Cinquième partie
p. 309-382
Texte intégral
V
De Rome en Campanie et retour (septembre 7554)
de Rome à Bologne et Padoue via la Toscane (octobre-novembre 1554) de Padoue à Breslau (décembre 1554-début 1555)
1Maintenant que nous avons très brièvement visité ces antiquités et ces vestiges, ombres de la splendeur romaine, visibles à l’intérieur de la ville même, il serait pénible de rechercher ce qui se voit un peu partout hors de Rome. J’aborderai toutefois deux endroits, Ostie et Tibur, jadis importants pour les Anciens par leur renom et leur splendeur, connus de nos jours pour leurs monuments antiques.
2Le bourg d’Ostie, aujourd’hui distant de deux milles pas de Rome, est fort ancien ; il est situé non loin de l’estuaire et des bouches du Tibre d’où il tire, semble-t-il, son nom1, mais il n’est pas au même endroit que jadis2, comme le montrent les ruines de l’ancienne Ostie, éloignées d’une faible distance, là où l’on peut également apercevoir de très imposants vestiges d’aqueduc3. Le pape Jules II y a construit un très puissant château4. Le bourg n’est en effet pas fortifié et il n’est guère peuplé non plus car l’air y est malsain5. On y voit un fort grand nombre d’inscriptions, d’épitaphes et d’antiquités variées. À 2000 pas d’Ostie se situe le port romain construit sur les ruines de la ville d’Antium6. On l’appelle aujourd’hui le “port de Trajan” car il a été restauré par lui7, mais en réalité c’est Claude qui l’a construit le premier8. Actuellement cet endroit est coupé par un bras du Tibre : aussi le nomme-t-on “le Petit Fleuve”9. Suétone écrit :
Claudius tria passuum millia, partim effosso monte, partim exciso, canalem absolvit œgre, et post undecim annos quamvis continuis 30 hominum millibus sine intermissione operantibus, portum Ostiœ extruxit, circumducto dextro sinistroque (sic pro : dextra sinistraque) brachio, et ad introitum profundo jam solo mole objecta, quœ (sic pro : quam) quo stabilius fundaret, navem ante demersit, qua magnus obellscus ex Ægypto fuerat advectus congestisque pilis supposuit (sic pro : superposuit) altissimam turrim (sic pro : turrem) in exemplum Alexandrini phari, ut ad nocturnos ignes cursum navigia dirigerent10.
3De nos jours la tour et tout ce qui avait jadis été construit à tant de frais, détruit et usé peu à peu par le mouvement et l’agitation des flots, semble s’être écroulé dans les ronces dont l’endroit est rempli en abondance. De très vieilles pierres et marbres sont visibles, en quantité suffisante pour construire une ville, d’une taille si incroyable que le spectateur ne peut qu’admirer qu’on ait pu déplacer jusque-là de telles masses. Des deux côtés de ces marbres, subsistent des marques qui indiquent (au témoignage de Pline) le poids et le nombre des pierres, comme si un marchand les avait expédiées11.
4En revenant d’Ostie vers Rome, à 4000 pas de la ville s’élève l’antique tombeau de Marc Antoine, comme l’indique l’inscription sculptée dans le marbre avec les insignes des faisceaux et de la hache12.
5On a parlé plus haut dans Rome de la porte Saint-Laurent où commence la voie Tiburtina qui conduit à Tibur, à 16 000 pas de Rome13. Au premier milliaire en sortant de la ville se présente l’église Saint-Laurent dont on a parlé plus haut14. À 3000 pas de là se trouve le pont Mammeus sur l’Aniene, qui a été restauré par Mammea, la mère de l’empereur Alexandre, et construit jadis par Antonin le Pieux ; il est vulgairement nommé Mammolum15. L’Anio possède aussi trois autres ponts au-delà de celui-ci16, dont un a été restauré par l’eunuque Narsès comme nous l’enseigne une assez longue inscription :
IMPERANTE D(omino). N(ostro). Piissimo ac Triumph(ali). semp(er). Aug(usto). Iustiniano P(er)P(etuo). an(no). XXXVIII. Narses vir gloriosiss(imus) ex praeposito sacri palatii, ex Co(n) s(ularibus) atq(ue) patricius postvictoriam Gotthicam. ipsis eor(um) Regibus celeritate mirabili conflictu publico superatis atq(ue) prostratis, libertate Urbis Romœ, ac totius Italiœ restituta, pontem viœ Salariœ usque ad aquam, a nefandiss(imo) Totila tyranno destructum (sic pro : distructum). Purgatofluminis alveo in meliorem statum quam quondam fuerat renovavit ; et il a fait placer les vers suivants :
Quam bene curvati (sic pro : curbati) directa est semita pontis,
Atque interruptum continuaturiter.
Calcamus rapidas subjecti gurgitis : undas
Et libet iratœ cernere murmur aquœ
Ite igiturfaciles per gaudia vestra Quirites
Et Narsim resonans plausus ubique canat
Qui potuit rígidas Gotthorum subdere mentes
Hic docuit durum fluminaferre jugum17.
6Non loin de Tibur se trouve un autre pont dit Lucanius (sicpro : Lucanus) avec l’inscription suivante :
T. Blangio. [B : Plangio.] Μ. [B : M. deest] Fani Silvano Æliano pontif(ici). sodali Aug(ustali) : III VIR(o). A(uro). A(rgento). A(ere). E. [sic pro : F(lando)] F(eriundo). Q. TI(berii). Cœsaris Legat(o) V. in Germania. Pr(œtori) Urb(ano) Legat(o) et Comiti Claudii Cœsaris in Britannia Consuli Pr(o) Co(n)s(uli) Asiœ Legat(o) [pro] Prœt(ore) : Mœsiœ in qua plura q(uam) centum millia trans Danubium (sic) ad prœstanda tributa cum [B : cum deest] coniugibus ac liberis et principibus aut Regibus suis transduxit, motum orientem Sarmatarum compressa, quamvis parte magna exercitus ad expeditionem in Armeniam misisset18.
7Près de ce pont on voit une masse ronde ; des inscriptions et épitaphes nous enseignent qu’il y avait là le tombeau des Plautii19.
8En avançant sur la voie Tiburtina, à 5000 pas environ de Tibur vers le nord, presque au pied des monts Tiburtins20, on rencontre un petit lac d’eau sulfureuse où l’on aperçoit plusieurs îles qui voguent de-ci, de-là, poussées par la force et le souffle des vents, se meuvent et se repoussent, ce qui est étonnant à mentionner. Je suis moi-même monté dans une sorte de petite barque et j’ai parcouru à la perche le pourtour du lac. La nature sulfureuse de l’eau qui ronge et consume la substance et la masse de la terre, la rend spongieuse et apte à flotter. Se trouvent également, non loin de là, les nombreuses sources Maximiennes21 d’où jaillit puissamment de l’eau sulfureuse : parmi elles se trouve Vaqua Albunea dont Virgile, au livre 7, dit :
Fatidici genitoris adit, lucosque sub alta
Consulit Albunea nemorum [B : memorum] quœ maxima sacro
Fonte sonat scœphamque [B : scœphiamque ; sic pro : sœvamque] exhalat, opaca mephitim22.
9Et il y a des sources dites Albulœ, dont Martial dit :
Itur ad Herculei gelidas qua Tyburis arces
Canaque Sulphureis Albula fumat aquis23.
10La ville de Tibur est située dans les montagnes voisines, parmi les parois rocheuses ¡Virgile la nomme “l’orgueilleuse Tibur”24, vulgairement Tioli. Selon Strabon, elle a été aussi parfois appelée Herculeum parce qu’il y avait là un culte d’Hercule fort renommé dont aujourd’hui encore le temple rond est orné d’une très belle rangée de vingt colonnes cannelées25. On y voit un péristyle sculpté de têtes de bœufs tout autour26. Il était jadis consacré à Hercule Saxanus, comme le montre la très belle inscription insérée dans le mur de la place27.
11Au même endroit on peut également voir trois statues de dieux égyptiens sculptées dans une pierre grossière28. Mais que pourrais-je dire des chutes admirables et stupéfiantes de la rivière Aniene qui se précipite un peu partout à travers la ville vers la vallée voisine parmi des parois rocheuses, des cavernes et des grottes redoutables, dans un bruit et un grondement effrayants29 ?
12Au pied de la ville, on peut voir les ruines immenses de la villa de Manilius Vopiscus dont Stace a beaucoup parlé dans ses écrits30. Du côté du sud, on peut contempler les restes et les ruines incroyables de la villa de Tibur fondée par Hadrien, qui provoquent vraiment la stupeur et l’admiration si l’on considère la beauté de ses édifices et leur architecture superbe31. Elle contenait en effet des théâtres, des cirques, des thermes, des prairies, des bois sacrés, de très agréables sources et ne manquait d’aucune des exigences du luxe, ce que l’on peut facilement imaginer au vu de sa taille admirable et de ses ruines stupéfiantes : on peut encore en voir une porte et une entrée bâtie en forme d’arc de triomphe dans les prairies voisines.
13Dans sa partie supérieure, elle possède une statue de l’empereur Hadrien à cheval, le visage encore intact32. À côté, un lion de marbre33 et l’Augurium, sculpté dans le marbre34. Spartien fait amplement mention de cette villa35. Mais cela suffit en ce qui concerne Tibur. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur cette région et sur les sites voisins, Albe, Tusculum et autres, sur la douceur et la fertilité des lieux – la région possède en effet de nombreux bois d’oliviers – comme sur ses monuments et vestiges antiques. Mais passons, car qui pourrait venir à bout de tout cela ?
14Revenons à Rome, et prenons la route de Naples. Je passerai sous silence des peuples et des villes qui furent jadis très florissants et extrêmement célèbres sous les Romains et avant eux : les historiens en ont parlé amplement un peu partout. De nos jours le nom de certains est à peine connu ; les vestiges très ténus de quelques-uns existent encore et l’on peut voir des ruines et monuments des autres. La région et la plaine qui s’étendaient presque jusqu’à Capoue comprenaient en effet les Herniques36, les Equicoles37, les Marses38, Gabies39, les Osques40, les Volsques41. Et que dire des villes de Préneste42, Tibur, Valérie43, Tusculum44, Signia45, Verulæ46, Ferentinum47, Anagnia48, Aride49, Albe50, Privernum51,Velitræ52, Formies53, Fondi54, Gaëte55, Terracine56, Lavinium et Lamentes57, dont quelques-unes furent jadis très connues et très puissantes ? Certaines ont à peine conservé leur nom et leur souvenir jusqu’à nos jours. Il faut déplorer, par Hercule, le sort de ces villes très fameuses, le fait que l’on puisse à peine en retrouver aujourd’hui les vestiges, elles qui furent jadis très puissantes, bien peuplées, et sont devenues aujourd’hui le domicile couvert de ronces des serpents et des bêtes sauvages.
15Itinéraire de Rome à Naples :
De Rome à Valmontone | 24 milles |
16Cette ville s’appelait autrefois, sous les Romains, oppidum Labicum58 ; elle est située sur une colline très douce et son nom n’était pas inconnu des historiens de l’Antiquité. Selon Pline, les vins récoltés sur le territoire de Labicum sont de très noble renommée59.
De Valmontone à Anagni | 12 |
17Appelée jadis Anania par certains, Anagnia par d’autres, cette ville jouit d’une très grande faveur de la part de Strabon60 et Virgile la qualifie de “riche” : Hernici (sic pro : Hernica) saxa colunt, quos dives Anagnia pascit61.
D’Anagnia à Frosinone | 12 |
18Cet endroit était appelé Frusinum (sic, au lieu de Frusino)62 par les Anciens, car Silius dit : Atque [a omiss.] duro Frusino haud imbellis aratro63.
19Non loin de là coule le Cosa64.
De Frosinone à Ceprano | 10 |
20À peu de distance de là, on aperçoit dans une immense vallée une petite forteresse qui marque la frontière entre le Latium et le royaume de Naples65.
De Ceprano à Pontecorvo | 8 |
21Autrefois ce bourg s’appelait Fregellœ66.
22À cet endroit se trouvait jadis la très noble ville de Minturnes dont les vestiges et mines sont encore très nettement visibles69. En effet on y voit les mines d’un amphithéâtre70 et d’un très fier aqueduc71.
23C’est aujourd’hui l’endroit où l’on traverse le Garigliano72 – le Claninus, ou Liris, ou Glanicus des Anciens – dont Martial dit :
Cœruleus nos Lyris amat, quem sylua Maryce
Protegit hinc Scyllœ (sic pro : squillœ) maxima turbafumus (sic pro : sumus)73.
24En aval du Liris, non loin des gorges de la rivière, s’élevaient autrefois la ville d’Ausonia74, d’où tirent leur nom la mer Ausonienne et toute l’Italie, la noble ville de Vestina75 et Fretale76 dont il n’existe plus de traces aujourd’hui.
25Cette rivière formait jadis frontière entre le Latium et la Campanie, car c’est là que commence la Campanie, vulgairement nommée Terra di Lavoro77.
26Pline l’appelle “l’heureuse Campanie78” à cause de sa fertilité et de sa richesse en toutes denrées : elle est non seulement fertile en blé et en très nobles fruits, mais contient aussi, prodiges admirables de la nature, des eaux thermales, quantité de sources fort bénéfiques à la santé, des grottes fumantes – auxiliaires souverains de la médecine-, des montagnes où brûle le soufre, des lacs tièdes, comme aucune autre partie du monde n’en possède.
27Tite-Live et d’autres racontent que cette région de la terre est fort belle et tout à fait excellente, car elle possède un air très pur et très doux et abonde en une étonnante diversité de produits.79 Cicéron, dans ses discours, ne dit-il pas :
At enim ager Campanus, hac lege amittitur, orbis terrœ (sic pro : dividetur orbi terrœ) pulcherrimus80 ?
28Il contient des monts et des collines fertiles au plus haut point en vignobles très fameux, le Gaurus81, le Falerne82, le Massique83, le Vésuve, et des forêts d’oliviers, des bois d’orangers et de citronniers. Mais à quoi bon énumérer les immenses antres, grottes et autres cavernes cachés au creux des montagnes, les somptueux édifices, les magnifiques voûtes qu’on y a bâties et qui imitent de façon étonnante la nature, inventions aussi rares que curieuses et qui suscitent à juste titre admiration et étonnement ? En fait, je ne vais évoquer ici que ce que j’ai moi-même visité en détail, avant de poursuivre ma route.
De Traieto à la Rocca di Mondragone84 | 10 |
29Ce village est bâti à l’endroit où se trouvait jadis la ville de Sinuessa dont on voit encore, non loin de là, les ruines85. On contemple dans ce bourg les jardins du prince de Stigliano – c’est le seigneur de l’endroit – étonnants de beauté et de charme, et riches en essences variées86. Il est vrai qu’on peut y voir avec grande admiration et plaisir des haies magnifiquement ordonnées, des allées couvertes de citronniers et d’orangers, des bois de myrtes, des forêts de lauriers, et goûter les délices des fontaines et tout le reste. Près de là se dresse le mont Gaurus87 que certains appellent aussi le Massique ou le Gallican88, surtout connu pour sa richesse en vin évoquée par Virgile à de nombreuses reprises : Sed grandi (sic pro : gravidœ) fruges et Bacchi Massicus humor (sic pro : umor)89.
De la Rocca à la Torre della Patria90 | 15 |
30C’est ici qu’on traverse le Clanius91 qui, lorsqu’il déborde, forme un lac ou un étang qu’on appelle vulgairement il Lago della Patria92.
31Silius, livre 7 :
Hinc Linterna palus stagnisque palustre Linternum93.
32Il l’appelle “étang de Líteme” parce que là aurait été l’emplacement de la ville de Literne dont on ne voit plus que des ruines94, près de la Tour de la Patrie.
33Elle était très connue des écrivains de l’Antiquité parce que Scipion l’Africain s’y serait retiré volontairement à cause de l’ingratitude du peuple romain95 : son tombeau somptueux se serait trouvé à Literne, raconte Tite-Live dans l’épitaphe suivante :
Devicto Hannibale, capta Carthagine, et aucto
Imperio hos cineres marmore tectus habet (sic pro : habes).
Cui non Europa, non obstit (sic pro : non obstitit) Africa quondam
Respice res hominum quam brevis urna prœmat (sic pro : premit)96.
34Il avait un autre tombeau à Rome97, mais il n’y fut pas enterré, car Valerius Maximus raconte que, lorsqu’il fut contraint d’abandonner cette vie, Scipion déclara :
Ingrata patria ne ossa quidem mea habes98.
35Il ne reste aujourd’hui plus aucun vestige de ce monument, mais seulement les ruines de la ville de Literne.
De la Patria à Naples | 15 |
36Avant d’apporter mon témoignage sur la très noble ville de Naples, il faut que j’évoque le mont Pausilippe dans les profondeurs duquel s’ouvre un admirable accès à Naples99. Éloigné de 2000 pas de Naples, fameux par son vin et l’abondance de ses très nobles arbres fruitiers, placé sur la route de Rome et de Pouzzoles, presque en travers de la voie, ce mont a été perforé et creusé par le fer, au prix d’un travail admirable et stupéfiant au cœur de ses entrailles, à la façon d’une caverne, dans un souci de commodité et pour en retirer une renommée éternelle par Lucius Lucullus100, d’autres disent par Cocceius101. Par cette caverne redoutable, cet antre stupéfiant, dans les profondeurs ténébreuses, continue la route qui mène à Naples sur 2500 pieds ou 1000 pas, et elle s’élève à plus de 12 pieds. Strabon l’appelle “caverne”102, et Sénèque affirme n’avoir jamais visité prison plus longue, endroit plus obscur et plus effrayant103. Il y avait autrefois un peu partout des ouvertures donnant lumière et éclat à cette caverne mais, remplies de terre depuis longtemps, elles ont été bouchées par les ronces et la vermine, comme on peut le constater aujourd’hui ; c’est pourquoi, si l’on veut traverser en toute sécurité et sans dommages, il faut le faire à la lueur d’une torche : on garde en permanence des flambeaux intacts dans des chapelles, aux deux extrémités de la caverne104. Pline et Strabon y font amplement allusion105 ; on l’appelle vulgairement lagrotta di Napoli106.
37La plupart des gens affirment que Virgile, le prince des poètes, a été enterré au-dessus de cet antre et dans la partie de la caverne tournée vers Naples. Servius dit en effet : Sepultus est Vergilius prope Neapolim107. Près d’un monastère qui se trouve là108 apparaissent encore les ruines d’un monument de forme ronde, mais rien de sûr ne peut en être tiré109 (fig. 2). Aussi faut-il se fier à la rumeur pour porter un jugement là-dessus, car, à ce que l’on dit, l’épitaphe qu’il avait lui-même rédigée de son vivant a été retirée en cachette de cet endroit par un cardinal espagnol et transportée en Espagne110. Elle portait les mots suivants :
Mantua me genuit, Calabri rapuere, tenet nunc
Parthenope ; cecini pascua, rura, duces111
38Cela, le poète Sannazaro l’atteste par son monument (funéraire)112, lui qui a été enterré dans la villa Mergellina, un endroit fort agréable113 qu’il célèbre avec le plus grand soin dans son livre De partu Virginis114 : à peu de distance de ce lieu surprenant de beauté et de charme – sur le littoral marin, au pied du Pausilippe qui s’avance en mer tel un promontoire – il repose dans une fort belle chapelle qu’il a léguée par testament à des religieux115, dans un magnifique et somptueux tombeau de marbre portant l’épitaphe suivante (fig. 3) :
Da sacro cineriflores : hic ille Maroni
Sinceras Musa proximus ut tumulo
Vixit annos 72. Obiit armo 1530116
39Mais si à présent, des profondeurs de cette même caverne qu’on nomme vulgairement la grotta di Napoli117, on se dirige vers Naples, la route traverse sur 2000 pas des jardins pleins de charme et de délicatesse, caprices des nobles napolitains, et des bâtiments ininterrompus : cette allure de faubourg somptueux118 s’étend jusqu’à Naples.
40Cette ville très noble s’offre à la vue, au pied de fort douces collines au bord de la mer. La plupart des auteurs l’appellent Neapolis, vulgairement Napoli, mais elle se serait appelée jadis Parthénopè du nom d’une sirène qui s’est jetée de douleur du haut du rocher où est située Naples, parce qu’elle n’avait pu charmer Ulysse de son chant119. Silius a célébré cela dans son livre 12 en ces termes :
Sirenum dedit una suum memorabile nomen
Parthenope muris Acheloïas, œquore cuius
Regnavere diu cantus, cum dulce per undas
Exitium miseris caneret non prospera nautis120.
41Je suis arrivé à Naples le 20 septembre, au moment où Andrea Doria, amiral des flottes impériales chargées de poursuivre les bateaux turcs, avait pris ses quartiers d’hiver à Naples avec 50 trirèmes que l’on nomme vulgairement des galères. Toutefois, ayant appareillé quelques jours plus tard, il gagna Gênes pour y faire relâche121.
42La ville de Naples est située en un lieu extrêmement agréable par la pureté de son air et par sa richesse en agréments de toutes sortes. Je ne me souviens pas avoir jamais vu un endroit où il y ait plus grand nombre, ni plus grand concours de sources jaillissantes, où l’on rencontre une telle diversité d’arbres, de plantes et de fruits. Il n’y a là, en effet, rien d’autre à voir que des orangers, des citronniers, des cyprès, des lauriers, des myrtes, des palmiers – à quoi bon les décrire dans le détail122 ? Il n’est point de lieu où les châteaux soient mieux défendus, les palais plus ornés, où l’on rencontre plus grande urbanité parmi les hommes, splendeur et luxe des vêtements. Que dire de la noblesse de tout le royaume qui afflue ici de partout, y possède palais et demeures, et passe l’hiver en ville où l’on voit de jour en jour vivre dans de suprêmes délices un grand nombre de ducs, princes, marquis, comtes, barons, chevaliers et nobles : tout ce luxe, cette splendeur, ces foules feraient croire que plusieurs cours royales ont toujours vécu ici123.
43Naples s’honore aussi d’une université extrêmement fameuse qui a bénéficié des privilèges de l’empereur Frédéric II124. Elle possède deux ports ; le plus grand, qui s’appelle il Mole, est très beau et a été bâti à grands frais et splendeur125.
44Il contient trois solides forteresses. La Nouvelle Forteresse, dite il Castello Nuovo126, située sur le littoral près du port, ne le cède sans aucun conteste à aucun château d’Italie pour l’épaisseur de ses murs et la puissance de ses remparts ; elle a été construite en premier lieu par Charles d’Anjou127, puis réduite à sa forme actuelle par Alphonse d’Aragon128.
45En face se trouve un deuxième fort, baigné par les flots de la mer qui entourent ce rocher de tous côtés : sa puissance n’est pas négligeable et on l’appelle il Castello de l’Ovo à cause de sa ressemblance avec un œuf129.
46La troisième forteresse domine la ville sur son rocher escarpé : elle est inexpugnable par son site, ô combien, et par ses remparts. L’empereur Charles Quint la renforce chaque jour un peu plus, par d’admirables travaux et à grands frais ; on l’appelle il Castello di San Martino130. Il y en eut une quatrième131, en ville, près de la porte de Capoue132 : aujourd’hui on a pris l’habitude d’y tenir tribunal pour juger les procès.
47Il y a en outre dans la ville quatre prœtoria133 : celui de Capoue134, celui de Nido135, celui de la Mongagna (sic pro : Montagna)136 et celui de San Giorgio137 ; le peuple les appelle li Seggi sedes (sic)138 et la noblesse a coutume de venir y traiter des affaires publiques à des moments convenus139.
48La cathédrale Saint-Laurent est appelée par le peuple ίο Episcopio140. Sur le devant, on peut voir une rangée de colonnes ou un passage supposé antique, avec une inscription grecque de Tibère, car on dit que c’était le temple de Castor et Pollux141.
49L’église Sainte-Claire142 a été édifiée avec son monastère par la reine Agnès, sœur du roi Robert (sic)143 : on peut y voir les monuments et tombeaux de ce roi144 et de différents rois de Naples145.
50Dans l’église Saint-Dominique146 sont conservées dans la sacristie – comme on dit – les cendres d’Alphonse Ier, roi d’Aragon et de Naples147, de son fils Ferdinand Ier148, de Ferdinand II149, de la duchesse de Milan Isabelle150, de Ferrand d’Av[a]los [ms : Daulos (sic)], marquis de Pescara et très courageux homme de guerre151 et de divers autres héros.
51L’église du monastère du Mont des Oliviers est très belle152 ; on y contemple le portrait véritable du roi Ferrante Ier et celui d’Alphonse II, peints par une main habile153. Au même endroit est enterré le jurisconsulte Alexandre de Alexandrie154.
52Au-dessus de l’autel majeur de l’église Saint-Jean in Carbonaria155 se dresse le fort somptueux monument du roi Ladislas156 : sur le côté s’élèvent deux très belles chapelles157. Dans l’une d’entre elles est enterré Nicolas Caracciolo, jadis maréchal suprême du royaume, dans un tombeau de marbre blanc, superbe et exécuté avec beaucoup d’art158.
53Près de l’hôpital Sainte-Marie de l’Annonciation159 se trouvent des inscriptions en grec concernant l’empereur Vespasien160 et non loin de là se voit une fontaine d’eau très pure qui jaillit avec une très grande puissance en un jet épais d’à peu près deux têtes161, et de fait, comme nous l’avons dit plus haut, cette ville compte une foule de fontaines jaillissantes des plus agréables162.
54Mais je n’en finirais pas si je devais citer toutes les églises, les édifices, les monastères, les palais épars dans la ville. En effet, les princes, la noblesse possèdent de fiers palais et des demeures fastueuses, des jardins qui débordent d’agréments dont le nombre est presque infini, par Hercule ! J’évoquerai pourtant quelques demeures privées et les jardins qui l’emportent sur les autres par leur splendeur, leur prix et leurs agréments.
55C’est ainsi que le palais du duc de Gravina, bien qu’inachevé, est extrêmement somptueux163.
56La demeure du prince de Salerne, d’architecture rustique, se caractérise par ses énormes pierres de taille164.
57Le palais du prince de Magdelone165.
58Le palais du prince de Stillano où l’on voit aussi des jardins d’une incroyable douceur, une foule d’agréments et de fontaines qui répandent partout leurs eaux avec force et en arrosent les jardins : elles sont d’une admirable beauté et d’un art stupéfiant166. Que dire des autres jardins ? De celui du marquis de la Valle où il y a quatre fort belles fontaines167 ; les si plaisants jardins de Don Garcia de Tolède sont ornés de dix fontaines168.
59Le jardin du marquis de Vico169 et d’autres dont le nombre et immense ! Ces lieux, par Hercule, sièges de tant d’agréments, par la variété de leurs plantations de très nobles arbres, fruits d’une admirable adresse et des hasards de la nature, par la foule des sources épanchant leurs eaux limpides et chuchotantes qui s’écoulent avec un agréable murmure, et qui sont d’une telle beauté et d’un prix tel qu’il dépasserait plusieurs millions de florins, sont si beaux et si doux qu’ils mériteraient en toute justice le nom de paradis terrestre. C’est que rien de ce que tous les hommes peuvent souhaiter en matière d’agrément ne manque en ces lieux et je penserais volontiers qu’aucun homme – à moins de l’avoir contemplé – ne peut le croire, s’en faire une idée ni même l’imaginer à proportion de ce que cela mérite.
60Aussi n’est-il pas surprenant que tant de sénateurs, toute la noblesse de Rome, aient jadis jeté leur dévolu sur cette région, séjour unique de toutes les félicités, et que, de nos jours, tant de princes et de nobles y aient élu domicile170.
61On voit aussi à Naples le palais171 et les très plaisants jardins du vice-roi de Naples172, construits à grands frais par Pierre de Tolède, autrefois préfet de ce royaume173, dont on voyait aussi le monument de marbre dans les jardins voisins174, d’une architecture imposante et d’une beauté incroyable – à l’époque où j’étais à Naples, il n’avait pas encore été élevé175. Sur la place vulgairement nommée il Mercato176 s’élève une petite chapelle à l’endroit où fut décapité le roi Conradin, dernier des ducs de Souabe éliminé au combat par l’Angevin appelé de France par le pape177.
62Hors les murs de la ville on peut voir un établissement vulgairement appelé la Cavallaria del Re où l’on élève les chevaux du roi, des montures supérieures à toutes les autres pour la noblesse et qui sont dressées et instruites à toutes les tâches par des maîtres spécialement affectés à cela178.
63Cette région surpasse en effet toutes les autres pour la production de très nobles destriers qui l’emportent aisément sur leurs semblables par la puissance, l’ardeur et l’agilité et il n’existe rien au-dessus de ce que j’oserai nommer cette nation qui dépense autant de passion, d’habileté et de soin au dressage des chevaux.
64Franchie la porte de Capoue qui fut construite en marbre blanc à grands frais, en forme d’arc de triomphe179, par l’empereur Charles Quint à son retour de la guerre d’Afrique180, se trouve à mille pas de la ville un fort noble palais dit il Poggio Reale, bâti par le roi Ferdinand181 et en grande partie détruit par les Français lorsqu’ils assiégeaient Naples182. Ce fut, par Hercule, un endroit bien agréable et l’on voit dans ses jardins très étendus une multitude de sources dont l’une, amenée par une conduite de marbre, a une largeur qui dépasse pratiquement deux pas. On dit que presque toute les fontaines de la ville en découlent183.
65Avant de poursuivre notre chemin, je dois dire quelques mots du Vésuve que certains nomment Vesevus. On l’appelle aujourd’hui il Monte di Somma et on peut le contempler en face de Naples, au nord-est184. Il est abondamment planté de vignes sauf à son sommet qui a un aspect effrayant avec ses grottes et ses abîmes : les roches sont consumées et dévorées par le feu et les flammes car il a souvent subi des embrasements et de stupéfiantes éruptions. Au centre il y a un abîme très profond qui pénètre dans les entrailles de la montagne, selon une croyance aisée, et d’où jaillit parfois le feu avec un bruit et des secousses effrayants. Un grand nombre d’auteurs mentionnent ces éruptions.
66C’est ainsi que le Chaldéen Bérose185 affirme, dans son livre 5 des Antiquitates, que, l’avantdernière année du règne d’Arlus (sic), VIIe roi d’Assyrie, et pendant de nombreux jours, l’Italie s’est embrasée en trois endroits différents, en Istrie, à Cumes et au Vésuve186.
67En outre, à l’époque de l’empereur Titus, elle a subi un incendie effroyable. Suétone déclare :
Quœdam sub Tito fortuita, ac tristitia (sic pro : tristia) acciderunt, ut conflagrado Vesevi (sic pro : Vesuvii) montis in Campania187.
68Cette éruption a été décrite de façon on ne peut plus exacte et habile par le Grec Dion188.
69Pline y perdit la vie en voulant satisfaire plus aisément sa curiosité dans l’observation de cette énigme de la nature, comme le raconte Pline le Jeune dans une lettre à Tacite189.
70Il y eut une autre éruption en 1306 (sic) sous l’empereur Conrad, qui donna le spectacle d’un grand nombre de fleuves de feu remplis de cendres chaudes dévalant la montagne190. Martial décrit fort élégamment cette montagne au livre 4 de ses Épigrammes :
Hic estpampineis viridis Vesbius (sic pro : Vesuvius) umbris
Prœsserat hic madidos nobilis uva lacus
Hœc juga quam Nisœ colles plus Bacchus amavit
Hoc nuper Satyri monte dederechoros.
Hœc Veneris sedes Lacedœmone gratior illi
Hic locus Herculeo nomine clarus erat
Cunctajacentflammis, et tristi mersa favilla
Nec superi vellent hoc licuisse sibi191.
71Et Silius, au livre 12 :
Monstrantur Vesuvina (sic pro : Veseva) juga atque in vertice summo
Depastiflammis scopuli, stratusque (sic pro : fractusque) ruina
Mons circum, atque Ætnœfatis certantia saxa192.
72Entre le Vésuve et Naples, à 3000 pas de la ville, on voit sur le littoral marin un endroit fort agréable nommé la Pietra Bianca où apparaissent un nymphée aux sources d’une admirable beauté, et des images et statues couvertes de coquillages et de petites pierres de couleurs variées, comme si elles avaient été figurées de la main d’un peintre193.
73Sortant maintenant de la ville de Naples par la route de Pouzzoles, je vais m’attarder sur ce que j’ai, chemin faisant, soumis à une enquête attentive, jusqu’au promontoire de Misène et dans tous les alentours. Cette région fut jadis fort peuplée et contenait les très puissantes et très belles villes de Pouzzoles, Cumes, Baies et d’autres agréments très abondants, car elle ne le cédait à aucune autre pour sa fertilité en tous produits utiles aux hommes, et foisonne d’une quantité d’établissements thermaux fort salutaires. Aussi les Romains, qui jadis cherchaient à reposer leur esprit et leur corps, loin des soucis plus austères de l’État, se tournèrent-ils vers ces lieux de délices et cette si agréable région. Aujourd’hui elle a un aspect effrayant et âpre car elle est entièrement déserte et pleine de ruines. Les villes ont une allure misérable et lamentable et nous voyons qu’il ne reste plus que des vestiges de superbes palais et édifices.
74Pourtant elle offre actuellement encore un peu partout, nous l’avons dit, d’étonnantes merveilles de la nature que, par Hercule, tout curieux de choses naturelles et singulières ne saurait, à mon avis, négliger.
75En allant donc de Naples vers Pouzzoles, on voit, à environ 5000 pas de Pouzzoles, l’entrée ou le goulet, aménagé de force par le fer et la technique, qui conduit au lac appelé jadis lacus Anagnanus (sic pro : Anianus)194, par où Lucius Lucullus avait amené l’eau de la mer jusqu’au lac195. En effet Lucius Lucullus avait autrefois ici sa villa dont les ruines énormes sont encore visibles196. Le lac est entouré de toutes parts d’immenses rochers et semble présenter l’allure d’un amphithéâtre naturel d’une profondeur telle que, affirme-t-on, on n’en a jamais trouvé le fond, comme l’atteste Boccace dans son livre De lacubus. Et il ne produit rien d’autre que des grenouilles197.
76Sur le côté sud du lac on voit, à la base des rochers, une petite caverne qui, bien que peu profonde, exhale un air pestilentiel sous l’effet brutal duquel tous les animaux tombent morts ; on a dressé dans cette grotte une borne dont il est imprudent de dépasser la limite. Or, si l’animal est aussitôt plongé dans le lac tout proche, il retrouve ses esprits vitaux, mais s’il est laissé dans cet état, il ne revient d’habitude jamais à la vie : c’est une chose étonnante à dire, assurément. Nous en avons nous-mêmes fait l’expérience avec un chien amené de Pouzzoles. Le peuple appelle cette caverne il Bucco del Cane car les voyageurs ont pris l’habitude d’expérimenter cette anomalie avec un chien198. Pline mentionne cette grotte au chapitre 90 (sic pro : 95) de son livre 2 en ces termes :
<Alii> spiracula vocant, alii Choroneas (sic pro : Charonea) scrobes mortiferum spiritum exhalantes199
77À faible distance de là se trouvent les thermos Anagnanœ200, ainsi nommés du nom du lac voisin où l’on voit de petites pièces et cases ne contenant pas d’eau, mais recevant par des conduits secrets et des canalisations de la terre de la vapeur sulfureuse qui détend immédiatement le corps et provoque une sudation extrême. On classe ces étuves en diverses catégories selon leurs vertus médicales, car certaines canalisations, chose étonnante, conviennent seulement à la tête, d’autres aux pieds, d’autre au thorax et d’autres enfin à un autre membre : aucune ne semble avoir de vertu en commun avec une autre201. Bien plus, il semble étonnant qu’en un endroit aussi petit, la terre exhale à un intervalle d’à peine un jet de pierre de la vapeur à la fois bénéfique et pestilentielle. Le peuple appelle ces thermes le Fumerolle ou Sudatorii202.
78En revenant à la route de Pouzzoles on rencontre maintenant l’endroit où se trouvait la villa de Cicéron qui a conservé ce nom jusqu’à nos jours203. C’est ici que, selon Spartien, fut enterré l’empereur Hadrien mort à Baïes204.
79Du côté sud de la route, on voit une montagne élevée nommée le mont Astruno qui contient en son centre une très vaste bouche mesurant 3000 pas de circonférence et se rétrécissant au fur et à mesure de la descente, ce qui réduit l’espace et lui donne l’allure d’un amphithéâtre artificiel205. Il faut imaginer que les Anciens ont jadis puisé en ces lieux l’idée et la forme qui leur servirent à construire leurs amphithéâtres artificiels, car ces sites naturels en offrent l’occasion parfaite : il peuvent contenir plusieurs milliers de personne susceptibles d’assister sans peine aux spectacles présentés dans la place. Il faut croire, car le secteur, dans les profondeurs de la terre, est entièrement rempli de feu et de soufre, que la violence de ce feu fut telle qu’il est arrivé dans le passé, près de Pouzzoles – sujet dont nous parlerons plus loin – qu’elle ait façonné par hasard ce théâtre naturel. Les rois de Naples ont très souvent présenté jadis au peuple, comme en un théâtre, des spectacles à cet endroit dont le fond est agrémenté de l’eau très pure d’une source qui le traverse. Non loin de là se voit une petit étang près duquel se trouvent des thermes fort salubres dits il Bagno d’Astruno206.
80Quand on rebrousse chemin vers le sud, apparaît une vallée où l’on fabrique d’énormes quantités d’alun à partir des roches extraites de jour en jour de la montagne207.
81Ensuite on arrive à l’immense vallée appelée la Solfataria parce qu’elle produit du soufre208, ce dont Pline, dans son livre 35, dit :
In Italia invenitur sulphur, in Neapolitano Campanoque agro collibus qui vocantur Leucogabi (sic) ; ibi e cuniculis effossum, perficitur igni209.
82Strabon la nomme “le forum de Vulcain.” Il y a là en effet un vaste plateau, comme il dit, entouré de sommets très élevés qui brûlent habituellement et sans discontinuer comme des fourneaux exhalant dans un vacarme effrayant des vapeurs fétides et sulfureuses210 ; selon Pline, ces champs étaient appelés Champs Phlégréens211, ce qu’affirme également Silius : Illic, quos sulphure pingues, Flegrei (sic pro : Phlegræi) legere sinus212.
83Cette campagne paraît façonnée par l’action admirable de la nature, car le plateau en question, long de 1500 pieds, large de 1000, est ceint de toutes parts de collines, à l’exception du secteur où se trouve l’entrée quand on vient de Pouzzoles213 et l’on voit une étendue de soufre compact qui exhale en différents endroits, par des évents, de la vapeur brûlante à cause de la nature caverneuse et sulfureuse de la terre. Dans un angle, une caverne stupéfiante et effrayante émet continuellement, dans un fracas et des trépidations épouvantables, une flamme de soufre et des cendres fétides accompagnées d’une fumée désagréable ; on ne put s’approcher à moins de 20 pas à cause de l’incroyable puanteur214. Au-dessous de la caverne se trouve une très vaste fosse ou étang qui est remplie d’une terre noire hideuse qui ne cesse habituellement de bouillir à un degré extrême et dégage une puanteur de soufre215. C’est un endroit stupéfiant et redoutable, par Hercule : il offre l’image véridique des marais du Styx et des Enfers, domiciles des démons.
84Revenant à la route qui conduit à Pouzzoles, on voit partout d’immenses ruines. La plupart des gens pensent que ces ruines furent jadis des édifices liés à la ville, car Puteolum était autrefois une très grande et très fameuse ville, mais elle est aujourd’hui réduite à l’aspect d’une petite bourgade216. On aperçoit aussi, autour de Pouzzoles, d’autres ruines immenses d’un amphithéâtre217, d’un aqueduc218 et les restes de la voie Appienne219 ainsi que d’autres bâtiments.
85Puis on arrive à Pouzzoles : c’est une bourgade située sur une colline médiocre, au bord de la mer. Au centre du bourg se dresse une antique église dédiée de nos jours à saint Procule220, mais qui semble fort ruinée par les fréquents tremblements de terre dont elle eut très souvent à souffrir221. On lit encore sur sa façade les mots suivants :
CALPVRNIVS. L(ucii) F(ilius) templum Augusto cum ornamentis d(e) s(uo) I (sic)222.
Et d’un autre côté ceci : L. COCCEIVS L. C. Posthumi (sic pro : Postumi). L. Auctus Architecti223.
86On voit aussi au même endroit des ossements de géants d’une force et d’une taille immenses auxquels Pomponius Lætus a consacré les vers suivants :
Huc quicunque venís stupefactus ad ossa Gigantum
Disce cur Hetrusce (sic pro : Hetrusco) sint tumulatasolo.
Tempore quo domitisjam victor agebatI beris
Alcides, capta (sic pro : captum) longa per arva pecus
Collit Dicharcheœ clavaque arcuque Typhones
Expulit, et cessit noxia turba Deo,
Hydruntum petiit pars, et pars altera Thuscos
Interiit victus terror uterque loco,
Hinc bona posteritas immania corpora servat,
Et tales mundo testificatur avos224.
87Ce bourg possédait jadis un port connu pour sa commodité et sa sûreté étonnantes225. Strabon en fait mention car il a été construit en sable de Pouzzoles226 dont beaucoup d’auteurs célèbrent la qualité, la force et la solidité incroyable et permanente. C’est ainsi que Pline, dans son livre 35, déclare :
Quis enim satis miretur, pessimam ejus partem, ideoque pulverem appellatam, in Puteolanis collibus opponi marisfluctibus mersumque protinusfieri lapidem unum inexpugnabilem undis, etfortiorem quotidie, utique si Cumano misceatur cemento227.
88Ce port a aujourd’hui disparu, en partie par l’action des flots marins, en partie à cause du manque d’entretien. On voit sur le littoral, dans Fonde même, les treize énormes supports ou colonnes de briques qui soutenaient les arches du pont que Caligula avait construit jusqu’à Baies dans les flots mêmes de la mer228 : elles rejoignaient en ligne droite la partie opposée du golfe de Baies. Suétone, dans sa Vie de l’empereur Caligula, mentionne ce pont par ces mots :
Novum atque inauditum genus spectaculi excogitavit. Nam Baiarum medium intervallum et (pro : ad) Puteolanos motes, 3600 fere passuum, ponte conjunxit contractis undique onerariis navibus et ordine duplici ad anchoras collocatis supertectoque (sic pro : superjectoque) aggere terreno, ac directo (sic pro : derecto) in Appiæ vice formam. Per hunc pontem ultro citroque commeavit biduo continenti. Primo die phalerato equo insignis, quoque quercia corona et cetra et gladio aureaque chlamide. Postridie quadrigario (sic pro : quadrigato) habitu, curriculo (sic pro : curriculoque) bijugifamosorum equorumprœseferens Darium (sic pro : Dareum) puerum ex Parthorum obsidibus comitante prœtorianorum agmine. Et in essedis cohorte amicorum229.
89Près de Pouzzoles on voit les jardins d’une beauté et d’une douceur étonnantes jadis construits par Pierre de Tolède, préfet du royaume de Naples, comme nous l’apprend l’inscription qui se trouve au-dessus de la porte230. Dans ces mêmes jardins se trouve un souterrain d’une chaleur étonnante où l’on descend par de nombreuses marches et dont la vapeur très Une provoque aussitôt la sudation231. En parcourant le littoral de Pouzzoles, on voit partout des bains ou des thermes qui fournissent des degrés variés de chaleur : les uns sont chauds, les autres tièdes, d’autres froids. Cette côte et tous les rivages de la région forment une mer jusqu’à Baies et un golfe jusqu’au promontoire de Misène. Toute cette région, comme le montrent aujourd’hui des ruines très visibles, présentait jadis partout, à cause de l’extrême fréquence des thermes et du nombre de ses édifices imposants et nobles, plutôt l’aspect d’une ville compacte que celui d’une simple région232.
90Mais le grand désastre et l’éruption survenus en 1538 ont anéanti et consumé la quasi totalité de sa splendeur et un très grand nombre de thermes et d’édifices fort superbes.
91Au mois de septembre, à ce qu’ils racontent, les habitants ont enduré pendant de nombreux jours des tremblements de terre considérables et épouvantables, accompagnés de fracas et de tumulte de l’atmosphère. La terre, à Tripergola – c’était le nom d’un établissement thermal – s’ouvrit et le gouffre immense vomit d’abord quantité de flammes et de pierres brûlées, puis, au milieu de force fumées et ténèbres, des monceaux de terre et de rocs, et de cet amas il constitua la montagne immense vulgairement appelée “le Nouveau Mont”, qui atteint l’altitude de 3000 pas. Les populations et les villes voisines, n’attendant rien de plus sûr que l’aube, avaient les regards fixés sur ce prodige de la nature, et éprouvaient une grande épouvante et de la stupeur.
92On affirme que la force et l’élan des vents tourbillonnants ont transporté des rochers jusqu’à 26 mille pas au-delà de Naples. Ont péri dans cette éruption quantité d’êtres humains, des bestiaux, des bourgs et des villas ; elle consuma aussi une grande partie des lacs Averne et Lucrin ; elle obligea même la mer à se retirer. C’est avec une stupeur, par Hercule, non négligeable et de la peur que l’on contemple les restes de cet embrasement, les rochers dévorés par le feu, les monceaux de cendres et la silhouette de la montagne élevée. À son sommet, on peut voir un gouffre qui, imitant la forme d’un théâtre qui va en se rétrécissant, comporte au fond une étendue où l’on voit de l’eau très pure exhaler sans cesse une fumée sulfureuse233.
93En quittant cette montagne, apparaît sur la côte le golfe Lucrin234 dont l’eau était conduite dans le lac Averne par un fossé qu’a fait disparaître entièrement le désastre de Tripergola235. On trouve très souvent mention de ce lac chez les bons auteurs. Les dorades et les coquillages provenant du golfe sont vantés par Martial et par Pline, au chapitre 54 de son livre g236 :
Non omnis laudem (sic pro : Laudes) prœciumque (sic pro : pretiumque) <de>Aurata meretur Sed cui solus erit concha Lucrina cibus237.
94Et ailleurs :
Ebria Batano veni modo conchaLucrino.
Nobile nunc sitio luxuriosa garum238.
95Et Virgile, au livre 2 des Géorgiques :
An memorem portus ? Lucrinoque addita claustra ?
Atque indignatum magnis stridoribus œquor ?
Julia, qua ponto Longe sonat unda refuso
Tyrrenusquefretis immittitur œstus Avernis239 ?
96Mais avant d’aborder la baie de Baies240 et tous ces rivages, je dois parler du lac Averne et de l’antre de la Sibylle de Cumes, car c’est tout près de là, vers l’ouest, que se situe cet endroit sur lequel les poètes on raconté quantité de choses. Certains l’appellent le marais d’Achérusie241, et Virgile y fait très souvent allusion, surtout au livre 6 où il dit :
Unum oro, quando hic infernijanua regis
Dicitur, et tenebrosa palus Acheronte refuso242.
97Et Silius, livre 8 :
Hinc vicina palus, fama est Acherontis ad undas
Pondere iter etc243.
98Il était autrefois consacré à Pluton à cause de son site sombre et effrayant, au milieu des rochers et des ténébreuses forêts qui jadis l’entouraient de partout, et parce qu’il possède aussi des eaux de couleur très noire et qu’il est hideux et prodigue une vapeur fétide et soufrée244. Selon Nonius Marcellus, il s’appelle Averne à cause de son odeur, mortelle pour les oiseaux245 ; aucun oiseau ne pouvait en effet le survoler sans danger, du fait des vapeurs sulfureuses qui s’en exhalent, ni sans tomber mort dedans, comme l’affirme Lucrèce, au livre 6 :
Principio quidem, Averna vocatus est, nomen id a re impositum est, quia sunt avibus contraria cunctis246.
99Virgile, livre 6 :
Inde ubi venere ad fauces grave olentis Averni
Tollunt se celeres247.
100et il poursuit :
Quam super haud ullae poterant impunevolantes.
Tendere iter pennis talis sese halitus atris
Faucibus effundens supera ad convexaferebat.
Unde locum Graii duxerunt (sic pro : dixerunt) nomine Avernum (sic pro : Aomon)248.
101Il y avait jadis près du lac une fontaine toujours pleine d’eau de pluie où il était interdit de boire, par superstition. On pensait en effet que cette eau était infernale et qu’elle provenait du Phlégéthon et de l’Achéron249.
102Aussi édifia-t-on en cet endroit un oracle près duquel avaient coutume d’habiter les Cimmériens, dans des cavernes et des grottes voisines et les sombres forêts dont le lieu était densément planté250. Ce site obscur et effrayant était le théâtre des plus grandes superstitions. Afin d’apaiser les mânes infernaux, Ulysse y sacrifia son compagnon Elpénor et Énée, Misène251.
103Boccace raconte dans son livre De lacubus [Sur les lacs] que, de son temps, sous le règne du roi de Naples Robert, on a trouvé sur le rivage une énorme quantité de poissons dont la chair, remplie de noirceur, dégageait une odeur sulfureuse infecte. La plupart des gens pensèrent qu’ils étaient morts à la suite du bouillonnement récent d’une veine sulfureuse, et que les flots les avaient rejetés sur la rive252.
104À l’est du lac, à la base des rochers, on voit les ruines antiques d’un temple rond dont on affirme qu’il était jadis consacré à Hercule Baulus253. On prétend qu’on le nomme Baulus, pour Boaulus, du nom des bœufs qu’Hercule a ramenés d’Espagne en ces lieux, après avoir tué Géryon254.
105Cornelius Tacite raconte que Néron, qui voulait tuer sa mère Agrippine en utilisant la ruse, l’avait invitée dans sa villa de Baules255. Et Silius, au livre 12, écrit :
Et Herculeos videt (ipso omitt) in littore Baulos256.
106L’orateur Hortensius possédait ici une fort belle piscine où il y avait des murènes257 et il les aimait tant que, à la mort de l’une d’elles, au témoignage de Pline (livre 9, chapitre 50), on raconte qu’il s’en fallut de peu qu’il ne pleurât.258 Ici même, à ce qu’on raconte, Antonia, femme de Drusus, aimait une murène au point de porter habituellement à son oreille une image d’elle en or. Cela avait accru la réputation des murènes à un degré tel que beaucoup de gens venaient ici les voir259.
107Néron avait entrepris le creusement d’une admirable piscine, près de l’Averne, comme le raconte Suétone en ces termes :
Incohabat piscinam a Miseno ad Avernum lacum contectam porticibusque conclusam quœ (sic pro : quo) quidquid totis Baiis calidarum aquarum esset committeretur (sic pro : converteretur)260.
108À propos du canal qu’il entreprit de l’Averne à Ostie, il ajoute :
Fossam ab Averno Hostiam (sic pro : Ostiam) usque, ut navibus (nec tamen mari iretur) longitudinis (per omitt) CLX milliaria (sic pro : milia) latitudinis, qua contrarice quinqueremes commearent, Nero incepit (ces deux derniers mots ajoutés par Alberti)261.
109De l’autre côté du lac apparaît, parmi les épines et les buissons, le très étroit accès à l’antre et à la caverne dite de la Sibylle262 dont Virgile parle au livre 6 :
At pius Æneas arces, quibus altus Apollo
Prœsidet, horrendœque procul secreta Sybillœ (sic pro : Sibyllœ)
Antrum immane petit263.
110Il poursuit :
Excisum Euboicœ latus ingens rupis in antrum
Quo latí ducunt aditus centum, ostia centum
Unde ruunt (sic pro : ruont) totidem voces, responsa Sybillœ (sic pro : Sibyllœ)264.
111Il ajoute enfin :
Talibus ex adito (sic pro : adyto) dictis Cumœna (sic pro : Cumœa) Sybilla (sic pro : Sibylla) Horrendas canit ambages antroque remugit, Obscuris vera involvens265.
112Agathius (sic), au livre 1 de la Guerre Gothique, mentionne cette grotte en ces mots :
Spelunca erat utrinque potentior ac profunda penitissimisque et amplissimis penetralibus voraginibusque immensis in abrutum descenderat ; hanc ferunt Sybillam Italicensem illam et Magnam incoluisse. Quœ Phœbo capta, et spiritu divino instincta, petentibus futura prœdiceret. Siquidem et AEneœ Anchisœ filio tradunt se adeunti omnia prœdixisse, quœ illi essent in posterum occursura266.
113Il existe diverses opinions au sujet de cette grotte. Certains affirment que les Cimmériens y ont jadis habité et qu’ils avaient coutume de prédire l’avenir ; d’autres que c’était là le domicile de la Sibylle de Cumes267, ce qu’affirme également Virgile268 ; d’autres voudraient que cela ait été la fosse, la caverne, la voie souterraine réalisée par creusement par Cocceius, de Cumes à Baies, ce que soutiennent beaucoup d’érudits269.
114L’antre lui-même comporte une entrée étroite, des corridors creusés dans les profondeurs de la montagne et qui déroulent leurs galeries sinueuses à la façon de tortues, et pratiquement un millier d’ouvertures – et non pas des fenêtres – qui lui apportent la lumière. Celui qui veut y accéder doit le faire avec une torche enflammée qu’il lui faudra apporter de Pouzzoles, car toute cette vaste région est vide d’habitants. Dans les profondeurs de l’antre, on aperçoit une petite pièce voûtée. On affirme que c’était le domicile de la Sibylle de Cumes. On voit encore partout des murs remarquables par leurs mosaïques de coraux, de perles femelles et de marbres nobles variés : ce qu’il reste de ces ornements atteste que ce lieu était extrêmement et somptueusement décoré. Non loin de là, on montre aussi une petite chapelle où il y a en permanence de l’eau brûlante : on voudrait que cela ait été l’emplacement de l’oracle, le lieu vaticinai ou l’oratoire de la Sibylle. La chaleur fort pénétrante répandue partout dans la grotte et particulièrement dans cette chapelle provoque immédiatement dans le corps une très abondante sudation.
115Moi-même, par Hercule, alors que j’examinais avec beaucoup d’attention ces lieux, je fus en un instant inondé d’une sueur si abondante qu’elle pénétra mes vêtements, comme si j’avais été plongé dans l’onde d’un lac. Ce sont là, par Hercule, des effets étonnants de la nature et de l’art qui suscitent à juste titre stupeur et admiration chez tout esprit curieux et réfléchi à la fois270.
116Les ruines immenses de la très fameuse ville de Cumes s’observent encore à quelques milliers de pas au nord de l’Averne, sur une colline élevée, superbes édifices et palais d’autrefois271, réduits aujourd’hui à l’état de pans de murs et de vestiges couverts de buissons et d’épines, spectacle déplorable, par Hercule ! Au milieu de la ville, au sommet de la colline, un temple tout à fait somptueux consacré à Apollon montre encore ses ruines272. Virgile le mentionne au livre 6, quand il dit :
At pius Æneas arces, quibus altus Apollo
Præsidet, horrendæque procul secreta Sybillœ (sic pro : Sibyllœ)273.
117Retournons à présent au littoral qu’on nomme golfe de Baies : parmi les rochers se trouvent des thermes et des étuves, en des endroits très âpres, à côté des ruines très nobles d’édifices qui jadis s’y élevaient, comme le montrent des restes extrêmement visibles ; je ne parlerai pas des édifices qui ont été recouverts par la mer et dont on peut contempler les ruines immenses et incroyables dans les flots mêmes et l’onde marine ainsi qu’au fond de la mer calme et paisible274.
118Ces thermes étaient qualifiés de baïens parce qu’ils étaient proches de Baies275, et les médecins les nommaient Thermae Silvanœ du nom de la déesseSilva276. Aujourd’hui on les nomme il Bagno de la Nave277, certains Bagni di Tritoli278, d’autres les appellent Thermes de Cicéron, Boccace affirme que ceux qui se trouvaient dans la villa de Cicéron s’appelaient l’Academia279. Le site des thermes jaillissants, de plan voûté, est très beau, fort élégant : il était couvert de sculptures, comme il le semble encore aujourd’hui. Les eaux de ces thermes -dont la plupart ont péri – suivent le cours de la lune et jaillissent habituellement en un seul jour en fonction de la diminution de sa course280.
119Si l’on gravit quelques marches dans la roche, on voit une grotte creusée artificiellement de main d’homme, haute de 6 pieds et large de 5, qui atteint les profondeurs sinueuses du rocher. Elle contient une vapeur chaude si subtile et intense que personne ne peut y pénétrer debout, en raison de la très grande chaleur des exhalaisons, sans s’écrouler aussitôt, frappé par la température extrême, non seulement saisi d’une copieuse sudation, mais aussi victime d’étourdissement et de faiblesse dangereuse. À certains endroits de la grotte, cette vapeur chaude très pénétrante éteint la flamme des torches et en fait fondre la cire, comme j’ai pu moi-même le constater. Si l’on veut donc entrer en toute sûreté et sans dommages (c’est ainsi qu’en usent habituellement ceux qui, perclus de maladies, ont recours à ces lieux : tous les médecins affirment que ces étuves possèdent le merveilleux pouvoir de guérir diverses maladies), il faut marcher et s’avancer lentement, le corps penché en avant et incliné à la manière des quadrupèdes, à cause de la fraîcheur offerte par le sol. Le peuple a coutume de nommer ces thermes les Sudatoria ou les Fumerolle281.
120Il existe en outre bien d’autres thermes et étuves du même genre sur ce littoral : si nous voulions les traiter un par un, nous aurions de la peine à en voir la fin. Mais passons, ils sont trop nombreux, et avançons sur le rivage du golfe de Baies : voici la ville ruinée de Baies, jadis très noble, dont aujourd’hui nous ne contemplons rien d’autre que des ruines et des fondations de bâtiments. On aperçoit, tantôt sur le rocher, tantôt sur le rivage, tantôt même au fond de la mer, des ruines incroyables et immenses, ébranlées et abattues – sort pitoyable – par les tremblements de terre282.
121On trouve, c’est bien connu, un peu partout chez les auteurs mention de cette ville qui désormais se meurt, comme l’attestent avec certitude et sans l’ombre d’une confusion ruines et vestiges (qui, d’habitude, suscitent, par Hercule, l’étonnement de ceux qui les contemplent), c’est qu’elle fut très vaste et très belle, comme semble également le dire Horace :
Nullus in orbe sinus Baiis prœlucet amœnis283.
122On aperçoit aussi au fond de la mer quelques très grandes colonnes de briques. Elles soutenaient le pont de Caligula et ses arches jointives, mentionné plus haut à propos de Pouzzoles. Elles se trouvent exactement en face de celles dont nous avons dit qu’elles étaient tournées vers Pouzzoles284. Au milieu mêmes des ruines de la ville de Baies, l’empereur Charles Quint a construit une très puissante forteresse285 destinée à protéger ces rivages des incursions des pirates (qui se produisent fréquemment à cet endroit, si l’on en juge par tous les sites désertés un peu partout par les cultivateurs et les habitants)286.
123À cet endroit commence un isthme qui, se rétrécissant peu à peu en forme de triangle jusqu’au promontoire de Misène, s’étend sur 5000 pas, autant dans sa plus grande largeur, et est baigné sur trois côtés par la mer287. Il contient partout, et partout se voient, où que l’on se tourne et même dans les entrailles de la terre, d’admirables monuments et les restes de très nobles édifices qui provoquent chez le visiteur une stupeur et une admiration telles, par Hercule, qu’il ne peut les comprendre s’il ne les a pas vus, de ses yeux vus. Nous vîmes en effet s’offrir à nous l’image et le plan, non point d’une très grande région, mais d’une ville compacte aux édifices serrés. Ce qu’il faut croire, au témoignage de Blondus, c’est qu’on ne peut trouver, nulle part en Europe sauf à Rome, autant de ruines aussi vastes d’édifices très nobles288.
124Mais poursuivons notre voyage. Quand on gagne directement le promontoire de Misène, apparaît un ouvrage immense construit souterrainement, vulgairement nommé les 100 Camerellœ d’après le nombre de petites pièces ou logements qu’il contient : on en voit l’entrée et les modestes petites portes s’enfoncer dans le sol289. Il faut penser que c’était autrefois un château d’eau ou un réservoir, comme on peut en voir encore à Rome, construit par les Romains près de leurs villas et palais (ils en possédaient de splendides, ô combien, à cet endroit, à cause de la douceur de la région, comme nous l’avons souvent dit) : on en trouve aujourd’hui beaucoup un peu partout sous la terre. Le plus beau et le plus somptueux de tous se voit à peu de distance de là : on l’appelle vulgairement la Piscina Mirabile. Il est remarquable par sa quadruple rangée de colonnes, des colonnes carrées de 3 pieds de côté qui soutiennent le poids d’une voûte dont les dimensions et proportions exactes sont de 500 pieds sur 220290.
125On y descend par 40 marches de pierre. Il faut croire, à la suite de Blondus291 et de Razanus292, que cet ouvrage admirable, par Hercule, et si somptueux était intégré dans le palais baïen de Lucius Lucullus293. Plutarque, dans sa vie de Lucius Lucullus, mentionne en effet le très beau et très somptueux palais qu’il possédait à cet endroit, lorsque Cnæus Pompée et Cicéron ont rencontré Lucius Lucullus dans la villa Lucullana294. Et Cornelius Tacite dit ceci à propos de Tibère César, à la fin du livre 5, quand il voulait en finir avec la vie :
Mutatisque sœpius locis tandem apud promontorium Misent consedit in villa cui L. Lucullus quondam dominas295.
126Nous avons traversé à partir de là la Mer Morte : c’est ainsi que les habitants appellent le golfe ou lac qui est au-delà du golfe de Pouzzoles296 et avait jadis une taille bien supérieure à celle d’aujourd’hui, car l’empereur Auguste, au témoignage de Suétone, y avait installé la flotte de Misène – et l’autre à Ravenne, pour protéger la mer supérieure et la mer inférieure297. C’est alors qu’il en assumait la préfecture que Pline mourut dans l’éruption du Vésuve298. Il existe encore sous les eaux mêmes de la Mer Morte des restes de la voie pavée qui gênent ceux qui traversent par la quantité et la grosseur des blocs299. On repère en effet des passes qui mènent au promontoire de Misène300. Ce mont est appelé ainsi par beaucoup de bons auteurs, et Ptolémée le dit Misænus301. On dit qu’il tire ce nom de Misène, un compagnon d’Énée dont certains veulent qu’il soit mort, d’autres qu’il ait été sacrifié à d’autres mânes près de TAverne par Énée302. Il s’appelait auparavant mons Ærius303 et Virgile en fait ample mention au livre 6 :
Prœtereajacet exanimum tibi corpus amici304.
127Et il poursuit :
Quem socium exanimum vates quod corpus humandum
Diceret, atque illi Misenum in littoresicco.
Ut venere vident indigna morte peremptum,
Misenum Æoliden quo non prœstantior alter,
Ære ciere viros, Martemque accendere cantu
Hectoris hic magnifuerat comes305.
128Et plus loin :
Nec minus interea Misenum in littoreTeucri
Flebant, et cineri ingrato supremaferebant306.
129Après plusieurs vers où il décrit le mode de sépulture, il ajoute ceci :
At pius Æneas ingenti mole sepulcrum
Imposuit suaque arma viro remumque tubamque
Monte sub œrio qui nunc Misenus ab illo
Dicitur, æternumque tenet per sœcula nomen307.
130Du sommet de ce mont jusqu’au promontoire de Minerve qu’on appelle aujourd’hui “la Tête de Minerve”, situé en face de l’île de Capri308, et qui s’étend sur 54 milliers de pas, la mer Méditerranée faisait autrefois un golfe que l’on appelait dans l’antiquité “le Cratère” à cause de sa forme309. Ses rives paraissaient jadis couvertes de villes, de bourgs, de villœ, de palais, de thermes, de théâtres et de bien superbes édifices en rangée ininterrompue et à touchetouche ; on en voit encore aujourd’hui des ruines et des restes qui présentent plutôt l’aspect extrêmement étendu d’une ville détruite que d’une quelconque région310.
131Mais passons là-dessus : je dois parler du promontoire de Misène, insigne par ses rochers, ses grottes, cavités et autres cavernes. Il est vraiment étonnant en effet de dire combien de cavernes célèbres se rencontrent dans les entrailles mêmes de la montagne, quelles sortes de cavités et de voûtes rupestres soutenaient la masse non négligeable du mont et des rochers : il semble aujourd’hui – par Hercule – que la plupart de ces stupéfiants édifices se soient écroulés. On peut voir surtout un édifice souterrain vulgairement nommé la Grotta Tragonaria du nom des Dragons, c’est à dire des ouvertures ou galeries souterraines d’une ampleur et d’une structure admirables ; beaucoup de gens estiment que cet endroit correspondait à un château d’eau ou à un réservoir311.
132Il y avait jadis au sommet de ce promontoire une tour très élevée appelée Pharus : les navires dirigeaient habituellement leur course sur sa lumière, pendant la nuit312.
133Quand on quitte le promontoire de Misène, apparaissent les restes de la voie Atellane qui, en revenant à Pouzzoles, rejoignait la voie Appienne : elle passe entre les ruines de Cumes et le lac Averne313. On y observe les restes immenses et fort étirés de tombeaux antiques, pour la plupart endommagés314. C’est à peine si l’on peut en voir quelques-uns intacts, en opus réticulé et phrygeatum315, remarquables par leurs “magasins d’urnes” et leurs alvéoles cinéraires rangés en ordre élégant. Certains sont d’accès difficile car ils sont couverts d’épines et de buissons, mais à l’intérieur ils paraissent partiellement endommagés et partiellement intacts316. Le peuple a coutume d’appeler ces tombeaux il Mercato, car on raconte que tous ces sépulcres – chacun contient quantité de cavités pour les urnes qui renferment les cendres du père de famille et de tous les siens – étaient les maisons des marchands qui avaient l’habitude de venir fréquenter les foires de ces lieux317.
134De la voie Atellane, nous avons gagné la voie Appienne et, depuis Pouzzoles, quitté cette région riche en monuments antiques. Nous sommes revenus à Naples où nous sommes restés quelques jours, puis nous sommes rentrés à Rome par la route empruntée à l’aller, car l’autre itinéraire en direction de Gaëte était perturbé par des brigands et des pirates318.
135Quelques jours plus tard, nous sommes partis de Rome, le 21 octobre, par le chemin dont nous avons fait plus haut amplement mention, jusqu’à Spolète.
136À partir de Spolète j’ai pris le chemin prévu en revenant par l’Étrurie, aujourd’hui appelée Toscane ou Tuscie, et par Bologne, puis, de là je suis retourné à Venise par le chemin habituel.
Itinéraire de Rome à Florence
137De Rome à Spolète on compte donc 61 milles : nous en avons décrit les étapes plus haut.
De Spolète à Prota319 | 3 |
De Prota à Trevi | 6 |
138Cette bourgade, située à droite de la route ordinaire, sur une agréable colline, portait dans l’Antiquité, selon Blondus, le nom de Mutiscœ, bien que d’autres veuillent qu’elle se soit nommée Trebula320. Virgile en parle au livre 7 : Ereti manus omnes oliviferœque Mutiscœ (sic pro : Mutuscœ)321.
De Trevi à San Oratio (sic)322 | 3 |
De San Oratio à Foligno | 7 |
139Appelée Foligno en langue vulgaire, Fulgineum et Fulcinium par les auteurs latins, Fulginea par certains323, cette ville, dont la situation, pas plus que les beaux édifices, ne sont désagréables, est construite non loin de l’endroit où se dressait jadis Forum Flaminii324, dans une fort belle vallée, très connue pour sa fertilité, car elle abonde en vignes et oliviers. Le Topinus qui coupe la ville en deux a donné son nom à toute la plaine qu’il traverse et fertilise ; sur ses rives on voit partout aujourd’hui les restes immenses de la voie Flaminia325.
140La ville elle-même est fameuse dans toute l’Italie pour ses foires que fréquente une grande foule de marchands326.
De Fuligno à Spello | 2 |
141Cette bourgade, située sur les collines plus basses de l’Apennin et qui fut jadis Hispellum327, a été abattue et détruite de fond en comble, croit-on, en 152g, par Philibert, prince d’Orange328.
De Spello à Santa Maria degli Angelí329 | 5 |
142On voit à cet endroit des boutiques annexées au monastère Sainte-Marie des Anges qui occupe la plaine voisine. Il est remarquable par l’abondance étonnante de ses sources330 autant que par son sanctuaire d’une admirable sainteté, objet d’un afflux considérable de gens venus à la suite d’un vœu, car il est très connu331 ; on peut y voir une quantité prodigieuse de tableaux peints, de cierges et force statues et images religieuses suspendues en ex-voto332.
143Lorsqu’on monte de cette vallée dans les collines toutes proches, au pied même de l’Apennin, une route pavée mène à la ville d’Assise que certains appellent Esisium, vulgairement Ascici333. Pline nomme ces peuples Asisinates334 ; à la suite des dissensions civiles innées et des haines intestines, aristocratie et population y sont très peu nombreux335.
144Il y a pourtant dans cette ville une église Saint-François le Séraphin336 (qui, selon l’opinion de beaucoup de gens, a ennobli sa patrie de sa sainteté : on estime qu’il s’est acquis partout une grande réputation grâce à l’ordre des moines mendiants, vulgairement nommés mineurs, qu’il a créé)337. L’architecture fort élégante de cette église bâtie sur une double voûte suspendue n’est pas à négliger338.
D’Assise au Ponte del Tevere339 | 6 |
145Ce petit village est situé sur la rive du Tibre, à l’endroit qui est le plus guéable et traversé par un pont de bois au mépris du tumulte des eaux ; cette rivière forme la frontière entre l’Étrurie et le duché de Spolète340. En certains endroits, non loin du pont, se voient des monuments d’une admirable antiquité, des épitaphes gravées et marquées de lettres et symboles étrusques fort anciens : elles ont un parfum de sublime antiquité qu’aucun savant versé dans l’étude des choses singulières ne saurait négliger ; il est rare en effet de rencontrer dans toute l’Italie des témoins et des restes de ces lettres et symboles, car ils ont été détruits ou se sont perdus à cause de leur âge et de la cruauté du temps qui s’écoule341.
Du Pont à Pérouse | 4 |
146Pérouse342, située au milieu des collines de l’Apennin, à un endroit qui n’est ni désagréable ni stérile, présente dans son ensemble un visage montueux. Elle compte au nombre des plus anciennes villes d’Italie, même si, à cause du désaccord des auteurs entre eux, rien de sûr ne peut être acquis sur ses origines343. Certains voudraient qu’elle ait été bâtie par Janus, appelé aussi Noé344 ; d’autres par le Troyen Perusius345. Appien d’Alexandrie la mentionne au livre 5 de la Guerre civile :
Huncfinem Perusia habuit, vetustatis gloriam et dignitatis in se continens, quant ab Tyrrhenis jam pridem in Italia conditam inter 12 primas urbes fuisse memorant, et ob id Junonem Tyrrheniorum more in ea colli (sic pro : coli) solitam. Qui reliquias urbis ex sorte delegerunt. Vulcanum deum patrium Junonis loco statuere346
147Mais Pérouse, qui est proche du lac Trasimène, aujourd’hui appelé lac de Pérouse347, n’a pas grande réputation auprès des auteurs à cause du désastre infligé aux Romains par Hannibal, combat au cours duquel périt le consul Caïus Flaminius348. C’est surtout Octave Auguste qui a détruit entièrement cette noble cité349, mais l’a restaurée peu après en la dotant d’une enceinte350 et de portes qui subsistent encore aujourd’hui, et il voulut qu’elle s’appelât Perusia Augusta à partir de son cognomen (ce que montrent des lettres d’une coudée gravées au-dessus de ses portes), sur l’inscription suivante :
Pervsia avgvsta, et ailleurs : Avgvsto sacro Pervsia restitvta351.
148Cette ville a enduré quantité de dommages divers du fait d’une tyrannie hostile et de discordes civiles. De même que, faut-il penser, les villes de presque toute l’Italie, célèbres pour leur fatale folie, innée, intime et, chez certaines, naturelle, ont été en quelque sorte saisies d’un accès de destruction totale et de mort à cause de la discorde de leurs citoyens, de leur affreuse jalousie mutuelle et de l’incessante compétition qui les opposait les uns aux autres, ce qui a entraîné une succession de tyrans au gré des caprices du peuple, cette ville a souvent connu la ruine totale, conformément au sort lamentable, commun à toute l’Italie352.
149Mais elle resplendit aujourd’hui, ennoblie par une insigne université qui a produit une foule d’hommes toujours plus savants353.
150Le très célèbre jurisconsulte Baldus, mort à Pavie, en est en effet sorti354.
151Marius Podianus, orateur insigne, encore actuellement vivant, a fortement contribué à son renom de nos jours355.
152Le pape Paul III y a construit un château remarquable par ses remparts, la puissance insigne de ses murailles défensives, la grande profondeur de ses fossés, ses galeries extérieures et ses abris très solidement couverts356 ; il est occupé en permanence par une très puissante garnison mercenaire destinée à affronter l’insolence des ennemis comme de la population357 : on doit le compter au nombre des châteaux italiens les mieux défendus.
153Sur la place principale, on voit un prétoire dont la beauté et la splendeur des bâtiments ne sont pas à négliger358. Lui fait face la cathédrale Saint-Laurent359, dans les archives de laquelle des religieux ou gardiens des objets sacrés de l’église nous ont montré un écrit de saint Luc en lettres dorées sur parchemin ou écorce d’arbre360 : c’est là une chose bien digne d’être vue pour son antiquité et sa rareté.
154Devant la porte de l’église, on voit une très belle fontaine avec des sculptures et ciselures dorées, d’où jaillit de l’eau avec une grande force361 : elle est d’un art et d’un prix non négligeables. Il y a aussi dans la ville un monastère dédié à saint Pierre, remarquable par sa beauté et par la taille de ses bâtiments362.
155On peut encore contempler quelques monuments de l’Antiquité dans la petite église dite a l’Angelo363 où l’on voit des inscriptions fort anciennes dont une, très belle, de Caïus Vibius364 à qui Pérouse dut un jour son nom de Vibia Colonia365. Une autre inscription en caractères étrusques et qui ne manque pas d’élégance est insérée dans un mur à l’entrée de cette même église366.
156Dans l’église Saint-François367 est enterré le jurisconsulte Barthole, que tout le monde connaît car c’est le plus célèbre de tous. Il se trouve dans un petit tombeau et ses cendres sont recouvertes d’une pierre rectangulaire. L’épitaphe qui y était gravée est illisible car elle a été exposée aux atteintes de l’âge et au frottement des pieds368. Un habitant de Pérouse dont j’ignore le nom, car à ce moment-là l’ouvrage n’était pas terminé, a cependant élevé, afin de prolonger la mémoire d’un si grand homme, un monument fort élégant par sa beauté, son prix et l’habileté de ses sculptures369.
De Pérouse à Monte Colonna370 | 9 |
157Ce bourg est situé dans les collines au pied desquelles commence le lac Trasimène des bons auteurs (aujourd’hui lac de Pérouse) : il est très connu à cause de la bataille de Trasimène remportée par Hannibal sur les Romains371 et sa fertilité et le nombre considérable de poissons dont il regorge ne le rendent pas moins célèbre372.
158On observe au milieu des flots trois îles pratiquement équidistantes, agréables à voir et bien situées373.
159À côté de cette vallée se trouvent des collines rocheuses : quand on les traverse, à droite s’offre à la vue le village d’il Sanguineto, qui tire son nom du mot “sang”376, parce que, semble-t-il, à cet endroit se serait produit un grand massacre de Romains par Hannibal lors de la bataille de Trasimène, ce dont font très amplement mention Polybe (livre 3)377, Tite-Live (livre 22)378 et Plutarque dans sa vie d’Hannibal379.
160Il y a donc, de la Cassa del Piano aux collines voisines dont on a déjà parlé 2 mille pas
161Ces montagnes forment frontière entre le territoire de Pérouse et la principauté de Florence ; bien que l’Étrurie englobe l’une et l’autre, ces régions sont distinctes parce qu’elles obéissent à des seigneurs différents380.
162On a coutume d’appeler ces collines les Monts de Cortone381 et l’on affirme qu’Hannibal a établi son camp au-delà, car il a provoqué un grand massacre, un carnage de Romains de chaque côté de ces monts, et même parmi les rochers du bourg d’Ossaia, ainsi nommé à cause des ossements des morts382.
163Des Monts de Cortone où se termine le lac Trasimène, à Ossaia, endroit où, disions-nous,
Hannibal avait établi son camp, il y a | 3 milles |
D’Ossaia à Cortone | 2 |
164Cortone, appelée aussi Crotone et Corytum par certains auteurs383 très bien fortifiée tant par la nature de son site que par la technique humaine384, obéit de nos jours à l’autorité du duc de Florence, comme tout ce territoire385. Virgile en rappelle le souvenir en ces termes :
Hinc ilium Coryti Tyrrhena a (sic pro : ab) sede profectum386.
165et au livre 10 :
Lydorumque manus (sic pro : manum) collectos armat agrestes (sic pro : agrestis)387
Venerat antiquis Coriti (sic pro : Corythi) definibus Æron (sic pro : Acron)388.
166Au sud du territoire cortonais apparaît le marais Glanis389 : Appien d’Alexandrie le nomme le fleuve Glanius390, aujourd’hui il s’appelle le marais Chiana. Il imprègne beaucoup de champs des indigènes d’une boue continuelle et d’une puanteur humide et épaisse391.
167Ce bourg tire son nom du pont qui est construit à l’embouchure de la Seva (sic)394, là où il rejoint l’Arno. Strabon appelle l’étendue de cette campagne Terra Passumena395, aujourd’hui on la nomme Casentinus ager396 ; elle est très connue pour sa fertilité.
De Ponte di Seva au bourg très fortifié de Monte Varco397 | 3 milles |
De Monte Varco à Saint-Jean vivo Tribiano, très noble bourgade | 3 |
De Saint-Jean à Tichino398 | 4 |
De Tichino à Incisa | 3 |
168Incisa est une bourgade située sur l’Arno qui fertilise considérablement l’Étrurie. Elle est connue pour être le lieu d’origine et de naissance du très célèbre poète François Pétrarque399. De ce lieu jusqu’à Florence on peut voir une vallée d’une fertilité et d’une douceur étonnantes : avec sa kyrielle de bâtiments, cette vallée forme un tout et paraît offrir plutôt l’aspect d’une ville comprenant une série ininterrompue de demeures contiguës que celle d’une quelconque région400.
D’Incisa à Florence | 13 |
169La ville de Florence est située sur l’Arno qui la divise en deux parties réunies par quatre ponts de marbre401, et l’agrémente considérablement. Par la taille de ses rues, la parure de ses édifices, leur ordre, leur magnificence et leur splendeur – toutes les parties de la ville sont alignées comme au cordeau, ce qui est beau à contempler402 – elle ne le cède à aucune autre ville d’Italie sur le plan de la beauté du décor, de l’ordre et de l’élégance ; aussi estimet-on qu’elle a mérité à juste titre des Italiens le nom de Florentia Bella, c’est à dire “Florence la Belle403”. Elle est également baignée par le Mugon404, tandis qu’à l’est et au nord elle est entourée de très douces collines ; le reste est bordé par une plaine très fertile.
170Elle contient de superbes bâtiments, tant privés que publics, et des édifices d’une architecture grandiose dont on ne peut même pas effleurer le grand nombre, tant ils sont partout répandus.
171J’aborderai pourtant les endroits les plus nobles et les plus importants et quand je les aurai explorés, il me faudra poursuivre l’itinéraire commencé. Parmi eux on peut voir une masse tout à fait exceptionnelle et la plus connue de toute l’Italie, un édifice d’une architecture extrêmement fameuse situé presque au centre de la ville, l’église Sainte-Marie de Flore405 ; d’une conception stupéfiante, par Hercule, somptueuse et magnifique, entièrement revêtue d’une mosaïque de fort belles plaques de marbre découpé, alternativement noires et blanches406, elle offre à la vue de tous un aspect vraiment délicat et admirable. Il y a là aussi un campanile tout à fait semblable à l’église par sa beauté, son art, son élégance407. Je trouve que l’intérieur de l’église, excepté la voûte principale, correspond assez peu au décor extérieur et à sa beauté, car le travail n’est pas encore tout à fait terminé408. On y voit toutefois des peintures et de nobles statues409 ainsi que des épitaphes et des inscriptions d’hommes célèbres, parmi lesquelles une plaque scellée à la mémoire du poète Dante410. Il y a une épitaphe consacrée par le Sénat au noble peintre Giotto411 qui a élevé une représentation de taille colossale de Jean Aucuthus, chef anglais très dévoué de l’armée florentine, mort en 1393412. On y voit également l’épitaphe du philosophe Marsile Ficin avec l’inscription suivante (fig. 4) :
En hospes, hic est Marsilius, sophiœ pater, Platonicum qui dogma culpa temporum situm (sic pro : situ) obrutum illustrons et atticum decus servons, Latió deditfores primus sacras divinœ aperiens mentis actus numine. Vixit beatus ante Cosmi munere. Laur(ent)ique Medicis, nunc revixit, publico. S(enatus). P(opulus). Q(ue). F(lorentinus). Anno 1521413.
172Près de là, en un lieu contigu à cette église se dresse une très vieille église ronde, pas très grande, jadis consacrée à Mars414, aujourd’hui à saint Jean Baptiste415. Elle est ornée de décors variés très précieux, de statues de bronze et de marbre et surtout d’un baptistère ou piscine sacrée qui ne manque pas de beauté. Au-dessus de lui est suspendue une très ancienne enseigne militaire ou drapeau avec les vieux emblèmes de la république avant qu’on adopte le lys rouge416, après la défaite des gens de Fiesole417 (dans les collines toutes proches on peut voir les ruines de cette ville dévastée dont on rappelle que Florence tirait son origine)418. C’était la coutume chez certains peuples d’Italie de transporter dans un char à quatre chevaux de telles enseignes et toute l’armée se plaçait sous ses auspices et son influence (on l’appelait Carocium) et combattait avec vaillance pour lui comme pour le salut de l’État, et l’on pensait qu’il n’était pas convenable de s’avouer vaincu contre son gré, même si le destin en avait décidé ainsi419. Aux portes mêmes de l’église se voient de fort belles colonnes de porphyre offertes aux Florentins par les Pisans pour les avoir aidés contre leurs ennemis420. Dans cette même église est enterré dans un monument de bronze Balthasar Cossa qui s’appela autrefois le pape Jean XXIII et fut déposé par le concile de Constance ; il porte l’inscription suivante : Balthazar Cossa, olim Joannes 23421.
173Il y a également dans la ville une église consacrée à saint Laurent422 et construite par Cosme de Médicis et son fils Laurent423, d’une admirable beauté et remarquable par l’habileté de son architecture. On peut y voir de nombreux et très beaux monuments (funéraires), tant en bronze qu’en marbre. Au nombre de ceux-ci figure le tombeau de Cosme de Médicis avec l’épitaphe suivante : Decreto publico Patri Patriœ424. En outre, dans la partie la plus secrète de l’église que le peuple appelle “l’Ancienne Sacristie”425, on peut voir un cercueil très élégant et somptueux en porphyre couvert d’un décor d’ornements de bronze426. Et à l’endroit qu’on appelle “la Nouvelle Sacristie”427, on voit les monuments d’Alexandre428 et Julien de Médicis429, pas encore tout à fait achevés, dus à l’art et à la main de Michel Ange : ils sont sculptés avec un art de la sculpture stupéfiant et admirable.
174Dans la même église se trouve enterré dans un tombeau tumulaire Paulus Jovius, le plus célèbre historien de notre temps, avec l’épitaphe suivante :
D(eo) M(aximo)S(acrum)
PauliJovi Novocomensis episcopi Nucerini Historiarum scriptoris celeberrimi hic disposita sunt ossa donec eximia ejus virtute dignum erigatur sepulchrum. Vixit anuos LXVIII, menses VII, dies XXIII. Obiit III Idus Decemb : 1552.
Hic latet heu Jovius Romance gloria linguæ
Par cui non Crispus non Patavinus erat430.
175Au même endroit on peut voir suspendues un grand nombre d’enseignes militaires que le duc de Florence Cosme de Médicis431 obtint comme dépouilles en 1554 après que Pierre Strozzi, général de l’armée du roi de France432, ait été tué (sic) à la bataille de Sienne433. En souvenir de cette victoire, il les a présentées comme des trophées suspendus en public. On visite aussi dans cette église la bibliothèque décidée et construite par le pape Clément VII, de la famille des Médicis : insigne et éminente, elle renferme de très nobles ouvrages et est remarquable par la splendeur étonnante de son architecture, bien qu’elle ne soit pas encore complètement achevée434.
176On peut observer aussi dans la ville de nombreuses églises fort somptueuses et des édifices publics au tout premier rang desquels doit figurer l’église Saint-Michel, décorée de très belles statues435.
177En outre, l’église Sainte-Marie de l’Annonciation est extrêmement connue car elle est l’objet des pratiques superstitieuses de toute l’Italie436 : on y voit une quantité incroyable de tableaux accrochés en ex-voto où sont peints des miracles, ainsi qu’un grand nombre de statues faites d’un assemblage de bois et de toile représentant divers prodiges : nous en vîmes, dispersée dans toute l’église, une série ridicule et étonnante, un nombre stupéfiant et varié tenant lieu d’ex-voto437. De l’hôpital Sainte-Marie Nouvelle, nous apprîmes qu’il ne le cédait à aucun hôpital d’Italie ni sur le plan de la renommée, ni sur celui du luxe, en raison de la splendeur de l’édifice et de la disposition fort commode des lieux, à cause aussi du nombre de miséreux et de malades qu’on a coutume d’y entretenir438.
178L’église Sainte-Croix est occupée par des moines dits de l’ordre des mineurs439.
179L’église du Saint-Esprit qui appartient à des moines ermites est insigne par l’admirable beauté de son architecture et remarquable par l’ordre de ses très élégantes colonnes d’un diamètre étonnant440.
180On peut voir encore la très belle église Sainte-Marie-la Neuve441 et le monastère SaintMarc442, fameux par sa très noble bibliothèque bâtie par Cosme de Médicis443, dans l’entrée de laquelle se trouve la statue de Jean de Médicis élevée par le peuple lui-même444, et dont l’église contient l’épitaphe du comte Jean Pic de la Mirandole445.
181Près de la place qui jouxte cette église, le duc de Florence avait coutume d’élever ses plus nobles chevaux : le peuple appelle l’endroit “l’Écurie du duc.”446 On y donne en spectacle à la foule des lions, des ours, des loups d’une taille inhabituelle et des bœufs de Numidie, animaux jusqu’à présent inconnus de nos régions, rapportés très récemment d’Afrique447.
182Mais c’en est assez pour ce qui concerne les édifices sacrés car il y a aussi le prétoire, à l’époque de la république florissante “Palais de la République”, et qui s’appelle aujourd’hui “le Palais princier”448 : on voit à sa porte deux statues gigantesques d’un art et d’une beauté admirables, dont l’une, tout à fait excellente, représente Hercule Bacchius (sic) étouffant Cacus449 et non loin de là, sous un portique, une statue de bronze de Persée, insigne par la ciselure de ses ornements et d’un art stupéfiant et délicat450. Il y a aussi la demeure de la famille Strozzi451 et le palais Pitti édifié, avec une dépense et une magnificence étonnantes, à l’aide d’énormes blocs de marbre taillés en opus rusticum, comme on dit452 ; lui sont joints des jardins très agréables où nous aperçûmes des chameaux453. Je ne me souviens pas avoir vu de mes yeux dans toute l’Italie de demeures plus splendides que celle des Strozzi, ni plus magnifiques par leur très belle architecture en opus quadratum.
183En outre on trouve la demeure et palais de la famille Médicis454, extrêmement insigne par sa beauté et son ornementation, où l’on peut voir une énorme et riche quantité de statues d’une antiquité, d’un art et d’une élégance étonnants, qui témoignent d’une variété de choix fort plaisante455. On conserve dans cette demeure les Pandectes dites pisanes qui sont les plus anciennes de toutes et ont servi de modèle authentique et original, comme tout le monde le pense, car pratiquement tous les volumes de notre temps ont été corrigés d’après leur texte456.
184On peut voir à quelques pas de l’enceinte même de la ville les os réunis et jointifs d’un poisson d’une taille inhabituelle et étonnante : on estime qu’il s’agit d’une baleine capturée dans le passé en mer Méditerranée457.
185Enfin, il ne faut pas oublier de mentionner le château qu’on appelle la Citadelle : fameux par sa taille et ses défenses et construit au temps de la liberté des Florentins, il fut ensuite fort puissamment équipé, à grands frais et au milieu de l’extrême hostilité du peuple de Florence, par Alexandre de Médicis, neveu du pape Clément VII, revêtu par l’empereur Charles Quint du titre de duc458.
186À présent Cosme de Médicis, le successeur d’Alexandre, construit au prix d’un labeur continuel et quotidien, sur une colline escarpée proche de la ville, à partir d’une communauté monastique, un château ceint d’un mur très puissant, ouvrage de fortification non négligeable459.
Itinéraire de Florence à Bologne
187Quand on s’éloigne des murs de Florence, apparaît la vallée Pescia qui tire son nom, semble-t-il, de la rivière Pescia qui la traverse460 ; on emprunte l’itinéraire suivant :
De Florence à Lastra, il y a | 6 milles |
À Montelupo | 6 |
À Ponte Ormo | 3 |
À Empoli, un bourg très fortifié461 | 1 |
À la Scala462 | 4 |
188Dans cette région se trouve un bourg avec sa forteresse, situé sur un rocher très élevé, qui se nomme San Miniato al Tedesco et a été construit par des Allemands, comme semble l’indiquer son surnom (les Italiens appellent en effet les Allemands Tedeschi), sous le règne de Didier, roi des Lombards463, alors que, quelques siècles plus tard, l’empereur Frédéric II allait édifier le château que l’on peut encore voir464.
189De la Scala à Ponte di Era g
190Ce bourg, doit-on penser, tire son nom du pont qui traverse la rivière Era. Il paraît avoir été auréolé d’une couronne ou rangée de murs et de remparts465 par Petro Strozzi à l’approche de la guerre contre Sienne466, surtout connue des Italiens par la bataille remportée par les Florentins sur les Pisans au cours de laquelle succombèrent 3 000 de ces derniers467.
De Ponte di Era à Cascina | 4 |
À Pise | 7 |
191Pise, située à 2000 pas du littoral méditerranéen, est à la fois divisée et arrosée par l’Arno et l’Auser ou Esaro, aujourd’hui appelé le Serchio468. La ville est noble par l’âge car jadis elle compta au nombre des douze cités étrusques469 ; elle fut dans le passé très fameuse pour sa puissance, ses entreprises et son extrême richesse. Elle soutint en effet de grandes guerres, soumit de nombreuses provinces et royaumes470 et les historiens nous ont appris que le royaume de Sardaigne471 et même Carthage s’étaient soumis à son empire472. Aujourd’hui, c’est étonnant à dire, elle qui était autrefois maîtresse de nombreux peuples, elle a été contrainte de se plier au pouvoir des Florentins473. Les Pisans supportant mal cette domination, presque toute la noblesse a aussitôt quitté la ville et s’est exilée volontairement en différents endroits474. C’est pourquoi la plus grande partie de la ville paraît dépeuplée et vide d’habitants, alors qu’on peut contempler partout des édifices de briques d’une splendeur non négligeable475.
192Enfin elle s’enorgueillit d’une très célèbre université dont le collège est fort remarquable par son admirable beauté et l’élégance de son architecture476.
193La cathédrale, insigne grâce à ses portes de bronze d’un art et d’une beauté admirables477, suffirait à elle seule à démontrer l’ancienne splendeur et la richesse des Pisans. L’empereur Henri VII y est enterré avec l’épitaphe suivante :
Hoc in sarcophago non quidem spernendo Henrici olim Lucembergensis (sic pro : Lucenburgensis) comitis. post hæc (sic pro : posthec) septimi ejus nominis Romanorum Imperatoris ossa continentur, quœ secundo post ejus fatum anno, videlicet M. CCC. XV. (sic) die vero XXV Sextilis, Pisas translata, summo cum honore. funere, hoc inphano ad hu(n)c usque diem collocata permansere478.
194On conserve également dans la même église, à ce qu’on dit, les cendres de Gamaliel et Nicodème qui sont mentionnés dans l’Écriture : elles sont contenues dans un monument de marbre fort somptueux479.
195Se rattache à cette église une tour de marbre en spirale, d’un art et d’une architecture admirables, par Hercule : elle a été fondée par un procédé assez habile pour que, alors qu’elle possède une structure très solide, elle paraisse menacer ruine, sa masse s’affaissant de travers et s’inclinant, et pourtant on ne peut ressentir en aucune manière à l’intérieur de la tour l’artifice permettant son inclinaison480.
196De l’autre côté de la cathédrale, une petite église ronde d’une insigne beauté est consacrée à saint Jean Baptiste : on y voit un très bel arrangement de sculptures fort habiles en albâtre481.
197En un lieu proche de là, on peut voir un cimetière contigu avec un portique et des parois de marbre ; il est très élégant et on le nomme le Campo Santo482, pour la raison suivante : sous le règne de l’empereur Frédéric Barberousse, cinquante trirèmes (galères) pisanes étaient allées aider à récupérer le royaume de Jérusalem, mais l’entreprise avait échoué, l’empereur ayant été englouti par les tourbillons d’un fleuve où il se baignait alors qu’il faisait une chaleur accablante. On remplit donc quelques trirèmes de terre du royaume de Judée qu’on appelle terre sainte, et on rentra à Pise ; on en remplit cet endroit et l’on prit l’habitude ensuite d’y enterrer les corps de la noblesse pisane décédée. On rapporte que le pouvoir naturel de cette terre est tel qu’elle peut consumer en 24 heures un corps humain et le transformer en ellemême483. Le médecin insigne Curtius est y enterré dans un très beau monument de marbre élevé par Cosme, duc de Florence484.
198Et au même endroit repose le jurisconsulte Decius avec l’épitaphe suivante :
Philippus Decius, sive de Dexio Mediolanensis jureconsultus celebri fama notissimus, cum primum locum studii in jure canonico vel civili tenuisset Pisis, Senœ (sic pro : Senis), Florentiæ, Paduœ, Papiœ, et demum ultra montes in Gallia, revocatus in Italiam ab excelsa Florent(inorum) Repub(lica) postea que (sic pro : quam) stipendium, 1500 aureorum in auro pro lectura consecutus fuisset, de morte cogitans, hoc sepulchrum sibifabricari curavit, ne posteris suis crederet485
199Dans le même cimetière on voit l’image équestre486 du très courageux guerrier Uguccione Fagio487 : Jovius, dans son livre De viris illustribus en parle488, et debout à ses côtés Castruccio, élevant un faucon sur son poing gauche, le tout peint au naturel de couleurs précieuses489.
200Chez les moines en cagoule de l’ordre des Augustins490 est enterré Jean, le petit-fils de l’empereur Rodolphe qui avait tué son oncle paternel, l’empereur Albert491.
201On peut voir aussi dans la ville une forteresse très puissante au bord de l’Arno, que le peuple a coutume d’appeler la Citadelle492.
De Pise à Lucques | 10 |
202Lucques apparaît une fois qu’on a passé l’Esaro ; c’est une ville insigne par le charme et l’élégance de ses édifices, mais aussi à cause de ses productions, principalement des vêtements de soie493. Elle est surtout connue pour avoir défendu pieusement sa liberté il y a bien des années de cela, ce à quoi, au grand dam de leurs citoyens, parviennent peu de villes d’Italie494. Son apparence n’est pas négligeable, avec sa couronne de murs, ses larges fossés et ses puissantes levées495.
203Elle possède aussi une cathédrale d’une taille et d’une beauté remarquables496.
204Les habitants de Lucques ont décrété l’érection d’une statue équestre à Nicolas Piccinino, le très puissant et attentif général de leur armée. Comme on ne put mettre en place une statue de bronze, on peut voir aujourd’hui sur la place une peinture intacte497.
205De Lucques à Pescia 10 Cette belle bourgade semble tirer son nom de la rivière Pescia498.
De Pescia à Burgo | 2 |
À Pistoia | 8 |
206Pistoia, en latin Pistoria499, est une ville d’une taille peu commune qui dépend aujourd’hui du duc de Florence, mais elle est dépourvue de richesse à la suite des soulèvements et des discordes intestines de ceux qui l’ont fait périr de façon étonnante, conformément au sort commun et lamentable des villes d’Italie, comme on l’a souvent dit500.
207Dans la cathédrale501, on voit un autel consacré ou, comme on dit, un altare, qui est recouvert et incrusté de lames d’argent502 : il est remarquable par sa splendeur et son prix peu commun.
208La ville de Pistoia passée, apparaissent aussitôt les hauteurs de l’Apennin dont on dit qu’elles séparent l’Étrurie de la Romagne. Ces lieux, qui sont en grande partie soumis au pouvoir du duc de Florence, ouvrent la route de Bologne. Cet itinéraire se caractérise par l’âpreté rocheuse effrayante des montagnes et des vallées d’une nature redoutable et c’est un chemin très pénible, comme je n’en ai jamais connu.503 Je vais en noter ici les étapes :
209Ce village est fameux dans toute l’Italie pour la noblesse de son vin qu’on appelle Moscatello508.
À Bologne | 10 |
210Nous avons traversé l’Apennin : à ses pieds, comme on l’a dit plus haut, est située la très célèbre cité de Bologne où nous sommes arrivés le 4 novembre. Harassés par les fatigues du voyage, nous avons consacré quelques jours à rendre visite à nos amis et à nous soigner.
211Quant à moi, je suis retourné à Venise par le chemin normal dont on a noté plus haut les étapes509, avec mes compagnons habituels510. Nous passâmes là beaucoup de jours ainsi qu’à Padoue pour nous procurer des chevaux et tout ce qui était nécessaire au voyage. J’ai quitté Padoue le 11 décembre 1554 pour regagner ma patrie, en compagnie de Maître Ernest de Rechenburg (sic)511 qui fut mon compagnon de route jusqu’à Breslau.
212Il n’est pas nécessaire de noter les étapes du voyage, car j’ai emprunté le même itinéraire que pour venir en Italie, par la Carinthie, la Styrie, l’Autriche et la Moravie, puis la Silésie et j’en ai indiqué plus haut la progression.
Notes de bas de page
1 Étymologie d’Ostie : “Le roi Ancus fit bâtir une ville à laquelle il donna le nom d’Ostie à cause de sa situation ; c’est comme si nous l’appelions en grec ‘Porte’, ou ‘Embouchure’” (DH 3.44).
2 Le site médiéval et moderne d’Ostie est situé immédiatement à l’est des vestiges de la colonie romaine, minée par l’ensablement du port du Tibre au ve siècle, la malaria puis par l’invasion des Vandales. L’implantation d’un borgo (Gregoriopolis) au Moyen Âge est due au pape Grégoire IV (827-844), qui y installa une garnison pour surveiller les incursions sarrasines.
3 La redécouverte du site antique commence surtout à la Renaissance (Bignamini 2001, 42). Des tronçons de l’aqueduc conduisant l’eau des monts Albains étaient encore visibles au xvie siècle le long de la via Ostiense (cf. le plan d’Eufrosino de la Volpaia de 1547) [Ricciardi & Scrinari 1996, fig. 125 ; ils sont mentionnés par Pie II : Cloulas & Castiglione Minischetti, éd. 2001, livre XI, 389-390]. Près des murailles de la ville se voient encore des restes de piliers de l’aqua Traiana (Schmolder 2001, 101 et fig. 2).
4 La Rocca a été construite par Baccio Pontelli entre 1483 et 1486, et terminée en 1487 par Giuliano da Sangallo, sous Sixte IV d’abord, puis pour le futur Jules II, qui n’était encore que le cardinal Giuliano della Rovere (Guidoni Marino 1983, 54 et fig. 94). Le donjon (dit torre Boacciana) remonte, quant à lui à 1420, sous Martin V [Pie II : Cloulas & Castiglione Minischetti, éd. 2001, loc. cit.].
5 Toute la côte du Latium était marécageuse et la malaria y faisait des ravages. La mère de saint Augustin, Monique, en fut atteinte et y mourut en 387 (Sallares 2002, 86 ; cf. aussi Chevallier 1986, 34-36).
6 Erreur : Antium est la ville actuelle d’Anzio, sur le littoral tyrrhénien certes, mais à quelque 40 km au sud-est d’Ostie.
7 Le port artificiel d’Ostie s’avérant trop dangereux, l’empereur Trajan fit procéder au creusement d’un nouveau port, entre 106 et 113 : il avait la forme d’un immense bassin hexagonal de 32 ha, encore parfaitement visible aujourd’hui, bien que comblé (Chevallier 1986, 122-123, pl. XXVI et fig. 27 ; Coarelli 1994, 325 ; Pavolini 2002, 176-179).
8 C’est en 42 que l’empereur Claude avait fait creuser le premier port artificiel d’Ostie, à deux milles au nord des bouches du Tibre. Sa superficie était de 150 ha. Il fut sans doute terminé sous Néron, vers 64 (Coarelli 1994, loc. cit. ; Pavolini 2002, 175-176 et 179-180).
9 C’est l’actuel Fiumicino, bras artificiel du delta du Tibre, établi à l’emplacement de la Fossa Augusta ou Fossa Traiana (Pline le Jeune) (Chevallier 2001, 27 ; Verduchi 2001, 134).
10 La citation devrait commencer par : “Per tria autem passuum milia partim...” ; Suet., Claud., 20.4-5 : l’obélisque évoqué est celui du Vatican (actuellement place Saint-Pierre) : supra IV, n. 7. Le phare est connu par toutes sortes de documents, mosaïques, peintures, bas-reliefs, terres cuites, monnaies, et une vignette de la Table de Peutinger (Chevallier 1986, 121).
11 Il s’agit sans doute de blocs effectivement vus par R. (ou par une de ses sources ?). Peut-être s’agissait-il de CIL, XIV, 2023-2026 ? 2023 a été trouvée in Portu, effossa a Torlonia, porte NCCXII ; les trois autres ont été découvertes nel Porto d’Ostia ; 2024 est un sasso con questi sengni ФANLXX ; la 2025 est une columna sengniata XXXXIIII ; 2026 ultra simile XXXVII. Ces quatre blocs ne sont connus que par des notes de Balthasar Peruzzi, de Sienne (1481-1536), quas servat museum Florentinum. Pie II avait été lui aussi fortement intrigué à Porto (c’est le nom du site du port de Trajan, siège d’un évêché au Moyen Âge) par ces blocs inédits, comportant des nombres romains gravés sur les deux faces, et par les hypothèses qu’ils suscitaient (Weiss 1969, 107).
12 Ce monument a été très souvent décrit et dessiné [par exemple Le Pogge (JYB), 36] : il ne s’agit cependant pas du tombeau de Marc Antoine, mais de celui de M. Antonius Antius Lupus (cos 191) aujourd’hui disparu. Les gravures (dont une de Giuliano da Sangallo) nous montrent l’inscription (C/L, VI, 1343 = D. 1127) encadrée de six fasces. Le personnage a été exécuté en 191 par ordre de Commode (HA, Comm, 7.5), et réhabilité en 193 par Pertinax. Le monument date donc de ce règne. Selon Schäfer, il se dressait à environ 9 km en avant du débouché du Fosso di Tor di Valle (Schàfer 1989, 272-280 ; Schàfer 2003, 252, fig. 4).
13 Supra, IV, n. 539.
14 Supra, IV, n. 544.
15 Le pons Mammeus ou ponte Mammolo, par lequel la via Tiburtina franchissait l’Anio, devait son nom, selon la tradition, à Julia Mammæa, mère de l’empereur Sévère Alexandre. La mention est extraite d’Alberti 1553, 142r. Il a été rompu par les Français en 1849 (Quilici & Quilici Gigli 1996, 119-125, fig. 25-36).
16 Les quatre ponts sur l’Aniene (Anio) étaient le ponte Lucano, le ponte Mammolo, le ponte Nomentano et le ponte Salario.
17 Le pont restauré par Narsès est le pons Salarius, ou “pont du sel”, un très ancien pont – en bois à l’origine – qui permettait aux Sabins de faire transiter le sel des marais de l’embouchure du Tibre. Il se trouvait à 3, 5 km au nord de la porta Salaria. Transformé en ouvrage de défense contre les Barbares, il fut détruit en 547 par Totila et reconstruit en 565 par Narsès. En 1798, après la défaite de Napoléon à Aboukir, des troupes napolitaines occuperont quelque temps les États de l’Église. Lors des combats, le pont et ses deux inscriptions (CIL, VI, 1199a et b = D. 832) seront détruits (Quilici & Quilici Gigli 1996, 104-112, fig. 1-12). R. a recopié les inscriptions chez Alberti 1553 (foc. cit.) : ils sont liés par des erreurs communes (semp. Aug.Justiniano pp au lieu de semperJustiniano pp Aug ; XXXVIII au lieu de XXXVIIII ; destructum au lieu de distructum ; curvati au lieu de curbati) et par les mots de transition : posuitque carmina. Mais R. a oublié purgato fluminis alveo in meliorem statum quam quondam fuerat renovavit. Cette inscription se trouve, entre autres, chez l’anonyme d’Einsiedeln : Walser, éd. 1987, 64-65, no 1-2 (trad. avec commentaire) ; et Chytræus 1594, 52-53]. N.B. : Totila fut le dernier roi des Goths († juin 552). Sur la guerre de reconquête de l’Italie par Bélisaire et Narsès (dite guerre gothique) : Tate 2004, 773-806. La principale source est Procope.
18 Le pons Lucanus (à 6, 5 km à l’ouest de Tivoli) tire son nom de M. Plautius Lucanus, dont le nom figure sur un mausolée qui s’élève à proximité, sur la rive gauche de l’Anio. Le texte de l’inscription (CIL, XIV, 3608 = D. 986) a été extrait d’Alberti, qui l’avait lui-même relevé partiellement et en commettant beaucoup d’erreurs (Alberti 1553, loc. cit.). Voici le texte véritable des quinze premières lignes concernées : Ti(berio) Plautio M(arci)f(ilio) Ani(ensi tribu) / Silvano Æliano, / pontif(ici), sodali Aug(ustali), / III vir(o) a(uro) a(rgento) a(ere)f(lando)f(eriundo), q(uæstori) Ti(berii) Cœsaris, / legat(o) leg(ionis) V in Germania, / pr(ætori) urb(ano), legat(o) et comiti Claud(ii) / Cœsaris in Brittannia, consuli / pro co(n)s(uli) Asiœ, legat(o) pro prœt(ore) Mœsiœ / in qua plura quam centum mill(ia) / ex numero Transdanuvior(um) / ad prœstanda tributa cum coniugib(us) / ac liberis et principibus aut regibus suis / transduxit, motum orientem Sarmatar(um) / compressif, quamvis parte magna (sic pro : partem magnam) exercitus / ad expeditionem in Armeniam misisset (...). Le 1er consulat (suffect) de Plautius date de 45, un second de 74. Les transferts de barbares se sont échelonnés entre 57 et 67, sous le règne de Néron (Demougeot 1969, 573-574, qui le prénomme errore Titus : trad. avec bibl.).
19 Le mausolée cylindrique des Plautii (entre 10 et 14 p.C.) a été maintes fois reproduit. Outre l’inscription précédente, il porte encore CIL, XIV, 3605-3607 (Aurigemma 1961, 34, fig. 10 ; Keppie 1991, 103, fig. 64 ; Coarelli 1994, p. 289 ; sur les Plautii : Torelli 1990).
20 Les monti Tiburtini sont un ensemble de collines sub-apenniniques qui s’étendent du sud-ouest au nord-est sur une longueur d’environ 12 km et sont limitées au nord par l’Aniene, au sud par les monti Prenestini et à l’est par les monti Ruffi.
21 Nous n’avons pas trouvé d’où provient ce terme. Ce site correspond aux modernes Acque Albule, une station thermale située à 8 km de Tivoli et 20 km de Rome (Bagni di Tivoli). D’abondantes sources d’eau sulfureuse carbonique – vestiges d’une activité volcanique – alimentent des petits lacs d’eau blanchâtre (d’où le qualificatif albulœ) sur lesquels flottent des îlots (Isole Natanti) composés de concrétions sulfuriques, la plupart couverts de végétation. Un oracle de Faunus y aurait été rendu dans une grotte par une nymphe ou sibylle nommée Albunea (cf. Virgile, note suivante), mais il est possible que ce culte se rapporte à Tibur. Les vestiges de nombreux établissements antiques ont été repérés aux alentours. Ces eaux, souveraines pour traiter les blessures, ont été célébrées par Vitruve, Stace, Martial, Strabon, Pausanias [Alberti 1553, 133V ; Nibby 1819, 105-109 ; Desjardins 1854, 62-65 ; Hülsen 1895, col. 295-296 ; Weinstock 1936, col. 834 ; Audebert (AO) I, 278-279 ; Chevallier 1986, 52, n. 6 ; Coarelli 1994, 287].
22 Verg., Aen., 7.82-84 : l’Albunea du poète était située à la solfatara d’Altieri, près de Monte di Torre Tignosa, à l’est de Pratica (Lavinium) (Desjardins 1854, 84).
23 Mart. 1.13 : Albula était la nymphe présidant aux Aquœ Albulœ.
24 Verg., Aen., 7.630 : Tiburque superbum.
25 Strabon ne dit pas cela (l’erreur vient d’Alberti 1553, 133r), mais qu’il existe à Tibur un sanctuaire d’Héraclès (Str. 5.3.11) : Τίβουρα μέν, ἦ τὸ ‘Ηράκλειον. La formule Herculeum Tibur se trouve en revanche chez Martial (Mart. 6.62.1) et Properce (Prop. 2.32.5, cf. 4.7.82). Hercule y est surnommé Invictus ou Victor, mais également Victor Certencinus, Domesticus et Saxanus (Haug 1912, col. 584). Le temple rond, situé sur l’acropole de Tibur, était souvent appelé, à cause de sa forme, “temple de Vesta” [il est décrit et dessiné sous ce nom par Palladio (FC), 384-388, pl. 182-185]. Il ne s’agit ni d’un sanctuaire de Vesta, ni d’un temple d’Hercule, mais, selon Coarelli, d’un édifice consacré à la Sibylle tiburtine dite Albunea (confondue par erreur avec Albula) et datant de la fin du iie s. a.C. C’est un temple périptère corinthien dont la péristasis comporte 18 colonnes (et non pas 20) (Coarelli 1994, 309).
26 L’architrave est en effet décorée d’une frise de bucranes hellénistiques non décharnés, associés à des guirlandes et à des patères.
27 L’inscription consacrée à Hercules Saxanus (CIL, XIV 3543 = D. 3452) est la seule de ce genre découverte en Italie. Elle était insérée dans “le mur de la place”, c’est-à-dire du forum (act. piazza dell’Olmo) (Weinstock 1936, col. 839). Son texte est le suivant : Herculi Saxano sacrum Ser(vius) Sulpicius Trophimus œdem, zothecam, culinam pecunia sua a solo restituit idemque dedicavit k. Decembr. L(ucio) Turpilio Dextro, M(arco) Mœcio Rufo co(n)s(ulibus) Eutychus ser(vus) peragendum curavit.
28 Ce sont probablement les trois statues égyptisantes de granit gris foncé provenant de la Villa de Cassius à Carciano, proche de la villa Hadriana, sans doute destinées à des fins décoratives. Ce sont de petites figures de souverains (ou de Zeus Casios de Péluse ?) debout, coiffés du nemes à urœus, du cimier hemhem, les reins ceints du pagne shenti, imitations de l’époque d’Hadrien. La seule difficulté tient au fait que ces statues (aujourd’hui conservées au Museo Gregoriano Egizio) sont censées avoir été trouvées dans la Villa de Cassius en 1773-1774. Faut-il imaginer que telle n’était pas leur origine première ? (Malaise 1972, 100, no 4-6 ; Roullet 1972, 105, no 163-165, fig. 189-191 ; Yoyotte & Chuvin 1988).
29 Anien (-enis) est un autre nom de l’Anio (-onis), l’actuel Aniene (ou Teverone). Inutile de développer sur les célèbres chutes de Tivoli.
30 P. Manilius Vopiscus est un sénateur de l’époque de Domitien qui possédait une villa sur l’Anio près de Tivoli : ses vestiges sont conservés sous l’actuelle villa Gregoriana, de l’autre côté du ravin des cascades de Tivoli. Cette villa est longuement décrite par Stace (Silv., 1.3) (Coarelli 1994, 310).
31 L’évocation de la villa d’Hadrien est certes emphatique, mais bien sommaire (autant d’ailleurs que celle d’Alberti 1553, 133v). Nous ne savons pas exactement à quoi correspondent la “porte” et “l’entrée bâtie en forme d’arc de triomphe.” Des fouilles y furent entreprises par le cardinal Hippolyte d’Este, gouverneur de Tivoli de 1549 à 1572, sous la direction de Pirro Ligorio. Les statues découvertes vinrent orner la villa d’Este à partir de 1560, mais aussi la villa Madama, les jardins Farnèse, le palais Carafa (Kähler 1950, passim ; Stierlin 1984, 112-199 ; Yoyotte & Chuvin 1988 ; Lavagne 2002 ; Vagenheim 2002).
32 Sur cette sculpture et Tune des deux suivantes, R. ajoute des détails à la sèche mention d’Alberti (loc. cit.) : la selva interno quella (fontana) scendendo da Tioli, sotto quello, non pero molto discosto, appaiono moite antichitati di marmo, fra le quali, evi un Lione, & un Cavallo talmente azzuffati co’crini, che paiano di punto in punto voter combatiere insieme. Ce qu’il considère comme “une statue de l’empereur Hadrien à cheval, le visage encore intact” pourrait correspondre au relief d’un autel de marbre conservé au sommet des ruines d’une tombe monumentale, un peu au-delà du ponte Lucano. Il représente un jeune homme nu (un Dioscure, ou un personnage héroïsé), tenant un cheval par la bride : cf. la gravure de Luigi Rossini (1826) (reproduite dans Aurigemma 1961, 35, fig. 12, comment, p. 33 ; Coarelli 1994, 289).
33 Le “lion de marbre” (d’origine également funéraire) est aujourd’hui conservé dans l’escalier du palazzo Barberini. Aurigemma précise : si credeva ornasse uno dei piedritti dell’ingresso antico di Villa Adriana (Aurigemma 1961, 34, fig. 11, comment, p. 33).
34 La troisième sculpture est plus énigmatique. Cet “Augurium” doit correspondre au bas-relief de la villa Albani où sont représentés deux personnages, un acteur et un jeune garçon qui lui tend un masque de Silène ; entre les deux, se trouve une tablette portant un cercle et un oiseau. C’est sans doute ce dernier détail qui est à l’origine de l’interprétation de R. (Aurigemma 1961, 33 ; Coarelli 1994, loc. cit.).
35 Spartien est le pseudonyme de l’auteur de la vita Hadriani dans le recueil de l’Histoire Auguste. L’évocation de la villa Hadriana (HA Hadr., 26.5) n’est pas aussi ample que ne l’affirme R.
36 Peuple de l’Apennin, à l’est de Præneste.
37 Nouveau nom des Èques : municipe au nord-est de Rome, dans l’Apennin.
38 Peuple installé sur la rive orientale du lac Fucin, autour de Marruvium.
39 Gabii, cité du Latium, à 18 km à l’est de Rome.
40 Les Osques étaient un peuple de Campanie (Capoue) et des montagnes environnantes.
41 Peuple installé au sud des Herniques, entre Latium et Samnium.
42 Actuel Palestrina, dans le Latium, à l’est de Rome.
43 Sans doute une erreur pour Falerii. Il existe deux communautés de ce nom : Falerii Veteres, actuelle Civitacastellana, détruite par les Romains en 241 a.C. ; et FaleriiNovi, dans le Latium (prov. de Viterbe), créée par les anciens habitants.
44 Actuel Frascati, dans les monts Albains.
45 Ville des Volsques.
46 Aujourd’hui Veroli (prov. de Frosinone), ancienne ville des Herniques.
47 Actuel Ferentino (prov. de Frosinone), ancienne ville des Herniques.
48 Actuel Anagni (prov. de Frosinone).
49 Ariccia, ville du Latium, dans les monts Albains.
50 Antique Alba Longa, actuel Albano Laziale.
51 Actuel Piperno (prov. de Latina), ville des Volsques.
52 Actuel Velletri (prov. de Rome), ancienne ville volsque, dans les monts Albains.
53 Formiœ, aujourd’hui Mola di Gasta (faubourg de Gæta, prov de Latina), ancienne ville volsque.
54 Ville du Latium (prov. de Latina).
55 Gæta (prov. de Latina) – mais elle n’existait pas dans l’Antiquité !
56 L’antique Tarracina, actuelle Terracina (prov. de Latina), sur le littoral.
57 Les vestiges de Lavinium sont situés à Tor Vaianica, près de Pratica di Mare, commune de Pomezia (prov. de Rome). Les Laurentes étaient un peuple mythique du Latium, dont Énée rechercha l’alliance. Lavinium est censée avoir succédé aux Laurentes.
58 Labicum ou Labici était une communauté du Latium située dans la vallée du Sacco, entre Rome, Tusculum et Præneste (localisation non connue : Monte Compatri ?).
59 En fait la mention du Labicanum, l’un des meilleurs vins, qui pouvait vieillir dix ans, se trouve chez Athénée (Ath. Deipnosophistes, 1.24 citant Galien).
60 Str. 5.3.10 : Άναγνία, πόλις αξιόλογος (“la ville importante d’Anagnia”).
61 Verg., Aen., 7.684.
62 Frusino (-onis), ville des Volsques (act. Frosinone) (Liv. 27.37.5 ; Juv. 3.224).
63 Sil. 8.398.
64 Le Cosa tirerait son nom du latin Aquosa. Il traverse Frosinone en réalité.
65 La Rocca d’Arce (prov. de Frosinone), “chiave del Regno (di Napoli)”, à l’emplacement de l’antique Arx Volscorum (ou Fregellana).
66 Alberti situait Fregellœ (anc. ville des Volsques) à Pontecorvo (prov. de Frosinone), à la suite de Biondo et du Volaterrano (Raffaele Maffei, 1451-1522) (Alberti 1553, 125V). En réalité, le site antique était proche de Ceprano, au sud-est (Coarelli 1984, 205-206 et 207, plan).
67 Fratta (ou Fratte) se nomme Ausonia (prov. de Frosinone) depuis 1862.
68 Traietto (ou Traetto), situé au passage du Garigliano, a récupéré le nom de Minturno en 1879.
69 Le site antique de Minturnœ se trouve près de Traietto (Alberti 1553, loc. cit.). La colonie a été fondée en 296 a.C. et la cité fut détruite par les Lombards vers la fin du vie siècle [Coarelli 1984, 368-380 ; Coarelli, dir. 1989].
70 En fait, ce que mentionnaient les voyageurs correspondait aux ruines du théâtre [Alberti 1553, loc. cit. : Anche ai presente appareno i vestigi d’essa, de i quali é un Teatro quasi intiero, con un superbo Aqueduto ; Coarelli 1984, 373, fig. ; il existait bien un amphithéâtre (époque de Tibère ?), extérieur à la ville, reconnaissable à la concavité du terrain (Comfort 1976 ; Coarelli 1984, 371 ; Golvin 1988, t.I, 251-252)].
71 Aqueduc d’époque augustéenne, dont le trajet est visible par une succession d’arcades, sur 11 km, depuis Capo d’Acqua, au pied de la montagne de Spigno Saturnia (Coarelli 1984, 371 ; Adam 1984, 145, fig· 309)·
72 Le Garigliano est le nom moderne du Liris. Il faut lire Claninus et Glanicus. Le passage est extrait d’Alberti 1553, 144v ; voir aussi Audebert (AO) II, 119]. Nous ne savons pas d’où Alberti tire le nom Claninus ; quant à Glanicus, il se trouve en effet chez Pline (Plin., Nat., 3.59), mais dans certains manuscrits seulement : on préfère la forme Clanis ou Glanis (colonia Minturnœ Liri amne divisa, Glani olim appellato).
73 Mart. 13.83.1-2.
74 Ausonia est le nom poétique de l’Italie (Verg., Aen., 10.54) : la cité évoquée était Ausona, chez les Aurunques, conquise par Rome lors de la guerre de 314 a.C., dite “guerre des Ausones (= Aurunci)”, avec deux autres urbes (Mintumœ et Vescia) (Liv. 9.25.4-5). Ausona a été remplacée par la colonie latine de Suessa Aurunca en 313 a.C. (Compatangelo 1999, 23 et n. 14). Voir note suivante.
75 Vestina vient d’une mauvaise lecture – par Alberti, entre autres auteurs – de Vescina (Alberti 1553, 144v). Le nom de l’urbs antique était Vescia : c’était un des chefs-lieux de la nation aurunque (voir note précédente). Selon Coarelli, elle se serait trouvée près de Castelforte (prov. de Latina), et les monti Vescini correspondraient aux monts de SS. Cosma e Damiano et de Castelforte (Coarelli 1989a ; Compatangelo 1999, loc. cit.).
76 Alberti évoque, allafoce del Garigliano... la honorevole città diFeretale, hora picciola contrada (ailleurs : il Garigliano... mette capo nelMare, alla contrada Frentale) (Alberti 1553, 158r et 145r). S’agirait-il d’une latinisation de Fratta (supra, n. 67) ?
77 La Terre de Labour (terra di Lavoro) tire son nom des Liburi ou Leborini de la région d’Aversa. Au Moyen Âge, ce fut le nom de la principauté de Capoue. Dans une acception plus large, c’est la Campanie tout entière. On a joué aussi évidemment sur la proximité avec le mot labor. Benedetto di Falco écrivait vers 1535 que “la Terra di Lavoro était la partie la plus agréable et la plus belle de la belle Italie” (Descrittione dei luoghi antichi di Napoli e del suo amenissimo distretto, Naples, s.d.).
78 Plin., Nat., 3.60 : hincfelix illa Campania.
79 La fertilité et la douceur de la Campania felix étaient vantées par tous les auteurs classiques (Montone 2010). Le passage de Tite-Live évoqué concerne la reddition de Capoue (Liv. 26.16.7) : “comme on savait que le terrain était le plus fertile de l’Italie, la ville fut conservée pour servir de demeure aux cultivateurs."
80 Cic, Leg. agr., 2.76.
81 Le mons Gaurus est une montagne de Campanie renommée pour ses vins (Cic., Leg. agr., 2.36), mais c’est un volcan qui se trouve dans les Champs Phlégréens. L’énumération “Gaurus, Falerne, Massique, Vésuve” vient d’ailleurs, dans cet ordre même, de Florus (Flor. 1.11.3-6 : Hic amictivitibus montes, Gaurus, Falernus, Massicus, et pulcherrimus omnium Vesuvius) et est probablement à l’origine de l’identification des trois premiers monts entre eux, si bien que le Massicus est souvent appelé à l’époque moderne le monte Cerro ou Garro (par ex. Alberti 1553, 144v).
82 L’ager Falernus était compris entre le Volturne, le Massicus, le territoire de Cales et le campus Stellatis.
83 Le mons Massicus est une montagne de Campanie, célèbre pour son vin (monte Massico, 813 m) (Cic., Leg. agr., 2.66 ; Liv. 22.14). Il s’étend de Sinuessa à l’angle nord-ouest de l’ager Falemus et correspond au volcan éteint de Roccamonfina.
84 Mondragone (prov. de Casería), près du littoral : la rocca a été construite entre le viiie et le ixe siècle par des réfugiés de Sinuessa, au sommet du monte Petrino (c. 500 m d’alt.).
85 Les ruines de Sinuessa, ville-frontière du Latium antique (Cic., Att., 9.16.1 ; Liv. 10.21.8 ; Plin., Nat., 3.59), se trouvent à 4 km environ au nord de Mondragone. Il y a peu de vestiges : un mur en opus pseudo-polygonal, un aqueduc, un port submergé et un amphithéâtre (De Caro & Greco 1981, 227-228 ; Golvin 1988, t.I, 251).
86 Le nouveau château de Mondragone a été bâti au pied de la montagne par les ducs de Carafa vers le milieu du xve siècle et s’est enrichi d’un magnifique jardin (aujourd’hui détruit). Les Carafa étaient princes de Stigliano et ducs de Rocca Mondragone : Antonio Carafa (1511-1576) ; Antonio (II) Carafa (c. 1542-1578). Nicolas Audebert ne fait qu’évoquer le jardin : “Contre la porte de ce bourg y a un beau jardin plain d’Orangers en merveilleuse quantité, et en iceluy quelques bassins de fontaines, et se nomme Il Giardino del Principe, lequel on a loysir de veoir attendant le souper, parce que l’on arrive d’heure à cause de la traicte qui est petite” [Audebert (AO) II, 121].
87 Supra, n. 81. Il y a probablement eu contamination mons Gaurus / mons Garus.
88 Gallicanus apparaît chez Cicéron (Cic., Quinct., 25) sous la forme Gallicanus saltus. Il est possible que cela corresponde au Callicula mons situé à l’entrée du terroire de Falerne, à l’est de Cales (Liv. 22.15.4).
89 Verg., G., 2.143.
90 Ancienne tour de défense (torre d’avviso) du littoral contre les Sarrasins, construite par les Aragonais en 1421 et vendue en 1467 par Ferrante d’Aragon à la cité d’Aversa ; on considérait qu’elle avait été construite avec des restes du tombeau de Scipion l’Africain. En 1532, Pedro de Toledo l’a fait renforcer, sur l’ordre de Charles Quint.
91 Le Clanius (Verg., G., 2.225) a vu son cours drainé à la fin du xvie siècle par les Regi Lagni.
92 Le lago Patria se trouve sur la commune de Castel Volturno (prov. de Casería).
93 Extrait d’Alberti 1553, 151r. La première partie de la citation est Sil. 7.278 (“les marais de Literne”) ; la seconde, Sil. 8.530-531 (“Literne et ses étangs marécageux”).
94 Liternum (auj. Literno) était un port de Campanie ; la cité (une colonie de vétérans) a été fondée par les Romains en 194 a.C. sur la rive sud du lago Patria (De Caro 2002, 120-121). Il reste des vestiges d’un temple, d’une basilique, d’un théâtre et d’un amphithéâtre. La ville a été détruite par les Vandales en 455 (De Caro & Greco 1981, 90-91).
95 Scipion l’Africain, retiré de Rome, passa à Liternum ses dernières années jusqu’à sa mort en 183 (De Caro & Greco 1981, 90).
96 Ces vers, écrits sur la tombe de Scipion, et souvent relevés, sont extraits d’Alberti 1553, 151v, avec quelques erreurs (voir notre transcription) : “Après avoir vaincu Hannibal, pris Carthage et accru l’empire, tu tiens ces ossements cachés sous le marbre, toi à qui ni l’Europe, ni l’Afrique n’ont pu résister. Voyez comme elle est minuscule, l’urne qui contient les hauts faits d’un homme !” (trad. J.H.) (Meyer & Burmann 1835, 191 et 237, no 724). Sur le tombeau de Liternum : Liv. 38.56.
97 & un’altra (sepoltura) presse Roma fuori ta porta Capena, vicino alle sepolture de gli Scipioni (Alberti 1553, loc cit., long développement : 151r-152r ; cf. De Caro 2002, 120). Tombeaux de la porte Capène : CIL, VI, 1288.
98 Val. Max. 5.3.26 (en partie repris de Liv. 38.53.8). La retraite de Scipion ne fut pas vraiment un exil. De nombreuses sources antiques ont évoqué l’image du grand homme résigné et déchu, thème qui est devenu un lieu commun hagiographique. Scipion a exprimé clairement sa volonté que son corps ne soit pas ramené à Rome [trad. Adam (éd. et trad.), CUF, 1994, apud lib. XXXIX, 52, 9 (p. 80) ; comment., p. 187-188, n. 8]. L’inscription, censée avoir figuré sur sa tombe, aurait donné le nom nouveau de Patria (Beloch 1879, 379).
99 Le Pausilippe (Posillipo) [fig. 1, no 1] est le promontoire du monte Vomero situé entre les golfes de Naples et de Pouzzoles, à 4, 5 km de Naples, dont le nom grec (Pausilypon) signifie “cessation de la tristesse” (“Sans-Souci” en quelque sorte...). Il est percé de deux tunnels, l’un, antique, dit “Grotte de Pausilippe” ou crypta Neapolitana [fig. 1, no 2], l’autre, moderne, datant de 1885.
100 L. Licinius Lucullus (117-56 a.C.) possédait plusieurs propriétés magnifiques autour de Naples et on a porté à son compte beaucoup de réalisations dans cette région, mais le tunnel dont il est ici question ne saurait lui être attribué (sur Lucullus et la Campanie : Jolivet 1987 ; la confusion vient d’une phrase de Plin. 9.54 : Lucullus exciso etiam monte juxta Neapolim majore impendio, quam villam exœdificaverat, euripum et maria admisit, qua de causa Magnus Pompeius Xerxen togatum eum appellabat). C’est Alberti, de toute évidence, qui a encore servi de modèle à notre Silésien : Et dice [Zenobio Acciaiuolo] che furono atcuni che difiero, che la fosse fatta da Lucio Lucullo, & altri da Βaβo, & piu oltre no(n) scrive. Μa ίο serei di opinione che la fosse stata opera di Cocceio, accostandomi alle parole di Strabone (Alberti 1553, 164r). Mais l’hésitation devait être courante, puisque Nicolas Audebert s’en fait aussi l’écho : “L’Autheur de ce merveilleux et admirable ouvrage est incertain, toutesfoys la plus commune opinion est que ce fust Lucullus que l’on dict qui trouva ja un aqueduct en cest endroict qui traversoit ceste montaigne, et que il le feist croistre jusques à servir de passage pour aller à Naples et eviter la peine de monter par dessus le mont du Pausilippe ; aultres l’attribuent à Coccius” [Audebert (AO) II, 127].
101 L. Cocceius Auctus, probablement un affranchi de L. Cocceius Nerva, était l’architecte du temple d’Auguste à Pouzzoles. Il a également œuvré au Portus Julius et construit le tunnel de Pouzzoles à Naples. Il était au service d’Octavien et d’Agrippa. Voir infra, n. 223.
102 En fait, Strabon nomme ce tunnel et ses semblables (Str. 5.4.5) διώρυξ (tranchée, canal) et δρυγμα (galerie souterraine). Mais R. doit traduire le Spelunca d’Alberti : spessa cavata net sasso nominata Gratta, & da Strabone Spelunca (Alberti 1553, 163v).
103 Sen., Ep., 57.1-2 : Nihil illo carcere longios, nihil illis facibus obscurius, quœ nobis prœstant, non ut per tenebras videamus, sed ut ipsas. Noter que les dimensions sont aussi extraites d’Alberti 1553, loc. cit.
104 Les deux extrémités de la galerie se nomment Piedigrotta (côté Naples) et Fuorigrotta (côté Pouzzoles). À la sortie se trouvait une église, Santa Maria del Paradiso [Audebert (AO) II, loc. cit.].
105 Nous n’avons rien trouvé chez Pline, mais Strabon en parle avec une certaine précision en 5.4.7 : “On y voit une galerie souterraine pratiquée dans la montagne entre Dicearchia [Pouzzoles] et Neapotis et exécutée comme celle de Cumes, c’est-à-dire qu’elle ménage sur une longueur de plusieurs stades une voie carrossable sur laquelle peuvent se croiser deux attelages. De plus, grâce à des fenêtres percées sur plusieurs points de l’extérieur de la montagne, la lumière du jour se répand dans tout le tunnel malgré sa grande profondeur” (trad. Lasserre, CUF).
106 Ce tunnel (grotta ou crypta neapolitana) doit être resitué dans le contexte des aménagements militaires effectués à l’époque d’Octavien-Auguste, afin de faciliter le lien entre Naples et le complexe portuaire occidental. La croyance populaire du Moyen Âge attribuait sa construction au “magicien” Virgile. Il mesure 705 m de long, pour une largeur moyenne de 4, 5 m, et une hauteur moyenne de 5 m. Il a été modifié fortement par les travaux d’Alphonse d’Aragon et des vice-rois espagnols et les lumina ont aujourd’hui totalement disparu (Beloch 1879, 84-85 ; Günther 1913, 15 sq. ; Maiuri 1949, 13-16 et fig. 3 ; D’Arms 1970, 230-231, no 45 ; Kirsten 1975, 163-164 ; Horn-Oncken 1978, 74 ; De Caro & Greco 1981, 34 ; Bodon 1997, 5-11).
107 La Vie de Virgile attribuée à Servius et probablement dérivée de “Donatus” était très diffusée aux xve xvie siècles (Alberti 1553, 164r cite Servius et non “Donatus”). Comme le grammairien du ive siècle (Vita Verg., 36 : Ossa ejus Neapolim translata sunt tumuloque condita qui est via Puteolana intra lapidem secundum ; Maiuri 1949, 9-13), Servius indique que les ossa du poète, mort en 19 a.C. à Brindisi, furent enterrés à quelque deux milles à l’extérieur de Naples et qu’il aurait composé lui-même le distique destiné à son tombeau [Hardie, éd. 1954, Vita Serviana, II, 42 sq. ; voir Trapp 1984, 2].
108 Un monastère royal de chanoines réguliers du Latran a été créé en 1353 à Piedigrotta à l’emplacement d’une église Santa Maria remontant au viiie siècle, qui fut entièrement reconstruite. Il comportait un cloître et un hôpital et bénéficia des dons de Jeanne Ière de Durazzo. Ce sanctuaire était particulièrement fréquenté par les marins (Corsicato 2006, 71-75).
109 Ce “tombeau de Virgile” [fig. 1, no 3], situé au-dessus de l’entrée de la crypta Neapolitana, était un columbarium de l’époque augustéenne, à base unique et tambour cylindrique, réalisé en opus cœmenticium revêtu d’un parement réticulé, et contenant 10 niches aménagées dans les parois (aucune n’est privilégiée). C’était donc une tombe collective, mais la tradition humaniste napolitaine l’a attribuée à Virgile. Tobias Fendt en a donné la première représentation réaliste (Fendt 1574, pl. 10). Sur ce tombeau illustre : Chytræus 1594, 94 ; Günther 1913, 201 sq. ; Maiuri 1949, 9-13, fig. 1-2 ; De Franciscis & Pane 1957, 12-14 ; Kirsten 1975, 164-165, fig. 9, 23 ; Michalski 1977, 146, fig. 38 ; Horn-Oncken 1978, 74, pl. 5 et 29.1 ; De Caro & Greco 1981, 33-34 ; Trapp 1984, passim). Tous les voyageurs sacrifiaient à ce pèlerinage humaniste par excellence [par exemple Audebert (AO) II, 128].
110 R. est le seul à parler de ce “cardinal espagnol”. Le fait est que l’inscription avait disparu (certains ont écrit : “enlevée par un Anglais”) (Chevallier 1984a, 445-446) ; c’est précisément en 1554 que les chanoines de Santa Maria di Piedigrotta la remplacèrent par un texte très similaire : Qui cineres ? tumuli hæc vestigia conditur olim / Ille hic qui cecinit pascua, rura, duces. Sur les avatars de l’une contenant les cendres du poète : Trapp 1984, passim.
111 Ce distique extrêmement connu serait l’œuvre de Virgile lui-même : “Mantoue m’a donné le jour, la Calabre [Brindisi] m’a enlevé, Parthénopè [Naples] me tient désormais. J’ai chanté les pâturages, les campagnes, les héros.” Ces derniers mots font allusion aux trois ouvrages majeurs de Virgile (Chevallier 1984a, 443).
112 Jacopo Sannazaro (1457 ou 1458-1530), dit Actius Sincerus, fut le grand poète de langue italienne et latine de la cour des Aragon de Naples. Il suivit Frédéric II en exil en France, de 1501 à 1504. Membre de l’Académie pontanienne, il est l’auteur, en latin, d’élégies, d’épigrammes, d’Eclogœ piscatoriaœ, du grand poème De Partu Virginis (1526) qui lui valut le surnom de “Virgile chrétien”, en italien d’un Arcadia (1502) qui devait exercer une influence considérable sur l’Europe baroque (Ternaux 1997).
113 En 1499, le roi Frédéric lui a offert, sur le rivage proche du Pausilippe, la terre de Mergellina [fig. 1, no 4], qu’il a chantée dans ses poèmes et où il fit construire une villa, une tour, et une église double dans la paroi de tuf. La villa fut rasée par Philibert d’Orange en 1528.
114 Le De Partu Virginis (“L’accouchement de la Vierge”), grand poème en latin, a été édité pour la première fois en 1526 à Naples (éd. moderne par Charles Fantazzi et Alessandro Perosa, Florence, Olschki, 1988).
115 La chapelle construite par Sannazaro à Mergellina et dédiée à la Vierge (Santa Maria del Parto) et à San Nazaro, a été donnée par le poète, en 1529, avec la propriété, aux frères de Santa Maria dei Servi avec pour mission d’y construire un tombeau pour lui (Alberti 1553, 164V ; Croce 1892 ; Thoenes & Lorenz 1971, 215 ; Horn-Oncken 1978, 73 ; Deramaix & Laschke 1992, fig. 4-6).
116 L’épitaphe est l’œuvre de Pietro Bembo (1470-1547) : “Offre des fleurs à ces cendres sacrées : ci-gît Sincerus, si proche de Maro [Virgile] par sa Muse, comme par son tombeau. Il a vécu soixante-douze ans et est mort en 1530” (trad. B. Laschke) (Fendt 1574, pl. 11 ; Chytræus 1594, 93 ; Thoenes & Lorenz 1971, 215 sq., fig. à la p. 208 ; Horn-Oncken 1978, 74 ; Trapp 1984, 13 ; Ternaux 1997, 712). Le magnifique tombeau du poète, au décor entièrement païen (statues d’Apollon et Minerve), est dû à Giovanni Angelo Montorsoli assisté de Bartolomeo Ammannati et Francesco del Tadda, en 1537 [Fendt 1574, pl. 11 ; Audebert (AO) II, 129 ; Michalski 1977, 130-131 (fig. 28-29) ; Marin et al. 2010, 178 (fig.) ; étude complète du tombeau : Laschke 2002].
117 Supra, η. 106.
118 Du Posillipo à Naples, les quartiers de Mergellina et Chiaia [fig. 1, no 5] constituent une reviera qui fut de tout temps particulièrement huppée.
119 Fille d’Acheloos ou d’Eumelos, le héros poliade de Naples, elle s’est précipitée dans la mer et bénéficie d’un culte à Naples : Von Geisau 1975.
120 Sil. 12.33-36.
121 Ce passage de la flotte d’Andrea Doria par Naples ne semble pas attesté par ailleurs. Voir supra, III, n. 115.
122 Ici s’exprime évidemment l’admiration de l’homme du Nord pour cette ville environnée d’une végétation exubérante composée d’essences qui poussent en pleine terre, alors qu’en Europe centrale on commençait seulement à les cultiver dans des caisses et sous serres à la saison froide.
123 La phrase est inspirée d’Alberti 1553, 165v. C’était un lieu commun : Naples est Napoli la Gentile ou Napoli Nobilissima, c’est à dire “Naples la noble”, mais aussi “Naples la civile, ou la cultivée.” En fait, on voulait insister d’abord sur la présence massive d’une “vraie” noblesse, d’une noblesse ancienne d’épée, à la différence de Gênes, Florence ou Venise, tous États tenus par des noblesses d’origine mercantile (Vallat et al. 1998, 36-38). Naples était une des villes les plus peuplées d’Europe (200 000 hab.), où le vice-roi nommé par l’Espagne était obligé de s’appuyer sur l’ancienne aristocratie féodale (en particulier les 118 nobles titrés), qui détenait encore beaucoup de pouvoir au parlement et dans les grandes seigneuries (commentaire de Denise Turrel, que je remercie).
124 L’université de Naples a été fondée par Frédéric II de Hohenstaufen en 1224. Naples possèdera le monopole des études universitaires dans le royaume (pour concurrencer Bologne) jusqu’au xixe siècle [Alberti 1553, 166r ; Arnaldi 1982 ; Audebert (AO) II, 144].
125 Cf. Alberti 1553, loc. cit. [fig. 1, no 6].
126 Le Castello (ou Castel) Nuovo (fin xiiie siècle) [fig. 1, no 7] : construit par Pierre de Chaulnes et Pierre d’Angicourt en 1279. C’était le lieu de résidence du vice-roi (Filangieri 2001).
127 Charles Ier d’Anjou, fils de Louis VIII de France, roi de Sicile de 1266 à 1282 (mars 1282 : “vêpres siciliennes”), maître de Naples jusqu’à sa mort (7 janvier 1285).
128 Alphonse Ier d’Aragon, dit le Magnanime, roi de Naples de 1442 à 1458 (= Alphonse V, roi d’Aragon ou Alphonse Ier, roi de Sicile depuis 1416).
129 Le Castello dell’Ovo [fig. 1, no 8] : château normand, puis des Anjou, véritable forteresse maritime avec casemates et bastions au xvie siècle.
130 Le véritable nom est Belforte (auj. Castel Sant’Elmo) [fig. 1, no 9] : juché au sommet d’une colline de 250 m, c’est une forteresse qui surveille la ville. Le nom utilisé par R. vient de sa proximité avec la chartreuse de San Martino située dans la partie haute de la ville.
131 Le Castello Capuana (dit aussi Castel Veggio) : au nord-est de la ville ; créé en 1165 par Guillaume Ier dit le Mauvais, roi de Sicile de 1154 à 1166, agrandi par Frédéric Ier (1198-1250 ; c’est l’empereur Frédéric II à partir de 1220), il fut la résidence royale à l’époque aragonaise. En 1537, sur ordre de Pedro de Toledo, il est devenu la Vicaria Nuova, siège de tous les tribunaux napolitains (Grande Cour, Sacro Regio Consiglio, Chambre Royale de la Sommaria, tribunaux de la Bagliva et de la Zecca) (Nunziante 1893 ; De Filippis 1956 ; De Seta 1997, 42-43, détail de la Tavola Strozzi).
132 La porta Capuana a été recouverte par le Castel Capuano (Kirsten 1975, 161, fig. 6a et 171, fig. 18).
133 Il s’agit des Seggi ou Sedili (sièges), qui contrôlaient l’organisation administrative de la ville. R. suit Alberti qui ne cite que quatre sur cinq d’entre eux (il omet le seggio de Portanuova) [Alberti 1553, 166r ; cf. aussi Audebert (AO) II, 136137]. -
134 Doit son nom à la puissante famille Capuano ou à la porta Capuana.
135 Tire son nom, à l’origine, d’une statue du Nil (Nilo).
136 Situé dans la partie haute de la ville.
137 Est le même que le seggio de Porto, selon Nicolas Audebert [Audebert (AO) II, 137]. Il doit son nom à la proximité de la mer.
138 Voir supra, η. 133. Sedes est évidemment la traduction latine de seggi.
139 Ces Seggi étaient cinq structures fondamentales du pouvoir communal et des quartiers de Naples, siégeant dans des salles basses séparées des rues par des barreaux, et réservées aux nobles. Leur existence remonte au xiiie siècle. Chaque seggio élisait librement un représentant au sein du gouvernement de la ville, sauf le seggio di Montagna qui en élisait deux, mais ne disposant que d’une voix (Vallat et al. 1998, 62-63).
140 La cathédrale de Naples était San Gennaro [fig. 1, no 10] : en fait, R. a mal traduit Alberti qui écrivait : Sono etiandio altri nobili tempii in napoli, cioè ίο Episcopio (COSI da toro nominata la chiesa catedrale) S. Lorenzo [San Lorenzo Maggiore], & ία chiesa de’minori di S. Francesco con altri, che lungo sarei in descriverli (il faut restituer une virgule après la parenthèse) (Alberti 1553, loc. cit.).
141 Autre erreur de R. : l’inscription grecque “de Tibère” ne se trouvait pas à la cathédrale (ni à San Lorenzo d’ailleurs), mais à San Paolo Maggiore, église édifiée, entre le viiie et le ixe siècle, à l’emplacement de l’ancien temple des Dioscures. En 1538, les théatins, à qui l’église avait été concédée, auraient largement démoli les restes de cet édifice, mais l’inscription, dessinée par Francesco d’Olanda (dessin de 1540 : codex de la bibl. de l’Escurial, reprod. dans De Seta 1997, 36) et Palladio, devait encore être visible (l’architrave n’est tombée en partie qu’en 1631 : Kirsten 1975, 174). Le temple (24 x 17, 40 m), datant du Ier siècle de notre ère, était posé sur un haut podium, comportait une façade hexastyle, d’ordre corinthien, haute de 10, 85 m, et une celia tripartite de 6 m de profondeur [relevé par Palladio (FC), 389-392, pl. 186-187 ; Beloch 1879, 73 ; Kirsten 1975, 171, fig. 6a, 1 ; De Caro & Greco 1981, 21-23, fig. (p. 22 : Francesco d’Olanda)]. La frise portait l’inscription dédicatoire suivante : ΤΙΒΕΡΙΟΣ ΙΟΥΛΙΟΣ ΤΑΡΣΟΣ ΔΙΟΣΚΟΥΡΟΙΣ ΚΑΙ ΤΗΙ ΠΟΛΕΙ ΤΟΝ ΝΑΟΝ ΚΑΙ ΤΑ ΕΝ ΤΩΙ ΝΑΩΙ/ΠΕΛΑΓΩΝ ΣΕΒΑΣΤΟΥ ΑΠΕΛΕΥ[θερο]Σ ΚΑΙ ΕΠΙΤΡΟΠΟΣ ΣΥΝΤΕΛΕΣΑΣ ΕΚ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΚΑΘΙΕΡΩΣΕΝ (“Tiberius Julius Tarsus a fait construire ce temple et son contenu pour les Dioscures et la cité. Pelagôn, affranchi impérial et procurateur, l’a terminé à ses frais et l’a dédié”) (sous Néron ?) [IG (éd. Kaibel), XIV, Berlin, 1890, no 714 ; Kirsten 1975, 173-174]. La façade a été endommagée par un séisme en 1688 : il ne reste aujourd’hui que deux colonnes devant San Ρaοlο Maggiore.
142 Santa Chiara (et son monastère double du Sanctus Corpus Christi) [fig. 1, no 11] : en réalité, cette église (gothique provençal) a été construite, entre 1310 et 1340, par la reine Sancia de Majorque, épouse de Robert d’Anjou. L’erreur vient sans doute d’Alberti, qui a assimilé Agnese à Santia, qualifiée de consorte del re Roberto, ce qui a pu être traduit par “sœur” (Alberti 1553, 165v : La chiesa di S. Chiara coi monasterio di monache, opera certamente molto maravigliosa, la quai fu fabricata delta Reina Agnese Spagnuola, altri la nominano Santia, consorte del Re Roberto. Ove si sorgono molte artificiose sepolture di Rè, Reine, & figliuoli di Rè, delta nobilissima stirpe della casa di Durazzo, & di Carlo Re, fratello di S. Lodovico). L’édifice a été détruit par un bombardement le 4 août 1943. L’Agnès inhumée avec Clémence à Santa Chiara n’est donc pas la fondatrice de l’église, mais la belle-sœur du roi Charles III de Durazzo (Bock 2002, 19, n. 17) ; voir infra, η. 145.
143 Ce sont Robert d’Anjou et son épouse Sancia qui ont édifié l’église Sainte-Claire (voir la note précédente). Le roi est Robert Ier dit le Sage, troisième Angevin de la dynastie de Naples, roi de 1309 à 1343·
144 Le tombeau de Robert d’Anjou, dit le Sage († 20 janv. 1343) était l’œuvre de Giovanni et Pacio Bertini de Florence et datait de 1343-1346 (Enderlein 1997, 167-188, 203, fig. 56, 115, 120-129, 132, 134-139 ; Michalsky 2000, 169-171, fig. 55-63 ; catal. 325-341, no 33 ; L’Europe des Anjou, 2001, 43, fig. et 85, fig. ; Dombrowski 2002). Il mesurait 13 m de hauteur et 8 m de largeur. Il a été en grande partie détruit en 1943.
145 En réalité c’étaient les tombes des Anjou-Durazzo : le fils aîné du roi Robert le Sage, Charles d’Anjou, duc de Calabre (1298-1328) ; Marie de Durazzo, fille de Charles (1329-1366) ; les filles de Marie de Naples et de Charles de Durazzo, Agnès d’Anjou-Durazzo (1345-1383) et sa sœur Clémence (1346-1363) ; Marie de Valois († 1328), fille de Charles de France (comte de Valois) et seconde épouse de Charles de Calabre ; le fils aîné de Charles de Durazzo, Louis († 1344) (Ceva Grimaldi 1857, 194-198 ; sur ces tombeaux, très endommagés durant la seconde Guerre Mondiale : Enderlein 1997, passim ; Heidemann & Scirocco 2010, 9 et n. 17).
146 San Domenico Maggiore [fig. 1, no 12] : église construite en gothique français à la fin du xiiie siècle par Charles II d’Anjou. Elle contient les tombes des rois de Naples de la dynastie d’Aragon [Alberti 1553, 165v : Euvi poi la chiesa di S. Domenico, ove si vede la divota imagine del Crocifisso... Si co(n)servano nella Sacrestia di essa l’ossa d’Alfonso primo Re d’Aragona di Spagna, di Sicilia, & di Napoli, di Ferrando primo suo figliuolo, & di Ferrando seconde, d’Isabella Duchessa di Milano, & di Ferrando Daulos (sic) marchese di Pescara, folgore di battaglia, con molti altri Prencipi, & signori],
147 Cf. supra, n. 128. Le corps d’Alphonse Ier a été transporté en Espagne en 1667 (Croce 1922, 264). Fendt a publié l’épitaphe (Fendt 1574, pl. 47, en haut ; Chytræus 1594, 104).
148 Ferdinand (ou Ferrante) Ier d’Aragon, roi de Naples de 1458 à 1494 († 25 janv. 1494). Fendt a publié son épitaphe (ibid., pl. 47, au milieu ; Chytræus 1594, loc. cit.).
149 Ferdinand II d’Aragon (dit Ferrandino), roi de 1495 à 1496 († 7 oct. 1496). Épitaphe chez Fendt (mais avec la date 1498) (ibid., pl. 47, en bas ; Chytræus 1594, loc. cit.).
150 Isabelle d’Aragon (1470-1524), fille du futur Alphonse II de Naples, épouse (1489) de Gian Galeazzo II Sforza (1469-1494), son cousin ; duchesse de Milan de 1489 à 1494 (Chytræus 1594, loc. cit.).
151 Ferdinand ou Ferrante (Francisco Fernando) de Ávalos [Daulos vient d’Alberti, cf. supra, n. 146], marchese di Pescara (1489-1525), le vainqueur de Pavie et le mari de la poétesse Vittoria Colonna (Alberti 1553, loc. cit. ; Croce 1922, 268 ; Vallet 1966, 71). Son tombeau se trouve dans la sacristie.
152 Santa Maria di Monteoliveto [fig. 1, no 13], fondée en 1411, et son monastère bénédictin, s’élèvent au sommet d’une petite colline, avec quatre cloîtres, des jardins et des fontaines (depuis le xviiie siècle : Santa Anna dei Lombardi).
153 La source de R. est évidemment Alberti 1553, loc. cit. L’allusion concerne le complexe de terre cuite peinte qui se trouvait dans la chapelle du Sépulcre et représentait une spectaculaire Déploration du Christ : il fut réalisé en 1488-1492 par le Modénais Guido Mazzoni (dit il Paganino ou il Modanino) (1450-1518) (Lugli 1990 ; Marin et al. 2010, 167-168, pl.) sur une commande du roi Alphonse II d’Aragon (roi de Naples, 1494-1495). Il comprenait huit statues grandeur nature, dont sept personnages faisant cercle autour du cadavre du Christ. On dit qu’Alphonse II aurait prêté ses traits à Joseph d’Arimathie (l’homme riche qui paya la sépulture du Christ – à rapprocher des dons faits par le roi à l’ordre olivétain), et que Ferrante Ier serait représenté en Nicodème. Vasari s’est fait l’écho dans ses Vite de la première partie de cette information [Uno scultore (...) chiamato Modanino da Modena, il quale lavorò al dette Alfonso una Pietà con infinite figure tonde di terracotta colorite, le quali con grandissima vivacità furono condotte, e dal re faite porre nella chiesa di Monte Oliveto di Napoli, monasterio in quel luogo onoratissimo ; nella quale opera è ritratto il detto re inginocchioni, il quale pare veramente più che vivo ; onde Modanino fu da lui con grandissimi premii rimunerato]. On pourra s’étonner du laconisme du texte d’Alberti, mais surtout de celui de R., enclin d’habitude à admirer ce genre d’œuvre. Il est même permis de se demander s’il l’a réellement vue : il ajoute en effet à son modèle la formule docta manu picta qui pourrait faire penser qu’il l’a mal comprise et a cru qu’il s’agissait de tableaux (même si ces terres cuites étaient polychromes, jusqu’à une malheureuse restauration du xixe siècle). Sur le roi Ferrante : supra, n. 148.
154 Alessandro d’Alessandri (c. 1461-1523), jurisconsulte et humaniste, élève de Filelfo, précurseur de la nouvelle école juridique. Il a tenté de restituer les lois des XII Tables (Alberti 1553, loc. cit. ; Nichilo 1985). Fendt publie son épitaphe (Fendt 1574, pl. 87 ; Chytræus 1594, 66).
155 San Giovanni a Carbonara [fig. 1, no 14] : sanctuaire commencé en 1343 et agrandi par le roi Ladislas au xve siècle. Ladislas d’Anjou-Durazzo a régné sur Naples de 1386 à 1414.
156 Le monument de Ladislas († 6 août 1414) est un des chefs-d’œuvre de l’art funéraire du xve siècle (h 18 m). Il a été ordonné par Jeanne II et est l’œuvre de Marco et Andrea da Firenze (Alberti 1553, 165v-166r ; Chytræus 1594, 67 ; Filangieri di Candida 1923 ; Morisani 1970, 198 sq. ; Cloulas 1986, 135 et fig. 20 ; Abbate 1994 ; Michalsky 2000, 169).
157 Les somptueuses chapelles de cette église sont les suivantes : chapelles Caracciolo del Sole, Caracciolo di Vico, Miroballo, di Somma, del Crocifisso. R. évoque sans doute les deux premières (Alberti ne parle que d’‘una picciola capella, située à droite du tombeau de Ladislas, et contenant le tombeau de N. [= Nicola Antonio] Caracciolo).
158 Le monument funéraire de Nicola Antonio (Colantonio) Caracciolo († 1562), fils de Galeazzo, est situé dans la chapelle des Caracciolo di Vico (dédiée en 1516) (sur cette très belle chapelle : Migliaccio 2008) ; œuvre d’Annibale Caccavello et Giovanni Domenico D’Auria (atelier de Giovanni da Nola), il date des années 1544-1547 (Marin et al. 2010, 197, fig.). Le titre de regni supremus marescalcus vient d’une confusion avec Ser Gianni Caracciolo († 1431), qui fut en effet grand sénéchal du royaume (son tombeau se dresse dans la chapelle Caracciolo del Sole : Monti 1936 ; L’Europe des Anjou, 2001, 99 ; Matz & Verry 2009, 119, fig. 10). Sur Nicola Antonio : infra, n. 169. On notera que, chez Fendt – qui a reçu sa documentation de R. – c’est la tombe, voisine de la sienne, de Galeazzo Carraciolo (1460-1517), qui est représentée avec une inscription par ailleurs incomplète [Fendt 1574, pl. 48 : Galeatio Caraciolo qui sub regibus Arragoneis adversus Turcas regiis signis prœfuit. vixit annos LVII. Nicolaus Antonius parenti optimo fecit ; texte publié par Di Stefano (1560), f. 155r-v : Galeatio Caracciolo / qui sub Regib(us) Aragoneis egregia(m) sœpius in bello opera(m) navavit. / Qui in expugnatione Hidruntina adversus Turcas regiis signis / prœfiiit. / Vixit Ann(os) LVII. / Nicolaus Antonius Parenti optimo fecit ; D’Ovidio & Rullo, éd. 2007, 202].
159 L’‘Ospedale dell’Annunziata était annexé à l’église et au couvent de la Santissima Annunziata [fig. 1, no 15].
160 Il s’agit en réalité d’une seule inscription, bilingue, dans le cloître de Santa Maria Annunziata (dans le mur après Santa Maria Egiziaca), datée de 81 p.C. : [αύτοκράτωρ] ΤΙΤΟΣ. ΚΑΙΣΑ[ρ] / [θεού Ούεσπασιανοΰ υιός 0]ΥΕΣΠΑΣΙΑΝΟΣ. ΣΕΒΑΣΤΟΣ / [άρχιερεύς μέγιστος δημαρχ]ΙΚΗΣ. ΕΞΟΥΣΙΑΣ. ΤΟ I / [αύτοκράτωρ τò ιε πατήρ πατρίδ]ΟΣ. ΥΠΑΤΟΣ. ΤΟ. Η. ΤΕΙΜΗΤΗΣ / [έν νέα πόλει δημαρχήσας άγων] ΟΘΕΤΗΣΑΣ. ΤΟ. H. ΓΥΜΝΑΣΙΑΡΧΗΣΑΣ / [ύπò σεισμών σ]ΥΜΠΕΣΟΝΤΑ. ΑΠΟΚΑΤΕΣΤΗΣΕΝ / [imp. Titus Cæsar divi Vespasia]NI. F. VESPASIANVS. AVG / [pontifex. max. trib. pot. X. imp. XV] COS. VIII. CENSOR. P.P. / [... terræ mo]TIBVS. CONLAPSA. RESTITVIT (IN 2447 = CIG 5809 ; Beloch 1879, 35).
161 La fontaine de l’Annunziata date de 1539.
162 L’eau était omniprésente à Naples (De Filippis 1957 ; Strazzullo 1968, 12).
163 Le Palazzo Orsini di Gravina (1513-1549) [fig. 1, no 16], situé dans les prés de Monteoliveto (act. Piazza Monteoliveto), est l’actuelle Faculté d’architecture. Il a été commandé à Gabriele d’Angelo et Giovanni Francesco Di Palma par Ferdinando Orsini, duc de Gravina. Son cortile est décoré de peintures de Ruviale Spagnolo et Polidoro Caldara (1513-1549) (Alberti 1553, 166r ; Ceci 1897 ; Labrot 1993, 94, 123-124, 128, 131, 216, 236, 244 et fig., p. 58 en haut ; Marin et al. 2010, 194, fig.).
164 La demeure des Sanseverino, princes de Salerne (1470), est située près de la Porta Reale [fig. 1, no 17]. Sa façade (avec ses deux portails de marbre) est aujourd’hui (depuis 1584) celle de l’église du Gesú Nuovo. Elle est due à l’architecte Novello da San Lucano et possède de puissants bossages de pierre volcanique en pointes de diamants, ce qui explique l’expression “architecture rustique” utilisée par R. (Alberti 1553, loc. cit. ; Croce 1912 ; Cloulas 1986, 137 ; Labrot 1993, 124, 140, 167, 196, 201, 244 ; Marin et al. 2010, 174, fig.). À l’époque où il visita Naples, Ferrante di Sanseverino (1507-1568), commandant de l’infanterie lors de la conquête de Tunis, tombé en disgrâce auprès de la couronne d’Espagne, avait dû l’abandonner en 1552.
165 Le Palazzo Carafa diMaddaloni est situé via S. Biaggio dei librai (no 21) [fig. 1, no 18] ; il a été bâti en 1466 par Diomede Carafa et dédié au roi Ferdinand Ier d’Aragon. Dans sa forme originelle, il était orné de frises et de statues dont l’une, au centre de la cour, représentait le roi à cheval (Pane 1975, 67 et 209 sq. ; Labrot 1993, 40).
166 Le Paiazzo (ou Villa) Carafa di Stigliano [fig. i, no 19] [= palazzo Cellammare] est l’un des plus beaux palais de la Renaissance de Naples. C’était la résidence de campagne (à Chiaia, avec une superbe vue sur le golfe) de Giovan Francesco Carafa, abbé de Sant’Angelo d’Atella. Après 1533 et la création de la via Chiaia, Luigi Carafa, quatrième prince de Stigliano lui donna l’aspect d’une villa seigneuriale. Son épouse, Isabelle Gonzaga di Sabbionetta y reçut de nombreux intellectuels comme Le Tasse. Les jardins étaient irrigués à partir de grandes citernes souterraines. La villa, qui avait perdu son caractère rural, sera acquise au début du xviiie siècle par Antonio Giudice, duc de Giovenazzo, prince de Cellamare. Elle a été amputée de certaines parties lors de l’élargissement de la via Chiaia. Ce qui en subsiste se dresse encore à l’angle de la via Chiaia et de la via Filangieri (Croce 1901 ; De Seta 1997, 94 ; Labrot 1993, 44, 87, 120-123, 132, 136 etc.).
167 Le Paiazzo Alarcon de Mendoza, marchese della Valle Siciliana est situé à la Riviera di Chiaia [fig. 1, no 20] (Labrot 1993, 86, 174, 241, etc.).
168 Don Garcia Alvarez de Toledo, fils du vice-roi Pedro Alvarez de Toledo, fut capitaine général des galères de Naples et vice-roi de Sicile de 1564 à 1566. La villa dont parle R. se trouve à Chiaia [fig. 1, no 21], et a été embellie par son père, et dotée par Garcia de jardins magnifiques, décrits par Giulio Cesare Capaccio (Neapolitanœ Historiœ, Naples, 1607, livre II, 36). À la mort de Garcia, elle tombera dans l’oubli et sera occupée à la fin du xviie siècle par une caserne de cavalerie. La via della Cavalerizza, qui relie la via Filangieri au largo del Vasto, garde le souvenir de la dernière transformation qu’a connue la villa (Croce 1922, 272 ; Labrot 1993, 199). Nicolas Audebert a donné une brève description du quartier où elle était établie : “Revenant au chemin [depuis Mergellina] se passe une grande rue qui est faulbourg de Naples, laquelle commence dès le bout de la grotte et, à costé droict, n’y a bastiment, mais seulement le rivage de la mer, vis à vis lequel sont toutes belles maisons et palais ; mais estant un peu plus près de Naples les bastimens sont tant d’un costé comme de l’aultre (...) ; à gaulche y a d’excellens jardins remplys d’orangers qui en ce pays sont en grande quantité, mais entre les aultres fault veoir le jardin de Dom Garcia, gentilhomme espagnol demeurant à Naples” [Audebert (AO) II, 129-130].
169 Le marquis de Vico était Colantonio Caracciolo (c. 1475-1562), premier marquis de Vico en 1531, l’un des plus fermes partisans de Pedro de Toledo et l’époux de Giulia della Leonessa, une nièce de Pie IV. Il participa à toutes les campagnes du temps, y compris à la “croisade” de Tunis, et accomplit quelques ambassades. Il réprima le soulèvement napolitain de 1533 contre les gabelles : [anonyme] DBI, XIX, 1976, 33°-332· Il s’était fait construire, dans la première moitié du xvie siècle, le long des murs de Naples, près de la porta Nolana et non loin de l’église San Pietro ad Aram, un palais dit “Palazzo degli Spiriti” [fig. 1, no 22], avec salles peintes par Andrea da Salemo, portiques, loggias et cortili, entouré d’un jardin fameux considéré comme une des merveilles de Naples (il Paradiso), orné de statues antiques et modernes et de fontaines de marbre à jeux d’eau. Tout a entièrement disparu et gît sous la gare de Naples. Au-dessus de l’entrée se trouvait l’inscription suivante : Nic. Ant. Caracciolus Vici Marchio / Et Cœsaris a latere Consiliarius / Has Genio œdes, Gratiis hartos, Nymphis / fontes, nemus Faunis, et totius / Loci venustatem / Sebeto et Syrenibus dedicavit / Ad vitœ oblectamentum atque / secessum et perpetuam amicorum / Jucunditatem. M.D.XXXIII [Chytræus 1594, 116-117 : La Ville-sur-Yllon 1904 ; Croce 1947, 190-196, 199. 201, 225-230, 276 ; Coffin 1991, 251 et 269 ; Galasso, éd. 1999, 325]. Sur sa tombe : supra, n. 158.
170 Cf. supra, η. 123. Remarque inspirée d’Alberti 1553, 165rv (y compris la comparaison entre l’Antiquité et les Temps Modernes).
171 À l’angle nord-ouest du Parc Royal, près du Castel Nuovo, Pedro de Toledo fit bâtir un palais (Palazzo Vicereale ou Vecchio) [fig. 1, no 23] où il s’installa en 1552. Il comportait deux tours carrées externes et un ensemble de trois ailes formant bloc carré avec la façade (cf. le plan Dupérac-Lafréry). Il était l’œuvre de Ferdinando Maglione et Giovanni Benincasa et sera démoli en 1835 (Marin 1990, 187-188 ; Sladek 1993, 369). Il occupait la petite ouverture vers la Via Toledo entourée par les côtés du théâtre et le nouveau Palazzo Reale (des Bourbon).
172 Les jardins correspondent au parc royal du Castel Nuovo visible sur le plan Dupérac-Lafréry de 1566 [plan reproduit dans De Seta 1997, 68, fig. 10 et détail 84, fig. 7 (le parc semble fort bien aménagé) ; Coulais et al. 2003, 60, no 48].
173 Don Pedro Alvarez de Toledo, marquis de Villafranca (1484-1553). vice-roi de Naples de 1532 à 1553 (Del Moral 1966).
174 Le monument funéraire du vice-roi (et de sa femme Maria Ossorio Pimentel) se trouve aujourd’hui dans l’église San Giacomo degli Spagnoli (élevée en 1540 pour l’hôpital des soldats espagnols, aujourd’hui incorporée au Palazzo San Giacomo, siège de la Mairie construit en 1819-1825). Le monument date de 1539, mais n’a été assemblé dans l’église qu’en 1570. C’est une création majestueuse (100 m2) de Giovanni Merliano (dit Giovanni da Nota) et de ses assistants (Annibale Caccavello et Giovanni Domenico D’Auria). Le marbre a été fourni par Cosme de Médicis. L’ensemble devait être envoyé en Castille. Pedro de Toledo est décédé à Florence le 21 février 1553 et a été enterré au Duomo ; puis ses cendres furent transférées par Don Garcia, la même année, dans l’église. Son tombeau n’était alors pas terminé. La date de son achèvement est délicate à définir : en 1550, il devait être fini pour l’essentiel, mais il ne se trouve dans l’abside de l’église des Espagnols qu’en 1570 (inscription). Il aura coûté vingt années de travail à Merliano (Roth Pierpont 1988 ; Marin et al. 2010, 187-188, pl.).
175 Il est probable que R. a vu le monument en cours de fabrication dans les jardins du parc royal. Sa remarque prouve d’autre part qu’il a rédigé son Itinerarium après son retour à Breslau.
176 La piazza del Mercato était le lieu où se tenaient les marchés, la plus belle et plus grande place de Naples [fig. 12, no 24].
177 Conrad II de Souabe (dit Conradino), roi de Sicile (1254-1258), fils de Conrad IV, fut le dernier représentant de la dynastie de Hohenstaufen. Âgé de 15 ans, il essaya de reconquérir l’héritage paternel. Battu à Tagliacozzo en 1268 par Charles Ier d’Anjou et par les chevaliers français appelés par le pape, il revint à Rome, puis gagna Pise. Capturé et emmené à Naples, il y fut décapité, avec Frédéric de Bade et six autres de ses amis, le 29 octobre 1268 [Audebert (AO) II, 135-136 ; Homo 1956, 117-118 ; Small 2004]. À l’intérieur de Santa Croce al Mercato se dresse une colonne de porphyre surmontée d’une croix de marbre autrefois érigée sur la place, à l’endroit précis de l’exécution.
178 Nous n’avons rien trouvé sur les Écuries royales. Nicolas Audebert insiste lui aussi sur la qualité des chevaux napolitains [Audebert (AO) II, 145].
179 C’est une erreur : la porta Capuana [fig. 1, no 25] a été construite en 1488 sur ordre de Ferrante Ier d’Aragon, par l’architecte toscan Giuliano da Maiano. Haute de 23 m, elle est revêtue sur sa partie externe de marbre de Carrare et son archivolte est décorée de bas-reliefs à trophées. Aux extrémités de la frise, deux saints protecteurs (S. Gennaro et S. Aniello) se dressent dans des niches, et au centre se trouvait primitivement un bas-relief représentant le couronnement de Ferrante, auquel on a substitué vers 1535 les armes de Charles Quint (l’aigle bicéphale), en prévision de la venue de l’empereur à Naples (ill. dans Cloulas 1986, fig. 18).
180 La “petite croisade” de Tunis, marquée par le débarquement du 15 juin 1535, les victoires de La Goulette et Tunis contre Barberousse. Charles Quint reprit la mer le 17 août pour la Sicile. Il séjourna quelque temps dans le sud. Il quittera Naples pour Rome le 22 mars 1536 (Brandi 1951, 365 sq. ; Deswarte-Rosa 1998).
181 C’était la résidence d’été des rois de Naples [fig. 1, no 26] : elle fut construite, à 2, 5 km à l’est de la cité, par Ferrante d’Aragon, pour son fils Alphonse, duc de Calabre, en 1487. C’était l’un des lieux les plus vantés et l’une des constructions les plus connues de Naples, le prototype accompli du palais de la Renaissance (dessin de Serlio de 1544 ; description par André de la Vigne à l’époque de Charles VIII : Histoire du voyage de Naples et Le Vergier d’honneur ; Cloulas 1986, 131-133). Les plans furent établis par Giuliano da Maiano, puis par le franciscain Fra Giocondo. Il comprenait trois parties : 1) un palazzo rectangulaire, décoré de peintures d’Ippolito et Pietro del Donzello, de fresques de Costanzo Lombardo et de tondi de “creta cotta invetriata” de Luca della Robbia représentant les héros de la maison d’Aragon ; 2) une Loggia comportant une grande terrasse soutenue par neuf colonnes de marbre ; 3) une foresteria (hôtellerie). S’y ajoutait un magnifique jardin “all’italiana”, dont les jeux d’eau trahissaient de fortes influences aragonaises et andalouses. On y voyait une grande “pescheria” entourée de six fontaines et utilisée pour les batailles navales ou les jeux aquatiques (la Venezia). Elle était alimentée par l’aqueduc de la Bolla. Charles Quint y reçut en 1535 les clés de la ville, mais, à partir de cette date, les vice-rois négligèrent la villa qui tomba peu à peu en ruines [Audebert (AO) II, 147 ; Colombo 1885 ; Letts 1919, 477 et n. 3, 478 ; De Seta 1997, 53].
182 Lors du siège de Naples de 1528, Lautrec fit stationner ses troupes dans le voisinage et tenta de priver Naples d’eau en coupant l’aqueduc : il inonda la basse ville et l’eau stagnante provoqua une épidémie de typhus où périrent aussi des milliers de Français (Letts 1919, 186).
183 Le très ancien aqueduc della Bolla (ou Formale Reale) conduisait l’eau du Serino à la villa, depuis les pentes du monte Somma. À Poggio Reale, il se divisait en deux tronçons : l’un alimentant la villa, l’autre desservant Naples où il entrait à la hauteur de la Porta Capuana (Montuono 2008, 1039-1041, avec liste des fontaines desservies).
184 Le monte Somma était le nom populaire du Vésuve. Aujourd’hui, le mot désigne les restes d’une ancienne phase du volcan, qui entourent le Vésuve actuel d’une ceinture partielle de roches ignées soulevées. Son étymologie n’est pas claire.
185 Il s’agit du pseudo-Bérose, auteur d’Antiquitates, un faux célèbre d’Annius (ou Nanni) de Viterbe (1432-1502), qui connut plusieurs éditions (Rome et Venise 1498 ; Paris 1509, 1512 ; Bâle, 1530 ; Anvers 1545 et 1552 ; Lyon 1552, 1560 et 1599 ; Bâle 1612, etc. : Nicéron 1730, 1-11 ; Nicéron 1732, 1-6 ; voir aussi Grafton 1993, passim) et ne fut démasqué qu’en 1569 par Jan van Gorp (Goropius Becanus), dans ses Origines antwerpianæ (Anvers, C. Plantin, 1569) (De Brouwer 1953). R. emprunte la citation à Alberti 1553, 172r-v.
186 Au cinquième livre de l’édition d’Anvers (1545), on lit : De VII. Rege Assyr (septimus Assyriis imperat Aralius annis 40. Eo tempore [= anno penultimo Aralii] Italia in tribus locis arsit multis diebus circa Istros, Cymeos, & Vesuvios vocataq(ue) sunt a Ianigenis illa loca Palensana, id est, regio conflagrata (suit le commentarium Annii) (Bérose 1545, f. 56v sq. et 59v). Le roi Aralius n’a évidemment jamais existé.
187 Il s’agit de l’éruption du 24 août 79 qui anéantit Pompéi et Herculanum. Le texte de Suétone (Suet. Tit., 8, 7) porte : Quœdam sub eo... : “Sous son principat, il se produisit certaines catastrophes dues au hasard : une éruption du Vésuve, en Campanie” (trad. Ailloud, CUF).
188 D.C., d’après Xyphilin, 66.21-23.
189 Ce sont en réalité deux lettres de Pline le Jeune à Tacite qui nous renseignent sur ces faits (Plin., Ep., 16 et 20) (voir la traduction d’A.-M. Guillemin reproduite, avec quelques modifications, par Étienne 1977, 29-34)·
190 La date est une erreur d’Alberti reproduite par R. ; Alberti est toutefois plus circonstancié : Uscirono Símilmente di questo monte assaifiam(m)e difuoco, nell’anno di nostra salute 1306, (essendo Pontefice R. Benedetto g. & imperatore Corrado) che pareano unfiume, che uscisse di quelle, correndo insino al mare, come ho ritrovato nelle croniche di Bologna (Alberti 1553, loc. cit.). Il faut lire 1036 (et non 1306) : Conrad II le Salique est empereur de 1027 à 1039 et Benoît IX est pape de 1033 à 1044 (éruption en 1036-1038 : Krafft & de Larouzière 1999, 265).
191 Mart. 4.44 : Alberti 1553, 172v.
192 Sil. 12.152-154 : Alberti, aussitôt après Martial (ibid.).
193 Pietrabianca (ou Leucopetra, depuis 1631 Pietrarsa) était le nom d’un petit village situé aux pieds du Vésuve, à Pôrtici, centre de villégiature des Napolitains. On y trouvait la villa de Bernardino Martirano (c. 1490-1548), construite en 1532 [fig. 1, no 27]. Cet élève de Parrasio, fondateur de l’Accademia Cosentina, avait suivi les armées impériales, fut présent au sac de Rome, puis assuma la charge de secrétaire du royaume de Naples jusqu’à sa mort. Dans sa villa de Leucopetra, il poursuivit, avec son frère Coriolano, la tradition de Parrasio et de Pontano. Il y reçut en 1535 Charles Quint de retour de l’expédition de Tunisie et composa en son honneur l’Aretusa (Pavanello 1934 ; Piromalli 1996, 109-110). On trouve des détails sur cette résidence chez Hentzner (qui la visite en 1599) : Est quoq(ue) prope Neapoiim locus alius non minus amœnus, quarto lapide ab Urbe, in pede montis Vesuvii (...) Palatium, quod ibi extat à vicino pago nomen accepit, & Pietra biancha vocatur, nos Leucopetram dicere possumus, intus totum marmoreum, & opere vermiculato in ipsis cubiculis ornatum ; Est in eo Nympha dormiens ac incumbens urnœ, è quâ ingens copia limpidissimœ aquœ profluit, quæ per canales marmoreos posteà dilabitur, nec ullam partem pavimenti loedit, cum iidem canales etiam piscibus inserviant, quasi parva quœdam Vivaría ; Procul dubio veteres talia ædificia vocarunt Nymphœa, tam Romani quàm Grceci, licet hoc recens sit, & à quodam Consiliario CaroliV. Imp. circa annum Christi, ut aiunt, 1530. extructum ; Habet ab unâ parte vicinum Mare, ab aliis planiciem, cuius mirafertilitasfrumenti, olei, vini, & fructuum omnis generis (Hentzner 1617, 323-324). Chytræus a publié les textes de deux inscriptions qui s’y trouvaient : 1) devant l’entrée : Hospes, etsi properas, ne sis impius, præteriens hoc edificium venerator. Hîc enim Carolus V. Rom. Imp. à debellataAfrica veniens, triduum in liberaliLeucopetræ gremio consumpsit.florem spargito, & vale, Anno M. D. XXXV. ; 2) sur la tour : Ut diurno lusu defessus Pan, Satyris Nymphisq(ue) comitantibus, cum Musís simul tutus à prœdonibus noctu quiesceret : Bernardus Martiranus Patritius Cosentinus, Regni Neapolitani sub Carolo Cæsare V. Secretarius, propugnaculum hoc erexit. Anno M. D. XXXII (Chytræus 1594, 88). Les éruptions du Vésuve ont détruit les jardins et le site de la villa est occupé, depuis le xixe siècle, par la Villa Nava, où l’on peut voir encore quelques vestiges du premier édifice (Corso Garibaldi, no 239).
194 L’antique cratère d’Agnano [fig. 1, no 28] (ellipse de 3 km sur 2), situé entre Fuorigrotta et les Champs Phlégréens, était occupé par un lac d’eau chaude jusqu’en 1870 (Maiuri 1949, 18, fig. 6 ; Krafft & de Larouzière 1999, 239).
195 L’affirmation est empruntée à Alberti 1553, 162v. Les faits sont rapportés – mais sans indication topographique – par Varron (Varro, Rust, 3.17.9) : “En revanche, près de Naples, Lucius Lucullus, après qu’il eût creusé une colline et fait pénétrer la mer dans des viviers dont l’eau se renouvelait avec le flux et le reflux, n’avait rien à envier, pour la pêche, à Neptune”. Ils lui valurent de la part de Pompée (ou de Tubero) le surnom moqueur de Xerxes togatus (allusion aux travaux effectués par ce dernier au mont Athos) (Vell. Pat. 2.33.4 ; Plin., Nat., 9.170 ; Plut., Vit. Luc., 39.3). Des trois propriétés que possédait Lucullus en Campanie, aucune ne correspond au lac d’Agnano. Selon Jolivet, la seule où il puisse avoir aménagé des viviers à poissons est l’îlot de Nesis (act. Nisida), à l’entrée orientale du golfe de Pouzzoles, un petit volcan dont il dut inonder le cratère (Jolivet 1987, 899-902).
196 Les ruines en question, sur les pentes du monte Spina (signalées aussi par Alberti 1553, loc. cit.), ne sauraient être celles d’une villa de Lucullus, mais un établissement thermal captant les vapeurs et les sources chaudes de l’endroit (fouillé en 1898) (Maiuri 1949, 16-18, fig. 4-5 ; De Caro 2002, 49) [fig. 1, no 30]. Voir infra, η. 200.
197 La citation vient d’Alberti 1553, 163r. Le texte de Boccace (De montibus, silvis, fontibus, lacubus, fluminibus, stagnis seu paludibus et de nominibus maris, 1ère éd., Venise, 1473) est le suivant : Anius [= Anianus] lacus Puteolis vicinus est, quem ego arbitrar hodie sudatorii lacum vocari a balneo, quod in eius est margine, quum lacus alter prœter hunc in partibus illis innominatus sit. Si is est, nullum alit animal prœter ranas. Et insuper nullo artificio reperiri fundus, ut aiunt incolœ, potest, quum altorum montium in theatriformam circumdatus sit, et cum nullos habeat exitus, non amplius octo millia passuum ambitus est [Pastare Stocchi, éd. 1998].
198 La Grotta (ou le Bucco) del Cane est la mofette dégageant du gaz carbonique la plus connue au monde (située près de l’ancien lac d’Agnano) (Krafft & de Larouzière 1999, 240) [fig. 1, no 29]. Tous les voyageurs venaient y faire l’expérience racontée par R. – pratiquement dans les mêmes termes qu’Alberti (y compris la citation de Pline qui suit) (Alberti 1553, loc. cit.).
199 Plin., Nat., 2.95.
200 Voir supra, n. 196. Le nom antique exact est thermœ Anianœ [fig. 1, no 30]. Cf. Alberti : Sono questi bagni [d’Agnano] alcune picciole stanze in volta, nelle quali dal suolo escono alcuni vapori caldi, in tai guisa, che entrandovi dentro la persona ignuda incontanente sentirà revolversi in sudore. Et per questo sono nominad Sudatorii. Risolveno i crudi humori dell’huomo allegeriscono il corpo, ristorano gl’infermi, sanano le viscere, issiccano le fistole, & piaghe dentro il corpo, & refrigerano i podagrosi (Alberti 1553, 162v-163r).
201 Les médecins se sont intéressés dès l’Antiquité, mais également au Moyen Âge (École de Salerne) à ce site appelé aussi le Stufe di San Germano, extrêmement réputé et mentionné – sous divers noms – dans tous les poèmes et traités abordant la balnéothérapie (voir, par exemple, Pèrcopo 1886, introduction).
202 On rencontre le nom Balneum Sudatorium dans le De Balneis Puteolanis de Pietro da Eboli (xiiie s.). Une miniature du Codice Angelico Ms. 1474 de la Biblioteca Angelica di Roma montre un sudatorium (sauna) et un homme puisant de l’eau fraîche dans le lac infesté de crapauds et de serpents. Au fond, dans les entrailles de la terre, San Germano, venu là pour se soigner, prie Dieu de libérer l’âme d’un diacre condamné à subir les souffrances du purgatoire dans les exhalaisons brûlantes de cet endroit.
203 Alberti 1553, 162v. En réalité, la villa de Cicéron (le Cumanum) se trouvait près du lac Lucrin, et a disparu à la suite de l’éruption du Monte Nuovo (D’Arms 1970, 198-200, no 43b ; De Caro & Greco 1981, 75).
204 Voir la citation par Alberti à la note précédente. Hadrien est bien mort à Baiœ le 10 juillet 138 (HA, Hadr., 25.6-7) : “Il mourut à Baies même, le 6 des ides de juillet. Détesté de tous, il fut enseveli à Pouzzoles dans la villa de Cicéron” (trad. Chastagnol). Le détail sur la sépulture est douteux, mais De Caro croit à une sépulture provisoire (D’Arms 1970, 105, n. 154 ; De Caro 2002, 60).
205 Le cratère des Astroni [fig. 1, no 31] mesure 2 km de longueur, 1, 5 km de largeur et 200 m de profondeur (Krafft & de Larouzière 1999, 240 ; De Caro 2002, 13).
206 Tout ce passage concernant les Astroni démarque Alberti 1553, loc. cit.
207 Alberti 1553, ibid. Ces mines d’alun sont exploitées depuis 1465 au moins. En 1494, elles étaient affermées par Alphonse II à Pietro de Medicis, puis restituées en 1495 à leur propriétaire, le poète Jacopo Sannazaro qui reçut droit de justice sur les ouvriers en 1497. En 1502, Sannazaro se voit interdire d’exporter l’alun hors du royaume. Rome cherchera à éliminer la concurrence d’Agnano au profit de Tolfa (au nord-est de Civitavecchia) (Delumeau 1962, 24-27).
208 La Solfatara (770 x 580 m) [fig. 1, no 32] est le seul cratère encore en activité dans les Champs Phlégréens. Le fond en est parfaitement plat et constitué de cendres blanchâtres (Krafft & de Larouzière 1999, 241).
209 Plin., Nat., 35.174. La citation se trouve chez Alberti (qui omet quoque après In Italia, écrit Leucogabi au lieu de Leucogœi et remplace ibi par quod avant è cuniculis) (Alberti 1553, 162r). Les colles Leucogœi (“côteaux de terre blanche”) correspondent à une des hauteurs qui embrassent la Solfatare de Pouzzoles.
210 Alberti a latinisé la formule de Strabon (Str. 5.4.6) : ή τού Ήφαíστου άγορά (“l’agora d’Héphaïstos”) (ibid. ; Maiuri 1949, 18 ; De Caro & Greco 1981, 37 ; De Caro 2002, 49. Voir aussi Pétrone, Satiricon, 120). Il poursuit la citation : sopra Puzzoli si ritrova il Foro di Vulcano, ch’è un campo chiuso da altre rupi, che di continuo ardeno, à simiglianza de’fornaci, mandando grande esalatione con molti strepiti, & rimbombi (Strabon : “Agora d’Héphaïstos, vaste plateau entouré de toutes parts de talus brûlants, percés comme un fourneau d’une multitude d’orifices expiratoires qui répandent une odeur nauséabonde à souhait” ; trad. Lasserre, CUF).
211 Plin., Nat., 3.61 : dein Puteoli colonia Dicearchia dicti, postque Phlegræi campi.
212 Sil. 8.537-538.
213 Traduction d’un passage d’Alberti 1553, loc. cit.
214 Autour de la plupart des sources de vapeur de la Solfatara se déposent des cristaux en aiguilles de soufre monoclinique (Krafft & de Larouzière 1999, 241-242).
215 Alberti 1553, loc. clt. ; sur ces “volcans de boue” : Krafft & de Larouzière 1999, 242).
216 C’est aussi, en substance, ce qu’écrit Alberti 1553, 161r. En fait Pouzzoles (it. Pozzuoli) [fig. 1, no 33] était nommé Ποτίολοι (“les petits puits”) par les Grecs et Puteoli par les Romains (Radke 1975a).
217 Alberti 1553, 160v. Quel amphithéâtre ont vu Alberti et R. [fig. 1, no 34] ? Il y avait en effet près de Pouzzoles deux amphithéâtres, un petit, d’époque républicaine, et un grand, d’époque flavienne (à mettre en relation avec la colonie flavienne). Le Francfortais Johann Fichard a pu observer, en 1536-1537, un amphithéâtre de belle allure : “En descendant du monastère [des franciscains] par l’autre route on arrive au Colisée qui est très vaste, de forme ovale, plus abîmé à l’extérieur que celui de Rome, mais beaucoup plus complet à l’intérieur. On y voit encore parfaitement, en effet, les sièges, bien qu’ils soient dans la plupart des endroits recouverts de terre et d’arbustes, et les circuits des murs sont intacts, et se dressent fortement en hauteur. La surface de l’arène (c’est à dire le lieu médian) est entièrement cultivée à présent, au point que tout ce lieu soit un jardin fort élégant, compris dans ce magnifique édifice (...). Cet amphithéâtre m’a tellement plu que je ne doute pas qu’il compte au nombre des monuments les plus importants de l’Antiquité romaine qui aient survécu” (trad. J.H.) [Fichard (1536/37), 85 ; Letts 1918, 187-188 ; Sünderhauf 2007, 439-441 (qui cite également la visite de Megiser, en 1605)]. Les deux monuments étaient distants d’une centaine de mètres (Golvin 1988, amphithéâtre républicain : t.I, 38, no 5 ; t. II, pl. VII, 2 ; amphithéâtre flavien : t.I, 180-184, no 153 ; t. II, pl. XXXVIII-XXXIX), et c’est le plus récent (et le plus grand) qui est aujourd’hui visible. Le plus ancien se trouve sous la ligne de chemin de fer, mais il semble bien qu’il ait été très endommagé lors de l’éruption de 1538 (Letts 1918, 179). C’est donc probablement l’amphithéâtre flavien qui est décrit par les voyageurs (le fait qu’il n’ait été dégagé qu’en 1946-1947 ne signifie pas qu’il était invisible au xvie siècle). Philipp von Merode le nommera amfitheatrum Virgilii [Domsta, éd. 2007, 102 et n. 252].
218 La cité était alimentée par deux aqueducs : l’aqueduc campanien, de construction ancienne, suivait la via Campana ; l’aqueduc du Serino, après avoir alimenté Naples et les cités du golfe, traversait le Pausilippe puis le monte Olíbano et apportait l’eau à Pouzzoles, Baiœ et Misène (Maiuri 1949, 50-52).
219 Il s’agissait en réalité de la via Campana, qui menait à Capoue (De Caro & Greco 1981, 49).
220 L’église Saint-Procule de Pouzzoles, consacrée au xie siècle, utilise une partie de l’ancien Capitole romain reconstruit à l’époque augustéenne par un riche Pouzzolan, et désigné par erreur comme “temple d’Auguste” à cause d’une mauvaise compréhension de l’inscription gravée sur sa façade. L’édifice a été presque entièrement détruit par les agrandissements des xvie-xviie siècles et en particulier l’ajout de chapelles latérales. En 1964, un incendie a fait réapparaître les restes du temple, très partiellement visibles auparavant. Il a été détruit par le séisme de 1980 (Maiuri 1949, 33-34 ; De Caro 2002, 58 et 59, fig.). On possède un dessin de Giuliano da Sangallo (1445-1516) représentant sa façade (De Caro 2002, 34 : dessin de la façade par Sangallo, extraite de Hülsen 1910).
221 C’est Alberti qui l’affirme (Alberti 1553, 161r), mais on a vu que l’œuvre des hommes n’avait pas non plus été absente (voir note précédente).
222 Ce relevé se trouve chez Alberti : Nel cui Frontispicio cosí si legge CALPVRNIVS. L. F. Templum Augusto, cum ornamentis. D. S. I. (ibid.). Il n’est pas satisfaisant (CIL, X, 1613 = 2484 ; cette version est une invention de Fra Giocondo). Le plus ancien document, le codex Marucellianus A 79.1 (xve siècle), donne : In fronte eiusdem templi, quod combustum fuit ; templum est antiquum, litterœ non possunt legi, sunt corrose combuste scisse. Sur le manuscrit, devant CALPVRNIVS se lit L. ; à la place de Templum se trouvent trois lettres sans signification, surmontées ensuite de IIVIR, suivies de IMP. AVG., puis d’une lacune, et d’ORNAMENTIS. D. S. I. Castagnoli propose la lecture suivante : L. Calpurnius L. f. [IIvir Col(oniæ)] Aug(ustæ) [Put(eolanæ) cum] ornamentis d(e) s(uo) r[ef(ecit)] (Castagnoli 1977, 54-57, fig. g, dessin de Sangallo, et 10, détail du codex Marucell. A 79.1 ; De Caro 2002, 58 et 59, fig.). Pouzzoles a donc été Colonia Julia Augusta (cf. CIL, VIII, 7959, Rusicade) et son Capitole, qui remonte sans doute à sa fondation en 194 a.C., a été reconstruit (en tout ou partie), lors de la nouvelle assignation, par un de ses duumviri (époque d’Auguste).
223 CIL, X, 1614 = 2485 ; Alberti : Dipoi in una parte del dette, euvi tal scrittura : L. COCCEIVS. L. c. Postumi. L. Auctus Architecti [probablement Architectus] (Alberti 1553, loc. cit.). Ce texte prouve que L. Cocceius Auctus, le célèbre architecte de la crypta Neapolitana (Naples-Pouzzoles) et de la “grotte de Cocceius” (Cumes-lac d’Averne) fut aussi celui du nouveau temple de Pouzzoles. Grec d’origine, c’était un affranchi de L. Cocceius Nerva, l’ami d’Antoine et d’Octavien qui négocia les accords de Brindes (40 a.C.). À la mort de ce patronus, Auctus s’attacha à un autre patron, l’architecte C. Postumius Pollio (attesté à Terracine, Formiæ etMinturnæ), dont il fut peut-être l’associé (il est qualifié de redemptor sur une seconde inscription, à Cumes) (Anderson 1997, 45-47).
224 Quivi veggonsi alcune ossa d’huomini di smisurata grandezza, sopra le quali fece Pomponio Leto questi versi (suit le texte que R. a recopié sans fautes) (Alberti 1553, 161r). Pomponio Leto (1428-1497), le grand humaniste et poète latin qui illustra l’Université et l’Académie de Rome, a composé ce Carmen in gigantum ossa quæ Puteolis visuntur entre 1475 et 1497 (Pisano 2003, 53-56). Ces ossements (ayant sans doute appartenu à quelque grand cétacé) se trouvaient devant la porte de l’atrio de San Procolo.
225 Le port de Pouzzoles devint à partir du début du iie s. a.C. l’emporium de Rome et le plus important centre de commerce de la Méditerranée occidentale. En particulier le grain destiné à l’annone de Rome y était apporté chaque année par la classis Alexandrina (De Caro & Greco 1981, 47-48). Il est figuré sur une série célèbre de vases de verre (Golvin 2008).
226 Le sable de Pouzzoles est la pouzzolane, scorie d’origine volcanique (tuf) de faible granulométrie, évoquée par Strabon (Str. 5.4.6). R. emprunte l’allusion à Alberti 1553 (loc. cit.).
227 Plin., Nat., 35.47.166 : la citation de cet extrait se trouve chez Alberti (foc. cit.).
228 Source : Alberti 1553, 161v. La jetée antique (un môle à arches : opus pilarum) [fig. 1, no 35] qui défendait le bassin du port de Pouzzoles contre les vents était encore récemment (début xxe siècle) en partie émergée, en partie détruite, et en partie englobée dans le môle moderne. Des gravures et les scènes figurées sur des vases de verre antiques en conservent le souvenir (Golvin 2008, fig. 1-10, 168-172). Elle était composée de 15 gigantesques pitre en opus cœmenticium plantées à des distances variables et reliées par des arcades. Sa largeur était de 15 à 16 m et sa longueur de 372 m. Elle s’achevait par un arc triomphal, deux colonnes surmontées de statues divines et peut-être un phare. Ce “pont” est improprement nommé pons Caligulœ car sa construction est d’époque augustéenne (cf. épigramme d’Antiphilos de Byzance, Anth. Pal., 7.378) (avec une réparation sous Antonin en 139 : CIL, X, 1640-1641). Caligula le relia à Baiœ par un pont de bateaux (voir note suivante) [Maiuri 1949, 31-32 et fig. 15 (gravure du xviiie siècle) ; Kirsten 1975, 217-218 ; Castagnoli 1977, 62-64 ; Horn-Oncken 1978, 76 ; Domsta, éd. 2007, 103, n. 235].
229 Suet., Calig., 19.1-2 (Balsdon 1934, 51-54) ; la citation est tout entière chez Alberti 1553, foc. cit. ; en la recopiant, R. a simplement écrit supertecto au lieu de superjecto).
230 Pouzzoles, dévasté par le séisme de 1538, fut reconstmit et embelli de fontaines et de jardins. Pierre de Tolède (supra, η. 173) venait y faire des cures, y séjourner et chasser aux Astroni. Il s’y fit construire une magnifique villa et agrandit la “grotta” Naples-Pouzzoles (Strazzullo 1968, 17-18). Chytræus a publié une inscription du jardin en question (sans doute celle qu’a vue R.) : Petrus Toletus, Marchio Villœ Franchœ Caroli V. Imp(eratoris) in regno Neapol(itano) vicarius, ut Puteolanos ob recentem agri conflagrationem palanteis ad prístinas sedes revocaret, hortos, porticus, & fontes marmoreos, parta victoria Africana, quam reportaverat, otio genioq(ue) dicavit : ac antiquo instaurato purgatoq(ue) ductu aquas sitientibus civibus sua impensa restituit. Anno à partu Virg(inis) M. D. XL. (Chytræus 1594, 116 et 354, in horto quodam).
231 Nous n’avons pas d’informations sur ce souterrain.
232 Le topos de la ville continue vient de Strabon (Str. 5.4.8) : “[Le golfe connu sous le nom de Cratère] est paré sur toute sa longueur soit des cités que nous avons énumérées, soit, dans les espaces intermédiaires, de résidences et de plantations qui se touchent toutes et offrent ainsi d’un bout à l’autre l’aspect d’une seule ville” (αϊ μεταξύ συνεχείς οὖσαι μιας πόλεως ὅψιν παρέχονται).
233 L’éruption du Monte Nuovo [fig. 1, no 36] eut lieu du 28 au 30 septembre 1538 (on l’appelle également “le désastre de Tripergola”) (Krafft & de Larouzière 1999, 244-245 ; De Caro 2002, 67). De nombreux opuscules lui ont été consacrés à l’époque (par ex. Simone Porzio, De conflagratione agri Puteolani Simonis Portii Neapolitani epistola, Florence, L. Torrentinus, 1551, 8 p. ; De Caro 2002, 67, donne la traduction en italien, par A. Della Rocca, de la lettre de Simone Porzio, accompagnée d’une gravure de Marco Antonio Delli Falconi, Cronaca dell’Incendio di Pozzuolo, Naples, 1539). Le texte d’Alberti est ici différent, et plus circonstancié, que celui de R. – ou de son modèle (Alberti 1553, 159r-v). Ce volcan, haut de 140 m, et dont la base mesure 1250 m, fait aujourd’hui pleinement partie du paysage campanien (vue actuelle dans De Caro 2002, 66). L’éruption engloutit le village de Tripergola, sur la rive orientale du lac d’Averne, les ruines des thermes et villœ antiques, dont celles de 1’Academia de Cicéron. Les mouvements bradysismiques ont fait s’effondrer dans la mer les jetées des môles de défense du canal navigable Lucrin-Averne et les avancées ultimes de la via Herculanea (Maiuri 1949, 61).
234 Le Lucrin est aujourd’hui (depuis 1538) un lac modeste (560 x 170 m) et peu profond [fig. 1, no 40], séparé de la mer par un bras de terre de 180 m environ sur lequel passait la via Herculanea. Dans l’Antiquité, il était plus vaste et la langue de terre (Strabon dit qu’elle mesurait 8 stades) se voit sur les photos aériennes au fond de la mer, à environ 500 m de la côte (Maiuri 1949, 60-61 et fig. 35 ; De Caro & Greco 1981, 74).
235 Pendant la guerre civile, Agrippa transforma le lac d’Averne et le Lucrin en Portus Iulius (37 a.C.). Il fit creuser un canal entre l’Averne et le Lucrin (et un autre entre le Lucrin et la mer) (Maiuri 1949, 142).
236 Plin., Nat., 9.54.79 : il s’agit du célèbre passage qui traite du chevalier Cn. Sergius Aurata (flor. c. 95 a.C.), qui rationalisa, dans sa propriété du Lucrin, l’élevage des huîtres dans des parcs, et des dorades en viviers.
237 Mart. 13.90 : voir note suivante.
238 Mart. 13.82 : ces deux citations de Martial se trouvent dans le même ordre chez Alberti 1553, 157r.
239 Verg., G., 2.161-164 : également cité par Alberti, à la même place (loc. cit.).
240 Ou golfe de Baies.
241 Le lac Achérusien (Str. 5.4.5 : Άχερουσία) était associé par Éphore au Lucrin, à tort puisqu’il s’agissait en réalité du Lago del Fusaro, une lagune située à 2 km au sud de Cumes, alimentée par des sources thermales (Maiuri 1949, 94 ; De Caro 2002, 13).
242 Verg., Aen., 6.106-107 : mais l’Achéron n’est pas l’Acherousia de Strabon. Le passage est cité par Alberti, en lien avec l’Acherusia palus (Alberti 1553, 158r).
243 Sil. 12.126-127.
244 L’Averne est un lac de cratère de 1 km de diamètre et de 35 m de profondeur, entouré depuis toujours de légendes mystérieuses [fig. 1, no 37]. Ses eaux sont immobiles et noires comme les eaux de l’Enfer : d’ailleurs les Romains le considéraient comme l’entrée du “monde souterrain” (Maiuri 1949, 85 ; Krafft & de Larouzière 1999, 245).
245 Alberti 1553, 157V. Nonius Marcellus (grammairien latin du iie ou du du ive siècle, originaire de Thubursicum Numidarum) (Folkerts 1975), De compendiosa doctrina, I (De proprietate sermonum) : Avernus lacus idcirco appellatus est, quia est odor ejus avibus infestissimus, huius rei manifestator est Lucretius lib. VI (et il cite le passage qui suit) [Lindsay, éd. 2003, 20].
246 Sic Alberti (loc. cit), mais la phrase exacte de Lucrèce (Lucr. 6.740-741) est la suivante : Principio, quod Averna vocantur nomine, id ab re / inpositumst, quia sunt avibus contraria cunctis.
247 Verg., Aen., 6.201-202 ; voir note suivante.
248 Verg., Aen., 6.239-242 : ces deux citations de Virgile se trouvent dans le même ordre chez Alberti (loc. cit.).
249 Alberti 1553, 158r. Le Phlegethon (Φλεγέθων, “le flamboyant”, ou Πυριφλεγέθων, “le Phlegethon de feu”) était un fleuve des Enfers, affluent de l’Achéron, qui roulait des flammes (Virg., En., 6.265) (De Caro 2002, 13). On notera que R. confond l’Acherusia et l’Achéron.
250 Alberti 1553, loc. cit. Les Cimmériens auraient vécu sur les bords du lac, condamnés à vivre sous terre et à se livrer à la métallurgie (De Caro 2002, 16). C’est là qu’Ulysse se rendit pour interroger Tirésias, l’oracle des morts, avant de descendre dans l’Hadès (Hom., Od, 11.14-19 ; Éphore, F134, cité et commenté par Str. 5.4.5) (Donnadieu & Vilatte 1996, 84).
251 Elpénor est le plus jeune des compagnons d’Ulysse lors de leur arrivée sur l’île de Circé. Contrairement à ce qu’écrit Alberti (évidemment repris par R.), il n’a pas été tué par Ulysse [Alberti 1553, loc. cit. : Et à questo Lago erano sacrificati gli uomini, come facilmente si può conoscere da Omero narra(n)do in qual modo fosse quivi ucciso Elpenoro da Ulisse, & sacrificato]. Après avoir été transformé en pourceau, puis avoir retrouvé forme humaine, il s’est enivré, est tombé de la terrasse du palais de Circé et s’est tué. Ulysse le rencontrera aux Enfers et lui rendra les honneurs funèbres qu’il réclame (sa mort : Hom., Od., 10.551-560). Quant à Misène, Alberti affirme qu’il fut sacrifié par Énée au même lac (foc. cit. : et parimente Miseno [ucciso] da Enea, avenga che sia scritto che’l morisse, ma inverità fu da lui ucciso, & poi sacrificato), alors qu’il est dit dans l’Énéide (Verg., Aen., 6.156-189), que ce talentueux trompette troyen mourut des mains de Triton, jaloux de son talent.
252 Alberti 1553, ibid. La traduction de notre Silésien est presque littérale. Boccace s’exprimait en ces termes, dans le chapitre De lacubus, s. v° Avernus campaniç lacus : Vidi ego ex hoc lacu Roberto inclyto Jerusalem & Sicilię rege vive(n)te ta(m) grandem piscium copiam eiectam in margines ut monstro simile videretur. Et quom omnes essent mortui, introrsum nigri erant & sulphure fetidi, adeo ut nullu(m) ex illis gustaret animal. Creditum ex eo est a prudentioribus incolar(um) eruptas diebus illis i(n) lacu(m) sulphureas venas tanti vigoris, ut infectis aquis pisces occident : Boccacio 1473, non paginé ([54]-[55]).
253 Ou plutôt Hercules Baulanus. Le détail vient d’Alberti 1553, loc. cit. En réalité, il s’agit probablement de l’établissement thermal dit “temple d’Apollon” [fig. 1, no 38], dont il reste les ruines d’une salle octogonale de 37 m de diamètre, intégrée au iie s. p.C. dans un complexe d’époque augusto-julioclaudienne (Maiuri 1949, 148-150 et fig. 90 ; Kirsten 1975, 237-238, et 239, fig. 17d ; Horn-Oncken 1978, 85 ; Adam 1984, 204, fig. 451 ; De Caro 2002, 68 et 68-69, phot.).
254 Voir note précédente.
255 Alberti 1553, 158v. Cf. Tac., Ann., 14.4.3-6. Villa impériale située à Bauli (D’Arms 1970, 95 et η. 114).
256 Sil. 12.156 : cité par Alberti (loc. cit.).
257 Il s’agit de Q. Hortensius Hortalus, consul en 69 a.C. (D’Arms 1970, 181, no 17, puis 18).
258 Alberti 1553, loc. cit. Cf. Plin., Nat., 9.55 (81).172 : “À Baules, aux abords de Baies, l’orateur Hortensius eut une piscine, et dedans une murène chérie au point qu’il la pleura, croit-on, quand elle mourut” (trad. de Saint-Denis, CUF).
259 Alberti 1553 Loc. cit. Mais la version véritable est différente. Plin., Nat., 9.172 : “Dans la même villa, Antonia, fille de Drusus [recte : femme de Drusus], mit des pendants d’oreilles à une murène qu’elle chérissait ; cela fit du bruit et attira plus d’un curieux à Baules” (trad. de Saint-Denis, CUF) (D’Arms 1970, 69).
260 La source est Alberti (ainsi que les fautes) (Alberti 1553, loc. cit.) : Suet, , Ner, 31.5. Ce projet de “piscine”, sorte de Canope allant de Misène à l’Averne (Balland 1965, 377), faisait partie du grand pogramme néronien autour du golfe de Pouzzoles. Comme il n’a jamais été réalisé, il est hasardeux d’en rechercher la représentation. Il est douteux qu’elle ait été prévue “près de l’Averne”, et que le stagnum Neronis des vases en verre puisse y correspondre (D’Arms 1970, 98-99).
261 La citation de Suétone se trouve chez Alberti (loc. cit.). Ce canal de l’Averne à Ostie, confié par Néron aux architectes Severus et Celer (auteurs de la domus Aurea), devait mesurer 160 milles romains (240 km). Le projet gigantesque, abandonné à la mort de Néron, et considéré par Tacite comme un effet de sa mégalomanie, prouve en tout cas l’intérêt porté par ce prince au commerce et au port de Pouzzoles (Balland 1965, 372-374 et 387-391 ; D’Arms 1970, 98 ; Zevi 2001, 119-120) : Suet., Ner, 31.3.
262 La Sibylle rendait ses oracles sur l’acropole de Cumes jusqu’à la fin de l’Antiquité. Avec le triomphe du christianisme, ce culte tomba dans l’oubli. La légende en vint à identifier, au Moyen Âge, la grotte de la Sibylle au tunnel du lac d’Averne. Cette crypta (qui n’a donc pas de rapport avec la Sibylle), d’usage militaire, a été creusée c. 37 a.C. par ordre d’Agrippa, pour mettre en relation par voie terrestre, à travers le banc de tuf dit Monte della Ginestra, l’Averne et le Lucrin [fig. 1, no 39]. Elle mesure 200 m de long et 3, 70 m de large. L’époque médiévale l’a convertie également à des fins thermales (sudatorio di Tritoli) [Maiuri 1949, 145-146 ; De Caro & Greco 1981, 77 ; De Caro 2002, 68 ; Domsta, éd. 2007, 106, n. 245].
263 Verg., Aen., 6.9-11 ; ce passage désigne en réalité l’arrivée d’Énée à Cumes où se trouve un temple d’Apollon (Phœbus) et la (vraie) grotte de la Sibylle (Kirsten 1975, 147). Voir infra, n. 259.
264 Verg., Aen., 6.42-44 ; voir note suivante.
265 Verg., Aen., 6.98-100 ; les trois extraits de Virgile se trouvent, dans le même ordre, chez Alberti 1553, 153r.
266 Ilche conferma etiandio Agathio nel 1. lib. delle guerre de i Gotti, & havendo narrato essere stati portati i tesori da i Gotti à Cume per conservarli sicuramente, & poi essendo Cuma antidetta assediata da Narsete. COSÍ adunque dice. Spelunca erat utrinque potentior ac profunda, penitissimisq(ue), & amplissimis penetralibus, voraginibusq(ue) immensis in abrutum descenderat, banc ferunt Sibyllam Italicensem, illam & magnam incoluisse. Quœ Phœbo capta, & spiritu divino instincta, petentibus futura prœdiceret. Siquidem & Æneœ Anchise filio tradunt se adeunti, omnia prœdixisse, quœ illi essent imposterulm) occursura (Alberti 1553, 154r). L’inquisiteur de Bologne (recopié par R.) a utilisé la mauvaise traduction latine d’Agathias (Historiarum, 1.10.2) procurée en 1519 à Augsbourg par Cristoforo Persona (1416-1486). Agathius de bello Gottthoru(m), & aliis peregrinis historiis temporum suoru(m), per Christophoru(m) Persona Romanum e grœco in Latinum traductus, MDXVIII, Augustæ Vindelicorum in officina Sigismundi Grim(m) Medicinas doctoris, atq(ue) Marci Wirsung Anno a partu virgíneo M.D.XIX Die. XX. Mens. Septemb. (BnF : réserve des livres rares, J 3276) : Spelu(n)ca erat utrinq(ue) patentior & profunda penitissimisq(ue) & amplissimis penetralibus : voraginibusq(ue) immensis in abruptum descenderat : hanc ferunt Sibillam Italicensem, illa(m) & magna(m) incoluisse : quę Phœbo capta & spiritu diuino instincta : pete(n)tibus futura prędiceret. Siquide(m) & Æneę Anchisę filio tradunt se adeunti omnia prędixisse quę illi essent imposterulm) occursura. Le texte originel est le suivant : [έν τῷ προς ήλιον άνίσχοντα τοῦ λόφου τετραμμένφ άγκώνι] άντρον τι ὓπεστιν άμφηρεφές τε καί γλαφυρώτατον, ώς άδυτα τε ἒχειν αυτόματα καί κῦτος εύρὺ καί βαραθρῶδες· ἐνταῦθα δή πάλαι φασί τήν Σίβυλλαν τήν πάνυ, την Ίταλήν, ένδιαιτωμένην, φοιβόληπτόν τε είναι καί ενθουν, καί προαγορεύειν τά έσόμενα τοῖς πυνθανομένοις. Λέγεται δέ ποτɛ καί Αινείαν τòν Άγχίσου αὐτοῦ άφικόμενον άπαντα οί τήν Σίβυλλαν φάναι τά ὓστερον ξυνενεχθέντα (éd. Niebuhr, 1828). Trad. J.H. : “Dans l’angle oriental de la colline, il y a une caverne qui est soigneusement creusée et entièrement couverte de manière à constituer un sanctuaire naturel aux proportions énormes et ressemblant à une voûte. On dit qu’elle était autrefois habitée par la fameuse Sibylle d’Italie et que, possédée et inspirée par Phébus (Apollon), elle prédisait les événements à venir à ceux qui la consultaient. L’histoire raconte encore qu’Énée, le fils d’Anchise, serait venu la voir et qu’elle lui aurait annoncé quel serait son sort”.
267 Sur les Cimmériens : supra, n. 250 ; sur la Sibylle de Cumes : supra, n. 262.
268 Supra, n. 264.
269 La Grotta di Cocceio ne correspond pas au tunnel Averne-Lucrin. Il s’agissait du passage creusé à travers le tuf du monte Grillo sur ordre d’Agrippa pour relier le lac d’Averne, siège du nouveau portus Iulius, à Cumes et à son port (voir le tracé dans Pagano et al. 1982, 275, fig. 1, et commentaire 295-296) [fig. 1, no 41a]. Ce tunnel rectiligne, long d’environ un kilomètre, permettait à deux chars de se croiser ; il était éclairé par six puits de lumière et était longé, sur le côté nord, par un aqueduc alimentant le portus Iulius et ses chantiers navals. Il est clos depuis les dégats subis lors de la seconde Guerre Mondiale. C’est Strabon (Str. 5.4.5) qui nomme l’auteur de cet ouvrage, l’architecte Cocceius : voir supra, n. 101 et 223. C’est également lui qui déclare qu’il a, en quelque sorte, suivi l’exemple des (mythiques) Cimmériens (ibid.) (Maiuri 1949, 135-140, fig. 83-84 ; De Caro & Greco 1981, 78).
270 Ce que décrit R. est d’origine antique – Alberti en donne une longue description (Alberti 1553, 153v-154r) : à l’extrémité occidentale du tunnel s’ouvrait sur un vestibule d’opus reticulatum un bras débouchant sur un couloir à degrés descendant dans des pièces souterraines à vocation thermale (il y avait aussi une entrée secondaire), aujourd’hui noyées par le bradysisme. C’est précisément ici que la tradition humaniste a situé les “baignoires” de la Sibylle déjà citées par le pseudo-Justin. Les éléments de décor de mosaïques et de peintures ont disparu. Il n’y a plus non plus de source d’eau chaude permettant la sudation [Maiuri 1949, 147-148, fig. 89 ; Pagano et al. 1982, 296-319, observations sur “l’antre” aux p. 316-317 ; De Caro 2002, 68 : voir également Domsta, éd. 2007, 102, n. 233].
271 Seuls l’acropole et le rivage méridional de Cumes [fig. 1, no 41] ont continué à être peuplés au haut Moyen Âge, mais le site devint un repaire de pirates sarrasins, puis de brigands qui fut réduit par la force en 1207. Cumes tomba dans l’oubli, et les terres basses marécageuses et malsaines qui entouraient l’acropole accentuèrent ce phénomène. Il faudra attendre 1606 pour que les premières recherches archéologiques aient lieu.
272 Le passage est inspiré d’Alberti 1553, 152v. On remarquera que le nom de “temple d’Apollon’’était aussi porté au xve siècle par une grande rotonde ayant sans doute fait partie de thermes impériaux, sur le lac d’Averne : cf. supra, n. 253.
273 Ce temple dont parle Virgile se trouvait évidemment sur l’acropole de Cumes. La citation est aussi chez Alberti (loc. cit.). Noter qu’elle est répétée, chez ce dernier comme chez R. : supra, n. 263.
274 Sur les vestiges immergés, voir infra, n. 284.
275 Passage inspiré d’Alberti 1553, 156v.
276 Alberti (ibid.). Le terme Silvani vient d’Ammien Marcellin (Amm. Marc. 28.4.19) : Silvani lavacrum, et ne doit rien à Silva (D’Arms 1970, 141).
277 Voir note suivante.
278 Ces deux noms (Bagno de la Nave et Bagni di Tritoli) désignent des sources chaudes (naturelles) et fumerolles connues aussi sous le nom de Stufe di Nerone (“Étuves de Néron”) ou de sudatorium de l’Epitaffio [fig. 1, no 42]. Tous les voyageurs venaient y faire l’expérience de la sudation extrême [longues descriptions et remarques d’ordre thérapeutique dans Fichard (1536/37), 92-93 ; Alberti 1553, 156v-157r ; Audebert (AO) II, 161-164 ; voir également Letts 1918, 188-189, 191, 193, et Letts 1919, 490]. Ces bains sont aujourd’hui en grande partie détruits (ils étaient hors d’usage dès 1700). Le nom leur a été donné par la légende populaire, reprise par la tradition humaniste. Leur vertu thérapeutique en faisait, selon elles, l’étuve impériale par excellence. Pline, Celse et Martial les ont évoqués avec précision. Le site s’étend sur les flancs d’une colline regardant vers le Lucrin, et descend jusqu’au littoral. Une gravure du xviie siècle montre qu’il possédait quatre niveaux. Il subsiste le sudatorium à mi-côte, formé de quatre pièces rectangulaires creusées dans le tuf, voûtées et stuquées, pourvues de loculi creusés et formant lits. Par un long cuniculus, on captait la vapeur chaude de la fumerolle (entre 27 et 48o C) (Maiuri 1949, 62-64, fig. 36 ; Kirsten 1975, 238 ; Horn-Oncken 1978, 84).
279 Alberti 1553, 156v. En fait, les aquœ Ciceronianœ citées par Pline (Plin., Nat., 31.6 : oculis vero Ciceronianœ [aquæ]), se trouvaient sur l’emplacement du Cumanum de Cicéron, passé aux mains de C. Antistius Vetus (D’Arms 1970, 198-200, no 43b ; De Caro & Greco 1981, 75). Quant à l’Academia, ce serait un autre Cumanum (de Varron) situé dans la zone du Lucrin, où Cicéron commença la rédaction des Academica : Plin., Nat., 31.6 (dignum memoratu, villa est ab Averno lacu Puteolos tendentibus inposita litori, celebrata porticu ac nemore, quam vocabat M. Cicero Academiam ab exemple Athenarum) (De Caro & Greco 1981, loc. cit). L’allusion est reprise par Boccace (De montibus, silvis, fontibus, lacubus, fluminibus, stagnis seu paludibus et de nominibus maris, 1ère éd., Venise, 1473) : Ciceronis fons haud longe a puteolis est, calidad evomens aquas, qu(a)e (a)egris oculis plurimum conferunt. Et ideo Ciceronis vocatur, quia in villa eius, qua(m) achademiam vocaverat, ea i(n) via qua(m) ab Annio [= Aniano] lacu fert puteolos est.
280 Alberti 1553, loc. cit.
281 Sur le nom de Sudatorio, voir Alberti 1553, 157r.
282 R. n’insiste pas sur ces ruines, pourtant immenses, dites Tempio di Diana, Tempio di Mercurio, Tempio di Venere, ou, plus globalement, Terme Baiane, ensemble thermal (avec deux grandes salles couvertes de coupoles) probablement lié à un palais impérial et de date augustéenne. Les vases en verre de Piombino et du Museo Borghiano représentent des vues de ces bâtiments, le premier entre Baies et Pouzzoles, le second entre Misène et Baies. On lit sur le vase de Piombino PALATIVM (Maiuri 1949, 69-78, fig. 41-46 ; Salinas 1956, 289-291 ; MacDonald 1965, 11-12 ; D’Arms 1970, 109-110 et fig. 8, plan, 140, n. 109 ; Mingazzini 1977, 275-281).
283 Hor., Epist., 1.1.83 : D’Arms 1970, 120.
284 En réalité le “pont de Caligula” était un môle s’achevant sur un arc triomphal et, peut-être, un phare. Caligula l’aurait relié à Baies par un pont de bateaux : supra, n. 228 (D’Arms 1970, 90-92).
285 Le castello di Baia [fig. 1, no 44] a été édifié à l’emplacement d’une luxueuse villa romaine par Alphonse d’Aragon (fin xve siècle), pour lutter contre les incursions des pirates, puis restauré après l’éruption du Monte Nuovo (1538), sur ordre de Charles Quint, par Pedro Alvarez de Toledo. C’est actuellement le siège du Museo Archeologico dei Campi Flegrei.
286 La menace barbaresque était omniprésente à cette époque : en 1535, Khair ed-Din Barberousse a saccagé Capri et Procida, puis bombardé les ports du golfe de Naples ; en 1543 et 1544, ce fut au tour d’ischia où il s’empara de 4 000 prisonniers ; en 1548 et 1552 Dragut Rais s’en prit de nouveau à Ischia, et en 1553 à la Chartreuse de Capri dont la bibliothèque et les archives furent détruites. Des corsaires sont encore attestés en 1551 sur les côtes italiennes (Delumeau 1957, 106-107).
287 Alberti 1553, 155r-v.
288 Alberti 1553, 155v. Le texte de Biondo invoqué est le suivant : ma in questo deto di terra si veggono tante memoria di cose antiche, parte intiere soterra, parte mezze ruínate sopra terra, e parte ruínate del tutto, che fuora le mura di Roma, non hebbe il mondo tutto, o di bellezza o di grandezza de gli edificii, cosa, che le potesse stare à fronte (quo in terrarum, ut ita dixerim, dígito stam multa cernuntur, partim integra in subterraneis, partim superius semiruta, partim in ruinas collapsa veterum operum monumenta, ut extra urbis Romæ mcenia, nihil illi toto in orbe terrarum ædificiorum magnitudine ac pulchritudine pars credam) (Biondo 1543, 230v ; Italia illustrata, 1474).
289 Les Cento Camerelle (ou “Prisons de Néron”) [fig. 1, no 45], situées au-dessus de Bacoli, n’ont en fait que bien peu à voir avec Néron : il s’agit de deux ensembles superposés d’orientations différentes, une citerne au-dessus d’une villa plus ancienne, luxueuse et donnant sur la mer. Cette villa appartint d’abord à Quintus Hortensius, puis à Antonia, épouse de Drusus, puis à Néron (domaine privé). Agrippine y fut reçue peu avant son assassinat. Elle passa ensuite aux Flaviens. La seconde phase semble correspondre au passage dans le domaine impérial. L’édifice supérieur est composé de quatre corridors parallèles et voûtés en berceau, communiquant entre eux par des arcades (même type que la Piscina Mirabile). Au niveau inférieur, une série de cuniculi parallèles recoupant des passages étroits et bas débouchent sur la mer et constituent les réserves d’eau d’une villa d’époque républicaine (Alberti 1553, 155v-156r ; Maiuri 1949, 81-83, fig. 48 ; 89-90, fig. 51 ; 91-93, fig. 53 ; D’Arms 1970, 78-79, 181 ; HornOncken 1978, 78 ; De Caro & Greco 1981, 64-65 ; De Caro 2002, 97 et fig., 100-101 et 102, en haut).
290 La Piscina Mirabile (ou Mirabilis) [fig. 1, no 46] est une énorme citerne recueillant l’eau de l’aqueduc du Serino (venu des Monts Hirpiniens, à plus de 60 km de là), construit sous le règne d’Auguste pour l’approvisionnement de la base navale et de la cité de Misène. Située au sud de Bacoli, elle dominait le port de Misène [fig. 1, no 48] vers le sud, mesurait 70 x 25, 50 m et 15 m de profondeur et comportait quatre rangées de 12 colonnes cruciformes qui soutenaient une voûte en berceau. Sa capacité était de 12 600 m3 (Alberti 1553, 155V ; Maiuri 1949, 99-100, fig. 101 ; Kraus 1967, 47 ; D’Arms 1970, 81, n. 39 ; Kirsten 1975, 249-250 ; Horn-Oncken 1978, 79 ; De Caro & Greco 1981, 68 ; De Caro 2002, 102, fig. en haut et p. 99, fig.).
291 E perche ella è posta in loco calidissimo, egli si pare, che sia quella de la quale scrive Plutarco, che have(n)do Lucullo di estate invitato à Frascato, che è presse Roma, e ch’era sua villa (...) ne l’inverno bisognava del tutto fuggirne (...) questa stanza [di Frascati] l’havea egli solo per l’estate fatta ; un’altra bellissima, e p(er) l’inverno l’havea in quel di Baia, dove è sempre primavera (Biondo 1543, 231r-v).
292 Pietro Ranzano (1426/27-1492/93), né à Palerme, étudia à Florence et Rome la théologie. Provincial de l’ordre des dominicains en Sicile, il fut nommé en 1469 précepteur de Jean d’Aragon, le deuxième fils du roi Ferrante, puis évêque de Lucera en 1476 et vicaire général de l’abbaye de Cava de’Tirreni en 1477. Il fréquenta la cour de Naples et y jouit d’un grand prestige. En 1488 il fut envoyé à la cour de Hongrie jusqu’à la mort de Matthias (1490). Il a écrit une immense encyclopédie, demeurée manuscrite, les Annales omnium temporum (Figliuolo 1997a ; Petrella 2004, 42-58).
293 En fait, la villa Lucullana n’est pas localisable avec exactitude (D’Arms 1970, 184-185, n. 22a ; Maiuri 1949, 99 ; Horn-Oncken 1978, loc. cit. ; Jolivet 1987, 878-885). Il s’agissait d’une demeure construite par Marius sur les hauteurs du promontoire de Misène, vendue 75 000 sesterces lors des proscriptions syllaniennes, puis acquise par Lucullus pour 2, 5 millions de sesterces, et passée à sa mort dans le domaine impérial. La Grotta della Dragonara en a peut-être fait partie (Maiuri 1949, 90-91).
294 Alberti 1553, 155v. La rencontre Lucullus-Pompée-Cicéron eut lieu dans une villa d’été de Lucullus, à Tusculum (Frascati). Cf. Plut., Vit. Luc., 39.
295 Tac., Ann., 6.50.2 : l’empereur va mourir dans cette demeure en 37.
296 Aujourd’hui encore appelée Mare Morto [fig. 1, no 49], c’est la partie occidentale de l’ancien port de Misène. Il s’agit d’une lagune reliée par un canal navigable à la rade extérieure du port de Misène. La “Mer Morte” devait être entourée d’arsenaux et de bassins de radoub (Alberti 1553, 154V ; Maiuri 1949, 84-86, fig. 49, 92 sq. ; Horn-Oncken 1978, loc. cit. ; De Caro & Greco 1981, 67 ; De Caro 2002, 97).
297 Octave a fait de Misène sa base navale de la Tyrrhénienne, le siège de la classis Misenensis (au iie siècle, classis prœtoria Misenensis, sous commandement direct de l’empereur) : Suet., Aug., 49.1 (Alberti 1553, 154v-155r ; Beloch 1879, 194-202 ; Maiuri 1949, 95-98).
298 Supra, n. 189 et IV, n. 488.
299 Le canal reliant la “Mer Morte” à la rade de Misène était franchi par un pont amovible de bois (ou par un pont maçonné) par où passait une voie. R. fait-il allusion à cela ? (la langue de terre séparant la rade de la lagune existe toujours).
300 C’est l’actuelle Punta Miseno [fig. 1, no 49] ; le terme promunturium Misenum se trouve chez Tacite, Ann., 14.4 (De Caro 2002, 21, phot.).
301 Faux : Μίσηνον (c’est à dire Misenum) (Ptol., Geog., 3.1.6). R. recopie mal le texte d’Alberti : & da Tolomeo Promontorium Miscenum (sic) detto (Alberti 1553, 154v).
302 Supra, n. 251.
303 Infra, n. 307.
304 Verg., Aen., 6.149 : voir note suivante.
305 Verg., Aen., 6.161-163 ; Alberti (loc. cit.) cite ces deux passages de Virgile – celui-ci et le précédent – dans le même ordre.
306 Verg., Aen., 6.212.
307 Verg., Aen., 6.232-235.
308 Actuelle Punta della Campanella, promontoire situé en face de Capri (Alberti 1553, 154v ; D’Arms 1970, 24-25, fig. 2).
309 C’était le nom familier donné dans l’Antiquité à la baie de Naples ; cf. Strabon (Str. 5.4.3, citant Polyb.) : ἄλλος κόλπος πολύ μείζων τού προτέρου, καλοῦσι δ’αὐτòν Κρατήρα, άπό τού Μισηνοῦ μέχρι τού Αθηναίου, δυεῖν ακρωτηρίων, κολπούμενον (Alberti 1553, loc. cit. ; D’Arms 1970, VII).
310 Alberti 1553, loc. cit.
311 Alberti : un detto Grito Tragonaria cosí nominato à Traconibus, cioè da gli meatí, overo sotteranei cuniculi per li quali passavano l’acque quivi, che dal cielo scendeano (suit une longue description). La Grotta della Dragonara [fig. 1, no 50] s’ouvre sous le promontoire de la punta Miseno, en direction de l’ouest et de la plage de Miliscola. Il s’agit d’une grande citerne romaine creusée dans le tuf, qui était peut-être destinée à la flotte, ou à la villa de Lucullus. Elle comporte plusieurs bras cruciformes, des soupiraux dans sa galerie d’accès et sa voûte est soutenue par 12 pilastres (Alberti 1553, 155r ; Maiuri 1949, 90 ; De Caro & Greco 1981, 73 ; De Caro 2002, 102 et fig.).
312 Le site (pointe du Poggio) [fig. 1, no 51] a été identifié par Maiuri et daté de l’époque d’Auguste, avec restaurations et agrandissements au cours du Ier siècle. Le phare servait à la flotte et aux communications impériales (Alberti 1553, 154V ; De Caro & Greco 1981, 71-72 ; De Caro 2002, 102).
313 La via Atellana traversait la cité osque d’Atella (entre Capoue et Naples) et reliait Cumes (ou Pouzzoles) à Capoue [fig. 1, no 52] (Alberti 1553, 160r ; Hentzner 1617, 339). Le nom le plus usité est celui de via Campana.
314 Alberti 1553, loc. cit. Le long de la via Campana (ou via consularis Puteolis Capuam) constituant l’artère principale du commerce régional, s’égrenaient de nombreux mausolées, columbaria et hypogées funéraires (Maiuri 1949, 52-60, fig. 28-34 ; Kirsten 1975, 192 et 219, fig. 12, 13 ; De Caro 2002, 78 et fig.) [fig. 1, no 53]. Voir aussi infra, η. 317.
315 Sans doute opus phrygium. Le terme concernait la broderie : cf. IV, n. 324, où il qualifie des voûtes en berceau décorées de caissons finement sculptés, évoquant de la broderie.
316 Alberti 1553, loc. cit.
317 Non procul abhinc venimus ad Viam Attellanam, de quâ sciendum, esse eam ab utrâq(ue) parte plenam collapsarum tabernularum, quarum forma partim quadrata, partim rotunda, & sunt in his tabemulis testudines vel arcus, in quibus loculi urnœ conspiciuntur, ut conjiceremus illa œdificia olim sepulturœ destinata fuisse, quamvis accolœ illius loci in eum usum illa extracta dicebant, ut res venales in iis haberentur, & ex ea persuasione, vulgari linguâ vocant, Il Mercato de Sabato... (Hentzner 1617, 339).
318 Supra, n. 285.
319 Poreta, commune de Spolète (Ombrie).
320 Cf. Alberti 1553, 82r. Biondo : Sopra Fuligno (...) è Trivio, il cui nome e sito mi fa credere, che questa fusse quella terra, che Vergilio chiamò Mutusca piena d’olive, e che Servio dice, che fu poi chiamata Trebia, & dal tempo suo Trebula ; de la qualefa mentione piu volte Martiale (Biondo 1543, f. 115v). En fait, Trevi, ville d’Ombrie située sur la via Flaminia, se nommait Trebiœ (R[adke] 1975b). Trebula Mutuesca correspond à Reate, Rieti (Monteleone Sabino) : cf. note suivante.
321 Verg., Aen., 7.711 ; Eretum est localisé en Sabine, à Casacotta, commune de Montelibretti (prov. de Rome). La citation de Virgile ne s’applique donc pas à Trevi.
322 Très probablement Sant’Eraclio di Foligno (Ombrie, prov. de Pérouse).
323 En réalité Foligno se nommait Fulginiœ (Sil. 8.462).
324 Forum Flamini, sur la via Flaminia, à mi-chemin entre Rome et Sena Gallica, correspond à l’actuelle La Vescia, sur la commune de Foligno : Radke 1975.
325 Le Topino (dans l’Antiquité Tinta : Plin., Nat., 3.53) est un affluent du Chiascio, qui se jette lui-même dans le Tibre (sur le passage de la via Flaminia près de Foligno et de La Vescia : Radke 1971, col. 141-143).
326 Alberti 1553, 81v. Les foires de Foligno étaient fameuses (foires de S. Feliciano, Santa Lucia di Pale, Santa Maria, etc). La plus importante durait du 22 mai au 22 juillet.
327 Hispellum (Plin., Nat, 3.113) est l’actuel Spello.
328 Alberti 1553, loc. cit. Spello fut en effet assiégé par Philibert d’Orange et pris le 1er septembre 1529, occupé et saccagé. Philibert de Chalon-Arlay, prince d’Orange (1502-1530), fut chargé par Charles Quint de restaurer les Médicis à Florence : il rassembla en août 1529 une armée de 10 000 hommes environ en Ombrie, pour aller assiéger Florence. Il mourut à la bataille de Gavinana (le 3 août 1530), avant la reddition de la ville (le 12 août) [Hans Cools, in : Brunet, éd. 2005, 15-16].
329 Santa Maria degli Angelí in Porziuncula, commune d’Assise (prov. Pérouse) : à quelques kilomètres d’Assise, caput et mater de l’ordre des frères mineurs qui y fut fondé en 1209, but d’un pèlerinage fameux (autour de l’Indulgence de la Portioncule, 1216). Une basilique sera construite, entre 1568 et 1679, sur des plans de Vignole (puis Galeazzo Alessi), englobant sous sa coupole la petite chapelle d’origine, qui remonte au ixe siècle et fut agrandie en 1288. R. a donc vu la chapelle primitive (Barnabé 1884, 211-213).
330 En 1610 une longue fontaine à 26 bouches sera construite sur le côté gauche de la basilique, sur ordre des Médicis.
331 Un grandiose pèlerinage a lieu chaque année à la Portioncule. Saint François y avait eu en 1216 une vision conduisant à l’institution de l’indulgence dite “Grand Pardon d’Assise”, origine du pèlerinage. Le site est également le lieu de la mort du fondateur (le 4 octobre 1226).
332 L’un de ces ex-voto était l’effigie de cire de Laurent le Magnifique (apr. 1478) (Warburg 1990, 109 ; DidiHuberman 1994, 416-417).
333 Alberti 1553, loc. cit. Le nom italien est Assisi. Alberti tire la citation de Caton des fragments de ses Origines.
334 Plin., Nat., 3.113.
335 Alberti : Ella è questa Città quasi roinataper le fattioni, & civili discordie (ibid.). L’histoire d’Assise à la fin du Moyen Âge fut en effet particulièrement mouvementée, tant sur le plan interne (lutte entre Parte de Sopra ou gibelins et Parte de Sotto ou guelfes) qu’à cause des menaces extérieures, surtout de la part des Pérugins ou de toutes sortes de condottieri. Diverses dominations se succédèrent : Giangaleazzo Visconti (1400), Braccio Fortebraccio de Pérouse (1419), Francesco Sforza (1430), Niccolô Piccinino (qui saccage la ville avec les Pérugins en novembre 1442), les Baglioni de Pérouse (1497). César Borgia (1503). Finalement, la cité passa dans les mains de la Papauté sous Paul III.
336 François d’Assise (Francesco di Pietro di Bernardone, 1182-1226) fut surnommé “le Séraphique” à la suite de sa vision du 17 septembre 1224, de l’apparition d’un séraphin et des stigmates. On le nomma également “séraphin sur terre” (Longpré 1964, col. 1298-1300). On remarquera que le texte d’Alberti, dont R. s’inspire de nouveau, est amputé significativement d’un passage trop “papiste” au gré de ce dernier : Illustra esso il glorioso Serafico Fra(n)cesco con la sua santissima vita (...) dignissimo fondatore dell’ordine de’frati menori (Alberti 1553, loc. cit.). Le passage sauté est le suivant : ornato de i santi segni di Giesu Cristo (singolare essempio à tutto’l mondo).
337 Les Frati Minori (franciscains) furent fondés par François en 1209 (première règle). La bulle de reconnaissance d’Honorius III date du 19 novembre 1223.
338 L’illustre basilique comporte deux niveaux : l’inférieur, commencé en 1228, le supérieur, construit de 1230 à 1253.
339 Le “pont sur le Tibre” est évidemment Ponte San Giovanni (commune de Pérouse).
340 Le duché de Spolète – concept remontant à l’époque des Lombards – n’existe plus depuis le xiiie siècle, époque à laquelle il fut rattaché aux États de l’Église. Dans l’Antiquité, la région était nommée Umbría, et Pérouse en faisait originellement partie, semble-t-il, mais les Étrusques ont très tôt contrôlé cette cité et porté la frontière de la dodécapole sur le Tibre. Pérouse peut donc être qualifiée d’ombroétrusque.
341 Depuis les travaux (évidemment douteux) d’Annius de Viterbe (à partir de 1498), on connaît l’intérêt des humanistes pour ces inscriptions difficiles à comprendre, mais considérées comme très anciennes (au même titre que les hiéroglyphes) (Danielsson 1928 ; Weiss 1969, 119-120 et 157). Nous ignorons à quelles découvertes, “non loin du pont sur le Tibre”, fait allusion R. Le secteur a livré de tout temps de nombreux vestiges étrusques (en particulier l’hypogée des Volumnii, découvert en 1840).
342 En latin Perusia.
343 Diverse sono le opinioni circa la edificazione di essa [Perugia]... (suivent plusieurs citations d’auteurs modernes à ce sujet) (Alberti 1553, 59v).
344 Alberti 1553, 59v-60r.
345 Etprimieramente dicono alcuni che lafu edificata da Perugio Troiano... (Alberti 1553, 59v).
346 Citation latine d’Alberti (loc. cit.). App., B Civ., 5.205-206 : τοδε μὲν δὴ τῇ Περυσίᾳ τέλος ἦν, δόξαν ἀρχαιότητος ἐχούσῃ καί ἀξιώσεως· ύπο γάρ Τυρρηνῶν πάλαι φασὶν αὐτην έν ταῖς πρώταις δυώδεκα πόλεσιν âv Ἰταλίᾳ γενέαθαι. Διὰ καί την Ἤραν εσεβον οἷα Τυρρηνοί· τότε δέ ὄσοι τά λείψανα της πόλεως διέλαχον, τòν Ἤφαιστον σφίσιν εθεντο θεòν είναι πάτριον ἀντὶ τής “Ηρας. Le texte se situe après la chute de Pérouse (fin févr.-début mars 40 a.C.). La fédération des duodecim populi serait la suivante : Veii, Cœre, Tarquinii, Vulci, Rusellœ, Vetulonia, Volsinii, Volaterrœ, Clusium, Cortona, Perusia et Arretium (Scullard 1967, 231-236). La grande déesse étrusque baptisée Héra était Uni. La phrase “ceux qui se partagèrent les restes de la cité” est une allusion à la réoccupation de la ville par ses habitants, privés, pour un temps, de territoire. Dion Cassius précise (D.C. 48.14.5) que “le temple d’Héphaïstos et la statue d’Héra furent sauvés, cette dernière fut transportée à Rome” [ces commentaires sont empruntés à Gabba, éd. et trad. 1970, 82-83].
347 Autres noms du lac : Lago ou mare di Perugia.
348 La bataille du lac Trasimène eut lieu le 21 juin 217 a.C. (Le Bohec 1996, 176-180 ; Brizzi 2000, 411-415 ; Chevallier 2000, 123-126).
349 Après un siège de plusieurs mois, la ville fut prise par les troupes d’Octavien, en février ou au début mars 40 a.C. Selon Dion Cassius (D.C. 48.14.4-5), 300 chevaliers et des sénateurs furent exécutés (Roddaz 2000, 863).
350 L’enceinte de Pérouse, très ancienne, fut refaite sur ordre d’Auguste (Gaggiotti et al. 1980, 82-87).
351 En fait, il s’agit de deux inscriptions : CIL, XI, 1929 et 1923 [Coarelli, dir. 1975, 67, fig. ; Gaggiotti et al. 1980, 84].
352 Pérouse appartenait aux États de l’Église, mais cette domination fut entrecoupée de nombreux épisodes de “tyrannie”. Pendant tout le xve et le début du xvie siècle, les grandes familles se disputèrent le gouvernement de la ville, portant tour à tour sur le devant de la scène des capitaines d’aventure et des nobles issus de puissants lignages : les Fortebracci, Piccinino, Baglione, Barciglia (Cappelli 1969, 421-422).
353 L’enseignement du droit existe à Pérouse depuis le xiiie siècle ; un studium generale y est institué en 1308. La ville bénéficie en 1321 de l’exode de professeurs de Bologne. Une provincia Teotonicorum est attestée au xive siècle. On y enseigne surtout le droit, mais aussi la médecine et la philosophie (Dotzauer 1976, 94-95 ; Zonta 2004, 82-83).
354 Baldo degli Ubaldi (Pérouse 1327 – Pavie 1400), jurisconsulte, auteur de commentaires du droit civil (Code Justinien) et du droit féodal. Disciple de Bartolo da Sassoferrato, ce fut l’un des maîtres les plus prestigieux du studium de Pérouse.
355 Alberti 1553, p. 62r. Mario Podiani (1510-av. 1583), chancelier de Pérouse, est l’auteur d’une comédie en dialecte pérugin publiée en 1530, I Megliacci, de quelques œuvres lyriques et d’un petit poème mythologique, Thybris, dédié à Jules III [Ugolini, éd. 1974].
356 La Rocca Paolina était une forteresse élevée (sur l’angle sud-est de l’enceinte romaine) pour le pape Paul III (1540) d’après un projet d’Antonio da Sangallo le Jeune, pour affirmer la domination pontificale, après une révolte contre l’impôt sur le sel. Elle a été détruite en 1860, après la suppression des États de l’Église (Gaggiotti et al. 1980, 83 ; Guidoni Marino 1983, 85-87).
357 Probablement une garnison de Suisses.
358 Le palazzo dei Priori (1293-1444).
359 Le Duomo San Lorenzo, édifice construit de 1345 à 1490.
360 Il s’agit de fragments (42 folios) de l’Évangile selon saint Luc, sur parchemin pourpre, écrit en lettres d’or au vie siècle : Pérouse, Biblioteca Dominicini, ms. 43, XVIII, XIXb (I Longobardi dei ducati di Spoleto e Benevento, Atti del XVI Congresso internazionale di Studi sull’alto Mediœvo, Spoleto-Benevento, ott. 2002, vol. I, Spolète, 2003, 429).
361 La Fontana Maggiore construite en 1267-1278, selon un projet de Fra Bevignate, décorée par Nicola et Giovanni Pisano, sert de débouché à l’aqueduc nouveau du monte Pacciano (Romanini 1983, ill. 19 ; description dans Lachenal 1995, 330).
362 L’abbaye bénédictine San Pletro a été consacrée, selon la tradition, en 968. L’édifice date des xve, xvie et xviie siècles.
363 L’église Sant’Angelo remonte au ve ou vie siècle. De plan circulaire, elle a été construite sur l’emplacement d’un temple païen, avec des matériaux antiques.
364 CIL, XI, 1926 (in fronte) : base de marbre (époque de Marc Aurèle) (Gaggiotti et al. 1980, 88) ; C(aio). Vibio. C(aii).f(ilio). L(ucii). n(epoti). Tro(mentina tribu) / Gallo. Proculeiano. / patrono. Perusinorum. / patrono. et. curatori. r(ei). p(ublicæ). Vet-/ tonensium. iudici. de. V. dec(uriis). œdi-/ li. patrono. collegi. Centon(ariorum). /Vibius. Veldumnianus/ avo. karissimo. ob. cuius/dedicationem. dedit. / decurionibus. X(sestertia) II. plebi X (sestertium) I. / l(ocum). d(atum). d(ecreto). d(ecurionum). La cité de Vettona se trouve en Ombrie.
365 Ce n’est pas à lui que Pérouse doit son nom de Vibia Colonia (sic Alberti 1553, 59v). Alberti emprunte cette légende à Annius de Viterbe et à l’epitome de Justin (20.1.11). Voir le commentaire de Petrella 2004, 526, n. 544] mais à l’empereur Trébonien Galle (251-253), originaire de la cité (cf. CIL, XI, 1930 : Colonia Vibia / Augusta / Perusia, sur l’arc étrusque dit porta Martia ou “arc d’Auguste”, où la première ligne se réfère à Trébonien) (ibid., 84 ; Horster 2001, 139, n. 65).
366 Nous n’avons pas retrouvé cette inscription. Ville ombrienne à l’origine, Pérouse est passée aux mains des Étrusques et était l’un des capita Etruriœ populorum (Liv. 9.37.12) : voir supra, n. 346 (Schmidt 1975a).
367 San Francesco al Prato date du xiiie siècle.
368 Bartole, ou Bartolo da Sassoferrato (prov. d’Ancône), ou Severi Alfani Bartolo (1313 ?-1357) était le plus grand juriste du xive siècle, de l’école dite des “commentateurs” ou des “post-glossateurs” (Nemo Jurista nisi bartolista ; il fut honoré par l’empereur Charles IV et ses œuvres, de plus de 10 volumes in-folio, furent imprimées à partir de 1471 : Stein 2004, 85-92, 101-103). Il connut une renommée immense en Europe. Élève de Cino da Pistoia, ami de Dante, il a enseigné le droit romain à l’université de Pérouse et fut vice-trésorier puis trésorier de la Chambre apostolique de Pérouse. C’est un des pionniers du droit “international”, très proche de la dogmatique juridique moderne (Calasso 1964 ; Merzbacher 1989, 559 ; Holmes 1997). Il est mort à Pérouse, et reçut une sépulture à l’église des franciscains, à droite de l’autel majeur (porte Sainte-Suzanne) (Vecchietti & Moro 1791, 96).
369 L’auteur de ce monument était Alfano Alfani dei Severi (1465-1550), un banquier pérugin, homme de lettres et politicien, apparenté à Bartole. La tombe avait été oubliée pendant plus d’un siècle : il la fit transporter dans la chapelle familiale, et y fit inscrire OSSA BARTOLI. (Cecchetelli Ippoliti 1929). Ce mausolée, disparu depuis, ne devait donc pas être terminé à la mort d’Alfani, ni en 1554, date du passage de R. (même si ce dernier a pu en transmettre un croquis à Fendt : Fendt 1574, pl. 51).
370 Montecolognola, commune de Magione (prov. Pérouse) (identification de Petrella 2004, 601).
371 Supra, n. 348.
372 C’est le plus grand lac d’Italie centrale (124 km2). Cf. Alberti : Egli è certamente bel e dilettevole lagoda vedere, di cui gran copia di buoni pesci si cavano, cominciando dalle calende di novembre insino a Pasca della Resurettione del Salvatore (Petrella 2004, 524).
373 Il s’agit de l’isola Polvese, de l’isola Maggiore (petit village de pêcheurs) et de l’isola Minore (ibid., 525).
374 Passignano sul Trasimeno (prov. Pérouse).
375 Casa del Piano, lieu-dit de la commune de Tuoro sul Trasimeno (prov. Pérouse).
376 Sanguineto, lieu-dit de Tuoro sul Trasimeno (prov. Pérouse), au pied du monte Castelnuovo.
377 Polyb. 3.3.80-85.
378 Liv. 22.4-7.
379 Plut., Vit. Fab., 2-3.
380 En réalité il s’agit de la limite entre le duché de Florence et les États de l’Église. Cf. lieu-dit Dogana S. Maria de Confignio. Il n’est toutefois pas situé dans la montagne, mais non loin du lac (Chevallier 2000, 125).
381 Liv. 22.4.2. Ils culminent à l’Alta di Sant’Egidio (1045 m).
382 Ossaia, commune de Cortone. Cf. Alberti 1553, 59r. Les Romains auraient perdu 15 000 hommes (tués, blessés et prisonniers), les ennemis 1500 (surtout des Gaulois).
383 Le nom (erroné) de Cortona est tiré par Alberti d’Annius de Viterbe : Croton mediterranea tempore Dionysii Halicarnassei colonia Romanorum facta et dicta Cortonia, ut in II libro idem Dionisius asserit. Ergo antiquitus neque Cortona dicebatur neque ab antiquo Corito derivationem et originem habuit, sed Croton mediterranea appellata est, ut Dionisius et Cato et alii dicunt et a socio Herculis Egiptii originem traxit qui Croton dictus est (Ann., Ant., D5v-Er : Petrella 2004, 512, n. 507). Corythus viendrait du nom d’un roi d’Étrurie qui l’aurait fondée (Serv., ad Aen., 3.167 ; 7.207 ; 10.719 ; voir également Sil. 4.719-720).
384 Les fortifications de Cortone ont été rénovées par les Médicis à partir de 1546 (Frescucci 1970 ; Pérol 2004, 25-31).
385 Cortone a été cédée à Florence en 1411 par le roi de Naples Ladislas de Durazzo.
386 Verg., Aen., 7.209.
387 Verg., Aen., 9.11 : “Il [Énée] fait armer un corps de Lydiens, des paysans qu’il a rassemblés” (trad. J. Perret, CUF). On ne voit pas le rapport avec Cortone (et R. se trompe de livre).
388 Verg., Aen., 10.719.
389 C’est le Clanis, affluent du Tibre (Sil. 8.455). auj. Chiana. Au Moyen Âge toute la vallée, d’Arezzo à Chiusi, était devenue un marécage inhospitalier (Hülsen 1899, col. 2626).
390 App., B Civ., 1.89 : “Un combat s’étant engagé auprès du fleuve Glanis [Γλάνις], Sylla tua autour de cinquante hommes à l’ennemi...” (trad. J.-I. Combes-Dounous, CUF).
391 Le Valdichiana (autref. palude Chiana).
392 Lieu-dit il Bastardo, près d’Arezzo, débaptisé en 1940 en San Giuliano di Arezzo.
393 Ponticino (le petit pont), village partagé entre Laterina, Pergine Valdarno et Civitella in Val di Chiana. Il tire son nom d’un vieux pont roman sur le Ganascione, un torrent affluent de l’Arno. R. donne une version erronée de ce nom (Ponte di Seva), probablement influencé par la lecture de Flavio Biondo : Ubi vero Seva fluvius Arnum illabitur est castellum mænibus munitum Pons ad Sevam dictus (sic) (cité par Petrella 2004, 510). Cette forme correspond au nom actuel Pontassieve, un chef-lieu de commune de la province de Florence situe a 18 km a l’est de la capitale de la Toscane.
394 Il ne peut s’agir de la Sieve, affluent de l’Arno (voir la note précédente).
395 Alberti 1553, 45rv. L’inquisiteur emprunte cette citation à Raffæle Maffei (dit il Volaterrano) (1451-1522), Commentariorum rerum urbanarum libri XXXVIII, Paris, J. Badius, 1526, c. f4r : Terra Passumena quam Strabo dicit ab Arretio esse cæteris remotiorem qua Annibal iter ad Trasimenum fecit... Ce nom vient en fait d’une mauvaise lecture de Strabon (5.2.9) : ἀποτάτω 8έ καì ή πρòς Ἀρρητίῳ Τρασουμέννα (“le lac Trasimène, voisin d’Arretium, en est au contraire très éloigné” : trad. Fr. Lasserre, CUF). Cf. F. Lasserre : Τρασουμέννα, Kramer [h9 Tr.] : γη [= γῇ] Πασουμέννα A ω’où A = Parisinusgr. 1397, sœc. XII et ω’= Prototypus codicum BCEncsvW et codicis Plethonis deperditi, sœc.XI (Strabon, Géographie, CUF, tome III, livres V et VI, Paris, 1967, p. 72 ; voir Petrella 2004, p. 459).
396 Le Casentino correspond à la haute vallée de l’Arno, à l’est de Florence et au nord d’Arezzo.
397 Montevarchi Valdarno a été acquis par les Florentins en 1254 et fortifié par eux.
398 Sans doute Figline Valdarno.
399 Pétrarque est né à Arezzo le 20 juillet 1304 : fils aîné du notaire Pietro di Parenzo di Garzo, “Ser Petracco dell’Incisa” (banni de Florence en 1302), il a passé ses premières années (à partir de 7 mois) à Incisa, où sa mère Eletta s’était retirée jusqu’en 1311 (Maréchaux 1997).
400 Le Valdarno superiore ou di Sopra a été intensément peuplé au Moyen Âge (cf. les nombreux pievi et castelli, maisons de villégiature des Florentins) et est considéré comme le grenier de Florence. La formule de R., inspirée des exemples campaniens (supra, n. 232), paraît toutefois exagérée : le caractère rural de la vallée n’a jamais disparu.
401 Les quatre ponts sont les suivants : ponte Vecchio (d’origine romaine) ; ponte alla Carraia (bâti pour la première fois en 1220) ; ponte alle Grazie (1237) ; ponte a Santa Trinita (1252) [Alberti 1553, 41r. ; Cl.-E. Virey : Bettoni, éd. 1999, II, v. 1370-1372 ; note, p. 221-222].
402 La vision de l’urbanisme florentin présentée ici est un peu idéale : seul le centre a gardé le plan orthogonal de la ville romaine, de son forum et de son cardo et son decumanus qui le divisent en quatre quartiers. Les agrandissements ultérieurs, à l’intérieur des enceintes médiévales successives, comportent des axes rectilignes, mais pas de plan orthogonal.
403 C’est un lieu commun : Alberti 1553, 40v ; Cl.-E. Virey : Bettoni, éd. 1999, 208 ; Audebert (AO) I, 259.
404 Le torrent Mugnone, venu de la toute proche Fiésole, s’unit au torrent Terzolle avant de se jeter dans l’Arno.
405 Le Duomo Santa Maria del Fiore, commencée en 1294 pour remplacer l’ancienne cathédrale Santa Reparata. OEuvre d’Arnolfo di Cambio, Giotto, puis Brunelleschi. La coupole (107 m de haut) fut terminée en 1436.
406 Revêtue partiellement de marbre vert-noir et blanc ( ?), elle sera démolie en 1587-1588 par Bernardo Buontalenti et ne sera achevée qu’au xixe siècle (1887). La description de R. fait beaucoup de cas d’une façade qui, si l’on en croit le célèbre dessin d’Alessandro Nani, n’était guère admirable dans son inachèvement : seule la partie basse était en effet terminée de son temps.
407 Commencé par Giotto et continué par Andrea Pisano et Francesco Talenti (84 m de haut).
408 La coupole était terminée depuis 1436, mais son décor peint ne sera commencé qu’en 1571 et achevé en 1579 (depuis 1448, elle est enduite de blanc).
409 La plus grande partie du décor peint et des statues de l’intérieur de la cathédrale datent du xve siècle.
410 Tableau de Domenico di Michelino (1465). Virey : “Et là tout proche aussy d’un Dante venerable/Depeinte l’on congnoit l’image en une table” [Bettoni, éd. 1999, II, v. 1021-1022 ; voir également Chytraeus 1594, 156].
411 Le buste de Giotto († 8 janv. 1337), dans un médaillon de marbre, a été réalisé en 1490 par Benedetto da Maiano sur ordre de Laurent le Magnifique et par décret public, et placé dans la nef droite du Duomo, accompagné d’un texte d’Ange Politien (c’est bien son épitaphe, mais sa tombe, toute proche, est un cénotaphe) (Michalski 1977, 107) : Ule ego sum, per quem pictura extincta revixit :/Cui quam recta manus tamfuit, etfacilis. /Naturce deerat, nostroe quod defuit arti :/Plus licuit nulli pingere, nec melius. /Miraris turrim egregiam sacro oere sonantem, /Hoec quoque de modulo crevit ad astra meo. /Denique sum Iottus, quid opusfuit illa referre ?/Hoc nomen longi carminis instar erit (Vasari ; Karel van Mander) [Giorgio Vasari, Le vite de’più eccellenti architetti, pittori, et scultori italiani, da Cimabue insino a’tempi nostri, Florence, 1550 (vol. II de l’éd. Giuntina, p. 122) ; Karel van Mander, Het schilder-boek, Haerlem, 1604 : Het leven van Giotto, Schilder, Beelt-houwer, en Bouwmeester, fol. 97]. Le tondo représente Giotto mosaïste tenant une tesselle (Chastel 1999, 78, fig. 20 ; Bodart 2005, 9, ill.).
412 Erreur de R. : la célèbre représentation a fresco du condottiere anglais John Hawkwood (Giovanni Acuto) (v. 1320-1394) au-dessus de son tombeau (Leader & Marcotti 1889) n’est pas l’oeuvre de Giotto, mais de Paolo Uccello (1436) (Sparrow 1969, 17 et fig. 7 ; L’opera completa di Paolo Uccello, Classici dell’arte Rizzoli, 1971, pl. V et no 13 ; Oy-Marra 1994 ; Hudson 2006).
413 L’illustre Marsile Ficin (1433-1499), humaniste néoplatonicien (Vasoli 1997), est représenté à Santa Maria del Fiore par un buste de marbre (1521) d’Andrea da Fiesole (Andrea di Piero Ferrucci) [Hale (dir.), Dictionnaire de la Renaissance italienne, Paris, 1997, 132 (fig.)] et l’inscription lue par R. [Fendt 7574 » pl. 22 ; Audebert (AO) I, 250-251 ; Michalski 1977, 122-123 (fig. 24-25)].
414 Les anciens chroniqueurs pensaient que le baptistère de Florence s’élevait à l’emplacement d’un temple de Mars [Alberti 1553, 40V ; Petrella 2004, 425 ; Cl.-E. Virey : Bettoni, éd. 1999, II, v. 1061 ; Hentzner 1617. 356 ; Weiss 1969, 17]. Les archéologues ne sont pas de cet avis (Bargellini 1964, 48).
415 Le bel San Giovanni de Dante. Ce baptistère octogonal a été rebâti et consacré en 1059 sur les ruines d’une église paléochrétienne.
416 Le lys rouge, emblème héraldique parlant de la cité, est un lieu commun des descriptions et éloges de Florence [Alberti 1553, 40r ; Petrella 2004, 427 ; Audebert (AO) I, 259 ; Cl.-E. Virey : Bettoni, éd. 1999, II, v. 981-982].
417 Fiésole fut conquise le 12 septembre 1125, la ville fut rasée, sauf la cathédrale, le siège épiscopal et une partie de l’enceinte.
418 L’antique Fœsulœ étrusque était antérieure à la colonie romaine de Florentia, fondée au Ier s. a.C. (en 59, 44 ou 41 a.C.).
419 Le carroccio était le char qui transportait à la bataille l’étendard de la cité, que les combattants défendaient jusqu’à la mort. La plus ancienne attestation remonte à 1039 (Milan). À la fin du xiie siècle, un grand nombre de cités avaient adopté le carroccio en lui affectant une garde pour l’escorter dans les combats (Zug-Tucci 1985 ; Byrne 2004).
420 Alberti 1553, 26rv. Ces deux fûts de porphyre antiques encadrent la porte orientale du baptistère. L’événement s’est produit en 1115, en réalité en remerciement de l’aide de Florence lors de la bataille des Baléares contre les musulmans.
421 Baldassare Cossa (v. 1370-1419) fut l’antipape Jean XXIII déposé en 1413 par le concile de Constance (convoqué par lui) (Larner 1997). Audebert : “À costé gauche dudict chœur [de la cathédrale, sic] y a en la muraille une table de marbre en laquelle est l’épitaphe du Pape Balthasar Cossa, qui fut demis du Papat au Consile de Constance, duquel le sepulchre est fort beau et richement orné, avec son effigie de bronze et ceste inscription au dessoubs Balthasar Cossa / olim Ioannes XXIII” [Audebert (AO) I, 250 ; Alberti 1553, 40v ; Chytræus 1594, 146]. Le tombeau est dû à Donatello et Michelozzo.
422 L’église San Lorenzo, consacrée en 393, puis en 1060, réédifiée par Brunelleschi et ses élèves de 1425 à 1456 [Alberti 1553, 41r ; Schickhardt (AB), 161].
423 Cosme Ier (l’Ancien) (1429-1433 et 1435-1464) ; Laurent le Magnifique (1469-1492). Le premier était le grand-père du second.
424 Alberti (que recopie R.) s’est trompé et a confondu le tombeau de Cosme l’Ancien et celui de ses deux fils (voir infra, n. 426). Cosme a été inhumé en 1464 dans le pilastre de la crypte et son épitaphe (en deux parties) se voit encore dans le pavement de marbre et de porphyre, devant l’autel : a) cosmvs medices / hic sitvs est / decreto pvblico / pater patriae ; b) vixit / annos lxxv/ menses iii / dies xx [Sparrow 1969, 18 ; corriger Saxl 1940-1941, 23 et Audebert (AO) I, 252 et 315, n. 19].
425 La Sagrestia Vecchia (ou sacristie des chanoines, à dr.), est due à Brunelleschi, pour l’architecture (1420-1428) et Donatello, pour la sculpture (1428-1443) (Frommel 2005, 74-79 et 91, fig. 3).
426 Le cercueil de porphyre et bronze en question est le monument de Giovanni Ier (gonfalonnier de 1421 à 1429) et de Piero (seigneur de Florence de 1464 à 1469), fils de Cosme l’Ancien. C’est une œuvre de Verrocchio datant de 1469-1472 (Alberti 1553, loc. cit. ; Bodart 2005, 59, ill.).
427 L’illustrissime Sagrestia Nuova (à g.) fut commencée par Michel Ange en 1520, continuée par Montorsoli et Tribolo. C’est une chapelle funéraire des Médicis [longs développements d’Audebert (AO) I, 252-255 (ff. 192r-195r)].
428 Ce très célèbre tombeau, œuvre de Michel Ange, n’est pas celui d’Alexandre de Médicis, dit il Moro (né en 1510, seigneur de Florence puis duc de Toscane de 1530 à 1537, assassiné le 6 janvier 1537 par son cousin Lorenzino), mais celui de Lorenzo II (seigneur de Florence de 1516 à 1519), duc d’Urbino, petitfils de Laurent le Magnifique et père de Catherine de Médicis. On sait qu’Alexandre était de naissance illégitime et qu’il est souvent considéré comme un fils naturel du cardinal Jules de Médicis (le futur Clément VII). Le corps d’Alexandre a simplement été déposé dans le tombeau du duc d’Urbin. La confusion de R. se trouve aussi chez Audebert et s’explique peut-être, selon Olivero, par la célébrité et le tragique de sa mort, qui auront occulté auprès des voyageurs le souvenir de Lorenzo d’Urbino [Audebert (AO) I, 315-316, n. 20].
429 Julien de Médicis (Giuliano II di Lorenzo, 1479-1516, seigneur en 1512, duc de Nemours en 1515), était le troisième fils de Laurent le Magnifique. Son monument est dû à Michel Ange qui en a idéalisé les traits dans une statue en armure classique (Picotti 1949). On sait que la Nouvelle Sacristie est restée inachevée, à cause du départ de Michel Ange pour Rome, en 1534 [Audebert (AO) I, loc. cit. ; voir également Frommel 2005].
430 Paolo Giovio (Paul jove) (1483-1552), médecin à Côme puis Florence, évêque de Nocera, historien (Hale 1997a ; Zimmermann 1995). Son épitaphe suggère l’existence d’un tombeau temporaire (disposita) ; Fendt 1574, pl. 35 ; Kajanto 1980, 27 et n. 4 ; Kajanto 1982, 92 ; Crispus est Salluste (C. Sallustius Crispus) et Patavinus Tite-Live. En effet, le monument actuel est tout autre (c’est celui que décrira Nicolas Audebert, lors de son passage en 1575) [Audebert (AO) I, 255 (ff. 195r-v) ; voir aussi Chytræus 1594, 141 ; Hentzner 1617, 357]. Il est surmonté de la statue de marbre de l’évêque mitré et assis (par Francesco da Sangallo) et porte les inscriptions suivantes : a) (sur le socle de la statue) Franci. Juliani. Sangalli Facie. An. D(omini). M.D.L.X. ; b) (dans un cartouche, à la partie inférieure du monument, entre deux armoiries) Paulo Iovio Novocomen(si) Episc(opo) Nucerino / Historiarum sui temporis scriptori / Sepulchrum quod sibi testamento decreverat / Posteri eius integra fide posuerunt. / Indulgentia maximorum optimorumq(ue) Cosmi et Francisci Hetruriœ Ducum. / An. M. D. L. XXIIII.
431 Ce sont les enseignes que Cosme Ier, duc de Florence de 1537 à 1574, vient juste de récupérer dans la guerre de Sienne. Piero Strozzi a perdu 100 drapeaux, surtout au combat de Marciano (le 2 août 1554). Les faits sont donc très récents. En 1580, Montaigne y fera allusion en ces termes : “Nous vîmes l’église Saint-Laurent, où pendent encore les enseignes que nous perdîmes sous le maréchal Strozzi, en la Toscane” [Garavini, éd. 1983, 177].
432 Piero Strozzi (v. 1510-1558), lieutenant du roi de France en Toscane, puis maréchal de France en 1554.
433 Erreur de R. : il n’a été que gravement blessé à la bataille de Marciano. Il sera tué devant Thionville le 20 juin 1558, et inhumé à Épernay, dont il était seigneur usufruitier depuis 1550. Mais l’erreur vient du fait qu’il fut tenu pour mort pendant 13 jours après la bataille de Marciano [cf. Biaise de Monluc : Ruble, éd. 1864, 468 : “Monsieur le mareschal demeura jusqu’au treziesme jour que l’on le tenoict pour mort” (Je remercie Denise Turrel de m’avoir indiqué ce texte)].
434 La bibliothèque Laurentienne a été fondée par Cosme l’Ancien (biblioteca privata Cosimi), augmentée par Laurent à San Lorenzo (vers 1470), pillée par les Français en 1492. Les volumes restants sont passés à San Marco, puis ont été transportés à la Villa Médicis de Rome en 1508 par le cardinal Giovanni de Medicis (devenu le pape Léon X en 1513). Clément VII (Jules de Médicis) confia en 1523 à Michel Ange le soin d’édifier une nouvelle bibliothèque à San Lorenzo sur des plans d’Ammanati. Alberti 1553, 41r ; Hentzner 1617, 358.
435 Or’San Michele (1337-1350). Vers 1367-1380, le rez-de-chaussée fut dédié à la Vierge et comporte des statues des saints patrons des guildes par Brunelleschi, Nanni di Banco, Donatello, Ghiberti, Verrocchio.
436 La Santissima Annunziata, fondée par les servîtes au xiiie siècle, réaménagée aux xve-xvie siècles. On y exposait, les jours de fête, un tableau de la Vierge présumé peint de la main de saint Luc [Schickhardt (AB), 162].
437 Le commentaire est bien d’un luthérien. Cf. N. Audebert : “Y a aussi une eglise appellée La Nontiata où est gardée une nostre Dame de la main de St. Luc, à cause de laquelle il y a tant de statues, images, tableaux et vœux de toutes qualitez de personnes, Papes, Cardinaux, Évesques et gens de haulte et basse condition, que il y en a une grande partie hors l’eglise, qui en est si remplie qu’il n’y a recoin qui n’en soit couvert jusques au hault de la voulte” [Audebert (AO) I, 256]. Alberti compare l’activité du lieu à celle du temple de Diane d’Éphèse [Alberti 1553, loc. cit. ; cf. également Hentzner 1617, 357 ; Cl.-E. Virey : Bettoni, éd. 1999, II, v. 1209 et n., p. 217]. Les fabricants d’ex-voto s’y nommaient fallimagini ou ceraiuoli (Mazzoni 1923 ; Didi-Huberman 1994, surtout à partir de la p. 411).
438 Santa Maria Novella : c’était la plus ancienne institution hospitalière de Florence, fondée en 1286 par Folco Portinari, riche banquier et père de la Béatrice de Dante (Alberti 1553, loc. cit.).
439 L’église Santa Croce, de l’odre des franciscains, a été reconstruite à partir de la seconde moitié du xiiie siècle et au xive siècle, consacrée en 1443 (Hentzner 1617, 356).
440 Alberti 1553, loc. cit. L’église du Santo Spirito, située Oltrarno, a été conçue vers 1440 par Filippo Brunelleschi et exécutée par Antonio Manetti et alii. Le campanile date de 1503. Elle comporte une forêt de 35 colonnes.
441 Santa Maria Novella, terminée entre 1456 et 1470.
442 San Marco (faubourg nord de Florence) : couvent de dominicains, construit sur ordre de Cosme l’Ancien en 1437 (architecte : Michelozzo ; décor de Fra Angelico et alii) (ibid.). La façade en sera entièrement refaite au xviiie siècle.
443 La biblioteca Marciana : destinée à accueillir 400 manuscrits de l’humaniste Niccolo Niccoli (1364-1437) (première bibliothèque publique d’Europe), elle fut fondée et financée par Cosme l’Ancien. À cet effet, une salle spéciale fut créée par Michelozzo (apr. 1438) dans le cloître des dominicains.
444 Il est difficile de savoir ce qu’était cette statue, apparemment disparue aujourd’hui. Il pourrait s’agir de la statue équestre de bronze de Giovanni delle Bande Nere (1498-1526), père du duc Cosme Ier, élevée sur la piazza San Marco, et due à Niccolò Tribolo (apr. 1539). Cette statue, aujourd’hui disparue (mais il s’agissait d’un monument temporaire), a été modelée par Tribolo pour les noces de Cosme Ier et d’Eleonora da Toledo en 1539 (Kaufmann 1970). Mais on ne voit pas pourquoi R. la localise “dans l’entrée” de la bibliothèque et ne signale pas qu’il s’agit d’une statue équestre de grande taille (Woo Kim 2006, 17-19).
445 L’illustre Jean Pic de la Mirandole (1463-1494), ami de Marsile Ficin et de tous les intellectuels platoniciens du xve siècle (H. de Lubac, Pic de la Mirandole, Paris, 1974 ; Magnard 1997), est mort le jour de l’entrée de Charles VIII à Florence (17 nov.), revêtu de l’habit des frères prêcheurs. Savonarole a prononcé son oraison funèbre au Duomo. Il n’a reçu de vraie sépulture qu’en 1542, aux côtés de Girolamo Benivieni [Fendt 1574, pl. 33 ; Cl.-E. Virey : Bettoni (éd.) 1999, II, v. 1149-1152].
446 Les stalle medicee (“Escuirie du grand Duc”) ont été édifiées en 1515, place San Marco, embellies par Cosme Ier et, plus tard, par ses fils François Ier et Ferdinand Ier (mais R. n’a évidemment pas vu ces derniers aménagements). On y a ajouté la ménagerie du Palazzo Vecchio, lors des travaux d’agrandissement de ce dernier en 1550. Montaigne les verra en 1580, “fort grandes, voûtées”, et bien d’autres [Garavini, éd. 1983, 177 et 419 (n. 398) ; Cl.-E. Virey : Bettoni, éd. 1999, II, v. 1249 et comment., p. 218].
447 C’est sans doute ce que N. Audebert situe près de L’Annunziata : “Près de ceste derniere eglise est le lieu où le Duc faict garder des bestes saulvages, où y avoit seulement, lorsque j’y feuz, quatorze Lions, entre lesquels y en avoit quatre grans et le reste plus petits, puis un Tygre, et d’aultre costé deux oiseaux, une Aigle et un Vaultour” [Audebert (AO) I, 256 et 316 (n. 29) ; cf. aussi Montaigne : loc. cit. ; Loisel 1912, 200].
448 Le Palazzo Vecchio (ou Palazzo della Signoria, plus tard palais ducal), conçu par Arnolfo di Cambio (1299), occupé en 1540 par Cosme Ier, et agrandi par Buontalenti et Vasari [cf. Audebert (AO) I, 256].
449 Groupe de marbre de Baccio Bandinelli (signé et daté 1534), sur la Piazza della Signoria (h 4, 96 m). Commandé en 1525 pour servir de pendant au David de Michel Ange. Le (faux) surnom de Bacchius vient de la lecture rapide de l’inscription apposée sur la base : bacchius bandinell. flor. faciebat mdxxxiiii (Jestaz 1984, fig. 246 ; Pœschke 1992, pl. 175, p. 170 ; Francini & Vossilla 1999 ; Burg 2007, 185, n. 92).
450 Le célèbre Persée de bronze (h 3, 20 m), par Benvenuto Cellini, tout neuf lorsque R. le vit dans la Loggia dei Lanzi (il a été fondu en 1553) [cf. Audebert (AO) I, 258]. On remarquera que R. ignore, bizarrement, le David de Michel Ange (1501-1504).
451 Le Palazzo Strozzi, commencé en 1489 (archit. : Benedetto da Maiano et Jacopo Rosselli), achevé en 1507 par Simone del Pollaiolo (dit il Cronaca), est l’un des plus beaux de Florence.
452 Le Palais Pitti (du nom du banquier Luca Pitti) fut réalisé à partir de 1458 sur des plans de Brunelleschi. C’est la somptueuse résidence familiale, hors les murs, des Médicis qui l’achetèrent en 1549 (les héritiers de Luca Pitti l’ont vendu à Eléonore de Tolède, première femme de Cosme Ier). La description de R. correspond à la façade, qui est composée d’un assemblage de blocs de pietra forte (pierres des carrières de la colline de Boboli), ce qui lui donne une allure générale monumentale et massive (“bossage rustique”) (Hentzner 1617, 359). En 1564, Cosme fera construire par Vasari le corridor long d’un kilomètre qui relie le Palazzo Vecchio, centre du pouvoir et résidence officielle, à la résidence familiale du Palazzo Pitti.
453 Les jardins dits de Boboli ont été voulus par Eléonore de Tolède, dessinés par Tribolo et réalisés en 1550 par ce dernier, puis Bartolomeo Ammannati et Bernardo Buontalenti (Fagiolo 1980 ; cf. Hentzner 1617, loc. cit.).
454 Cosme l’Ancien avait fait construire le palais Medici-Riccardi (commencé en 1444 par Michelozzo). Les Médicis l’habitèrent jusqu’en 1540, puis le duc Cosme Ier le quitta pour s’installer au Palazzo Vecchio (supra, note 448) (en 1560, il optera finalement pour le Palais Pitti).
455 Les collections médicéennes se trouvaient en 1554 au Palazzo Vecchio (Turpin 2006).
456 Le manuscrit le plus connu du Digeste (ou Pandectes) – la célèbre compilation du droit romain ordonnée par Justinien (527-565) – remonte à la seconde moitié du vie siècle ou au début du viie siècle, et est appelé la littera Pisana ou Florentina (F). En effet ce manuscrit est arrivé à Pise en 1142 (après un passage possible par Amalfi), mais on ignore où il se trouvait auparavant (Bologne ou Constantinople ?). En 1406 les Florentins s’en emparèrent et l’installèrent comme une relique au Palazzo Vecchio (puis, en 1786, à la Laurentienne). Au Palazzo Vecchio (Stanza degli Argenti), à partir de 1480 on permit aux humanistes de le consulter, puis on le montra aux étrangers à la lumière des torches. Lelio Torelli en procura l’édition en 1553. Les Pandectes de Pise (ou de Florence) sont la base des éditions modernes. Dès le xiie siècle, elles furent considérées en Italie comme la preuve de la supériorité du droit romain sur les droits statutaires ou coutumiers “modernes.” Elles furent à la base de l’émancipation communale et constituèrent le lien le plus fort avec la Rome antique [Alberti 1553, 26r ; Audebert (AO) I, 240 et 257 et comment., 317, n. 34 ; Cl.-E. Virey : Bettoni, éd. 1999, II, v. 1342 et note (p. 221) ; Hentzner 1617, loc. cit. ; Zdekauer 1889 ; De Francisci 1949, 391 ; Ullmann 1977, 51 ; Le Pandette 1986 ; Gramaccini 2000, 37 ; Grendler 2002, 438-441].
457 Nous n’avons rien trouvé sur ces curiosités.
458 La Fortezza da Basso (ou de San Giovanni Battista), édifiée à la Porta a Fænza entre 1533 et 1537 par Antonio da Sangallo le Jeune sur ordre d’Alexandre de Médicis, en forme d’immense pentagone jamais achevé (cérémonie de fondation le 15 juillet 1534). C’était la marque de la perte de liberté des Florentins [Alberti 1553, 41r ; Audebert (AO) I, 248 (La grande Citadelle) ; Hale 1968], la fin de la République florentine, après un dernier épisode de 1527 à 1532 pendant lequel les Florentins ont essayé de profiter de la faiblesse du pape après le sac de Rome pour chasser les Médicis ; mais l’empereur et le pape font le siège de la ville et imposent Alexandre de Médicis comme duc le 1er mai 1532. Celui-ci est le fils illégitime de Clément VII (à l’époque, pudiquement, on dit “neveu”) : supra, n. 428.
459 Cosme Ier, duc en 1537, fit transformer en 1553 en ouvrage permanent et bastionné par Giovanbattista Belluzzi les fortifications de la colline de San Miniato al Monte, improvisées par Michel Ange, architecte de la république, à l’époque du siège de Florence par les Impériaux (1529-1530) (Spini 1983). C’était le siège d’un monastère d’olivétains depuis 1373.
460 Le Val di Pescia est la vallée de la Pescia Maggiore qui descend de l’Apennin pour déboucher dans la plaine de l’ancien lac de Fucecchio, à l’est de Lucques, qui communique avec l’Arno.
461 Le château d’Empoli est attesté dès le viiie siècle. Ses murs sont détruits en 1333, mais reconstruits par les Florentins. L’enceinte a sa forme définitive en 1487 (Scaramella 1949).
462 La Scala, sur la via Francigena, est un hameau de la commune de San Miniato (prov. de Pise).
463 San Miniato al Tedesco est un bourg né au viiie siècle et très vite fortifié. En 962, Otton Ier y résida et y plaça un vicaire impérial (d’où son nom – qui ne doit rien à Didier). Toutefois, cette information, issue d’une chronique locale, est invérifiable (Alberti 1553, 46v ; Scaramella 1949a).
464 Sur l’ordre de cet empereur, Conrad de Spire fit construire une célèbre rocca (Alberti 1553, loc. cit. ; Scaramella 1949a, 737).
465 À Pontedera se trouvait un ancien château pisan du début du xiiie siècle. La ville fut l’objet de fréquents conflits avec Florence, qui s’en empara en 1406. En 1554 Marignano, lieutenant de Charles Quint en Toscane, dévasta ses fortifications parce qu’elle avait aidé et abrité Strozzi (Mori 1949 ; Tognarini 2004).
466 La “guerre de Sienne” a duré de 1552 à 1555. Piero Strozzi, commandant les Franco-Siennois, n’a pas fortifié Pontedera, mais s’y est retranché (voir note précédente) (Palmarocchi 1949). La guerre de Sienne est née de l’expulsion des Espagnols de cette ville (27 juill. 1552) par des insurgés appuyés par une armée française. Piero Strozzi défendit la ville avec des Français, des Suisses, des Siennois et des lansquenets allemands, contre Gian Giacomo de Médicis, marquis de Marignano, à la tête d’une armée de Florentins, d’Espagnols et de mercenaires. Strozzi ayant effectué une sortie en direction du Val di Chiana, une bataille décisive s’est déroulée à Marciano (colline de Scannagallo), le 2 août 1554, où les Impériaux eurent le dessus. Strozzi aurait perdu autour de 4000 morts (et 1700 prisonniers), alors qu’impériaux et Toscans n’avaient à déplorer que 200 tués et 300 blessés ou déserteurs. Les Florentins voyaient le chemin de Sienne s’ouvrir à eux : la ville, défendue par Biaise de Monluc depuis le 12 juillet, ne se rendra que le 21 avril 1555, ce qui permettra aux Médicis de contrôler toute la Toscane [Courteault 1908 (qui commente les Commentaires de Biaise de Monluc, présent lors de la bataille) ; Hauser & Renaudet 1956, 496-498 ; sur tous ces événements : Giannelli, éd. 2004 (en particulier Tognarini 2004)].
467 Allusion probable à la bataille du 2 juillet 1252 entre Florentins et Pisans, où furent faits prisonniers (et non tués) 3000 de ces derniers : “Li sopraggiunsero [i Fiorentini] a Pontedera, ed incontanente attaccarono feroce battaglia il primo di luglio [1252]. Si combatte lunga pezza : finalmente i Pisani furono rotti e cacciati sino alla badia di San Savino. Piu di tremila prigion[ier]i furon tratti a Lucca ed a Firenze” (Paolo Tronci, 1632) (Valenti 1868, 447).
468 Le Serchio est l’Auser de Pline (Plin., Nat., 3.5.50) ; mais l’Esaro est une rivière de Calabre (en fait la graphie Esaro en lieu et place d’Auser se trouve chez Alberti).
469 La ville de Pise ne faisait pas partie des douze cités étrusques. Cette opinion devait être répandue, car on la trouve aussi chez Nicolas Audebert : “En somme ceste ville fut edifiée des Grecs et – comme tesmoigne Caton et plusieurs aultres autheurs antiques – long temps avant Rome, estant ceste cy l’une des douze villes qui furent premierement bastyes en Hetrurie, ce que declare Rutilius en son itineraire : Ante diu quam Trojugenas fortuna penates. / Et Laurentinum (sic pro : Laurentinorum) Regibus insereret : / Elide deductus suscepit Etruria Pisas / Nominis indicio testificata genus” [Audebert (AO) I, 242]. Ici Audebert (comme R.) s’inspire directement d’Alberti (Petrella 2004, 358-359).
470 Pise fut une grande puissance méditerranéenne au xiie siècle, mais elle déclina à partir du xiiie siècle ; au xive siècle, c’était toutefois encore un port de mer important, mais il s’envasa rapidement au xve siècle. La défaite qu’elle avait subie de la part des Gênois en 1284 à la Meloria (au large de Livourne) avait vu la perte de sa suprématie en mer Tyrrhénienne. Elle sera soumise à Florence en 1406.
471 Pise a dominé la Sardaigne de 1187 à 1284 (mais ce n’était pas un “royaume”) (Ciasca 1949, 853-854).
472 En 1157 Pise avait conclu avec Tunis un traité garantissant la sûreté des personnes et la liberté du trafic. Des commerçants italiens s’installèrent alors à Tunis (“Carthage”) (Rossi 1949, 488).
473 Florence conquit Pise le 9 octobre 1406. Elle lui resta soumise jusqu’au 9 novembre 1494, date à laquelle elle se rebella, puis fut reconquise par les Florentins le 8 juin 1509. La cité souffrit beaucoup de cette guerre [Audebert (AO) I, 238 et comment., 312, n. 43].
474 Après 1406, la noblesse pisane disparut par assassinat et exil volontaire ou contraint (De Marinis 1949, 403).
475 Dès la fin du xve siècle, la cité de Pise s’appauvrit et perd des habitants (ibid.).
476 L’université fut fondée par Clément VI en 1343 ; après 1406 Laurent le Magnifique décida d’intégrer le Studium de Florence dans celui de Pise, qui devint un des grands centres d’Italie pour l’étude des disciplines scientifiques, mais aussi de la poésie, de la rhétorique et du droit (tandis que Florence conservait l’étude des langues classiques et orientales). En 1497, l’université de Pise fut transférée à Florence, et ne fut restaurée qu’en 1515, mais subit les conséquences des guerres. En 1543, le duc Cosme Ier procéda à sa refondation et attira désormais de nombreux étudiants étrangers, dont des Allemands (Dotzauer 1976, 96-97 ; Zonta 2004, 68-69). Audebert : “Il y a Université et sont les escholles, que l’on nomme la Sapienza, bastyes par le grand Cosmo, belles et quarrées, ornées de portiques au tour de la cour avec piliers de marbre, et au dessus y a un estage où y a galleries avec pareils piliers, et au tour sont les salles, bien amples, où se font les leçons” (c’est l’actuelle Facoltà di Giurisprudenza) [Audebert (AO) I, 239 et comment., 312, n. 44].
477 La cathédrale Santa Maria Maggiore (auj. S. Maria Assunta), commencée en 1063 (archit. : Buscheto, puis Rainaldo), pour célébrer une victoire sur les musulmans, a été consacrée par Gélase II en 1118. Ses portes de bronze, certainement anciennes (xiie siècle), provenaient d’Orient (de Jérusalem) disait-on ; elles périront dans l’incendie de 1595 et seront remplacées en 1602. Seule a échappé au feu la porta San Ranieri, de Bonanno Pisano [Audebert (AO) I, 239 et comment., 312, n. 45 ; Rothrauff 2004, 905].
478 Henri VII de Luxembourg (roi de Germanie en 1308, des Romains en 1309, d’Italie en 1310) est mort de la malaria le 24 août 1313 en Toscane (à Buonconvento), peu après son couronnement impérial (le 29 juin 1312), en assiégeant Sienne. Il a été inhumé dans un célèbre monument avec gisant par Tino da Camaino : “Ce sarcophage nullement négligeable contient les ossements d’Henri, jadis comte de Luxembourg, ensuite empereur des Romains et septième du nom ; ils ont été transportés au milieu des plus grands honneurs, deux jours après sa mort, le 25 juin 1315 (sic), à Pise, et, déposés dans une chapelle, ils y sont demeurés jusqu’à ce jour” (on notera l’erreur de date, bien présente sur la pierre) (Chytræus 1594, 298 ; Schneider 1926 et 1949 ; Kreytenberg 1984 ; Herzner 1990 ; Michalsky 2000, fig. 114 ; Rader 2006, 182, fig. 7, et 183).
479 Rabban Gamaliel l’Ancien était le chef des Pharisiens, président du Sanhédrin dans la première moitié du Ier s. p.C. et le maître de saint Paul. Il aurait embrassé secrètement le christianisme avec son fils Abidas et Nicodème. Leurs corps, retrouvés à Jérusalem, auraient été transportés à Constantinople au ve siècle, puis en Italie à l’époque des croisades. Stagio Stagi (1496-1563) est l’auteur de leur monument au Duomo de Pise (1532-1535) (Cassuto 1949 ; inscription relevée par Chytræus 1594, 301, où Nicodème est qualifié de filius et Abidas de nepos de Gamaliel ; sur Stagi : U. Thieme, F. Becker et al., Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, t. 31, 1937, 444).
480 L’illustre tour penchée (il Campanile) a été édifiée, pour célébrer une victoire navale, entre 1173 et 1360 (premier architecte : Bonanno Pisano). Son inclinaison a commencé dès 1174 et a été considérée par beaucoup comme une énigme. R. sacrifie à l’hypothèse absurde selon laquelle l’effet aurait été voulu par l’architecte [ce n’est pas l’opinion d’Audebert (AO) I, 240 ; ni de Schickhardt (AB), 105, par exemple].
481 Le Baptistère de Pise a été édifié à partir de 1153 (archit. : Diotisalvi) et richement orné de sculptures (Nicolà et Giovanni Pisano). Il fut achevé au début du xive siècle.
482 Le Campo Santo est le grand cimetière enclos et entouré d’une galerie de marbre qui fut édifié entre 1278 et 1464 (premier archit. : Giovanni di Simone) (Rothrauff 2004, 906). C’était le cimetière de l’élite pisane. Il était décoré de fresques des xive et xve siècles. Il a été détruit par les bombes le 27 juillet 1944, puis entièrement restauré.
483 R. s’inspire d’Alberti 1553, 26r. L’archevêque Ubaldo Lanfranchi, légat du pape, aurait fait transporter de Palestine, selon la tradition populaire, au retour de la croisade prêchée par Grégoire VIII (il s’agit de la troisième croisade, 1189-1192), ou lors de la quatrième croisade (1203), une cargaison de “terre sainte” destinée au cimetière de sa primatiale (certains disent : de la terre du Calvaire). Cependant la construction du Campo Santo remonte à 1278 seulement [Audebert (AO) I, loc. cit. et comment. 312, n. 49 ; Montaigne fait aussi allusion à ces événements : Garavini, éd. 1983, 317 et comment. 448 (n. 789) ; Carli & Arias 1937 ; De Marinis 1949, 400 ; Tolaini 1994 ; Mączak 2002, 328].
484 Matteo Curzio ou Corti (1475-1544 ?), médecin et homme de lettres, professeur à Pavie, Pise, Padoue et Bologne, médecin personnel de Clément VII et Cosme Ier. Son tombeau monumental (disparu) était l’œuvre d’Antonio di Gino Lorenzi da Settignano [Fendt 1574, pl. 37 ; Audebert (AO) I, 241 et comment. 312, n. 51 ; Carli & Arias 1937, 22 ; Schmitt 1985].
485 Filippo Decio, originaire de Desio en Milanais (1454-c. 1535) fut un grand juriste, élève de Giason del Maino à Pavie. Il a enseigné les droits civil et canon à Pise, Sienne, Padoue, Pavie et Valence (sur invitation de Louis XII). On lui doit, entre autres, un commentaire du Digeste. Son monument funéraire, réalisé dès 1527, est l’œuvre de Stagio Stagi. On peut y observer ses traits décharnés. Audebert lit à la fin : sibi fabricari curavit posteris suis hœred. [Fendt 1574, pl. 86 ; Chytræus 1594, 299 ; Ermini 1949 ; Michalski 1977, 114-115 (fig. 20-21) ; Audebert (AO) I, 241 et comment. 312, n. 52 (texte de l’épitaphe un peu différent de Fendt)].
486 Cette “image équestre” fait partie de l’extraordinaire fresque (5, 60 x 15 m) du Campo Santo (auj. au Salone degli affreschi) intitulée “Le triomphe de la mort”, naguère attribuée à Francesco Traini et désormais (depuis la publication de L. Bellosi en 1974) à Buonamico di Cristofano, dit Buffalmacco. Elle est datée de 1336-1341 et serait due à une commande des dominicains. Sur la partie gauche, parmi les jeunes aristocrates à cheval qui contemplent des sarcophages ouverts, on a depuis longtemps (cf. P. Giovio) proposé d’identifier Uguccione Fagio et Castruccio (ce dernier portant un faucon sur son poing gauche) (Bellosi 1974).
487 Uguccione della Faggiuola, capitaine du peuple puis seigneur de Pise en mars 1314, déposé le 10 avril 1316 († 1er nov. 1319). Il fut aussi chef gibelin de Lucques en 1314 (Picotti 1949).
488 Le vrai titre de l’édition en latin est le suivant : Giovio (Paolo), Elogia virorum bellica virtute illustrium veris imaginibus supposita, quœ apud Musœum spectantur, Florence, Lorenzo Torrentino, 1551. Nous avons utilisé la traduction italienne de Lodovico Domenichi (1554) : Uguccione della Fagiuola :... La sua effigia a cavallo con Castruccio a lato, c’ha nella sinistra un falcone da uccellare, si vede dipinta al naturale con pretiosi colorí, in Pisa net cimitero, che si chiama Camposanto (Giovio 1554, 74-75).
489 Castruccio Castracani degli Antelminelli (1281-1328), seigneur de Lucques de 1320 à 1328 ; il fascina Machiavel. Voir la note précédente (Lazzareschi 1949 ; Hale 1997).
490 C’est l’église San Nicola citée pour la première fois en 1097 (dotée d’un campanile de Nicolò Pisano en 1230), agrandie par les augustins entre 1297 et 1313.
491 Jean (Johann) de Souabe, duc d’Autriche et de Styrie (1290-1313) était le fils de Rodolphe II de Souabe, et le petit-fils de Rodolphe Ier de Habsbourg, premier roi de Germanie et des Romains (1273) issu de cette maison (mais jamais couronné empereur). Il fut surnommé “le parricide” après qu’il eut assassiné, le 1er mai 1308, son oncle Albert Ier de Habsbourg, frère de son père, roi de Germanie et duc d’Autriche (de 1298 à 1308), qui avait usurpé la part des terres des Habsbourg qui lui revenaient. Johann se retira chez les augustins de Pise où il mourut (Krones 1881 ; Brunner 1949). Le tombeau semble avoir disparu.
492 La Cittadella Nuova a été rénovée à partir de 1509 par Giuliano et Antonio da Sangallo dans un quadrilatère bastionné.
493 Les premiers tissus de soie qui firent la célébrité de Lucques sont attestés au xiiie siècle (Dini 1993 ; Spufford 2002, 248-251).
494 Lucques, commune libre dès le xie siècle, fut ensuite gouvernée par Castruccio Castracani, puis vassale de Pise et de Florence, enfin indépendante depuis 1369, mais sous la protection de la maison d’Autriche.
495 Les fortifications de Lucques furent édifiées aux xvie et xviie siècles (un Officio di Fortificazioni est créé en 1518). Longues de plus de 4 km, elles furent pourvues de bastions et couvertes d’arbres dans les années 40 du xvie siècle. Audebert : “la closture est de grosses murailles de brique, munyes de rempars par le dedans, les tours fortes et de mesme estoffe, et le tout environné de fossez à fond de cuve qui se peuvent en un instant emplir d’eau” [Audebert (AO) I, 244 ; voir aussi Schickhardt (AB), 175].
496 La cathédrale San Martina, fondée au vie siècle, a été rebâtie aux xie et xiie siècles [Audebert (AO) I, 245 et comment. 312, n. 3].
497 Lors de la guerre entre Lucques et Florence, le duc de Milan Francesco Sforza envoya Niccolò Piccinino (1375-1444) (Pieri 1949 ; Hale 1997b) au secours des Lucquois. Ses troupes défirent complètement sur le Serchio, le 2 décembre 1430, l’armée florentine commandée par Guid’Antonio de Montefeltro, duc d’Urbino. Pour le remercier, les Lucquois décidèrent de lui élever une statue équestre, mais se contentèrent finalement d’une peinture. Giovio :... sopra tutto havendo [Piccinino] egli difesa, & conservata fortissimamente la città di Lucca contro ία forza de Fiore(n)tini, i quali la combattevano. Per loqual beneficio gli ordinarono la memoria d’una statua à cavado, il cui simulacro perche non si gli potè far di bronzo, hoggi si vede anchora dipinto in piazza (Giovio 1554, 151 ; Mallett 1974, 94-95 ; Hudson 2006, 4-5).
498 Voir supra, n. 460.
499 En réalité Pistorium (Plin. 3.52).
500 Alberti évoque les due fattioni cioè i Bianchi, & Neri, & talmente fra se combatterono, che fovente ne rimasero molti uccisi, & più feriti (Alberti 1553, 37r). Vers 1300, les guelfes (Cancellieri) et les gibelins (Panciatichi) se sont affrontés. Les guelfes victorieux ne tardèrent pas à se diviser en Blancs et Noirs (Dante, Inferno, XXIV, de 121 à la fin), ce qui permit à Castruccio Castracani de dominer la ville en 1328. Florence aida ensuite les habitants à le chasser, mais ils ne supportèrent pas sa suprématie et se révoltèrent en 1343 contre les Florentins. Pistoia devint définitivement florentine en 1351.
501 La cathédrale San Zeno est attestée pour la première fois en 923 ; elle connut une reconstruction au début du xiie siècle, un incendie en 1202, des remaniements de sa façade de 1379 à 1449 et l’adjonction de décors par Andrea della Robbia en 1504-1505.
502 Il s’agit du magnifique autel d’argent dédié à saint Jacques : commencé en 1287, il fut travaillé pendant tout le xive siècle par des orfèvres de Florence, dont Brunelleschi et, peut-être, le jeune Donatello [Fichard (1536/37), 113 ; Ferrali s.d. ; Gai 1984].
503 R. a emprunté la via francesca delta Sambuca, l’un des tracés de la via (ou strata) Francigena publica constituta, route des pèlerins venus du nord vers Rome, ou de ceux qui se rendaient de Rome en France (et à Saint-Jacques de Compostelle). Elle reliait Pistoia à Bologne par la vallée du Reno. Une convention de 1298 entre ces deux cités en assurait la sécurité. Ce pourrait être une ancienne voie romaine, comme l’attestent les lieux-dits Quinto et Septimo (Foschi 1991 et 1992, en part. p. 21).
504 Spedaletto (commune de Pistoïa) est l’antique Pratum Episcopi (attesté dès 1090), siège d’un hospice (San Bartolomeo et Sant’Antonino), lieu d’accueil et de soins pour les pèlerins lié à une communauté monastique [Foschi 1991, 159 ; Baricchi, éd. 1999, 140, photo de Spedaletto avec l’église S. Bartolomeo].
505 Passo delta Coltina (alt. 932 m), sur la ligne de partage des eaux.
506 Lizzo, commune de Castel di Casio (prov. Bologne).
507 Lieu non identifié.
508 Sasso di Glosina (Sasso Marconi depuis 1937) : tire son nom du grand rocher dominant le confluent de la Setta et du Reno. Il contenait une grotte servant d’oratoire, aujourd’hui effondrée. Nous n’avons pas trouvé trace de culture du muscat (moscadel) au Sasso (-Marconi) à cette époque. Les plus célèbres muscats étaient alors produits en Toscane.
509 Le trajet Bologne-Venise effectué entre le 7 juin et le 15 août 1554 n’est pas détaillé : supra, III, entre les n. 222 et 223. En revanche, les étapes du voyage Venise-Bologne d’entre le 29 mars et le 3 avril de la même année sont énumérées supra, III, n. 150-169. On peut supposer que celui de décembre 1554 fut à peu près identique.
510 Accompagnaient R. depuis son départ de Bologne, le 26 août 1554, Christophe Brandes, Ernst von Rechenberg et Ludwig Bœcklin von Bœcklisau : supra, III, n. 223, 224 et 225.
511 Supra, III, n. 224.
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