3. Les bobines
p. 67-83
Texte intégral
3. 1. Présentation générale
1La bobine se présente sous la forme d'un petit tuyau de terre cuite, de longueur variable mais généralement voisine de 10 cm, évasée à une ou à ses deux extrémités102. L'air chaud ne pénètre pas à l'intérieur. Appuyée perpendiculairement à la paroi, elle sert de support à une brique et permet de la doubler, le passage ainsi délimité assurant la circulation de l'air en provenance de l'hypocauste. Le tout était maintenu par des clous en forme de T transperçant la bobine (fig. 9). Comme pour les tegulae mammatae – et contrairement aux tubuli – on est en présence d'un véritable “matelas thermique” continu le long du parement, généralement plus épais que dans la plupart des dispositifs réalisés à l'aide de tuiles à mamelles.
3. 2. Les bobines en Gaule Narbonnaise et dans ses environs
2Un classement de ces bobines peut être réalisé en fonction de leur forme générale. Il ne peut s'agir ici d'une véritable typologie au sens strict du terme, envisagée un instant mais rapidement abandonnée. En effet, les éléments sont fabriqués rapidement par le potier et sans grand soin. La base n'est généralement pas travaillée, laissée brute de tournage ; les traces du fil qui servait à détacher l'élément de la girelle sont bien souvent visibles. Les bobines sont donc presque toutes différentes dans le détail. On peut toutefois distinguer deux groupes.
3Groupe 1 : Les bobines du Groupe 1 sont élancées ; elles ont une paroi généralement rectiligne103, une forme cylindrique peu évasée, une courbure peu marquée. L'épaisseur de la paroi est pratiquement constante, mis à part quelques bords individualisés par un léger épaississement et un déversement de la lèvre. Les découvertes en milieu thermal sont nombreuses. Nous avons retenu, comme critère d'identification, la hauteur et le diamètre de la bobine ainsi que la forme de son bord.
4Pour d'autres cas, le matériel archéologique a été perdu et nous devons nous contenter de descriptions succinctes qui permettent cependant de les rattacher à ce groupe.
5Mentionnons enfin quelques bobines, rattachables à ce groupe, découvertes sur des sites n'ayant pas livré de thermes ou d'ateliers de production.
6Groupe 2 : Les bobines du Groupe 2 ont une forme plus trapue que celles du Groupe 1 et une paroi relativement épaisse. Le profil est concave et les bords évasés vers le haut et vers le bas. ce qui produit un épaississement de la paroi aux deux extrémités. La lèvre est souvent repliée. La surface de pose de cette bobine est plus large que celle du groupe précédent et assure une meilleure assise contre la paroi et la brique la recouvrant.
7Des sites d'Aquitaine ont également livré des bobines rattachables à ce groupe115. A noter toutefois que les mentions sont rares, probablement du fait de l'absence de publication116.
8Autres découvertes de Narbonnaise :
9Pour quelques autres découvertes, on ne connaît que la mention de bobines, les fouilles étant anciennes ou le matériel ayant à jamais disparu. Il est donc impossible de les placer dans un des deux groupes.
3. 3. Quelques réflexions sur les bobines en Gaule du Sud
10La carte de répartition des bobines en Gaule Narbonnaise permet de faire plusieurs constats (fig. 40). Deux zones de diffusion se distinguent nettement. La plus vaste, à l'est, couvre la région de la Provence, de la Côte d'Azur et des Alpes. Un autre secteur, formé par le Toulousain, apparaît de superficie bien moindre. Les autres découvertes sont isolées et les nombres d'éléments réduits. Situé entre ces deux grandes aires de diffusion, le site des Prés-Bas à Loupian n'a livré que quatre fragments de bobines. Ces éléments sont également absents de tout le nord de la Narbonnaise, à l'exception d'une découverte à Vienne et, peut-être, d'un lieu de production à Chancy (Suisse)119.
11Les bobines du Groupe 1 sont présentes essentiellement dans la région sud-est ci-dessus définie, les découvertes du Toulousain y sont très limitées (fig. 41). Le Groupe 2 se retrouve en revanche dans celui-ci (fig. 42). Le seul exemple du sud-est – les thermes du Clos Saint-Antoine – est à relativiser. Il s'agit de bobines très particulières, façonnées et non pas tournées ; elles apparaissent, à l'heure actuelle, comme le seul unicum parfaitement sûr. Les éléments de comparaison en provenance de l'Aquitaine voisine sont rares (ou peu publiés !). Pourtant, il apparaît nettement que, par leur forme, tant sur le site de Montréal que sur ceux de Saintes120, ils se rattachent au Groupe 2 du Toulousain.
12Si l'on remonte encore plus au nord, pour les éléments publiés, la constatation semble être identique121. Les bobines de Pithiviers-le-Vieil (Loiret)122 (fig. 43a-f), Saint-Léger-sous-Brienne (Aube)123 (fig. 43g), La Villeneuve au Châtelot (Aube)124 (fig. 43h), du site o de Fréthun (Pas-de-Calais)125 (fig. 43i-k), de la Rue Delaâge à Angers (Sarthe)126 (fig. 43, l), d'Entrammes (Mayenne)127 (fig. 43m), des Sables d'Or à Pléherel (Côte d'Armor)128 (fig. 43n), des Thermes de Cluny à Paris129, des thermes de Champlieu à Orrouy (Oise)130 (fig. 43o), des Thuillots à Coltainville (Eure-et-Loir)131 (fig. 43p) et, plus à l'est encore, celles de Mamer (Luxembourg)132 (fig. 43q) se rattachent au Groupe 2. Les éléments du Groupe I semblent y être plus rares, comme sur le site du Châtelet à Saint-Agnant (Charente-Maritime)133 (fig. 44). On peut se demander si la Gaule du Nord compte des zones de concentration aussi importante que le Sud-Est (fig. 45). Les bobines ne sont pas en tout cas l'apanage de la Gaule, des trouvailles sont mentionnées tant en Espagne134, qu'en Grande-Bretagne, Grèce135 ou Roumanie136.
13Une question reste en suspens : celle de la date d'apparition de ces éléments dans les thermes. Le problème est ici plus complexe que pour les autres types de matériaux. En effet, des éléments de forme assez semblable se rencontrent dans les fours de potiers où ils servent à séparer les uns des autres les vases à cuire. Ils sont présents déjà au ier s. a.C. dans les fours du site de La Lagaste à Pomas et Rouffiac (Aude)137 (fig. 46a-b) ou dans ceux, plus tardifs (iie/iiie s. p.C.), de Lavoye (Meuse) et Pont-des-Rèmes à Florent (Marne) (fig. 46c-g)138. La question est donc de savoir, non pas quand ces éléments aux formes somme toute assez simples ont été créés, mais quand ils ont été utilisés pour l'élaboration de doubles parois dans les bains. Les éléments de réponse sont en fait relativement rares. En effet, si les bobines sont nombreuses, on ne peut que rarement dater leur mise en place. Remontent-elles à la construction de la pièce ou à une transformation postérieure ? Les plus récentes ont été mises au jour dans l'atelier de Sainte-Croix139 à Fréjus daté de la fin du ier s. p.C. ou du début du siècle suivant. On les retrouve aussi à la même époque à La Roquebrussanne. D'autres sites, à la durée d'occupation courte, laissent penser à une même fourchette chronologique, ainsi les thermes des villae du Domaine des Clarettes, de La Clémensanne ou du Griffon édifiés à l'époque flavienne et abandonnés au milieu du iie s. p.C. Toutes les autres datations sont postérieures. On proposera donc, dans l'état actuel de la recherche, une date d'apparition à l'époque flavienne, peut-être la fin de la période. Les bobines ont été fabriquées en tout cas durant plusieurs siècles puisque présentes dans des édifices tardifs, villa de Séviac (vers 330-357), Thermes B de la Place Saint-Étienne (milieu du ive s. p.C.), villa de Pardigon 2 (fin du ive s.), thermes de Montferrand (ve s.).
Notes de bas de page
102 Cet élément a parfois été interprété comme un “manchon” (De Poitevin De Maureillan 1907, 89) ou un bougeoir (Decormeille & Woimant 1983, 26).
103 A l'exception de quelques exemplaires de Digne qui ont une forme biconique.
104 Certaines bobines ont une paroi fine qui les rapproche d'exemplaires de La Clémensanne à Taradeau.
105 La datation proposée vient du fait que ces bobines sont identiques à celles dégagées dans l'atelier de Sainte-Croix et datées de l'époque flavienne.
106 Ces bobines ne sont pas tournées mais façonnées autour d'un mandrin.
107 Pour deux autres fragments, il est impossible de définir le type de bord.
108 Un autre fragment ne comprend pas de bord (fig. 35i).
109 Le bord d'un autre fragment n'a pas été retrouvé (fig. 36d).
110 Le bord d'un autre fragment n'a pas été retrouvé (fig. 36m).
111 Cet élément est interprété par l'auteur comme un possible tuyau de fumarium.
112 Ces bobines ont été découvertes lors des travaux d'élargissement de la voie ferrée en 1932. Elles maintenaient la double paroi d'une pièce mosaïquée.
113 Autres éléments fragmentaires, fig. 38b-d.
114 Ces bobines ne sont pas tournées mais façonnées autour d'un mandrin.
115 Il ne s'agit évidemment pas d'un inventaire exhaustif.
116 Les thermes de la villa de Brachaud à Limoges ont livré des bobines très particulières datées des années 120/130 p.C., qui ne peuvent être rattachées à aucun des deux groupes. Hautes de 10 cm, elles ont une forme cubique (Loustaud 1982, 42). Des éléments identiques ont été dégagés dans la villa de Liégeaud à La Croisille-sur-Briance. Haute-Vienne (Dumasy-Mathieu 1991,85 et 90).
117 D'autres fragments ont été dégagés dans une fouille au 10, Rue Port Larousselle.
118 Le fouilleur parle de “débris de soufflets de four”.
119 Il s'agit d'une hypothèse. Le four de Chancy a produit des briques destinées à servir de double paroi maintenue par des bobines (voir paragraphe 7. 5). Il ne serait donc pas étonnant qu'il ait produit les matériaux complémentaires que sont les bobines.
120 Et peut-être Tarbes.
121 La liste suivante est loin d'être exhaustive,
122 Hauteur 8 cm pour un diamètre aux extrémités de 7,2 cm environ (Cribellier 1992, 14).
123 Les bobines maintenaient une double paroi dans la galerie de façade. Hauteur : 7,5 cm pour un diamètre aux extrémités de 5,3 cm ; hauteur : 6 cm pour un diamètre aux extrémités de 5 cm (Tomasson 1986, 67).
124 Hauteur : 7,5 cm. Diamètre des extrémités : 6,5 et 7,1 cm (Frichet 1972, 47).
125 Demarez 1991, fig. 13.
126 Le Nezet-Celestin & Siraudeau 1986, 45.
127 Naveau 1992, 152. Des bobines identiques sont mentionnées par le fouilleur au Mans et à Allones (Sarthe).
128 Hauteur : 9 cm. Goulpeau & Langouët 1980, 33.
129 Hauteur : 11,5 cm (Adam et al. 1996, 23).
130 Daremberg & Saglio 1900, 348.
131 Selles 1991, 48.
132 Metzler & Zimmer 1975, 442-443.
133 Hauteur : 10 cm. Diamètre : 4 cm. Voir David & Gabet 1973. 40-42.
134 Magallón et al. 1995a, 192.
135 Charitodinis & Ginouvès 1955, 112 ; Biers 1985, 78.
136 Popilian 1971, 632.
137 Rancoule 1970, 65.
138 Les formes de ces supports sont très varices et complexes par rapport à celles des bobines (Chenet & Gaudron 1955, lig. 39, 42, 45). Les bobines de l'atelier de La Villeneuve au Châtelot ont été interprétées comme des supports de cuisson (Frichet 1972, 47).
139 II est sûr que ces éléments ont été fabriqués pour le chauffage de bains et non pour servir d'espaceur dans un four, car des éléments identiques ont été découverts dans un des ensembles thermaux du site de la Plate-Forme.
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