555 = 18 072 = D. 2446 et D. 9100 et qui s’est traduit parfois par l’offrande d’imagines (D. 9098 : [scholam cum im]aginib(us) fece[r(unt)] et D. 9099 : schola[m cu]m imaginibus sacris fecerunt). Par imagines, on entendait à l’origine des représentations en cire ou des portraits peints qui dépeignaient l’homme à mi-corps, des bustes. Cf. Daut 1975, passim. On trouvera des exemples d’imagines dans l’article de von Hesberg 1978, 940 sq. Les imagines représentaient les membres de la maison d’Élagabal ou de Sévère Alexandre. La domus diuina, de “maison du dieu”, est devenue en effet, dès Tibère, la “maison” de l’empereur, puisque le caractère divin de l’empereur, de sa maison et de tout ce qui se rapportait à lui, était reconnu par le vocabulaire officiel. Cf. Fishwick 1985, 367-372 et 1991, 334-335.
253 Sur cet homme, cf. Pflaum 1978, 65-84 ; Merkelbach 1984, 162-164.
254 Le père est quinquennalis de Poetovio (CIL, II, 4108) et sacerdotalis de la province de Pannonie supérieure (CIL. III, 4033 de Poetovio).
255 Cf. Pflaum 1978, 65.
256 Cf. Pflaum ibid.
257 Cf. Pflaum. ibid.
258 Cf. Pflaum, ibid
259 Cf. Pflaum, ibid.
260 CIL. III, 13 439 du territoire de Brigetio.
261 CIL, VIII, 2698 et 18 247 (Lambèse) ; CIL, VIII, 2621 (Lambèse) ; CIL, VIII, 2749 (Lambèse) ; AE, 1915, 28 (Lambèse) ; Leglay 1954, 273 (Lambèse) ; AE, 1935, 45 (Cuicul) ; AE, 1920, 16 (Cuicul) ; CIL. VIII, 4212 (Verecunda).
262 CIL, III, 1122 d’Apulum.
263 CIL, III, 1122 : [Deo Soli] Inuicto Mitrae M(arcus) Val(erius) Maximianus leg(atus) Aug(usti) u(otum) s(oluit).
264 Sur le culte de la déesse Nemesis Regina dans la partie occidentale de l’Empire, cf. Fortea López 1994.
265 Sur le culte de Vénus dans un contexte militaire, cf. Schilling 1982, 272-342.
266 Expression utilisée par l’empereur Claude pour définir la discipline étrusque dans Tac., Ann., 11.15.
267 Autre expression utilisée par l’empereur Claude pour définir les religions étrangères dont le succès menace l’observation des rites traditionnels.
268 CIL, III, 1114et 1115.
269 CIL, III, 1114.
270 CIL, III, 1115.
271 CIL, III. 1114 et 1115.
272 AE, 1930, 6.
273 On le rencontre notamment dans les célèbres gentilices étrusques Peperna et Caecina. Vederna pourrait transcrire l’étrusque vetruni et les génitifs étrusques vetral, vetrual, qu’on rencontre dans AS 1. 174 (vetral), AS 1. 435 (vetral), Cl 1. 1389 (vetrual), SE 23, 1954, 112 de Chiusi et, à Pérouse, dans CII, 91 (TLE 690) (vetrual) et CIE 3368 (vetruni). Il n’est pas attesté à l’époque romaine ailleurs que dans cette inscription de Celje. Cf. Solin & Salomies 1988. 199. On pourrait ajouter que le prénom Aulus porté par A. Vederna Maximus est d’origine étrusque. Cf. Salomies 1987, 24-25.
274 Cf. Schulze 1991, 102, qui s’appuie sur CIL, II, 1181 d’Hispalis ; Torelli 1969, 302-303 ; 1982b, 291.
275 Cf. Schulze 1991, 375, 425 et Winkler 1974, 125, vont jusqu’à penser que le nom est en réalité étrusque, en s’appuyant sur la présence de deux Tuccii en Étrurie (Ti. Tucius, Rufus Tucius, C. Tuccius Ti. fil. u. Arn. Scaeua dans l’inscription CIL, XI, 3071 d’Horta, P. Tuccius Q. f. Postumus dans l’inscription CIL, XI, 3383 de Tarquinia). Cependant, cette hypothèse nous paraît infondée dans la mesure où les Tuccii sont beaucoup plus nombreux encore en Campanie et dans le Latium. Cf. l’index de CIL, I2, qui en compte trois exemples, l’index du CIL, XIV, qui en compte une vingtaine d’exemples et le volume Epigrafia e ordine senatorio, II, 57. Cette origine paraît confirmée par la présence du cognomen Campanus et de la tribu Pol(lia). Cf. Kubitschek 1889, 271 ; Kubitschek 1937, 2501, et Taylor 1960, 274 : la tribu Pollia rassemble des gens des environs de Tusculum.
276 Cf. Holder 1904, 1610, qui mentionne la présence de Sollonii à Vérone (C. Sollonius Senecio dans CIL, V, 3426), à Brixia (Sex. Nig. Sollonius dans CIL, V, 4197) et à Milan (Q. Sollonius, Q. Sollonius Gauillus, Q. Sollonius Macer, Q. Sollonius Tertullus, Q. Sollonius Veruicius, Q. Sollonius Victor dans CIL, V, 5830).
277 Cf. AE, 1948, 236.
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