Chapitre III. Le contrôle des haruspices par l’Empire
p. 85-136
Texte intégral
1Le Principat marque dans l’histoire des haruspices une césure plus claire qu’il n’y paraît à première vue. Même si Auguste n’est jamais présenté dans les sources comme le promoteur d’une nouvelle haruspicine publique, il paraît invraisemblable qu’il n’ait pas intégré les haruspices à son programme de restauration de la religion publique. L’Étrurie formant avec l’Ombrie la septième région d’Italie, les Étrusques fournissent peut-être leur apport aux retrouvailles du peuple romain avec ses dieux sous forme d’une nouvelle organisation d’haruspices à Rome. L’empereur lui-même recourt d’ailleurs peut-être à des haruspices particuliers qui héritent des fonctions des haruspices personnels des imperatores de la fin de la République. L’activité de l’haruspicine privée commence aussi à être très strictement surveillée ; les consultations sur la vie du prince sont ainsi interdites. C’est toute l’haruspicine romaine qui subit un contrôle étroit de la part des institutions, prince, sénat romain ou élites des municipes et des colonies.
1. Le contrôle de l’haruspicine publique
1.1. Un ordre des 60 haruspices sous influence
2Plusieurs inscriptions impériales1 et un texte de Tacite2 présentent un ordre composé de 60 haruspices comme l’organe qui regroupait les haruspices publics romains servant d’appariteurs aux magistrats du peuple romain. Aucun texte ne mentionnant la création de cet ordre, les historiens se sont divisés sur la date de la création de cet organisme, depuis le regain d’intérêt pour l’haruspicine à la fin du xixe siècle jusqu’aux dernières monographies sur le sujet3 Pour estimer le moment de la naissance de ce type d’haruspicine officielle, faute de sources littéraires qui en décrivent les débuts, tous se sont fondés sur les inscriptions d’haruspices des 60 qui datent de la période charnière de la fin du ier siècle a.C. et du début du ier s. p.C. Selon la datation qu’ils leur attribuent, l’ordre des 60 remonterait ainsi avant Auguste, peut-être à l’institution d’un parrainage romain de l’haruspicine que nous avons daté du iiie s. a.C., ou à la mise en place du principat augustéen. Après un réexamen de ces inscriptions, appuyé par une prise en compte de la politique religieuse d’Auguste, nous verrons pourquoi il nous semble bon de suivre les partisans d’une création augustéenne.
1.1.1. La création de l’ordre
a) La thèse républicaine
3Jusqu’à la publication des Elogia Tarquiniensia en 1975 par M. Torelli, une inscription surtout était invoquée pour justifier l’idée d’une création républicaine ou préaugustéenne :
CIL, VI, 32 439 (D. 4952), trouvée en 1890 devant la Porta Salaria à Rome.
L(ucius) Vinulleius L(ucii) f(ilius)
Pom(ptina tribu) Lucullus,
arispex
exsexaginta.
In fr(onte) p(edes) VII, in ag(ro) p(edes) XII.
4L’emploi d’une formule onomastique au nominatif et de l’appellation arispex au lieu d’haruspex suggérait en effet une datation haute, de la deuxième moitié du ier s. a.C.4 Néanmoins, ni les caractères paléographiques ni les termes lexicographiques de l’inscription ne permettaient de trancher pour l’une ou l’autre hypothèse. Chacun voyait dans l’inscription une confirmation ou un infirmation des propos de Mécène à Auguste présentés par Dion Cassius, à savoir qu’Auguste avait avantage à nommer ses propres haruspices et augures5.
5Avec la publication de l’ouvrage de M. Torelli, deux autres inscriptions ont été présentées à l’appui de la thèse républicaine :
CIL, XI, 7566 (D. 2924) + Torelli 1975, 105 sq. Tarquinia (Étrurie).
[---fu]lmine pr[---
c]armine et augurales di[---]
complures fecit ; post o[bitum huius],
sub (decem)uiros ea discipulin[a---].
CIL, XI, 3370 + CIL, XI, 7566 (D. 2924) ; Torelli 1975, 105 sq. Tarquinia (Étrurie).
P(ublius) Coelius P(ublii) f(ilius) Etruscus, t[rib(unus) mil(itum)],
[a]psen[s creatus]perpriscum [ritum ? ---]
[---]
E [---]ndumq[ue curauit].
6M. Torelli date les inscriptions de l’haruspice anonyme et de P. Coelius Etruscus, gravées sur la même table de marbre de Tarquinia, de la première moitié du ier s. a.C., en raison de la mention des decemuiri sacris faciundis indiquée à la quatrième ligne de la première inscription6. Puisque les décemvirs ne sont plus attestés sous ce nombre après 98 a.C. et qu’ils ont laissé la place à des quindécemvirs, peut-être au moment de la dictature de Sylla, en tout cas présents dans les sources en 51 a.C., M. Torelli attribue aux deux inscriptions une datation tardo-républicaine et estime que l’haruspice anonyme pourrait avoir exercé l’haruspicine de 90 à 60 a.C.7 Si la datation proposée par M. Torelli paraît difficilement contestable, il ne semble pas absolument certain qu’il faille considérer ces deux inscriptions comme celles d’haruspices des 60. Au moins le doute est-il permis.
7En effet, les deux inscriptions font partie d’un ensemble de textes épigraphiques où les Tarquiniens ont cherché à honorer ceux d’entre eux qui s’étaient illustrés de différentes façons dans l’histoire de l’Étrurie indépendante et dans celle de la nouvelle Étrurie romanisée8. On y trouve ainsi, en plus d’éloges gentilices9, au moins un éloge consacré au titulaire d’un cursus honorum local, sans rapport direct avec l’haruspicine10, et un document peut-être relatif au financement d’un édifice tarquinien d’enseignement de l’haruspicine11 Il n’est donc pas sûr que les éloges énoncés ci-dessus aient désigné des haruspices, encore moins des haruspices des 60. Rien dans leur inscription ne l’indique expressément. Les titulaires pourraient tout aussi bien avoir exercé l’haruspicine auprès du sénat romain avant la création d’un ordre des 60 ou enseigné dans une école destinée à former les futurs haruspices tarquiniens dépêchés auprès du sénat toujours avant cette création. Il ne faut pas en effet exclure la possibilité que les Tarquiniens, à l’exemple des Spurinnae avec les grands hommes de leur famille, aient fait graver les éloges des premiers d’entre eux à s’être illustrés auprès des Romains, notamment dans le domaine particulier de l’haruspicine et avant même la création d’un organisme appelé ordre des 60.
8De plus, il n’existe pas de lien particulier expressément indiqué dans les sources entre Tarquinia et l’ordre des 60 haruspices. Selon une légende rapportée par plusieurs sources, Tagès aurait livré ses révélations aux Tarquiniens12. Cependant, Chiusi pourrait avoir eu aussi sa nymphe chargée de lui fournir certains avertissements13. La présence du siège de l’ordre des 60 à Tarquinia n’a jamais été prouvée14 et ne s’accorderait pas avec le besoin du sénat de recourir très rapidement aux avis des haruspices en cas de phénomène naturel extraordinaire révélant la colère des dieux. Elle ne pourrait non plus rendre compte du nombre important de sépultures d’haruspices à Rome et dans le suburbium15.
9En outre, si, comme le pense M. Torelli16, les Tarquiniens ont souhaité rappeler leur contribution à l’ordre des 60 à l’occasion du senatusconsultum de 47 p.C., il est possible qu’ils aient cherché à remonter aussi haut que possible dans l’histoire de l’haruspicine tarquinienne et souligné leur apport dès l’institution du parrainage romain de l’haruspicine étrusque. Ainsi, c’est la participation tarquinienne au bon fonctionnement de la République romaine qui est mise en évidence sous la forme d’une liste des jeunes gens choisis pour être envoyés à Rome.
10La tentative de dater la création de l’ordre des 60 à partir des éloges de Tarquinia nous semble donc mener à l’échec parce qu’il manque des preuves de l’appartenance de ces haruspices à l’ordre des 60. A lire le récit des hauts faits sans se risquer à des restitutions audacieuses17, l’anonyme connu par l’inscription CIL, XI. 7566 et Torelli 1975. 105 sq., s’est seulement illustré dans un cas de foudroiement, a utilisé des formules et recouru aux oiseaux, puis les décemvirs pourraient avoir exercé leur autorité sur le contenu de la discipline pratiquée par cet haruspice. Rien de plus ne peut être tiré avec certitude de l’inscription.
11L’épigraphie ne fournissant pas d’intervalle plus court que le ier siècle a.C. pour dater la première inscription d’haruspice des 60, à savoir celle de L. Vinulleius L. f. Pont. Lucullus (CIL, VI, 32 439), il faut donc se tourner vers d’autres sources pour tenter de comprendre comment et pourquoi un ordre des 60 haruspices a pu être créé.
b) La thèse augustéenne
12Il faut remarquer d’abord que le recours aux meilleurs haruspices étrusques par convocation devant le sénat à la fin du iiie s. a.C.18 ne donne pas lieu à la création d’une organisation particulière d’haruspices à Rome même, et ensuite que la réunion d’un certain nombre d’haruspices à Rome à partir de la fin du iie s. a.C. n’est jamais indiquée dans les textes comme un ordo19. Il n’est donc pas certain que le regroupement des haruspices en ordre des 60 ait existé avant le ier s. a.C.
13Au ier s. a.C., les textes n’enregistrent pas de législation définissant les modalités du recours aux haruspices. Il nous semble pourtant nécessaire de relever quelques points qui révèlent une rupture des habitudes traditionnelles dans la consultation sénatoriale des haruspices publics entre la fin de la République et l’Empire. D’abord, comme on l’a déjà souligné, les haruspices manifestent ouvertement leur opposition à la monarchie à la fin de la République. Même si certains d’entre eux sont liés par des liens financiers et clientélaires à quelques imperatores, d’autres, sans doute plus proches du sénat, peut-être membres des réseaux étrusques auxquels le sénat faisait appel pour recruter de nouveaux haruspices, interprètent l’accumulation de prodiges relatifs au pouvoir qui se produisent au milieu du ier s. a.C. comme autant de mises en garde20 : ils présagent la ruine, des blessures venues d’en haut ou un soulèvement d’inférieurs contre leurs supérieurs21. Certains haruspices, de la ville de Rome ou d’Étrurie, préfèrent même mourir plutôt que d’assister à la fin du nomen Etruscum22, au retour de la royauté et de l’asservissement23.
14Par la suite, d’autres haruspices ont à souffrir de l’attitude d’Octavien avant son arrivée au pouvoir. Quand ce dernier sacrifie devant les murs de Pérouse assiégée, la victime porte seulement des signes néfastes24. Surtout, des parents d’haruspices, voire des haruspices eux-mêmes ont pu mourir de faim ou par la volonté d’Octavien durant la Guerre de Pérouse. Le futur Auguste fait en effet périr et sacrifier, en l’honneur du divin Jules, 300 Pérugins issus des deux ordres et la ville est presque entièrement brûlée25.
15Il est possible que l’organisation mise en place depuis la fin du iie s. a.C. ait disparu avec la République. La défection des haruspices attachés à la République et les désordres issus des guerres civiles ont peut-être provoqué une dissolution spontanée de l’ordre des 60. On observe ainsi qu’en 43 a.C., dans un moment de multiplication de prodiges inquiétants à Rome, le sénat ne recourt plus, comme il est de coutume, aux haruspices de Rome qui lui servent d’ordinaire de conseillers, mais reprend l’ancienne habitude romaine26 de convoquer des devins d’Étrurie27.
16Auguste, une fois au pouvoir, ne pouvait donc plus disposer d’un corps d’haruspices organisés pour conseiller le sénat qu’il mettait en place. Il existait une hostilité déclarée d’une partie au moins des haruspices. D’autre part, ceux qui constituaient le vivier habituel des devins du sénat, voire les haruspices publics dans leur ensemble, s’étaient montrés résolument républicains et certains l’avaient payé de leur vie.
17Avec l’instauration du Principat, il lui fallait aussi de nouveaux appuis en matière de divination. Son souci personnel de piété l’exigeait. Suétone insiste beaucoup sur les craintes religieuses qui assaillaient le princeps. Il redoutait beaucoup le tonnerre et la foudre au point de se protéger par une peau de phoque28. Il aimait aussi à faire valoir la faveur des dieux envers lui et à l’égard du nouveau pouvoir. Le motif archaïque du rapt des exta29 est ainsi repris au bénéfice de l’un des ancêtres d’Auguste de Velletri ; ce dernier aurait eu le temps de retirer du foyer et de découper des entrailles d’une victime qu’il sacrifiait à Mars avant de partir au combat contre les ennemis qui l’avaient interrompu30. L’aigle est conçu, comme au temps de la royauté étrusque, comme l’animal qui désigne le dépositaire du pouvoir31. Au cours d’un déjeuner dans un bois, au bord de la via Campana, un aigle aurait ainsi arraché au jeune Octave le pain qu’il tenait à la main et le lui aurait soudainement rendu32. Un aigle aurait aussi lâché sur Livia Drusilla, alors fiancée à Octave, une poule blanche tenant un rameau de laurier chargé de baies33. Des foies apparus repliés sur des victimes sacrifiées durant34 ou avant son premier consulat35 sont interprétés par les haruspices comme des signes de grandeur et de prospérité. Auguste cherchait également à se montrer respectueux des volontés divines et donc à suivre les haruspices36. Apprenant que le foudroiement d’une partie de sa maison au Palatin signifiait selon les haruspices que le dieu Apollon réclamait cet espace pour lui, Auguste y fit construire un temple consacré au dieu37. Selon Marc-Aurèle, Auguste aurait même accueilli des spécialistes de sacrifices (θύται) dans sa cour38. Surtout, Auguste pourrait avoir vu dans la divination un des modes de gouvernement à ne pas négliger. Si l’on en croit Dion Cassius39, il est conseillé en cela par l’Étrusque Mécène40, qui l’aurait assuré d’une double nécessité, l’existence et le contrôle de la divination. Selon lui, pour éviter l’emploi de la magie et son utilisation à des fins politiques révolutionnaires, la nomination des augures et des haruspices doit ainsi dépendre de la personne d’Auguste. L’ensemble du fameux discours de Mécène à Auguste reflète tant les goûts et les aspirations d’un sénateur d’époque sévérienne qu’on peut douter aussi à juste titre de l’historicité de ces propos sur la divination. Ils rendent peut-être compte du souci propre à un prince comme Sévère Alexandre de donner une place officielle avantageuse à l’haruspicine, surtout impériale41. La confusion de l’haruspicine et de l’augurat avec la magie est aussi une crainte qui ressortit plus aux pratiques du iiie s. p.C. qu’à la deuxième moitié du ier s. a.C. Néanmoins, Dion Cassius a sûrement fait tenir à Mécène des propos qu’il estimait vraisemblables et auxquels le public lettré de son époque devait accorder un crédit. De fait, comme le souligne M. Sordi à propos de certaines qualités de Mécène, la douceur, le refus des honneurs excessifs et le choix de collaborateurs pour leur valeur personnelle42, de tels conseils correspondent à la forma mentis du Mécène historique ; mieux, dans le domaine de la divination, ils se justifient non seulement par son attachement à la culture étrusque, mais aussi peut-être par les mesures prises ensuite par Auguste. En effet, le princeps pourrait avoir réglementé les consultations divinatoires et sélectionné les textes et les modes divinatoires auxquels il fallait donner du crédit. Selon Suétone, il aurait fait rechercher et brûler plus de 2 000 recueils de prophéties en grec et en latin circulant dans le public43. Enfin, il aurait restreint à certains les sujets de divination. D’après Dion Cassius44, à la fin de son règne, il aurait ainsi interdit aux devins de fournir des consultations à huis clos et de prédire les décès, même en présence de témoins. Des raisons politiques motivent évidemment cette législation. Auguste cherche à limiter l’activité des devins privés, soupçonnés de favoriser les spéculations sur la mort du prince et d’encourager les prétentions de rivaux au pouvoir. Il a aussi compris la portée idéologique de certaines prédictions d’haruspices puisque la divinisation de César suit, d’après la propagande augustéenne, l’interprétation par des haruspices du passage d’une étoile filante45.
18L’extrême attention portée par le prince aux signes divins, l’existence d’interprétations de ces signes favorables à la personne du prince et l’éventuelle mise en place d’un groupe d’haruspices spécialisés dans la divination impériale rend plausible l’organisation formelle des 60 haruspices en un ordre sous le règne d’Auguste. Auguste a multiplié les restaurations religieuses avec transformations. Il a aussi cherché à intégrer les Italiens dans les rouages administratifs des institutions qu’il mettait en place et fondé l’union qu’il exigeait de tous dans une Italie redessinée. Les Étrusques y avaient leur place, à tous points de vue, également sur le plan religieux.
19La réorganisation de l’haruspicine officielle s’inscrit aussi dans un courant de diffusion des principes de l’haruspicine auprès d’un public cultivé de langue latine. C’est en effet à la fin de la République et au début du Principat que des connaisseurs du monde étrusque ou des Étrusques eux-mêmes se mettent à rédiger en latin des recueils de présages, d’interprétations et de procurations. Un certain Iulius Aquila, que G. Capdeville46 propose d’identifier avec Aquila, affranchi de Mécène47, pourrait avoir fourni à Pline certaines de ses remarques sur l’extispicine puisqu’il est cité parmi les sources du livre XI de l’Histoire naturelle où il est question, outre des insectes, des différentes parties du corps. Le Volterran A. Caecina pourrait avoir publié après la mort de son ami Cicéron des développements sur les foudres, utilisés ensuite par Sénèque dans ses Questions naturelles48. La rédaction de traités d’histoire ou de discipline étrusque atteste au moins deux faits corollaires et simultanés. Les Étrusques étaient prêts à communiquer aux Romains ce qui, en principe, restait un apanage géographique, comme le montrait l’ancien parrainage romain de l’haruspicine rapporté par Cicéron et par Valère Maxime, sinon un privilège familial. Les Romains considéraient avec sérieux et intérêt le savoir traditionnel étrusque et cherchaient à le connaître.
1.1.2. L’activité des haruspices des 60
a) L’absence d’activité sous Auguste
20Le Principat marque en tout cas une coupure importante dans l’activité des haruspices des 60 car, dans la période, le nombre de signes divins qui suscitent, d’après les sources, l’intérêt d’haruspices que nous pouvons identifier avec les 60, décroît fortement par comparaison avec ce que nous pouvons connaître de la fin de la République. Les haruspices n’interviennent plus en tant que tels avant le règne de Claude. Les sources littéraires ne font en effet état d’aucun prodige concernant l’État romain entre 16 a.C. et 43 p.C., ce qui signifie que Rome aurait connu une période d’approbation divine de presque 50 ans jusqu’au règne de Claude, au moment où réapparaissent les signes divins qui méritent l’intervention de spécialistes49. Tite-Live se plaint d’ailleurs qu’à son époque, on n’annonce plus officiellement les prodiges et qu’on ne les enregistre plus dans les annales50. Les raisons du silence des dieux ne se laissent pas découvrir facilement parce que les textes ne le justifient pas.
21Plusieurs motifs peuvent être invoqués, au moins pour cette courte période. Le principal nous paraît relever du contrôle de l’État sur l’élite sénatoriale. Si les haruspices étaient bien les porte-parole de l’opposition sénatoriale sous la République, celle-ci n’a plus les moyens de s’exprimer ouvertement sous le Principat51. Elle émane d’individus isolés, de jeunes agissant en leur propre nom ou de femmes qui reportent leurs frustrations sur des pratiques exercées par des uates52. L’opposition ne peut plus passer par un canal officiel, en tout cas, pas par celui de l’haruspicine publique qui se trouve peut-être sous le contrôle du prince53. Plus l’haruspicine privée subit de menaces sur son activité, plus les haruspices publics se doivent d’être irréprochables à l’égard du prince.
b) Un regain d’activité sous Claude
22Une explication officielle de ce silence bien différente a été proposée par Claude dans un discours de 47 p.C. rapporté par Tacite54. Dans un tableau contrasté de la situation de l’haruspicine publique, l’empereur oppose un passé d’observance religieuse et de piété, où les Romains ont garanti la continuité d’une discipline indispensable à la bienveillance des dieux, à la négligence et à l’insouciance suscitées par le développement des superstitions étrangères. Ce constat ne s’accorde cependant pas bien avec ce qu’il est possible d’entrevoir du règne de Claude par les sources littéraires.
23L’arrivée de Claude au pouvoir suscite, en effet, une accumulation de signes de toutes sortes. La plupart des types de signes enregistrés par Tite-Live et abrégés par Julius Obsequens sont énoncés pour une période qui va de 43 à 54 p.C.55 En 43 p.C., comme un grand-duc pénètre dans le sanctuaire du Capitole, une lustration de la Ville est exécutée56. En 45, un hermaphrodite d’Antioche est envoyé auprès de Claude qui fait construire alors un autel à Zeus Alexikakos57. En 51, quatre prodiges différents, des oiseaux perchés sur le Capitole, des tremblements de terre, la famine cl l’apparition de trois soleils différents, suscitent des mesures exceptionnelles de la part de Claude, des fêtes annoncées par le préteur à l’assemblée du peuple et des prières propitiatoires dictées par lui au peuple en qualité de grand pontife58. Puis, en 54, des enseignes et des tentes militaires sont brûlées par le feu du ciel, un essaim d’abeilles se pose au faîte du Capitole, des hermaphrodites et un porc muni de serres d’épervier apparaissent ; enfin, plusieurs magistrats meurent en l’espace de quelques mois59. Les textes n’indiquent pas quels spécialistes ont à chaque fois servi d’interprètes et proposé des remèdes aux présages funestes envoyés. Dans la mesure où la plupart des signes entrent dans le domaine de compétences des haruspices, leur intervention paraît probable.
24L’apparition de troubles populaires ponctuels et d’une hostilité sénatoriale ouverte60 permet de comprendre la communication d’un malaise général par les signes traditionnels. Claude est arrivé sur le trône dans une atmosphère de conspiration sans susciter l’approbation de la plupart des sénateurs61. Malgré des tentatives de conciliation62, il doit faire face, un an après son accession au pouvoir, à une conspiration formée par Annius Vinicianus qui réunit nombre de sénateurs et de chevaliers63. D’autres attentats à la vie du prince ont suivi64. Des conspirations sont découvertes, celle des consulaires Cornélius Lupus, Lusius Saturninus et Pompeius Pedo en 4265, puis celle d’Asinius Gallus et de Statilius Corvinus en 4666, ensuite celle de C. Silius en 4867. En tout, 35 sénateurs pourraient avoir été mis à mort par Claude68, dont 18 pour des raisons politiques, alors qu’aucun n’a connu une telle peine sous Tibère. Des mauvais présages enregistrés par les sources littéraires précèdent donc des conspirations, comme si les haruspices avaient voulu signaler au prince les risques de la situation. L’opposition, sénatoriale comme équestre69, ne désarme pas.
25Claude, réputé faible, ne parvient pas à museler l’expression d’une animosité à son encontre. Surtout, en vertu de ses liens avec l’Étrurie, le prince porte une attention toute particulière aux signes divins70 et à tout ce qui relève de la divination étrusque71. Tous le savent et guettent sans doute les manifestations du mécontentement divin. C’est aussi là pour les haruspices des 60, si réellement ils interviennent, l’occasion de retrouver une parole qu’ils pourraient avoir perdue après Auguste. La création d’un ordre d’un nombre total de 60 haruspices pourrait avoir contribué à noyer l’expression de ces devins. A 60, nombre jamais atteint par un groupe de prêtres du peuple romain, la concertation pourrait s’être compliquée. Des orientations politiques ne se dégageaient sans doute pas clairement.
26Il est donc possible que Claude ait forcé le trait pour convaincre ses auditeurs de l’objectif de son discours, à savoir, comme on le verra, la réforme de l’ordre des 60. La situation décrite correspond aux règnes de Tibère et de Caligula, non à celui de Claude. Les causes invoquées du désintérêt pour l’observation des rites sont aussi discutables. Claude s’en prend aux superstitions venues de l’étranger, comme s’il ressentait la nécessité de réformer un pan de la religion publique pour concurrencer la vogue des religions étrangères mais celles-ci ne menacent pas encore l’observation des rites72.
27La proposition qu’il présente dans ce discours s’inscrit probablement dans la continuité du souci de restauration d’Auguste. Claude, pour marquer l’importance de la divination d’origine étrusque pour la religion publique, poursuit ainsi l’officialisation de l’haruspicine. Alors qu’Auguste avait peut-être créé un ordre de 60 haruspices, Claude voulait les réunir en collège73. C’est en effet le sens qu’il faut accorder à la formule de Tacite qui introduit le discours de Claude : Rettulit deinde ad senatum super collegio haruspicum74. Contrairement à ce que beaucoup de commentateurs ont pensé, Claude n’annonce ni une création de l’ordre des 60 haruspices puisque cet ordre existe déjà, ni une réforme de l’ordre des haruspices en collège, puisqu’aucune inscription postérieure ne fait état d’un collège de 60 haruspices75 et que Claude se contente de faire une proposition aux sénateurs. L’action de referre (rettulit ad senatum) par laquelle débute le passage de Tacite sur l’action de Claude face à l’haruspicine consiste, en effet, à soumettre une communication au sénat76 : la relatio rapportée par Tacite porte donc un projet de réforme qu’il met en discussion, mais qu’il ne décide pas. Le principe de la proposition de Claude tient dans une reconnaissance accrue de l’action des haruspices en faveur des institutions romaines. Il s’agit de les réunir au sein d’une organisation publique plus prestigieuse qu’un ordre, à savoir un collège. La différence entre les deux regroupements est ténue77, mais des distinctions sémantiques existent néanmoins. Ordo définit d’abord une rangée, puis dans le langage militaire, une division et dans le langage politique, un corps fermé, comme le sénat ou le conseil des municipes78, voire une formation active de citoyens constituée dans le but de pourvoir à une tâche administrative donnée et non selon le critère de l’origine ou à partir de processus socioéconomiques spontanés79. Collegium, en revanche, mot au départ dépourvu d’implication juridique, s’applique à un ensemble de personnes regroupées dans un but commun80.
28Il est donc vraisemblable que Claude ait voulu la création d’un collège d’haruspices, soit un cinquième collège majeur, après les pontifes, les épulons, les XVuiri et les augures, soit un cinquième collège mineur de prêtres, après les fétiaux, les arvales, les sodales Titii et les saliens.
29La proposition de Claude n’est pas suivie à la lettre. Les sénateurs se contentent de reprendre seulement l’esprit de la proposition, à savoir le renforcement de la position des haruspices au sein de la religion publique romaine : à la tin du discours de Claude, un senatusconsultum est pris pour demander aux pontifes de voir ce qu’il convenait de maintenir et d’affermir chez ces haruspices. La question demeure cependant générale et ouverte : on en reste à des objectifs vagues et théoriques. Les moyens de ce renforcement ne sont pas envisagés et la possibilité d’une transformation de l’ordre en collège n’est même pas évoquée dans les termes du senatusconsultum. Il est difficile de déduire de la différence de formulation entre les intentions de Claude et le contenu du senatusconsultum rapportés par Tacite une opposition des sénateurs à la volonté claudienne de renforcer le prestige des haruspices. Néanmoins, l’absence d’attestations postérieures d’un collège des 60 montre que Claude a échoué dans son entreprise de transformation de l’organisation des haruspices. Le sénat n’a pas encouragé la modification souhaitée et les pontifes ne l’ont pas prescrite. Pire, aucun changement dans l’organisation des haruspices des 60 n’est perceptible d’après nos sources. Leur recrutement s’élargit certes, mais après Claude et sans diminution ni augmentation de la sélection sociale visible des impétrants, et leurs compétences ne se restreignent ni ne s’accroissent. Il se pourrait donc que le sénat et les pontifes n’aient pas partagé les inquiétudes de Claude ou du moins ne l’aient pas rejoint sur les solutions à y apporter. Peut-être les sénateurs ont-ils préféré maintenir à l’écart des collèges de prêtres des devins entachés du soupçon de vénalité et de commerce à cause du succès de l’haruspicine privée. Sans doute ont-ils voulu aussi empêcher le prince de disposer éventuellement de nouveaux appuis dans l’ordre sénatorial et de conférer du prestige à ces soutiens du pouvoir princier, voire de favoriser la concurrence des prêtres traditionnels. Les Étrusques, pourtant nombreux au sénat à cette époque si l’on en croit les estimations de M. Torelli81, n’ont vraisemblablement pas pu constituer une force de pression suffisante.
30Pourtant, les aspirations de Claude rejoignent une volonté commune des Étrusques de faire valoir leur apport religieux à l’histoire de Rome et de l’Italie. A Caere, au milieu du ier s. p.C., les habitants de Tarquinia se font représenter, aux côtés de ceux de Vulci et de Vetulonia, sous les traits d’un Tarchon à la tête voilée comme un prêtre romain82. Durant la période julio-claudienne, est fabriqué un trône de marbre décoré de scènes archaïsantes de style orientalisant, à l’imitation de ce qui se faisait pour les principes de l’Etruria septentrionale au viie s. a.C. pour vanter la qualité royale d’Urgulania, épouse de M. Plautius Siluanus83, à la fois descendante d’un Caeritum rex du ive s. a.C.84 et belle-mère de l’empereur Claude. A Tarquinia, des Spurinnae se flattent dans des elogia d’avoir donné plusieurs préteurs à l’Étrurie depuis le ve s. a.C.85
31Les sénateurs d’origine étrusque se sont peut-être trouvés eux-mêmes divisés. Si le signalement de signes inquiétants durant le règne de Claude dénote bien l’expression par les haruspices du mécontentement d’une partie du sénat, les Étrusques présents au sénat et les haruspices ont dû être embarrassés par la mise à l’écart de la proposition de Claude. Après tout, si celle-ci avait été adoptée, elle leur aurait assuré un prestige considérable. Il est donc possible que les élites étrusques se soient senties en porte-à-faux par rapport à leurs appuis sénatoriaux.
32Les pontifes n’ont probablement pas modifié sur le fond le statut et la position des haruspices au sein de la religion publique. On a vu que le problème du rang à accorder à la corporation des haruspices avait apparemment été laissé de côté dès la prise du sénatusconsulte. En outre, on ne décèle pas, à la lecture des sources littéraires, de nouvelles interventions d’haruspices jusqu’à la mort de Claude. Entre 47 et 54 p.C., pour autant que nous en soyons informés, deux seuls cas de prodiges surviennent, en 51 et 54 p.C. exactement, que les haruspices n’interprètent ni ne procurent alors qu’ils se sont déjà occupés dans l’histoire de ce type de prodiges86. Aucun spécialiste de ces faits religieux n’est d’ailleurs explicitement mentionné ; les éclaircissements apportés aux signes valent moins pour les historiens que le fait même du prodige. Ils annoncent des désastres pour l’État romain. Le tremblement de terre de 51 est ainsi mis en rapport avec la prise de toge virile de Néron87. La présence d’oiseaux de mauvais augure rappelle l’entrée scandaleuse d’Agrippine en char au Capitole88. Surtout, le récit des prodiges de 54, en étant placé peu avant celui de la mort de Claude, le prépare et l’annonce. Il signale en effet de funestes changements. Les abeilles, notamment, ont valeur de présage royal et figurent la future usurpation par Agrippine et son fils.
33Claude a donc probablement voulu mettre les haruspices au premier rang des spécialistes de la religion publique romaine, mais a échoué dans sa tentative89. Le mécontentement sénatorial s’est peut-être manifesté à l’occasion de la proposition de transformation de l’ordre des 60. Les sénateurs ont sans doute cherché à maintenir les haruspices dans une dignité inférieure à la leur, qui fasse d’eux des porte-parole de leurs aspirations et de leurs opinions.
c) Des avertissements sous Néron
34Le règne de Néron inaugure une reprise des avertissements divins. Pour la première fois depuis 43 a.C., les sources littéraires montrent les haruspices participant à des interprétations de prodiges, soit à deux reprises lors du règne de ce prince, en 55 et 64 p.C. mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les spécialistes de la divination étrusque ne se rangent pas clairement dans les rangs des opposants à Néron. Au contraire, ils mettent en garde le prince contre les dangers qu’il provoque et contre la menace qui pèse sur lui. Cette loyauté à l’égard du prince s’explique peut-être par le renouvellement du corps des 60 haruspices.
35Ce sont d’abord les désordres à la tête de l’État qui sont visés par les réponses des haruspices. Fin 55, après le foudroiement des temples de Jupiter et de Minerve, la Ville est en effet purifiée sur le conseil des haruspices90 ; ces derniers effectuent une lustration qui a pu inspirer Lucain dans sa description d’une lustratio effectuée par un certain Arruns, haruspice de Lucques91. Si le récit de Lucain est bien conforme à ce qui s’est alors passé, les rites anciens semblent avoir été respectés par les haruspices. Les monstres, peut-être la portée d’une mule, sont enlevés et brûlés avec du bois d’arbores infelices ; une procession des citoyens, suivie par les prêtres, est ordonnée dans la ville ; les restes des objets frappés par la foudre sont enfouis dans le sol à un endroit consacré religieusement ; enfin, une victime mâle bidens est sacrifiée. La cérémonie est importante d’un point de vue politique car la foudre qui s’abat sur les temples ressemble beaucoup à celle qui touche les bâtiments publics, c’est-à-dire le fulmen regale92. Peut-être les mœurs de Néron sont-elles en cause dans le fait que la tête de l’empire, ici symbolisée par le temple de Jupiter Capitolin, se voit frappée. En 56, en effet, Néron “fait la ville prisonnière” (in modum captiuitatis nox agebatur) plusieurs fois, en menant des expéditions outrageantes dans les rues : déguisé en esclave, il déshonore hommes et femmes de haut rang93. Néanmoins, d’autres explications peuvent être avancées qui confirmeraient l’idée que le danger s’est déjà déclaré. Cornelius Sulla pourrait réclamer le trône au nom de la gloire de sa famille et de sa parenté avec Claude. En 55, Pallas et Burrus sont accusés de l’encourager à prendre la tête de l’empire94. En 58, Néron, craignant un complot de sa part, l’exile à Marseille95. Si le lien entre foudroiement du Capitole et sort personnel de Néron est juste, c’est un véritable avertissement que les haruspices lancent au prince dès 55 : la vie du prince est en danger. Neuf ans plus tard, les haruspices renouvellent leur mise en garde. Fin 64, en effet, les prodiges se multiplient, coups de foudre, apparition d’une comète, embryons à deux têtes et naissance d’un veau la tête sur la cuisse, présageant qu’une tête nouvelle mais fragile apparaîtrait pour l’empire96. L’annonce des haruspices se révèle juste car une conjuration rassemblée autour de C. Pison et réunissant des sénateurs, des chevaliers, des soldats et des femmes, est dévoilée en 64 au cours d’une tentative de meurtre. En indiquant même vaguement au prince le péril qu’il était en train d’encourir, les haruspices semblent s’être désolidarisés d’une partie des élites étrusques. On trouve, en effet, parmi les conjurés des proches des élites étrusques, comme Lucain97, voire des chevaliers d’origine peut-être étrusque, comme Vulcacius Araricus98. Beaucoup d’Étrusques comme Perse sont aussi solidaires des stoïciens que Néron a fait condamner99. Ils partagent, en effet, avec eux l’attachement à des valeurs morales et à une forme de vie de type traditionnel reposant sur la pietas, la fides, le pardon, la fortitudo, la uirtus et le détachement des biens matériels, des plaisirs et de la peur de la mort. Perse est ainsi un ami de Thrasea Paetus, condamné à mort en 66 pour son opposition morale à Néron100, lui-même ami de Musonius Rufus, un volsinien, doctor sapientiae101, exilé en 65 par Néron à cause de son prestige auprès de la jeunesse102.
36Il est difficile de comprendre pourquoi ces haruspices publics semblent avoir décrit fidèlement et loyalement le sort qui attendait le prince, alors qu’ils auraient pu retrouver la solidarité d’opinion avec le sénat qui caractérisait les haruspices publics de la fin de la République. Une partie de l’explication tient peut-être à un changement dans le recrutement des haruspices des 60.
37Jusqu’à Néron en effet, les haruspices des 60 ont sans doute été choisis parmi des familles d’origine étrusque. L. Vinulleius L. f. Pom. Lucullus, qui est présenté dans son inscription funéraire103, à la façon étrusque, comme arispex, et non comme haruspex, peut être sous le règne d’Auguste, porte le nom de la tribu des Venuleii104 de Volsinies et a peut-être été appelé de sa cité étrusque à Rome pour sa maîtrise des techniques divinatoires étrusques, apprises dans sa cité d’origine105. L’origine ou l’ancrage étrusque caractérise aussi L. Caesennius Sospitianus106 et L. Seuius L. f. Stell. Clemens107 de la fin du ier siècle ou du début du iie siècle p.C. Si L. Caesennius Sospitianus porte le gentilice d’une des plus grandes familles de Tarquinia108, il est cependant difficile de rattacher l’haruspice aux Caesennii Sospites, qui ont été élevés au rang sénatorial, comme les Caesennii Galli109 et les Caesennii Paeti110, dès le ier s. p.C., précisément sous Vespasien111, à cause de l’indignité qui frappe une activité lucrative telle que l’haruspicine ; néanmoins, L. Caesennius Sospitianus appartient peut-être, en raison de sa formule onomastique et de son appartenance à l’ordre des 60 haruspices, à une branche des Sospites. Pour L. Seuius L. f. Stellatina Clemens, la situation est un peu différente dans la mesure où il n’appartient pas aux vieilles couches dirigeantes locales de la ville de Tarquinia : le nom Seuius n’est pas étrusque112. Cependant, la richesse de son parcours municipal s’explique vraisemblablement en partie par le déclin des vieilles élites locales113 et par une résidence à Tarquinia depuis une ou deux générations114.
38A partir du milieu du ier s. p.C., une ouverture de l’ordre des haruspices des 60 pourrait s’être effectuée. M. Oppius Placidus, attesté à Lyon au plus tôt à cette période, est le premier haruspice des 60. à notre connaissance, à n’avoir ni résidence ni origine en Étrurie. Deux hypothèses sont possibles : soit M. Oppius Placidus est lyonnais puisque l’autel sur lequel a été gravée son inscription funéraire a été érigé à Lyon et qu’on y trouve aussi deux autres inscriptions funéraires, l’une115 du père de l’haruspice, l’autre116 du frère de l’haruspice, soit M. Oppius Placidus est un Sabin, haruspice du légat de Lyonnaise117, qu’il aurait suivi d’Auximum à Lyon, où il se serait finalement établi avec son père et son frère118.
39Avec ce changement d’origine, il est possible que les liens clientélaires entretenus par les sénateurs étrusques avec certains haruspices des 60 se soient distendus. Des haruspices qui n’avaient pas d’attaches familiales avec l’Étrurie étaient donc moins portés que des haruspices étrusques des 60 à appuyer le mécontentement de certains sénateurs d’Étrurie.
d) Un “monstre” sous Trajan
40Tout optimus princeps qu’il ait voulu passer aux yeux de ses sujets, Trajan ne semble pas avoir bénéficié d’une faveur égale à celle de Néron aux yeux des haruspices des 60. Leur seule intervention sous son règne consiste en effet à fournir les règles d’expiation d’un monstrum survenu à Rome en 112 p.C.
41Cette année-là, se produit un type de phénomène qui ne suscitait plus l’intervention des haruspices d’après les sources littéraires depuis la fin de la République, la naissance d’un enfant bicéphale119. Sous la République, en effet, les cas de monstra120, tout particulièrement les androgynes, étaient relativement courants. Les auteurs comme Tite-Live et Julius Obsequens montrent des haruspices proposer leur explication et leur interprétation de ces “anomalies humaines”121. La mise en place d’un régime impérial semble avoir suscité un brusque déclin de l’intérêt public pour les naissances extraordinaires. Sous l’Empire, par exemple, on continuait de vouer à la noyade les enfants anormaux, mais les “hermaphrodites” ne semblaient plus être considérés comme des prodiges effrayants, probablement par suite d’une réaction nationaliste du genre de celle qui se manifeste chez Diodore contre la superstition122. Les être dotés de deux sexes sont désormais tenus pour un jeu de la nature à l’instar des nains, comme le reconnaît Pline l’Ancien, qui voit dans le changement de vocabulaire qui fait qu’à son époque déjà, on appelle hermaphrodites ceux qu’on nommait autrefois androgynes, le signe d’un changement de mentalité123. Les androgynes de jadis étaient tenus pour des prodiges, alors que les hermaphrodites à son époque sont considérés comme des sources de plaisir. En 112 p.C., la naissance d’un entant bicéphale n’aurait donc pas dû inquiéter les autorités religieuses. Comme les androgynes, les êtres difformes ne provoquaient plus de crainte religieuse. Des naissances monstrueuses qui s’étaient produites sous le règne de Néron n’avaient pas été suivies de conseils ou d’avis de spécialistes religieux124. Sénèque parle ainsi, sans effroi, de la mort à imposer aux êtres difformes sous prétexte qu’ils sont inutiles125. Or, en 112 p.C., cette naissance hors normes provoque une réaction presque rétrograde, puisqu’elle ne paraissait plus justifiée, l’intervention d’haruspices, des haruspices des 60 sans doute, puisqu’ils reprennent un vieux mode d’expiation habituellement recommandé par les haruspices qui conseillaient le Sénat romain, la mort par noyade126.
42En considérant l’événement comme grave, les haruspices des 60 dévoilent une souillure qui entache la ville de Rome. S. Montero Herrero propose de mettre cet avis des haruspices sur le compte de leur désapprobation de l’attitude de Trajan127. Trajan aurait enfreint le mos maiorum de deux façons au moins, par son homosexualité et par sa violation du pomerium. Les haruspices, gardiens de la morale sénatoriale, auraient condamné en effet la pratique de l’homosexualité128 parce qu’elle risquait de nuire aux bonnes dispositions des dieux envers Rome129. Ils se seraient irrités aussi de l’inauguration officielle, en 113 p.C., du tombeau de Trajan à la base de la colonne placée sur le forum, soit intra pomerium. Or, cette décision allait contre la vieille interdiction religieuse d’inhumer dans les limites de l’urbs130. Pour continuer de la respecter, il aurait fallu qu’elle fût précédée d’une extension de la zone intrapomériale voulue par Trajan, inaugurée par les augures131 et justifiée par le fait que Trajan avait aussi agrandi les limites de l’Empire132. Mais cette extension n’est pas attestée avec certitude. L’animosité des haruspices à l’égard de Trajan ne se comprendrait pas s’ils avaient, comme il est probable, participé à la cérémonie d’inauguration du nouvel espace élargi133. Les haruspices manifestent aussi peut-être une hostilité d’une partie des membres du sénat à la politique de Trajan à son égard. Même si Trajan a multiplié les signes de bienveillance envers cette institution, en ne s’en prenant pas arbitrairement à l’un de ses membres, en n’intentant pas de procès de lèse-majesté, en n’usant qu’avec discrétion de son droit de recommandation et laissant le sénat libre, dans une certaine mesure, d’élire ses futurs membres134, les sénateurs voient leur rôle diminuer car Trajan renforce le rôle de l’administration centrale impériale. Il augmente ainsi le nombre de procurateurs équestres à la chancellerie, dans le service de l’annone et dans la perception des impôts. Les haruspices, comme une partie du sénat, sont peut-être aussi mécontents du recrutement militaire des titulaires des collèges religieux majeurs135. En revanche, on peut contester l’idée de S. Montera Herro que les haruspices ont réagi aussi à l’attitude conciliante de Trajan envers les chrétiens. La réponse de Trajan aux questions de Pline le Jeune sur les châtiments à appliquer aux chrétiens manifeste seulement un besoin de vérifier la foi chrétienne des accusés136. Trajan ne considère pas les chrétiens comme dangereux politiquement puisqu’il s’interdit toute immixtion dans leurs affaires, mais il crée un précédent risqué puisqu’il punit de mort la confession du christianisme.
1.2. La création d’une haruspicine gubernatoriale civile
43Dans la période sont créés également des haruspices spécialement chargés d’assister les gouverneurs des provinces sénatoriales. Ces haruspices, de rang parfois équestre, pourraient avoir été choisis parmi les haruspices des 60 pour faire office d’appariteurs dans les cérémonies religieuses officielles organisées par le gouverneur de la province137.
44Le premier haruspice de gouverneur de province sénatoriale identifié comme tel se nomme Sex. Serius Verus. Mentionné dans un décret du clarissimus uir Cornutus à propos d’une contestation de limites opposant les habitants d’Aunobari à Iulius Regillus, il est placé dans la hiérarchie des conseillers du gouverneur entre le scriba quaestorius et le scriba librarius138. Il appartient donc aux franges de l’ordre équestre, sinon à l’ordre équestre lui-même. Le gentilice de l’haruspice étant inconnu de l’onomastique locale, il paraît improbable que Sex. Serius Verus ait été recruté parmi les habitants d’Afrique proconsulaire. Au contraire, la fréquence du gentilice Serius en Italie centrale139 fait de lui un Italien venu en Afrique spécialement pour y faire office de gouverneur. Sex. Serius Verus n’est donc ni un haruspice municipal ou colonial africain140 recruté pour les besoins religieux des autorités provinciales, puisque les Serii ne sont pas connus avant son époque en Afrique, ni un haruspice municipal ou colonial italien, puisque la fonction d’appariteur n’est pas de rang équestre et qu’elle ligure dans une seule inscription141 d’un éventuel chevalier, celle d’un Tarquinien de la fin du ier s. p.C., L. Seuius L. f. Stell. Clemens, devenu membre de l’ordre des 60. Il n’est pas non plus pris parmi les haruspices impériaux qui n’ont pas pour mission d’assister des fonctionnaires, mais sont attachés explicitement à la personne de l’empereur142. Il n’a rien non plus de commun avec les haruspices légionnaires, simples soldats, et, souvent, issus de la population locale. Par communauté d’origine et de rang, Sex. Serius Verus paraît donc avoir été choisi parmi les haruspices de l’ordre des 60. Seul cet organisme officiel pouvait fournir, à notre avis, des haruspices réputés pour leur loyauté envers les institutions et pour la qualité de leurs consultations. Après leur cooptation dans l’ordre, les haruspices des 60 étaient peut-être affectés à un magistrat particulier ; quand il s’agissait d’un gouverneur, ces haruspices rejoignaient alors la province particulière en charge du magistrat qu’ils avaient à assister.
45L’exemple de Sex. Serius Verus offre ainsi un modèle d’haruspice de gouverneur civil plein d’enseignements. Son origine italienne et son rang équestre ou quasi-équestre peuvent être comparés à ceux de C. Flauius Sabinus143, haruspice d’une inscription de Poitiers de la fin du iie s. p.C.144 L’haruspice, qui ne se définit pas comme haruspice de gouverneur et ne figure pas dans une liste des conseillers attachés à la personne du légat de Narbonnaise, est en effet présenté par son fils comme un haruspex sui temporis singularis. Cette singularité, qui n’est pas expliquée autrement que par un référent chronologique, semble liée à l’origine latine et au statut de cet haruspice dans sa province. En effet, la formule onomastique arborée par l’haruspice, allongée par la double présence d’un cognomen Sabinus géographique et de l’origo Campanus Teanensis, fait de lui un Italien de souche et de naissance, Campanien précisément, bien différent des haruspices locaux pictons. Cette insistance à se présenter comme authentiquement Italien recouvre peut-être aussi la volonté de marquer une différence de condition. La présence d’un haruspice campanien, chevalier de surcroît145, paraît exceptionnelle à Poitiers. Les haruspices municipaux des provinces sont issus des couches locales romanisées146 et un chevalier peut aspirer à un poste plus prestigieux que celui de simple appariteur147. Il est difficile de comprendre ce qui pourrait avoir attiré un chevalier campanien à Poitiers, où la clientèle susceptible de consulter un haruspice de ce rang aurait été peu nombreuse, sinon à la rigueur des raisons commerciales. A notre avis, la présence d’un haruspice aussi singularis est justifiée par le rôle de Poitiers comme capitale provinciale. Cette dignité de Poitiers comme lieu de résidence du gouverneur n’est en effet sans doute plus contestable. La ville de Poitiers a offert des funérailles publiques, un emplacement pour un tombeau et une inscription à une nommée Claudia Varenilla148 en qui il faut reconnaître très vraisemblablement l’épouse de M. Censorius Paullus149, non seulement consul suffect de 160 p.C., mais surtout leg(atus) Aug(usti) pr(o) pr(aetore) prouinciae Aquitan(iae)150, sur la foi d’arguments épigraphiques151 et archéologiques152.
46Si l’on suit la même logique, selon laquelle un haruspice italien de rang équestre ou aux franges du rang équestre, installé dans une province, peut avoir fait partie du consilium du gouverneur de cette province, on peut ranger aussi parmi les haruspices de gouverneur M. Oppius Placidus, à qui la curie de Lyon, du milieu du ier s. p.C. au milieu du iie s. p.C., dédie une inscription153. En effet, M. Oppius Placidus est dit de façon exceptionnelle har(uspex) prim(us ou -arius) de LX, expression qui renvoie à l’ordre romain des 60 haruspices, même si l’appellation servant à désigner le président des 60 haruspices est différente de ce que l’on trouve ailleurs154, car elle ressemble à celle d’une inscription plus tardive155, où le président d’un collège municipal est désigné par prim(arius) ou prim(us). On pourrait penser que ce président de l’ordre des 60 haruspices est un Lyonnais ayant fait carrière à Rome, revenu au pays pour y passer ses vieux jours. Cependant, cette interprétation ne s’accorde pas avec l’existence de deux inscriptions d’Oppii trouvées à Lyon en même temps que celle de l’haruspice, que nous avons déjà mentionnées, l’une156 du père de l’haruspice, l’autre157 du frère de l’haruspice. Si l’haruspice était revenu après une longue carrière à Rome, nous n’aurions pas retrouvé dans l’inscription du père de l’haruspice la parenté comme référence d’identification à un défunt préalablement enterré : Oppius de CIL, XIII, 2225 et M. Oppius Ianuarinius de CIL, XIII, 2226 sont en effet dits respectivement père et frère d’un homme que tous les lecteurs des deux inscriptions connaissent, forcément le président de l’ordre des 60, qu’à sa mort la curie a honoré par une inscription, et avec lequel ils ont été enterrés. De plus, aucun Oppius d’une génération précédente n’a pu être trouvé à Lyon. Si l’on a pu imaginer que Claude avait favorisé l’entrée dans l’ordre d’un Lyonnais, dont il aurait pu apprécier les qualités lors d’un de ses voyages dans la ville158, cette hypothèse ne semble plus pertinente depuis que J. Scheid159 a bien mis en évidence l’inefficacité de la volonté de réforme de Claude en matière d’haruspicine. A notre avis, M. Oppius Placidus est donc un Lyonnais certes, mais d’adoption, venu à Lyon servir d’appariteur au légat de Lyonnaise, après avoir rempli la fonction de président de l’ordre des 60 haruspices. Comme les haruspices de gouverneurs précédemment relevés, l’homme n’a pu, vu son rang, occuper les fonctions d’haruspice privé et encore moins d’haruspice municipal. La seule raison de son passage à Lyon nous semble donc résider dans sa délégation auprès du gouverneur de Lyonnaise pour l’assister dans ses devoirs religieux. De fait, à Lyon, l’officium du légat semble avoir occupé beaucoup de personnes. P. Wuilleumier160 relève ainsi quatre cornicularii, deux commentarienses, trois speculatores, deux beneficiarii et deux frumentarii, auxquels il ajoute entre autres un actor, des tabularii, des praepositi stationum, des uilici, des contrascriptores et des librarii.
47Dans d’autres cas d’haruspices, même si les deux critères de rang et d’origine ne sont pas réunis, l’appartenance au consilium du gouverneur est probable. Ainsi, Stertinius Maximus Eutyches qui se présente dans une inscription éphésienne161 du iie s. p.C. comme le dédicataire d’un objet que nous identifions comme la statue sur le piédestal de laquelle était gravée l’inscription, énonce son rang de chevalier romain et ses titres, haruspice des 60 (θύτης τῶν ἑξήκοντα) et scriba librarius quaestorius. La présence de l’haruspice des 60 à Éphèse pourrait se comprendre par des raisons familiales. Stertinius Maximus Eutyches est Éphésien : il porte les noms Stertinius et Maximus de C. Stertinius Maximus, consul suffect de 23 p.C.162, qui a affranchi l’un de ses ascendants, peut-être C. Stertinius Orpex163 lui aussi riche scriba librarius, qui a financé et dédicacé avec sa sœur Stertinia Marina164 de grandes constructions près du stade d’Éphèse. Il pourrait être revenu s’éteindre près des siens. Cependant, la dédicace invite à rejeter ce genre d’explication. L’homme, à qui l’haruspice offre une statue, est appelé ΑΤΤΙΔΙΟΝ ΤΟΥΣΧΟΝ. soit Attidius Tuscus165 présenté comme πραίτορα καί πρεσβευτήν, c’est-à-dire legatus pro praetore, l’homme placé juste en-dessous du gouverneur, et qualifié de γενερῶσον καὶ εὐγενέστατον. Si l’haruspice des 60 insiste sur la noblesse de naissance et des sentiments du legatus pro praetore, il semble que c’est pour le remercier d’un service en rapport avec ses fonctions à l’intérieur de l’officium du gouverneur. Peut-être l’haruspice des 60 avait-il été recommandé par Attidius Tuscus auprès du proconsul comme un candidat sérieux au poste d’haruspice.
48Ces haruspices de gouverneur résident certainement là où sont installés les bureaux des gouverneurs dans la capitale de la province. Ils sont sûrement rémunérés en fonction du rang équestre de certains d’entre eux et semblent rester assez longtemps dans la province qui les accueille. C’est le fils de C. Flauius Sabinus qui fait ainsi graver l’inscription de son père défini comme un haruspice singulier. De fait, ces haruspices ont sans doute le sentiment d’appartenir à une aristocratie d’haruspices, à une élite d’Italiens qui connaissent, eux, les véritables traditions religieuses romaines et n’ont pas besoin, comme leurs collègues haruspices municipaux provinciaux, à qui ils servent sûrement de modèles, peut-être de professeurs, de multiplier les marques de dévotion à l’égard de l’empereur et des dieux qui le protègent lui et son action. Surtout, ils ont un pouvoir d’influence sur le magistrat qui incarne Rome dans la province.
1.3. Des haruspices impériaux bien tenus en main
49Plus que les haruspices des 60 à qui leurs liens avec le sénat pouvaient conférer une certaine indépendance d’esprit vis-à-vis de la politique du prince, les haruspices impériaux semblent avoir manifesté une loyauté fidèle au princeps qu’ils servaient. Contrairement à leurs homologues appariteurs, ils pourraient en effet avoir été choisis personnellement par le prince pour l’assister dans ses sacrifices et interpréter foudres et prodiges qui concernaient sa vie et le régime qu’il avait installé. Cependant, cette fidélité s’adressait peut-être plus à l’institution symbolisée par le prince qu’à la personne du prince.
50Bien qu’aucun texte ne mentionne la création d’haruspices impériaux, il n’est sans doute pas déraisonnable de penser que c’est Auguste qui est aussi à l’origine de ce type d’haruspicine. Ses craintes religieuses166 le convainquaient vraisemblablement de la nécessité de bénéficier des avis de spécialistes des sentiments des dieux. Son souci de contrôler la divination privée167 s’accompagnait probablement de la volonté de se réserver à lui seul les consultations sur sa vie. C’est ainsi qu’il faut sans doute comprendre la prédiction d’haruspices sur la date de décès d’Auguste. Peu avant la mort d’Auguste, des haruspices annoncent en effet au prince qu’il ne lui reste plus que cent jours à vivre car, sur l’inscription de sa statue, la lettre C du mot CAESAR a été effacée par la foudre, découvrant ainsi un nouveau mot, AESAR, “dieu” en étrusque168. Étant donné le climat de peur instauré par Auguste sur les questions qui regardent son étal de santé, il ne faut sans doute pas considérer ces haruspices comme privés car de tels devins ne se seraient pas permis d’intervenir sur un sujet aussi sensible. Des haruspices des 60 auraient fait porter leur annonce sur les conséquences de la mort d’Auguste pour le peuple romain et ne seraient pas intervenus sans la médiation du sénat. Même si l’on ne connaît pas d’inscription d’haruspice impérial pour cette période169, il faut songer à ce type de praticiens. Auguste a peut-être repris l’habitude de certains généraux ou magistrats tardo-républicains de se faire assister d’un haruspice avec cette différence que, d’après le texte de Dion Cassius, il en a mis plusieurs à son service, chargés de veiller aux signes divins qui le regardaient personnellement. Marc-Aurèle se réfère sans doute à ces haruspices particuliers, quand il rappelle la présence d’haruspices à la cour d’Auguste170.
51La plupart de ces haruspices des empereurs nous sont inconnus car les rares témoignages qui nous sont conservés de leur intervention dans la littérature les présentent anonymement. Seul un tout petit nombre d’entre eux est connu par l’épigraphie171 et un seul haruspice impérial, C. Umbricius Melior, a bénéficié, à notre connaissance, d’une réputation qui a dépassé le seuil du palais impérial. Il s’est d’abord illustré pour avoir vu dans les entrailles d’une victime de sacrifice qu’une conspiration se tramait contre Galba dans son entourage et avoir prévenu le prince du danger qui le menaçait172. C. Umbricius Melior étant doté de l’appellation inhabituelle haruspex Caesarum sur une inscription honorifique de Tarente173, il est vraisemblable que Galba a aussi assisté les autres empereurs de l’année 69, Othon, Vitellius et Vespasien. Othon pourrait avoir pris C. Umbricius Melior à son service pour avoir vérifié en personne les qualités divinatoires de l’haruspice : il aurait assisté à la consultation de C. Umbricius Melior, et se serait trouvé placé tout près174, derrière Galba peut-être175. L’haruspice n’avait donc pas averti Galba en raison d’un lien personnel profond avec le prince, car, en entrant au service d’Othon, il se rangeait aux côtés de ceux dont il avait dénoncé la conspiration. Au contraire, il agissait en tant que spécialiste choisissant le destinataire de ses consultations en fonction du statut qu’il occupe ou de la rémunération qu’il propose. De ce point de vue, si l’interprétation du mot Caesares est juste, d’après l’exemple de C. Umbricius Melior, les haruspices impériaux se comportaient en fonctionnaires, plus attachés à l’institution impériale ou au salaire qui leur était versé qu’à la personne du prince. Ainsi, ce qui pourrait être considéré à première vue comme de la loyauté vis-à-vis de Galba n’avait sans doute aucune signification politique, mais relevait plutôt de l’accomplissement de services commandés par sa fonction. Les princes cherchaient sûrement à acquérir le monopole des conseils et des avis des haruspices les plus réputés de leur temps, en leur proposant de devenir haruspices impériaux ; en échange du prestige que leur valait cette fonction, les devins qui obtenaient ces postes mettaient leurs compétences au service du prince.
52De ce point de vue, C. Umbricius Melior apparaissait comme un haruspice digne de confiance. Il ajoutait à une pratique expérimentée une réputation d’érudition en haruspicine au point de passer pour l’un des meilleurs connaisseurs de son temps. Il a ainsi rédigé des traités de divination qui ont servi à Pline l’Ancien dans l’élaboration des livres X et XI de son Histoire naturelle, portant respectivement sur les oiseaux, sur les insectes et les parties du corps. Pline, qui le range dans l’index de ses auteurs de référence176, le cite ainsi dans le livre X comme une autorité à propos des mœurs des vautours noirs et le présente comme “le plus habile haruspice de notre temps”177. L’observation des oiseaux n’étant pas un domaine inconnu ou délaissé des haruspices178, C. Umbricius Melior avait donc écrit des ouvrages où la zoologie était sans doute étudiée en fonction des signes divins que les oiseaux étaient susceptibles de transmettre aux hommes. Pline avait aussi sans doute utilisé C. Umbricius Melior, dans le livre XI, à propos de l’apparence du foie car il le mentionne dans l’index correspondant juste après Tarquitius Priscus179 et Iulius Aquila180.
53Il est donc possible que les haruspices impériaux aient été choisis sur des critères avant tout “scientifiques” et pratiques. Le prince voulait être entouré des meilleurs haruspices de son temps, par des hommes qui interprétaient les messages des dieux selon des critères censés être objectifs, sans être poussés avant tout par une sympathie politique ou personnelle, comme ce fut le cas pour les haruspices particuliers de C. Gracchus ou de Sylla.
54Un bas-relief découvert en 1540 dans la zone de l’hémicycle Est du forum de Trajan confirme peut-être la position éminente de l’haruspice impérial dans les sacrifices accomplis par le prince181. Dans un décor qui évoque le temple de Jupiter Capitolin, avec six colonnes d’ordre corinthien et trois portes, on voit huit togati, dont Trajan au centre, tournés les uns vers les autres, en train d’engager la conversation. A gauche de cette scène, se déroule un extispicium auquel participent plusieurs personnages, parmi lesquels, à l’extrémité gauche, un haruspice, vêtu d’une toge (toga succinctus) et chaussé de calcei. Dans la main gauche, il tient un rotulus ou les restes d’un objet en forme de bâton ; il semble surveiller l’extispicium en train de se faire. Juste à sa droite, se trouve un uictimarius habillé d’un limus, portant un couteau à la ceinture droite et une couronne de laurier sur la nuque ; il essaie d’écarter les entrailles d’un taureau. Sur l’un des sabots du taureau, est gravé le nom de cet affranchi impérial, M. V[lpius] / ORE[s] / TES. Le bas-relief figure un rite qui survient avant le début d’une entreprise militaire et donc prélude aux batailles de la grande frise trajane puisqu’une Victoire vole avec un uexillum au-dessus de la scène de sacrifice. Sans doute s’agit-il d’une nuncupatio uotorum avant le départ pour une campagne militaire. Les haruspices impériaux, ici leur chef, étaient probablement consultés avant une guerre dans laquelle le prince s’engageait. Alors avait lieu un sacrifice dirigé par l’haruspice, lui-même secondé par des aides affranchis qui accomplissaient matériellement l’ouverture de l’animal à examiner. Le devin qui était un citoyen recourait alors à ses livres étrusques pour proposer à l’empereur son interprétation des exta.
55Au contraire des haruspices des 60 qui livraient leurs avis au sénat, les haruspices impériaux étaient donc sans cesse au contact de l’empereur à qui ils annonçaient l’approbation ou la désapprobation des dieux avant chaque acte important et lors de chaque prodige, mais, passant parfois d’un prince à l’autre, ils étaient des spécialistes attachés à la fonction impériale et ne comptaient pas parmi les intimes de l’empereur. Le prince exigeait d’eux avant tout la conformité de leurs avis avec la discipline étrusque.
1.4. Des haruspices municipaux et coloniaux choisis par les élites locales
56En même temps que se développe à Rome une haruspicine officielle à deux pans, une haruspicine des 60 finalement plus proche du sénat que du prince, et une haruspicine impériale sous contrôle direct de l’empereur, régions d’Italie et provinces de l’Empire voient prospérer un autre type d’haruspicine soumise à d’autres sortes de contraintes, mais suffisamment attirante pour que des individus sans origine étrusque choisissent de devenir haruspices.
57L’haruspicine municipale et coloniale est pratiquée à partir du ier s. p.C. par des populations où l’haruspicine n’avait jamais été attestée jusque-là, l’Italie du Nord d’abord, avec la Transpadane et l’Istrie-Vénétie, ainsi que la Narbonnaise. Cet attrait de l’haruspicine peut s’expliquer dans le premier cas parce que, bien qu’éloignées de l’Étrurie, ces deux régions maintiennent des liens anciens avec la culture étrusque, mais il se comprend surtout parce que, tout en étant soumise à de strictes obligations de dignité et de fortune, cette activité permet à des couches de population jusque-là exclues des fonctions de direction de leur cité de commencer un cursus municipal.
58L’ancienneté des liens noués par la Transpadane avec l’Étrurie justifie en partie la présence d’un haruspice municipal à Côme, M. Mansuetius M. f. Ouf. Crescens182. Des routes unissant les deux régions ont facilité une émigration ancienne des familles étrusques dans cette zone. Mantoue aurait été fondée selon certaines légendes par Tarchon, frère de Tyrrhénos183 et, selon d’autres184, par Ocnus. qui serait le frère d’Aulestes, le fondateur de Pérouse185. Selon certains sources, Mantoue tirerait d’ailleurs son nom d’une divinité étrusque, Mantus186, ou de la Thébaine Mantô187, fille du devin Tirésias, ce qui nous reporterait encore à l’existence d’une tradition divinatoire dans la ville188. La ville elle-même pourrait avoir ressenti une certaine fierté à posséder une telle origine189. Virgile, né à Mantoue, est d’ailleurs décrit comme un poète étrusque par ses biographes antiques. Au ve s. p.C., Phoca emploie à son propos l’expression de Maeonii specimen uatis, issu de la tellus Tusca190. La Vita Noricensis le dit aussi natus genere Tusco191. Virgile lui-même, quand il met l’accent sur le mélange de population de Mantoue, souligne la primauté de la part étrusque192. Enfin, Servius et les scolies de Vérone, qui s’appuient sur des sources étrusques, font de la région padane contrôlée par Mantoue l’Etruria noua193. Les données archéologiques confirment une colonisation étrusque dans le dernier quart du vie siècle au plus tard, dans une zone qui s’étend entre Oglio et Mincio194. Les légendes sur l’origine des Rhètes témoignent aussi d’une présence étrusque en Cisalpine195. Les Arusnates, situés non loin de Vérone, se sont peut-être présentés, au iiie s. a.C. comme les descendants d’un Aru(n)s ; d’ailleurs, ils ont gardé jusqu’au milieu du ier s. p.C. des sacra Raetica, et continué d’observer le culte d’un dieu Cuslanus, connu à Cortone et sur des monnaies de Volterra196, ainsi que certaines des particularités du droit étrusque qui faisaient qu’un esclave pouvait posséder des biens197. A Brixia, cette idée d’une migration d’Étrusques d’Étrurie centrale au-delà du Pô est confirmée à la période augustéenne par l’existence de deux chevaliers, C. Silius Aviola et C. Terentius Bassus Mefanas Etruscus, aux origines étrusques198. Aussi les Transpadans ont-ils été mis très tôt en contact avec l’Etrusca disciplina. On ne s’étonnera donc pas de trouver l’appellation d’haruspice indiquée dans l’inscription de M. Mansuetius M. f. Ouf. Crescens, comme dans une autre inscription de Transpadane199, sous le terme harispex, conformément à ce que l’on trouve en Étrurie200. C’est d’abord une haruspicine étrusque qui s’est implantée dans cette région avant que les Transpadans ne connaissent une haruspicine latinisée, italianisée.
59L’exploitation de connaissances haruspicinales par un Transpadan est cependant une nouveauté. Jusqu’au ier s. p.C., aucune attestation d’haruspice privé de la région n’est ainsi connue. On peut se demander pourquoi la région est alors l’une des premières en dehors de l’Étrurie à prévoir dans la constitution d’un de ses municipes la présence d’un haruspice alors qu’il ne semble pas qu’il ait été fait obligation aux municipes et colonies de se doter de tels appariteurs. De plus, un poste d’haruspice colonial ou municipal n’avait rien de prestigieux.
60Pour celui qui cherchait à monnayer ses connaissances divinatoires dans le cadre d’un municipe ou d’une colonie, les contraintes étaient nombreuses. D’après la loi d’Urso, les haruspices de la colonie font partie du personnel subalterne des duovirs et des édiles. Au titre d’appariteurs, c’est-à-dire selon le verbe apparere dont est tiré le nom apparitor, qui signifie être près de quelqu’un (ad) pour le servir, être au service de, les haruspices assistaient certainement duovirs et édiles dans les cérémonies religieuses officielles de la colonie, en examinant les victimes sacrifiées les jours de fête du calendrier et à l’anniversaire de naissance de la colonie ou du municipe, en vérifiant les rites utilisés lors de la fondation publique des temples, et conseillaient ces mêmes magistrats en cas de circonstances exceptionnelles, comme lors de coups de foudres ou de naissance d’un enfant anormal. Au contraire des flamines et des pontifes des municipes et des colonies, prêtres officiels qui semblent avoir disposé dans leur cité d’une véritable autonomie d’action201, les haruspices étaient donc soumis à une autorité supérieure immédiate qui non seulement commandait et recevait leurs avis mais pouvait aussi probablement les congédier, après les avoir nommés. Il est possible en effet que le mode de nomination appliqué aux licteurs, autres appariteurs, ait valu aussi pour les haruspices. Les magistrats semblent avoir eu le choix de leurs licteurs. D’après CIL, XIII, 3572, Q. Titius pourrait en effet avoir été nommé licteur à Bavay en Gaule Belgique, après avoir fait ses preuves comme uilicus de Tib. Iulius Tiberinus, qui l’aurait promu auprès de lui, une fois duovir. Le choix de chaque appariteur pour une durée d’un an202 comme le renvoi éventuel de ce personnel a pu incomber aux magistrats, quelle que fût la tâche impartie aux subalternes. Les haruspices, comme les autres appariteurs, n’étaient peut-être donc pas subordonnés aux duovirs et aux édiles que par un rapport hiérarchique tel qu’il peut en exister dans toute administration entre un chef et son subalterne, mais aussi par des liens de clientèle et d’amitié suffisamment forts pour leur servir de ‘lettres’ de recommandation. Pour être nommés appariteurs, il fallait en effet que ces haruspices eussent prouvé à la fois leur loyauté et leurs compétences à leurs futurs employeurs. Personne n’était mieux disposé à remplir ce genre de poste du point de vue des magistrats élus qu’un de leurs amis ou de leurs clients dont ils avaient testé les capacités et la fidélité. L’absence de critère censitaire exigible des appariteurs impétrants facilitait sans doute leur recrutement dans le personnel privé des magistrats. Au sens strict, les haruspices étaient donc doublement soumis à leurs supérieurs hiérarchiques et donc a priori exclus des élites. Leur rang, leur salaire203 et leur position les maintenaient en situation d’infériorité et leur mode de nomination les mettait en position de dépendance. En ce sens, ils étaient soumis au contrôle de l’élite de leur municipe ou de leur colonie.
61La structure économique de la Transpadane explique peut-être alors l’existence d’un cursus municipal entamé avec l’haruspicine. Les fils des grandes familles locales, qui ne peuvent arguer d’une origine étrusque, se dirigeaient plutôt vers des carrières administratives, militaires autres que celles de la divination, mais la région contenait une multitude de petites propriétés agricoles204 dont certains exploitants possédaient un savoir en divination. Ainsi, trois inscriptions où le mot haruspex sert soit de cognomen soit d’appellation pour l’activité de devin, ont été trouvées en dehors d’un centre urbain, CIL, V, 6591 pour T. Valentius dans l’ager Nouariensis, CIL, V, 6582 pour L. Sintacius entre Nouaria et Arona et CIL, V, 5704 pour T. Verg(inius ?) A[t]ilianus dans le territoire de Milan. Aucun d’entre eux ne porte un nom d’origine étrusque, ce qui signifie que le succès de l’haruspicine n’est pas uniquement dû à la présence de familles étrusques et que la greffe locale de l’Etrusca disciplina s’est parfaitement réalisée dans les milieux modestes. En effet, ils arborent des noms très peu connus, formés ou dérivés d’autres noms et le seul haruspice privé, Q. Quintius Cn. f. Quintianus205, dont l’inscription mentionne une autre activité que celle d’haruspice, exerce la modeste fonction d’aedituus templi Fortunae. Le succès local de cette haruspicine se traduisait aussi par la possibilité donnée aux simples appariteurs de réaliser une belle carrière municipale. L’haruspicine bénéficiant d’un certain crédit dans la région, on ressentait peut-être le besoin plus qu’ailleurs de faire seconder duovirs, quattuorvirs et édiles par des haruspices. Ceux qui arrivaient à prouver leurs qualités à ce poste voyaient donc s’ouvrir devant eux les portes de l’élite locale. M. Mansuetius M. f. Ouf. Crescens, de simple haruspice, est ainsi devenu quattuoruir aedilicia potestate et quattuoruir iure dicundo, alors que, par la suite, nombreux sont les haruspices municipaux ou coloniaux des autres régions qui ne parviennent pas à dépasser le simple stade d’appariteur. La mention de l’haruspicine dans le cursus pourrait d’ailleurs sembler étonnante, tant elle paraît modeste, comparée au sévirat et aux quattuorvirats. Sa présence atteste le prestige dans lequel était tenue l’Etrusca disciplina dans la région.
62La mention de l’haruspicine dans le cursus d’un décurion istrien, Q. Mursius Celer206, confirme la place importante de l’haruspicine en Italie du Nord. Le passage de l’haruspicine au décurionat se conçoit pourtant difficilement sans intermédiaire, tant la différence de statut paraît importante. Or, l’étape intermédiaire est omise du cursus, sûrement pour privilégier l’haruspicine au détriment de cette magistrature. C’est dans cet esprit que Q. Mursius Celer insiste bien sur le caractère public de sa fonction d’haruspice207, alors qu’en général le caractère public de la fonction se déduit implicitement du cursus accompli. L’Istrien cherche donc à mettre en valeur les deux temps de son parcours dont il est le plus fier. Or, d’après le montant de la rémunération et la place dans la hiérarchie des haruspices à Urso208, en principe un décurion n’a pas à vanter son passage par l’haruspicine, tant la rémunération de l’haruspice est basse. Le choix de Q. Mursius Celer de rappeler cette étape de sa vie publique tient peut-être de la volonté de marquer l’ascension accomplie, de l’haruspicine, marche la plus basse, jusqu’au décurionat, sommet de la reconnaissance publique. Toutefois, le contexte strictement privé de l’inscription, un hommage à l’épouse défunte de l’haruspice209, incite à rejeter une telle hypothèse : l’haruspice laisse la première place à son épouse et ne présente de lui que ses traits les plus glorieux. L’haruspicine compte donc parmi les deux fonctions dont il est le plus fier. Q. Mursius Celer n’aurait sans doute pas agi ainsi s’il avait été le seul à la tenir en si haute considération. Son attitude est probablement révélatrice d’un état d’esprit général : les Istriens, comme les Transpadans, apprécient et valorisent ce type de divination. C’est pourquoi, sans doute, le nombre d’haruspices est relativement élevé dans cette région210, à l’écart du centre de pouvoir. Cependant, on ne peut négliger aussi l’importance des facteurs sociaux. L’haruspicine a bénéficié d’une désaffection des élites locales. Les grandes familles istriennes sont peu nombreuses à avoir fait carrière à Rome211, parce qu’elles sont peu nombreuses en Istrie même. En théorie, l’immigration étrusque en pays istrien aurait pu favoriser l’émergence de “grands” haruspices tels que ceux des 60 ou les haruspices impériaux ; en réalité, cependant, seules des familles modestes ou commerçantes pourraient avoir quitté l’Étrurie pour l’Istrie212, car l’unique haruspice istrien à l’origine étrusque “transparente”, L. Verginius Pudens213, exerce apparemment l’haruspicine à titre privé.
63Ce phénomène d’ascension sociale se découvre encore différemment dans la période en Gaule Narbonnaise où les compétences en haruspicine étaient sans doute beaucoup plus rares214. La ville de Nîmes a en effet fait appel à un affranchi pour y exercer les fonctions d’haruspice public, alors que rien dans la formule onomastique de cet individu n’évoque l’Étrurie : il porte un cognomen hellénophone et a reçu son gentilice d’un patron dont les ascendants avaient reçu du grand Marius le droit de cité romaine, Nîmes, pour répondre au besoin aux consultations d’haruspicine qui devaient accompagner les sacrifices solennels accomplis lors des cérémonies officielles, ne disposait sans doute pas parmi les couches dirigeantes traditionnelles de spécialiste adéquat et a puisé dans le vivier des riches affranchis en quête de reconnaissance sociale. Pour un affranchi qui n’avait pas accès aux magistratures locales, l’haruspicine constituait donc une sorte de compensation qui permettait de côtoyer une élite politique dont il partageait les valeurs, briguait l’aisance et copiait le mode de vie, mais dont les portes lui étaient interdites. L’haruspicine au même titre que le sévirat augustal, par exemple, offrait donc l’occasion à un affranchi d’acquérir un statut social intermédiaire, entre les élites si proches mais de naissance libre et le peuple de commerçants et d’artisans qui ne possédaient pas de fortune foncière ou commerciale.
64Le contrôle des élites locales sur les haruspices des municipes et des colonies s’est donc exercé de façon diverse selon la condition du devin. Pour les hommes de naissance libre, l’haruspicine avait peut-être valeur d’étape probatoire où l’on vérifiait les capacités d’intégration du futur candidat aux magistratures locales. Pour les affranchis, l’haruspicine marquait au contraire l’étape finale d’intégration à une frange inférieure de l’élite politique de la cité.
2. Le contrôle de l’haruspicine privée
65Si les haruspices publics ont exercé leur activité sous le contrôle du sénat, du prince ou des élites locales, les haruspices privés ont peut-être vu leur activité limitée par une série de mesures coercitives destinées à contrôler l’utilisation politique de leurs consultations. En effet, ces haruspices sont en contact avec les différentes couches de la population, riches comme pauvres, se déplacent sans avoir apparemment de lieu précis d’exercice, et peuvent donc diffuser leurs informations tout en profitant de la confiance qu’inspire leur expérience des manifestations divines. Le pouvoir princier semble avoir soupçonné les haruspices d’avoir profité de cette liberté d’action pour se joindre aux mouvements de résistance au principat, en spéculant sur la mort du prince.
2.1. Le contrôle du contenu politique des consultations
2.1.1. Sous le Principal d’Auguste
66La volonté de contrôle de l’haruspicine privée s’est sans doute manifestée dès les origines du Principat. Certains haruspices privés romains ont pu figurer parmi les astrologues et charlatans215 qu’Agrippa, devenu édile en 33 a.C., a décidé de chasser de Rome216. Même si les haruspices n’étaient pas explicitement inclus dans la décision d’expulsion, astrologie et haruspicine, surtout depuis le ier s. a.C.217 et les travaux de Nigidius Figulus, étaient en effet associées dans une même tendance philosophico-religieuse qui avait séduit, dès la fin de la République, les esprits des aristocrates conservateurs, comme peut-être l’augure Appius Claudius Pulcher et Brutus218. Toutes deux apparaissent en effet désormais comme des disciplines savantes. Les élites du dernier siècle de la République ont lu et apprécié les travaux de Posidonius sur l’unité du cosmos et la sympathie qui en lie les membres, ainsi que les études de Géminos de Rhodes qui insistent sur la connaissance de la géométrie cosmique pour établir toute science219.
67De plus, le parti d’Octavien se devait “d’exercer un monopole sur la diffusion de la ‘propagande’220” : beaucoup de devins étant ou d’origine orientale ou du moins attirés par l’Orient, ils étaient probablement enclins à servir les intérêts du parti antonien et risquaient de réduire l’assise populaire recherchée par le jeune Octavien. Les haruspices privés, même italiens, pouvaient prêter main-forte à ceux qui étaient peut-être considérés comme des agitateurs et finalement contribuer à la ruine de la religion traditionnelle sur laquelle Octavien comptait appuyer son pouvoir.
68Ensuite Octavien, une fois Auguste, est encore motivé par des craintes politiques, quand il fait rassembler et brûler, au début de son règne, plus de deux mille ouvrages de prophéties grecs et latins, dont peut-être quelques livres de discipine étrusque221, ne conservant donc qu’un choix de livres sibyllins222. Le prince souhaite se protéger des pamphlets politiques tout en gardant une attitude relativement libérale223. Pour parer le danger de subversion que représentent ces divinations. Mécène conseille donc à Auguste une solution de substitution : nommer des devins (ἱερόπτας) et des augures que consultera quiconque a besoin de faire appel à de tels spécialistes224. Mécène, en bon “ministre de l’intérieur”225, cherche ainsi à s’assurer, au nom de l’ordre politique, le moyen de contrôler la divination et d’éliminer les risques de troubles. Suivant ou non le conseil de Mécène, en 11 p.C., Auguste interdit aux devins de donner des consultations à huis-clos et de prédire les décès, même en présence de témoins226. En réalité, c’est l’état de santé du princeps qui est en jeu. De fait, cette année-là, des rumeurs courent au sujet de la mort prochaine de l’empereur âgé car, en 9 p.C., des signes inquiétants, dont de nombreux passages de comètes, en général annonciateurs de mort227, se sont produits. Tout en restreignant donc les consultations de devins, Auguste fait publier son horoscope pour éviter les spéculations possibles sur le moment de sa mort228.
2.1.2. Sous le règne de Tibère
69Le crédit conféré par les princes à une astrologie229 considérée comme scientifique convainc les élites cultivées de s’adresser aux astrologues quand ils souhaitent avoir des informations sur la cour. Les haruspices privés l’ont sans doute bien compris et ont probablement adapté le contenu de leurs consultations à cette vogue astrologique. Cependant, l’édit de 11 p.C. permet au successeur d’Auguste d’écarter tout risque de remise en cause de son pouvoir par ce biais : tous ceux qui cherchent à s’informer sur la personne du prince et sur des membres de sa famille sont en effet coupables de lèse-majesté230. Durant le règne de Tibère, les procès pour consultations de devins, mages et prophètes, où des haruspices ont pu être impliqués, se multiplient donc, condamnant les inculpés à de lourdes peines pour violation de l’édit. Ainsi, Drusus Libo en 16 p.C., à qui les promesses des Chaldéens, les cérémonies des mages et les interprètes des songes auraient assuré un avenir brillant231, se voit condamné à la fois en vertu de la lex Cornelia de sicariis et ueneficiis prise par Sylla en 81 a.C.232 et de l’édit de 11 p.C. : en fait, il aurait préparé un coup d’État contre le prince233. Notre source la plus proche des événements et de la version officielle, les Fastes d’Amiternum, présente en effet les deux pans de l’accusation de lèse-majesté : l’atteinte à la vie du prince et de sa maison et celle portée au principat tout entier. Même si les haruspices ne sont pas explicitement cités parmi les devins qui ont encouragé le jeune homme, certains des délits visés par cette loi qui réprime les pratiques magiques relèvent de l’action des haruspices privés : le uenificium (détention, vente, préparation de uenenum), le ueneficium (abortionis aut amatorium poculum), la pratique de cérémonies impies ou nocturnes et la participation à des pratiques magiques. Les haruspices privés, au contraire de leurs confrères publics, se distinguaient en effet mal des devins magiciens, avec lesquels ils partageaient clients et pratiques. Au ier s. a.C. s’est en effet amorcé également un rapprochement entre magie et science et les liens entre magie et religion se sont resserrés. Cicéron fait de la magie un sujet de savoirs234 et les magi sont invoqués dans des contextes savants235. Le néopythagorisme encourage l’association de l’érudition, de la théologie et du spiritisme : Nigidius Figulus pratiquait aussi les sortilèges et la nécromancie236. La confusion est tellement grande qu’une épigramme de Catulle évoque un mage qui apprend l’haruspicine des Perses237. Quintilien, lui-même, laisse entendre que les formules magiques étaient assimilées au ueneficium238. Des expressions énoncées en langue étrusque auraient donc facilement pu être considérées elles aussi comme ueneficium.
70Divination et politique sont tellement liés que, pour éviter de nouveaux complots, le sénat prend la même année une ou deux mesures à l’encontre de la divination239. Selon les auteurs, le nombre de senatusconsulta, ainsi que les victimes incriminées, diffèrent. Pour Tacite et Dion Cassius. deux mesures successives sont prises à la fin de 16 p.C. : pour l’un, les astrologues et les magiciens sont chassés d’Italie240 alors que pour le second, astrologues, magiciens et tous ceux qui pratiquent la divination sous quelque forme, après avoir été interdits dans la cité, ont été mis à mort quand ils étaient étrangers, bannis quand ils continuaient à pratiquer et graciés quand ils acceptaient de se soumettre241. Suétone, qui ne parle que d’une mesure comme Ulpien, ajoute que les astrologues furent finalement graciés242. Ulpien243, précisant les fondements théoriques du senatusconsultum, déclare, comme Dion Cassius, que toutes les formes de divination ont été concernées par cette mesure. Les peines encourues restent les mêmes : l’interdiction de l’eau et du feu, la confiscation de tous leurs biens et pour les étrangers, la condamnation à mort. La confrontation des textes de Tacite, de Suétone, de Dion Cassius et d’Ulpien ne laisse pas de poser un certain nombre de questions. Ces derniers, en effet, varient quant à la date : sous le consulat de Sisenna Statilius Taurus et de Lucius Libo, soit en 16 p.C. pour Tacite et Dion Cassius, sous le consulat de C. Caelius Rufus et de L. Pomponius, soit en 17 p.C., pour Ulpien. Si l’on admet deux décrets, alors les variations observées sur les personnes concernées s’expliqueraient facilement. En plus, la nécessité de recourir à un second décret se justifierait par l’indulgence générale qui avait accueilli la première mesure. Les sénateurs, soit pour continuer à consulter des devins, soit pour éviter une possible condamnation, avaient soutenu la sentence de Calpurnius Piso ; ce n’est que sur une intercession tribunitienne que l’avis de Tibère l’avait emporté. Devant la clémence du peuple et des sénateurs, il avait peut-être fallu décréter une deuxième mesure que Tibère aurait fait appliquer avec rigueur, en condamnant L. Pituanius à être précipité de la roche Tarpéienne et P. Marius à être exécuté hors de la Porte Esquiline244. Les haruspices sont sans doute compris parmi les devins privés qui sont visés dans les deux cas par les décisions du sénat. En effet, même s’ils ne sont pas indiqués en tant que tels dans les sources, un certain nombre d’indices nous porte à croire qu’ils n’étaient pas exclus de ces poursuites : les tendances propres à la divination de cette époque d’abord, c’est-à-dire l’accumulation des techniques et l’absence de cloisonnement entre disciplines, l’application de ces mesures à des citoyens romains245 et surtout l’interdiction par Tibère de pratiquer l’haruspicine privée246.
71La sévérité des peines encourues n’a sans doute pas empêché les devins d’exercer leur art car les procès continuent et, avec eux, la répression des pratiques divinatoires. A chaque fois, conformément au principe énoncé par Ulpien quand il rapporte la mesure de Tibère, nam qui de principis salute, capite puniti sunt uel qua alia poena grauiore adfecti, c’est la protection de la vie du prince qui motive les plus lourdes peines. La divination est considérée comme une menace et ceux qui s’y livrent, donc les haruspices privés aussi, doivent être punis comme le seraient des criminels. En 20, Pison est accusé de pratiques magiques et d’empoisonnements sur la personne de Germanicus247, puis Lepida exilée pour adultère, empoisonnements et consultations d’astrologues sur la famille des Césars248. En 23, Numantina est à son tour accusée d’avoir utilisé des incantations et des philtres pour rendre son mari fou249. En 26, Claudia Pulchra est condamnée pour prostitution, adultère, sortilèges, maléfices contre la personne de l’empereur250. Enfin, en 34, Scaurus est inculpé d’adultère et de participation à des pratiques magiques251. Même si les textes qui rapportent ces procès postérieurs à 16-17 p.C. ne font pas mention d’expulsion de devins, il faut toutefois supposer qu’il y en eut, ne serait-ce que parce que les devins ne pouvaient échapper chaque fois aux peines qui frappaient leurs clients et qu’ils encouraient des poursuites conformément à l’édit de 11 p.C. Évidemment, pour nos auteurs, le nom des grands personnages impliqués importait davantage que celui de quelques devins privés252 et seuls quelques devins devaient être concernés par chaque expulsion, à quelque nombre que les expulsions aient pu se monter.
2.1.3. Sous les règnes de Claude, Néron, Vitellius et Vespasien
72Les procès de clients de devins et les expulsions d’haruspices privés ne ralentissent peut-être pas avec la mort de Tibère. Les successeurs de cet empereur, en effet, continuent d’appliquer le principe énoncé par Ulpien et développé par Paul253. Sous le règne de Claude, suite au procès de Lollia Paulina, en 49, accusée d’avoir consulté des astrologues, des magiciens et l’oracle d’Apollon Clarien sur le mariage de l’empereur254 et, en 52, à celui de Furius Scribonianus, exilé pour avoir interrogé des astrologues sur la date et les circonstances de la mort de Claude255, un sénatusconsulte est pris en 52 pour expulser les astrologues hors d’Italie256 ; selon Dion Cassius257, avec eux furent punis aussi ceux qui les consultaient. Comme la précédente mesure de Tibère, le sénatus-consulte se révéla inefficace, tant les craintes de complot étaient vives. Les consultations d’astrologues se poursuivent258. Aussi, les procès continuent à la fin du règne de Claude et sous son successeur. Néron : en 53, Statilius Taurus fut accusé de pratiques magiques et, en 54, Domitia Lepida pour avoir cherché à envoûter Agrippine259. En 57, Pomponia Graecina est inculpée pour “superstitions étrangères”260. En 65, Lepida. épouse de C. Cassius, est mise en cause pour pratiques magiques261 et, en 66, c’est le cas de P. Anteius et de Pammène qui se voient reprocher d’avoir interrogé l’avenir pour connaître leur destinée et celle du prince, puis de Servilia, fille de Baréa Soranus, qui doit admettre avoir payé des devins pour obtenir des révélations sur le sort de son père et de son mari262. Pour faire pièce au succès des devins, Néron n’interdit pas la pratique de la divination privée, comme l’ont fait inutilement ses prédécesseurs en expulsant les devins, mais s’attaque aux philosophes stoïciens qui admettent la divination et qui reçoivent un accueil très favorable dans les milieux aristocratiques et sénatoriaux nostalgiques du régime républicain. Il interdit ainsi en 66 à quiconque les cours publics de philosophie à Rome263. La mesure ne suffit sans doute pas, car trois ans après, par édit impérial, Vitellius s’en prend aux astrologues, sommés de quitter Rome et l’Italie avant les kalendes d’octobre264. Apparemment, les haruspices privés ne sont pas touchés par la proscription, puisque seuls les astrologues, les mathematici et les Chaldéens sont visés par les mesures qui suivent. En effet, Vitellius en veut aux Chaldéens d’avoir fait placarder à Rome, aussitôt après son édit, un pamphlet anonyme où ils affirment compter qu’aux kalendes d’octobre, Vitellius aurait lui-même disparu ; il condamne donc à mort quiconque lui est dénoncé comme mathematicus265. Cependant, les haruspices étant souvent associés aux Chaldéens et mathematici, il n’est pas exclu que certains haruspices aient été assimilés à ces types de devins266. Quand Vespasien renouvelle l’expulsion prononcée par Vitellius à l’égard des mathématiciens267, la mesure est prise encore pour le principe et se révèle, dans les faits, inutile. Vespasien cherche à réserver à son seul profit les consultations sur sa vie, mais comme la bienveillance accordée par Vespasien à Balbillus, son astrologue particulier, est sue de tous, il est difficile d’interdire à chacun de suivre le modèle de l’empereur268.
73La susceptibilité et la peur de révélations sur la vie privée du prince expliquent que Domitien ait aussi fait expulser mathématiciens et philosophes par édit impérial269. Cependant, on trouve encore à Rome des devins qui osent répondre à la forte demande populaire en consultations puisqu’Antonin le Pieux adresse un décret sur le sujet à Pacatus, légat de Gaule Lyonnaise270. En somme, malgré la prise de sanctions répressives, l’activité des haruspices privés ne faiblit pas.
2.2. L’attitude politique des haruspices privés : Larginus Proculus, un haruspice contre le prince ?
74Toutes ces mesures prises à l’encontre de la divination, de la magie et de l’astrologie ne laissent pas de poser un certain nombre de questions sur l’attitude politique des haruspices privés. Si ces derniers ont réellement pu encourir des peines pour la pratique de leur activité, faut-il en conclure qu’ils ont favorisé, voire soutenu l’opposition au principat ou, du moins, à quelques-uns des princes de l’époque ?
75Les exemples manquent pour fonder des analyses qui vaudraient pour toute la période. On notera seulement que les devins ne figurent pas parmi les principaux accusés des procès pour lèse-majesté. De fait, les devins n’ont pas brigué le pouvoir pour rétablir la République, comme certains aristocrates, ils ont seulement fourni aux opposants qui les rémunéraient l’appui psychologique et religieux qui pouvait leur permettre de rallier des partisans ou de se sentir parrainés par les dieux. En effet, il ne semble pas que les haruspices privés aient adopté des positions politiques claires à l’instar de leurs homologues publics de la fin de la République. Ainsi, Larginus Proculus, seul haruspice privé de cette époque à être présenté par les sources comme victime de cette législation, ne justifie pas son attitude.
76Larginus Proculus, haruspice condamné par Domitien pour avoir prédit le jour exact de la mort de ce dernier, offre un cas typique de ces haruspices dont les compétences se situaient peut-être au croisement de plusieurs domaines d’activité. Suétone271 le présente comme haruspex, tandis qu’un abréviateur de Dion Cassius272 en fait un astrologue et un sorcier. Si l’on se fie à la source la plus proche des événements, Larginus Proculus s’est sans doute réellement prévalu de ses connaissances en haruspicine, cependant la condamnation fréquente d’astrologues et de sorciers et surtout l’association de plusieurs techniques pour prévoir le futur ont sans doute facilité son identification avec d’autres spécialistes. De plus, tout en intégrant des éléments astrologiques et magiques à leurs interprétations, les haruspices ne sont pas apparus en première ligne des condamnations. Larginus Proculus est poursuivi le 18 septembre 96 pour un chef d’accusation qui a déjà permis de condamner beaucoup de devins. Il est en effet coupable de lèse-majesté, en vertu de l’édit de 11 p.C, pour avoir annoncé le jour du décès de l’empereur Domitien. D’après Suétone, l’haruspice se serait appuyé sur l’apparition d’un coup de foudre pour annoncer un tel événement. Cette indication s’accorde avec ce que nous connaissons du classement étrusque des foudres dans l’œuvre de Sénèque : celui-ci aurait appris de Caecina que les foudres dites finita permettent de prévoir quelque chose qui se réalisera sûrement au jour de l’échéance (finita ad diem utique respondent)273. A l’époque d’Auguste, les haruspices ont réussi à prédire avec cette sorte de foudre le temps exact qu’il restait à vivre au prince274. En interprétant ce type de foudre, les haruspices tombaient ensuite nécessairement sous le coup de l’édit de 11. Pourtant, la consultation fournie par Larginus Proculus a été donnée dans un cadre public (δημοσία), peut-être au titre d’haruspice du gouverneur de la province, voire comme haruspice municipal ou colonial275. La concision des sources nous empêche de savoir clairement si la consultation avait été commandée par quelqu’un en particulier, si, par conséquent, l’interprétation fournie répondait aux attentes du commanditaire, ou si l’haruspice assumait une prise de parti politique, en contrevenant délibérément à l’édit de 11. Du point de vue de la justice gubernatoriale, l’haruspice semble avoir été le seul coupable puisqu’il est dépêché à Rome par le gouverneur pour y être jugé par le prince. Si le gouverneur a commandé la consultation, il n’a donc pas pris la responsabilité de la réponse de l’haruspice. L’haruspice, pourtant, exprimait-il tout haut ce que son entourage souhaitait ? Les études menées sur les gouverneurs de provinces sous Domitien minimisent l’opposition politique de ces responsables au prince et l’idée d’une répression féroce du prince sur leur personne276. Quinze gouverneurs, toutefois, ont été victimes de condamnations ou de relégations, dont deux proches de Thrasea et d’Helvidius Priscus, Helvidius le Jeune et Q. Iunius Arulenus, et un autre, Mettius Pompusianus, soupçonné de vouloir usurper le trône, sur l’encouragement des astrologues277. Si l’interprétation de l’haruspice a été faite en public, le gouverneur de Germanie a pu craindre d’être dénoncé au prince et préférer reporter la faute sur le devin. Cette précaution s’explique peut-être par la personnalité du gouverneur de Germanie en poste à l’époque. En 96, c’était sans doute M. Ulpius Traianus qui exerçait le gouvernement de la province de Germanie supérieure278. Le futur empereur Trajan, qui avait de bonnes chances d’être adopté par Nerva, avait intérêt à savoir quand le pouvoir serait susceptible de passer de Domitien à Nerva. De plus, Nerva étant déjà âgé et malade, Trajan savait qu’après l’adoption, le pouvoir lui reviendrait rapidement. Avant même Trajan, c’était vraisemblablement Nerva qui souhaitait savoir quand finirait le règne de Domitien. On ne peut donc s’empêcher de penser, vu l’entente entre Trajan et Nerva, que l’haruspice a proposé une interprétation qui était susceptible de satisfaire un gouverneur de province comme Trajan, désireux de hâter l’accession au pouvoir de son père adoptif, mais qu’exprimée devant tous, elle risquait de mettre en danger les plus intéressés. Les nombreux procès qui avaient émaillé les règnes de Tibère l’avaient clairement démontré. Si cette hypothèse est valable279, on comprend que l’haruspice, après avoir été condamné à mort par Domitien, mais laissé en vie jusqu’à ce que le jour dit fût passé, ait reçu ensuite 400 000 sesterces de la part du successeur immédiat de Domitien. Une telle somme qui permettait théoriquement à l’haruspice d’entrer dans l’ordre équestre équivalait à une rémunération d’un service exceptionnel, celui d’avoir préparé psychologiquement la succession. L’haruspice s’inscrivait ainsi dans une lignée d’astrologues, mages et sorciers qui avaient encouragé à Rome des prétendants au pouvoir de la famille impériale ou des opposants d’illustres familles républicaines. Comme eux, il n’était sans doute pas directement intéressé par les prédictions qu’il annonçait, mais dévoilait ce que son interlocuteur, peut-être illustre, souhaitait. Ainsi s’expliquerait une prédiction prononcée de façon aussi précise, aussi risquée et tenue exceptionnellement dans une province, et non à Rome. L’haruspice formulait le vœu d’un candidat au pouvoir.
2.3. Le contrôle des compétences des haruspices privés
77L’élargissement des activités des haruspices privés à l’astrologie et à la magie s’est accompagné d’une restriction progressive des champs de compétence traditionnels des haruspices. Alors que l’haruspicine étrusque dans ses livres rituels débordait largement le cadre de l’haruspicine et de la fulguration, l’haruspicine, devenue romaine, a abandonné certaines de ces spécialités, soit pour s’adapter aux changements de goût du public romain, soit pour éviter de concurrencer d’autres spécialistes de la divination.
78Quelques inscriptions d’haruspices et leur contexte archéologique témoignent d’un savoir-faire qui décline à partir du ier s. p.C.280, la divination par tirage de sorts. Cette compétence des haruspices qui consistait à lier, puis à tirer et à expliquer une tablette choisie par une main jugée innocente a été peu commentée : C.-O. Thulin281 et A. Bouché-Leclercq282 n’en font pas mention dans leurs études respectives283 mais il faut dire que les sources littéraires ne font pas figurer expressément les haruspices dans ces consultations. Dans le Latium, où le procédé divinatoire des tirages de sorts est surtout utilisé, en tout cas le mieux connu, les tablettes semblent avoir été interprétées par des sortilegi284. Les haruspices n’ont donc pas l’exclusivité de cette technique et le matériel archéologique qui rend compte de ce savoir est rare. Il existe, ainsi, un haruspice ostien connu par une inscription285 illustrant un bas-relief qui présente une scène d’haruspice au travail, lors d’un tirage d’un sort, et deux haruspices falisques appelés chacun sorex, soit peut-être lieur de sorts286, dans une inscription différente287. Les sources épigraphiques qui font connaître ces devins remontent toutes les deux à une époque haute, le ier s. a.C., pour l’inscription ostienne et le iie s. a.C. pour les inscriptions falisques. Ce savoir-faire, comme “l’avispicine288,” qui était une survivance de vieilles pratiques traditionnelles exploitées seulement dans le cadre privé, semble avoir complètement disparu au ier s. p.C.
79Dans trois cas au moins, ceux de C. Fuluius Saluis, de C. Clipearius M. f. et de Ancos Marcios289, l’influence étrusque ne fait aucun doute. C. Fuluius Saluis, bien qu’il réside en plein Latium, porte un cognomen à la terminaison inhabituelle en latin, mais fréquente en Étrurie290. C. Clipearius M. f. et Ancos Marcios vivent dans une zone d’influence étrusque : le titre d’harispex d’Ancos Marcios pour haruspex291 en témoignerait si la situation géographique de la ville de Falerii Noui ne suffisait à l’établir. Il serait donc erroné de considérer la pratique du tirage des sorts comme une adaptation aux coutumes italiques292.
80Il existe de plus une véritable tradition étrusque de divination par tirage des sorts. Une urne du musée de Florence probablement de la fin du IIe s. a.C., provenant peut-être de Volterra et appartenant à la série du “Vaso nel mezzo”, est décorée d’une scène de tirage de sorts à trois personnages : sous le regard d’un homme à bonnet pointu, un haruspice probablement293, une femme lire un sort d’un grand vase placé à l’intérieur d’un édicule et le lit pour le plus grand enthousiasme d’un autre personnage placé à gauche de l’édicule, le consultant probablement. L’existence d’un matériel nécessaire au tirage des sorts est aussi attestée en territoire étrusque à une haute époque. A Arezzo, deux sorts ont été trouvés, se rapportant sans doute à deux temples différents, l’un hors les murs, situé à l’emplacement de l’église S. Croce, et dédié à Aplu, et l’autre, à l’intérieur de l’enceinte étrusque et dédié à Suris294. D’autres sorts ont été retrouvés à S. Marinella dans un sanctuaire rural295, à Viterbo Cipollara296. A Véies, le sanctuaire de Portonaccio avait peut-être aussi une vocation cléromantique : un objet en terre cuite du vie s. a.C., sur lequel l’inscription laris velkasna [---] menervas est gravée, a été identifié comme l’imitation du coffret en bois où sont enfermés les sorts297. Enfin, Tite-Live298 mentionne l’existence de sortes299 à Caere pour l’année 218 a.C.300 et Plutarque fait allusion à un oracle de Téthys en Étrurie301.
81Certes, cette tradition de tirage des sorts n’est pas propre à l’Étrurie ; elle semble même indissociable des méthodes de divination italiques. La science des sorts, à laquelle n’est consacré aucun des libri Etrusci, occupe une place marginale au sein de l’Etrusca disciplina : elle pourrait avoir été empruntée aux Italiques et adaptée par les Étrusques, même s’il est sans doute difficile de démêler les liens qui unissent les deux divinations302.
82Ainsi, le Latium303 abritait des sanctuaires célèbres qui ont pu attirer les haruspices de l’Étrurie voisine. A Préneste304, l’oracle de Fortuna Primigenia est attesté depuis 241 a.C., quand le sénat, à la fin de la première guerre punique, interdit à Q. Lutatius Cerco d’interroger cette divinité étrangère, sous prétexte qu’il fallait gouverner l’État auspiciis (...) patriis, non alienigenis305. D’après Cicéron306, selon les haruspices, les sorts de chêne, surgis de façon merveilleuse d’un rocher, puis conservés dans une arca, où ils étaient mélangés et tirés (miscentur atque ducuntur ou tolluntur) par un enfant sous l’inspiration de la Fortune (Fortunae monitu), auraient été destinés à jouir de la plus haute renommée. Un denier de M. Plaetorius Cestianus307, partisan de Pompée et descendant d’une famille d’origine prénestine308, les Cestii, frappé en 69 ou 68-66, figure d’ailleurs une scène qui rappelle beaucoup la description de Cicéron : elle montre au droit une jeune divinité féminine de profil, à droite, les cheveux coiffés en chignon sur la nuque et, au revers, une puella qui tient une tablette rectangulaire en bois de chêne, portant l’inscription sors, qu’elle a tirée d’une arca et qu’elle s’apprête peut-être à remettre au sortilegus Fortunae Primigeniae309, chargé de la lire et de l’interpréter. De tels sanctuaires, sur lesquels nous sommes mal renseignés, existaient aussi à Tivoli310 et à Padoue311, mais rien ne prouve dans les textes littéraires et épigraphiques la présence ou l’intervention d’haruspices dans chacun de ces sanctuaires ; les propos de Cicéron s’appliquent peut-être uniquement à son époque et à Préneste.
83Cependant, la mention d’un haruspice à Ostie, dans la première moitié du ier s. a.C., en-dessous d’une scène de tirage des sorts nous pousse à croire que les haruspices avaient dans ce domaine des compétences reconnues par les habitants du Latium eux-mêmes312. Sur le relief qui le représente à l’œuvre, C. Fuluius Saluis joue un rôle essentiel pour la bonne interprétation du message divin, quel que soit le sens que l’on donne aux trois scènes figurées, et surtout à celle de la sortitio. Ainsi, que l’on s’accorde avec G. Becatti313, selon qui c’est Hercule qui tend une tablette à un enfant, après l’avoir tirée de l’arca, ou avec J. Gagé314, selon qui c’est l’enfant qui, après avoir tiré la tablette de l’arca, la tend à Hercule qui procède alors à l’opération divinatoire, ou bien encore avec l’hypothèse que c’est l’haruspice qui fait face au dieu dans une position hiérarchique inférieure qui explique la modestie de sa taille sur le relief, la présence de l’haruspice est nécessaire au déchiffrement. C’est lui le messager et l’exégète de la volonté divine. Le recours à un haruspice qui ne dissimule pas ses origines étrusques315 peut paraître étonnant puisqu’il existait dans le Latium des sortilegi.
84En territoire falisque, où aucun sanctuaire n’est réputé pour des opérations de tirage des sorts, cette pratique divinatoire pourrait avoir été le privilège des haruspices. Les deux seuls témoignages d’une éventuelle divination de cette sorte sont en effet des inscriptions d’haruspices, les seules connues d’ailleurs du territoire. Les haruspices concernés sont d’authentiques Falisques puisque le nom de l’un d’entre eux, Clipearius, est attesté uniquement à Falerii Noui et qu’il porte une terminaison inhabituelle en Étrurie à cette époque. La pratique de l’haruspicine, pourtant, est certainement liée à l’existence de liens étroits entre Falisques et Étrusques. Ancos Marcios, qui ne peut se faire nommer harispex sans se référer sans aucun doute à l’haruspicine étrusque et non à une divination proprement locale, a sûrement appris l’haruspicine en Étrurie même ou auprès d’un Étrusque, puis, au nom de son savoir en haruspicine, être employé aussi au liage des sorts. Les explications les plus convaincantes316 du mot sorex l’apparentent en effet au verbe latin serere, lier ensemble317, ou à Suri, divinité à laquelle sont dédiés un certain nombre de sorts318. De fait, Tite-Live319 témoigne de l’existence de sorts dans la ville : en 217 a.C., juste avant la défaite romaine de Trasimène, un prodige se produit au cours duquel une lumière jaillit d’une ouverture du ciel, des tablettes de sorts s’amincissent320 et l’une d’entre elles s’échappe321 du lot, porteuse d’une inscription effrayante. A Falerii, des sorts étaient donc conservés et tirés régulièrement, en cas d’interrogation sur les dispositions des dieux, comme à Préneste peut-être, par une main innocente, celle d’un enfant probablement, chargée de choisir parmi les tablettes gravées322 qu’on liait et rassemblait dans un récipient323. Le liage des sorts nécessitait probablement une technique particulière car de la façon dont ils étaient liés dépendait évidemment l’opération de tirage effectuée par l’enfant. Même si le bas-relief d’Ostie ne montre pas ce moment de liage dans les trois scènes présentées, il ne faut pas exclure cette étape du déroulement normal de la sortitio. C. Fuluius Saluis a fait graver seulement ce qui lui paraissait le plus significatif, la transmission d’un message du dieu à l’homme par l’intermédiaire d’un haruspice. Cette volonté d’ellipse narrative élimine forcément les étapes préparatoires, comme le liage des sorts. De cette absence figurative, on ne saurait donc déduire une méconnaissance et un refus de ce procédé. L’existence d’un trou dans les sorts retrouvés en Étrurie montre qu’en Étrurie au moins, comme en territoire falisque peut-être, le liage comptait parmi les procédés employés avant le tirage lui-même. Dans le Latium, un haruspice d’origine étrusque accomplissait probablement les mêmes préliminaires, avant d’expliquer et de remettre le sort au consultant. La traduction grecque de Plutarque du récit du prodige de Falerii par Tite-Live324 ne permet pas de mieux appréhender cette dernière opération. Le phénomène extraordinaire qui consiste dans le fait que les tablettes deviennent spontanément attenuatas dans le texte latin est en effet rendu par διασπείρασθαι πολλὰ γραμματῖα dans le texte grec. En fait, contrairement à ce que font remarquer A. La Regina et M. Torelli325, les tablettes ne se sont pas éparpillées d’elles-mêmes sous l’effet anormal de l’action divine, attenuatas s’appliquant, d’après les emplois du verbe attestés dans le Thesaurus linguae Latinae326, à l’épaisseur, et non au nombre. Les sorts, liés ensemble au moyen d’un fil par un homme, vraisemblablement un haruspice à Falerii et peut-être aussi à Ostie et à Préneste, sous l’effet de l’usure, se sont détachés et sont sortis d’eux-mêmes, sans qu’un haruspice ou un enfant spécialement chargé de cet office n’ait eu besoin de les tirer.
85On observera que, dans le Latium, contrairement à l’Étrurie, les fonctions de lieur ou de tireur des sorts de l’haruspice ne font pas l’objet d’une désignation différente qui vient s’ajouter à celle d’haruspice. C. Fuluius Saluis se présente à Ostie uniquement comme haruspexs, alors que les Clipearii, en territoire falisque, sont chacun sorex et harispex. Ce souci de détail s’apparente beaucoup à ce que l’on trouve dans l’inscription de l’haruspice L. Cafatius L. f. Stell.327, où le mot haruspex est dédoublé par celui de fulguriator328. Cette différence de nomination des activités du devin s’explique peut-être par une question de civilisation. Dans le monde romain du ier s. a.C., il ne fait aucun doute que l’observation, l’interprétation et la procuration des foudres, comme le tirage des sorts, entrent dans les compétences des haruspices329 : la précision est superflue. En revanche, le souci de détail manifesté aux iie et ier s. a.C. par des haruspices de culture ou d’influence étrusque reproduit peut-être un usage ancien, proprement étrusque, de division du savoir haruspicinal en plusieurs domaines330. L’haruspice étrusque, expert de toutes les divinations inductives, pouvait aussi se spécialiser dans un ou plusieurs domaines particuliers et indiquer ou faire indiquer volontairement à son propos les points forts de ses compétences. Ainsi, dans une volonté de précision, le texte étrusque de l’inscription de L. Cafatius L. f. Stell.331 donne trois mots, netσvis, trutnvt et frontac, que seuls deux mots latins peuvent rendre.
86La rareté et l’ancienneté des témoignages sur l’activité de tirage des sorts pratiquée par les haruspices peuvent paraître étonnantes. Cependant, elles correspondent sans doute à une transformation des goûts romains en matière de divination. D’autres techniques, d’autres procédés ont concurrencé le tirage des sorts, qui convenaient mieux à des mentalités en quête de divination inductive. Surtout, la mise en place d’une haruspicine publique s’est peut-être accompagnée d’une restriction du champ d’action officiel des haruspices. Il ne fallait pas que les haruspices pussent concurrencer les spécialistes des sorts romains, tels que le sortilegus de Préneste. Il valait mieux les réserver pour des domaines mal maîtrisés des devins de tradition romaine. On ne s’étonnera donc pas de ne trouver aucun haruspice officiel romain parmi les haruspices qui ont présidé à des opérations de tirage des sorts. Sur le bas-relief qu’il fait ériger à sa gloire, C. Fuluius Saluis se dit simplement haruspexs. Il faut donc en conclure par défaut qu’il donnait des consultations privées. La figure du général victorieux, à l’extrême-gauche du bas-relief, à qui l’haruspice remet la réponse du dieu, exclut de toute façon une demande publique. Dans le territoire falisque, si les connaissances de l’haruspice ont été utilisées à titre public, c’est uniquement dans le cadre local, marginal d’une structure officielle falisque. On ne peut donc en inférer que l’haruspice ait fait profiter Rome de son savoir-faire en matière de tirage des sorts. Les Romains, quand ils se sont fiés aux sorts après cette période, se sont tournés plutôt vers la partie hellénophone de l’Empire.
87Un autre champ d’activité traditionnel des haruspices pourrait avoir connu le même déclin : l’observation du vol des oiseaux.
88Trois haruspices seulement, du ier s. a.C. jusqu’au ier s. p.C., sont ainsi connus pour s’être consacrés à des pratiques qui relèvent en principe dans le monde romain des augures332. Nous ignorons s’il faut parler à ce sujet de fragile survivance d’une culture étrusque, où les haruspices passaient pour maîtres de toutes les sortes de signes divins, ou de chevauchement normal et accepté jusque-là des compétences entre haruspices et augures, destiné à garantir la meilleure communication possible entre les hommes et les dieux. Nous serions tentée d’adopter la première hypothèse. Les deux inscriptions333, qui présentent l’une l’haruspice L. Veturius Rufio comme auispex et l’autre, un haruspice anonyme, comme auteur peut-être de consultations augurales, et le texte qui fait de C. Vmbricius Melior334 un spécialiste d’ornithologie ne sont pas postérieurs au ier s. p.C. Il est donc possible que ces mentions épigraphiques et littéraires n’aient été que les vestiges de domaines de l’haruspicine étrusque abandonnés par la suite.
89L’appartenance de ce que nous appelons “avispicine” par néologisme à la discipline étrusque ne fait aucun doute. La tradition étrusque semble avoir fait figurer l’attention portée aux oiseaux parmi les méthodes divinatoires335. Dans la tombe François, Vel Saties est représenté prenant les auspices avant un acte militaire important aux côtés de son esclave Arnza tenant un pic de complément ou de rappel336. Dans la Tomba degli auguri de Tarquinia, un homme tient dans la main droite un lituus et tend la main gauche vers un oiseau rouge. A Rome, à l’arrivée du futur Tarquin l’Ancien, Tanaquil337, en bonne Étrusque, voyant un aigle s’emparer du bonnet de son mari et le remettre à sa place, sait parfaitement interpréter le sens du prodige.
90La pratique par les haruspices romains d’une divination fondée sur le vol des oiseaux est confirmée par un texte de Pline l’Ancien sur un autre des haruspices connus nommément, C. Vmbricius C. f. Scapt. Melior. Dans un passage consacré aux vautours338, l’écrivain latin fait d’un traité339 d’Vmbricius sa source unique sur les rites de lustration des nids de ces animaux. La mention d’études consacrées aux oiseaux dans les traités d’Etrusca disciplina, au moins au milieu du ier s. p.C., n’offrait donc rien de choquant. Il est même possible que, dans l’esprit des haruspices, les dieux aient pu réserver certains oiseaux particuliers, comme ils le faisaient pour certains types de foudres, pour annoncer des présages royaux340.
91Pour leur érudition en matière de zoologie, les haruspices pouvaient par conséquent être considérés par Denys d’Halicarnasse341, par Lucain342, par Strabon343 comme également experts de la foudre, des entrailles et des oiseaux des dieux auprès des hommes. Les haruspices sont même convoqués officiellement d’Étrurie jusqu’à la fin du ier s. a.C. pour interpréter des prodiges dans lesquels interviennent des oiseaux344.
92Jusqu’au ier s. a.C., au moins, les haruspices qui procédaient à cette divination par les oiseaux ne tiraient pas les mêmes informations que les augures. Alors que les augures recherchaient seulement l’assentiment des dieux, les haruspices se servaient de l’observation des oiseaux pour connaître le futur345. Cicéron distingue en effet augures et haruspices par le temps sur lequel portent les indications fournies par ces devins346. A l’époque de C. Vmbricius C. f. Melior, les haruspices avaient sans doute enrichi leurs grilles de déchiffrement des signes divins ainsi envoyés par des données purement romaines. La démonstration de D. Briquel a ainsi mis en évidence la référence au prodige des douze vautours apparus à Romulus dans la notice zoologique de Pline tirée du traité de C. Vmbricius C. f. Melior347. L’absence de mentions littéraires ou épigraphiques ultérieures sur des interventions d’haruspices dans le domaine de la divination par les oiseaux nous porte à croire qu’il s’agit là pourtant des derniers moments de l’avispicine étrusque.
93Par souci spontané de se démarquer de leurs collègues de tradition latine ou par nécessité de délimiter clairement le domaine de chacun, les haruspices semblent avoir abandonné par la suite un domaine dans lequel ils étaient concurrencés et qui constituait après tout un champ d’action relativement limité348. Les haruspices ont donc pu recentrer sans difficulté leur discipline sur ce qui en faisait la particularité, l’extispicine, la fulguration et l’interprétation de prodiges autres que ceux envoyés par les oiseaux.
94On observera que dans les deux inscriptions du ier s. a.C. déjà, le cadre d’activité des deux experts en vol des oiseaux349 est ambigu. A Gubbio, L. Veturius Rufio est défini comme sacerdos publicus et priuatus, après avoir été présenté successivement comme auispex et extispicus350. A priori, le titre de sacerdos devrait tenir lieu de troisième membre du rappel des activités de L. Veturius Rufio, l’haruspice n’étant pas à proprement parler un prêtre, et non de développement des deux premières appellations. Cependant, si d’un point de vue strictement juridique, officiel, romain, l’haruspice n’a pas la fonction de prêtre, dans les faits les frontières sont floues ; une assimilation a pu se produire dans l’esprit des Ombriens et pousser le rédacteur de l’inscription à poser l’équivalence auispex = sacerdos publicus et extispicus = sacerdos priuatus. Dans ce cas, les fonctions d’augure public pourraient exclure celles d’haruspice public351.
95L’autre inscription d’haruspice connaisseur en oiseaux ne permet pas néanmoins d’étayer solidement cette hypothèse. La situation de l’haruspice anonyme, en effet, y semble inverse de celle de L. Veturius Rufio. Le Tarquinien bénéficie d’un elogium, peut-être au titre d’haruspice public ; la pratique de la divination augurale352 n’intervient qu’au cours du récit des hauts faits de l’haruspice. Pour M. Torelli, ces actes divinatoires auraient été accomplis à titre privé353. De fait, l’haruspice n’est pas présenté comme augure mais comme un praticien de l’augurat. L’absence du titre d’augure correspond peut-être à une incompatibilité dans l’exercice public des deux fonctions. De fait, C. Vmbricius Melior est présenté comme haruspex et non comme augure dans la dédicace des habitants de Tarente et aucun haruspice connu n’est doté du titre d’augure, alors que des haruspices publics ont rempli des fonctions religieuses à un niveau local, comme flamine, prêtre ou pontife de Cabum354. L’anonyme de Tarquinia a donc pu exercer l’haruspicine à titre public et l’augurat à titre privé. L’existence d’un collège romain d’augures publics explique probablement cette dichotomie des cadres de l’activité divinatoire. Il ne fallait pas créer une concurrence entre les deux organismes officiels. La pratique de l’augurat officiel était peut-être interdite aux haruspices, comme l’haruspicine officielle était proscrite aux augures. Cette séparation des fonctions publiques divinatoires allait bien sûr à l’encontre des pratiques traditionnelles étrusques, où l’observation des oiseaux entrait à part entière dans les ostentaria, auxquels les libri rituales sont en partie consacrés355. Une association de termes, comme auispex et extispicus, dans l’inscription de L. Veturius Rufio, rendait peut-être maladroitement en latin une expression étrusque, comme on en trouvait dans l’inscription de L. Cafatius L. f. Stell., netσvis trutnvt frontac, à propos d’autres spécialités.
96Avec la romanisation de l’Étrurie et l’intégration par étapes de l’haruspicine à la religion romaine, les autorités romaines ont sans doute vu le danger d’une concurrence directe entre divination latine et divination étrusque. Si les Romains ont sans doute parrainé l’enseignement de l’haruspicine étrusque, c’est que cette divination étrangère au fonds romain complétait les techniques divinatoires romaines356. Que les deux systèmes fussent mis en rivalité publiquement et c’étaient les traditions augurales proprement romaines qui risquaient d’être dévalorisées, puisque les interprétations des haruspices avaient l’avantage de porter sur le futur357. Le danger était d’autant plus grand que les Romains rapportaient à Romulus l’origine de leur augurat ; Romulus aurait été le premier des augures et l’augurat romain serait né avec la fondation de la ville par la prise d’auspices358. Une anecdote rapportée par Tite-Live359 à cette époque rend bien compte du climat de tension360 qui a pu exister entre les deux traditions divinatoires. Le roi Tarquin l’Ancien, que les méthodes romaines en matière de divination laissent sceptique, défie le célèbre augure Attus Navius de faire ce à quoi il pense à ce moment-là. Le roi étrusque souhaite en effet créer deux nouvelles centuries avec l’accord des dieux. Soucieux de suivre l’exemple de Romulus, il demande donc lui aussi l’avis des augures. Étranger à ce mode d’interrogation des dieux, Tarquin traite avec mépris Attus Navius : il l’interpelle avec ces mots : diuine tu, et attend de voir ce que vont déclarer aues tuae. A sa grande surprise, l’augure romain réussit le tour de force d’accomplir la pensée du roi. Il coupe une pierre en deux avec pour seul instrument un rasoir. Pour perpétuer le souvenir de ce miracle, la pierre en question est placée dans le comitium. Cette victoire de l’augurat romain est évidemment considérée comme un exploit : la pierre est conservée comme une relique361. Attus Navius a non vaincu seulement le scepticisme de Tarquin, mais a démontré aussi au roi la supériorité de la science romaine sur la science étrusque en matière de divination. Tarquin l’Ancien, en bon Étrusque, se fie sans réserve à son épouse Tanaquil, lorsqu’elle interprète le prodige de l’aigle362, mais défie sur un air hautain les oiseaux d’Attus Navius. Or, ces mêmes oiseaux font accomplir à l’augure un miraculum qu’aucun haruspice, aucun Étrusque n’est connu pour avoir tenté et réussi. Attus Navius l’a donc emporté à sa manière sur Tanaquil et sur tous les haruspices étrusques, sans qu’il y ait eu confrontation directe entre eux. On observera cependant que si les Romains tiennent le haut fait d’Attus Navius pour une victoire363, Tarquin l’Ancien, farouche partisan des spécialistes étrusques, ne s’avoue pas convaincu puisqu’il n’augmente pas le nombre des centuries, mais l’effectif des centuries existantes. Peut-être s’agit-il là d’un trait de plus dirigé contre la mauvaise foi des Étrusques : malgré la réussite éclatante d’Attus Navius, au cours de son règne, Tarquin l’Ancien a recouru plus souvent aux haruspices qu’aux augures364.
97A l’inverse, Virgile, uates Etruscus, présente sous un jour défavorable l’augurat, alors qu’il vante les qualités de l’haruspicine étrusque365. Ainsi, Ramnès, roi et augure du roi Turnus, meurt d’une façon qui ridiculise le personnage et sa science avec lui : Nisus l’embroche de son épée dans son sommeil, sans que son art lui soit du moindre secours366. L’augure Tolumnius se trompe quand il interprète la lutte de l’aigle et des cygnes comme un présage favorable invitant les Rutules à reprendre les hostilités contre les Troyens367. En lançant le premier javelot, il accomplit le plan de la nymphe Juturne et meurt, puni d’avoir rompu le premier le ius gentium unissant Latins et Troyens368.
98Les hommes d’État romains ont sans doute voulu réserver aux augures d’autres victoires et protéger l’intégrité du prestige divinatoire romain, en écartant les haruspices des fonctions augurales officielles. Pour éviter les provocations, les défis et les humiliations, mieux valait empêcher qu’haruspices et augures puissent s’affronter sur un même terrain officiel369. C’est ainsi que, d’après notre hypothèse, les compétences des haruspices en matière d’avispicine n’ont peut-être profité aux Romains que jusqu’au ier s. p.C.
2.4. Un contrôle finalement limité
99Malgré les interdictions répétées par le pouvoir impérial, les haruspices privés semblent avoir bénéficié d’une grande liberté d’exercice. Du moment qu’ils ne s’intéressaient pas à l’état de santé du prince, ils n’encouraient pas de poursuites et n’étaient soumis qu’à la loi de l’offre et de la demande. Cependant, les satiristes du Haut-Empire s’en sont pris de façon virulente à l’indépendance d’action de l’haruspicine privée urbaine, accusée de donner libre cours à l’avidité des devins et à la curiosité malsaine de leurs clients. Les pratiques aussi sont mises en cause qui sont enrichies par d’autres cultes et superstitions que la magie et l’astrologie. En effet, même s’ils se sont efforcés de rester dans la légalité, avec l’afflux à Rome de nouvelles croyances, de nouvelles divinations et religions, les haruspices ont apparemment adapté leurs pratiques traditionnelles aux nouveaux goûts des clients.
100Les haruspices sont ainsi souvent impliqués dans des affaires d’héritage et de testament. Juvénal fait ainsi dire à Umbricius qu’il est inadapté à la vie à Rome parce qu’il ne veut ni ne peut promettre le décès d’un père370 ; selon lui encore, un haruspice s’engage également à garantir un magnifique héritage d’un veuf sans enfants371. Le thème est récurrent car Pline le Jeune montre également M. Aquilius Regulus, un chasseur de testaments, s’introduisant auprès de l’épouse de Pison, Verania, pour lui proposer l’aide d’un professionnel, haruspice de ses amis372. Plus généralement, les haruspices étaient censés deviner la situation financière future de leur client. Le même Regulus a consulté les dieux sur l’époque où il obtiendrait son soixantième million de sesterces et a appris, au doublement des entrailles, qu’il en serait alors à son cent-vingtième million373. Tout ce qui contenait une échéance à date fixe faisait l’objet de la curiosité des haruspices. Ainsi, on recherchait également l’avis des haruspices pour connaître le résultat de concours aux jeux ou l’issue d’un procès. Une matrone s’enquiert ainsi auprès d’un haruspice de la réussite du citharède Pollion374 ; Regulus, le chasseur de testaments, demandait l’avis des haruspices sur l’effet de ses discours375. On s’informait aussi auprès d’eux de futurs succès amoureux. Un haruspice promettait un amant joli garçon376.
101Les critiques suscitées par l’attitude des haruspices visaient peut-être moins les haruspices que les clients qui s’adressaient à eux. En fait, l’absence de contrôle social est justement mise en question par leurs consultations. Les haruspices répondent à la curiosité des femmes et des pauvres qui trouvaient là une forme de liberté. Les femmes cherchaient à échapper à l’autorité de leur époux en s’enquérant de la bienveillance d’un histrion ou d’un gladiateur et de jeunes gens célibataires souhaitaient inverser l’image traditionnelle du patrimoine conjugal, en profitant de la fortune d’une future épouse.
102Quand les haruspices faisaient l’objet d’attaques, c’était la plupart du temps pour l’écart de leurs pratiques avec celles des haruspices publics. Pour répondre à leurs consultants, les haruspices utilisaient peut-être des animaux différents selon la fortune du client, une agnelle pour la matrone, une colombe377, des poulets378, un chien379, voire des grenouilles380 ou un enfant381 — leur inspection n’est pas attestée382 — pour des clients plus modestes. On incriminait aussi la vénalité des haruspices. On s’inquiétait ainsi de ce que les rémunérations proposées par la clientèle riche pourraient avoir intéressé aussi des haruspices publics qui délaissaient ainsi sans doute pour un temps leurs techniques traditionnelles, par exemple l’enterrement des foudres dont on ne connaît pas d’utilisation dans un cadre privé383, pour d’autres en rapport avec la demande de clients.
103La clientèle et les pratiques des haruspices des campagnes sont beaucoup moins bien connues pour la période que pour celle qui précède. Les auteurs paraissent moins soucieux de respecter les principes de l’Etrusca disciplina et ne les rapportent plus que comme de vieux usages encore en cours. Columelle se réfère ainsi à des rites toscans douteux quand il énonce les moyens de calmer les vents et de détourner les intempéries384. Pour contrer les méfaits de Rubigo, il faut l’apaiser en sacrifiant un chiot ; pour calmer les vents, il faut ficher, comme Tagès, un crâne d’âne à la limite de son champ et, pour détourner la foudre, comme Tarchon, planter des bryones tout autour de son domaine. Or, ces prescriptions ne sont pas rapportées ailleurs à ces héros fondateurs de l’haruspicine. Tagès aurait délivré les principes de l’haruspicine385 et de la fulguration386 et serait à l’origine de livres de l’Achéron387, de libri rituales388 et d’un traité sur les séismes389, mais n’a jamais été mis en relation ni avec l’affixion de crânes ni avec la protection des cultures. Ce sont au contraire Démocrite, dans les Géoponiques390 puis Palladius391, dans son chapitre De remediis horti uel agri, et enfin Pline392, dans son Histoire naturelle, qui préconisent le recours à ce procédé sans jamais invoquer une source étrusque. Tarchon, de son côté, est connu uniquement comme le premier dépositaire des secrets révélés par Tagès393 et la bryone est rangée à la fois par Palladius394 parmi les remèdes contre la grêle et par Pline395 parmi les moyens d’écarter les oiseaux de proie sans que ces deux auteurs ne fassent allusion à des pratiques de type étrusque. D. Briquel a donc estimé, sans doute avec raison, que Columelle avait transmis des croyances magiques populaires qui n’avaient rien de spécifiquement étrusque396. Columelle ne reprend même pas les vieilles distinctions de l’Ostentarium Tuscum de Tarquitius Priscus entre arbores felices et infelices397 et les précautions des haruspices quant à la greffe des arbres398. Au contraire, il considère que ces dernières sont erronées et que les greffes sont possibles entre plusieurs arbres, du moment qu’ils ont la même écorce ou des fruits semblables arrivant à maturité à la même époque399. Il refuse également de considérer comme un prodige le fait qu’une truie dévore ses petits400. Les préceptes religieux dans leur ensemble ne suscitent pas la même attention scrupuleuse qu’à l’époque de Caton. Si Columelle reprend l’interdiction catonienne de consulter les haruspices401, il ne s’intéresse pas, comme Caton, aux bienfaits que pourrait apporter la discipline étrusque à une exploitation agricole. Les conseils des haruspices ne sont tenus que pour de vieux usages quasiment dépassés, des usages dont on sourit parfois, comme le fait Martial qui décrit un haruspice, aidé d’un paysan, immolant un bouc coupable d’avoir rongé une vigne et ordonnant sa castration, quand une énorme hernie apparaît402.
104Est-ce à dire que les haruspices avaient du succès dans les villes où ils jouissaient d’une assez grande liberté, mais étaient dédaignés dans les campagnes, en somme que les horoscopes avaient plus de succès que les conseils sur les greffes d’arbres ? L’avis de Columelle n’est sans doute pas représentatif d’un rejet de fond de l’haruspicine par les Romains des campagnes. Si, à cette époque, les haruspices ne sont pas attestés dans les campagnes des provinces de l’Empire, beaucoup le sont en Italie, en dehors des villes, mais ils ne constituent pas un objet de préoccupation.
105Ainsi, le contrôle des institutions sur l’haruspicine romaine s’est montré particulièrement étroit. Les haruspices des 60 ont suivi les positions politiques des sénateurs, en souscrivant ou s’opposant au régime impérial. Les haruspices impériaux ont fait preuve d’une fidélité sans faille au princeps en place. Les haruspices municipaux et coloniaux ont dû se faire agréer par l’élite politique de leur cité. Seuls les haruspices privés ont pu profiter d’une part d’autonomie dans la mesure où ils n’enfreignaient pas la législation sur les consultations concernant la santé du prince. Encore étaient-ils soumis à une forme de critique morale qui les écartait des métiers honorables et qui les entachait du soupçon de favoriser l’immoralité. Dans cette mesure, le Haut-Empire a renforcé la place de l’haruspicine romaine, mais c’est une haruspicine amputée de quelques-uns de ses domaines traditionnels de compétence et souvent strictement surveillée qui a été encouragée.
Notes de bas de page
1 Cf. CIL, VI, 2162 (L. Caesennius Sospitianus) ; CIL XIV, 164 (T. Flauius Clodianus) ; CIL, VI, 2161 (L. Fonteius Flauianus) ; CIL, XIII, 1821 (M. Oppius Placidus) ; CIL. XI, 3382 (L. Seuius L. f. Stell. Clemens) ; IK, 15-Ephesos, 1540 (Stertinius Maximus Eutyches) ; CIL, VI, 2165 (M’. Valerius M’. f. Quir. Bassus) ; CIL, VI. 2164 (M’. Valerius M’. f. Quir. Saturninus) ; CIL. VI, 32 275 b ([-]) ; CIL. XI, 4194 ([-]).
2 Cf. Ann., 11.15.
3 Cf. Bormann 1899. 134, qui s’appuie sur Dion Cassius 52.36.2, pour attribuer à Auguste la création de l’ordre, repris ensuite par Rawson 1978, 147-148 qui adopte le principe d’une création augustéenne ; Thulin 1905-1909, III, 146-147 et 1912, 2437-2438. qui fait remonter la création de l’ordre avant Auguste sans la dater ; Torelli 1975, 119 sq. et Mac Bain 1982, 49-50. pour qui il faut faire remonter la création de l’ordre des 60 à l’époque évoquée par Cic., Div., 1.92.
4 Rawson 1978. 140, note 68. reste prudente sur la date (“late first century B.C. ?”).
5 Cf. D.C. 52.36.3. Voir le débat entre Bormann 1899, 134 et Thulin 1912, 2438, où chacun prend parti, sans pouvoir fournir de preuve. Pour Bormann, l’inscription CIL, VI. 32 439 confirme une éventuelle décision d’Auguste, prise après le discours de Mécène. Pour Thulin, l’idée d’une création augustéenne n’est qu’une supposition incertaine (“unsichere Vermutung”), étant donné que l’ordre n’est mentionné qu’une fois dans les sources littéraires, qui plus est sous la forme d’un collegium dans le discours de Claude au sénat (Tac., Ann. 11.15).
6 Cf. Torelli 1975, 117 critiqué par North 2000, 96-100, mais à tort d’après la datation de la prophétie de Végoia dans Valvo 1988.
7 Scheid 1999a, 95, note 78, estime d’après Tac., Ann., 11.15 où le sénat demande aux pontifes et non aux Xuiri de faire des propositions sur la question de l’haruspicine publique romaine, que les Xuiri de l’inscription de Tarquinia désignent une commission tarquinienne et non romaine. Il est vrai que les pontifes interviennent avant ou auprès des haruspices en cas de prodiges durant la République.
8 Sur ces éloges de Tarquinia, outre Torelli 1975, voir Bormann 1887, 94103 ; - 1899, 129-136 ; Romanelli 1948. 260-268 ; Pallottino 1950-1951, 147-171 ; Heurgon 1953a. 402-417.
9 Cf. Torelli 1975, 26-102.
10 Cf. Torelli 1975, 142-146.
11 Hypothèse de Torelli 1975, 138-142.
12 Cf. Cic., Div., 2.50 et Cens., die natal., 4.13.
13 Cf. supra p. 20 et 27.
14 Hypothèse formulée au départ par Bormann 1899, 135-136, s’appuyant sur l’inscription CIL, XI, 3382 de L. Seuius L. f. Stell. Clemens, reprise par Heurgon 1953a, 415, mais suscitant la réserve de Thulin 1912, 2438 et la critique de Torelli 1975, 128.
15 Cf. L. Vinulleius L.( ?) f. Pom. Lucullus (CIL, VI, 32 439) ; L. Caesennius Sospitianus (CIL, VI, 2162) ; [-] (CIL, VI, 32 275) ; C. Nonius L. f. [---] (CIL, VI. 2175) ; T. Flauius Clodianus (CIL, XIV, 164) ; M’. Valerius M’. f. Quir. Bassus (CIL, VI. 2165) et M’. Valerius M’. f. Quir. Saturninus (CIL, VI. 2164).
16 Torelli 1975, 128.
17 Torelli 1975, 108. lit : [fu]lmine pr[ocurauit ostenta suo] / [c]armine et augurales di[uinatumes] / complures fecit. Post o[bitum huius] / sub (decem)uiros ea discipulin[a relata est],
18 Cf. supra p. 38 sq.
19 Cf. supra p. 40 sq.
20 Cf. supra p. 61 sq. On pourra ajouter aussi l’épisode rapporté par Iulius Marathus et transmis par Suét., Aug. 94. 3 : quelques mois avant la naissance d’Auguste, le sénat - sans doute averti par des haruspices - aurait été tellement épouvanté par un prodige annonçant la naissance d’un roi pour le peuple romain qu’il aurait interdit d’élever les enfants nés dans l’année.
21 Voir les interprétations contenues successivement dans Phleg., Mir., frg 13, Plin., Nat., 2.147 et Lyd., ost., 13.1 et D.C. 42.26.3-5.
22 Volcatius d’après Serv., ecl., 9.46.
23 Un haruspice anonyme d’après Appien, civ., 4.4.
24 Cf. Suét., Aug., 96.3.
25 Suét., Aug., 15.2 ; Appien, civ., 5.31-33 ; D.C. 48.14 ; Vell. 2.74. Sur cette guerre, cf. l’analyse des sources par Gabba 1956. 189-198 ; 1970, XXX-XXXVI et par Sordi 1985, 301-316. Sur l’attitude étrusque face à cette guerre, cf. Sordi 1972a, 784-785, qui souligne l’exemplarité du témoignage de Properce.
26 Lucain. Pharsale, 1.584-585, présente comme une coutume ancienne, presque archaïque, le recours à des haruspices d’Étrurie.
27 Cf. Appien. civ., 4.4. Le verbe grec utilisé par Appien συνῆγεν rend le verbe latin accire employé par Tite-Live en de pareils cas.
28 Suét., Aug., 90.1.
29 Sur ce thème, utilisé d’abord à propos du siège de Véies. cf. supra p. 29-30.
30 Cf. Aug., 1.2-3.
31 Cf. Liv. 1.34.8-9.
32 Cf. Suét., Aug., 94.1.
33 Cf. Plin., Nat., 15.136 ; Suét., Galba, 1 et D.C. 48.52.3-4 (ces deux dernières sources ne font pas mention des haruspices). Sur ce prodige, cf. Flory 1989, 343-356 ; Montero 1994a, 255-267 et 1998, 379-381, qui oppose divination féminine, naturelle, et divination masculine, technicienne.
34 Cf. Suét., Aug., 95.
35 Cf. D.C. 46.35. Voir aussi Plin., Nat., 11.190 et Obs. 69 pour 43 a.C.
36 Pour Kienast 1982, 253, note 321, Auguste accorde même un grand crédit aux haruspices.
37 Cf. Suét., Aug., 29.4.
38 Cf. 10.31. L’accent porté par Marc Aurèle sur cette divination contrôlée par le prince est sans doute à comprendre à la lumière de sa propre interdiction de prophéties de salute imperatoris (Mos. et Rom. Leg. Coll. 15.2.5). Sur cette interdiction, cf. Motschmann 2002, 155-160.
39 Sur la place de l’Étrurie et des intérêts étrusques dans l’action politique de Mécène, cf. Sordi 1995, 151 sur la vraisemblance des propos de Mécène rapportés par Dion.
40 Sur les conseils d’Auguste à Mécène, cf. Espinosa-Ruiz 1982, 57 ainsi que Liebeschuetz 1979, 226-227 et Reinhold 1988, 208, qui lisent tous deux le passage comme une attaque contre les innovateurs religieux et les praticiens de magie noire et de divination du iiie siècle, notamment pour M. Reinhold, contre les cultes orgiaques importés par Elagabal. Sur Mécène, voir la bibliographie établie par Graverini 1997, 235-236 et par Paturzo 1999, qui ne donne pas de commentaire du passage de Dion Cassius. 52.36.2-3, sur la divination.
41 Ils rendent peut-être aussi compte de l’importance accordée à la divination officielle par Septime Sévère, dont Dion Cassius voulait peut-être préparer la légitimation. Sur cet aspect de l’œuvre de Dion Cassius, cf. Rubin 1980, 83. Sur l’attention portée par Septime Sévère à la divination, cf. infra p. 139, 152 et 158.
42 Cf. Sordi 1995, 151.
43 Cf. Aug., 31.1.
44 Cf. 56.25.5.
45 Voir Serv., ecl., 9.46.
46 Cf. Capdeville 1991-1993, 8. G. Capdeville suit l’hypothèse proposée par Deecke & Müller 1877, 34, n. 63.
47 Celui-ci est connu pour avoir perfectionné la sténographie (D.C. 55.7.6 ; Suét., frg p. 136 Reifferscheid et Isid., Étym., 1.22.2). Sur lui, voir von Rohden 1895, 313. Torelli 1975. 130, propose d’identifier Iulius Aquila avec C. Iulius Aquila, préfet d’Égypte en 10-11 p.C. ou, à la rigueur, avec C. Iulius Aquila, procurateur équestre du Pont et adlectus inter praetorios en 49 p.C. Mais ces suppositions n’expliquent pas le lien avec la discipline étrusque.
48 Cf. Capdeville 1991-1993, 13-25.
49 Sur cette chute brutale du nombre de prodiges, cf. Liebeschuetz 1979, 58-59. Il faut évidemment relativiser cette absence de signes par la diminution de sources intéressées par ces phénomènes durant la période,
50 43.13.1.
51 Voir Kienast 1982, 126-151, Syme 1967, 478-481 et 1986, 32-49 et Dettenhofer 2000, 62-73. Auguste élargit et restreint à la fois un ordre sénatorial dont le nombre avait beaucoup augmenté depuis 44 a.C. Il favorise l’entrée de nouveaux membres au sénat, issus de couches de population jusque-là écartées de l’ordre sénatorial : “omnem florem ubique coloniarum ac municipiorum, bonorum scilicet uirorum et locupletium” (D. 212 col. II, 1. 1 sq.), en utilisant en 29 a.C. la lex Saenia qui augmente le nombre de patriciens. Il accomplit aussi trois lectiones senatus successives, en 29 a.C., en 18 a.C. et en 11 a.C.. complétées par une nouvelle lectio menée en 4 p.C. par tresuiri legendi senatus. Lui-même ajoute des membres à l’ordre sénatorial en 13 a.C. Il s’attribue un droit de nomination de certains magistrats et de recommandation de candidats à des magistratures. Il crée aussi des postes sénatoriaux au service du princeps. Simultanément, il épure l’ordre sénatorial en 18 a.C.
52 Cf. infra p. 116 sq.
53 Les haruspices publics qui veulent proposer des consultations privées à des membres de l’élite sénatoriale ou tout simplement se mettre en contact avec eux sont visés aussi par la mesure de Tibère rapportée par Suét., Tibère, 63.
54 Cf. Ann., 11.15.
55 Des apparitions de grand-ducs sont signalées dans la Ville, pour 135 a.C. sur le Capitole (Obs. 26), pour 1.3.3 a.C. (Obs. 27a), pour 126 a.C. sur le Capitole (Obs. 29), pour 122 a.C. (Obs. 32), pour 108 a.C. (Obs. 40), pour 104 a.C. (Obs. 43), pour 99 a.C., ce qui provoque une lustration de la Ville (Obs. 46), pour 98 a.C. sur le Capitole au-dessus des statues des dieux pendant des opérations d’expiation (Obs. 47), pour 96 a.C. sur le Capitole (Obs. 49). pour 92 a.C. sur le temple de la Fortune équestre (Obs. 53).
56 Cf. Plin., Nat., 10.35. qui indique dans 10.34, que le grand-duc est un oiseau funèbre et très redouté.
57 Cf. Phleg., Mirab., frg 36 (VII). Pour un commentaire de l’épisode, cf. Hansen 1996, 117-1 19.
58 Cf. Tac., Ann., 12.43 ; Suét., Claude, 22 ; Plin., Nat., 2.99.
59 Cf. Tac., Ann., 12.64.1.
60 Sur cette opposition, cf. MacAlindon 1956. 113-132 ; 1957, 279-286 ; sur l’opposition au discours de Claude sur l’entrée de Gaulois au sénat, cf. De Vivo 1980, 39-52.
61 Cf. Suét., Claud., 10.
62 Cf. D.C. 60.3.5-7 ; 60.4.1-5 : 60.5.1. et 3-9 ; 60.11.7 ; 60.12.1-5.
63 Cf. D.C. 60.15.2.
64 Cf. Suét., Claude, 13.
65 Cf. Sén., Apoc., 13.5 et 14.2 ; Tac., Ann., 13.43.3.
66 Cf. D.C. 60.27.5 ; Suét., Claude, 13.
67 Cf. Tac., Ann., 11.30.32 et 35.
68 Cf. Suét., Claude, 29 ; Sén., Apoc., 13.
69 Sur la composition de ces mouvements successifs d’opposition à Claude, voir notamment Raaflaub 1987, 18-22. Sur leur idéologie, Raaflaub 1987, passim.
70 Suétone, dans Claude, 22.2, signale ainsi que Claude faisait réciter des prières propitiatoires dont il dictait la formule au peuple, quand il avait vu un oiseau de mauvais augure.
71 Claude est le plus attaché de tous les empereurs romains à la divination étrusque. On sait qu’il a épousé à l’âge de 20 ans. âge proposé par Heurgon 1953b, 96. Urgulanilla, petite-fille d’Urgulania que Tacite, Ann., 2.34 et 4. 21.2 et 22. présente comme une maîtresse femme d’origine étrusque, nouvelle Tanaquil, d’une fidélité à toute épreuve envers son peuple. Un fragment de lettre d’Auguste à Livie (Suét., Claud., 4). analysée par Heurgon 1953b. 92-97, datant de l’année qui suit le mariage de Claude et d’Urgulanilla, montre que très vite Claude, sous la ferme autorité de sa femme, de sa belle-mère et de la grand-mère de sa femme, a été mis à l’école de sa belle-famille étrusque. Sur la faiblesse de Claude vis-à-vis de son épouse, on lira Leon 1948. 122. Il fait donc personnellement l’expérience des vertus pédagogiques de la famille étrusque dont il fait l’éloge dans son discours sur la réorganisation de l’ordre. En épousant Urgulanilla, “c’était tout le monde étrusque qui lui était offert en dot. monde étrange et prestigieux dont le souvenir revivait à l’ombre d’Urgulania, dont les traditions étaient encore observées dans sa maison, et dont les archives familiales, jalousement gardées derrière les murs sévères des palais toscans s’ouvraient libéralement à sa curiosité” (Heurgon 1953b, 431 ; cf. aussi 1989, 107). Féru d’histoire et particulièrement d’histoire étrusque. Claude eut à sa portée des renseignements de première main. L’un de ses beaux-frères, M. Plautius Pulcher, est marié à une Étrusque, Vibia Marsi f. Laelia nata, et sa belle-mère est une Lartia, fille de Cn. Lartius, dont le gentilice, formé sur le prénom Lars, Lartis, présente un caractère étrusque évident. Dans ce cadre, et porté par son goût pour l’histoire, éveillé par Tite-Live, Claude est devenu très vite non seulement étruscophile mais aussi étruscologue. L’étruscophilie de Claude est aussi sensible dans la nouvelle célébration des jeux séculaires, en relation peut-être avec la croyance des Étrusques qu’un nombre précis de siècles était assigné à chaque cité (cf. Gagé 1934, 88) et l’utilisation d’une figure archaïque de Diane, déesse de Servius Tullius, sur le monnayage (cf. Mattingly 1923, 127, no 53-54). Les historiens antiques ont peut-être insisté sur cet aspect étruscophile de Claude, pour l’opposer au philhellénisme de Néron. Cf. Rebuffat-Emmanuel 1967, 209-215. Sur les prétentions littéraires de Claude, on lira les analyses de Lienhart 1932, 32 sq., Momigliano 1934, 3 sq., Bardon 1940, 125 sq., Huzar 1984, 611-650, Schmidt 1994, 123-124, sur l’oeuvre historique de Claude. On trouvera dans l’article de Manni 1975, 132-137, une mise au point déjà ancienne sur les travaux concernant l’empereur Claude. On sait qu’il était très fier d’avoir écrit en grec un traité de Tyrrhenica en 20 livres qu’il faisait lire publiquement dans le nouveau Musée qu’il avait fait édifier à Alexandrie. Cf. Suét., Claude 42.5. D’après Briquel 1988b, 226-227 ; 1988c, 448-470 et 1995a, 88-93, pourtant, Claude n’est pas un spécialiste de divination étrusque, et n’a probablement pas approfondi les questions qui la concernaient puisqu’il ne fait pas partie des auteurs de référence d’ouvrages d’Etrusca disciplina, auxquels un auteur comme Pline l’Ancien, par exemple, se référait quand il voulait des renseignements spécifiques. Claude se vante de son érudition mais ne rivalise pas avec Tarquitius Priscus, Julius Aquila, Caecina ou C. Vmbricius Melior. Le discours que Tacite lui fait tenir sur la réorganisation de l’ordre des 60 est dénué d’explications détaillées sur la science religieuse des Étrusques. Quand Claude présente l’histoire de Servius Tullius dans son discours pour défendre l’accès des Gaulois au ius honorum, il emprunte cette anecdote à son Histoire et non à son ouvrage sur les Étrusques. Cf. CIL, XIII, 1668 de Lyon dont le texte a été publié par Fabia 1929. Sur ce texte, voir les analyses de Briquel 1988b, 219-227 et 1988c, 449-452. Enfin, la réforme de l’alphabet tire sûrement sa référence à Démarate d’un traité de litteris sur l’histoire générale de l’écriture. Cf. Tac., Ann., 11.13. Cf. les analyses de Momigliano 1934, 10-11 et de Briquel 1988c, 454-456.
72 Des opérations de police contre les cultes étrangers sont attestées pour les règnes d’Auguste et de Tibère, mais elles sont circonscrites à des champs limités. Sur la répression des cultes égyptiens sous Auguste, cf. D.C. 53.2.4 pour 28 a.C. D’après Jos., AJ, 18.65.84 ; Tac.. Ann., 2.85.4 et Suét., Tibère, 36, 4 000 affranchis adeptes des cultes juifs et égyptiens sont envoyés en Sardaigne réprimer le brigandage. Sur les cultes isiaque et juif sous le règne de Tibère, cf. Sén., Ep., 108.22 ; sur leur bannissement à cette époque, cf. Tac., Ann., 2.85 et Suét., Tibère. 36.
73 Claude poursuit une action augustéenne favorable aux Étrusques également dans le domaine monumental. C’est lui qui finance et fait achever un bâtiment décidé et commencé à l’initiative d’Auguste à Pérouse, Voir le commentaire d’Eck 1995, 83-91, sur l’inscription placée sur l’architrave du monument.
74 Cf. Ann., 11.15. 1. Bouché-Leclercq 1908, 31 ; Bayet 1957, 105 ; Latte 1960, 159, note 1 ; Le Gall 1975. 80, ont compris ce texte comme l’annonce de la création de l’ordre des 60 haruspices. Thulin 1905-1909, III. 144, comme celle de la création d’un collège d’haruspices, tandis que Wissowa 1914, 549, ne se prononce pas, que Torelli 1975, passim, parle indifféremment de collège ou d’ordre des haruspices et que Briquel 1997b, 27, parle de réorganisation, et dans 1997b, 104, de “nouveau départ”. Scheid 1999a, 95-96, est le premier à avoir souligné clairement le sens de l’expression et à avoir exclu l’idée d’une création claudienne de l’ordre des 60.
75 Deux haruspices, titulaires d’une inscription de Mayence (CIL, XIII. 6765), T. Adnamatius Sequens et T. Saturninius Aurelius, font seulement mention des collègues haruspices (haruspicibus collegis), mais l’emploi du mot collega n’implique pas l’existence d’un collegium des 60, qui plus est à Mayence.
76 Cf. Mommsen 1887-1891, III. 950-959 ; Karlowa 1885-1901,367 sq. ; Egger 1914,563-564.
77 Voir les inscriptions CIL, X, 1746 (ordo baulanorum) ; CIL, X, 1747 (collegium baula(norum)) ; CIL, X, 3483, dédiée à la fois par l’ordo proprietarum et par les heredes collegae ; CIL, X, 6094 (ordo regalium) et Cic., Verr. 2. 137 (ordo aliqui censorum est ? collegium ? genus aliquod hominum ?) où les deux mots sont employés avec le même sens.
78 Cf. Mommsen 1887-1891, III, 459 et Kornemann 1900, 381.
79 Cf Cohen 1972 ; 1975, sans mention du cas de l’ordre des haruspices ; 1984.
80 Cf. Humbert. 1292 ; Kornemann 1900, 380 ; Waltzing 1895 ; 1900, 340.
81 Estimations présentées dans Torelli 1982, 283, mais à minorer à la lumière des travaux de Berrendonner 2001.
82 Le relief, trouvé dans les fouilles du théâtre romain de Caere en 1840-1846, est conservé au Museo Profano Lateranense (inv. 9942). Sur lui, voir Canina 1840, 92-94 ; Bormann 1887a, 103 sq. ; Liou 1969, 61 sq. ; Bonfante 1977, 111-122 ; 1981, 105 sq. ; Torelli 1985, 38-41, fig. 1-2 ; Mansuelli 1988, 101-112 ; Fuchs 1989, 22 sq. ; Liverani 1989, 144-157 ; Massa-Pairault 1992a. 187-214 ; Les Étrusques et l’Europe 1992, 154, no 234 ; Liverani 1995, 224-227 et fig. 2.
83 Ce trône, trouvé sous la chapelle Corsini de l’église Saint-Jean du Latran, est conservé à la Galleria d’Arte antica du Palazzo Corsini à Rome (inv. 666). Sur lui, voir Ducati 1916,402-461 ; Bonfante 1977, 111-122 ; 1981, 105-112 ; Civiltà degli Etruschi 1985. 397, no 19. 6 (M.J. Strazzulla) ; Torelli 1990, 355-376 ; Les Étrusques et l’Europe 1992. 154, no 235 ; Torelli 1999, 150-164 ; Torelli 2000, 330, no 638.
84 Cf. Torelli 1975, 40.
85 Cf. Torelli 1975, 45-92.
86 Pour 51, Tac., Ann., 12.43 ; Suét., Claude, 22 ; Plin., Nat., 2.99. Pour 54, Tac., Ann., 12.64.1-3. Sur ces événements et leur rapport avec la situation du prince, cf. Mahl 1974, 144-147 et 158-163.
87 Cf. D.C. 60.33.2. On notera toutefois que Tacite ne lie pas les deux événements.
88 Cf. Tac., Ann., 13.42. Ce privilège était réservé aux prêtres et aux objets sacrés.
89 Pour une interprétation différente, cf. Levick 1990. 87 pour qui Claude essaie de réguler leurs opérations et non, comme le voudrait la traduction de l’édition française, de tenter une “mise au pas” de ces haruspices publics.
90 Cf. Tac., Ann., 13.24.
91 Cf. 1.586-638. Sur le lien avec les événements de 55, cf. Guittard 1995, 94-101.
92 Sur ce rapprochement qui s’appuie sur Lyd., ost., 47, voir Thulin 1905-1909, I, 73. Sur la nécessité d’une expiation après le foudroiement du temple de Jupiter, voir Obs. 44 pour 102 a.C.
93 Cf. Tac., Ann., 13.25.
94 Cf. Tac., Ann., 13.23.
95 Cf. Tac., Ann., 13.47.
96 Cf. Tac., Ann., 15.47.
97 Sur l’attitude de Lucain face à Néron, voir les interprétations de la Pharsale par Croisille 1982, pour qui l’assimilation du couple Brutus-Caton au couple Lucain-Sénèque permet à Lucain de lancer un avertissement, puis un anathème à Néron.
98 Il ne faut pas exclure un lien avec les Volcacii Tullii de Pérouse qu’a étudiés Torelli 1982b, 291.
99 Sur le succès du stoïcisme auprès des Étrusques au ier s. p.C., cf. Sordi 1998, 341-342. Sur ce stoïcisme d’opposition, cf. Cogitore 2002, 80-85.
100 Cf. Tac., Ann., 16.35.
101 Cf. Tac., Ann., 14.59.2.
102 Cf. Tac., Ann., 15.71.9. Sur les aspects spécifiquement étrusques de la doctrine de Musonius Rufus, cf. Sordi 1998, 341-342.
103 Cf. CIL, VI, 32 439 dont le texte est présenté en entier, supra p. 86.
104 Sur les Venuleii en général, cf. Schulze 1991, 380, 407, 445, 459 ; Gundel 1961a, 819-827 ; Torelli 1982b, 149 et 288. Sur la branche de Volsinies, cf. Iust[---] Venuleius Legitimus et Venuleia [...........] (CIL, XI, 2802), T. Venuleius T. f. Pom. Priscus, Sex. Venuleius T. f. Pont. Fuscus, T. Venuleius L. f. (CIL, XI, 2803) et à Tuscania, près de Volsinies, Sex. Venuleius Sex. f. (CIL, XI, 7411).
105 Volsinies semble avoir joué un rôle important dans la transmission de l’Etrusca disciplina, si l’on en croit l’interprétation proposée de l’inscription d’A. Rubrius (AE, 1991,643).
106 Cf. CIL VI, 2162.
107 Cf. CIL, XI, 3382 de Tarquinia.
108 Sur les Caesennii, on pourra se référer aux articles généraux de Torelli 1969, 312-313 et 1982b, 280, et consulter les notices précises contenues dans Münzer et Groag 1897, 1306-1309, no 3-10. 14 ; Groag 1903, 269, no 4 et 10 ; Stein 1917, 1073, no 115 ; Riba 1917, 1074. no 116 ; Groag 1917, 1075, no 118 ; PIR II 2 C 169-170 173-174 : IV2, I 796.
109 Sur A. Caesennius Gallus, cf. Groag 1897, 1306-1307, no 4 : 1903, 269, no 4 et PIR, II2, C. 170.
110 Sur L. Caesennius Paetus et L. Iunius Caesennius Paetus, cf. Groag 1897, 1306-1307, no 9 et 10 ; 1903, 269, no 10 et PIR. II2. C, 173 et 174.
111 L. Caesennius P.f. Sospes. Cf. Syme 1977, 38-49.
112 Sur les Seuii. cf. Münzer 1923, 2018 ; Funaioli 1923, 2018.
113 Cf. Torelli 1975. 190.
114 Le dédicataire de l’inscription est le frère de l’haruspice, L. Seuius Celsus et l’haruspice porte la tribu de la ville de Tarquinia.
115 Cf. CIL, XIII, 2226, [D(is) M(anibus)---] / Oppi(i) / Placidi / patris.
116 Cf. CIL. XIII, 2225, D(is) M(anibus) / M(arci) Oppi(i) / Ianuari(i) / fratris.
117 Cette hypothèse est aussi avancée par Beard, North & Price 1998, 320, note 16 et par Scheid 1999a. 87, note 30 ; en revanche, Eck 1998, 207, ne se prononce pas. Nous connaissons un exemple sûr d’haruspice de légat : Sex. Serius Verus (AE, 1921,39). Le légat de Lyonnaise qu’aurait assisté M. Oppius Placidus est inconnu de nous, comme tous les légats des provinces de Gaule de cette époque. Cf. Thomasson 1998, 233.
118 A l’époque de cet haruspice, les Oppii se montrent particulièrement actifs et prêts à s’expatrier de leur Sabine natale. Le plus connu d’entre eux est sûrement C. Oppius Sabinus, légat de Mésie sous Domitien, peut-être cos. ord. en 84 (cf. Groag 1939, no 31. col. 744-745 ; PIR2. O, 122), dont le père serait L. Oppius, cos. suff. en 44 et gouverneur de la province de Germanie (cf. Pflaum 1970, 90 ; PIR2. O, 114).
119 Phleg., Mirab., frg 25 = frg. 36, 25 Jacoby. Sur Phlégon et les cas relevant de l’haruspicine, cf. Guittard 1996, 125, qui fait remarquer que Phlégon néglige l’aspect religieux des prodiges. On notera toutefois la mention d’embryons à deux têtes, hommes ou animaux sous le règne de Néron par Tac., Ann., 15.47, mais l’intervention des haruspices ne semble pas avoir été alors sollicitée.
120 Sur ce qu’il faut entendre par monstrum dans le langage religieux latin, cl. Moussy 1977, 345-369. Les haruspices exerçaient un quasi-monopole sur le traitement et l’interprétation des monstra, cf. Cic., Div., 1.3 et 82. Voir Allély 2003.
121 Liv. 27.37.6 pour 207 a.C. ; Liv. 39.22.5 et Obs. 3 pour 186 a.C. ; Obs. 22 et Oros. 5.4.8 pour 142 a.C. et Diod. 32.12.1-2 pour 91 a.C.
122 Cf. Diod. 32.12.1-2.
123 Nat., 7.34 ; passage repris par Gell. 94.16.
124 Cf. Philostr., V. Ap., 5.13.
125 De ira, 1.15.
126 Pour d’autres cas d’enfants bicéphales, cf. Liv. 41.21.12 pour 172 a.C. ; Obs. 27 a pour 133 a.C. Sur l’interprétation politique de la naissance d’un enfant bicéphale, cf. Cic., Div., 1.121 qui y voit un signe de sédition. Pour la noyade des androgynes sur ordre des haruspices, voir, par exemple, Liv. 27.37.6 pour 207 a.C. ; Obs. 22 pour 142 a.C. ; Obs. 25 pour 136 a.C. Sur le style propre à ces récits de prodiges, cf. Santini 1988, 210-226. Sur l’expiation des êtres difformes par les haruspices, voir Montera Herrero 1994b, 77-79 et la synthèse de Gartland 1995, 67-70.
127 2000b, 86-87.
128 Sur la façon dont l’homosexualité était considérée à Rome, voir Dupont 2001, notamment la première partie, avec la bibliographie sur le sujet. Sur l’homosexualité de Trajan, cf. Jul., Caes., 311c ; D.C. 68.7.4 ; His. Aug., Hadr., 2.7. Sur l’attitude des haruspices face à des comportements sexuels considérés comme déviants par la morale traditionnelle romaine, cf. Montera Herrero 1993b, 647-658 ; 1994b, 89-94.
129 Sur cette idée, peut-être propre au iie s. p.C., que le comportement moral du prince aurait des répercussions sur l’État tout entier, voir les analyses de Shochat 1985, 319, à partir du Panégyrique de Trajan par Pline le Jeune.
130 Sur la colonne-tombeau, cf. D.C. 68.16.3. Sur la transgression par Trajan du tabou de la mort à l’intérieur du pomerium, cf. Arce 1988, 83-89, qui voit dans cette entreprise deux éléments originaux : une tombe de triumphator et une tombe de fondateur (κτίστης).
131 Ces derniers sont détenteurs du ius proferendi pomerii. Cf. Dion. H. 4.13.3 ; Aul. Gell. 13.14.3 et Tac., Ann., 12.23. Sur ce droit, cf. Catalano 1978, 487. Sur les différentes extensions du pomerium, cf. Hülsen 1887, 615-626 ; Laffranchi 1919, 19 sq. ; Labrousse 1937. 165-199 ; von Blumenthal 1952, 1873-1875 ; Syme 1978, 217-231 ; Taliaferro Boatwright 1984-1985, 36-43 ; 1986, 13-27 ; Sordi 1987, 200-211 ; Hinard 1993, 233-237 ; Andreussi 1999, 104 ; Ferrary 2001, 9-22.
132 Pour Tac., Ann., 12.23.2, l’extension du pomerium est liée à l’extension de l’Empire. L’hypothèse de l’agrandissement du pomerium par Trajan s’appuie notamment sur CIL, VI, 1231 ; et His. Aug., Aur., 21.
133 L’intervention des haruspices lors d’une telle cérémonie se déduit de leur présence pour exécuter les rituels de fondation de cités. Sur ces rituels consignés dans les livres étrusques, cf. Fest. 358 L. Sur la présence d’haruspices lors de cette cérémonie, cf. Catalane 1978, 486.
134 Sur les mesures de Trajan en faveur des sénateurs, cf. Fell 1992. 146-149.
135 Sur l’inclination de Trajan à donner de tels sacerdoces à des hommes à l’expérience militaire reconnue, cf. Campbell 1975, 11-31 ; Simon 1976, 68-72.
136 cf. Plin., ep., 10.96-97. Sur ces lettres, cf. Sherwin-White 1966, 691-712 ; Vidman 1972, 87-106 ; Muth 1980, 72-95 ; Siat 1995, 161-170, Teja 2000, 475-489.
137 Sur la différence entre haruspices de provinces sénatoriales et haruspices de provinces dotées de légions, cf. Haensch 1997, 722.
138 Cf. ILAf, 592 (AE, 1921, 39). Sur lui, voir Haensch 1997, 713.
139 Les Serii semblent s’être surtout concentrés dans la région de Bevagna. cf. CIL, XI, 781 ; 3221 ; 5053 et 5069 a ; AE, 1989, 277 ; AE, 1973, 295.
140 D’ailleurs aucun haruspice municipal ou colonial n’est connu en Afrique proconsulaire.
141 CIL, XI. 3382.
142 C’est le sens des génitifs Aug(usti), Augg(ustorum) ou Caesarum.
143 Cf. CIL, XIII, 1131.
144 CIL, XIII, 1831.
145 Son fils lui donne en effet le rang d’eques Romanus.
146 Cf. infra p. 110.
147 Aucun haruspice chevalier, à notre connaissance, n’est demeuré à un poste d’haruspice municipal ou colonial. Le seul d’ailleurs à mentionner explicitement son passage par l’haruspicine municipale, L. Seuius L. f. Stell. Clemens (CIL, XI, 3382), met en avant sa présence dans l’ordre des 60.
148 CIL, XIII, 1129.
149 Sur lui, cf. PIR2. C, 659 ; Barbieri 1952, 343, no 1992 ; Degrassi 1952, 117 ; Etienne 1962, 322, no 14 ; Alföldy 1977, 160-161 et note 152.
150 CIL, VI, 1569.
151 CIL, XIII, 1697, inscription lyonnaise d’époque antonine dans laquelle Bordeaux désigne le Picton L. Lentulius Censorinus, curateur des finances et CIL. XIII, 1130, inscription de Poitiers du iie s. p.C. de la fille du uilicus de l’impôt sur les affranchissements Fauentius.
152 L’amphithéâtre de la ville est élevé (ou reconstruit) à la même époque : une monnaie trouvée incluse dans son béton porte la figure d’Antonin. Cf. Favreau 1985, 55.
153 CIL, XIII, 1821 (D. 4952a).
154 Prim(us ou —arius) plutôt que maximus (CIL, VI, 2164 ; CIL, VI, 2165) ou magister (CIL, VI, 2161).
155 CIL, IX, 1540.
156 CIL, XIII, 2226.
157 CIL, XIII, 2225.
158 Cf. Allmer et Dissard 1889, no 96, 3-4.
159 Cf. 1999, 95-96.
160 Cf. 1948, 20-22.
161 Cf. IK, 15-Ephesos, 1540 (D.8833).
162 Sur lui, cf. PIR, S, 660 ( ?) et 661 ; Groag 1929, 2454-2456, no 13 ; Alföldy 1982, 323.
163 Sur lui, cf. Groag 1929, 2455 ; Wiseman 1971,263, no 415 ; Alföldy 1982, 323. L’homme est l’auteur de plusieurs inscriptions : cf. Wood 1877. II, no 411. III, no 720, V, no 2113 et Forschungen in Ephesos, IV, 1, p. 96 (AE, 1935, 169). C. Stertinius Orpex, scribe également, pourrait avoir appartenu lui aussi au consilium du gouverneur. Cette explication nous paraît plus convaincante que celle adoptée par Groag 1929, 2455, qui explique la présence d’affranchis nommés Stertinii par une position publique de C. Stertinius Maximus en Mer Égée.
164 Sur elle, cf. Groag 1929, 2455.
165 Sur cet homme, cf. PIR, A. 1120 et PIR, N, 184 ; il est peut-être le titulaire — à moins qu’il ne s’agisse d’un descendant — du titulaire de CIL, VI, 32 026 de Rome “M. Num[mio]... Attidi[o]... Tusco” (PIR 2, N, 236 ou 237 ?).
166 Cf. supra p. 89-90.
167 Cf. supra p. 91 et infra p. 115 sq.
168 Cf. Suét., Aug., 97.3, D.C. 56.29.4.
169 Le premier haruspice impérial connu par les sources dont nous disposons est C. Vmbricius Melior (AE, 1930, 52 ; Plin., Nat., index 11 ; Nat., 10.19 ; Tac., His., 1.27.1 et Plut., Galba, 24.4-5).
170 Cf. 10.31.
171 C. Umbricius Melior (AE, 1930, 52) et C. Nonius L. f. [---] (CIL, VI, 2175).
172 Cf. Tac., His., 1.27.1 et Plut., Galba, 24.4-6. Sur cet épisode, cf. Vigourt 2001, 385.
173 AE, 1930, 52.
174 Cf. Tac., His.. 1.27.1.
175 Cf. Plut., Galba, 24, 4-6.
176 Cf. Index auctorum, livre 10 et livre 11.
177 Cf. Nat., 10.19. Sur ce passage, voir Briquel 1995c, 17-26.
178 Cf. infra p. 128-133.
179 Sur lui, cf. supra p. 72 n. 173.
180 Sur lui, cf. supra p. 91 et n. 47.
181 Sur ce bas-relief d’une hauteur à l’origine de 3 m sans doute et d’une largeur de 4, 05 m. conservé à Paris au Musée National du Louvre. MA 978 et 1089 (pour les deux grands fragments) et dans la collection Valentin de Courcel (fragment avec la Victoire), voir Wace 1907, 229-276 ; Scott Ryberg 1955, 128-130 ; Koeppel 1985, 143-213 ; Turcan 1988. no 77, 34. pl. XL : Tortorella 1988, 475-495 ; Kleiner 1992, 223-224. photo no 187 ; Montera Herrero 2000b, 85-86.
182 Cf. CIL, V, 5294.
183 Cf. Serv., ad Verg., Aen., 10.198 et Schol. Veronensia Verg., Aen., 10.200.
184 Cf. Verg., Aen., 10.198-201.
185 Cf. Serv., ad Verg., Aen., 10.198.
186 Cf. Schol. Veronensia Verg., Aen., 10.200.
187 Cf. Verg., Aen., 10.198-201.
188 Pour une interprétation de ces traditions, cf. Briquel 1984. 23 sq., 239 sq. ; 1991b, 277-280 ; Sordi 1992, 113 sq. ; De Simone 1993, 197-200.
189 Cf. Plin., Nat., 3.19 : Mantua Tuscorum trans Padum sola reliqua.
190 Cf. Phoc. Vita Vergilii, 25 ; 29.
191 Cf. Vita Noricensis. 48-49.
192 Aen., 10.201-203 : Mantua, diues auis, sed non genus omnibus unum : / gens illi triplex, populi sub gente quaterni, / ipsa caput populis, Tusco de sanguine uires.
193 Cf. Schol. Veron. Aen., 10.200 sq.
194 Cf. Sordi 1992.
195 Cf. Liv. 5.33.11 ; Plin., Nat., 3.133 ; Justin 20.5.8.
196 Cf. Valvo 1994, 39-53 ; 1998, 203.
197 Voir l’analyse de la situation de Tityre dans Virg., Buc., 1. 1 par Valvo 1994, 40-41.
198 Cf. Valvo 1998, 187-203.
199 Cf. CIL, V, 5704 (T. Verg(inius ?) A[t]ilianus).
200 Cf. CIL, V, 5294 et CIL, V, 5704.
201 Cf. Ladage 1971, 87-88.
202 CIL, II, 5439, § 62, tab. I, 3, 1. 26 : eo anno, quo anno quisque eorum/apparebit.
203 Cf. supra p. 76-77 et n. 202.
204 Sur la richesse agricole de la région en porcs, en millet, en vin, en poix et en laine, Cf. Str. 5.1.12, Pol. 2.15.1-6 ; Varr., R., 2.4. Cf. aussi Bandelli 1991,89-95, qui souligne la part prépondérante des petites exploitations.
205 Cf. CIL, V, 5598.
206 Cf. I. It. X, 1, no 82.
207 Cf. ligne 10 : harusp(ex)publ(icus).
208 CIL, II, 5439, LXII, 1.1. 33-37.
209 Lignes 2 à 8 : Claudiae Q. f. / Eugeniae, / quae sua castitate / et obsequio fecit / iucundam uitam uiro / et simul infirmante / ipsa defecit pro uiro.
210 En plus de Q. Mursius Celer, on y connaît L. Pontius L. f. Vel. Rufus (I. It. X, 2. no 237) et L. Verginius Pudens (CIL, V, 99), auxquels on peut ajouter Q. Marcius [---] haru[spex] dont on ignore si haruspex est le cognomen ou la désignation de son activité divinatoire.
211 Cette situation est sûrement à mettre en relation avec l’existence de multiples petites exploitations agricoles fondées sur la prospérité de la région. Cf. Str. 5.1.8-12 ; Panciera 1957, 61-93 ; Tozzi 1988, 23-43 ; Forasboschi 1988, 175-188. Selon Bandelli 1991, 90, beaucoup de grands latifundia, présents dans la région, appartiennent à de grands aristocrates extérieurs à l’Istrie. Ces personnages sont recensés par Zaccaria 1989, 469-488.
212 On possède des témoignages d’un commerce actif entre Étrurie et Istrie entre le iiie s. et le ier s. a.C. grâce à la tombe de Gretta. près de Trieste. Cf. Cassola Guida 1978, 9-10, 16-29 ; 1989, 7-20 ; Càssola 1991, 26.
213 Cf. I. It. X, l, no 157.
214 Cf. C. Marius Onesimus (CIL, XII, 3254).
215 Le terme de γοής employé par Dion Cassius doit être compris de façon péjorative pour désigner tous ceux qui se présentent qui cherchent à tromper leur clientèle. Sur l’emploi de γοής à propos de réalités romaines, cf. Graf 1994, 61.
216 D.C. 49.43.5. Sur ce texte, voir Cramer 1954, 236-237.
217 Weinstock 1946, 101-129, a bien montré comment Martianus Capella, au ive ou ve s. p.C., s’est servi de sources où apparaissent le mélange produit au ier s. a.C. entre octotropos des astrologues hellénistiques et système étrusque des 16 régions. Dans 1951, 122-153, il a aussi analysé l’apport de la croyance astrologique à l’idée étrusque d’un Jupiter-Tinia, dieu céleste tout-puissant. Les haruspices ont donc fait évoluer leur discipline en fonction des doctrines en vogue à cette époque, ils ont sans doute élaboré des horoscopes, utilisé les techniques des mathematici et des Chaldaei à tel point qu’on peut les considérer, avec S. Weinstock, comme des “haruspices hellénisés” (1946, 126). Récemment Ramsey 2000 a même émis l’hypothèse que l’avertissement lancé par Spurinna à César pour les Ides de mars s’appuierait sur des prédictions astrologiques.
218 Sur les cercles aristocratiques formés autour de la philosophie de Nigidius Figulus, cf. Aigner-Foresti 2000, 22-23. Astrologie et haruspicine pourraient avoir été associées également sous les règnes de Domitien et de Nerva par l’haruspice Larginus Proculus (Dion Cassius epit. 67.16.2) Sur lui, cf. infra p. 120-122. Fonteius Capito, si l’on l’identifie à l’ami d’Antoine, pontifex après 44 a.C., artisan de la réconciliation entre Antoine et Octave en 37, cos. suff. En 33, comme le fait Weinstock 1950, 44-49, pourrait avoir aussi joué un rôle important dans le renouvellement de la divination étrusque par des éléments astrologiques.
219 Sur les rapprochements entre magie, astrologie, divination et science de cette époque, cf. Leglay 1976. 531-532. Sur cette littérature astrologique, cf. Gundel 1966, 102-103 pour Posidonius et Géminos de Rhodes.
220 Cf. Roddaz 1984, 155.
221 A cette époque, comme on l’a vu, des traductions ou des abrégés de livres divinatoires étrusques ont déjà été rédigés.
222 Suét., Aug., 31.1 ; D.C. 54.17.2-3.
223 Sur la tolérance d’Auguste en matière d’attaques littéraires, cf. Tac.. Ann., 4.34.5.
224 D.C. 52.36.3.
225 André 1967, 92-93.
226 Cf. D.C. 56.25.5.
227 Cf. D.C. 56.24.3-4. Sur les messages annoncés par les comètes, voir Plin., Nat., 2.92 ; Tac., Ann., 14.22.1 et Suét., Néron. 36.1. Voir l’interprétation de Thulin 1905-1909, III, 91-92.
228 Cf. Suét., Aug., 94.18. Sur la publication de l’horoscope d’Auguste, cf. Martin 1982, 87-89.
229 Voir le développement de Bakhouche 2002, 176-181.
230 Sur ce moyen d’annihiler les efforts de l’opposition politique, cf. Storoni Mazzolani 1986, chapitre XXV : Le crime de lèse-majesté. Sur ce crime, cf. Baumann 1967 ; Levi 1969, 81-96.
231 Cf. Tac., Ann., 2.27. Sur cette affaire, cf. Rogers 1935, 12-24 et Cogitore 2002, 181-191.
232 Sur cette loi, cf. Paul., sent., 23.1-19, ad legem Corneliam de sicariis et ueneficiis.
233 Certaines sources évoquent des plans criminels, comme les Fastes d’Amiternum (CIL, I2, 244) et Vell. 2.130.3 ; d’autres comme Tac., Ann., 2.27, Suét., Tibère, 25.1 et D.C. 57.15.4, des projets révolutionnaires. Sur les accusations portées contre Libo, cf. Cramer 1954, 254-255.
234 Cf. Cic., Div., 1.41. Sur cette évolution, cf. Leglay 1976. 538-539.
235 Cf. Cic., Div., 1.23 ; 41 ; leg., 2.10. Sur ces emplois et sur les attestations des mots magus et magia, cf. Graf 1994, 46-50.
236 Cf. Cic., Tusc., 1.16.37 ; Div., 1.64 et 1.132. Cicéron exagère sans doute dans Vat., 6.14 quand il accuse Vatinius d’évoquer les esprits des morts et de consulter des entrailles d’enfants, mais le fait qu’il puisse porter des accusations de cette nature nous renseigne sur l’attitude supposée de certains représentants des élites de ce dernier siècle de la République.
237 Carm., 90 : Nascatur magus ex Gelli matrisque nefando / coniugio et discat Persicum aruspicium. / Nam magus ex matre et gnato gignatur oportet, / si uerast Persarum impia religio, / gnatus ut accepto ueneretur carmine diuos / omentum in flamma pingue liquefaciens.
238 Cf. inst., 7.3.7.
239 Sur ces mesures, cf. Cramer 1954, 237-240.
240 Cf. Ann., 2.32.3.
241 Cf. 57.15.8-9.
242 Cf. Tibère, 36.3.
243 Cf. dig., 15.2.1-6.
244 Cf. Tac., Ann., 2.32.3.
245 Les haruspices de cette époque, résidant à Rome et en Italie, que nous connaissons ne sont jamais des pérégrins.
246 Cf. Suét., Tibère, 63.
247 Cf. Tac., Ann., 2.27-30. Sur son procès, cf. Rogers 1935, 41-51.
248 Cf. Tac., Ann., 3.22 ; D.C. 57.15.8-9. Sur l’état d’esprit de Tibère face à ce complot et sur l’émotion populaire suscitée par Aemilia Lepida. cf. Rogers 1935, 51-57 ; Shotter 1966, 312-317.
249 Cf. Tac., Ann., 4.22.
250 Cf. Tac., Ann., 4.52 ; D.C. 59.19-20. Sur le procès, cf. Rogers 1935, 150-155.
251 Cf. Tac., Ann., 6.29.
252 La situation change au ive s. p.C., où Ammien Marcellin fournit les noms de deux haruspices condamnés : Amantius (Amm. 28.1.19-21) et Campensis (Amm. 28.1.8 et 29).
253 Cf. sent., 21.1-3, de uaticinatoribus et mathematicis.
254 Cf. Tac., Ann., 12.22.
255 Tac., Ann., 12.52 ; Suét., Claude, 35.2. Sur la famille de Scribonianus, cf. Scheid 1975, 178-182. Sur l’affaire, cf. Cogitore 2002, 245-249.
256 Cf. Tac., Ann., 12.52 ; D.C., epit., 61.32.4.
257 Cf. epit., 61.33.3b.
258 Cf. Sén., Apoc., 3.
259 Cf. Tac., Ann., 12.59.
260 Cf. Tac., Ann., 13.32.
261 Cf. Tac., Ann., 16.8.2.
262 Cf. Tac., Ann., 16.14 et 16.31. Sur cette affaire et le contraste entre la sévérité des peines et les griefs invoqués, cf. Rudich 1993, 160-161.
263 Cf. Philostr., V. Ap., 4.47.
264 Cf. Tac., His., 2.62 ; D.C., epit., 64.1.4 ; Suét., Vit., 14.4 ; Zonaras 11.16.
265 Cf. Suét., Vit., 14.
266 Cf. Cato, Agr., 5.4 ; Cic., Div., 2.149 ; Tert., Apol., 43.1 ; His. Aug., 4 tyrans, 8.3 ; Firm., math., 3.2.18 ; Aug., serm., 9.3.3 ; 9.11.17 ; COD. THEOD. 16.4.1 ; SYNON. Cic. Char. Gramm. p. 427, 15 B.
267 Cf. D.C. 66.9.2.
268 Sur les rapports étroits de Vespasien avec l’astrologie, cf. Martin 1982, 202-203.
269 Selon les sources, un ou deux expulsions sont mentionnées. Pour une seule expulsion, Suét., Dom., 10.3 ; Plin., Ep.., 3.11 ; Souda, s.v. Δυμετιανός, Philostr., V. Ap., 7.3. Pour deux expulsions, cf. Hier., chron., 89-90 et 93-94 ; D.C., epit., 67.13.2-3. Sur le durcissement progressif de Domitien face à la pratique de ces activités, cf. Jones 1992. 119-124.
270 Cf. Vlp., dig., 15.2.5-6.
271 Cf. Dom., 16.1.
272 Io. Antioch., Exc. Const., 3.
273 Cf. Quest. Nat., 2.47.
274 Cf. Suét., Aug., 97.
275 Cette deuxième hypothèse nous paraît moins vraisemblable dans la mesure où l’haruspicine de ce type n’est attestée en Germanie qu’au iiie s. p.C.
276 C’est Pleket 1961, 296-315, qui a lancé ce mouvement, suivi par Jones 1979 ; Levick 1982, 50-73 ; Frézouls 1994, 301-328. Sur ce changement de point de vue, voir Urner 1993, 301-304. L’idée que Domitien causa de nombreuses disparitions dans les rangs du sénat est exprimée par Plin., Pan., 69.5, par Suét., Dom., 10.4. par Philostr., V. Ap., 7.4.2 et par D.C. 67.2 (Xiphilin, 222.26-28).
277 Cf. Suét., Dom., 10.6.
278 Cl. Plin., Pan., 9 ; D.C. 68.3 ; His. Aug., Hadr., 2.5. Pour un gouvernement de province plus tardif, sous le règne de Nerva. cf. Plin., Pan., 5 ; 9 ; 44 ; 94. Sur la date de début du gouvernement de province, voir PIR. V, 575 et Hanslik 1965, 1038. Sur le crédit à apporter au Panégyrique de Trajan, voir la prudence de Syme 1938, 223, qui, plus tard, dans 1983, 140, refuse de faire remonter le gouvernement de province de Trajan avant 97.
279 L’épisode n’est pas traité par Grainger 2003. On notera que cette hypothèse correspond à la confiance accordée par Trajan dans les présages et les réponses des haruspices. Avant son départ pour la Germanie en tant que légat, il est salué au Capitole au moment de son entrée dans le temple par l’acclamation de la foule “imperator”, destinée normalement à Jupiter. Cette confusion est alors tenue pour un présage. Cf. Plin., Pan., 5.3.
280 Nous parlons de déclin à propos de la pratique haruspicinale des sorts en raison de la disparition des attestations de tirage des sorts par des haruspices, et à propos du tirage des sorts en général, contrairement à Champeaux 1990a, 272, note 3, en raison de la diminution du nombre de sanctuaires où le tirage des sorts est effectué. Après le Ier s. p.C., seuls les oracles de Tibur (Lact., inst., 1.6.12) et de Milet (Apul., Met., 4.32, 6 et 33.3) sont évoqués.
281 Nous n’avons trouvé ni dans Thulin 1905-1909. I-III, ni dans Thulin 1912, 2431-2468 de page consacrée à maîtrise par les haruspices de la technique divinatoire de tirage des sorts.
282 Nous n’avons pas trouvé non plus dans Bouché-Leclercq 1882, 3-115 et 1908, 17-33. de page consacrée à ce sujet. En revanche, Bouché-Leclercq 1882, 145-159, traite de la divination latine et ombrosabellique par les sorts.
283 Mais on notera l’existence d’un article de synthèse sur la divination cléromantique étrusque : Bagnasco Gianni 2001, 197-220.
284 Sur ces oracles du Latium, cf. Mommsen 1887-1891. XII, 111-127 ; Ehrenberg 1927, 1451-1504 ; Latte 1939, 854-866 ; Yoshimura 1955-1957, 397-432 ; Champeaux 1986, 90-113 ; 1990a, 271-302 ; 1990b, 801-828.
285 Cf. C. Fuluius Saluis (AE, 1971,72 d’Ostie).
286 Pour l’explication du mot sorex, voir infra p. 126.
287 Cf. C. Clipearius M. f. (CIL, I 2, 1988) ; Ancos Marcios (CIL, I 2, 1989).
288 Nous emploierons ce néologisme pour désigner la divination qui tient à l’observation des oiseaux.
289 Cf. CIL, I 2, 1989.
290 Cf. supra p. 74-75.
291 Harispex correspond à la graphie étrusque du nom haruspice au Ier s. a.C.
292 Sur la pratique de la sortitio en territoire italique, cf. Champeaux 1982, 62-68 ; 1986, 90-116 ; 1990a. 271-302.
293 Cf. Körte 1890-1896, Taf. XCI, 4 ; Maggiani 1986b. 29 et 1989, 1567-1563 : un personnage botté, vêtu d’un chiton et d’un himation, portant un couvre-chef conique attaché par deux longues brides sous le menton et un bâton assez court entre les mains et accompagné de deux guerriers munis d’une lance et d’un bouclier, regarde sur sa gauche un édicule abritant un vase.
294 Pour le premier, conservé au musée archéologique d’Arezzo au no inv. 19 326, voir Maggiani 1986b, 26 ; 28-29 ; Champeaux 1990a, 287, fig. 6 ; Bagnasco Gianni 2001, n. 5, fig. 5. Pour le second, voir Gamurrini 1880, 219 ; Colonna 1971, 369-371 ; Santuari d’Etruria (1985), 176 (Zamarchi) ; Maggiani 1986b, 26 ; Champeaux 1990a, 291, fig. 12 ; Colonna 1994, 94-95 ; Bagnasco Gianni 2001, n. 4, fig. 4. On mettra ces sorts en rapports avec les vers de Plaute. Fretum, 3.3.7-8.
295 Cf. CIE 6310 ; La Regina & Torelli 1968, 221-222 ; Colonna 1971, n. 69 ; Champeaux, 1990a. 290, fig. 10, Bagnasco Gianni 2001, 203-205, n. 1, fig. 1.
296 Cf. CII 2083 ; Colonna 1971, n. 69 ; Maggiani 1986b. 26 ; Champeaux 1990a, 299. fig. 16 ; Colonna 1991-1992, 95 et note 68 ; Les Étrusques et l’Europe 1992, no 198 ; Bagnasco Gianni 2001, n. 2, fig. 2.
297 L’identification a été proposée par Colonna 1983, 237 sq., no 47, fig. 3. Voir aussi Bagnasco Gianni 2001, 210, fig. 6 et la photographie de cet objet dans Les Étrusques et l’Europe 1992, no 197. Cet élément confirmerait la vocation prophétique du décor figuré du temple du Portonaccio. Cf. Rebuffat-Emmanuel 1961,469-484 et 1981,269-279 ; Torelli 1980, 11 sq., 16-18 ; 1984, 114, 169 sq. ; Colonna et al. 1985, 98-109.
298 Cf. 21.62.5 et 8.
299 Nous entendons ici par sortes les tablettes qu’on tirait au hasard. Sur les différents sens du mot, on consultera l’article de Champeaux 1990a, 272, notes 3 et 4.
300 Le prodige dont il est question pourrait s’être accompli dans le sanctuaire de Punta della Vipera, où un disque de plomb troué porteur de l’inscription mevelces a été découvert. Sur ce disque, cf. La Regina & Torelli 1968, 221. Sur la pratique de la sortitio à Caere, cf. Champeaux 1989, 63-74.
301 Rom., 2.4. Sur Téthys, cf. Pfiffig 1975, 153-154. Torelli 1968, 221-229, estime qu’il faut peut-être localiser cet oracle de Téthys à Punta dellea Vipera.
302 L’origine de la divination italienne par tirage des sorts est en réalité sûrement à chercher en Grèce. Cumes, où ce genre d’oracle semble avoir été pratiqué d’après la découverte dans la ville d’un disque oraculaire (Guarducci 1946-1948. 129 sq.) et où exerçait la célèbre Sibylle, pourrait avoir servi d’intermédiaire entre la Grèce et l’Italie.
303 On notera aussi la provenance osque d’un sort de plomb en forme de disque du iie s. a.C. (CIL, XI, 6092 d’Uruinum Mataurense). Voir le commentaire de La Regina & Torelli 1968, 222-223. Sur les sanctuaires d’Ombrie et de Vénétie, cf. Champeaux 1990a, 276-280.
304 Sur l’oracle de Préneste, cf. Bouché-Leclercq 1882, 147-153 ; Bloch 1968, 215 ; Champeaux 1982, 62-68 ; Briquel 1986b, 114-120.
305 Cf. Val. Max. 1.3.2.
306 cf. Cic., Div., 2.85-86. Sur l’exactitude de la correspondance entre le texte de Cicéron et les restes archéologiques du site de Préneste, cf. Coarelli 1987, 67-72, qui voit dans le puits de la “terrasse des hémicycles” le lieu de l’oracle.
307 Cf. Sydenham 1952, no 801-802 ; Crawford 1974, 415, no 405.
308 Cf. Münzer 1899, 2004-2011.
309 Une attestation de l’existence d’un tel personnage est connue grâce à l’inscription CIL, XIV, 2989 de Préneste.
310 Cf. Stat., silv., 1.3.79 : quod in templa darent alias Tirynthia sortes et Praenestinae poterent migrare sorores. Cf. aussi CIL. I2, 1484 de Préneste : [---] Delanei H(erculis) V(ictoris) sortiar(um) et Str. 5.3.1 1 ; Juv. 14.87-90. Sur l’interprétation de cette inscription, cf. Gagé 1968, 287.
311 Des sorts (CIL, I, p. 267 sq.), en relation avec Géryon et le fons Aponus, y ont été trouvés.
312 Sur les similitudes entre les sanctuaires d’Ostie, de Tivoli et de Préneste, cf. Riemann 1987, 131-162 et 1988, 41-73.
313 Cf. 1939, 47.
314 Cf. 1968, 282.
315 La terminaison -is du cognomen exclut toute origine latine.
316 Cette proposition est celle de Peruzzi 1963, 437-438.
317 Cf. Ernout & Meillet 1985, 619 et 638.
318 Sur cette assimilation, cf. La Regina & Torelli 1968, 221-229. Sur le lien entre Suri et Apollon, cf. Colonna 1984-1985, 76-79.
319 Cf. 22.1.11 : et Faleriis caelum findi velut magno hiatu visum quaque patuerit ingens lumen effulsisse ; sortes sua sponte attenuatas unamque excidisse ita scriptam : “Mavors telum suum concutit”.
320 Traduction d’attenuatas par Champeaux 1989, 66-68.
321 Traduction d’excidere par Champeaux 1989, 68-69.
322 Ces tablettes, à Rome au moins, étaient généralement en bois. Cf. Pl., Cas., 384 : num ista autpopulna sors aut abiegnast tua ?
323 Liv. 22.1.11 raconte ainsi un des prodiges de 217 a.C.
324 Cf. 22.1.11.
325 Cf. La Regina & Torelli 1968, 226.
326 Cf. TLL, II, col. 1125 sq.
327 CIL, XI, 6363.
328 On reviendra plus loin sur les différents sens possibles du mot.
329 Cf. Um 1. 7.
330 Cf. Cic., Div., 2. 109.
331 CIL, XI, 6363.
332 Cf. Wissowa 1896, 2325-2342.
333 CIL, XI, 5824 de Gubbio et CIL, XI, 7566 (D. 2924) et Torelli 1975, 105 sq. de Tarquinia.
334 Cf. Plin., Nat., 10.19.
335 Sur 1’“avispicine” étrusque, cf. Thulin 1905-1909, III, 106-115 ; Pfiffig 1975, 150-152.
336 L’oiseau a été identifié par Goidanich 1935, 107-118, puis par Rebuffat 1978, 88-104. La VIe Table Eugubine évoque sûrement une scène similaire avec les propos suivants : Este persclo aues aseriater enetu, parfa curnase dersua, peiqu peica merstu (TIG, VI, a 1, § 3). On trouvera une reproduction et une description de la scène de la Tombe François dans La Tomba François di Vulci 1987, no 11, 11, photographie 112, dessin 113.
337 Cf. Liv. 1.34.9 : perita ut uulgo Etrusci caelestium prodigiorum mulier.
338 Cf. Nat., 10.19 : Vmbricius, haruspicum in nostro aeuo peritissimus, (uultures) parere tradit oua tredecim, uno ex his reliqua oua nidumque lustrare, mox abiicere ; triduo autem ante aduolare eos, ubi cadauera futura sunt. Sur l’interprétation de ce passage, cf. Briquel 1995c, 17-26.
339 Pline emploie ici le verbe tradere pour le témoignage d’Vmbricius.
340 Cf. Serv., ad Virg., Aen., 1.393.
341 Quand Attus Nauius, enfant, aurait montré des prédispositions pour l’augurat, son père l’aurait placé chez un professeur étrusque pour apprendre l’art de la divination par les oiseaux. Cf. 3.70.
342 Cf. 1.588-589, où l’haruspice Arruns est présenté comme également “habile à interpréter les mouvements de la foudre, les veines des fibres encore chaudes et les avertissements d’une aile errant dans les airs”. Traduction d’A. Bourgery, Paris, C.U.F., 1967.
343 Cf. 17.1.43, d’après quoi les Étrusques connaîtraient la volonté des dieux à la fois par les entrailles, par l’observation des oiseaux et par les présages.
344 En 43 a.C., pendant le “Second Triumvirat”, les haruspices d’Étrurie sont appelés pour interpréter une accumulation de prodiges inquiétants, notamment deux fois six vautours. Cf. Appien, civ., 4.4 ; Obseq. 69.
345 Ainsi, au début du iiie s. a.C., lorsqu’un pic se pose sur la tête du préteur urbain Aelius Tubéron en plein forum, des uates, qu’on peut probablement identifier avec des haruspices, prévoient avec raison la mort du préteur si l’animal est tué. Cf. Plin., Nat., 10.41. Les haruspices semblent aussi avoir procédé différemment des augures, qui attendent les oiseaux pour les observer : d’après la tombe François, les haruspices lançaient aussi les oiseaux.
346 Cf. Div., 2.70.
347 Cf. Briquel 1995c, 17-26.
348 Cf. Thulin 1905-1909, III, 106-115 ; 1912, 2465-2466 et Pfiffig 1975, 150-152.
349 Nous considérons que, par augurales di[---], le rédacteur de l’inscription CIL, XI, 7566 (D. 2924) + Torelli 1975, 105 sq. fait allusion à des consultations fondées sur l’observation des oiseaux.
350 Cf. CIL, XI, 5824.
351 On peut expliquer la prédominance de l’augurat sur l’haruspicine par l’origine ombrienne de L. Veturius Rufio. L’augurat est une spécialité locale, d’après le texte des tables eugubines qui décrivent des opérations de divination d’après le vol de certains oiseaux. Cf. notamment TIG, VI a, 1, § 3 et Prosdocimi 1972. 593-699. Pour Cicéron, l’augurat est une divination typique des Ombriens. Cf. Div., 1.92 et 94.
352 On notera la différence du vocabulaire entre les deux inscriptions : dans la première inscription, l’observation des oiseaux est décrite à partir de l’activité d’auispex, dans la seconde, à partir de l’activité d’augure. Les références culturelles sont sûrement différentes : alors que la pratique du Tarquinien est définie par rapport aux consultations des augures romains, celle de l’Ombrien est présentée en parallèle avec celle d’extispex, peut-être comme un pan de l’haruspicine étrusque.
353 Cf. Torelli 1975, 130.
354 Cf. infra p. 160-162.
355 Cf. Capdeville 1997b, 489.
356 On n’oubliera pourtant pas que, rapidement, traditions étrusques et romaines se sont mêlées si indissociablement qu’il est parfois difficile de distinguer ce qui ressortit à l’une ou l’autre tradition.
357 Même s’ils ne désiraient sûrement pas mettre en concurrence directement les deux divinations, un prodige inquiétant inexpliqué aurait probablement donné lieu à une double consultation, auprès des augures et auprès des haruspices.
358 Pour les références latines, cf. Enn., Ann., 77 sq. ; Cic., Nul. dieux, 3.2.5 ; Div., 1.2 ; 1.17 ; 1.48 ; 2.33 ; Rep., 2.3.5 ; 9.16 ; 29.51 ; Leg., 2.13 ; Catil., 1.13.33 ; Vatin., 6.14 ; Liv. 1.6.4 ; 1.7.1 ; 3.61.5 ; 5.52.2 ; 6.41.4 ; 28.18.11 ; Ovide, Fastes, 4.810 sq. ; Prop. 4.6.43-44 ; Fast. Praen., ad 23 mart. (CIL, XII, 1, 234) ; Sén., Dial., 10.13.8 ; Gell. 13.14.5 ; Flor., 1.1.6 ; Sol. 1.18 ; Paneg., 10.13 ; Vir. ill., 1.4 ; Serv., ad Verg., Aen., 3.46 ; 6. 779 ; Nepotian. 1.4, praef. ; origo Rom. 23 ; schol. Cic. Bob., Vat., 23. Pour les références grecques, cf. Diod. 8.4.5 ; Dion. H. 1.85-87 ; Plut., Rom., 9.7. Toutes ces références sont données par Catalane 1960, 577-582.
359 Cf. 1.36.3-8. Cf. aussi Dion. H. 3.71 ; Cic., Div., 1.32. Sur cette anecdote, on pourra consulter Musti 1960, 53 ; Bloch 1965, 46 ; Haury 1966, 1630-1633 ; Piccaluga 1969, 151-208 ; Briquel 1986a, 79-82.
360 Cicéron, augure lui-même, traite avec mépris les Étrusques qui voudraient se lancer dans l’interprétation des auspices. Cf. Nat. dieux, 2.4.10 ; div., 1.33 et 2.74 ; Q.fr., 2.2.
361 La victoire d’Attus symbolise évidemment la supériorité de l’art augurai dans son ensemble. Cf. Liv. 1.36.6. Cicéron fait d’ailleurs d’Attus le symbole du collège des augures. Cf. surtout Att. 10.8.6.
362 Cf. Liv. 1.34.8-10.
363 Non contents de déposer la pierre au comitium, les Romains honorent les augures de telle façon qu’ils sont tenus pour indispensables à la guerre comme en politique. Cf. Liv. 1.36.6.
364 On notera que cette conviction de la supériorité des haruspices étrusques sur les augures romains est attribuée aussi au fils ou petit-fils de Tarquin l’Ancien, Tarquin le Superbe, qui conjurera les prodiges publics avec les seuls haruspices (Liv. 1.58.5).
365 Nous n’irons pas jusqu’à considérer comme Bréguet 1956, 54, que les vers de Virgile témoignent d’“un scepticisme ironique à l’égard de la science augurale”. Pour une interprétation plus mesurée de la vision virgilienne de l’augurai, cf. Liechtenham 1957, 52-59, repris par Briquel 1991c, 39-40.
366 Cf. Aen., 9.324-328.
367 Cf. Aen., 12.259-263.
368 Cf. Aen., 12.460-461.
369 Nous n’adoptons pas l’hypothèse de Leglay 1976, 539, note 60, qui attribue le déclin de l’art augurai en général aux railleries portées contre les augures. Cic., Leg., 2.33, propose en effet une explication différente de ce déclin : l’ancienneté et la négligence. De plus, les augures étaient associés aux haruspices dans les critiques qui leur étaient adressées et ces critiques visaient avant tout les devins privés. L. Pomponius, au début du ier s. a.C., a composé des atellanes intitulées L’augure (Augur) et L’Haruspice (Aruspex uel Pexor Rusticus, in Frassinetti 1955, 3-4). Plaute, dans Asinaria, 259-264, a contrefait une prise d’augures ; Afranius, au début du ier s. a.C., a écrit une togata intitulée L’Augure (Daviault, 145-146) et Laberius a composé un mime intitulé L’augure (Bonaria 1965, 41) ; voir Cèbe 1966, 73-75, pour qui le “vers d’atellane”, auquel fait allusion Cic., Div., 2.25, pour ridiculiser la notion de destin et par là ruiner le fondement même des prédictions, proviendrait d’une des oeuvres de Pomponius.
370 Cf. Sal., 3.42-43. Sur la place de l’Etrusca disciplina chez Juvénal, cf. Berthet 1995, 134-146 ; Montera Herrero 2000b, 90-91.
371 Cf. Sat, 6.548-549.
372 Ep., 2.20, 3-5. Sur la place de l’Etrusca disciplina chez Pline le Jeune, cf. Uda 1995, 159-172 ; Montera Herrero 2000b, 89-90.
373 Cf. Plin., ep., 2.20.13.
374 Cf. Sat., 6.385-397.
375 Cf. Plin., ep., 6.2.2. Voir les commentaires de ce passage par Heurgon 1968, 443-448 ; Clerc 1998, 634-643.
376 Cf. Sat., 6.548.
377 Cf. Sat., 6.549-550.
378 Cf. Sat., 6.551.
379 Cf. Sat., 6.551.
380 Cf. Sat., 3.44.
381 Cf. Sat., 6.552.
382 On ne peut exclure que Juvénal ait volontairement forcé le trait pour accentuer le ridicule de la situation.
383 Cf. Sat., 6.587.
384 Cf. De rust., 10.337-347.
385 Cf. surtout Cic., Div., 2.23 ; Lucain, Pharsale, 1.635-636 ; Fest., 492 L.
386 Cf. Arnob., nat., 2.69 ; Amm. 17.10 ; Lyd., ost., 27-41.
387 Cf. Serv., ad Verg., Aen., 8.398.
388 Cf. Macr., Sat., 5.19.13.
389 Cf. Lyd., mens., 79 ; ost., 54.
390 Cf. 12.6.
391 Cf. 1.35.7.
392 Cf. 19.80.
393 Cf. Lyd., ost., 2-3 ; Briquel 1984. 229-248 et 1991b, 155-168.
394 Cf. 1.35.1.
395 Cf. 23.28.
396 In 1995b, 173-183.
397 Cf. Macr., Sat., 2.20.3.
398 Cf. Varro, R.., 1.40.5 ; Plin., Nat., 15.57 ; 17.24.
399 Cf. Arb., 26 ; De rust., 5.11.
400 Cf. De rust., 7.1 1.
401 Cf. De rust., 1.8.6 ; 11.1.22.
402 Epigr., 3.24.4-14.
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